Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-01-22
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 22 janvier 1885 22 janvier 1885
Description : 1885/01/22 (N5431). 1885/01/22 (N5431).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7542379r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/12/2012
}i fi- 5431 •— Jeudi 22 Janvier 1885 Le numéro: lOc. - Départements s IN e. 3 fluviôse an 93 — Ne 5431
ADMINISTRATION
58, RUE DE VALOIS, fa
ABONNEMENTS
ÏAPJS
Î&6ÏS mois .10 )>
Six mois. 20 »
1 DÉPARTEMENTS
! Trois mois. 13 50
I Sixmois. 27 A
.1.
- 1 ,/
.Adresser lettres et mandats f r
A M. ERNEST LEFÈvRB r'
1 c
am 1
REDACTION
S'adresser au. Secrétaire de la Réfaction
De 6 heures du soir
18, itue DE VALOIS, 18
Ces manuscrits non in séres ne seront as renlul
ANNONCES
D. Ch. LAGRANGE, CERF et GO
l 6, place de la Bourse, 6
LES ÉLECTIONS DU 2S
« Vous voilà battu, il ne vous man-
que plus que d'être content, » écrivait
Beaumarchais à un mari dont il avait
usurpé la femme et qu'il avait bâtonné
pour sa peine. Il ne manque rien aux
royalistes. Ils viennent d'être battus
dans l'Yonne, et ils sont contents. L'é-
lection du candidat républicain s'est
faite à deux mille voix de majorité :
« Cette élection, dit la Gazette de
France, témoigne d'un retour marqué
du pays vers les doctrines conserva-
trices. » — « Quand on n'a pas ce que
l'on aime, dit la chanson, il faut aimer
ce que l'on a. M
Tout en aimant les élections où ils
sont battus, les royalistes préféreraient
celles où ils battraient. Ils en auront
bientôt 1 Dimanche prochain? Non, di-
manche prochain, ce sont des élections
sénatoriales, et le Sénat n'inspire aux
royalistes qu'un profond mépris. Le
Sénat — c'est le Soleil qui parle —
« n'est pas un contrepoids, c'est un
poids mort ».
Les royalistes n'ont pas toujours eu
cette opinion du Sénat. Nous nous sou-
venons d'un temps où le Sénat était la
Chambre haute, la forteresse des saines
doctrines, l'arche où se sauverait la
société submergée sous le déluge des
idées subversives, etc. C'était le temps
où les royalistes espéraient que le pays
aurait le bon sens de ne nommer que
des sénateurs royalistes. Mais le
Hays a eu l'impertinence de ne nom-
mer que des sénateurs républicains.
Aussitôt le Sénat, qui était la perfec-
tion du régime représentatif, en est de-
venu l'infection.
Mais puisqu'il y a « un retour mar-
qué du pays vers les doctrines conser-
vatrices »1 Les royalistes doivent être
heureux de l'occasion que leur offrent
les électioD6 de dimanche prochain.
Quatrevingts sénateurs à nommer d'un
coup! Plus du quart du Sénat! Les
royalistes n'ont qu'à dire ce qu'ils sont
pour que les électeurs leur ouvrent à
deux battants toutes les portes du
Luxembourg. Pourquoi ceux de. leurs
candidats qui ne désertent pas la lutte
s'abstiennent-ils de ce Sésame, ouvre-toi :
Je suis royaliste? Pourquoi bouton-
nent-ils leur opinion et ne montrent-ils
pas plus leur royalisme que leur der-
rière? Pourquoi tout le parti a-t-il l'œil
morne et la tête baissée des coursiers
qui se conforment à la triste pensée
d'Hippolyte, et se rogarde-t-il déjà
comme dévoré par le monstre du radi-
calisme ?
Pourquoi les royalistes n'engagent
pas leur drapeau dans les élections de
dimanche et renoncent à y vaincre?
Parce que « les élections sénatoriales
sont frelatées ». Parce que la loi nou-
velle y a versé trente mille électeurs de
plus.
Personne ne s'étonnera que l'ad-
jonction de trente mille électeurs frelate
"---
le suffrage sénatorial aux yeux de ceux
qui ont trouvé que l'adjonction de dix
mille frelatait assez le suffrage censi-
taire pour leur faire aimer mieux sauter
avec leur monarchie que de s'y résigner.
Mais ce qui rend la chose bizarre,
c'est qu'en même temps qu'ils déclarent
les élections du 25 janvier nulles et
non avenues parce qu'elles auront trente
mille électeurs de plus que les précé-
dentes, les royalistes en appellent aux
élections qui , dans quelques mois,
ajouteront, non pas trente mille élec-
teurs, mais dix millions. A bas le suf-
frage sénatorial, vive le vrai suffrage
universel ! est un cri bien drôle à la
bouche du parti dont un porte-parole
disait lorsqu'ils ont inventé ce Sénat
qu'ils traînent aujourd'hui dans la
boue :
« Une nation est livrée à toutes les
surprises, à toutes les aventures, quand
les volontés de la majorité numérique
des citoyens peuvent faire la loi à tous
les intérêts, les dominer ou les oppri-
mer. Or, le suffrage universel n'est que
le porte-voix des volontés du plus
grand nombre, et comme il n'est pas, à
coup sûr, infaillible de sa nature, il est
nécessaire qu'il puisse être mis hors
d'état de nuire à la minorité. »
C'est pourquoi il fallait « un corps
électoral d'élite, composé de tout ce
qui, par le mérite, par l'expérience,
par les services rendus, par la fortune
acquise, s'élève au-dessus du suffrage
universel » pour nommer un Sénat au-
quel, dès lors, la Chambre serait aussi
inférieure que le suffrage universel le
serait au corps électoral d'élite.
Et aujourd'hui le corps électoral
d'élite n'est plus rien auprès de « la
majorité numérique », et c'est des « vo-
lontés du plus grand nombre » que
nous menacent ceux qui renient les
électeurs sénatoriaux parce que le
nombre en a été augmenté. — Ah ! s'é -
crient-ils, « le jour où le suffrage univer-
sel enverra une majorité monarchique
à la Chambre des députés, la monar-
chie sera faite. » Le jour où le ciel
tombera, il y aura bien des alouettes
de prises. Mais le ciel tombe rarement.
Leurs menaces nous font bien rire.
La fanfaronnade est facile à distance.
Tout ce que signifie le rendez-vous que
la réaction nous donne aux élections
futures, c'est qu'elle tremble devant les
élections présentes. La forfanterie dont
elle orne sa fuite est celle des roquets
qui, au premier pas sur eux; décam-
pent en jappant plus fort : c'est de
l'aboiement à reculons.
AUGUSTE VACQUERIE.
COULISSES DES CHAMBRES
On sait aujourd'hui- que les contre-pro-
positions opposées par la France aux pro-
positions anglaises pour le règlement de la
question égyptienne comportent, comme
point principal-, la substitution de la ga
rantie collective de l'Europe à la garantie
exclusive de l'Angleterre pour l'emprunt
de liquidation que l'Egypte devra contrac-
ter.
La France, d'accord avec l'Autriche, la
Russie et l'Allemagne, propose de porter
cet emprunt à 225 millions. La garantie
de l'Europe et par suite de chacune des
1
puissances contractantes porterait par
conséquent sur une annuité de huit mil-
lions.
Si l'accord se fait entre les puissances
sur cette base, il ne pourra devenir défi-
nitif qu'après qu'il aura été ratifié par les
Chambres dans celles des puissances con-
tractantes où existe le régime parlemen-
taire et particulièrement en France.
