Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-10-04
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 04 octobre 1896 04 octobre 1896
Description : 1896/10/04 (N9704). 1896/10/04 (N9704).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75417221
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/12/2012
JfilWQ CENTIMES le Numéro,
PARI3 ET DEPARTEMENTS
Le Numéro, CINQ CENTIMES
-
JlMOflTEUR t AUGUSTE VACQUERM
ABONNEMENTS
Il Mb Trois mais Slioob Ha
fc œïs « "fr. 5 fr. 9FR. 1813P.
Départements 2 - 6 - 11 - 20 -
3— 9- 16- 32 -
FONDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
:"':.1-.-. 1--
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF & QI8
6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX DU JOURNAL
RtDACTlON: 131, rue Montmartre, 131
De 4 h S heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
N° 9704. — Dircisixioîie 4 Octobre 1886
13 VENDÉMIAIRE AN 105
¡\E.HUISTRfTlONI 131, rue Montmartre, 13)
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Sresses, ceci pour la confection de nou-
veUes bandes.
i
NOS LEADERS
NOS TORPILLEURS
La marine continue ses prouesses.
On vient, paraît-il, de mettre à
répreuve une partie des torpilleurs de
haute mer attachés à l'escadre de la
Méditerranée. On a eu une surprise
désagréable. Sur les cinq torpilleurs
essayés, trois n'ont pu donner que
dix-huit nœuds; un quatrième, pour
atteindre ce déplorable résultat, a dû
faire de tels efforts que des avaries
l'ent empêché de continuer sa route.
Le plus heureux a filé vingt et un
pœuds en tout et pour tout.
Ainsi, ces petits navires atteignent
au plus des vitesses de trente-trois à
trente-neuf kilomètres à l'heure ; c'est-
à-dire infiniment moins qu'on ne l'an-
nonce ; infiniment moins que ce que
les constructeurs s'étaient engagés à
fournir. Pour comprendre la portée
d'un résultat si insuffisant, il faut se
rappeler quel est le rôle du torpilleur.
Ce petit et frêle étui de tôle mince,
aux extrémités effilées en bout de ci-
gare, qui peut, en s'approchant dans
l'orbe du vaisseau le plus formidable,
le couler du premier coup, n'a au-
cune ressource de défense contre les
énormes bâtiments qu'il menace. Aper-
çu, il est à peu près perdu ; touché
par un obus ordinaire, il est coulé. Sa
seule chance, non seulement de rem-
plir sa fonction, mais encore d'échap-
per à la mort, est dâns sa vitesse
exceptionnelle. Il faut qu'il vole sur
Feau,, soit pour s'approcher, soit pour
fuir. Tout, dans son plan, est sacrifié à
cette nécessité. Effilé, étroit, frêle pour
être lèger, le torpilleur est à peu près
inhabitable. On étouffe entre ses pa-
rois métalliques, dans ses cavités res-
eerrées, que la machine surchauffe.On
y est en outre secoué de la plus effroya-
ble façon : car chaque vague ballotte
le torpilleur comme un fétu. Mais
pour qu'il puisse être aussi alerte qu'il
a besoin de l'être, il faut passer par-
dessus ces inconvénients.
Or, les chiffres indiqués comme
étant ceux des essais qui ont eu lieu,
indiquent que les torpilleurs de notre
escadre ont à peu de chose près, pour
la plupart, la vitesse qu'on demande
aujourd'hui aux cuirassés, c'est-à-dire
aux plus lourds de nos navires de
guerre, à ceux que l'on condamne à
porter une épaisse armure d'acier, de
monstrueuses pièces d'artillerie de
quarante ou cinquante mille kilos, et
des minarets de mâts chargés de ca-
nons revolvers. On demande, couram-
ment, aujourd'hui, aux grands cui-
rassés des vitesses de. dix-sept nœuds,
soit, à un nœud près, celle de nos tor-
pilleurs. Quant aux croiseurs, dont
quelques-uns sont également de très
grands navires, mais plus rapides que
les vaisseaux de ligne, on exige sur-
tout de ceux que l'on met en chantier,
une vingtaine de nœuds. Ainsi, non
seulement l'écart nécessaire entre la
vitesse des torpilleurs et celle des
grands bâtiments de guerre n'est pas
gardée, mais encore les seconds pour-
ront, au mépris du bon sens, aller plus
vite que les premiers. Comment des
torpilleurs peuvent-ils être utilisés dans
de telles conditions ?
*.
Ceux dont il s'agit auraient particu-
lièrement besoin d'une grande rapi-
dité, car ils sont des plus exposés. La
plupart des torpilleurs sont construits
pour se tenir cachés dans les ports et
sur le rivage, et pour faire des pointes
très courtes au cas où quelque gros
navire menacerait les côtes. Ceux-ci
sont des torpilleurs de haute mer,
destinés à accompagner les escadres,
et courant par suite encore plus de
dangers. On nous a annoncé dernière-
ment qu'un de nos constructeurs, ce-
lui qui passe pour le meilleur de tous,
en avait donné qui dépassaient trente
nœuds, près de cinquante kilomètres
à l'heure. Ceux qu'on vient d'expéri-
menter n'atteignent pas les deux tiers
de cette vitesse.
A quels mécomptes serons-nous
exposés, si la face des choses nous
oblige à une expérience plus com-
plète, plus sérieuse, plus redoutable
en face de l'ennemi. On se rappelle
peut-être les révélations navrantes du
rapport fait par M. Lockroy, au nom
de la commission extraparlementaire,
rapport d'où il résultait qu'une frac-
tion tout à fait insignifiante des tor-
pilleurs attachés au port de Toulon,
serait en état de prendre la mer, en
ças de déclaration de guerre
:.-
ÇJe qu'il y a de curieux, c'est que ces
graves accidents ne diminuent en rien
l'admirable aplomb de notre marine.
Quand on lui reproche, chiffres en
mains, de ne pas atteindre les vitesses
des marines étrangères : « Qui vous
fait croire cela? vous répond-elle.
Vous jugez les choses d'après les
chiffres officiels. Mais ces chiffres,
pour l'étranger, sont tout à fait trom-
peurs. Au dehors, on exagère beau-
coup la vitesse réelle des navires. Au
contraire, nous tenons à honneur de
donner des chiffres rigoureusement
exacts. Ils semblent plus faibles, mais
ils correspondent à des réalités. »
Déjà cette affirmation de haute fan-
taisie avait reçu de rudes démentis en
ce qui concerne les marines étrangè-
res. Par exemple, si j'ai bonne mé-
moire, de grands croiseurs des Etats-
Unis étaient arrivés aux fêtes de Kiel,
à travers tout l'Atlantique, avec la ra-
pidité que les documents officiels leur
prêtaient et que nos marins, avant cette
expérience, traitaient de pure fantas-
magorie. Mais - voici -- une contrepartie
encore plus pénible. Cette fois, ce sont
les chiffres fournis par notre marine,
comme étant ceux de ses propres na-
vires, qui se trouvent grossièrement
inexacts. A des données officielles déjà
insuffisantes, la réalité substitue des
résultats tout à fait navrants.
Cette douloureuse constatation ne
changera d'ailleurs rien à l'état actuel
des choses, pas plus que les accidents
qui arrivent tous les jours. Il est en-
tendu que la marine a le droit de jeter
à l'eau tous les ans de deux cents à
trois cents millions en pure perte. Je
me trompe. Pour nous donner la sa-
tisfaction de voir une oligarchie d'a-
miraux faire les grands seigneurs,
regarder de haut le commun des mor-
tels, et continuer les traditions de
routine, d'incapacité, de gaspillage,
de dépense, de coulage de toutes sor-
tes qui sont installées rue Royale.
Pourquoi voulez-vous que cela
change ? Cela n'a jamais changé.
