Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-01-19
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 janvier 1885 19 janvier 1885
Description : 1885/01/19 (N5428). 1885/01/19 (N5428).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7542376h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/12/2012
0
- IV* 6428 — LUDit; Janvier 1885
e numéro: fOc. — Départeineiits s c* - -1
30 Nivôse an 93 — N« 5423
ADMNISTBATIOlf
• *58, KBE DE TALOIS, J05
ABONNEMENTS
"PARIS
Trois mois 40 )
Six mois.20 »
DEPARTEMENTS1
Trois mois 13 50
Sixmojs 22 1)
Adresser lettres et mandats f
A M. ERNEST LEFÈVRE 1",
ADMINISTRATEUR-GERANT f :'7
H Irai 1
HHB |H^H|BHbB| HEBEBSS^IP^ ■fin
HH HT B9 WBKT ^agggk flHQHRH ^bH| HB
RÉDACTION1
"'ifresser au Secrétaire vie la luclactioz
De 4 à 6 heures du soit*
ÛSt HUE DE "VAX01S| iâ
les manuscrite non insères ne seronijpas renia
ANNONCES
3M. Ch. IAGRANGE, CERF et re :
6, race de la Bourse, 6
, L'ÉLECTION D'AUJOURD'HUI
IJne circonscription de l'Yonne, Sens,
va aujourd'hui choisir le remplaçant de
M. Guichard. La réaction a eu un mo-
ment de joie. Le département de l'Yonne
lui a été bon le mois dernier. Pourquoi
ne serait-il pas en janvier ce qu'il a été
en décembre? Pourquoi Sens n'aurait-il
pas l'amabilité d'Avallon ?
Justement l'élection sè présentait
dans des conditions analogues. D'où
était venu le succès du candidat réac-
tionnaire à A vallon? de ce qu'il y avait
deux candidats républicaine,. MM. Firin-
din et Hervieu. Eh bien, il y avait deux
candidats républicains à Sens, MM.
Enrôle Javal et Chevrier. Les deux can-
didats républicains d'Avallon s'étaient
partagé les voix républicaines, 3*799
voix pour M. Hervieu, 2,193 pour M.
Flandin, total 5,992 ; le candidat- réac-
tionnaire, M. Garnier, n'èn avait eu
que 4,539; 1,452 de moins. Et cepen-
dant c'était M. Garnier qui avait été
élu.
C'est qu'il y avait eu ballottage. Il
est vrai qu'entre le premier tour et le se-
cond, M. Flandin s'était retiré. Il sem-
ble qu alors le candidat républicain
resté seul aurait dit réunir toutes les
%oix républicaines. Mais ce sont là les
effets des habitudes violentes qu'a prises,
même entre républicains, la polémique
actuelle. La certitude de l'impuissance
de la réaction fait non seulement qu'on
se divise, mais qu'on ne se mé-
nage plus entre soi, qu'on se querelle,
qu 'on s'insulte, que des républicains font
à des candidats républicains la guerre
qu'ils faisaient sous l'empire aux can-
didats officiels. Comment voulez-vous
que des électeurs auxquels leur journal
pendant des semaines a dit pis que
pendre d'un candidat votent pour ce
candidat quinze jours après? Comment
voulez-vous leur persuader que, de fu-
neste à la République, il lui est subite-
ment devenu nécessaire? Comment
voulez-vous que le comité du vaincu
mette au succès du victorieux un zèle
bien ardent, quand au dépit de la dé-
faite s'ajoute la rancune de l'injure?
Une part des électeurs de M. Flandin
Avaient refusé de se convertir à M.
Hervieu, et c'est ainsi qu'un arrondis-
sement en majorité républicain avait
envoyé à la Chambre un réaction-
naire.
La réaction avait espéré que les cho-
ses se passeraient à Sens comme à
Àvallon ; que les voix républicaines au-
raient beau être plus nombreuses que
les voix réactionnaires, leur partage
entre deux empêcherait l'élection au
premier tour et qu'au scrutin de ballot-
tage,le moins favorisé des deux se fut-il
retiré, la vivacité de la lutte antérieure
empêcherait la conversion de ses par-
tisans. M. de Fontaine serait le troi-
sième larron et le second Garnier.
-trette nonnete esperance aurait pu être
- - - -
trompée. Il y avait autre chose que la
vivacité de la lutte antérieure contre le
candidat sur lequel auraient du se
reporter, au ballottage d'Avallon, les
partisans de M. Flandin. Ce candidat
avait été mal choisi. Il n'y avait pas six
mois qu'il n'était plus sous-préfet de
l'arrondissement où il se présentait, et
la loi exige six mois d'intervalle entre
la fonction et l'élection. L'élection de
M. Hervieu eût donc été illégale, et
l'on conçoit que des républicains aient
éprouvé de la répugnance à violer une
loi de la République. A Sens, aucun des
deux candidats républicains n'est dans
ce cas.
Mais voici qui dispense la réaction
de s'inquiéter de ce qui se passera entre
républicains au second tour : ils se
sont entendus au premier. Ils ne s'é-
taient divisés que parce que la réaction
avait commencé par faire la mortel ce
qui lui est très facile. Puisqu'elle n'avait
pas de candidat, ils n'avaient pas vu
d'inconvénient à en avoir deux. Alors
elle a rêvé de recommencer l'aventure
d'Avallon, et elle a démasqué M. de
Fontaine. Mais les républicains se sont
souvenus d'Avallon eux aussi, M. Che-
vrier s'est patriotiquement désisté, et
ses partisans annoncent par leur or-
gane, Y Yonne, « qu' « ils voteront tous
pour l'unique porte-drapeau du parti
républicain, M. Emile Javal».
Nous entendons encore les cris de
triomphe qu'ont poussés les journaux
réactionnaires à la suite de l'élection
d'Avallon.Le pays leur revenait; Aval-
lon donnait l'exemple, toute la France
allait suivre ; la République n'était
peut-être pas encore tout à fait tuée,
mais elle était blessée mortellement,
etc., etc. C'était bête, à la suite d'une
élection qui avait constaté que, dans
l'arrondissement dont ils étaient si
fiers, la République était en forte
majorité. Mais quand la bêtise se mêle
d'impudence, elle mérite une leçon.
Les électeurs de Sens vont la lui
donner.
AUGUSTE VACQUERIE.
■ i
COULISSES DES CHAMBRES
Le rapport de M. Constans sur le réta-
blissement du scrutin de liste sera dis-
tribué aux députés à la rentrée de la
Chambre. En prévision du débat qui va
s'ouvrir très prochainement nous croyons
devoir faire connaître les modifications
que cette réforme de notre législation
électorale apportera au nombre des repré-
sentants de chaque département.
La proposition attribue à chaque dépar-
tement un député par 70,000 habitants et
un député en sus par chaque fraction de
70,000 habitants quel qu'en soit le
chiffre.
Dans ce système, 45 départements et
4 colonies auraient le même nombre d&
députés qu'aujourd'hui par le scrutin
d'arrondissement, à savoir :
.Ain 6; Aisne 8; Allier 6; Alpes-Maritimes
4; Ardèche 6; Ardennes 5; Calvados 7;
Cantal 4; Charente 6; Charente-Inférieure
7; Côte-d'Or 6; Côtes-du-Nord 9; Dordogne
8; Doubs 5; Drôme 5; Eure 6; Eure-et-
Loir 5; Finistère tO; Gard 6; Haute-Ga-
ronne 7; Gers 5; Gironde 11; Indre 5;
Landes 5; Loir-et-Cher 4; Lozère 3; Man-
che 8; Mayenne 5; Nièvre 5; Orne 6;
Basses-Pyrénées 7; Hautes-Pyrénées 4; Py-
rénées-Orientales 3 ; Saône-et-Loire 9 ;
Haute-Savoie 4; Seine-et-Marne 5; Seine-
et-Oise 9; Somme 8; Tarn-et-Garonne 4;
Vaucluse 4; Haute-Vienne 5; Yonne 6;
Alger 2; Constantine 2; Oran 2; Guyane 1;
Inde française 1; Sénégal, 1, et Cochin-
chine 1.