La convention rentrerait, en eflet, dans
la catégorie de celles qui engagent les
finances du pays et qui à ce titre ne de-
viennent définitives, aux termes de la Cons-
titution, qu'après avoir été approuvées par
le Parlement.
Ea dehors des interpellations qui auront
lieu à la rentrée, la Chambre aura donc
une seconde occasion de se prononcer sur
le règlement de la question égyptienne si
les négociations avec l'Angleterre abou-
tissent-à un résultat effectif.
—o—
En attendant le vote définitif de la loi
nouvelle sur les incompatibilités, c'est, on
le sait, la loi régissant actuellement les
députés qui sera appliquée aux sénateurs
aux élections de dimanche prochain.
Par un hasard curieux, il se trouve que
cette loi aura peu de cas d'application
dimanche prochain, la plupart des séna-
teurs pourvus de fonctions publiques ne
faisant pas partie de la série sortante.
Parmi les sénateurs sortants, il y en a
cinq qui sont atteints par la loi : M. le
docteur Charles Robin (Ain), M. Gayot
(Aube), M. Mazeau (Côte-d'Or;, M. Malens
(Drôme), et M. le général de Lajaille (Gua-
deloupe).
Pour M. Malens, premier président de
la cour de Grenoble, et pour M. le général
de Lajaille, qui est en activité de service,
il y a actuellement plus qu'incompatibi-
lité, il y a inéligibilité absolue, M. Malens,
en effet, est sénateur d'un département
compris dans le ressort de sas fonctions;
il aurait donc dû, pour pouvoir être réélu,
donner sa démission de ses fonctions judi-
ciaires six mois avant l'élection. Quant, au
général de Lajaille, il est inéligible en vertu
de la loi qui interdit aux militaires en acti-
vité de service le mandat législatif ou sé-
natorial.
Quant aux trois autres sénateurs : M. le
docteur Robin, professeur à la faculté
de médecine de Paris; M. Mazeau, con-
seiller à la cour de cassation, et Al. Gayot,
juge au tribunal de la Seine, ils ont an-
noncé qu'ils se démettraient de leurs fonc-
tions s'ils étaient réélus sénateurs.
En ce qui concerne les candidats, six
seulement sont dans des cas d'incompa-
tibilité :
M. Cornil, professeur à la faculté de
médecine de Paris, candidat dans l'Al-
lier.
M. Maruejouls, conseiller de préfecture
de la Seine, candidat dans l'Aveyron.
M. Léopold Gravier, trésorier général,
candidat dans le Calvados.
M. Peaudecerf, préfet de l'Indre, can-
didat dans le Cher.
M. de Corsi, conseiller à la cour de
Bastia, candidat en Corse.
M. le contre-amiral Bourgeois , con-
seiller d'Etat, candidat dans le Finis-
tère.
M. Peaudecerf, devançant l'élection, 'a
donné sa démission de préfet. Les autres,
s'ils sont élus sénateurs, devront se dé-
mettre également de leurs fonctions.
Les journaux réactionnaires eux-mêmes
sont honteux du rôle que jouent leurs
candidats dans les élections sénatoriales..
Voici comment le Soleil apprécie la
prudence avec laquelle MM. de Broglie,
Bocher, etc., évitent de prononcer le mot
monarchie :
i A lire la plupart des circulaires électorales,
on dirait qu'il n'y a en jeu que des personnes ;
on ne se douterait pas qu'il s'agit d'élire les
membres d'une assemblée appelee à jouer un
rôle politique et à exercer une influence poli-
tique.
Les monarchico-cléricaux ne sont pas
moins sévères que les orléanistes. Nous
lisons dans l'Univers :
On aurait tort de nous demander soit d'at-
tendre de grands résultats de cette lutte, soit
d'approuver la manière dont la conduisent les
conservateurs, surtout les royalistes. Nous
avons même de formelles réserves à faire sur
ce dernier point. En effet, les chefs ou me-
neurs des divers groupes ont cru très habile
de marcher au combat drapeau en poche. Ils
tiennent contre le régime actuel de durs et
justes propos, ils écrivent de bonnes généra-
lités en l'honneur des intérêts de l'ordre et de
la religion ; mais quant à préciser leurs doc-
trines, à dire nettement ce qu'ils veulent, ils
s'en gardent bien. La crainte des principes
absolus et des affirmations carrées est pour
( ux le commencement et la fin de la sagesse
politique.
S'il y a eu ç\ et là quelques paroles visant
plus ou moins les questions doctrinales, elles
ont été louches ou même mauvaises.
Drapeau en poche, circulaires louches,
voilà où en sont réduits, de l'aveu de
leurs journaux, ceux qui disent : le pays
est avec nous !
JUSTES ELOGES
On continue à n avoir que des don-
nées très vagues sur le procédé destiné,
dans les intentions du nouveau mi-
nistre de la guerre, à rendre inutile la
création d'une armée coloniale. Le
Temps avait donné hier, sur ce qu'il
faut entendre par « la petite mobilisa-
tion », des informations qui étaient en
partie extraordinaires, en partie incom-
préhensibles. Une autre feuille minis-
térielle, le Paris, nous apprend ce soir
qu'il n'y a rien d'exact dans les ren-
seignements en question. Nous n'en
sommes pas surpris, mais nous ne
sommes pas beaucoup plus avancés.
Mais si nous restons dans la plus
complète incertitude relativement anx
projets du successeur de M. le général
Campenon, nous sommes, au contraire,
parfaitement édifiés sur l'impression
produite, de l'autre côté des Vosges,
par le discours du nouveau collègue de
M. Jules Ferry,
Voici, en effet, comment la National
Zeitung de Berlin apprécie la dernière
séance de la Chambre et le langage du
général- Lewal :
La journée du 14 a été encore une journée
néfaste pour l'opposition dans la Chambre des
députés français.
En effet, le seul résultat de cette interpella-
tion a été de fournir au cabinet l'occasion de
montrer au pays combien il se sentait assuré
de l'appui de la majorité de la nation.
Fort des crédits qui lui avaient été accordés
et du vote de la Chambre qui exigeait qu'une
cnçrgique impulsion fût donnée aux opéra-
tions militaires dans le Tonkn. M. Jules Ferry
a refusé de rouvrir Un débat qui était depuis
longtemps épuisé et clos.
Les déclarations faites ensuite par le nou-
veau ministre de la guerre révèlent aussi,
dans leur concision toute militaire, un grand
sentiment de sécurité. Le vote qui a suivi a
complété la déroute de l'interpellant. La sin-
cérité avec laquelle, pour la première fois de-
puis 1870, un ministre de la guerre français a
osé dire que l'armée française réorganisée,
cette « fille de Gambetta », devait servir en-
core à autre chose qu'à une guerre éventuelle
de revanche contre l'Allemagne, prouve que
le gouvernement, en formulant cette appré-
ciation, croit être l'interprète de la pensée et
des senti nents de la nation.
Cela posé, si le cabinet français s'apprête à
frapper un grand coup cont e la Chine, il ne
peut le faire qu'à la condition de renoncer
jusqu'à nouvel ordre à des plans d'agression
en Europe et aussi, ne l'oublions point, par ce
motif qu'il est certain qu'on ne lui suscitera
aucune difficulté. Or, cette conviction ne peut
que lui assurer la bonne entente avec l'Alle-
magne. Telle est iogiquement et nécessaire-
ment l'idée qui a servi de base aux déclara-
tions du ministre de la guerre français. Or, en
ce qui concerne la guerre de revanche, gagner
du temps, c'est gagner sinon tout, du moins
beaucoup.