Notre marine nous a toujours coûté
plus cher qu'à aucune autre nation,
l'Angleterre seule exceptée. Et elle n'a
jamais été en état de remplir sa fonc-
tion. On l'a vue à l'œuvre lors de l'ex-
pédition de Madagasoar : je n'insiste
pas. Lors de la guerre de 1870, la flotte
n'a pu jouer aucun rôle. Nous
nous battions contre une puissance
qui alors passait pour n'avoir pas de
marine, ou pour en avoir si peu que
ce n'était pas la peine d'en parler. Des
vaisseaux allemands sont venus nous
insulter jusque dans l'embouchure de
la Gironde et menacer sérieusement
notre colonie de la Martinique, sans
que nous ayons sérieusement inquiété
une minute l'Allemagne en mer. Lors
de la guerre de Crimée, l'insuffisance
de la marine française fit scandale. On
n'était absolument pas prêt. On sait ce
qui s'est passé pendant les guerres de
la Révolution et de l'Empire. Depuis
un siècle, pour ne pas remonter plus
haut, et en dehors de quelques bril-
lants coups de mains de l'amiral Cour-
bet, dont les héros survivants sont
d'ailleurs expulsés à l'heure actuelle
par la coterie régnante, depuis un
siècle, dis-je, je ne vois guère dans la
marine qu'une grande opération de
guerre brillamment conduite : celle
de la prise d'Alger en 1830. Elle fut
conduite par un ministre ci-vil, contre
toute l'amirauté à peu près. L'ami-
rauté la déclarait impossible.
Après un tel passé, allez donc dire
à la marine qu'il y a quelque chose qui
ne lui est pas permis ! Que ses cuiras-
sés soient jetés à la côte, que ses chau-
dières sautent, semant les cadavres
autour d'elles, que ses navires nou-
veaux risquent de se trouver la quille
en l'air, que ses torpilleurs soient hors
d'état de dépasser un homard à la
nage, que ses arsenaux soient en dé-
sordre et que ses magasins soient
vides, que lui importe? Plus elle en
fait, plus on lui permet d'en faire. La
désertion devant l'ennemi, punie de
mort dans l'armée de terre, y est (on
le sait) récompensée par tous les hon-
neurs. La France le sait, et elle
le tolère. Quand un amiral a jeté
trois de nos cuirassés à la côte, et
risqué de les jeter à peu près tous, on
lui donne un grade de plus dans la
Légion d'honneur pour le récompenser
de cet accident. Et le ministre qui a
accompli cette prouesse en est si fier
qu'ensuite il s'en fait autant à lui-
même. Jugeant que personne n'est
mieux que lui-même en état d'appré-
cier ses mérites, il s'octroie noblement
un cordon de plus.
Dites donc encore qu'il y a ou qu'il
y a eu, quelque part sur le globe, un
pays aussi patient que celui-ci 1
CAMILLE PELLETAN.
Nous publierons demain un article
de M. Charles Bos.
LES TRAVAUX BUDGÉTAIRES
Dans sa séance d'hier matin la commission
du budget a examiné, après no intéressant
exposé au rapporteur du budget de cMk ma-
rine, M. de Kerjégu, la question des cons-
tructions neuves à entreprendre en 1897 et
les crédits pour l'entretien de la flotte. Au-
cune décision n'a été prise.
La commission a terminé dans l'après-midi
le budget de la marine et voté le budget de
l'Imprimerie nationale.
LES 0«
LESON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Les courses : A Longchamps.
- Concours d'admission à l'Ecole de Cluny.
— Durée du jour : 12 h. 37 m. -
CHEZ NOUS
——- Le président de la République est
rentré ce matin par le train de six heures
quarante-cinq.
- M. Lachenal, président de la Con-
fédération helvétique, et sa famille, ont
quitté Paris hier, se rendant à Londres.
- Mme Carnot vient de quitter le
château de Presles et de se réinstaller à
Paris.
Nous avons le regret d'apprendre
que l'état du général Iung, député du Nord,
est absolument désespéré.
L'issue fatale est attendue d'un moment
à l'autre.
- Sainte statistique :
Le produit de l'octroi de Paris pour le
mois de septembre dernier présente une
plus-value de 478,849 fr. par rapport aux
évaluations budgétaires et une augmenta-
tion de 424,967 fr. par rapport au résultat
de septembre 1895.
Le produit des neuf mois écoulés de 1896
— qui s'élève à 509,643,152 fr. — présente
une plus-value de 2,374,852 fr. par rapport
aux évaluations budgétaires et une aug-
mentation de 688,181 fr. par rapport au
résultat de la période correspondante de
1895.
Allons ! tant mieux, et que M. Zola dé-
sarme.
- Le congrès international d'hydro-
logie a clos hier ses travaux à Clermont-
Ferrand.
Il a été décidé que le prochain congrès
serait tenu en 1898 en Belgique.
-—-- La presse s'est occupée récemment
des incidents de Bar-sur-Seine.
Le lieutenant de gendarmerie Ruellan,
se jugeant oflensé par un entrefilet publié
par le Petit Republicain et dont M. Perie,
rédacteur en chef de ce journal, avait ac-
cepté la responsabilité, a envoyé ses té-
moins à ce dernier.
Une rencontre à l'épée a eu lieu, à deux
heures, à Saint-André. A la deuxième re-
prise, M. Perie a été atteint d'un coup
d'épée à l'avant-bras.
—— Un retard :
Le monument du chansonnier Nadaud
qui devait être inauguré, à Roubaix, le 4
octobre, ne le sera que quelques jours
plus tard. La date n'est pas encore fixée.
- On devrait sabler les chaussées.
La circulation dans les rues devient de
plus en plus intense. La population de
Paris est augmentée sensiblement et les
trottoirs sont bondés de piéto'ns pendant
que les chaussées sont encombrées de vé-
hicules. Sur les grandes voies, c'est un dé-
filé de voitures sans solution de continuité
et il est très difficile pour le piéton de ga-
gner le trottoir opposé à celui où il se
trouve, d'autant plus que le pavé, assez
mauvais, rend encore plus difficile la tâche
des cochers.
Or, on a décidé que toutes les voies dans
lesquelles passerait l'empereur de Russie
lors de sa visite à Paris seraient sablées.
C'est parfait, mais il nous semble qu'un
peu de ce sable répandu sur les chaussées
dès maintenant, éviterait les nombreux
accidents dont on peut être témoin à cha-
que instant dans les rues, les chevaux
tombant facilement et de ce fait entravant
la circulation,
A L'ETRANGER
Un duc allemand vaincu par un
cerf :
Ce curieux accident de chasse est arrivé
au duc Albert de Wurtenberg, actuelle-
ment dans les Alpes styriennes. Le duc
venait de tirer sur un cerf, quand le noble
animal (le cerf), à juste titre mécontent,
fondit sur lui et sur son piqueur. Les deux
hommes furent renversés à terre. Le duc
a été sérieusement contusionné à l'avant-
bras et a été blessé à la main droite. Le
piqueur a été plus légèrement atteint.
- Avant-hier est arrivé à Newcastle
(Australie) le yacht Spray, jaugeant treize
tonneaux et monté, pour tout équipage,
par un seul homme, le capitaine Slocum.
Ce navigateur audacieux fait solitaire-
ment le tour du monde.
Parti de Boston en 18^5, il s'est rendu
d'abord à Gibraltar d'ou il a retraversé
l'Atlantique, cette fois dans la direction de
l'Amérique du Sud; il a franchi le détroit
de Magellan, puis le Pacifique austral jus-
qu'en Australie.
Après avoir visité Sydney, Melbourne
et Adélaïde, il fera voile vers l'ouest pour
regagner l'Amérique.
- Depuis que l'on assassine à Paris
pour une collection de timbres-postes,
l'attention du public a été attirée vers la
philatélie. Dame 1 écoutez donc : il y a des
timbres qui valent le mauvais coup. Té-
moin celui qui vient d'être acquis par un
collectionneur américain, M. Castle, pour
la modeste somme de 22,000 fr.
Ce roi des timbres-postes n'est autre que
l'un des deux exemplaires connus du tim-
bre émis par James Buchanan, en 1846,
pour les communications postales de la
yilie do Baltimore. Le fameux tiipbre bleu.
de l'île Maurice, pour lequel on payait de
8 à 10,000 fr., est donc dépassé de beau-
coup.
Le Passant.
LE FÁCTUM DU COMITÉ CENTRAL
Sous la prudente rubrique « Avis
et communications », tout à fait dans
le bas de la sixième colonne de sa
deuxième page, en caractères aussi
petits que possible, comme dans l'es-
poir qu'ainsi il passerait inaperçu, la
Petite République a publié, hier, le fac-
tum ci-dessous :
COMITÉ RÉVOLUTIONNAIRE CENTRAL. — Dé-
claration.- Fidèle à sa politique républicaine
socialiste et révolutionnaire, d'union entre
les peuyles, de maintien de la paix, de sécu-
rité et de dignité du pays, par le développe-
ment et le rayonnement de ses institutions
républicaines, par l'armement général du
peuple organisé pour une politique toute dé-
fensive, pour la garde de son indépendance
et la conquête de ses libertés.
