Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-09-12
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 79956 Nombre total de vues : 79956
Description : 12 septembre 1894 12 septembre 1894
Description : 1894/09/12 (N8951). 1894/09/12 (N8951).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7542247f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/12/2012
N° 8951 — Mercredi 12 Septembre 1894 -.
CINQ centimes le numéro
1 36 Fructidor an 102-N° 8951 ---
RÉDACTION:
imt mm MOSrattOTBB, 131
rftORESSER ln SECRÉTAIRE DE ii EXACTION
De 4 b 6 heur-s du soir
Et de 9 heures du soir à minuit
m NANOMBtM NON JXSézàa NB mm PAS mmDe
ADMINISTRATION .-
131, ans bohtbulbtbs, 131
Adresser lettres et mandats
A L'ADMINISTRATEUR-GÉRANT -
ANNONCES
MIL Ch. LAGEANGE, CERF et
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
, PARIS --
v tra mis :.. 8 m
TBOVS VOIS. S —
SIX MOIS.. 9 FR.
un AH. 18-
Rédacteur en chef : AUGUSTE JACQUERIE
ABONNEMENTS _;:;f:
DÉPARTEMENTS
un MOIS. ZFR.
non Hom. 6 -
aix ho».,.,,.,,..T. 11 Bk
un AS 20 —
Nous priOns ceux de nos lecteurs dont
Vabonnement expire le 15 septembre de
le renouveler le plus vite possible afin
jTéviter une interruption dans la récep-
tion dit journal.
Joindre une des dernières bandes à
Chaque renouvellement.
VOIR A LA 4e PAGE
LA NOMENCLATURE DES
MLLES FUIMES GRATUITES
que nous offrons à nos abonnés
:::- :':::,:- ::::;..,:;,}: -":/ ::- ',: ;:i:-';::-: -'¡'C:?<'
Les courses de taureaux
Cette fois, c'est vrai, il n'y a plus de
Pyrénées I Le Soleil en donne cette
preuve qu' « on tue le taureau dans
les villes du midi de la France aussi
bien qu'en Espagne ». L'autre diman-
che, à Byonne, « on a tué six tau-
reaux, et; comme on donne à chaque
taureau cinq ou six chevaux à éven-
trer, les spectateurs en ont 'eu pour
leur argent ».
— « Quel carnage! quelle fête du
sang ! » dit un journal de Bordeaux.
Six taureaux, deux matadors, trois
taureaux par homme. Le premier
tueur n'a pas fait durer le plaisir ;
mais « si Guerrita a expédié ses trois
taureaux avec une justesse, une grâce
exquises, son confrère, plus lourd,
plus journalier, a lardé les trois féro-
ces mais malheureux animaux livrés
à sa verve mortifère. C'était atroce,
et cela venait après un massacre de
chevaux défoncés à coups de cornes,
que le bâton forçait à se redresser et
à patauger parmi leurs entrailles pen-
dantes. »
M. de Kérohant « avait entendu dire
qu'il y avait une loi qui interdisait de
maltraiter et de torturer les ani-
maux M, et il existe des personnes
qui croient que les taureaux et les che-
vaux appartiennent à la race animale.
Mais il parait qu'elles croient mal,
car, l'autre jour, à Oran, quand on
était en train de larder les taureaux
et d'éventrer les chevaux, c'était le
préfet qui donnait le signal des ap-
plaudissements.
Le gouvernement applaudissant,
par les mains de ses préfets, ces bou-
cheries, il est naturel qu'elles se ré-
pandent d'Oran à Bayonne et de
Bayonne à Paris, et ie n'ai éprouvé,
pour ma part, aucun étonnement à
lire dans les journaux que celui qu'on
appelle le « petit sucrier » et pour qui
j'avais conservé jusqu'ici une certaine
sympathie, « s'était fait construire
dans sa propriété, aux environs de
Paris, un petit hippodrome privé, où
il offrirait à ses amis le spectacle de la
mise à mort des taureaux » et des che-
vaux.
Ceux des invités qui s'attendraient
à un spectacle viril et à un acte de cou-
rage d'un homtoe armé d'une mince
épée contre une bête terrible et furieuse
ignoreraient, dit le Temps, la différence
qu'il y a entre « les combattants anti-
ques qui abordaient glaive en main le
tigre ou le lion dès son entrée dans l'a-
rène, et les personnages, vêtus d'ha-
bits dorés et collants, coiffés comme
des femmes, orgueilleux comme des
empereurs, qui n'ont devant eux qu'un
taureau harassé, piqué, saigné de ban-
derilles, abruti, n'y voyant plus clair,
réduit à l'immobilité et à la stupeur. »
— « Des Parisiens blasés en quête
d'émotions violentes vont, sans rire,
éprouver le frisson de la petite mort
quand leur toréador, amené à grands
frais dans un local tout récemment
construit, saluera l'assistance. Ave,
Cesar. N'exagérons rien. Il meurt un
matador contre cinq ou six cents tau-
reaux, ce qui thontre que, tout de
même, dans ce duel, l'homme s'est
réservé quelques chances prédomi-
nantes ».
S'il n'y a pas d'héroïsme dans le
meurtre du taureau, qu'y reste-t-il ?
« Il y reste une chose barbare et mal-
propre, l'abue de notre pouvoir sur
les animaux, et un abus répugnant ».
Sous l'empire, le bruit ayant couru
que l'Espagnole qui régnait allait in-
troduire les courses de taureaux en
France, le cri public l'a fait reculer.
Il est triste que la République con-
sente à ce dont l'empire a eu honte.
, AUGUSTE VACQUERIE.
Un témoin oculaire de la course qui a
lieu samedi chez M. Max Lebaudy en
fait dans Y Evénement un récit dont nous
extrayons le passage suivant :
Le taureau fonce, le matador Ruiz al-
longe le bras,fait un saut de côté,et l'animal
passe, emportant l'arme plongée dans le
flanc gauche jusqu'à la garde. On croit que
c'est tini et qu'il va s'abattre, foudroyé.
Pas du tout, le coup est manqué.
L'animal souffre visiblement, il est de-
venu plus prudent, il se plaint de temps à
a,utre t ,nHlÍj il fait tête encore un quart
d'heure à. ses adversaires. On retire l'épée
de la plaie, le toréador frappe encore à
trois reprises différentes et le taureau lutte
toujours,, reculant pas à pa-, mugissant
tristement ; enfin, il s'agenouille, présen-
tant encore le front à ses adversaires qui
ie harcèlent avec de banderille-, lui enve-
loppent la tête avec des capes, gambadant
autour de lui. C'est affreux, on dirait l'as-
ssssinat d'un héros maladroit par une
bande de clowns. -'
Enfin, il tombe sur le flanc et, dans son
crâne, le caçhetçro enfonce un vilain poi-
gnard à la lame ronde. La bête crie une
dernière fois et s'étend tout de sou long. On
attache le corps aux traits d'un carrosser,
qui remplace l'attelage traditionnel de
mules pomponnées, et le traîne au dehors.
Le quatrième taureau a été mis à mort
dans les mêmes conditions, lardé de trois
coup, d'épée, avec une agonie un peu plus
courte, mais tout aussi pénible à voir, ex-
citant les mêmes marques d'improbation
dans les tribunes.
- ——————————————————"!'!.!..!. ———
LA RENTREE DES CHAMBRES
ET LE BUDGET
Quoique les vacances parlementaires
soient encore assez loin de leur terme,
on commence à se préoccuper de l'éven-
tualité de la reprise des travaux législa-
tifs et de l'époque à laquelle celle-ci
s'effectuera. On sait. qu'aux termes de la
Constitution, les Chambres ayant ac-
compli.de janvier à fin juillet leur session
ordinaire de 1894, c'est au gouvernement
seul qu'incombe le soin de les convoquer
pour une nouvelle session qui, elle, aura
le caractere extraordinaire.
Jusqu'ici le conseil des ministres n'a
pas arrêté la date de.convocation et les
indications que certains journaux ont
cru pouvoir donner à cet égard sont
sinon inexactes, du moins prématurées.