Tout commentaire affaiblirait la por-
tée de ces éloges du journal allemand,
et l'on reconnaîtra sans doute que, si
la joie des officieux d'outre-Rhin est
complètement motivée, l'étonnement
et la tristesse manifestés par toute la
presse française indépendante, au len-
demain de cette déplorable séance n'é-
taient pas moins justifiés. C'était, en
effet, comme le dit très bien la feuille
allemande, c'était la première fois de-
puis 1870 qu'un ministre de laj guerre
conseillait à l'armée d'oublier un peu
la frontière, d'en détourner un peu les
yeux. Nous n'ajouterons qu'un mot : si
à cette politique de dispersion et d'a-
venture nos voisins gagnent tout,
comme ils le disent, qu'est-ce que la
France y peut donc gagner?
A. GAULIER.
LE COMBAT DU JARDIN DES PLANTES
Un différend est pendant en ce moment
devant le ministre de l'instruction publi-
que, pour la solution duquel il ne faudra
pas moins à M. Fallières que tout le tact
de Nestor (rien de notre confrère du Gil
Blas) uni à toute la prudence de Salomon.
, Il ne s'agit d'ailleurs ni des armes
d'Achille comme dans l'Iliade, ni de la
possession d'un enfant comme dans la
Bible, ni même d'un vieil Antiphonaire à
loger dans le chœur, comme dans le Lu-
trin; le débat roule sur l'attribution de
deux baraques en planches attenant au
Muséum.
Pour bien comprendre la gravité de la
question qui vient si inopinément et si
malheureusement de jeter la discorde
dans le grand établissement scientifique
troublé seulement par les rares rugisse-
ments d'un fauve ou les bâillements des
crocodiles, il faut vous dire que pendant
de longues années l'anatomie comparée
et la paléontologie ont été réunies en une
seule et même chaire dont le titulaire
était M. Georges Pouchet. Dans ces der-
niers temps, on jugea que la paléontolo-
gie était un enseignement spécial et, avec
l'aveu de M. Pouchet, la chaire fut scin-
dée en deux. M. Pouchet garda l'anatomie
comparée ; la paléontologie fut donnée à
M. Gaudry.
Cette mesure, qui paraît toute simple et
fort raisonnable, était grosse de périls,
comme on va le voir. Il n'y a pas de
chaire sans collections ; M. Gaudry s'en
fit une; mais pour loger une collection,
il faut un local. Pendant quelques se-
maines, M. Gaudry se contenta de la belle
étoile; mais il ne tarda pas à s'apercevoir
que le vent, l'humidité, la pluie dégra-
daient ses mégathériums, que ses icthyo-
saures s'accommodaient mal du plein air,
et que bientôt, si on persistait dans ce
régime, ce serait fait à tout jamais de ses
ptéro-dactyles. M. Gaudry demanda à ses
collègues de faire une petite place à ses
grosses bêles, ce à quoi ceux-ci consen-
tirent très volontiers.
Vous n'êtes pas sans avoir remarqué
que ce qui nous coûte le moins à donner,
c'est ce qui ne nou s appartient pas. Fidèles
à cette règle, MM. Gervais, Frémy, Milne-
Edwards, etc., dirent à M. Gaudry : « Vous
avez besoin de deux salles pour y loger
vos élèves; eh bien, prenez celles. de M.
Pouchet. »
Tout le monde approuva cette combi-
naison, sauf M. Pouchet, qui a sans doute
mauvais caractère et rédigea une protes-
tation qu'il expédia rue de Grenelle.
Mais, en attendant la décision ministé-
rielle, à qui seraient les baraques? M.
Gaudry et M. Pouchet crièrent naturelle-
ment à l'unisson : « A moi ! »
Le directeur du Muséum donna raison
à M. Gaudry qui, aidé de son garçon de
laboratoire, se met en devoir de déména-
ger los collections de son rival et de rempla-
cer les fœtus et les squelettes par des
mastodontes et des cétacés. M. Pouchet,
informé du sacrilège, accourt et enjoint
aux profanateurs de sortir. Ceux-ci de-
meurent , une altercation s'élève. Au
bruit, les vieux messieurs, les militaires
et les bonnes d'enfants du jardin des
Plantes se précipitent; les uns prennent
fait et cause pour la paléontologie, les
autres pour l'anatomie comparée; on en
vient aux mains, les tibias volent dans
l'espace, on se jette à la tête les bocaux
d'esprit de vin. Finalement, les Pouche-
tistes ont le dessous. Furieux de leur
échec, altérés de vengeance, ils se répan-
dent dans le jardin. L'un d'eux, pris d'une
inspiration diabolique, s'écrie : « Si nous
lâchions la ménagerie ! »
Lâcher la ménagerie, c'était victoire
assurée, les Gaudristes à jamais confon-
dus et exécutés, mais à quel prix, mon
Dieu l M. Pouchet vit dans une sorte de
vision apocalyptique toutes cette armée de
hyènes, ours, jaguars, tigres, lions, pan-
thères, serpents, caïmans, macaques, lâ-
chée dans Paris, poursuivant une foule af-
folée, semant partout la terreur et le car-
nage.
— Non, dit-il, maudite soit une telle
victoire, j'aime mieux récrire à M. Fal-
lières.
Et il a récrit. Nous aimons à croire qle
le ministre lui saura gré de cette modé-
ration.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
La réunion privée organisée par le
groupe des délégués opportunistes de la
Seine a eu lieu hier, non pas dans la soi-
rée, comme on l'avait annoncé, mais dans
l'après-midi.
Il faut croire qu'un contre ordre avait
été donné au dernier moment, car plu-
sieurs électeu sénatoriaux n'en sont pas
moins venus ce soir, à huit heures, à la
salle Saint-Jean.
Malgré ce changement d'heure, nous
pouvons donner à nos lecteurs un compte-
rendu de cette réunion, qui a été très
courte. A deux heures, la séance était
ouverte sous la présidence de M. Hérisson,
député, assisté de MM. Léopold Auguste
et Hennape. assesseurs, Muzet, secrétaire.
M. Strauss est monté immédiatement à
la tribune pour inviter la réunion à se pro-
noncer définitivement sur le choix d'un
candidat qu'il est de toute nécessité, a-t-il
ajouté, d'opposer au candidat radical.
Puis, M. Spuller a pris la parole pour an-
noncer que, dans une réunion tenue à la
salle Burg, rue du Temple, il y a quelques
heures, le comité qui avait présidé à sa
réélection à la Chambre, l'avait autorisé à
se laisser porter candidat au Sénat. M.
Spuller a terminé en laissant enten-
dre qu'il accepterait si la réunion le dési-
gnait.
On a voté après ce discours et, à l'una-
nimité moins sept voix, M. Spuller a ét6
désigné par les cent cinquante délégués
comme le candidat du groupe opportu-
niste.
LES ON-DIT
L'Exposition de i889.
La séance que la sous-commission des
constructions a tenue hier matin au minis-
tère du commerce a été des plus labo-
rieuses.
Abordant le côté financier de l'entre-
prise, la sous-commission a entendu la
lecture d'un long travail, présenté par
M. Alpband, et duquel il résulte que la
prochaine exposition universelle occasion-,
nera une depense totale évaluée à 56 mil-
lions de francs.
La sous-commission des finances et la
sous-commission des constructions, réu-
nies, tiendront séance, jeudi 22 janvier,
pour traiter à fond cette question.
Dans la séance d'hier, on a examiné
huit projets différents de constructions à
élever au Champ de Mars.
-2?
t »
A propos d'Edmond About.