Au moment où gouvernants opportunistes,
partis réactionnaires et bourgeois s'avilis-
sent aux pieds du tsar, oublieux de toute
dignité républicaine ou nationale, et ac-
clament en sa personne le césarisme, le
militarisme et la réaction qu'ils voudraient
faire peser sur le peuple français ;
En présence de ces défaillances, làchetés
et trahisons, le comité révolutionnaire cen-
tral affirme avec énergie ses convictions ré-
publicaines socialistes et révolutionnaires et
adresse aux socialistes et prolétaires de tous
les pays et tout particulièrement aux so-
cialistes et proscrits russes qui luttent avec
tant de courage contre la tyrannie du tsar
et pour la liberté du peuple russe, l'assu-
rance de leurs fraternelles sympathies et de
leur solidarité socialiste révolutionnaire.
Vive la paix internationale!
Vive la République socialiste !
Vive la Révolution I
Cela est signé de quatre députés, MM.
Baudin, Chauvière, Vaillant et Walter;
d'un conseiller municipal de Paris, M.
Landrin ; et de quelques candidats :
MM. Argyriadês, Calmels, Breton, Cap-
juzan, Dubreuilh, Goullé, Le Page et
Turot; — ces messieurs composant,
paraît-il, « la commission exécutive du
Comité révolutionnaire central. »
Nous n'aurions, certes, pas été ra-
masser cela dans l'ombre discrète où la
Petite République l'avait caché; mais ce
manifeste a été collé, ça et là, en affi-
che, sur les murs, audacieusement.
Et devant lui nous avons vu les ci-
toyens, ou bien hausser les épaules
avec un mépris souverain, ou bien de-
mander, eu un grondement de colère :
— ils ne sont donc pas Français?
Nous protestons à notre tour, et
avec toute l'ardeur de notre patrio-
tisme, contre cette « Déclaration »,
qui blesse si profondément le sentiment
national.
Répondre? Ce serait besogne inutile,
sans doute. Il suffit de faire remarquer
que ces cris de : Vive la Russie! et de :
Vive le tsar! que toutes les poitrines
françaises vont pousser, ont une signi-
fication précise que nul ne peut avoir
l'air de ne pas comprendre. L'alliance
franco-russe est faite pour tenir en res-
pect l'Allemagne ; et ceux qui, aujour-
d'hui, au nom de je ne sais quel étrange
internationalisme, attaquent l'alliance
franco-russe, gage de la paix euro-
péenne, sont les mêmes qui, lorsque
des Allemands plus ou moins socia-
listes viennent ici fomenter des trou-
bles, leur font fête. Cela les juge — et
les condamne.
Le peuple de France, justement indi-
gné, arrache ces affiches et les jette au
ruisseau.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
IL FAUT CHOMER
Les fêtes qui vont être données pour la
visite du tsar et que l'on peut déjà qualifier
de magnifiques ne seront malheureusement
pas accessibles à tous et bien des Parisiens
auront longtemps encore après le départ de
Nicolas Il la rancœur de n'avoir pas « vu
défiler le cortège », c'est que les directeurs
des grands établissements financiers, des
grandes usines, des industries, des maga-
sins n'ont pas encore pris de décision pour
le chômage de leurs ouvriers ou employés,
et qu'il est malheuseusement à craindre
qu'ils ne s'en soucient pas.
Ils ont tort. La meilleure manière de cé-
lébrer la grande fête qui se prépare c'est de
permettre au peuple tout entier d'aller ma-
nifester ses sentiments patriotiques au
grand jour devant les drapeaux français
et russes flottant dans les rues de la capi-
tale. ,
Il ne faut pas au moment où la France
entière sera en fêta qu'un malheureux em-
ployé soit courbé sur son travail en se di-
sant, après avoir jeté rapidement les yeux
sur la pendule : « A cette heure le cortège
est aux Champs-Elysées ! »
Déjà la Banque de France, le Crédit fon-
cier, le Crédit lyonnais ont étudié le moyen
de faciliter une sortie de quelques heures à
leurs employés par un service d'alternat, les
exigences des affaires les obligeant d'ouvrir
leurs guichets tous les jours non fériés ; il
est du devoir de tous les autres établisse-
ments de les imiter. Ceux qui croiraient par
ce fait perdre le produit de la vente d'une
journée ont grand tort, car le public s'in-
quiètera peu de faire des achats ou de re-
garder les vitrines des magasins le jour de
l'arriv ée du tsar; au contraire, il leur saura
gré, s ils ont fermé boutique ce jour-là et
donné la liberté aux travailleurs.
C'est donc un met d'ordre général qui doit
être donné dans tous les établissements : Il
faut chômer le jour de l'arrivée du tsar à
Paris.
E. w.
P.-S. — Nous apprenons au dernier mo-
ment qu'un grand nombre de négociants du
quartier du Sentier ont décidé, à la suite
d'une réunion qu'ils ont tenue hier, de fer-
mer leurs magasins toute la journée de
mardi 6 octobre, jour de l'arrivée du tsar à
Paris, et l'après-midi de mercredi 7.
C'est une première satisfaction donnée
aux employés. Nul doute que les autres
commerçants ne suivent cet exemple
CHRONIQUE
Par ANDRÉ BALZ
DILEMME
Quelques membres de l'Université
m'ont écrit ces jours-ci pour me prier
de rappeler au ministre de l'intérieur
une demande qui languit depuis de
longs mois dans ses bureaux. Les pro-
fesseurs des lycées et des collèges
veulent former, vous le savez, une as-
sociation amicale — je ne dis pas un
syndicat — pour étudier en commun
tout ce qui peut intéresser l'exercice de
leur profession.
« Nos statuts, m'écrivent-ils, n'ont
rien de subversif. Ils ont été discutés,
approuvés par plus de trois mille
d'entre nous. On se plait à chaque ins-
tant en haut lieu à reconnaître notre
prudence et notre modération. Nous
avons soigneusement écarté nous-
mêmes tout article équivoque qui se
concilierait mal avec notre mission so-
ciale. Pourquoi l'autorisation deman-
dée a-t-elle tant de peine à sortir des
oubliettes de la place Beauvau? »
Pourquoi ? Mon Dieu, mes chers cor-
respondants, vous avez lu sans doute,
tout ce que la presse officieuse a écrit
sur votre compte depuis quelques mois.
Il parait que vous êtes des « fonction-
naires » et qu'à ce titre vous ne pouvez
former que des associations de secours
mutuels. Un de nos confrères les plus
orthodoxes vous engageait même ces
jours-ci en termes formels à renoncer à
votre projet.
On ne doit pas oublier, vous disait-il,
que tout fonctionnaire se trouve lié par
un contrat envers l'Etat. En échange de
garanties spéciales, morales et maté-
rielles, il accepte d'à Ance des obliga-
tions déterminées impliquant certaines
restrictions de droits dont jouissent, à
leurs risques et périls, les citoyens non
fonctionnaires. Il entre volontairement
dans une hiérarchie et s'astreint à une
discipline. D'autre part, comme il est
payé sur les fonds de l'Etat, tout ce qui
concerne son traitement, son avance-
ment et sa retraite doit être réglé par
voie budgétaire à la suite d'une entente
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir
législatif. Il est difficile dès lors, de
concevoir que des associations puissent
s'interposer en ces matières et qu'en
dehors du Parlement, il se constitue en
Quelque sorte, de petits parlements de
fonctionnaires, ces derniers dussent-ils
se borner à émettre simplement des
vœux.
On ne m'accusera pas d'affaiblir ces
arguments pour en rendre la réfutation
plus facile. Je vais même plus loin. Je
reconnais que cette théorie autoritaire
est très soutenable, à la condition tou-
tefois d'être soutenue partout et envers
tous.
Si l'on veut faire passer sur tous les
salariés de l'Etat, sans exception, ce
niveau d'égalité dans la servitude, on
le peut, certes, car, en définitive, nul
n'est contraint d'être fonctionnaire. On
est toujours libre de rejeter le collier
de misère pour courir, comme dit notre
confrère les risques et les périls de la
liberté. Mais alors, que diable 1 faites
passer tout le monde sous la toise. Et
c'est ici,'je suppose, que le ministre de
l'intérieur est fort embarrassé.
On l'incite à refuser aux uns ce que
ses prédécesseurs ont accordé aux au-
tres dans des circonstances absolument
identiques.