Il est toutefois possible de prévoir à coup
sûr les limites assez étroites entre les-
quelles sera choisie la date d'ouverture
de la session. Il y a, en effet, obligation
de donner aux deux Chambres le temps
nécessaire pour discuter et voter le bud-
get cle 1895 avant le 31 décembre, ce qui
exclut forcément toute possibifité de
porter trop loin la rentrée du Parlement.
D'après les probabilités les plus fon-
dées, c'est dans l'intervalle compris entre
le 16 et le 30 octobre que sera fixée l'ou-
verture de la session.
Quelle que soit la date fixée, la commis-
sion du budget a décidé en principe, au
moment de sa séparation, qu'elle repren-
drait ses déliberations quinze jours
avant la Chambre, de manière à achever
la préparation de ses rapports et à mettre
la Chambre en état de discuter le budget
de 1895 dès les premiers jours de la
rentrée.
Leministre des finances s'estefforcé de
son côté de faciliter la tâche de la Cham-
bre et de la commission. Il va faire dis-
tribuer dans quelques jours aux mem-
bres de la commission, puis à tous les
députés et sénateurs, le projet de budget
rectifié, le projet de loi sur la réforme de
l'impôt des boissons et le projet de loi
modifiant les droits de succession.
Ces deux derniers projets, quoique
distincts du budget, pourront y être
incorporés, si la Chambre le juge utile.
En tous cas, tous les éléments seront
ainsi fournis à temps au Parlement pour
l'établissement-du budget de 1895.
Il, importe de rappeler que le qua-
trième projet qui est en préparation au
ministère des finances: celui concer-
nant l'impôt sur , les diverses catégories
de revenus, ne pourra être déposé qu'ul-
térieurement, car la commission extra-
parlementaire chargée d'en rassembler
les éléments ne reprendra ses séances
que le 25 septembre. D'ailleurs, ce projet
qui portera sur les contributions di-
rectes ne pourra pas avoir d'effet dès
l'exercice prochain, puisque, on s'en sou-
vient, les contributions directes ont été
votées pour 1895 sans modification par
les Chambres.
A MADAGASCAR
Nous avons annoncé, hier matin, que
M. Larrouy, résident général à Mada-
gascar, revient en France en vertu d'un
congé, et que M. Le Myre de Vilers,
député de la Cochinchine, se rendra à
Tananarive, en mission spéciale, par le
paquebot qui partira de Marseille ven-
dredi prochain.
M. Le Myre le Vilers. on le sait, mais
nous tenons à le rappeler, a été le pre-
mier résident général de France à Ma-
dagascar, après une belle carrière four-
,nie dans d'autres colonies., la Cochin-
chine, par exemple, dont il a été le gou-
verneur pendant plusieurs années. M.
Le Myre de Vilers est incontestablement
l'homme qui connaît le mieux la ques-
tion malgache et, qui jouit de la plus
grande influence sur le premier ministre
de la reine des Hovas.
M. Le Myre de Vilers va donc rempla-
cer momentanément le résident général
actuel. Pendant cet intérim, déguisé sous
le nom de mission spéciale, il fera tous
ses efforts pour faire comprendre à la
cour d'Emyrne que la situation actuelle
ne peut pas durer. Cette situation, nos
lecteurs la connaissent. Les Hovas, exci-
tés par les agents et méthodistes anglais,
o.!t à peu près éludé les obligations que
leur impose le traité que nous avons
signé avec eux et. qui a reconnu notre
protectorat. La reine refuse de recevoir
14. Larrouy qui a été obligé de revenir à
Ta.matave ; le premier ministre nous
suscite tous les jours de nouvelles diffi-
cultés ; à chaque instant nos nationaux
sont molestés, victimes de vexations
arbitraires, de vols, de pillage à main
armée, voire d'arrestations qui, il est
vrai, ne sont pas maintenues.
Bref, le gouvernement hovaëe conduit
vis à vis de la France absolument
comme s'il n'avait pas été forcé d'ac-
cepter notre protectorat.
Le conflit est presque à l'état aigu, M.
Le Myre de Vilers parviendra-t-il à
faire entendre raison à la courd'Emyrne?
Il faut l'espérer, mais sa tâche est telle-
ment difficile qu'aux ministères des
affaires étrangères et des colonies, on
doute qu'il réussisse.
D'ores et déjà, M. Hanoteaux, ministre
des affaires étrangères, est bien décidé
à demander aux Chambres le vote d'un
crédit spécial pour que les Hovas soient
mis à la raison et l'administration des
colonies partage son avis. — Rappelons,
d'ailleurs, qu'il y a une quinzaine de
jours, nous avons fait prévoir cette
expédition.
Au dire des personnes qui sont au
courant des difficultés que nous éprou-
vons à Madagascar, le corps que nous
serions obligé d'y envoyer, au cas où la
mission de M. Le Myre de Vilers n'abou-
tirait pas, devrait compter une quinzaine
de mille hommes et être appuyé par une
escadre qui ferait le blocus des côtes.
L'expédition durerait au moins six mois.
Espérons que le premier ministre des
Hovas se rendra aux raisons que lui ex-
posera M. Le Myre de Vilers et épar-
gnera aux sujets de la reine Ranavolo
une guerre après laquelle le protectorat
de la France sur Madagascar céderait la
place à une prise de possession complète
et à une annexion définitive.
CHARLES BOS.
LA MORT DU COMTE DE PARIS
Nous recevons les dépêches suivantes :
, , • Londres, 9 septembre.
Hier après-midi le public a été admis dans
la cbambre mortuaire à Stowe-IIouse.
Le comte de Paris est couché sur un lit
dans la chambre même où il est mort. Le
public entre par laporte égyptienne ouvrant
sur la façade nord du château, suit un
couloir donnnant accès à l'escalier et arrive
à la chambre mortuaire par une suite de
corridors.
La sortie s'effectue par le vestibule nord
et par les jardins. Le comte e t couché les
mains jointes. Sur la poitrine on voit une
grande croix ; le drapeau tricolore est
déployé au pied du lit vers le côté gauche.
Un prêtre et plusieurs membres de la
famille veillent près du lit. Le valet du
prince, Adrien Marteau, se tient debout
dans l'embrasure d'une fenêtre. Le flot
iainterromp i des visiteurs ne permet qu'un
simple coup d'œil.
Hier, dans toutes les églises catholiques
de Londres, les prédicateurs ont, dans leurs
sormons, fait allusion à la mort du comte
de Paris.
Londres, 10 septembre.
Des invitations pour les funérailles du
comte de Paris seront envoyées à la famille
royale, au corps diplomatique et au lord-
maire. -
Buckingham, 10 septembre.
Hier sont arrivées a Buckigham cinq des
douze personnes de la maison du prince,
qui faisaient, chacune à leur tour, le ser-
vice auprès de lui.
Les sept autres sont arrivées ce matin
avec deux ou trois amis : en tout une quin-
zaine de personnes. Quelques personnes
arriveront par les trains suivants, mais on
attend peu de monde à Buckingham. On a
évidemment tout disposé pour conserver à
Stowe-House le caractère de deuil de fa-
mille, réservant le deuil public pour la cé-
rémonie de Weybridge.
On ne fera pas d'autopsie, les médeôins
estimant qu'aucune raison n'existe pour en
faire une. Mais il est probable que le cœur
du prince sera enleve et placé dans une
urne qui sera envoyée en France.
Calai?, 10 septembre.
Embarqués pour l'Angleterre : marquise
de Breteuil, vicomte d'Harcourt, MM. Cham-
berlain, Rocher, Froment Maurice, com-
tes e de Clinchamp, duc de la Trémouilie,
marquis d'Horvey, marquis de Beauvoir.
Embarquement demain : duchesse de Luy-
nes, sir W. Harcourt, évêque de Glosester
et Bristol.
Buckingham, 10 septembre.
La mise en bière a eu lieu à onze heures
un quart, en présence du duc d'Orléans, du
duc de Chartres, de M. d'Hulst, de MM.
d'Haussonville, Dupuy et du docteur Réca-
mier.
Le procès-verbal dressé a été signb par
le duc de Chartres, MM. d'Haussonville,
Dupuy et Récamier; Deux expéditions en
ont été faites : l'une a été enfermée dans la
bière, l'autre sera déposée aux archives.