Trante-quatre départements verraient
augmenter le chiffre de leur députa-
tion à savoir :
Ariège. 4 députés au lièfk de 3
Aude 5 - 4
Belfort. 2 - - i
Bouches-du-Rhône. 9 - 7
Cher. 6 - S
Corrèze. 6 - 5
Hérault. 7 - 6
Ille-et-Vilaine C - 8
Indre-et-Loire. 5 - 4
Loire 9 - 7
Haute-Loire. a - 4
Loire-Inférieure. 9 — 8
Loiret. 6 - 5
Lot. 5 — 4
! Lot-et-Garonne. 5 r - 4
Maine-et-Loire. 8 , - 7
Marne. 7 - 6
Haute-Marne. 4 — 3
Meurthe-et-Moselle. 6 - 5
Meuse. 5 - 4
Morbihan. 8 - 7
Nord. 23 - 18
Oise. 6 — 5
Pas-de-Calais 42 — jo
Puy-de-Dôme 9 7
Rhône.;.., 8
Haute-Saône 5 - 4
Sarthe. 7 - Ci
Seine. 40.:. 32
Seine-Inférieure. 12 - ,,' 1J
Deux-Sèvres 6 - 5
Tarn 6# - 5
Var. 5 - 4
Vendée. 7 - 6
Enfin, 9 départements et 3 colonies ver-
raient diminuer le chiffre de leur députa-
tion, à savoir :
Basses-Alpes 2 députés au lieu de 5
Hautes-Alpes. 2 — 3
Aube. 4 - 6
Aveyron. 6 - 7
Corse. 4 — 5
Creuse. 4 - 5
Savoie "4 - 5
Vienne. 5 — 6
Vosges. 6 — 7
La Guadeloupe. i — 2
La Martinique 1 — 2
La Réunion. 1 1 — 2
D après ces chiffres la Chambre, lorsque
la réforme électorale sera accomplie,
aura 594 députés. Mais la proposition
Constans porte que, par mesure transi-
toire, tes départements dont la députation
est appelée à diminuer conserveront cette
fois-ci le nombre actuel de leurs députés.
De sorte que la Chambre nouvelle, si elle
est élue au scrutin de liste, dans les con-
ditions que nous venons d'indiquer, aura
15 députés de plus que les suivantes, soit
en tout 609 députés.
mtm mimt i ■ .n ,
Les ministres se sont réunis hier matin,
à l'Elysée, sous la présidence de M. Jules
Grévy.
Ils se sont occupés du budget de 1886 et
ils en ont arrêté les lignes générales. Il ne
sera pas établi d'impôts nouveaux; le mi-
nistre des finances prendra pour base les
réductions votées par la commission du
budget et acceptées par le gouvernement,
ainsi que les recettes des impôts pendant
l'année qui vient de s'écouler; les dépen -
ses inscrites au budget extraordinaire
seront réduites dans la plus large mesure
possible.
M. le président de la République a signé
la nomination de M. Boulé comme pre-
mier président à la cour d'Orléans.
M. Peaudecerf, préfet de l'Indre, ayant
accepté la candidature au Sénat dans le
département du Cher, a adressé au minis-
tère de l'intérieur sa démission qui a été
acceptée. Il sera remplacé par M. Boudet,
secrétaire général du Lot-et-Garonne. Cette
nomination sera le point de départ d'un
mouvement administratif qui sera arrêté
ultérieurement.
BOUFFONNERIE
Un jmunal ministériel, qui pense
sans doute, avec M. Waldeck-Rous-
seâu, que le suffrage restreint est bien
supérieur au suffrage universel, disait
l'autre jour qu'on avait bien tort d'at-
taquer le Sénat, destiné peut-être,
dans un avenir prochain, à devenir le
plus sûr rempart de la République.
Voyez-vous bien clairement la Répu-
blique tenue en échec par la masse des
électeurs et défendue par « le pays lé-
gal », par soixante mille votants privi-
légiés ? C'est peu probable, car ce
n'est pas là un spectacle qu'on puisse
se figurer aisément. En tout cas, il fau-
drait plaindre la République le jour où
elle n'aurait plus pour appui qu'une
Assemblée qui, par ses origines, est la
négation absolue du principe même de
la démocratie.
En attendant que le Sénat joue ce
rôle de sauveur auquel il semble peu
destiné, ce *que nous sommes obligés
de constater, c'est que l'action qu'il
exerce, dès à présent, est ou nulle ou
prnteiènge
- Au moment où nous écrivons, à quoi
sert le Sénat, pour les beaux yeux du-
quel toute la besogne parlementaire va
être suspendue jusqu'en février? à of-
frir un refuge commode à une trentaine
de députés, fuyards du suffrage uni-
versel dont ils redoutent le verdict sé-
vère. Tout membre de la Chambre qui
a perdu la confiance de ses électeurs a
pour dernière espérance le suffrage
restreint et, pour peu que son préfet
soit de ses amis et soit habile, il est
sûr, pendant neuf années encore, de
faire partie du Parlement.
V oilà ce qu'est en réalité l'Assemblée
du petit suffrage: un asile ouvert aux
politiques sans scrupules ou sans va-
leur. Le fauteuil sénatorial, où peuvent
toujours vous - -- faire - asseoir quelques
centaines d'électeurs, devient la prime
d'encouragement offerte, en perma-
nence, à tous les députés disposés à
fouler aux pieds leur mandat. La
Chambre, dite haute, exerce ainsi sur
l'autre fraction du Parlement une ac-
tion démoralisatrice.
Mais du moins, dans cette Assemblée
du Luxembourg, sortie du meilleur de
tous les suffrages, dans cette Assemblée
où siègent naturellement les plus sa-
ges d'entre les « sages » qui nous gou-
vernent, a-t-on donné, en temps utile,
de salutaires conseils et des avertisse-
ments éclairés r JL. occasion n'a guère
fait défaut, car, de l'aveu des meilleurs
amis du gouvernement, de l'aveu de
M. Germain, de l'aveu de M. Paul Bert,
bien des fautes graves ont été commi-
ses, au dedans comme au dehors.
Eh bien, quand le Sénat a-t-il parlé
autrement que pour approuver? Quel-
les imprudences a-t-il signalées? Quelle
tonkinerie a-t-il empêchée ? Si nous ne
nous trompons, l'imprévoyance sénile
des Luxembourgeois a toujours été
plus loin, en matière d'aventure, que
l'enthousiasme inconscient des colo-
niards du palais Bourbon. Ceux-ci se
contentent de la Tunisie, de Madagas-
car et du Tonkin ; mais à cette' liste,
qu'ils ne trouvent pas suffisamment
longue, les sages du Sénat auraient
certainement, et depuis longtemps,
ajouté l'Egypte s'ils avaient été les
seuls maîtres.
Voilà les titres de ceux qui doivent
être un jour les sauveurs de la Républi-
que. Cela fait penser à tous les sauveurs
que le pays a connus jadis et qui profi-
tèrent de toutes les fautes dont ils
étaient les instigateurs ou les compli-
ces. Les élus du suffrage restreint pro-
mettant de protéger la République con-
tre les égarements du suffrage univer-
sel, quelle bouffonnerie !