Il existe une Association amicale des
répétiteurs des lycées et des collèges
et je ne lui veux pas de mal, je vous
assure, puisque, depuis bien longtemps
déjà, je fais partie de son comité de
patronage.
Mais enfin, si les professeurs sont
« fonctionnaires », les répétiteurs le
sont aussi. Les uns et les autres sont
« liés par un contrat envers l'Etat ».
Les répétiteurs comme les professeurs
sont « payés sur les fonds de l'Etat ».
Ils sont entrés volontairement dans
une « hiérarchie » et ils sont « astreints
à une discipline ». Si donc une asso-
ciation de professeurs peut éveiller
« des inquiétudes ». il est impossible
qu'une association de répétiteurs soit
beaucoup plus rassurante.
Or l'association des répétiteurs a été
fondée au grand jour, au vu et au su
de l'administration, avec l'assentiment
des pouvoirs publics. Dans son comité
de patronage, je vois figurer presque
tous les anciens ministres de l'instruc-
tion publique, un très grand nombre de
députés, de sénateurs, de journalistes.
Que dis-je? Elle est officiellement re-
connue, puisqu'elle agit comme per-
sonne morale au nom de la corporation
tout entière. Il n'est pas une question
intéressant « le traitement, l'avance-
ment, les garanties morales ou maté-
rielles » des répétiteurs qu'elle n'ait
abordée et discutée, sur laquelle elle
n'ait des solutions toutes prêtes.
Et, remarquez-le bien, elle ne se con-
tente pas « d'émettre des vœux » ce que
notre confrère trouve déjà passable-
ment grave. Elle traite directement avec
les pouvoirs établis. Tous les ministres
de l'instruction publique ont reçu les
membres du bureau de l'Association,
non comme des individualités sans
mandat, mais à titre officiel, comme
délégués et représentants de tous les
répétiteurs de France. Et les ministres
ouvrent la porte d'autant plus grande
qu'ils font partie le plus souvent eux-
mêmes du comité de patronage ou que
le bureau leur est présenté par leurs
collègues de la Chambre et du Sénat.
Tous les ans, au moment de la dis-
cussion du budget, l'Association -
personne morale — se présente à ce
titre chez les rapporteurs du budget de
l'instruction publique. Tous sans ex*
ception, depuis M. Charles Dupuv jus-
qu'à M. Edouard Delpeuch, ont admis
cette délégation et écouté ses doléan-
ces. Ils ont pu sans doute accueillir les
unes et rejeter les autres, mais enfin
ils les ont entendues et partant ils ont
reconnu l'existence légale de l'Associa-
tion. Je réclame, donc je suis.
Enfin, j'en appelle à M. Barthou lui-
même qui hésite, me dit-on, à accéder
aux vœux de MM. les professeurs.
Vous étiez il y a quelques mois à Tours,
monsieur le ministre, pour une inau-
guration quelconque. Aussitôt l'Asso-
ciation des répétiteurs vous a délégua
quelques-uns de ses membres et vous
vous êtes empressés de les recevoir
officiellement avec beaucoup de grâce.
Et comment ne les auriez-vous pas
reçus? Vous faites partie vous-même
du comité de patronage de l'Associa-
tion des répétiteurs. Si vous estimiez,
comme la presse officieuse, que cette
organisation est incompatible avec
l'état de fonctionnaire et « les prin-
cipes élémentaires de toute adminis-
tration », il y a longtemps que vous y
auriez mis bon ordre. Comme député,
vous vous seriez retiré de l'Associa-
tion ; comme ministre, vous l'auriez
dissoute.
Il n'y a en effet que deux issues pos-
sibles : la voie libérale et la voie auto*
ritaire. Dans le premier cas, il ne faut
pas trop corner aux oreilles des
membres de l'enseignement publio
qu'ils sont des fonctionnaires comme
les autres, et puisqu'on vient justement
de reconstituer les universités, il est
bon d'accorder aux universitaires des
franchises et une certaine autonomie
conciliables avec ce nouvel ordre de
choses. Dans le second, il faut les faire
passer sous le niveau commun et leur
refuser carrément à tous ce qu'on re-
fuse aux autres agents du gouverne.-
ment.
Mais il est impossible d'appliquer à
la fois les deux théories, de tolérer ea
faveur des uns ce qu'on interdit aux
autres. M. Barthou ne peut échapper à
ce dilemme : ou laisser vivre l'associar
tion des professeurs, ou tuer l'associa-
tion des répétiteurs.
ANDRÉ BALZ.
Nous publierons demain la Chronique
de M. Paul Ginisty
LE PARLEMENT ET LE TSAR
MM. Brisson et Loubet à Cherbourg
Questions en suspens-Les tribunes du pont
Comment ira-t-on à la revue?
A la suite des conférences qu'ils ont eues
ensemble, M. Emile Loubet, président du
Sénat, et M. Henri Brisson, président de 1*
Chambre, ont décidé de se rendre à Cher-
bourg, assister à l'arrivée des souverains
russes.
MM. Loubet et Henri Brisson accompa-
gneront M. Félix Faure. Ils prendront place
dans le train présidentiel, qui quittera Pa-
ris demain dimanche, à midi, pour arriver
à Cherbourg à sept heures du soir.
On sait que trois membres du gouverne-
ment, MM. Méline, président du conseil,
Hanotaux, ministre des affaires étrangères,
et l'amiral Besnard se rendront, également
à Cherbourg, où ils représenteront le gou-
vernement.
Le Parlement aura ainsi la place qui lui
revenait de droit dans les fêtes de la récep-
tion du tsar. MM. Henri Brisson et Loubet
assisteront en outre, aux cotés du président
de la République, à toutes les cérémonies
données en l'honneur des souverains russes.
Toutefois l'acceptation des présidents du
Sénat et de la Chambre de faire le voyage
de Cherbourg ne met pas fin à toutes les
questions relatives à la participation du Par-
lement aux fêtes franco-russes.
Ces diverses questions seront examinées
aujourd'hui même par les bureaux des deux
Chambres qui siégeront séparément au cours
de l'après-midi.
On doit examiner notamment la question
de savoir si les membres de ces bureaux se
rendront en corps à la gare du Ranelagh
pour assister à l'entrée dans Paris de l'em-
pereur et de l'impératrice.
Il est probable qu'ils se prononceront
pour l'affirmative. Les bureaux décideront
également de se rendre à la réception de
l'Elysée, le jour de l'arrivée du tsar à Paris.
Enfin on sait déjà que seuls les vice-pré-
sidents des deux Assemblées seront invités
au diner qui sera offert mardi soir aux sou-
verains à la présidence de la République.
Les trois vice-présidents actuels de la
Chambre — M. Clausel de Coussergues étant
décédé — sont MM. Sarrien, Paul Descha-
nel et Poincaré. Notons que ce dernier fait
actuellement une période de treize jours
comme territorial.
Les quatre vice-présidents du Sénat sont
MM. Peytral, Bérenger, Magnin et Scheu-
rer-Kestner,
A ce diner seront également invités les
anciens ministres des affaires étrangères
qui ont été au pouvoir depuis une dizaine
années, depuis M. Goblet jusqu'à M. De-
velle, en passant par MM. Léon Bourgeois,
Berthelot et par M. Casimir-Perier. M. de
Freycinet doit également assister à cetta
cérémonie.
En ce qui concerne les galas de l'Opéra
et de la Comédie-Française, rien ne paraît
définitif encore pour le Parlemént.
On avait d'abord dit que 200 places se-
raient données, pour chacune de ces soirées,
aux membres des deux Chambres. Les bu-
reaux avaient l'intention d'en faire l'attribu-
tion par la voie du tirage au sort, mais on
annonce aujourd'hui que le nombre de 200a
été réduit à 175.
Dans ces conditions, il est à prévoir quf
cette mesure va soulever de nouveaux mé
contentements. D'ailleurs, la présidence dt
la République, qui s'est réservée le droit
exclusif de faire les invitations pour l'Opéra
et le Théâtre-Français, ne s'est pas encore
dessaisie du moindre coupon. On sait seu<
lement que les deux bureaux des Chambret
auront à leur disposition les deux avant.
scènes du rez-de-chaussée, qui sont situées
de chaque côté de la scène.