Le corps a été mis dans une bière capi-
tonnée intérieurement de satin blanc et
placée dans un cercueil de plomb, lequel a
été scellé aux armes pleine-, de France. Ce
double cercueil a été placé dans un troi-
sième en chêne, recouvert de drap et le
tout placé dans un quatrième cercueil en
acajou, orné de garnitures d'argent et d'une
plaque sur laquelle une inscription sera
gravée, ainsi que les armes pleines de
France.
Le cercueil a été transporté temporaire-
ment à la chapelle du château. Un drapeau
tricolore le recouvre, une petite croix a été
placée dessus. Demain le cercueil sera
transporté dans la chapelle ardente qui
sera ouverte au public pendant la plus
grande partie de la journée.
Les funérailles seront présidées par le
cardinal Vaughan, archevêque de West-
minster, assisté de l'évêque de Southwark.
C'est à la place même qu'occupait autre-
fois le cercueil de Louis-Philippe, dans le
caveau de la chapelle de Weybridge, que
seront déposés lès restes du comte de
Paris.
i
LA CATASTROPHE D'APILLY
NOUVEAUX DÉTAILS
Les morts et les blessés
Récit de M. Debord
le mécanicien du train ne 115
Les nouvelles que nous avons don-
nées hier de cette terrible catastrophe
sont malheureusement exactes. Pour
mieux la raconter dans tous ses détails,
revenons rapidement sur quelques ren-
seignements déjà fournis hier.
Récit d'un voyageur
Voici le récit d'un voyageur arrivé à
Bruxelles après avoir échappé à la ca-
tastrophe d'Apilly :
Le rapide 115 arrivait à toute vapeur de-
vant la gare d'Apiily. Le chef de gare voyant
le danger, car une locomotive et un wagon
manœuvraient sur la même voie, essaya
en vain de faire les signaux nécessaires
pour arrêter le train. Voyant que tous ses
efforts étaient inutiles, il se précipita sur
la voie le drapeau rouge à la main. Il était
trop tard. Le malheureux fut le premier
atteint par la locomotive de l'express. Il
fut tué sur le coup. Son cadavre roula à
une grande di-tance. L'express et la loco-
motive de ma œuvres entrèrent en col-
lision.
Le train 115 était composé de deux par-
ties. La première prend la voie de Cologne
à Aulnoye la seconde * continue vers'
Bruxelles. - - -
Les trois premiers jvagons furent com-
plètement détruits : les débris amoncelés
atteignaient une dizaine de mètres de hau-
teur.
Des cris d'effroi et de douleur s'élevèrent
au sitôt et les voyageurs qui se trouvaient
dans les derniers wagons be précipitèrent
sur la voie.
Au milieu de l'amoncellement des wagons
brisés, des membres humains surgissaient;
une tête d'homme avait roulé à plusieurs
mètres. Quelques pas plus loin, du corps
décapité, jaillissait un flot de sang.
On songea aussitôt à organiser des se-
cours; mais par malheur le chef de gare
qui seul connai-sait le maniement du télé-
graphe venait d'être tué. Un voyageur qui
connaissait le maniement de l'appareil, té-
légraphia aussitôt à Chauny la dépêche
suivante : « Grave accident, chef de gare
tuiv envoyez secours. »
Vers quatre iieures, un train de secours,
arriva de Chauny avec plusieurs médecitis
et quelques ouvriers. Un autre train arriva
ensuite de Tergnier avec des médecLs, des
ingénieurs et des ouvriers.
Au cours du sauvetage, des actes de vé-
ritable h roïsme se sont accomplis. C'est
ainsi qu'il faut citer en première ligne la
conduite du mécanicien du rapide. Le
chauffeur avait été tué sur le coup. et le
mécanicien grièvement blessé à to. tête.
Aussitôt après le choc,, cet homme s'élança
en bas de sa locomotive pour étancher le
sang qui découlait de ses nombreuses bles-
sures, puis remonta sur la machine et. ne
redescendit qu'après avoir fermé les sou-
papes pour éviter de nouveaux malheurs,
sans vouloir écouter les sollicitations des
voyageurs qui le suppliaient d'aller se faire
soigner. A peine était-il descendu à tant
qu'il :,,'atraissaJt comme une masse. La do.
leur avait vaincu l'énergie de ce brave.
Plusieurs prêtres se prodiguaient courant
dans les groupes. Ils administraient les
derniers sacrements aux mourants et con*
solaient les blessés. s
Quand le premier mouvement de conster*
nation fut passée, on songea à compter les
victimes. Toutefois, quand nous sommes
partis d'Apilly, à cinq heures, il y avait en-
core deux voyageurs ensevelis sous les
décombres, et l'on ignorait s'ils avaient
succombé.
Les victimes se trouvaient toutes dans les
trois premiers wagons, à destination de
Cologne.
Je n'ai pas aperçu de Bruxellois parmi
elles, et l'on disait qu'aucun Belge n'avait
été atteint.
Le peintre Herbo qui se trouvait dans la
train est également sorti indemne de la
catastrophe.
Ce n'est pas le premier accident de ce
genre auquel j'ai assisté, ajoute le voyageur
dans son récit ; mais je puis assurer que
c'est le plus aflreux que j'aie jamais vu. On
ne peut vraiment se faire une idée da
l'horreur de ce spectacle effroyable que j'ai
sans ce-se devant les yeux et que je n'ou.
blierai jamais.
Le rapport de la compagnie
Voici le rapport officiel envoyé par le
compagnie au ministre des travaux pu-
blics :
Hier dimanche, 9 septembre, vers deux
heures douze du soir, au moment où le
train express no 115, qui part de Paris 1
midi quarante vers Bruxelles et Cologne,
arrivait à la station d'Apiily, située entra
Noyon et Chauny, une collision s'est pro-
dllite.- -. ,
Le train express a rencontré une machine
dà manœuvre que le chef de gare avait,
engagée sur la voio sans la couvrir de la
façon réglementaire, «quoiqu'il co' 1 nM
l'heure de'passage du train et quoiqu'il lui
ait été annoncé plusieurs minutes à l'avance
par les cloches électriques manœuvrées
depuis Noyon et par les électro-sémaphores.
placés à 1,800 mètres de là.
Le malheureux agent a péri victime de
son imprudence.
Deux personnes de nationalité étrangère
ont été tuées.
Deux dames appartenant au service de
comptabilité des compagnies ont été tuées,
Six personnes et trois agents de la com-
pagnie ont été blessé".
Une dizaine de personnes ont reçu de?
contusions qui paraissent sans gravité el
ont pu continuer leur voyage.
Les dégâts matériels sont importants. Les
deux machines, le fourgon do tête et quatre
voitures du train ont subi de fortes avaries.
La circulation a été rétablie entre neuf
heures et dix heures du soir.
Renseignements officiels - Les
responsabilités
Jusqu'à présent on a trouvé cinq
morts,, et il semble improbable qu'on ea 1
retrouve d'autres,- une "des voies étant
déjà déblayée hier soir, à neuf heures.
La circulation a donc pu se faire des
aujourd'hui sans transbordement.
Voici les noms des personnes tuées :
M. Briffaut (?) de Bruxelles. On n'est
pas sûr de l'exactitude absolue du nom ;
Mme Holm, de Stockholm ;
'Mlle Deulin, de Paris, employée au
chemin de fer de ceinture;
Une femme inconnue, retrouvée au-
près de cette dernière, et que l'on avait
prise d'abord pour sa mère, mais Mme
Deulin n'avait pas quitté Paris. Elle est
venue elle-même à la gare du Nord pour
chercher des nouvelles de son enfaatet.
apprendre la fatale nouvelle.
Le cinquième mort enfin est M. Bou-
bey, le chef de station.
Parmi les blessés ou contusionnés, au
nombre de dix-sept, on ne connaît encore
à la compagnie, -que quelques noms.
D'abord, Mlle Briffaut (?) de Bruxelles,
âgée de treize ans et demi, voyageant
avec son père qui a été tué, comme on
l'a vu plus haut. Mlle BritTaut, contu-
sionnée par tout le. corps, mais ne pa-
raissant pas en dangèr de mort, a été
portée à l'hôpital de Chauny.