On était aux plus mauvais jours du
Seize-Mai. Le XIX" Siècle cita un mot
abominable qu'il disait avoir été prononcé.
par M. le duc de Broglie : « La guerre ci-
vile, ces mots me font venir l'eau à la bou-
che M, M. de Broglie écrivit à M. About la
lettre suivante :
Monsieur le rédacteur,
On me communique le numéro du XTXe Siê~
cle de ce matio, où vous rapportez un propos
Feuilleton du RAPPEL
DU 22 JANVIER
20
LE
SANG BLEU
6
X VI (suite)
Guillaumanche avait bien prévu que
Nicole n'apprendrait pas son mariage sans
chagrin, mais il n'avait pas cru à cette
crise de douleur ; bouleversé par ce cri, il
restait penché sur elle, ne trouvant rien à
dire.
Elle,pleurait toujours par saccades, fai-
sant bien manifestement des efforts pour
se retenir. :
(Traduction interdite; reproduction auto-
risée pour les journaux qui ont un traité avec
la Société des gens de lettres, mais après la
fin do la publication en feuilleton dans le
Rappel.) i
Voir le Rappel du 2 au 21 iaavîor,
— Oh î Nicole, quelle peine tu me fais,
dit-il avec un accent où il y avait plus de
désolation que de reproche.
— Pardonne-moi, oh I papa. pardonne-
moi ; si tu savais.
Et les sanglots lui coupèrent la parole.
— Si je savais, quoi ?
Elle voulut répondre à cette interroga-
tion, mais il ne sortit de sa gorge que des
mots entrecoupés, inintelligibles.
— Je te fais de la peine. je te fais de
la peine.
— Je voudrais que tu fusses plus rai-
sonnable.
— Je le serai, je t'assure que je le serai ;
il faut me pardonner, c'est la surprise ;
j'aurais tant voulu ne pas te faire de peine;
je m'habituerai, je te promets ; bien sûr
tu as raison, il ne faut pas que tu sois
seul ; si je mourais, tu serais seul, c'est
vrai, je n'avais pas pensé à cela; j'y pense
maintenant, je vois combien tu as raison.
Elle refoula un dernier sanglot, et, avec
la manche de sa chemise de nuit s'es-
spyant les yeux, elle s'efforça de .sourire
en regardant son père. -
- Bfëa sûr, tu as raison, répéta-t-
elle.
Se soulevant, elle se pendit à son cou
en l'embrassant ; mais elle s'était trompée
sur la force de sa volonté; comme il l'em-
brassait aussi, elle repartit à pleurer.
- Ecoute-moi, dit-il en lui passant dou-
cernent la main sur les cheveux, et tu
verras que tu n'es pas raisonnable de te
désoler ainsi.
— C'est de t'avoir fait de la peine que je
me désole.
— Ce ne sont pas uniquement des con-
sidérations personnelles qui m'ont décidé
à un nouveau mariage, et si je n'avais pas
pensé qu'il te serait utile à toi.
- Utile à moi !
- Je t'affirme que je ne l'aurais pas
accepté; pour moi seul, je ne me serais
pas marié.
La curiosité fit ce que la volonté n'avait
pas obtenu, les larmes de Nicole s'arrêtè-
rent ; elle ne pensa plus qu'à écouter, à
comprendre ; elle avait foi en son père et
n'admettait pas que ce qu'il disait pût
n'être pas vrai, mais ce qu'il disait, elle
ne le comprenait pas : c'était pour elle
qu'il se mariait ; pour elle !
— Il ne faut pas t'imaginer, mon en-
fant, que nous sommes toujours ce que
nous étions rue Claude-Vellefaux, au
temps où tu aimes à te reporter.
— Nous étions si heureux 1
- jJn grand fait s'est passé depuis ce
temps ; en héritage nous est tombé du
ciel ; alors îîOùV étions maîtres de nous ;
maintenant c'est cet héritage qui est notre
maître; si cette fortune bous appartient, j
nous lui appartenons aussi, êll nous im- |
pose des devoirs que nous devons rem-
plir. Riche, et tu es riche, très riche, il
faut que tu apprennes à faire usage de ta
richesse, et que tu aies la vie, les habitudes,
les manières, les idées d'une fille riche.
Qui te les donnera, ces habitudes et ces
idées? Moi je ne suis qu'un parvenu et je
n'ai pas reçu cette éducation.
- La générale.
- La générale est une déclassée, et,
aux yeux du monde, ceux qui sont tom-
bés du rang qui était le leur sont aussi
ridicules que ceux qui ont été élevés par
le hasard à un rang qui ne leur appartient
pas. C'est un métier que d'être riche et
qui ne s'improvise pas pis que n'importe
quel autre métier; il faut l'apprendre;
ceux qui croient le savoir sans l'avoir ap-
pris ne font que des sottises qui los Jen"
de 1t un objet de risée et les paraiysôûi
dans ce qu'ils entreprennent de bien ou
de bon. S'il y a une grammaire pour ap-
prendre l'orthographe à ceux qui ne
la savent pas, il n'y en a point pour
enseigner la science de la vie et du
monde à ceux qui, l'ignorent. C'est par
des leçons vivantes qu'on reçoit cette
spience difficile et compliquée, c'est par
un contact journalier avec couz qui les
pratiquent. La femme que j'ai choisie te
formera à cette science, non par des i-
çons plus ou moins ennuyeuses comme le
Dourraient être celles d'une institutrice,
»
mais par l'exemple ; non en te tourmen-
tant, mais en t'amusant ; notre vie n'est
pas toujours bien gaie.
- Mais si.
— Elle n'est pas ce que devrait être
celle d'une fille de ton âge, de ta condi-
tion, et surtout celle de l'âge que tu auras
bientôt : à une jeune fille de quinze
ans.
- Je n'ai pas quinze ans.
- Quand tu les auras, il te faudra des
distractions mondaines que je ne peux pas
te donner ; il faudra te conduire dans des
réunions, dans des fêtes où je serais
déplacé et où nécessairement nous n'irions
pas, ce qui serait aussi préjudiciable à tes
plaisirs qu'à tes intérêts, au moins à ceux
de ton mariage qui pour une fille riche
comme tu le seras doit se faire dans un
certain monde. C'est dans ce monde, c'est
dans ce milieu qui m'est fermé, que t'in-
trCîlulrc Mlle de Colbosc.
— Ah !. p'est Mlle de Colbosc !
\- - Pouvais-jé faire un meilleur choix ?
Plus tard, quand tu ponnaîtras la vie, tu
seras fière d'avoir Mlle uC Colbosc pour
belle-mère, et présentemenf, c'est-à-dire
après notre mariage, tu en seras heu-
reuse, car elle ne tardera pas à gagner
ton cœur. Elle a déjà pour toi une tendré :
sympathie qui se changera bien vite en
affection. Je l'ai interrogée à ton sujet, et
ce Stîijt ses propres paroles que je te rao-
porte. Quant à toi, il m'a semblé que tu
étais attirée vers elle, qu'elle te plaisait.-
- Je ne savais pas.
— Si elle te plaisait quand elle ne
t'était qu'une étrangère, il n'y a pas, il n'y
aura pas de raisons pour qu'elle ne te
plaise pas, pour que tu ne l'aimes pas
quand elle sera ta belle-mère, car je con-
nais les qualités de son cœur, et je suis
sûr qu'elle sera pour toi aussi bonne que
tendre. Quant à toi, je compte que ta
seras pour elle la brave petite fille que ta
es réellement, et je te demande comme
une marque d'affection, la plus grande
que tu puisses me donner, de tout faire
de ton côté pour que nous soyons tous
heureux.
- Sois tranquille, cher papa, je ne
te ferai plus jamais de peine, je te le pro-
mets.
Elle se jeta à son cou et le serra dans
une longue étreinte en l'embrassant.
— Tu vois, je ne pleure plus ; je ne pleu- i.
rerai plus.