Pour la cérémonie du pont Alexandre IIL
les députés, les sénateurs et les cODsetitelli
municipaux seront reçus sur la présentation
- j
PARI3 ET DEPARTEMENTS
Le Numéro, CINQ CENTIMES
-
JlMOflTEUR t AUGUSTE VACQUERM
ABONNEMENTS
Il Mb Trois mais Slioob Ha
fc œïs « "fr. 5 fr. 9FR. 1813P.
Départements 2 - 6 - 11 - 20 -
3— 9- 16- 32 -
FONDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
:"':.1-.-. 1--
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF & QI8
6, Place de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX DU JOURNAL
RtDACTlON: 131, rue Montmartre, 131
De 4 h S heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
N° 9704. — Dircisixioîie 4 Octobre 1886
13 VENDÉMIAIRE AN 105
¡\E.HUISTRfTlONI 131, rue Montmartre, 13)
Adresser katw et mandats à l'Administrateur
Avis à nos abonnés
Nous rappelons à nos abonnés qufls
P ent joindre 60 centimes à toutes
umrs demandes de changements d'a-
Sresses, ceci pour la confection de nou-
veUes bandes.
i
NOS LEADERS
NOS TORPILLEURS
La marine continue ses prouesses.
On vient, paraît-il, de mettre à
répreuve une partie des torpilleurs de
haute mer attachés à l'escadre de la
Méditerranée. On a eu une surprise
désagréable. Sur les cinq torpilleurs
essayés, trois n'ont pu donner que
dix-huit nœuds; un quatrième, pour
atteindre ce déplorable résultat, a dû
faire de tels efforts que des avaries
l'ent empêché de continuer sa route.
Le plus heureux a filé vingt et un
pœuds en tout et pour tout.
Ainsi, ces petits navires atteignent
au plus des vitesses de trente-trois à
trente-neuf kilomètres à l'heure ; c'est-
à-dire infiniment moins qu'on ne l'an-
nonce ; infiniment moins que ce que
les constructeurs s'étaient engagés à
fournir. Pour comprendre la portée
d'un résultat si insuffisant, il faut se
rappeler quel est le rôle du torpilleur.
Ce petit et frêle étui de tôle mince,
aux extrémités effilées en bout de ci-
gare, qui peut, en s'approchant dans
l'orbe du vaisseau le plus formidable,
le couler du premier coup, n'a au-
cune ressource de défense contre les
énormes bâtiments qu'il menace. Aper-
çu, il est à peu près perdu ; touché
par un obus ordinaire, il est coulé. Sa
seule chance, non seulement de rem-
plir sa fonction, mais encore d'échap-
per à la mort, est dâns sa vitesse
exceptionnelle. Il faut qu'il vole sur
Feau,, soit pour s'approcher, soit pour
fuir. Tout, dans son plan, est sacrifié à
cette nécessité. Effilé, étroit, frêle pour
être lèger, le torpilleur est à peu près
inhabitable. On étouffe entre ses pa-
rois métalliques, dans ses cavités res-
eerrées, que la machine surchauffe.On
y est en outre secoué de la plus effroya-
ble façon : car chaque vague ballotte
le torpilleur comme un fétu. Mais
pour qu'il puisse être aussi alerte qu'il
a besoin de l'être, il faut passer par-
dessus ces inconvénients.
Or, les chiffres indiqués comme
étant ceux des essais qui ont eu lieu,
indiquent que les torpilleurs de notre
escadre ont à peu de chose près, pour
la plupart, la vitesse qu'on demande
aujourd'hui aux cuirassés, c'est-à-dire
aux plus lourds de nos navires de
guerre, à ceux que l'on condamne à
porter une épaisse armure d'acier, de
monstrueuses pièces d'artillerie de
quarante ou cinquante mille kilos, et
des minarets de mâts chargés de ca-
nons revolvers. On demande, couram-
ment, aujourd'hui, aux grands cui-
rassés des vitesses de. dix-sept nœuds,
soit, à un nœud près, celle de nos tor-
pilleurs. Quant aux croiseurs, dont
quelques-uns sont également de très
grands navires, mais plus rapides que
les vaisseaux de ligne, on exige sur-
tout de ceux que l'on met en chantier,
une vingtaine de nœuds. Ainsi, non
seulement l'écart nécessaire entre la
vitesse des torpilleurs et celle des
grands bâtiments de guerre n'est pas
gardée, mais encore les seconds pour-
ront, au mépris du bon sens, aller plus
vite que les premiers. Comment des
torpilleurs peuvent-ils être utilisés dans
de telles conditions ?
*.
Ceux dont il s'agit auraient particu-
lièrement besoin d'une grande rapi-
dité, car ils sont des plus exposés. La
plupart des torpilleurs sont construits
pour se tenir cachés dans les ports et
sur le rivage, et pour faire des pointes
très courtes au cas où quelque gros
navire menacerait les côtes. Ceux-ci
sont des torpilleurs de haute mer,
destinés à accompagner les escadres,
et courant par suite encore plus de
dangers. On nous a annoncé dernière-
ment qu'un de nos constructeurs, ce-
lui qui passe pour le meilleur de tous,
en avait donné qui dépassaient trente
nœuds, près de cinquante kilomètres
à l'heure. Ceux qu'on vient d'expéri-
menter n'atteignent pas les deux tiers
de cette vitesse.
A quels mécomptes serons-nous
exposés, si la face des choses nous
oblige à une expérience plus com-
plète, plus sérieuse, plus redoutable
en face de l'ennemi. On se rappelle
peut-être les révélations navrantes du
rapport fait par M. Lockroy, au nom
de la commission extraparlementaire,
rapport d'où il résultait qu'une frac-
tion tout à fait insignifiante des tor-
pilleurs attachés au port de Toulon,
serait en état de prendre la mer, en
ças de déclaration de guerre
:.-
ÇJe qu'il y a de curieux, c'est que ces
graves accidents ne diminuent en rien
l'admirable aplomb de notre marine.
Quand on lui reproche, chiffres en
mains, de ne pas atteindre les vitesses
des marines étrangères : « Qui vous
fait croire cela? vous répond-elle.
Vous jugez les choses d'après les
chiffres officiels. Mais ces chiffres,
pour l'étranger, sont tout à fait trom-
peurs. Au dehors, on exagère beau-
coup la vitesse réelle des navires. Au
contraire, nous tenons à honneur de
donner des chiffres rigoureusement
exacts. Ils semblent plus faibles, mais
ils correspondent à des réalités. »
Déjà cette affirmation de haute fan-
taisie avait reçu de rudes démentis en
ce qui concerne les marines étrangè-
res. Par exemple, si j'ai bonne mé-
moire, de grands croiseurs des Etats-
Unis étaient arrivés aux fêtes de Kiel,
à travers tout l'Atlantique, avec la ra-
pidité que les documents officiels leur
prêtaient et que nos marins, avant cette
expérience, traitaient de pure fantas-
magorie. Mais - voici -- une contrepartie
encore plus pénible. Cette fois, ce sont
les chiffres fournis par notre marine,
comme étant ceux de ses propres na-
vires, qui se trouvent grossièrement
inexacts. A des données officielles déjà
insuffisantes, la réalité substitue des
résultats tout à fait navrants.
Cette douloureuse constatation ne
changera d'ailleurs rien à l'état actuel
des choses, pas plus que les accidents
qui arrivent tous les jours. Il est en-
tendu que la marine a le droit de jeter
à l'eau tous les ans de deux cents à
trois cents millions en pure perte. Je
me trompe. Pour nous donner la sa-
tisfaction de voir une oligarchie d'a-
miraux faire les grands seigneurs,
regarder de haut le commun des mor-
tels, et continuer les traditions de
routine, d'incapacité, de gaspillage,
de dépense, de coulage de toutes sor-
tes qui sont installées rue Royale.
Pourquoi voulez-vous que cela
change ? Cela n'a jamais changé.