M. Pulsfort, de Paris, a eu la jambe
cassée. Par les soins do. la compagnie,
un interne a été expédié hier de Paris
pour soigner ce blessé. Un télégramme
annonce que ce blessé va mieux et pourra
être ramené aujourd'hui à Paris.
Feuilleton du RAPPEL
DU 12 SEPTEMBRE
94
LES
QUARANTE-CINQ
DEUXIÈME PARTIE
XIV
L'allée des trois mille pas
La reine habitait l'autre aile du châ-
eau, diyise-à peu près de la même façon
que celle que venait de quitter Chicot.
On entendait toujours de ce côté quel-
que musique, on y voyait toujours rôder
quelque panache.
Lu fameuse allée des trois mille pas,
dont il avait été tant question, commen-
tait aux fenêtres mêmes de Marguerite,
et sa vue ne s'arrêtait jamais que sur
des objets agréables, tels que massifs de
fleurs, berceaux de verdure, etc.
On eût dit que la pauvre princesse es-
sayait de chasser, par le spectacle des
choses gracieuses, tant d'idées lugubres
qui habitaient au fond de sa pensée.
Un poète périgourdin (Marguerite, en
province comme à Paris, était toujours
l'étoile des poètes), un poète péri-
gourdin avait composé un sonnet à son
intention.
Voir le Rappel du 30 mai, au 11 septembre,
« Elle veut, disait-il, par le soin qu'elle
met à placer garnison dans son esprit,
en chasser tous les tristes souvenirs. »
Née au pied du trône, fille, sœur et
femme de roi, Marguerite avait en effet
profondément souffert.
Sa philosophie, plus fanfaronne que
celle du roi de Navare, était moins so-
lide, parce qu'elle n'était que factice et
due à l'étude, tandis que celle du roi
naissait de son propre fonds.
Aussi, Marguerite, toute philosophe
qu'elle était, ou plutôt qu'elle voulait être,
avait-elle déjà laissé le temps et les cha-
grins imprimer leurs sillons expressifs
sur son visage..
Elle était néanmoins encore d'une re-
marquable beauté , beauté de physio-
nomie surtout, celle qui frappe le moins
chez les personnes d'un rang vulgaire,
mais qui plaît le plus chez les illustres,
à qui l'on est toujours prêt à accorder
la suprématie de la beauté physique.
Marguerite avait le sourire joyeux et
bon, l'œil humide et brillant, le geste
souple et caressant; Marguerite, nous
l'avons dit, était toujours une adorable
créature.
Femme, elle marchait comme une
princesse: reine, elle avait la démarche
d'une charmante femme.
Aussi elle était idolâtrée à Nérac, où
elle importait l'élégance, la joie, la vie.
Elle, une princesse parisienne, avoir
pris en patience le séjour de la province
c'était déjà une vertu dont les provin-
ciaux lui savaient le plus grand gré.
Sa cour n'était pas seulement une cour
de gentilshommes et de dames, tout le
monde l'aimait à la fois, comme reine et
comme femme; et, de fait, l'harmonie
de ses flûtes et de ses violons, comme la
fumée et les reliefs de ses festins, étaient
pour tout le monde.
Elle savait faire du temps un emploi
tel, que chacune de ses journées lui rap-
portait quelque chose, et qu'aucune
d'elles n'était perdue pour ceux qui l'en-
touraient,
Pleine de fiel pour ses ennemis, mais
patiente afin de se mieux venger; sen-
tant instinctivement, sous l'enveloppe
d'insouciance et de longanimité de Henri
de Navarre, un mauvais vouloir pour
elle et la conscience permanente de cha-
cun de ses déportements ; sans parents,
sans amis, Marguerite s'était habituée à
vivre avec de l'amour, ou, tout au moins,
avec des semblants d'amour, et à rem-
placer par la poésie et le bien-être, fa-
mille, époux, amis et le reste.
Nul, excepté Catherine de Médicis,
nul, excepté Chicot, nul, excepté quel-
ques ombres mélancoliques qui fussent
revenues du sombre royaume de la mort,
nul n'eût su diro pourquoi les joues de
Marguerite étaient déjà si pâles, pour-
quoi ses yeux se noyaient involontaire-
ment de tristesses inconnues, pourquoi
enfin ce cœur profond laissait vair son
vide, jusque dans son regard autrefois
si expressif.
Marguerite n'avait plus de confidents.
La pauvre reine n'en voulait plus, de-
puis que les autres avaient, pour de
l'argent, vendu sa confiance et son hon-
neur.
Elle marchait donc seule, et cela dou-
blait peut-être encore aux yeux des Na-
varrais, sans qu'ils s'en doutassent eux-
mêmes, la majesté de cette attitude,
mieux dessinée par son isolement.
Du reste, ce mauvais vouloir, qu'elle
sentait chez Henri, était tout instinctif et
venait bien plutôt de la propre conscience
de ses torts que des faits du Béarnais.
, Henri ménageait en elle une fille de
France ; il ne lui parlait qu'avec une
obséquieuse politesse, ou qu'avec un
gracieux abandon ; il n'avait pour elle,
en toute occasion et à propos de toutes.
choses que les procédés d'un mari et
d'un ami.
Aussi, la cour de Nérac, comme toutes
les autres cours vivant sur les relations
faciles, débordait-elle d'harmonies au
moral et au physique.
Telles étaient les études et les ré-
flexions que faisait, sur des apparences
bien faibles encore,Chicot, le plus obser-
vateur et le plus méticuleux des hom-
mes.
Il s'était présenté d'abord au palais,
renseigné par Henri, mais il n'y avait
trouvé oersonne.
Marguerite, lui avait-on dit, était au
bout de cette belle allée parallèle au
fleuve, et il se rendait dans cette allée,
qui était la fameuse allée des trois mille
pas, par celle des lauriers-roses.
Lorsqu'il fut aux deux tiers de l'allée,
il aperçut au bout, sous un bosquet de
jasmin d'Espagne, de genêts et de clé-
matites, un groupe chamarré de rubans,
de plumes et d'épées de velours; peut-
être toute cette belle friperie était-elle
d'un goût un peu usé, d'une mode un
peu vieillie; mais, pour Nérac, c'était
brillant, éblouissant même. Chicot, qui
venait en droite ligne de Paris, fut satis-
fait du coup d'œil.
Comme un page du roi précédait Chi-
cot, la reine, dont les yeux erraient çà et
là avec l'éterneUe inquiétude des cœurs
mélancoliques, la reine reconnut les
couleurs de Navarre et l'appela.
- Que veux-tu, d'Aubiac? demanda-t-
elle.
Le jeune homme, nous aurions pu dire
l'enfant, car il n'avait que douze ans à
peine, rougit et ploya le genou devant
Marguerite.
— Madame, dit-il en français, car la
reine exigeait qu'on proscrivît le patois
de toutes les manifestations de service
ou de toutes les relations d'affaires, un
gentilhomme de Paris, envoyé du Louvre
à sa majesté le roi de Navarre, et ren-
voyé par sa majesté le roi de Navarre à
vous désire parler à votre majoité,
Un feu subit colora le beau visage de
Marguerite; elle se* tourna vivement ef
avec cette sensation pénible qui, à toute
occasion, pénètre les cœurs longtemps
froissés.
Chicot était debout et immobile à vingt
pas d'elle.
Ses yeux subtils reconnurent au main*
tien et à la silhouette, car le Gascon s^
dessinait sur le fond orangé du ciel, une
tournure de connaissance; elle quitta le
cercle, au lieu de commander au nou.,
veau venu d'approcher.
En se retournant toutefois pour dosi,
ner un adieu à la compagnie, elle f il
signe du bout des doigts à un despUia
richement,vêtus et des plus beaux gf'n.
tilshommes.
L'adieu pour tous était réellement un
adieu pour un seul.
Mais comme le cavalier privilégié ne
paraissait pas sans inquiétude, malgré
ce salut qui avait pour but de le ras<
surer, et que l'œil d'une femme voil
tout :
— Monsieur de Turenne, dit Marges
rite, veuillez dire à ces dames que je
reviens dans un instant.
Le beau gentilhomme au pourpoint
blanc et bleu s'inclina avec plus de id.
gèreté que ne l'eût fait un courtisan int
1 diffférent,
! ALEXEANDR DUMAS,
l LA sUÎrwe.)