A. GAULIBR.
4>
EDMOND ABOUT
Nous avons annoncé hier une triste
nouvelle, malheureusement trop prévue,
la mort d'Edmond About. Depuis long-
temps, ses amis le savaient atteint et con-
damné; aucun d'eux cependant ne s'at-
tendait à ce que la fin fût si prompte. Le
diabète s'est compliqué d'une pneumonie,
et surtout du chagrin d'une persécution
aussi furieuse qu'imméritée, et tout cela
réuni a enlevé en quelques heures à la
littérature et au journalisme un de ceux
.qui en étaient l'éclat.
Les brillantes qualités d'Edmond About
ont donné leur mesure dans le livre et
dans le journal. Le théâtre leur a îté
moins favorable. Celle de ses pièces qui
a eu le plus de retentissement est Gaetana,
mais ç'a été le retentissement du sifflet ;
il est vrai que le sifflet ce soir-là était plus
politique que littéraire. On reprochait à
l'auteur de s'être converti au gouverne-
ment régnant. C'est par là en effet qu' About
est attaquable ; il n'a pas eu dans sa vie
politique la fixité de ceux qui meurent
dans l'opinion où ils sont nés, ni la
fermeté de ceux dont le changement est
une perpétuelle marche en avant ; il a été
de gauche à droite et de droite à gaucher:
Mais il faut reconnaître "que, redevenu
républicain, il l'est resté. Personne n'a
donné plus que lui dans la bataille du
Seize-Mai, personne n'a porté de coups,
sinon plus rudes, au moins plus rapides,
aux partis qui croyaient, én mettant les
républicains à la porte de la Chambre,
avoir mis la République à la porte de la
France.
S'il n'a pas été toujours le même en
politique, il y a un point sur lequel Ed-
mond About n'a jamais varié : la libre
pensée. C'est une guerre de tous les jours
qu'il a faite au véritable ennemi. Le cléri-
calisme saignera longtemps des blessures
que lui a faites le bec de cette plume
étincelante.
Ce fut par le roman qu'il débuta. Tolla
lui improvisa une réputation qu'agrandi-
rent les Mariages de Pans et que parfit
Madelon. Germaine ne fut pas inférieure à
Tolla. L'Homme à Voreille cassée et le Nez
d'un notaire sont des gageures spirituelle-
ment gagnées. Les Mariages de province
valent les Mariages de Paris. Son dernier
roman, le Roman d'un brave homme, est
une éloquente protestation contre la lit-
térature ordurière et canaille dont nous
avons été un moment éclaboussés.
On ne peut guère appeler roman le Roi
des montagnes, mais, de quelque nom
qu'on le nomme, c'est un bien amusant et
bien charmant livre. Il faut en dire autant
de la Grèce contemporaine. Par là, tout en
gardant un pied dans la littérature pure,
Edmond About en mettait un dans la lit-
térature politique. Il y mettait les deux
avec la Question romaine, la Nouvelle carte
d'Eu?-ope, la Lettre à M. Keller et Rome
contemporaine.
Dans l'intervalle de ses livres, il faisait
de la critique politique dans les Lettres
d'un bon jeune homme « sa cousine et de la
critique d'art dans ses Salons qu'il a conti-
nués jusqu'à la dernière exposition.
Son œuvre principale a été le XIXe Siè-
cle. 11 avait groupé autour de lui d'excel-
lents écrivains, Francisque Sarcey, Char-
les Bigot, Charles de la Rounat, qui, de-
venu directeur de l'Odéon, céda le feuille-
ton dramatique à M. Henri Fouquier, Eu-
gène Liébert, Lafargue, Henrique, Martel,
Marius Vachon, Bauër, etc., dont il était
l'âme. On n'est pas impunément l'âme
d'un tel groupe. Une hostilité, sourde de-
puis longtemps, a éclaté tout à coup, et
About a été menacé d'être expulsé de sa
maison. Quel remords aujourd'hui de ne
pas l'y avoir laissé mourir en paix !
Le conteur exquis du Roi desmontagnis
et des Mariages de Paris était un admirable
causeur. Il avait la même verve et la même
netteté au coin du feu qu'à sa tablé
de travail, si le mot travail peut s'appli7
quer à:cette production si facile, si spon-"
tanée, où la phrase jaillissait naturelle-
ment comme l'eau de la source. On a dit
de bien des gens qu'ils étaient petits-ne-
veux de Voltaire; on ne l'a dit de personne
plus - justement que d'Edmond -- About. ¡
About était né pauvre, d'un petit épi-
cier de province. Au point qu'à l'institu-
tion Jauffret (du lycée Charle nagne) où il
a eu pour camarades d'études les deux
fils de Victor Hugo, il ne payait pas de
pension; mais il payait en prix du con-
cours. Il lui a fallu lutter pour arriver du
lycée à l'Ecole normale et de l'Ecole nor-
male à l'Académie. Si sévère qu'on puisse
être pour quelques-unes de ses variations
politiques, il a l'excuse de ceux dont le
début a été dur et le mérite de ceux qui
se sont faits eux-mêmes.
Dans sa vie privée," c'était un père pas!'
sionné et un ami cordial. L'homme sera
aussi regretté que l'écrivain.
A. V.
————————-
MANIFESTATION HORTICOLE
Je vous ai raconté hier le Bourgeois gen-
tilhomme; je vais vous conter encore une
autre pièce aujourd'hui. C'est monotone,
mais ce n'est vraiment pas ma faute si la
politique ressemble tant à une eomédie:'
C'était le lendemain du jour où les dé-
légués sénatoriaux ont été élus. Je ren-
contrai sur le boulevard Saint-Michel un
de mes amis, conseiller municipal de
Paris, et membre de la minorité opportu-
niste. « Eh bien, dis-je en lui serrant la
main, vous avez remporté dimanche der-
nier une assez jolie veste ; tous mes com-
pliments. ,
— Ah 1 ah ! me répondit-il, vous croyez
cela ; rira bien qui rira le dernier. Vous
pensez tenir la majorité, parce que les
autonomistes sont parvenus à faire passer.,
leur liste; on voit bien que vous ne con-
naisez pas les suburbains. Enlever les su-
burbains ! tout est là. Si vous connaissiez
le nom de notre candidat, vous rabaHriez
de votre confiance.
— Et ce candidat, il s'appelle?
Ici mon ami fit un de ces mouvements
de main qui signifient : Pardonnez-moi
de garderie silence, mais j'en ai déjà trop
dit. !
Ce candidat, nous savons enfin son nom j
c'est M. Poirier.
— M. Poirier ! Connais pas 1
Comment, vous ne connaisses pas M.
Poirier? mais vous n'êtes donc jamais allé
à la Comédie-Française, vous n'avez donc
jamais vu le chef-d'œuvre de MM. Augier
et Sandeau? Rappelez vos souvenirs : M.r
Poirier, cet excellent bourgeois entiché
de gentilhommerie, qui a fait la faute de
marier sa fille à un certain marquis de
Presles qui se moque de lui et le ruine;
M. Poirier qui veut bien encourager les
arts, mais laisserait crever de faim les ar-
tistes; M. Poirier qui décommande les dî-,
ners de son gendre, remplace les carpes à
la lithuanienne et les vol-au-vent à la plé-
nipotentiaire par un bon fricandeau à l'o-
seille et une dinde aux marrons; M. Poi-
rier qui invite le vieil ami Verdelet et le
ménage Pincebourde côte à côte avec le
Gotha et le faubourg Saint-Germain; Mi
Poirier qui décline l'ambassade de Cons.,
tantinople, parce qu'il a des goûts séden~i
taires et ne connaît pas le turc; M. Poirier,
qui. enfin. le meilleur rôle peut-être de
M. Got, qui est excellent partout. )
Maintenant que je vous ai rafraîchi là
mémoire, vous vous rappelez sûrement le
Peuilleton du RAPPEL
DU 19 JANVIER
-
17
LE
SANG BLEU
XIV
Au moment même où Guillaumanche
arrêtait ses chevaux au bas du large per-
ron du château, la porte vitrée du vesti-
bule s'ouvrait brusquement c'était Nicole
qui, ayant entendu le rll ement des roues
dans le gravier dç fallée, accourait &u
devant de son ilèN, 'accompagné d'un pe-
tit chien t.-nfie et jaune.
Il eait à peine mis le pied sur à pre-
re marche qu'elle était ffSs de lui, et,
(Traduction interdit ; r('pro(hdion auto-
risée peur les journaux û"» ouf \I.;¡ 'rd avec
la Sc'ci<':.'- (d\ :l,cn,'! de VéiUies, mais après la
fin de la puûkal oto où feuilleton dans le
Happel) .,.
loir te il-wd du au 15 tnÇh
avec une effusion de joie, elle l'embrassait
longuement.
— Enfin te voilà !
— Est-ce que je suis en retard pour le
dîner?
— Celajie fait rien, je t'ai commandé
un dîner qui peut attendre; ce n'était pas
le dîner qui me tourmentait, j'avais peur
du brouillard ; hier soir il en a fait un
très épais, c'était à peine si l'on voyait à
deux pas.
Elle lui avait pris une main et, l'attirant,
elle lui faisait monter' rapidement le
perron. i
— J'avais bien pensé que tu aurais
froid, il y a bon feu dans ta chambre.
Un escalier de pierre, à palier et à
rampe de fer ornée d'oiseaux et de feuil-
lage, conduit dii vestibule au premier
étage; ne lâclyant pas la main de son père,
elle le mo,úta avec lui.
En arrivant devant la porte de la cham-
Ve, ce fut elle-même qui l'ouvrit; comme
elle l'avait dit, un bon feu de grosses
bûches de hêtre flambait clair dans la
'ehêmiú, et iléclairalt la chambre im-
mense dé lueurs changeantes qui allaient
se perdre dans les angles sombres; selon
là force de projection de la flamme, le
plafond à caissons semblait s'élever ou
s'abaisser. Devant la cheminée, mais à
une certaine .-"distancé, des vêtements
étaient étalés sur une chaise exnosée à la
"eut..
.,
- Je t'ai mis chauffer un veston, dit-
elle en allant le tâter, il est très chaud;
quitte vite ta redingote.
Et comme il ôtait son pardessus en la
regardant avec un sourire attendri.
— Si j'avais osé, dit-elle.
— Osé quoi?
— J'aurais aussi mis chauffer tes pan-
toufles, comme au temps de la rue Claude-
Villefaux, quand tu rentrais pour dîner et
que tu étais si content de trouver tes pan-
toufles sur le poêle, mais qu'aurait dit la
générale ?
Elle se mit à rire : cette appellation
était celle dont elle se servait pour plai-
santer les grands airs et les remontrances
de son institutrice.
— Elle se serait fâchée. Au château de
la Senevière, on ne dîne pas en pantoufles.
Elle prit un air digne et gourmé.
— Cela ne se fait pas, mademoiselle,
dit-elle en imitant le ton de l'institutrice.
— Pourquoi, mademoiselle ? — Parce que
cela ne se fait pas. — Est-ce que tu ne
trouves pas cela drôle, toi, papa, qu'on
fasse ce qui vous plaît quand on est pau-
vre, et que quand on est riche on ne
puisse plus faire que ce qui plaît aux
autres.
- La fortune impose des devoirs, di-.i!
d'une voix grave.
- Alors quand on est pauvre c'est
pour soi et quand on est riche c'est pour
les auireL
Il ne trouva pas à propos d'engager une
discussion sur ce sujet délicat; il avait
remplacé sa redingote parle veston chaud
et il poussait les soupirs de satisfaction
d'un homme à son aise.
— Maintenant chauffe tes pieds, dit-
elle, le dîner peut attendre.
Elle lui poussa une chaise et quand il
fut installé devant la cheminée, les - deux
pieds exposés à la flamme, elle vint contre
lui ; il la prit dans son bras, et elle s'ap-
puya la tête contre son épaule.
- Nest-ce pas que j'ai eu une bonne
idée, dit-elle.
— L'idée d'une bonne petite fille affec-
tueuse et prévenante.
— Que je suis contente !
Elle se serra contre lui tendrement en
lui passant le bras autour du cou.
Ils étaient seuls, il n'avait à craindre ni
qu'on l'entendit, ni qu'on le dérangeât,
c'était le moment de parler.
Il eut un serrement de cœur et, l'écar-
tant un peu de lui, il la regarda longue-
ment : une bûche en s'effondrant avait
lancé une gerbe de flammes pétillantes
qui éctairait Nicole en plein, mieux que ne
l'eftt fait la lumière d'une forte lampe, et
elle apparaissait ainsi toute rcse, avec des
grands yeux sombres, que ses cheveux
qui tombaient en boucles frisées sur son
front et ses épaules rendaient encore plus
profondément sombres qu'ils ne l'étaient
naturellement* comme sa rota de peluche
i
grenat rendait son visage plus rose aussi.
— J'ai fait toilette pour toa retour, dit-
elle en souriant à l'examen de son père,
et pour ton retour aussi je t'ai commandé
un dîner que tu vas voir. J'étais si con-
tente, si heureuse!
Si contente ! Allait-il d'un mot couper
cette joie, alors qu'elle n'avait pas encore
donné tout ce que l'enfant en attendait.
Rien ne pressait d'ailleurs. Il parlerait
après ce dîner dont elle se faisait fête.
— Si je suis si contente de ton retour,
dit-elle en revenant à son père et en lui
posant la main siir l'épaule, ce n'est pas
seulement pour le plaisir de te revoir,
c'est aussi parce qu'en ton absence il s'est
passé quelque chose qu'il faut que tu
saches et que je te dirai si tu promets de
ne pas me gronder.
— Tu sais bien que je ne te gronde pas;
mais enfin je te promets ce que tu de-
mandes.
— Eh bien, hier soir, un peu avant le
brouillard, quand la lune se levait, Héloïse
et Jean ont vu le Mastré se promener sur
les eaux de l'étang.
— Es-tu sotte avec ton Mastré !
— Je sais bien que c'est bête de croire
qu'un grand, grand mouton noir se pro-
mène au clair de lune sur-les eaux et sur
les murs, et que quand on le voit cela
annonce qu'un malheur est proche. Mais
enfin ici tout le monde croit cela, et, si je
ne le ctoia pas, c'est parce que ne l'ai,
jamais vu, et aussi parce que tu m'as dé;
fendu de le croire. Aussi quand Pôloïse^
en me déshabillant, m'a raconté -«n ap-
parition du Mastré, je me suis toquée
d'elle. Seulement, au milieu dé la nuit;
j'aj. entendu des pas lourds dans ^vesti-
bule, et en écoutant, tout au !oin, dans
l'aiie du Nord, comme des gémissements
étouffés. Et ça, tu sais bien que c'est vrai,
puisque l'aile du Nord est hantée.
— Mais je ne sais pas ça du tout ; c'est
le contraire que je sais ; c'est absurde,
c'est fou de croire que cette partie du
château est hantée; pas plus celle-là
qu'une autre.
— Enfin on le croit et tout le monde le
dit : alors le Mastré et les gémissements,
cela m'avait toute troublé et je m'imagi-
nais qu'il pouvait t'arriver un malheur;
Bob aboyait plaintivement; je ne pouvais
pas le faire taire.
— Tu vois combien tout cela était fou:
il ne m'est pas arrivé de malheur : quel
malheur voulais-ln qu'il m'arrivât?
— J'avais peur des voleurs, j'avais peut
de tes chevaux, enfin j'avais peur de queli
que chose sans savoir quoi, et voilà pour-
quoi je suis si contente de te voir revenue
—Eh bien puisque tu te fais fête de ton
dîner, allons le manger.
,_: HECTOR MÀidV
iAtmisà f.,.'
- IV* 6428 — LUDit; Janvier 1885
e numéro: fOc. — Départeineiits s c* - -1
30 Nivôse an 93 — N« 5423
ADMNISTBATIOlf
• *58, KBE DE TALOIS, J05
ABONNEMENTS
"PARIS
Trois mois 40 )
Six mois.20 »
DEPARTEMENTS1
Trois mois 13 50
Sixmojs 22 1)
Adresser lettres et mandats f
A M. ERNEST LEFÈVRE 1",
ADMINISTRATEUR-GERANT f :'7
H Irai 1
HHB |H^H|BHbB| HEBEBSS^IP^ ■fin
HH HT B9 WBKT ^agggk flHQHRH ^bH| HB
RÉDACTION1
"'ifresser au Secrétaire vie la luclactioz
De 4 à 6 heures du soit*
ÛSt HUE DE "VAX01S| iâ
les manuscrite non insères ne seronijpas renia
ANNONCES
3M. Ch. IAGRANGE, CERF et re :
6, race de la Bourse, 6
, L'ÉLECTION D'AUJOURD'HUI
IJne circonscription de l'Yonne, Sens,
va aujourd'hui choisir le remplaçant de
M. Guichard. La réaction a eu un mo-
ment de joie. Le département de l'Yonne
lui a été bon le mois dernier. Pourquoi
ne serait-il pas en janvier ce qu'il a été
en décembre? Pourquoi Sens n'aurait-il
pas l'amabilité d'Avallon ?
Justement l'élection sè présentait
dans des conditions analogues. D'où
était venu le succès du candidat réac-
tionnaire à A vallon? de ce qu'il y avait
deux candidats républicaine,. MM. Firin-
din et Hervieu. Eh bien, il y avait deux
candidats républicains à Sens, MM.
Enrôle Javal et Chevrier. Les deux can-
didats républicains d'Avallon s'étaient
partagé les voix républicaines, 3*799
voix pour M. Hervieu, 2,193 pour M.
Flandin, total 5,992 ; le candidat- réac-
tionnaire, M. Garnier, n'èn avait eu
que 4,539; 1,452 de moins. Et cepen-
dant c'était M. Garnier qui avait été
élu.
C'est qu'il y avait eu ballottage. Il
est vrai qu'entre le premier tour et le se-
cond, M. Flandin s'était retiré. Il sem-
ble qu alors le candidat républicain
resté seul aurait dit réunir toutes les
%oix républicaines. Mais ce sont là les
effets des habitudes violentes qu'a prises,
même entre républicains, la polémique
actuelle. La certitude de l'impuissance
de la réaction fait non seulement qu'on
se divise, mais qu'on ne se mé-
nage plus entre soi, qu'on se querelle,
qu 'on s'insulte, que des républicains font
à des candidats républicains la guerre
qu'ils faisaient sous l'empire aux can-
didats officiels. Comment voulez-vous
que des électeurs auxquels leur journal
pendant des semaines a dit pis que
pendre d'un candidat votent pour ce
candidat quinze jours après? Comment
voulez-vous leur persuader que, de fu-
neste à la République, il lui est subite-
ment devenu nécessaire? Comment
voulez-vous que le comité du vaincu
mette au succès du victorieux un zèle
bien ardent, quand au dépit de la dé-
faite s'ajoute la rancune de l'injure?
Une part des électeurs de M. Flandin
Avaient refusé de se convertir à M.
Hervieu, et c'est ainsi qu'un arrondis-
sement en majorité républicain avait
envoyé à la Chambre un réaction-
naire.
La réaction avait espéré que les cho-
ses se passeraient à Sens comme à
Àvallon ; que les voix républicaines au-
raient beau être plus nombreuses que
les voix réactionnaires, leur partage
entre deux empêcherait l'élection au
premier tour et qu'au scrutin de ballot-
tage,le moins favorisé des deux se fut-il
retiré, la vivacité de la lutte antérieure
empêcherait la conversion de ses par-
tisans. M. de Fontaine serait le troi-
sième larron et le second Garnier.
-trette nonnete esperance aurait pu être
- - - -
trompée. Il y avait autre chose que la
vivacité de la lutte antérieure contre le
candidat sur lequel auraient du se
reporter, au ballottage d'Avallon, les
partisans de M. Flandin. Ce candidat
avait été mal choisi. Il n'y avait pas six
mois qu'il n'était plus sous-préfet de
l'arrondissement où il se présentait, et
la loi exige six mois d'intervalle entre
la fonction et l'élection. L'élection de
M. Hervieu eût donc été illégale, et
l'on conçoit que des républicains aient
éprouvé de la répugnance à violer une
loi de la République. A Sens, aucun des
deux candidats républicains n'est dans
ce cas.
Mais voici qui dispense la réaction
de s'inquiéter de ce qui se passera entre
républicains au second tour : ils se
sont entendus au premier. Ils ne s'é-
taient divisés que parce que la réaction
avait commencé par faire la mortel ce
qui lui est très facile. Puisqu'elle n'avait
pas de candidat, ils n'avaient pas vu
d'inconvénient à en avoir deux. Alors
elle a rêvé de recommencer l'aventure
d'Avallon, et elle a démasqué M. de
Fontaine. Mais les républicains se sont
souvenus d'Avallon eux aussi, M. Che-
vrier s'est patriotiquement désisté, et
ses partisans annoncent par leur or-
gane, Y Yonne, « qu' « ils voteront tous
pour l'unique porte-drapeau du parti
républicain, M. Emile Javal».
Nous entendons encore les cris de
triomphe qu'ont poussés les journaux
réactionnaires à la suite de l'élection
d'Avallon.Le pays leur revenait; Aval-
lon donnait l'exemple, toute la France
allait suivre ; la République n'était
peut-être pas encore tout à fait tuée,
mais elle était blessée mortellement,
etc., etc. C'était bête, à la suite d'une
élection qui avait constaté que, dans
l'arrondissement dont ils étaient si
fiers, la République était en forte
majorité. Mais quand la bêtise se mêle
d'impudence, elle mérite une leçon.
Les électeurs de Sens vont la lui
donner.
AUGUSTE VACQUERIE.
■ i
COULISSES DES CHAMBRES
Le rapport de M. Constans sur le réta-
blissement du scrutin de liste sera dis-
tribué aux députés à la rentrée de la
Chambre. En prévision du débat qui va
s'ouvrir très prochainement nous croyons
devoir faire connaître les modifications
que cette réforme de notre législation
électorale apportera au nombre des repré-
sentants de chaque département.
La proposition attribue à chaque dépar-
tement un député par 70,000 habitants et
un député en sus par chaque fraction de
70,000 habitants quel qu'en soit le
chiffre.
Dans ce système, 45 départements et
4 colonies auraient le même nombre d&
députés qu'aujourd'hui par le scrutin
d'arrondissement, à savoir :
.Ain 6; Aisne 8; Allier 6; Alpes-Maritimes
4; Ardèche 6; Ardennes 5; Calvados 7;
Cantal 4; Charente 6; Charente-Inférieure
7; Côte-d'Or 6; Côtes-du-Nord 9; Dordogne
8; Doubs 5; Drôme 5; Eure 6; Eure-et-
Loir 5; Finistère tO; Gard 6; Haute-Ga-
ronne 7; Gers 5; Gironde 11; Indre 5;
Landes 5; Loir-et-Cher 4; Lozère 3; Man-
che 8; Mayenne 5; Nièvre 5; Orne 6;
Basses-Pyrénées 7; Hautes-Pyrénées 4; Py-
rénées-Orientales 3 ; Saône-et-Loire 9 ;
Haute-Savoie 4; Seine-et-Marne 5; Seine-
et-Oise 9; Somme 8; Tarn-et-Garonne 4;
Vaucluse 4; Haute-Vienne 5; Yonne 6;
Alger 2; Constantine 2; Oran 2; Guyane 1;
Inde française 1; Sénégal, 1, et Cochin-
chine 1.
Trante-quatre départements verraient
augmenter le chiffre de leur députa-
tion à savoir :
Ariège. 4 députés au lièfk de 3
Aude 5 - 4
Belfort. 2 - - i
Bouches-du-Rhône. 9 - 7
Cher. 6 - S
Corrèze. 6 - 5
Hérault. 7 - 6
Ille-et-Vilaine C - 8
Indre-et-Loire. 5 - 4
Loire 9 - 7
Haute-Loire. a - 4
Loire-Inférieure. 9 — 8
Loiret. 6 - 5
Lot. 5 — 4
! Lot-et-Garonne. 5 r - 4
Maine-et-Loire. 8 , - 7
Marne. 7 - 6
Haute-Marne. 4 — 3
Meurthe-et-Moselle. 6 - 5
Meuse. 5 - 4
Morbihan. 8 - 7
Nord. 23 - 18
Oise. 6 — 5
Pas-de-Calais 42 — jo
Puy-de-Dôme 9 7
Rhône.;.., 8
Haute-Saône 5 - 4
Sarthe. 7 - Ci
Seine. 40.:. 32
Seine-Inférieure. 12 - ,,' 1J
Deux-Sèvres 6 - 5
Tarn 6# - 5
Var. 5 - 4
Vendée. 7 - 6
Enfin, 9 départements et 3 colonies ver-
raient diminuer le chiffre de leur députa-
tion, à savoir :
Basses-Alpes 2 députés au lieu de 5
Hautes-Alpes. 2 — 3
Aube. 4 - 6
Aveyron. 6 - 7
Corse. 4 — 5
Creuse. 4 - 5
Savoie "4 - 5
Vienne. 5 — 6
Vosges. 6 — 7
La Guadeloupe. i — 2
La Martinique 1 — 2
La Réunion. 1 1 — 2
D après ces chiffres la Chambre, lorsque
la réforme électorale sera accomplie,
aura 594 députés. Mais la proposition
Constans porte que, par mesure transi-
toire, tes départements dont la députation
est appelée à diminuer conserveront cette
fois-ci le nombre actuel de leurs députés.
De sorte que la Chambre nouvelle, si elle
est élue au scrutin de liste, dans les con-
ditions que nous venons d'indiquer, aura
15 députés de plus que les suivantes, soit
en tout 609 députés.
mtm mimt i ■ .n ,
Les ministres se sont réunis hier matin,
à l'Elysée, sous la présidence de M. Jules
Grévy.
Ils se sont occupés du budget de 1886 et
ils en ont arrêté les lignes générales. Il ne
sera pas établi d'impôts nouveaux; le mi-
nistre des finances prendra pour base les
réductions votées par la commission du
budget et acceptées par le gouvernement,
ainsi que les recettes des impôts pendant
l'année qui vient de s'écouler; les dépen -
ses inscrites au budget extraordinaire
seront réduites dans la plus large mesure
possible.
M. le président de la République a signé
la nomination de M. Boulé comme pre-
mier président à la cour d'Orléans.
M. Peaudecerf, préfet de l'Indre, ayant
accepté la candidature au Sénat dans le
département du Cher, a adressé au minis-
tère de l'intérieur sa démission qui a été
acceptée. Il sera remplacé par M. Boudet,
secrétaire général du Lot-et-Garonne. Cette
nomination sera le point de départ d'un
mouvement administratif qui sera arrêté
ultérieurement.
BOUFFONNERIE
Un jmunal ministériel, qui pense
sans doute, avec M. Waldeck-Rous-
seâu, que le suffrage restreint est bien
supérieur au suffrage universel, disait
l'autre jour qu'on avait bien tort d'at-
taquer le Sénat, destiné peut-être,
dans un avenir prochain, à devenir le
plus sûr rempart de la République.
Voyez-vous bien clairement la Répu-
blique tenue en échec par la masse des
électeurs et défendue par « le pays lé-
gal », par soixante mille votants privi-
légiés ? C'est peu probable, car ce
n'est pas là un spectacle qu'on puisse
se figurer aisément. En tout cas, il fau-
drait plaindre la République le jour où
elle n'aurait plus pour appui qu'une
Assemblée qui, par ses origines, est la
négation absolue du principe même de
la démocratie.
En attendant que le Sénat joue ce
rôle de sauveur auquel il semble peu
destiné, ce *que nous sommes obligés
de constater, c'est que l'action qu'il
exerce, dès à présent, est ou nulle ou
prnteiènge
- Au moment où nous écrivons, à quoi
sert le Sénat, pour les beaux yeux du-
quel toute la besogne parlementaire va
être suspendue jusqu'en février? à of-
frir un refuge commode à une trentaine
de députés, fuyards du suffrage uni-
versel dont ils redoutent le verdict sé-
vère. Tout membre de la Chambre qui
a perdu la confiance de ses électeurs a
pour dernière espérance le suffrage
restreint et, pour peu que son préfet
soit de ses amis et soit habile, il est
sûr, pendant neuf années encore, de
faire partie du Parlement.
V oilà ce qu'est en réalité l'Assemblée
du petit suffrage: un asile ouvert aux
politiques sans scrupules ou sans va-
leur. Le fauteuil sénatorial, où peuvent
toujours vous - -- faire - asseoir quelques
centaines d'électeurs, devient la prime
d'encouragement offerte, en perma-
nence, à tous les députés disposés à
fouler aux pieds leur mandat. La
Chambre, dite haute, exerce ainsi sur
l'autre fraction du Parlement une ac-
tion démoralisatrice.
Mais du moins, dans cette Assemblée
du Luxembourg, sortie du meilleur de
tous les suffrages, dans cette Assemblée
où siègent naturellement les plus sa-
ges d'entre les « sages » qui nous gou-
vernent, a-t-on donné, en temps utile,
de salutaires conseils et des avertisse-
ments éclairés r JL. occasion n'a guère
fait défaut, car, de l'aveu des meilleurs
amis du gouvernement, de l'aveu de
M. Germain, de l'aveu de M. Paul Bert,
bien des fautes graves ont été commi-
ses, au dedans comme au dehors.
Eh bien, quand le Sénat a-t-il parlé
autrement que pour approuver? Quel-
les imprudences a-t-il signalées? Quelle
tonkinerie a-t-il empêchée ? Si nous ne
nous trompons, l'imprévoyance sénile
des Luxembourgeois a toujours été
plus loin, en matière d'aventure, que
l'enthousiasme inconscient des colo-
niards du palais Bourbon. Ceux-ci se
contentent de la Tunisie, de Madagas-
car et du Tonkin ; mais à cette' liste,
qu'ils ne trouvent pas suffisamment
longue, les sages du Sénat auraient
certainement, et depuis longtemps,
ajouté l'Egypte s'ils avaient été les
seuls maîtres.
Voilà les titres de ceux qui doivent
être un jour les sauveurs de la Républi-
que. Cela fait penser à tous les sauveurs
que le pays a connus jadis et qui profi-
tèrent de toutes les fautes dont ils
étaient les instigateurs ou les compli-
ces. Les élus du suffrage restreint pro-
mettant de protéger la République con-
tre les égarements du suffrage univer-
sel, quelle bouffonnerie !
A. GAULIBR.
4>
EDMOND ABOUT
Nous avons annoncé hier une triste
nouvelle, malheureusement trop prévue,
la mort d'Edmond About. Depuis long-
temps, ses amis le savaient atteint et con-
damné; aucun d'eux cependant ne s'at-
tendait à ce que la fin fût si prompte. Le
diabète s'est compliqué d'une pneumonie,
et surtout du chagrin d'une persécution
aussi furieuse qu'imméritée, et tout cela
réuni a enlevé en quelques heures à la
littérature et au journalisme un de ceux
.qui en étaient l'éclat.
Les brillantes qualités d'Edmond About
ont donné leur mesure dans le livre et
dans le journal. Le théâtre leur a îté
moins favorable. Celle de ses pièces qui
a eu le plus de retentissement est Gaetana,
mais ç'a été le retentissement du sifflet ;
il est vrai que le sifflet ce soir-là était plus
politique que littéraire. On reprochait à
l'auteur de s'être converti au gouverne-
ment régnant. C'est par là en effet qu' About
est attaquable ; il n'a pas eu dans sa vie
politique la fixité de ceux qui meurent
dans l'opinion où ils sont nés, ni la
fermeté de ceux dont le changement est
une perpétuelle marche en avant ; il a été
de gauche à droite et de droite à gaucher:
Mais il faut reconnaître "que, redevenu
républicain, il l'est resté. Personne n'a
donné plus que lui dans la bataille du
Seize-Mai, personne n'a porté de coups,
sinon plus rudes, au moins plus rapides,
aux partis qui croyaient, én mettant les
républicains à la porte de la Chambre,
avoir mis la République à la porte de la
France.
S'il n'a pas été toujours le même en
politique, il y a un point sur lequel Ed-
mond About n'a jamais varié : la libre
pensée. C'est une guerre de tous les jours
qu'il a faite au véritable ennemi. Le cléri-
calisme saignera longtemps des blessures
que lui a faites le bec de cette plume
étincelante.
Ce fut par le roman qu'il débuta. Tolla
lui improvisa une réputation qu'agrandi-
rent les Mariages de Pans et que parfit
Madelon. Germaine ne fut pas inférieure à
Tolla. L'Homme à Voreille cassée et le Nez
d'un notaire sont des gageures spirituelle-
ment gagnées. Les Mariages de province
valent les Mariages de Paris. Son dernier
roman, le Roman d'un brave homme, est
une éloquente protestation contre la lit-
térature ordurière et canaille dont nous
avons été un moment éclaboussés.
On ne peut guère appeler roman le Roi
des montagnes, mais, de quelque nom
qu'on le nomme, c'est un bien amusant et
bien charmant livre. Il faut en dire autant
de la Grèce contemporaine. Par là, tout en
gardant un pied dans la littérature pure,
Edmond About en mettait un dans la lit-
térature politique. Il y mettait les deux
avec la Question romaine, la Nouvelle carte
d'Eu?-ope, la Lettre à M. Keller et Rome
contemporaine.
Dans l'intervalle de ses livres, il faisait
de la critique politique dans les Lettres
d'un bon jeune homme « sa cousine et de la
critique d'art dans ses Salons qu'il a conti-
nués jusqu'à la dernière exposition.
Son œuvre principale a été le XIXe Siè-
cle. 11 avait groupé autour de lui d'excel-
lents écrivains, Francisque Sarcey, Char-
les Bigot, Charles de la Rounat, qui, de-
venu directeur de l'Odéon, céda le feuille-
ton dramatique à M. Henri Fouquier, Eu-
gène Liébert, Lafargue, Henrique, Martel,
Marius Vachon, Bauër, etc., dont il était
l'âme. On n'est pas impunément l'âme
d'un tel groupe. Une hostilité, sourde de-
puis longtemps, a éclaté tout à coup, et
About a été menacé d'être expulsé de sa
maison. Quel remords aujourd'hui de ne
pas l'y avoir laissé mourir en paix !
Le conteur exquis du Roi desmontagnis
et des Mariages de Paris était un admirable
causeur. Il avait la même verve et la même
netteté au coin du feu qu'à sa tablé
de travail, si le mot travail peut s'appli7
quer à:cette production si facile, si spon-"
tanée, où la phrase jaillissait naturelle-
ment comme l'eau de la source. On a dit
de bien des gens qu'ils étaient petits-ne-
veux de Voltaire; on ne l'a dit de personne
plus - justement que d'Edmond -- About. ¡
About était né pauvre, d'un petit épi-
cier de province. Au point qu'à l'institu-
tion Jauffret (du lycée Charle nagne) où il
a eu pour camarades d'études les deux
fils de Victor Hugo, il ne payait pas de
pension; mais il payait en prix du con-
cours. Il lui a fallu lutter pour arriver du
lycée à l'Ecole normale et de l'Ecole nor-
male à l'Académie. Si sévère qu'on puisse
être pour quelques-unes de ses variations
politiques, il a l'excuse de ceux dont le
début a été dur et le mérite de ceux qui
se sont faits eux-mêmes.
Dans sa vie privée," c'était un père pas!'
sionné et un ami cordial. L'homme sera
aussi regretté que l'écrivain.
A. V.
————————-
MANIFESTATION HORTICOLE
Je vous ai raconté hier le Bourgeois gen-
tilhomme; je vais vous conter encore une
autre pièce aujourd'hui. C'est monotone,
mais ce n'est vraiment pas ma faute si la
politique ressemble tant à une eomédie:'
C'était le lendemain du jour où les dé-
légués sénatoriaux ont été élus. Je ren-
contrai sur le boulevard Saint-Michel un
de mes amis, conseiller municipal de
Paris, et membre de la minorité opportu-
niste. « Eh bien, dis-je en lui serrant la
main, vous avez remporté dimanche der-
nier une assez jolie veste ; tous mes com-
pliments. ,
— Ah 1 ah ! me répondit-il, vous croyez
cela ; rira bien qui rira le dernier. Vous
pensez tenir la majorité, parce que les
autonomistes sont parvenus à faire passer.,
leur liste; on voit bien que vous ne con-
naisez pas les suburbains. Enlever les su-
burbains ! tout est là. Si vous connaissiez
le nom de notre candidat, vous rabaHriez
de votre confiance.
— Et ce candidat, il s'appelle?
Ici mon ami fit un de ces mouvements
de main qui signifient : Pardonnez-moi
de garderie silence, mais j'en ai déjà trop
dit. !
Ce candidat, nous savons enfin son nom j
c'est M. Poirier.
— M. Poirier ! Connais pas 1
Comment, vous ne connaisses pas M.
Poirier? mais vous n'êtes donc jamais allé
à la Comédie-Française, vous n'avez donc
jamais vu le chef-d'œuvre de MM. Augier
et Sandeau? Rappelez vos souvenirs : M.r
Poirier, cet excellent bourgeois entiché
de gentilhommerie, qui a fait la faute de
marier sa fille à un certain marquis de
Presles qui se moque de lui et le ruine;
M. Poirier qui veut bien encourager les
arts, mais laisserait crever de faim les ar-
tistes; M. Poirier qui décommande les dî-,
ners de son gendre, remplace les carpes à
la lithuanienne et les vol-au-vent à la plé-
nipotentiaire par un bon fricandeau à l'o-
seille et une dinde aux marrons; M. Poi-
rier qui invite le vieil ami Verdelet et le
ménage Pincebourde côte à côte avec le
Gotha et le faubourg Saint-Germain; Mi
Poirier qui décline l'ambassade de Cons.,
tantinople, parce qu'il a des goûts séden~i
taires et ne connaît pas le turc; M. Poirier,
qui. enfin. le meilleur rôle peut-être de
M. Got, qui est excellent partout. )
Maintenant que je vous ai rafraîchi là
mémoire, vous vous rappelez sûrement le
Peuilleton du RAPPEL
DU 19 JANVIER
-
17
LE
SANG BLEU
XIV
Au moment même où Guillaumanche
arrêtait ses chevaux au bas du large per-
ron du château, la porte vitrée du vesti-
bule s'ouvrait brusquement c'était Nicole
qui, ayant entendu le rll ement des roues
dans le gravier dç fallée, accourait &u
devant de son ilèN, 'accompagné d'un pe-
tit chien t.-nfie et jaune.