Notre marine nous a toujours coûté
plus cher qu'à aucune autre nation,
l'Angleterre seule exceptée. Et elle n'a
jamais été en état de remplir sa fonc-
tion. On l'a vue à l'œuvre lors de l'ex-
pédition de Madagasoar : je n'insiste
pas. Lors de la guerre de 1870, la flotte
n'a pu jouer aucun rôle. Nous
nous battions contre une puissance
qui alors passait pour n'avoir pas de
marine, ou pour en avoir si peu que
ce n'était pas la peine d'en parler. Des
vaisseaux allemands sont venus nous
insulter jusque dans l'embouchure de
la Gironde et menacer sérieusement
notre colonie de la Martinique, sans
que nous ayons sérieusement inquiété
une minute l'Allemagne en mer. Lors
de la guerre de Crimée, l'insuffisance
de la marine française fit scandale. On
n'était absolument pas prêt. On sait ce
qui s'est passé pendant les guerres de
la Révolution et de l'Empire. Depuis
un siècle, pour ne pas remonter plus
haut, et en dehors de quelques bril-
lants coups de mains de l'amiral Cour-
bet, dont les héros survivants sont
d'ailleurs expulsés à l'heure actuelle
par la coterie régnante, depuis un
siècle, dis-je, je ne vois guère dans la
marine qu'une grande opération de
guerre brillamment conduite : celle
de la prise d'Alger en 1830. Elle fut
conduite par un ministre ci-vil, contre
toute l'amirauté à peu près. L'ami-
rauté la déclarait impossible.
Après un tel passé, allez donc dire
à la marine qu'il y a quelque chose qui
ne lui est pas permis ! Que ses cuiras-
sés soient jetés à la côte, que ses chau-
dières sautent, semant les cadavres
autour d'elles, que ses navires nou-
veaux risquent de se trouver la quille
en l'air, que ses torpilleurs soient hors
d'état de dépasser un homard à la
nage, que ses arsenaux soient en dé-
sordre et que ses magasins soient
vides, que lui importe? Plus elle en
fait, plus on lui permet d'en faire. La
désertion devant l'ennemi, punie de
mort dans l'armée de terre, y est (on
le sait) récompensée par tous les hon-
neurs. La France le sait, et elle
le tolère. Quand un amiral a jeté
trois de nos cuirassés à la côte, et
risqué de les jeter à peu près tous, on
lui donne un grade de plus dans la
Légion d'honneur pour le récompenser
de cet accident. Et le ministre qui a
accompli cette prouesse en est si fier
qu'ensuite il s'en fait autant à lui-
même. Jugeant que personne n'est
mieux que lui-même en état d'appré-
cier ses mérites, il s'octroie noblement
un cordon de plus.
Dites donc encore qu'il y a ou qu'il
y a eu, quelque part sur le globe, un
pays aussi patient que celui-ci 1
CAMILLE PELLETAN.
Nous publierons demain un article
de M. Charles Bos.
LES TRAVAUX BUDGÉTAIRES
Dans sa séance d'hier matin la commission
du budget a examiné, après no intéressant
exposé au rapporteur du budget de cMk ma-
rine, M. de Kerjégu, la question des cons-
tructions neuves à entreprendre en 1897 et
les crédits pour l'entretien de la flotte. Au-
cune décision n'a été prise.
La commission a terminé dans l'après-midi
le budget de la marine et voté le budget de
l'Imprimerie nationale.
LES 0«
LESON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Les courses : A Longchamps.
- Concours d'admission à l'Ecole de Cluny.
— Durée du jour : 12 h. 37 m. -
CHEZ NOUS
——- Le président de la République est
rentré ce matin par le train de six heures
quarante-cinq.
- M. Lachenal, président de la Con-
fédération helvétique, et sa famille, ont
quitté Paris hier, se rendant à Londres.
- Mme Carnot vient de quitter le
château de Presles et de se réinstaller à
Paris.
Nous avons le regret d'apprendre
que l'état du général Iung, député du Nord,
est absolument désespéré.
L'issue fatale est attendue d'un moment
à l'autre.
- Sainte statistique :
Le produit de l'octroi de Paris pour le
mois de septembre dernier présente une
plus-value de 478,849 fr. par rapport aux
évaluations budgétaires et une augmenta-
tion de 424,967 fr. par rapport au résultat
de septembre 1895.
Le produit des neuf mois écoulés de 1896
— qui s'élève à 509,643,152 fr. — présente
une plus-value de 2,374,852 fr. par rapport
aux évaluations budgétaires et une aug-
mentation de 688,181 fr. par rapport au
résultat de la période correspondante de
1895.
Allons ! tant mieux, et que M. Zola dé-
sarme.
- Le congrès international d'hydro-
logie a clos hier ses travaux à Clermont-
Ferrand.
Il a été décidé que le prochain congrès
serait tenu en 1898 en Belgique.
-—-- La presse s'est occupée récemment
des incidents de Bar-sur-Seine.
Le lieutenant de gendarmerie Ruellan,
se jugeant oflensé par un entrefilet publié
par le Petit Republicain et dont M. Perie,
rédacteur en chef de ce journal, avait ac-
cepté la responsabilité, a envoyé ses té-
moins à ce dernier.
Une rencontre à l'épée a eu lieu, à deux
heures, à Saint-André. A la deuxième re-
prise, M. Perie a été atteint d'un coup
d'épée à l'avant-bras.
—— Un retard :
Le monument du chansonnier Nadaud
qui devait être inauguré, à Roubaix, le 4
octobre, ne le sera que quelques jours
plus tard. La date n'est pas encore fixée.
- On devrait sabler les chaussées.
La circulation dans les rues devient de
plus en plus intense. La population de
Paris est augmentée sensiblement et les
trottoirs sont bondés de piéto'ns pendant
que les chaussées sont encombrées de vé-
hicules. Sur les grandes voies, c'est un dé-
filé de voitures sans solution de continuité
et il est très difficile pour le piéton de ga-
gner le trottoir opposé à celui où il se
trouve, d'autant plus que le pavé, assez
mauvais, rend encore plus difficile la tâche
des cochers.
Or, on a décidé que toutes les voies dans
lesquelles passerait l'empereur de Russie
lors de sa visite à Paris seraient sablées.
C'est parfait, mais il nous semble qu'un
peu de ce sable répandu sur les chaussées
dès maintenant, éviterait les nombreux
accidents dont on peut être témoin à cha-
que instant dans les rues, les chevaux
tombant facilement et de ce fait entravant
la circulation,
A L'ETRANGER
Un duc allemand vaincu par un
cerf :
Ce curieux accident de chasse est arrivé
au duc Albert de Wurtenberg, actuelle-
ment dans les Alpes styriennes. Le duc
venait de tirer sur un cerf, quand le noble
animal (le cerf), à juste titre mécontent,
fondit sur lui et sur son piqueur. Les deux
hommes furent renversés à terre. Le duc
a été sérieusement contusionné à l'avant-
bras et a été blessé à la main droite. Le
piqueur a été plus légèrement atteint.
- Avant-hier est arrivé à Newcastle
(Australie) le yacht Spray, jaugeant treize
tonneaux et monté, pour tout équipage,
par un seul homme, le capitaine Slocum.
Ce navigateur audacieux fait solitaire-
ment le tour du monde.
Parti de Boston en 18^5, il s'est rendu
d'abord à Gibraltar d'ou il a retraversé
l'Atlantique, cette fois dans la direction de
l'Amérique du Sud; il a franchi le détroit
de Magellan, puis le Pacifique austral jus-
qu'en Australie.
Après avoir visité Sydney, Melbourne
et Adélaïde, il fera voile vers l'ouest pour
regagner l'Amérique.
- Depuis que l'on assassine à Paris
pour une collection de timbres-postes,
l'attention du public a été attirée vers la
philatélie. Dame 1 écoutez donc : il y a des
timbres qui valent le mauvais coup. Té-
moin celui qui vient d'être acquis par un
collectionneur américain, M. Castle, pour
la modeste somme de 22,000 fr.
Ce roi des timbres-postes n'est autre que
l'un des deux exemplaires connus du tim-
bre émis par James Buchanan, en 1846,
pour les communications postales de la
yilie do Baltimore. Le fameux tiipbre bleu.
de l'île Maurice, pour lequel on payait de
8 à 10,000 fr., est donc dépassé de beau-
coup.
Le Passant.
LE FÁCTUM DU COMITÉ CENTRAL
Sous la prudente rubrique « Avis
et communications », tout à fait dans
le bas de la sixième colonne de sa
deuxième page, en caractères aussi
petits que possible, comme dans l'es-
poir qu'ainsi il passerait inaperçu, la
Petite République a publié, hier, le fac-
tum ci-dessous :
COMITÉ RÉVOLUTIONNAIRE CENTRAL. — Dé-
claration.- Fidèle à sa politique républicaine
socialiste et révolutionnaire, d'union entre
les peuyles, de maintien de la paix, de sécu-
rité et de dignité du pays, par le développe-
ment et le rayonnement de ses institutions
républicaines, par l'armement général du
peuple organisé pour une politique toute dé-
fensive, pour la garde de son indépendance
et la conquête de ses libertés.
Au moment où gouvernants opportunistes,
partis réactionnaires et bourgeois s'avilis-
sent aux pieds du tsar, oublieux de toute
dignité républicaine ou nationale, et ac-
clament en sa personne le césarisme, le
militarisme et la réaction qu'ils voudraient
faire peser sur le peuple français ;
En présence de ces défaillances, làchetés
et trahisons, le comité révolutionnaire cen-
tral affirme avec énergie ses convictions ré-
publicaines socialistes et révolutionnaires et
adresse aux socialistes et prolétaires de tous
les pays et tout particulièrement aux so-
cialistes et proscrits russes qui luttent avec
tant de courage contre la tyrannie du tsar
et pour la liberté du peuple russe, l'assu-
rance de leurs fraternelles sympathies et de
leur solidarité socialiste révolutionnaire.
Vive la paix internationale!
Vive la République socialiste !
Vive la Révolution I
Cela est signé de quatre députés, MM.
Baudin, Chauvière, Vaillant et Walter;
d'un conseiller municipal de Paris, M.
Landrin ; et de quelques candidats :
MM. Argyriadês, Calmels, Breton, Cap-
juzan, Dubreuilh, Goullé, Le Page et
Turot; — ces messieurs composant,
paraît-il, « la commission exécutive du
Comité révolutionnaire central. »
Nous n'aurions, certes, pas été ra-
masser cela dans l'ombre discrète où la
Petite République l'avait caché; mais ce
manifeste a été collé, ça et là, en affi-
che, sur les murs, audacieusement.
Et devant lui nous avons vu les ci-
toyens, ou bien hausser les épaules
avec un mépris souverain, ou bien de-
mander, eu un grondement de colère :
— ils ne sont donc pas Français?
Nous protestons à notre tour, et
avec toute l'ardeur de notre patrio-
tisme, contre cette « Déclaration »,
qui blesse si profondément le sentiment
national.
Répondre? Ce serait besogne inutile,
sans doute. Il suffit de faire remarquer
que ces cris de : Vive la Russie! et de :
Vive le tsar! que toutes les poitrines
françaises vont pousser, ont une signi-
fication précise que nul ne peut avoir
l'air de ne pas comprendre. L'alliance
franco-russe est faite pour tenir en res-
pect l'Allemagne ; et ceux qui, aujour-
d'hui, au nom de je ne sais quel étrange
internationalisme, attaquent l'alliance
franco-russe, gage de la paix euro-
péenne, sont les mêmes qui, lorsque
des Allemands plus ou moins socia-
listes viennent ici fomenter des trou-
bles, leur font fête. Cela les juge — et
les condamne.
Le peuple de France, justement indi-
gné, arrache ces affiches et les jette au
ruisseau.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
IL FAUT CHOMER
Les fêtes qui vont être données pour la
visite du tsar et que l'on peut déjà qualifier
de magnifiques ne seront malheureusement
pas accessibles à tous et bien des Parisiens
auront longtemps encore après le départ de
Nicolas Il la rancœur de n'avoir pas « vu
défiler le cortège », c'est que les directeurs
des grands établissements financiers, des
grandes usines, des industries, des maga-
sins n'ont pas encore pris de décision pour
le chômage de leurs ouvriers ou employés,
et qu'il est malheuseusement à craindre
qu'ils ne s'en soucient pas.
Ils ont tort. La meilleure manière de cé-
lébrer la grande fête qui se prépare c'est de
permettre au peuple tout entier d'aller ma-
nifester ses sentiments patriotiques au
grand jour devant les drapeaux français
et russes flottant dans les rues de la capi-
tale. ,
Il ne faut pas au moment où la France
entière sera en fêta qu'un malheureux em-
ployé soit courbé sur son travail en se di-
sant, après avoir jeté rapidement les yeux
sur la pendule : « A cette heure le cortège
est aux Champs-Elysées ! »
Déjà la Banque de France, le Crédit fon-
cier, le Crédit lyonnais ont étudié le moyen
de faciliter une sortie de quelques heures à
leurs employés par un service d'alternat, les
exigences des affaires les obligeant d'ouvrir
leurs guichets tous les jours non fériés ; il
est du devoir de tous les autres établisse-
ments de les imiter. Ceux qui croiraient par
ce fait perdre le produit de la vente d'une
journée ont grand tort, car le public s'in-
quiètera peu de faire des achats ou de re-
garder les vitrines des magasins le jour de
l'arriv ée du tsar; au contraire, il leur saura
gré, s ils ont fermé boutique ce jour-là et
donné la liberté aux travailleurs.
C'est donc un met d'ordre général qui doit
être donné dans tous les établissements : Il
faut chômer le jour de l'arrivée du tsar à
Paris.
E. w.
P.-S. — Nous apprenons au dernier mo-
ment qu'un grand nombre de négociants du
quartier du Sentier ont décidé, à la suite
d'une réunion qu'ils ont tenue hier, de fer-
mer leurs magasins toute la journée de
mardi 6 octobre, jour de l'arrivée du tsar à
Paris, et l'après-midi de mercredi 7.
C'est une première satisfaction donnée
aux employés. Nul doute que les autres
commerçants ne suivent cet exemple
CHRONIQUE
Par ANDRÉ BALZ
DILEMME
Quelques membres de l'Université
m'ont écrit ces jours-ci pour me prier
de rappeler au ministre de l'intérieur
une demande qui languit depuis de
longs mois dans ses bureaux. Les pro-
fesseurs des lycées et des collèges
veulent former, vous le savez, une as-
sociation amicale — je ne dis pas un
syndicat — pour étudier en commun
tout ce qui peut intéresser l'exercice de
leur profession.
« Nos statuts, m'écrivent-ils, n'ont
rien de subversif. Ils ont été discutés,
approuvés par plus de trois mille
d'entre nous. On se plait à chaque ins-
tant en haut lieu à reconnaître notre
prudence et notre modération. Nous
avons soigneusement écarté nous-
mêmes tout article équivoque qui se
concilierait mal avec notre mission so-
ciale. Pourquoi l'autorisation deman-
dée a-t-elle tant de peine à sortir des
oubliettes de la place Beauvau? »
Pourquoi ? Mon Dieu, mes chers cor-
respondants, vous avez lu sans doute,
tout ce que la presse officieuse a écrit
sur votre compte depuis quelques mois.
Il parait que vous êtes des « fonction-
naires » et qu'à ce titre vous ne pouvez
former que des associations de secours
mutuels. Un de nos confrères les plus
orthodoxes vous engageait même ces
jours-ci en termes formels à renoncer à
votre projet.
On ne doit pas oublier, vous disait-il,
que tout fonctionnaire se trouve lié par
un contrat envers l'Etat. En échange de
garanties spéciales, morales et maté-
rielles, il accepte d'à Ance des obliga-
tions déterminées impliquant certaines
restrictions de droits dont jouissent, à
leurs risques et périls, les citoyens non
fonctionnaires. Il entre volontairement
dans une hiérarchie et s'astreint à une
discipline. D'autre part, comme il est
payé sur les fonds de l'Etat, tout ce qui
concerne son traitement, son avance-
ment et sa retraite doit être réglé par
voie budgétaire à la suite d'une entente
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir
législatif. Il est difficile dès lors, de
concevoir que des associations puissent
s'interposer en ces matières et qu'en
dehors du Parlement, il se constitue en
Quelque sorte, de petits parlements de
fonctionnaires, ces derniers dussent-ils
se borner à émettre simplement des
vœux.
On ne m'accusera pas d'affaiblir ces
arguments pour en rendre la réfutation
plus facile. Je vais même plus loin. Je
reconnais que cette théorie autoritaire
est très soutenable, à la condition tou-
tefois d'être soutenue partout et envers
tous.
Si l'on veut faire passer sur tous les
salariés de l'Etat, sans exception, ce
niveau d'égalité dans la servitude, on
le peut, certes, car, en définitive, nul
n'est contraint d'être fonctionnaire. On
est toujours libre de rejeter le collier
de misère pour courir, comme dit notre
confrère les risques et les périls de la
liberté. Mais alors, que diable 1 faites
passer tout le monde sous la toise. Et
c'est ici,'je suppose, que le ministre de
l'intérieur est fort embarrassé.
On l'incite à refuser aux uns ce que
ses prédécesseurs ont accordé aux au-
tres dans des circonstances absolument
identiques.
Il existe une Association amicale des
répétiteurs des lycées et des collèges
et je ne lui veux pas de mal, je vous
assure, puisque, depuis bien longtemps
déjà, je fais partie de son comité de
patronage.
Mais enfin, si les professeurs sont
« fonctionnaires », les répétiteurs le
sont aussi. Les uns et les autres sont
« liés par un contrat envers l'Etat ».
Les répétiteurs comme les professeurs
sont « payés sur les fonds de l'Etat ».
Ils sont entrés volontairement dans
une « hiérarchie » et ils sont « astreints
à une discipline ». Si donc une asso-
ciation de professeurs peut éveiller
« des inquiétudes ». il est impossible
qu'une association de répétiteurs soit
beaucoup plus rassurante.
Or l'association des répétiteurs a été
fondée au grand jour, au vu et au su
de l'administration, avec l'assentiment
des pouvoirs publics. Dans son comité
de patronage, je vois figurer presque
tous les anciens ministres de l'instruc-
tion publique, un très grand nombre de
députés, de sénateurs, de journalistes.
Que dis-je? Elle est officiellement re-
connue, puisqu'elle agit comme per-
sonne morale au nom de la corporation
tout entière. Il n'est pas une question
intéressant « le traitement, l'avance-
ment, les garanties morales ou maté-
rielles » des répétiteurs qu'elle n'ait
abordée et discutée, sur laquelle elle
n'ait des solutions toutes prêtes.
Et, remarquez-le bien, elle ne se con-
tente pas « d'émettre des vœux » ce que
notre confrère trouve déjà passable-
ment grave. Elle traite directement avec
les pouvoirs établis. Tous les ministres
de l'instruction publique ont reçu les
membres du bureau de l'Association,
non comme des individualités sans
mandat, mais à titre officiel, comme
délégués et représentants de tous les
répétiteurs de France. Et les ministres
ouvrent la porte d'autant plus grande
qu'ils font partie le plus souvent eux-
mêmes du comité de patronage ou que
le bureau leur est présenté par leurs
collègues de la Chambre et du Sénat.
Tous les ans, au moment de la dis-
cussion du budget, l'Association -
personne morale — se présente à ce
titre chez les rapporteurs du budget de
l'instruction publique. Tous sans ex*
ception, depuis M. Charles Dupuv jus-
qu'à M. Edouard Delpeuch, ont admis
cette délégation et écouté ses doléan-
ces. Ils ont pu sans doute accueillir les
unes et rejeter les autres, mais enfin
ils les ont entendues et partant ils ont
reconnu l'existence légale de l'Associa-
tion. Je réclame, donc je suis.
Enfin, j'en appelle à M. Barthou lui-
même qui hésite, me dit-on, à accéder
aux vœux de MM. les professeurs.
Vous étiez il y a quelques mois à Tours,
monsieur le ministre, pour une inau-
guration quelconque. Aussitôt l'Asso-
ciation des répétiteurs vous a délégua
quelques-uns de ses membres et vous
vous êtes empressés de les recevoir
officiellement avec beaucoup de grâce.
Et comment ne les auriez-vous pas
reçus? Vous faites partie vous-même
du comité de patronage de l'Associa-
tion des répétiteurs. Si vous estimiez,
comme la presse officieuse, que cette
organisation est incompatible avec
l'état de fonctionnaire et « les prin-
cipes élémentaires de toute adminis-
tration », il y a longtemps que vous y
auriez mis bon ordre. Comme député,
vous vous seriez retiré de l'Associa-
tion ; comme ministre, vous l'auriez
dissoute.
Il n'y a en effet que deux issues pos-
sibles : la voie libérale et la voie auto*
ritaire. Dans le premier cas, il ne faut
pas trop corner aux oreilles des
membres de l'enseignement publio
qu'ils sont des fonctionnaires comme
les autres, et puisqu'on vient justement
de reconstituer les universités, il est
bon d'accorder aux universitaires des
franchises et une certaine autonomie
conciliables avec ce nouvel ordre de
choses. Dans le second, il faut les faire
passer sous le niveau commun et leur
refuser carrément à tous ce qu'on re-
fuse aux autres agents du gouverne.-
ment.
Mais il est impossible d'appliquer à
la fois les deux théories, de tolérer ea
faveur des uns ce qu'on interdit aux
autres. M. Barthou ne peut échapper à
ce dilemme : ou laisser vivre l'associar
tion des professeurs, ou tuer l'associa-
tion des répétiteurs.
ANDRÉ BALZ.
Nous publierons demain la Chronique
de M. Paul Ginisty
LE PARLEMENT ET LE TSAR
MM. Brisson et Loubet à Cherbourg
Questions en suspens-Les tribunes du pont
Comment ira-t-on à la revue?
A la suite des conférences qu'ils ont eues
ensemble, M. Emile Loubet, président du
Sénat, et M. Henri Brisson, président de 1*
Chambre, ont décidé de se rendre à Cher-
bourg, assister à l'arrivée des souverains
russes.
MM. Loubet et Henri Brisson accompa-
gneront M. Félix Faure. Ils prendront place
dans le train présidentiel, qui quittera Pa-
ris demain dimanche, à midi, pour arriver
à Cherbourg à sept heures du soir.
On sait que trois membres du gouverne-
ment, MM. Méline, président du conseil,
Hanotaux, ministre des affaires étrangères,
et l'amiral Besnard se rendront, également
à Cherbourg, où ils représenteront le gou-
vernement.
Le Parlement aura ainsi la place qui lui
revenait de droit dans les fêtes de la récep-
tion du tsar. MM. Henri Brisson et Loubet
assisteront en outre, aux cotés du président
de la République, à toutes les cérémonies
données en l'honneur des souverains russes.
Toutefois l'acceptation des présidents du
Sénat et de la Chambre de faire le voyage
de Cherbourg ne met pas fin à toutes les
questions relatives à la participation du Par-
lement aux fêtes franco-russes.
Ces diverses questions seront examinées
aujourd'hui même par les bureaux des deux
Chambres qui siégeront séparément au cours
de l'après-midi.
On doit examiner notamment la question
de savoir si les membres de ces bureaux se
rendront en corps à la gare du Ranelagh
pour assister à l'entrée dans Paris de l'em-
pereur et de l'impératrice.
Il est probable qu'ils se prononceront
pour l'affirmative. Les bureaux décideront
également de se rendre à la réception de
l'Elysée, le jour de l'arrivée du tsar à Paris.
Enfin on sait déjà que seuls les vice-pré-
sidents des deux Assemblées seront invités
au diner qui sera offert mardi soir aux sou-
verains à la présidence de la République.
Les trois vice-présidents actuels de la
Chambre — M. Clausel de Coussergues étant
décédé — sont MM. Sarrien, Paul Descha-
nel et Poincaré. Notons que ce dernier fait
actuellement une période de treize jours
comme territorial.
Les quatre vice-présidents du Sénat sont
MM. Peytral, Bérenger, Magnin et Scheu-
rer-Kestner,
A ce diner seront également invités les
anciens ministres des affaires étrangères
qui ont été au pouvoir depuis une dizaine
années, depuis M. Goblet jusqu'à M. De-
velle, en passant par MM. Léon Bourgeois,
Berthelot et par M. Casimir-Perier. M. de
Freycinet doit également assister à cetta
cérémonie.
En ce qui concerne les galas de l'Opéra
et de la Comédie-Française, rien ne paraît
définitif encore pour le Parlemént.
On avait d'abord dit que 200 places se-
raient données, pour chacune de ces soirées,
aux membres des deux Chambres. Les bu-
reaux avaient l'intention d'en faire l'attribu-
tion par la voie du tirage au sort, mais on
annonce aujourd'hui que le nombre de 200a
été réduit à 175.
Dans ces conditions, il est à prévoir quf
cette mesure va soulever de nouveaux mé
contentements. D'ailleurs, la présidence dt
la République, qui s'est réservée le droit
exclusif de faire les invitations pour l'Opéra
et le Théâtre-Français, ne s'est pas encore
dessaisie du moindre coupon. On sait seu<
lement que les deux bureaux des Chambret
auront à leur disposition les deux avant.
scènes du rez-de-chaussée, qui sont situées
de chaque côté de la scène.
Pour la cérémonie du pont Alexandre IIL
les députés, les sénateurs et les cODsetitelli
municipaux seront reçus sur la présentation
- j
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