CINQ centimes le numéro
1 36 Fructidor an 102-N° 8951 ---
RÉDACTION:
imt mm MOSrattOTBB, 131
rftORESSER ln SECRÉTAIRE DE ii EXACTION
De 4 b 6 heur-s du soir
Et de 9 heures du soir à minuit
m NANOMBtM NON JXSézàa NB mm PAS mmDe
ADMINISTRATION .-
131, ans bohtbulbtbs, 131
Adresser lettres et mandats
A L'ADMINISTRATEUR-GÉRANT -
ANNONCES
MIL Ch. LAGEANGE, CERF et
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
, PARIS --
v tra mis :.. 8 m
TBOVS VOIS. S —
SIX MOIS.. 9 FR.
un AH. 18-
Rédacteur en chef : AUGUSTE JACQUERIE
ABONNEMENTS _;:;f:
DÉPARTEMENTS
un MOIS. ZFR.
non Hom. 6 -
aix ho».,.,,.,,..T. 11 Bk
un AS 20 —
Nous priOns ceux de nos lecteurs dont
Vabonnement expire le 15 septembre de
le renouveler le plus vite possible afin
jTéviter une interruption dans la récep-
tion dit journal.
Joindre une des dernières bandes à
Chaque renouvellement.
VOIR A LA 4e PAGE
LA NOMENCLATURE DES
MLLES FUIMES GRATUITES
que nous offrons à nos abonnés
:::- :':::,:- ::::;..,:;,}: -":/ ::- ',: ;:i:-';::-: -'¡'C:?<'
Les courses de taureaux
Cette fois, c'est vrai, il n'y a plus de
Pyrénées I Le Soleil en donne cette
preuve qu' « on tue le taureau dans
les villes du midi de la France aussi
bien qu'en Espagne ». L'autre diman-
che, à Byonne, « on a tué six tau-
reaux, et; comme on donne à chaque
taureau cinq ou six chevaux à éven-
trer, les spectateurs en ont 'eu pour
leur argent ».
— « Quel carnage! quelle fête du
sang ! » dit un journal de Bordeaux.
Six taureaux, deux matadors, trois
taureaux par homme. Le premier
tueur n'a pas fait durer le plaisir ;
mais « si Guerrita a expédié ses trois
taureaux avec une justesse, une grâce
exquises, son confrère, plus lourd,
plus journalier, a lardé les trois féro-
ces mais malheureux animaux livrés
à sa verve mortifère. C'était atroce,
et cela venait après un massacre de
chevaux défoncés à coups de cornes,
que le bâton forçait à se redresser et
à patauger parmi leurs entrailles pen-
dantes. »
M. de Kérohant « avait entendu dire
qu'il y avait une loi qui interdisait de
maltraiter et de torturer les ani-
maux M, et il existe des personnes
qui croient que les taureaux et les che-
vaux appartiennent à la race animale.
Mais il parait qu'elles croient mal,
car, l'autre jour, à Oran, quand on
était en train de larder les taureaux
et d'éventrer les chevaux, c'était le
préfet qui donnait le signal des ap-
plaudissements.
Le gouvernement applaudissant,
par les mains de ses préfets, ces bou-
cheries, il est naturel qu'elles se ré-
pandent d'Oran à Bayonne et de
Bayonne à Paris, et ie n'ai éprouvé,
pour ma part, aucun étonnement à
lire dans les journaux que celui qu'on
appelle le « petit sucrier » et pour qui
j'avais conservé jusqu'ici une certaine
sympathie, « s'était fait construire
dans sa propriété, aux environs de
Paris, un petit hippodrome privé, où
il offrirait à ses amis le spectacle de la
mise à mort des taureaux » et des che-
vaux.
Ceux des invités qui s'attendraient
à un spectacle viril et à un acte de cou-
rage d'un homtoe armé d'une mince
épée contre une bête terrible et furieuse
ignoreraient, dit le Temps, la différence
qu'il y a entre « les combattants anti-
ques qui abordaient glaive en main le
tigre ou le lion dès son entrée dans l'a-
rène, et les personnages, vêtus d'ha-
bits dorés et collants, coiffés comme
des femmes, orgueilleux comme des
empereurs, qui n'ont devant eux qu'un
taureau harassé, piqué, saigné de ban-
derilles, abruti, n'y voyant plus clair,
réduit à l'immobilité et à la stupeur. »
— « Des Parisiens blasés en quête
d'émotions violentes vont, sans rire,
éprouver le frisson de la petite mort
quand leur toréador, amené à grands
frais dans un local tout récemment
construit, saluera l'assistance. Ave,
Cesar. N'exagérons rien. Il meurt un
matador contre cinq ou six cents tau-
reaux, ce qui thontre que, tout de
même, dans ce duel, l'homme s'est
réservé quelques chances prédomi-
nantes ».
S'il n'y a pas d'héroïsme dans le
meurtre du taureau, qu'y reste-t-il ?
« Il y reste une chose barbare et mal-
propre, l'abue de notre pouvoir sur
les animaux, et un abus répugnant ».
Sous l'empire, le bruit ayant couru
que l'Espagnole qui régnait allait in-
troduire les courses de taureaux en
France, le cri public l'a fait reculer.
Il est triste que la République con-
sente à ce dont l'empire a eu honte.
, AUGUSTE VACQUERIE.
Un témoin oculaire de la course qui a
lieu samedi chez M. Max Lebaudy en
fait dans Y Evénement un récit dont nous
extrayons le passage suivant :
Le taureau fonce, le matador Ruiz al-
longe le bras,fait un saut de côté,et l'animal
passe, emportant l'arme plongée dans le
flanc gauche jusqu'à la garde. On croit que
c'est tini et qu'il va s'abattre, foudroyé.
Pas du tout, le coup est manqué.
L'animal souffre visiblement, il est de-
venu plus prudent, il se plaint de temps à
a,utre t ,nHlÍj il fait tête encore un quart
d'heure à. ses adversaires. On retire l'épée
de la plaie, le toréador frappe encore à
trois reprises différentes et le taureau lutte
toujours,, reculant pas à pa-, mugissant
tristement ; enfin, il s'agenouille, présen-
tant encore le front à ses adversaires qui
ie harcèlent avec de banderille-, lui enve-
loppent la tête avec des capes, gambadant
autour de lui. C'est affreux, on dirait l'as-
ssssinat d'un héros maladroit par une
bande de clowns. -'
Enfin, il tombe sur le flanc et, dans son
crâne, le caçhetçro enfonce un vilain poi-
gnard à la lame ronde. La bête crie une
dernière fois et s'étend tout de sou long. On
attache le corps aux traits d'un carrosser,
qui remplace l'attelage traditionnel de
mules pomponnées, et le traîne au dehors.
Le quatrième taureau a été mis à mort
dans les mêmes conditions, lardé de trois
coup, d'épée, avec une agonie un peu plus
courte, mais tout aussi pénible à voir, ex-
citant les mêmes marques d'improbation
dans les tribunes.
- ——————————————————"!'!.!..!. ———
LA RENTREE DES CHAMBRES
ET LE BUDGET
Quoique les vacances parlementaires
soient encore assez loin de leur terme,
on commence à se préoccuper de l'éven-
tualité de la reprise des travaux législa-
tifs et de l'époque à laquelle celle-ci
s'effectuera. On sait. qu'aux termes de la
Constitution, les Chambres ayant ac-
compli.de janvier à fin juillet leur session
ordinaire de 1894, c'est au gouvernement
seul qu'incombe le soin de les convoquer
pour une nouvelle session qui, elle, aura
le caractere extraordinaire.
Jusqu'ici le conseil des ministres n'a
pas arrêté la date de.convocation et les
indications que certains journaux ont
cru pouvoir donner à cet égard sont
sinon inexactes, du moins prématurées.
Il est toutefois possible de prévoir à coup
sûr les limites assez étroites entre les-
quelles sera choisie la date d'ouverture
de la session. Il y a, en effet, obligation
de donner aux deux Chambres le temps
nécessaire pour discuter et voter le bud-
get cle 1895 avant le 31 décembre, ce qui
exclut forcément toute possibifité de
porter trop loin la rentrée du Parlement.