Il eait à peine mis le pied sur à pre-
re marche qu'elle était ffSs de lui, et,
(Traduction interdit ; r('pro(hdion auto-
risée peur les journaux û"» ouf \I.;¡ 'rd avec
la Sc'ci<':.'- (d\ :l,cn,'! de VéiUies, mais après la
fin de la puûkal oto où feuilleton dans le
Happel) .,.
loir te il-wd du au 15 tnÇh
avec une effusion de joie, elle l'embrassait
longuement.
— Enfin te voilà !
— Est-ce que je suis en retard pour le
dîner?
— Celajie fait rien, je t'ai commandé
un dîner qui peut attendre; ce n'était pas
le dîner qui me tourmentait, j'avais peur
du brouillard ; hier soir il en a fait un
très épais, c'était à peine si l'on voyait à
deux pas.
Elle lui avait pris une main et, l'attirant,
elle lui faisait monter' rapidement le
perron. i
— J'avais bien pensé que tu aurais
froid, il y a bon feu dans ta chambre.
Un escalier de pierre, à palier et à
rampe de fer ornée d'oiseaux et de feuil-
lage, conduit dii vestibule au premier
étage; ne lâclyant pas la main de son père,
elle le mo,úta avec lui.
En arrivant devant la porte de la cham-
Ve, ce fut elle-même qui l'ouvrit; comme
elle l'avait dit, un bon feu de grosses
bûches de hêtre flambait clair dans la
'ehêmiú, et iléclairalt la chambre im-
mense dé lueurs changeantes qui allaient
se perdre dans les angles sombres; selon
là force de projection de la flamme, le
plafond à caissons semblait s'élever ou
s'abaisser. Devant la cheminée, mais à
une certaine .-"distancé, des vêtements
étaient étalés sur une chaise exnosée à la
"eut..
.,
- Je t'ai mis chauffer un veston, dit-
elle en allant le tâter, il est très chaud;
quitte vite ta redingote.
Et comme il ôtait son pardessus en la
regardant avec un sourire attendri.
— Si j'avais osé, dit-elle.
— Osé quoi?
— J'aurais aussi mis chauffer tes pan-
toufles, comme au temps de la rue Claude-
Villefaux, quand tu rentrais pour dîner et
que tu étais si content de trouver tes pan-
toufles sur le poêle, mais qu'aurait dit la
générale ?
Elle se mit à rire : cette appellation
était celle dont elle se servait pour plai-
santer les grands airs et les remontrances
de son institutrice.
— Elle se serait fâchée. Au château de
la Senevière, on ne dîne pas en pantoufles.
Elle prit un air digne et gourmé.
— Cela ne se fait pas, mademoiselle,
dit-elle en imitant le ton de l'institutrice.
— Pourquoi, mademoiselle ? — Parce que
cela ne se fait pas. — Est-ce que tu ne
trouves pas cela drôle, toi, papa, qu'on
fasse ce qui vous plaît quand on est pau-
vre, et que quand on est riche on ne
puisse plus faire que ce qui plaît aux
autres.
- La fortune impose des devoirs, di-.i!
d'une voix grave.
- Alors quand on est pauvre c'est
pour soi et quand on est riche c'est pour
les auireL
Il ne trouva pas à propos d'engager une
discussion sur ce sujet délicat; il avait
remplacé sa redingote parle veston chaud
et il poussait les soupirs de satisfaction
d'un homme à son aise.
— Maintenant chauffe tes pieds, dit-
elle, le dîner peut attendre.
Elle lui poussa une chaise et quand il
fut installé devant la cheminée, les - deux
pieds exposés à la flamme, elle vint contre
lui ; il la prit dans son bras, et elle s'ap-
puya la tête contre son épaule.
- Nest-ce pas que j'ai eu une bonne
idée, dit-elle.
— L'idée d'une bonne petite fille affec-
tueuse et prévenante.
— Que je suis contente !
Elle se serra contre lui tendrement en
lui passant le bras autour du cou.
Ils étaient seuls, il n'avait à craindre ni
qu'on l'entendit, ni qu'on le dérangeât,
c'était le moment de parler.
Il eut un serrement de cœur et, l'écar-
tant un peu de lui, il la regarda longue-
ment : une bûche en s'effondrant avait
lancé une gerbe de flammes pétillantes
qui éctairait Nicole en plein, mieux que ne
l'eftt fait la lumière d'une forte lampe, et
elle apparaissait ainsi toute rcse, avec des
grands yeux sombres, que ses cheveux
qui tombaient en boucles frisées sur son
front et ses épaules rendaient encore plus
profondément sombres qu'ils ne l'étaient
naturellement* comme sa rota de peluche
i
grenat rendait son visage plus rose aussi.
— J'ai fait toilette pour toa retour, dit-
elle en souriant à l'examen de son père,
et pour ton retour aussi je t'ai commandé
un dîner que tu vas voir. J'étais si con-
tente, si heureuse!
Si contente ! Allait-il d'un mot couper
cette joie, alors qu'elle n'avait pas encore
donné tout ce que l'enfant en attendait.
Rien ne pressait d'ailleurs. Il parlerait
après ce dîner dont elle se faisait fête.
— Si je suis si contente de ton retour,
dit-elle en revenant à son père et en lui
posant la main siir l'épaule, ce n'est pas
seulement pour le plaisir de te revoir,
c'est aussi parce qu'en ton absence il s'est
passé quelque chose qu'il faut que tu
saches et que je te dirai si tu promets de
ne pas me gronder.
— Tu sais bien que je ne te gronde pas;
mais enfin je te promets ce que tu de-
mandes.
— Eh bien, hier soir, un peu avant le
brouillard, quand la lune se levait, Héloïse
et Jean ont vu le Mastré se promener sur
les eaux de l'étang.
— Es-tu sotte avec ton Mastré !
— Je sais bien que c'est bête de croire
qu'un grand, grand mouton noir se pro-
mène au clair de lune sur-les eaux et sur
les murs, et que quand on le voit cela
annonce qu'un malheur est proche. Mais
enfin ici tout le monde croit cela, et, si je
ne le ctoia pas, c'est parce que ne l'ai,
jamais vu, et aussi parce que tu m'as dé;
fendu de le croire. Aussi quand Pôloïse^
en me déshabillant, m'a raconté -«n ap-
parition du Mastré, je me suis toquée
d'elle. Seulement, au milieu dé la nuit;
j'aj. entendu des pas lourds dans ^vesti-
bule, et en écoutant, tout au !oin, dans
l'aiie du Nord, comme des gémissements
étouffés. Et ça, tu sais bien que c'est vrai,
puisque l'aile du Nord est hantée.
— Mais je ne sais pas ça du tout ; c'est
le contraire que je sais ; c'est absurde,
c'est fou de croire que cette partie du
château est hantée; pas plus celle-là
qu'une autre.
— Enfin on le croit et tout le monde le
dit : alors le Mastré et les gémissements,
cela m'avait toute troublé et je m'imagi-
nais qu'il pouvait t'arriver un malheur;
Bob aboyait plaintivement; je ne pouvais
pas le faire taire.
— Tu vois combien tout cela était fou:
il ne m'est pas arrivé de malheur : quel
malheur voulais-ln qu'il m'arrivât?
— J'avais peur des voleurs, j'avais peut
de tes chevaux, enfin j'avais peur de queli
que chose sans savoir quoi, et voilà pour-
quoi je suis si contente de te voir revenue
—Eh bien puisque tu te fais fête de ton
dîner, allons le manger.
,_: HECTOR MÀidV
iAtmisà f.,.'
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