- Ta vas dormir.
- Oh r oui dormir. dormir; bonsoir
papa, bonne nuit.
HECTOR M A LOT.
(A suivre,\
ADMINISTRATION
58, RUE DE VALOIS, fa
ABONNEMENTS
ÏAPJS
Î&6ÏS mois .10 )>
Six mois. 20 »
1 DÉPARTEMENTS
! Trois mois. 13 50
I Sixmois. 27 A
.1.
- 1 ,/
.Adresser lettres et mandats f r
A M. ERNEST LEFÈvRB r'
1 c
am 1
REDACTION
S'adresser au. Secrétaire de la Réfaction
De 6 heures du soir
18, itue DE VALOIS, 18
Ces manuscrits non in séres ne seront as renlul
ANNONCES
D. Ch. LAGRANGE, CERF et GO
l 6, place de la Bourse, 6
LES ÉLECTIONS DU 2S
« Vous voilà battu, il ne vous man-
que plus que d'être content, » écrivait
Beaumarchais à un mari dont il avait
usurpé la femme et qu'il avait bâtonné
pour sa peine. Il ne manque rien aux
royalistes. Ils viennent d'être battus
dans l'Yonne, et ils sont contents. L'é-
lection du candidat républicain s'est
faite à deux mille voix de majorité :
« Cette élection, dit la Gazette de
France, témoigne d'un retour marqué
du pays vers les doctrines conserva-
trices. » — « Quand on n'a pas ce que
l'on aime, dit la chanson, il faut aimer
ce que l'on a. M
Tout en aimant les élections où ils
sont battus, les royalistes préféreraient
celles où ils battraient. Ils en auront
bientôt 1 Dimanche prochain? Non, di-
manche prochain, ce sont des élections
sénatoriales, et le Sénat n'inspire aux
royalistes qu'un profond mépris. Le
Sénat — c'est le Soleil qui parle —
« n'est pas un contrepoids, c'est un
poids mort ».
Les royalistes n'ont pas toujours eu
cette opinion du Sénat. Nous nous sou-
venons d'un temps où le Sénat était la
Chambre haute, la forteresse des saines
doctrines, l'arche où se sauverait la
société submergée sous le déluge des
idées subversives, etc. C'était le temps
où les royalistes espéraient que le pays
aurait le bon sens de ne nommer que
des sénateurs royalistes. Mais le
Hays a eu l'impertinence de ne nom-
mer que des sénateurs républicains.
Aussitôt le Sénat, qui était la perfec-
tion du régime représentatif, en est de-
venu l'infection.
Mais puisqu'il y a « un retour mar-
qué du pays vers les doctrines conser-
vatrices »1 Les royalistes doivent être
heureux de l'occasion que leur offrent
les électioD6 de dimanche prochain.
Quatrevingts sénateurs à nommer d'un
coup! Plus du quart du Sénat! Les
royalistes n'ont qu'à dire ce qu'ils sont
pour que les électeurs leur ouvrent à
deux battants toutes les portes du
Luxembourg. Pourquoi ceux de. leurs
candidats qui ne désertent pas la lutte
s'abstiennent-ils de ce Sésame, ouvre-toi :
Je suis royaliste? Pourquoi bouton-
nent-ils leur opinion et ne montrent-ils
pas plus leur royalisme que leur der-
rière? Pourquoi tout le parti a-t-il l'œil
morne et la tête baissée des coursiers
qui se conforment à la triste pensée
d'Hippolyte, et se rogarde-t-il déjà
comme dévoré par le monstre du radi-
calisme ?
Pourquoi les royalistes n'engagent
pas leur drapeau dans les élections de
dimanche et renoncent à y vaincre?
Parce que « les élections sénatoriales
sont frelatées ». Parce que la loi nou-
velle y a versé trente mille électeurs de
plus.
Personne ne s'étonnera que l'ad-
jonction de trente mille électeurs frelate
"---
le suffrage sénatorial aux yeux de ceux
qui ont trouvé que l'adjonction de dix
mille frelatait assez le suffrage censi-
taire pour leur faire aimer mieux sauter
avec leur monarchie que de s'y résigner.
Mais ce qui rend la chose bizarre,
c'est qu'en même temps qu'ils déclarent
les élections du 25 janvier nulles et
non avenues parce qu'elles auront trente
mille électeurs de plus que les précé-
dentes, les royalistes en appellent aux
élections qui , dans quelques mois,
ajouteront, non pas trente mille élec-
teurs, mais dix millions. A bas le suf-
frage sénatorial, vive le vrai suffrage
universel ! est un cri bien drôle à la
bouche du parti dont un porte-parole
disait lorsqu'ils ont inventé ce Sénat
qu'ils traînent aujourd'hui dans la
boue :
« Une nation est livrée à toutes les
surprises, à toutes les aventures, quand
les volontés de la majorité numérique
des citoyens peuvent faire la loi à tous
les intérêts, les dominer ou les oppri-
mer. Or, le suffrage universel n'est que
le porte-voix des volontés du plus
grand nombre, et comme il n'est pas, à
coup sûr, infaillible de sa nature, il est
nécessaire qu'il puisse être mis hors
d'état de nuire à la minorité. »
C'est pourquoi il fallait « un corps
électoral d'élite, composé de tout ce
qui, par le mérite, par l'expérience,
par les services rendus, par la fortune
acquise, s'élève au-dessus du suffrage
universel » pour nommer un Sénat au-
quel, dès lors, la Chambre serait aussi
inférieure que le suffrage universel le
serait au corps électoral d'élite.
Et aujourd'hui le corps électoral
d'élite n'est plus rien auprès de « la
majorité numérique », et c'est des « vo-
lontés du plus grand nombre » que
nous menacent ceux qui renient les
électeurs sénatoriaux parce que le
nombre en a été augmenté. — Ah ! s'é -
crient-ils, « le jour où le suffrage univer-
sel enverra une majorité monarchique
à la Chambre des députés, la monar-
chie sera faite. » Le jour où le ciel
tombera, il y aura bien des alouettes
de prises. Mais le ciel tombe rarement.
Leurs menaces nous font bien rire.
La fanfaronnade est facile à distance.
Tout ce que signifie le rendez-vous que
la réaction nous donne aux élections
futures, c'est qu'elle tremble devant les
élections présentes. La forfanterie dont
elle orne sa fuite est celle des roquets
qui, au premier pas sur eux; décam-
pent en jappant plus fort : c'est de
l'aboiement à reculons.
AUGUSTE VACQUERIE.
COULISSES DES CHAMBRES
On sait aujourd'hui- que les contre-pro-
positions opposées par la France aux pro-
positions anglaises pour le règlement de la
question égyptienne comportent, comme
point principal-, la substitution de la ga
rantie collective de l'Europe à la garantie
exclusive de l'Angleterre pour l'emprunt
de liquidation que l'Egypte devra contrac-
ter.
La France, d'accord avec l'Autriche, la
Russie et l'Allemagne, propose de porter
cet emprunt à 225 millions. La garantie
de l'Europe et par suite de chacune des
1
puissances contractantes porterait par
conséquent sur une annuité de huit mil-
lions.
Si l'accord se fait entre les puissances
sur cette base, il ne pourra devenir défi-
nitif qu'après qu'il aura été ratifié par les
Chambres dans celles des puissances con-
tractantes où existe le régime parlemen-
taire et particulièrement en France.
La convention rentrerait, en eflet, dans
la catégorie de celles qui engagent les
finances du pays et qui à ce titre ne de-
viennent définitives, aux termes de la Cons-
titution, qu'après avoir été approuvées par
le Parlement.