D'après les probabilités les plus fon-
dées, c'est dans l'intervalle compris entre
le 16 et le 30 octobre que sera fixée l'ou-
verture de la session.
Quelle que soit la date fixée, la commis-
sion du budget a décidé en principe, au
moment de sa séparation, qu'elle repren-
drait ses déliberations quinze jours
avant la Chambre, de manière à achever
la préparation de ses rapports et à mettre
la Chambre en état de discuter le budget
de 1895 dès les premiers jours de la
rentrée.
Leministre des finances s'estefforcé de
son côté de faciliter la tâche de la Cham-
bre et de la commission. Il va faire dis-
tribuer dans quelques jours aux mem-
bres de la commission, puis à tous les
députés et sénateurs, le projet de budget
rectifié, le projet de loi sur la réforme de
l'impôt des boissons et le projet de loi
modifiant les droits de succession.
Ces deux derniers projets, quoique
distincts du budget, pourront y être
incorporés, si la Chambre le juge utile.
En tous cas, tous les éléments seront
ainsi fournis à temps au Parlement pour
l'établissement-du budget de 1895.
Il, importe de rappeler que le qua-
trième projet qui est en préparation au
ministère des finances: celui concer-
nant l'impôt sur , les diverses catégories
de revenus, ne pourra être déposé qu'ul-
térieurement, car la commission extra-
parlementaire chargée d'en rassembler
les éléments ne reprendra ses séances
que le 25 septembre. D'ailleurs, ce projet
qui portera sur les contributions di-
rectes ne pourra pas avoir d'effet dès
l'exercice prochain, puisque, on s'en sou-
vient, les contributions directes ont été
votées pour 1895 sans modification par
les Chambres.
A MADAGASCAR
Nous avons annoncé, hier matin, que
M. Larrouy, résident général à Mada-
gascar, revient en France en vertu d'un
congé, et que M. Le Myre de Vilers,
député de la Cochinchine, se rendra à
Tananarive, en mission spéciale, par le
paquebot qui partira de Marseille ven-
dredi prochain.
M. Le Myre le Vilers. on le sait, mais
nous tenons à le rappeler, a été le pre-
mier résident général de France à Ma-
dagascar, après une belle carrière four-
,nie dans d'autres colonies., la Cochin-
chine, par exemple, dont il a été le gou-
verneur pendant plusieurs années. M.
Le Myre de Vilers est incontestablement
l'homme qui connaît le mieux la ques-
tion malgache et, qui jouit de la plus
grande influence sur le premier ministre
de la reine des Hovas.
M. Le Myre de Vilers va donc rempla-
cer momentanément le résident général
actuel. Pendant cet intérim, déguisé sous
le nom de mission spéciale, il fera tous
ses efforts pour faire comprendre à la
cour d'Emyrne que la situation actuelle
ne peut pas durer. Cette situation, nos
lecteurs la connaissent. Les Hovas, exci-
tés par les agents et méthodistes anglais,
o.!t à peu près éludé les obligations que
leur impose le traité que nous avons
signé avec eux et. qui a reconnu notre
protectorat. La reine refuse de recevoir
14. Larrouy qui a été obligé de revenir à
Ta.matave ; le premier ministre nous
suscite tous les jours de nouvelles diffi-
cultés ; à chaque instant nos nationaux
sont molestés, victimes de vexations
arbitraires, de vols, de pillage à main
armée, voire d'arrestations qui, il est
vrai, ne sont pas maintenues.
Bref, le gouvernement hovaëe conduit
vis à vis de la France absolument
comme s'il n'avait pas été forcé d'ac-
cepter notre protectorat.
Le conflit est presque à l'état aigu, M.
Le Myre de Vilers parviendra-t-il à
faire entendre raison à la courd'Emyrne?
Il faut l'espérer, mais sa tâche est telle-
ment difficile qu'aux ministères des
affaires étrangères et des colonies, on
doute qu'il réussisse.
D'ores et déjà, M. Hanoteaux, ministre
des affaires étrangères, est bien décidé
à demander aux Chambres le vote d'un
crédit spécial pour que les Hovas soient
mis à la raison et l'administration des
colonies partage son avis. — Rappelons,
d'ailleurs, qu'il y a une quinzaine de
jours, nous avons fait prévoir cette
expédition.
Au dire des personnes qui sont au
courant des difficultés que nous éprou-
vons à Madagascar, le corps que nous
serions obligé d'y envoyer, au cas où la
mission de M. Le Myre de Vilers n'abou-
tirait pas, devrait compter une quinzaine
de mille hommes et être appuyé par une
escadre qui ferait le blocus des côtes.
L'expédition durerait au moins six mois.
Espérons que le premier ministre des
Hovas se rendra aux raisons que lui ex-
posera M. Le Myre de Vilers et épar-
gnera aux sujets de la reine Ranavolo
une guerre après laquelle le protectorat
de la France sur Madagascar céderait la
place à une prise de possession complète
et à une annexion définitive.
CHARLES BOS.
LA MORT DU COMTE DE PARIS
Nous recevons les dépêches suivantes :
, , • Londres, 9 septembre.
Hier après-midi le public a été admis dans
la cbambre mortuaire à Stowe-IIouse.
Le comte de Paris est couché sur un lit
dans la chambre même où il est mort. Le
public entre par laporte égyptienne ouvrant
sur la façade nord du château, suit un
couloir donnnant accès à l'escalier et arrive
à la chambre mortuaire par une suite de
corridors.
La sortie s'effectue par le vestibule nord
et par les jardins. Le comte e t couché les
mains jointes. Sur la poitrine on voit une
grande croix ; le drapeau tricolore est
déployé au pied du lit vers le côté gauche.
Un prêtre et plusieurs membres de la
famille veillent près du lit. Le valet du
prince, Adrien Marteau, se tient debout
dans l'embrasure d'une fenêtre. Le flot
iainterromp i des visiteurs ne permet qu'un
simple coup d'œil.
Hier, dans toutes les églises catholiques
de Londres, les prédicateurs ont, dans leurs
sormons, fait allusion à la mort du comte
de Paris.
Londres, 10 septembre.
Des invitations pour les funérailles du
comte de Paris seront envoyées à la famille
royale, au corps diplomatique et au lord-
maire. -
Buckingham, 10 septembre.
Hier sont arrivées a Buckigham cinq des
douze personnes de la maison du prince,
qui faisaient, chacune à leur tour, le ser-
vice auprès de lui.
Les sept autres sont arrivées ce matin
avec deux ou trois amis : en tout une quin-
zaine de personnes. Quelques personnes
arriveront par les trains suivants, mais on
attend peu de monde à Buckingham. On a
évidemment tout disposé pour conserver à
Stowe-House le caractère de deuil de fa-
mille, réservant le deuil public pour la cé-
rémonie de Weybridge.
On ne fera pas d'autopsie, les médeôins
estimant qu'aucune raison n'existe pour en
faire une. Mais il est probable que le cœur
du prince sera enleve et placé dans une
urne qui sera envoyée en France.
Calai?, 10 septembre.
Embarqués pour l'Angleterre : marquise
de Breteuil, vicomte d'Harcourt, MM. Cham-
berlain, Rocher, Froment Maurice, com-
tes e de Clinchamp, duc de la Trémouilie,
marquis d'Horvey, marquis de Beauvoir.
Embarquement demain : duchesse de Luy-
nes, sir W. Harcourt, évêque de Glosester
et Bristol.
Buckingham, 10 septembre.
La mise en bière a eu lieu à onze heures
un quart, en présence du duc d'Orléans, du
duc de Chartres, de M. d'Hulst, de MM.
d'Haussonville, Dupuy et du docteur Réca-
mier.
Le procès-verbal dressé a été signb par
le duc de Chartres, MM. d'Haussonville,
Dupuy et Récamier; Deux expéditions en
ont été faites : l'une a été enfermée dans la
bière, l'autre sera déposée aux archives.
Le corps a été mis dans une bière capi-
tonnée intérieurement de satin blanc et
placée dans un cercueil de plomb, lequel a
été scellé aux armes pleine-, de France. Ce
double cercueil a été placé dans un troi-
sième en chêne, recouvert de drap et le
tout placé dans un quatrième cercueil en
acajou, orné de garnitures d'argent et d'une
plaque sur laquelle une inscription sera
gravée, ainsi que les armes pleines de
France.
Le cercueil a été transporté temporaire-
ment à la chapelle du château. Un drapeau
tricolore le recouvre, une petite croix a été
placée dessus. Demain le cercueil sera
transporté dans la chapelle ardente qui
sera ouverte au public pendant la plus
grande partie de la journée.
Les funérailles seront présidées par le
cardinal Vaughan, archevêque de West-
minster, assisté de l'évêque de Southwark.
C'est à la place même qu'occupait autre-
fois le cercueil de Louis-Philippe, dans le
caveau de la chapelle de Weybridge, que
seront déposés lès restes du comte de
Paris.
i
LA CATASTROPHE D'APILLY
NOUVEAUX DÉTAILS
Les morts et les blessés
Récit de M. Debord
le mécanicien du train ne 115
Les nouvelles que nous avons don-
nées hier de cette terrible catastrophe
sont malheureusement exactes. Pour
mieux la raconter dans tous ses détails,
revenons rapidement sur quelques ren-
seignements déjà fournis hier.
Récit d'un voyageur
Voici le récit d'un voyageur arrivé à
Bruxelles après avoir échappé à la ca-
tastrophe d'Apilly :
Le rapide 115 arrivait à toute vapeur de-
vant la gare d'Apiily. Le chef de gare voyant
le danger, car une locomotive et un wagon
manœuvraient sur la même voie, essaya
en vain de faire les signaux nécessaires
pour arrêter le train. Voyant que tous ses
efforts étaient inutiles, il se précipita sur
la voie le drapeau rouge à la main. Il était
trop tard. Le malheureux fut le premier
atteint par la locomotive de l'express. Il
fut tué sur le coup. Son cadavre roula à
une grande di-tance. L'express et la loco-
motive de ma œuvres entrèrent en col-
lision.
Le train 115 était composé de deux par-
ties. La première prend la voie de Cologne
à Aulnoye la seconde * continue vers'
Bruxelles. - - -
Les trois premiers jvagons furent com-
plètement détruits : les débris amoncelés
atteignaient une dizaine de mètres de hau-
teur.
Des cris d'effroi et de douleur s'élevèrent
au sitôt et les voyageurs qui se trouvaient
dans les derniers wagons be précipitèrent
sur la voie.
Au milieu de l'amoncellement des wagons
brisés, des membres humains surgissaient;
une tête d'homme avait roulé à plusieurs
mètres. Quelques pas plus loin, du corps
décapité, jaillissait un flot de sang.
On songea aussitôt à organiser des se-
cours; mais par malheur le chef de gare
qui seul connai-sait le maniement du télé-
graphe venait d'être tué. Un voyageur qui
connaissait le maniement de l'appareil, té-
légraphia aussitôt à Chauny la dépêche
suivante : « Grave accident, chef de gare
tuiv envoyez secours. »
Vers quatre iieures, un train de secours,
arriva de Chauny avec plusieurs médecitis
et quelques ouvriers. Un autre train arriva
ensuite de Tergnier avec des médecLs, des
ingénieurs et des ouvriers.
Au cours du sauvetage, des actes de vé-
ritable h roïsme se sont accomplis. C'est
ainsi qu'il faut citer en première ligne la
conduite du mécanicien du rapide. Le
chauffeur avait été tué sur le coup. et le
mécanicien grièvement blessé à to. tête.
Aussitôt après le choc,, cet homme s'élança
en bas de sa locomotive pour étancher le
sang qui découlait de ses nombreuses bles-
sures, puis remonta sur la machine et. ne
redescendit qu'après avoir fermé les sou-
papes pour éviter de nouveaux malheurs,
sans vouloir écouter les sollicitations des
voyageurs qui le suppliaient d'aller se faire
soigner. A peine était-il descendu à tant
qu'il :,,'atraissaJt comme une masse. La do.
leur avait vaincu l'énergie de ce brave.
Plusieurs prêtres se prodiguaient courant
dans les groupes. Ils administraient les
derniers sacrements aux mourants et con*
solaient les blessés. s
Quand le premier mouvement de conster*
nation fut passée, on songea à compter les
victimes. Toutefois, quand nous sommes
partis d'Apilly, à cinq heures, il y avait en-
core deux voyageurs ensevelis sous les
décombres, et l'on ignorait s'ils avaient
succombé.
Les victimes se trouvaient toutes dans les
trois premiers wagons, à destination de
Cologne.
Je n'ai pas aperçu de Bruxellois parmi
elles, et l'on disait qu'aucun Belge n'avait
été atteint.
Le peintre Herbo qui se trouvait dans la
train est également sorti indemne de la
catastrophe.
Ce n'est pas le premier accident de ce
genre auquel j'ai assisté, ajoute le voyageur
dans son récit ; mais je puis assurer que
c'est le plus aflreux que j'aie jamais vu. On
ne peut vraiment se faire une idée da
l'horreur de ce spectacle effroyable que j'ai
sans ce-se devant les yeux et que je n'ou.
blierai jamais.
Le rapport de la compagnie
Voici le rapport officiel envoyé par le
compagnie au ministre des travaux pu-
blics :
Hier dimanche, 9 septembre, vers deux
heures douze du soir, au moment où le
train express no 115, qui part de Paris 1
midi quarante vers Bruxelles et Cologne,
arrivait à la station d'Apiily, située entra
Noyon et Chauny, une collision s'est pro-
dllite.- -. ,
Le train express a rencontré une machine
dà manœuvre que le chef de gare avait,
engagée sur la voio sans la couvrir de la
façon réglementaire, «quoiqu'il co' 1 nM
l'heure de'passage du train et quoiqu'il lui
ait été annoncé plusieurs minutes à l'avance
par les cloches électriques manœuvrées
depuis Noyon et par les électro-sémaphores.
placés à 1,800 mètres de là.
Le malheureux agent a péri victime de
son imprudence.
Deux personnes de nationalité étrangère
ont été tuées.
Deux dames appartenant au service de
comptabilité des compagnies ont été tuées,
Six personnes et trois agents de la com-
pagnie ont été blessé".
Une dizaine de personnes ont reçu de?
contusions qui paraissent sans gravité el
ont pu continuer leur voyage.
Les dégâts matériels sont importants. Les
deux machines, le fourgon do tête et quatre
voitures du train ont subi de fortes avaries.
La circulation a été rétablie entre neuf
heures et dix heures du soir.
Renseignements officiels - Les
responsabilités
Jusqu'à présent on a trouvé cinq
morts,, et il semble improbable qu'on ea 1
retrouve d'autres,- une "des voies étant
déjà déblayée hier soir, à neuf heures.
La circulation a donc pu se faire des
aujourd'hui sans transbordement.
Voici les noms des personnes tuées :
M. Briffaut (?) de Bruxelles. On n'est
pas sûr de l'exactitude absolue du nom ;
Mme Holm, de Stockholm ;
'Mlle Deulin, de Paris, employée au
chemin de fer de ceinture;
Une femme inconnue, retrouvée au-
près de cette dernière, et que l'on avait
prise d'abord pour sa mère, mais Mme
Deulin n'avait pas quitté Paris. Elle est
venue elle-même à la gare du Nord pour
chercher des nouvelles de son enfaatet.
apprendre la fatale nouvelle.
Le cinquième mort enfin est M. Bou-
bey, le chef de station.
Parmi les blessés ou contusionnés, au
nombre de dix-sept, on ne connaît encore
à la compagnie, -que quelques noms.
D'abord, Mlle Briffaut (?) de Bruxelles,
âgée de treize ans et demi, voyageant
avec son père qui a été tué, comme on
l'a vu plus haut. Mlle BritTaut, contu-
sionnée par tout le. corps, mais ne pa-
raissant pas en dangèr de mort, a été
portée à l'hôpital de Chauny.
M. Pulsfort, de Paris, a eu la jambe
cassée. Par les soins do. la compagnie,
un interne a été expédié hier de Paris
pour soigner ce blessé. Un télégramme
annonce que ce blessé va mieux et pourra
être ramené aujourd'hui à Paris.