Ea dehors des interpellations qui auront
lieu à la rentrée, la Chambre aura donc
une seconde occasion de se prononcer sur
le règlement de la question égyptienne si
les négociations avec l'Angleterre abou-
tissent-à un résultat effectif.
—o—
En attendant le vote définitif de la loi
nouvelle sur les incompatibilités, c'est, on
le sait, la loi régissant actuellement les
députés qui sera appliquée aux sénateurs
aux élections de dimanche prochain.
Par un hasard curieux, il se trouve que
cette loi aura peu de cas d'application
dimanche prochain, la plupart des séna-
teurs pourvus de fonctions publiques ne
faisant pas partie de la série sortante.
Parmi les sénateurs sortants, il y en a
cinq qui sont atteints par la loi : M. le
docteur Charles Robin (Ain), M. Gayot
(Aube), M. Mazeau (Côte-d'Or;, M. Malens
(Drôme), et M. le général de Lajaille (Gua-
deloupe).
Pour M. Malens, premier président de
la cour de Grenoble, et pour M. le général
de Lajaille, qui est en activité de service,
il y a actuellement plus qu'incompatibi-
lité, il y a inéligibilité absolue, M. Malens,
en effet, est sénateur d'un département
compris dans le ressort de sas fonctions;
il aurait donc dû, pour pouvoir être réélu,
donner sa démission de ses fonctions judi-
ciaires six mois avant l'élection. Quant, au
général de Lajaille, il est inéligible en vertu
de la loi qui interdit aux militaires en acti-
vité de service le mandat législatif ou sé-
natorial.
Quant aux trois autres sénateurs : M. le
docteur Robin, professeur à la faculté
de médecine de Paris; M. Mazeau, con-
seiller à la cour de cassation, et Al. Gayot,
juge au tribunal de la Seine, ils ont an-
noncé qu'ils se démettraient de leurs fonc-
tions s'ils étaient réélus sénateurs.
En ce qui concerne les candidats, six
seulement sont dans des cas d'incompa-
tibilité :
M. Cornil, professeur à la faculté de
médecine de Paris, candidat dans l'Al-
lier.
M. Maruejouls, conseiller de préfecture
de la Seine, candidat dans l'Aveyron.
M. Léopold Gravier, trésorier général,
candidat dans le Calvados.
M. Peaudecerf, préfet de l'Indre, can-
didat dans le Cher.
M. de Corsi, conseiller à la cour de
Bastia, candidat en Corse.
M. le contre-amiral Bourgeois , con-
seiller d'Etat, candidat dans le Finis-
tère.
M. Peaudecerf, devançant l'élection, 'a
donné sa démission de préfet. Les autres,
s'ils sont élus sénateurs, devront se dé-
mettre également de leurs fonctions.
Les journaux réactionnaires eux-mêmes
sont honteux du rôle que jouent leurs
candidats dans les élections sénatoriales..
Voici comment le Soleil apprécie la
prudence avec laquelle MM. de Broglie,
Bocher, etc., évitent de prononcer le mot
monarchie :
i A lire la plupart des circulaires électorales,
on dirait qu'il n'y a en jeu que des personnes ;
on ne se douterait pas qu'il s'agit d'élire les
membres d'une assemblée appelee à jouer un
rôle politique et à exercer une influence poli-
tique.
Les monarchico-cléricaux ne sont pas
moins sévères que les orléanistes. Nous
lisons dans l'Univers :
On aurait tort de nous demander soit d'at-
tendre de grands résultats de cette lutte, soit
d'approuver la manière dont la conduisent les
conservateurs, surtout les royalistes. Nous
avons même de formelles réserves à faire sur
ce dernier point. En effet, les chefs ou me-
neurs des divers groupes ont cru très habile
de marcher au combat drapeau en poche. Ils
tiennent contre le régime actuel de durs et
justes propos, ils écrivent de bonnes généra-
lités en l'honneur des intérêts de l'ordre et de
la religion ; mais quant à préciser leurs doc-
trines, à dire nettement ce qu'ils veulent, ils
s'en gardent bien. La crainte des principes
absolus et des affirmations carrées est pour
( ux le commencement et la fin de la sagesse
politique.
S'il y a eu ç\ et là quelques paroles visant
plus ou moins les questions doctrinales, elles
ont été louches ou même mauvaises.
Drapeau en poche, circulaires louches,
voilà où en sont réduits, de l'aveu de
leurs journaux, ceux qui disent : le pays
est avec nous !
JUSTES ELOGES
On continue à n avoir que des don-
nées très vagues sur le procédé destiné,
dans les intentions du nouveau mi-
nistre de la guerre, à rendre inutile la
création d'une armée coloniale. Le
Temps avait donné hier, sur ce qu'il
faut entendre par « la petite mobilisa-
tion », des informations qui étaient en
partie extraordinaires, en partie incom-
préhensibles. Une autre feuille minis-
térielle, le Paris, nous apprend ce soir
qu'il n'y a rien d'exact dans les ren-
seignements en question. Nous n'en
sommes pas surpris, mais nous ne
sommes pas beaucoup plus avancés.
Mais si nous restons dans la plus
complète incertitude relativement anx
projets du successeur de M. le général
Campenon, nous sommes, au contraire,
parfaitement édifiés sur l'impression
produite, de l'autre côté des Vosges,
par le discours du nouveau collègue de
M. Jules Ferry,
Voici, en effet, comment la National
Zeitung de Berlin apprécie la dernière
séance de la Chambre et le langage du
général- Lewal :
La journée du 14 a été encore une journée
néfaste pour l'opposition dans la Chambre des
députés français.
En effet, le seul résultat de cette interpella-
tion a été de fournir au cabinet l'occasion de
montrer au pays combien il se sentait assuré
de l'appui de la majorité de la nation.
Fort des crédits qui lui avaient été accordés
et du vote de la Chambre qui exigeait qu'une
cnçrgique impulsion fût donnée aux opéra-
tions militaires dans le Tonkn. M. Jules Ferry
a refusé de rouvrir Un débat qui était depuis
longtemps épuisé et clos.
Les déclarations faites ensuite par le nou-
veau ministre de la guerre révèlent aussi,
dans leur concision toute militaire, un grand
sentiment de sécurité. Le vote qui a suivi a
complété la déroute de l'interpellant. La sin-
cérité avec laquelle, pour la première fois de-
puis 1870, un ministre de la guerre français a
osé dire que l'armée française réorganisée,
cette « fille de Gambetta », devait servir en-
core à autre chose qu'à une guerre éventuelle
de revanche contre l'Allemagne, prouve que
le gouvernement, en formulant cette appré-
ciation, croit être l'interprète de la pensée et
des senti nents de la nation.
Cela posé, si le cabinet français s'apprête à
frapper un grand coup cont e la Chine, il ne
peut le faire qu'à la condition de renoncer
jusqu'à nouvel ordre à des plans d'agression
en Europe et aussi, ne l'oublions point, par ce
motif qu'il est certain qu'on ne lui suscitera
aucune difficulté. Or, cette conviction ne peut
que lui assurer la bonne entente avec l'Alle-
magne. Telle est iogiquement et nécessaire-
ment l'idée qui a servi de base aux déclara-
tions du ministre de la guerre français. Or, en
ce qui concerne la guerre de revanche, gagner
du temps, c'est gagner sinon tout, du moins
beaucoup.
Tout commentaire affaiblirait la por-
tée de ces éloges du journal allemand,
et l'on reconnaîtra sans doute que, si
la joie des officieux d'outre-Rhin est
complètement motivée, l'étonnement
et la tristesse manifestés par toute la
presse française indépendante, au len-
demain de cette déplorable séance n'é-
taient pas moins justifiés. C'était, en
effet, comme le dit très bien la feuille
allemande, c'était la première fois de-
puis 1870 qu'un ministre de laj guerre
conseillait à l'armée d'oublier un peu
la frontière, d'en détourner un peu les
yeux. Nous n'ajouterons qu'un mot : si
à cette politique de dispersion et d'a-
venture nos voisins gagnent tout,
comme ils le disent, qu'est-ce que la
France y peut donc gagner?
A. GAULIER.
LE COMBAT DU JARDIN DES PLANTES
Un différend est pendant en ce moment
devant le ministre de l'instruction publi-
que, pour la solution duquel il ne faudra
pas moins à M. Fallières que tout le tact
de Nestor (rien de notre confrère du Gil
Blas) uni à toute la prudence de Salomon.
, Il ne s'agit d'ailleurs ni des armes
d'Achille comme dans l'Iliade, ni de la
possession d'un enfant comme dans la
Bible, ni même d'un vieil Antiphonaire à
loger dans le chœur, comme dans le Lu-
trin; le débat roule sur l'attribution de
deux baraques en planches attenant au
Muséum.
Pour bien comprendre la gravité de la
question qui vient si inopinément et si
malheureusement de jeter la discorde
dans le grand établissement scientifique
troublé seulement par les rares rugisse-
ments d'un fauve ou les bâillements des
crocodiles, il faut vous dire que pendant
de longues années l'anatomie comparée
et la paléontologie ont été réunies en une
seule et même chaire dont le titulaire
était M. Georges Pouchet. Dans ces der-
niers temps, on jugea que la paléontolo-
gie était un enseignement spécial et, avec
l'aveu de M. Pouchet, la chaire fut scin-
dée en deux. M. Pouchet garda l'anatomie
comparée ; la paléontologie fut donnée à
M. Gaudry.
Cette mesure, qui paraît toute simple et
fort raisonnable, était grosse de périls,
comme on va le voir. Il n'y a pas de
chaire sans collections ; M. Gaudry s'en
fit une; mais pour loger une collection,
il faut un local. Pendant quelques se-
maines, M. Gaudry se contenta de la belle
étoile; mais il ne tarda pas à s'apercevoir
que le vent, l'humidité, la pluie dégra-
daient ses mégathériums, que ses icthyo-
saures s'accommodaient mal du plein air,
et que bientôt, si on persistait dans ce
régime, ce serait fait à tout jamais de ses
ptéro-dactyles. M. Gaudry demanda à ses
collègues de faire une petite place à ses
grosses bêles, ce à quoi ceux-ci consen-
tirent très volontiers.
Vous n'êtes pas sans avoir remarqué
que ce qui nous coûte le moins à donner,
c'est ce qui ne nou s appartient pas. Fidèles
à cette règle, MM. Gervais, Frémy, Milne-
Edwards, etc., dirent à M. Gaudry : « Vous
avez besoin de deux salles pour y loger
vos élèves; eh bien, prenez celles. de M.
Pouchet. »
Tout le monde approuva cette combi-
naison, sauf M. Pouchet, qui a sans doute
mauvais caractère et rédigea une protes-
tation qu'il expédia rue de Grenelle.
Mais, en attendant la décision ministé-
rielle, à qui seraient les baraques? M.
Gaudry et M. Pouchet crièrent naturelle-
ment à l'unisson : « A moi ! »
Le directeur du Muséum donna raison
à M. Gaudry qui, aidé de son garçon de
laboratoire, se met en devoir de déména-
ger los collections de son rival et de rempla-
cer les fœtus et les squelettes par des
mastodontes et des cétacés. M. Pouchet,
informé du sacrilège, accourt et enjoint
aux profanateurs de sortir. Ceux-ci de-
meurent , une altercation s'élève. Au
bruit, les vieux messieurs, les militaires
et les bonnes d'enfants du jardin des
Plantes se précipitent; les uns prennent
fait et cause pour la paléontologie, les
autres pour l'anatomie comparée; on en
vient aux mains, les tibias volent dans
l'espace, on se jette à la tête les bocaux
d'esprit de vin. Finalement, les Pouche-
tistes ont le dessous. Furieux de leur
échec, altérés de vengeance, ils se répan-
dent dans le jardin. L'un d'eux, pris d'une
inspiration diabolique, s'écrie : « Si nous
lâchions la ménagerie ! »
Lâcher la ménagerie, c'était victoire
assurée, les Gaudristes à jamais confon-
dus et exécutés, mais à quel prix, mon
Dieu l M. Pouchet vit dans une sorte de
vision apocalyptique toutes cette armée de
hyènes, ours, jaguars, tigres, lions, pan-
thères, serpents, caïmans, macaques, lâ-
chée dans Paris, poursuivant une foule af-
folée, semant partout la terreur et le car-
nage.
— Non, dit-il, maudite soit une telle
victoire, j'aime mieux récrire à M. Fal-
lières.
Et il a récrit. Nous aimons à croire qle
le ministre lui saura gré de cette modé-
ration.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
La réunion privée organisée par le
groupe des délégués opportunistes de la
Seine a eu lieu hier, non pas dans la soi-
rée, comme on l'avait annoncé, mais dans
l'après-midi.
Il faut croire qu'un contre ordre avait
été donné au dernier moment, car plu-
sieurs électeu sénatoriaux n'en sont pas
moins venus ce soir, à huit heures, à la
salle Saint-Jean.
Malgré ce changement d'heure, nous
pouvons donner à nos lecteurs un compte-
rendu de cette réunion, qui a été très
courte. A deux heures, la séance était
ouverte sous la présidence de M. Hérisson,
député, assisté de MM. Léopold Auguste
et Hennape. assesseurs, Muzet, secrétaire.
M. Strauss est monté immédiatement à
la tribune pour inviter la réunion à se pro-
noncer définitivement sur le choix d'un
candidat qu'il est de toute nécessité, a-t-il
ajouté, d'opposer au candidat radical.
Puis, M. Spuller a pris la parole pour an-
noncer que, dans une réunion tenue à la
salle Burg, rue du Temple, il y a quelques
heures, le comité qui avait présidé à sa
réélection à la Chambre, l'avait autorisé à
se laisser porter candidat au Sénat. M.
Spuller a terminé en laissant enten-
dre qu'il accepterait si la réunion le dési-
gnait.
On a voté après ce discours et, à l'una-
nimité moins sept voix, M. Spuller a ét6
désigné par les cent cinquante délégués
comme le candidat du groupe opportu-
niste.
LES ON-DIT
L'Exposition de i889.
La séance que la sous-commission des
constructions a tenue hier matin au minis-
tère du commerce a été des plus labo-
rieuses.
Abordant le côté financier de l'entre-
prise, la sous-commission a entendu la
lecture d'un long travail, présenté par
M. Alpband, et duquel il résulte que la
prochaine exposition universelle occasion-,
nera une depense totale évaluée à 56 mil-
lions de francs.
La sous-commission des finances et la
sous-commission des constructions, réu-
nies, tiendront séance, jeudi 22 janvier,
pour traiter à fond cette question.
Dans la séance d'hier, on a examiné
huit projets différents de constructions à
élever au Champ de Mars.
-2?
t »
A propos d'Edmond About.
On était aux plus mauvais jours du
Seize-Mai. Le XIX" Siècle cita un mot
abominable qu'il disait avoir été prononcé.
par M. le duc de Broglie : « La guerre ci-
vile, ces mots me font venir l'eau à la bou-
che M, M. de Broglie écrivit à M. About la
lettre suivante :
Monsieur le rédacteur,
On me communique le numéro du XTXe Siê~
cle de ce matio, où vous rapportez un propos
Feuilleton du RAPPEL
DU 22 JANVIER
20
LE
SANG BLEU
6
X VI (suite)
Guillaumanche avait bien prévu que
Nicole n'apprendrait pas son mariage sans
chagrin, mais il n'avait pas cru à cette
crise de douleur ; bouleversé par ce cri, il
restait penché sur elle, ne trouvant rien à
dire.
Elle,pleurait toujours par saccades, fai-
sant bien manifestement des efforts pour
se retenir. :
(Traduction interdite; reproduction auto-
risée pour les journaux qui ont un traité avec
la Société des gens de lettres, mais après la
fin do la publication en feuilleton dans le
Rappel.) i
Voir le Rappel du 2 au 21 iaavîor,
— Oh î Nicole, quelle peine tu me fais,
dit-il avec un accent où il y avait plus de
désolation que de reproche.
— Pardonne-moi, oh I papa. pardonne-
moi ; si tu savais.
Et les sanglots lui coupèrent la parole.
— Si je savais, quoi ?
Elle voulut répondre à cette interroga-
tion, mais il ne sortit de sa gorge que des
mots entrecoupés, inintelligibles.
— Je te fais de la peine. je te fais de
la peine.
— Je voudrais que tu fusses plus rai-
sonnable.
— Je le serai, je t'assure que je le serai ;
il faut me pardonner, c'est la surprise ;
j'aurais tant voulu ne pas te faire de peine;
je m'habituerai, je te promets ; bien sûr
tu as raison, il ne faut pas que tu sois
seul ; si je mourais, tu serais seul, c'est
vrai, je n'avais pas pensé à cela; j'y pense
maintenant, je vois combien tu as raison.
Elle refoula un dernier sanglot, et, avec
la manche de sa chemise de nuit s'es-
spyant les yeux, elle s'efforça de .sourire
en regardant son père. -
- Bfëa sûr, tu as raison, répéta-t-
elle.
Se soulevant, elle se pendit à son cou
en l'embrassant ; mais elle s'était trompée
sur la force de sa volonté; comme il l'em-
brassait aussi, elle repartit à pleurer.
- Ecoute-moi, dit-il en lui passant dou-
cernent la main sur les cheveux, et tu
verras que tu n'es pas raisonnable de te
désoler ainsi.
— C'est de t'avoir fait de la peine que je
me désole.
— Ce ne sont pas uniquement des con-
sidérations personnelles qui m'ont décidé
à un nouveau mariage, et si je n'avais pas
pensé qu'il te serait utile à toi.
- Utile à moi !
- Je t'affirme que je ne l'aurais pas
accepté; pour moi seul, je ne me serais
pas marié.
La curiosité fit ce que la volonté n'avait
pas obtenu, les larmes de Nicole s'arrêtè-
rent ; elle ne pensa plus qu'à écouter, à
comprendre ; elle avait foi en son père et
n'admettait pas que ce qu'il disait pût
n'être pas vrai, mais ce qu'il disait, elle
ne le comprenait pas : c'était pour elle
qu'il se mariait ; pour elle !
— Il ne faut pas t'imaginer, mon en-
fant, que nous sommes toujours ce que
nous étions rue Claude-Vellefaux, au
temps où tu aimes à te reporter.
— Nous étions si heureux 1
- jJn grand fait s'est passé depuis ce
temps ; en héritage nous est tombé du
ciel ; alors îîOùV étions maîtres de nous ;
maintenant c'est cet héritage qui est notre
maître; si cette fortune bous appartient, j
nous lui appartenons aussi, êll nous im- |
pose des devoirs que nous devons rem-
plir. Riche, et tu es riche, très riche, il
faut que tu apprennes à faire usage de ta
richesse, et que tu aies la vie, les habitudes,
les manières, les idées d'une fille riche.
Qui te les donnera, ces habitudes et ces
idées? Moi je ne suis qu'un parvenu et je
n'ai pas reçu cette éducation.
- La générale.
- La générale est une déclassée, et,
aux yeux du monde, ceux qui sont tom-
bés du rang qui était le leur sont aussi
ridicules que ceux qui ont été élevés par
le hasard à un rang qui ne leur appartient
pas. C'est un métier que d'être riche et
qui ne s'improvise pas pis que n'importe
quel autre métier; il faut l'apprendre;
ceux qui croient le savoir sans l'avoir ap-
pris ne font que des sottises qui los Jen"
de 1t un objet de risée et les paraiysôûi
dans ce qu'ils entreprennent de bien ou
de bon. S'il y a une grammaire pour ap-
prendre l'orthographe à ceux qui ne
la savent pas, il n'y en a point pour
enseigner la science de la vie et du
monde à ceux qui, l'ignorent. C'est par
des leçons vivantes qu'on reçoit cette
spience difficile et compliquée, c'est par
un contact journalier avec couz qui les
pratiquent. La femme que j'ai choisie te
formera à cette science, non par des i-
çons plus ou moins ennuyeuses comme le
Dourraient être celles d'une institutrice,
»
mais par l'exemple ; non en te tourmen-
tant, mais en t'amusant ; notre vie n'est
pas toujours bien gaie.
- Mais si.
— Elle n'est pas ce que devrait être
celle d'une fille de ton âge, de ta condi-
tion, et surtout celle de l'âge que tu auras
bientôt : à une jeune fille de quinze
ans.
- Je n'ai pas quinze ans.
- Quand tu les auras, il te faudra des
distractions mondaines que je ne peux pas
te donner ; il faudra te conduire dans des
réunions, dans des fêtes où je serais
déplacé et où nécessairement nous n'irions
pas, ce qui serait aussi préjudiciable à tes
plaisirs qu'à tes intérêts, au moins à ceux
de ton mariage qui pour une fille riche
comme tu le seras doit se faire dans un
certain monde. C'est dans ce monde, c'est
dans ce milieu qui m'est fermé, que t'in-
trCîlulrc Mlle de Colbosc.
— Ah !. p'est Mlle de Colbosc !
\- - Pouvais-jé faire un meilleur choix ?
Plus tard, quand tu ponnaîtras la vie, tu
seras fière d'avoir Mlle uC Colbosc pour
belle-mère, et présentemenf, c'est-à-dire
après notre mariage, tu en seras heu-
reuse, car elle ne tardera pas à gagner
ton cœur. Elle a déjà pour toi une tendré :
sympathie qui se changera bien vite en
affection. Je l'ai interrogée à ton sujet, et
ce Stîijt ses propres paroles que je te rao-
porte. Quant à toi, il m'a semblé que tu
étais attirée vers elle, qu'elle te plaisait.-
- Je ne savais pas.
— Si elle te plaisait quand elle ne
t'était qu'une étrangère, il n'y a pas, il n'y
aura pas de raisons pour qu'elle ne te
plaise pas, pour que tu ne l'aimes pas
quand elle sera ta belle-mère, car je con-
nais les qualités de son cœur, et je suis
sûr qu'elle sera pour toi aussi bonne que
tendre. Quant à toi, je compte que ta
seras pour elle la brave petite fille que ta
es réellement, et je te demande comme
une marque d'affection, la plus grande
que tu puisses me donner, de tout faire
de ton côté pour que nous soyons tous
heureux.
- Sois tranquille, cher papa, je ne
te ferai plus jamais de peine, je te le pro-
mets.
Elle se jeta à son cou et le serra dans
une longue étreinte en l'embrassant.
— Tu vois, je ne pleure plus ; je ne pleu- i.
rerai plus.
- Ta vas dormir.
- Oh r oui dormir. dormir; bonsoir
papa, bonne nuit.
HECTOR M A LOT.
(A suivre,\
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