Feuilleton du RAPPEL
DU 12 SEPTEMBRE
94
LES
QUARANTE-CINQ
DEUXIÈME PARTIE
XIV
L'allée des trois mille pas
La reine habitait l'autre aile du châ-
eau, diyise-à peu près de la même façon
que celle que venait de quitter Chicot.
On entendait toujours de ce côté quel-
que musique, on y voyait toujours rôder
quelque panache.
Lu fameuse allée des trois mille pas,
dont il avait été tant question, commen-
tait aux fenêtres mêmes de Marguerite,
et sa vue ne s'arrêtait jamais que sur
des objets agréables, tels que massifs de
fleurs, berceaux de verdure, etc.
On eût dit que la pauvre princesse es-
sayait de chasser, par le spectacle des
choses gracieuses, tant d'idées lugubres
qui habitaient au fond de sa pensée.
Un poète périgourdin (Marguerite, en
province comme à Paris, était toujours
l'étoile des poètes), un poète péri-
gourdin avait composé un sonnet à son
intention.
Voir le Rappel du 30 mai, au 11 septembre,
« Elle veut, disait-il, par le soin qu'elle
met à placer garnison dans son esprit,
en chasser tous les tristes souvenirs. »
Née au pied du trône, fille, sœur et
femme de roi, Marguerite avait en effet
profondément souffert.
Sa philosophie, plus fanfaronne que
celle du roi de Navare, était moins so-
lide, parce qu'elle n'était que factice et
due à l'étude, tandis que celle du roi
naissait de son propre fonds.
Aussi, Marguerite, toute philosophe
qu'elle était, ou plutôt qu'elle voulait être,
avait-elle déjà laissé le temps et les cha-
grins imprimer leurs sillons expressifs
sur son visage..
Elle était néanmoins encore d'une re-
marquable beauté , beauté de physio-
nomie surtout, celle qui frappe le moins
chez les personnes d'un rang vulgaire,
mais qui plaît le plus chez les illustres,
à qui l'on est toujours prêt à accorder
la suprématie de la beauté physique.
Marguerite avait le sourire joyeux et
bon, l'œil humide et brillant, le geste
souple et caressant; Marguerite, nous
l'avons dit, était toujours une adorable
créature.
Femme, elle marchait comme une
princesse: reine, elle avait la démarche
d'une charmante femme.
Aussi elle était idolâtrée à Nérac, où
elle importait l'élégance, la joie, la vie.
Elle, une princesse parisienne, avoir
pris en patience le séjour de la province
c'était déjà une vertu dont les provin-
ciaux lui savaient le plus grand gré.
Sa cour n'était pas seulement une cour
de gentilshommes et de dames, tout le
monde l'aimait à la fois, comme reine et
comme femme; et, de fait, l'harmonie
de ses flûtes et de ses violons, comme la
fumée et les reliefs de ses festins, étaient
pour tout le monde.
Elle savait faire du temps un emploi
tel, que chacune de ses journées lui rap-
portait quelque chose, et qu'aucune
d'elles n'était perdue pour ceux qui l'en-
touraient,
Pleine de fiel pour ses ennemis, mais
patiente afin de se mieux venger; sen-
tant instinctivement, sous l'enveloppe
d'insouciance et de longanimité de Henri
de Navarre, un mauvais vouloir pour
elle et la conscience permanente de cha-
cun de ses déportements ; sans parents,
sans amis, Marguerite s'était habituée à
vivre avec de l'amour, ou, tout au moins,
avec des semblants d'amour, et à rem-
placer par la poésie et le bien-être, fa-
mille, époux, amis et le reste.
Nul, excepté Catherine de Médicis,
nul, excepté Chicot, nul, excepté quel-
ques ombres mélancoliques qui fussent
revenues du sombre royaume de la mort,
nul n'eût su diro pourquoi les joues de
Marguerite étaient déjà si pâles, pour-
quoi ses yeux se noyaient involontaire-
ment de tristesses inconnues, pourquoi
enfin ce cœur profond laissait vair son
vide, jusque dans son regard autrefois
si expressif.
Marguerite n'avait plus de confidents.
La pauvre reine n'en voulait plus, de-
puis que les autres avaient, pour de
l'argent, vendu sa confiance et son hon-
neur.
Elle marchait donc seule, et cela dou-
blait peut-être encore aux yeux des Na-
varrais, sans qu'ils s'en doutassent eux-
mêmes, la majesté de cette attitude,
mieux dessinée par son isolement.
Du reste, ce mauvais vouloir, qu'elle
sentait chez Henri, était tout instinctif et
venait bien plutôt de la propre conscience
de ses torts que des faits du Béarnais.
, Henri ménageait en elle une fille de
France ; il ne lui parlait qu'avec une
obséquieuse politesse, ou qu'avec un
gracieux abandon ; il n'avait pour elle,
en toute occasion et à propos de toutes.
choses que les procédés d'un mari et
d'un ami.
Aussi, la cour de Nérac, comme toutes
les autres cours vivant sur les relations
faciles, débordait-elle d'harmonies au
moral et au physique.
Telles étaient les études et les ré-
flexions que faisait, sur des apparences
bien faibles encore,Chicot, le plus obser-
vateur et le plus méticuleux des hom-
mes.
Il s'était présenté d'abord au palais,
renseigné par Henri, mais il n'y avait
trouvé oersonne.
Marguerite, lui avait-on dit, était au
bout de cette belle allée parallèle au
fleuve, et il se rendait dans cette allée,
qui était la fameuse allée des trois mille
pas, par celle des lauriers-roses.
Lorsqu'il fut aux deux tiers de l'allée,
il aperçut au bout, sous un bosquet de
jasmin d'Espagne, de genêts et de clé-
matites, un groupe chamarré de rubans,
de plumes et d'épées de velours; peut-
être toute cette belle friperie était-elle
d'un goût un peu usé, d'une mode un
peu vieillie; mais, pour Nérac, c'était
brillant, éblouissant même. Chicot, qui
venait en droite ligne de Paris, fut satis-
fait du coup d'œil.
Comme un page du roi précédait Chi-
cot, la reine, dont les yeux erraient çà et
là avec l'éterneUe inquiétude des cœurs
mélancoliques, la reine reconnut les
couleurs de Navarre et l'appela.
- Que veux-tu, d'Aubiac? demanda-t-
elle.
Le jeune homme, nous aurions pu dire
l'enfant, car il n'avait que douze ans à
peine, rougit et ploya le genou devant
Marguerite.
— Madame, dit-il en français, car la
reine exigeait qu'on proscrivît le patois
de toutes les manifestations de service
ou de toutes les relations d'affaires, un
gentilhomme de Paris, envoyé du Louvre
à sa majesté le roi de Navarre, et ren-
voyé par sa majesté le roi de Navarre à
vous désire parler à votre majoité,
Un feu subit colora le beau visage de
Marguerite; elle se* tourna vivement ef
avec cette sensation pénible qui, à toute
occasion, pénètre les cœurs longtemps
froissés.
Chicot était debout et immobile à vingt
pas d'elle.
Ses yeux subtils reconnurent au main*
tien et à la silhouette, car le Gascon s^
dessinait sur le fond orangé du ciel, une
tournure de connaissance; elle quitta le
cercle, au lieu de commander au nou.,
veau venu d'approcher.
En se retournant toutefois pour dosi,
ner un adieu à la compagnie, elle f il
signe du bout des doigts à un despUia
richement,vêtus et des plus beaux gf'n.
tilshommes.
L'adieu pour tous était réellement un
adieu pour un seul.
Mais comme le cavalier privilégié ne
paraissait pas sans inquiétude, malgré
ce salut qui avait pour but de le ras<
surer, et que l'œil d'une femme voil
tout :
— Monsieur de Turenne, dit Marges
rite, veuillez dire à ces dames que je
reviens dans un instant.
Le beau gentilhomme au pourpoint
blanc et bleu s'inclina avec plus de id.
gèreté que ne l'eût fait un courtisan int
1 diffférent,
! ALEXEANDR DUMAS,
l LA sUÎrwe.)
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
- Collections numériques similaires La Grande Collecte La Grande Collecte /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "GCGen1"
- Auteurs similaires La Grande Collecte La Grande Collecte /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "GCGen1"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7542247f/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7542247f/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7542247f/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7542247f/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7542247f
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7542247f
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7542247f/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest