Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1893-03-26
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 mars 1893 26 mars 1893
Description : 1893/03/26 (N8416). 1893/03/26 (N8416).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7541530w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/12/2012
-1'(0.8416 -- Dimanche 26 Marfl89T
6 Germinal an fOl — No 84161
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION' : ;.
131, RUE MONTMARTRE, 131
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACÎIdlT
De 4 à 6 heures du soir
Et de 9 heures du soir à minuit
LES HAXUSORIT3 NON INSÉRÉS NE SERONT PAS RENDUE
LE RAPPEL
AUBIflldl (IA1IUIV
131, RUE MONTMARTRE, 131
Adresser lettres et mandats
A L'ADMINISTRATEU R-GÉRANT
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et O
6, place de la Bourse, 6
: _2
ABONNEMENTS
PARIS
UN VOIS 2 FB.
TROIS MOIS. 6 -
SIX MOIS 9 FB.
UN AN. 18-
Rédacteur en chef : AUGUSTE ÏÂCQUERIE
e -
ABONNEMENTS .-
DÉPARTEMENTS
UN MOIS. 2 FB.
TROIS MOIS. 6 -
six MOIS. : T. lira.
UN AN 20 —
..â
AVIS
; L'échéance du 4er avril étant la plus
chargée de l'année, nous prions ceux de
nos lecteurs dont l'abonnement expire
'a la fin de mars de bien vouloir le
renouveler le plus tôt possible, afin d'é-
viter toute interruption dans la réception
du journal.
f En France et en Algérie, le mode d'a-
bonnement le plus simple consiste à en
verser le montant dans un bureau de
poste. Ce bureau se charge de toutes les
formalités.
Joindre une des dernières bandes à
chaque renouvellement.
VOIR A LA 3e PAGE
LA NOMENCLATURE DES
NOUVELLES PRIMES GRATUITES
que nous offrons à nos abonnés
Leur ûésfÊMenl
, M. Hervé de Kérohant est un adver-
saire courtois et de polémique bien
élevée. Voici comment il résume, dans
le Soleil, la séance de la Chambre :
- « C'est M. Jules Roche qui a dit le
vrai mot de la situation quand, après
le vote, il s'est dirigé vers le banc des
ministres et leur a crié, en leur mon-
trant le poing : « Crapules ! »
Est-ce bien ce qu'a dit M. Jules
Roche? Plusieurs journaux le nient.
Le Soleil lui-même en doute. Je lis
dans sa « Gazette parlementaire » :
— « Voici l'apostrophe de M. Jules
Roche : « Vous n'êtes que de misé-
» rables accusateurs et vos actes sere-
» tournent contre vous ! » Selon cer-
taines versions, les propos auraient
été moins vifs; suivant d'autres au
contraire, le mot crapules aurait été
orononcé. »
Ainsi, c'est même sans être sûr que
le mot ait été prononcé que M. de Ké-
rohant s'en empare, et l'arbore, car il
ne se contente pas de le reproduire
dans son article, il intitule son article :
CRAPULES !
Admettons que la phrase plus ou
moins vive de certaines versions soit
au mot de M. Roche ce qu'est : « La
garde meurt et ne se rend pas » au
mot de Cambronne ; on conçoit qu'un
homme reconnu innocent en veuille
i ceux qui l'ont livré à la justice
&t à la calomnie, qui lui ont fait
subir la détention, l'anxiété du pro-
cès, le désespoir des siens. On con-
çoit que, se retrouvant en face d'eux.
il s'exaspère jusqu'à la plus grossière
des injures.
Mais M. de Kérohant n'a pas été
livré à la justice, il n'a pas été accusé
ni soupçonné d'avoir vendu son opi-
nion, il n'y a pas eu un seul instant où
l'estime générale lui ait manqué.
Qu'est-ce donc qui peut lui faire per-
dre le sang-froid au point de s'appro-
prier un mot qui détonne si étrange-
ment dans sa bouche?
C'est le désappointement qu'a causé
aux adversaires de la République le
résultat de l'interpellation de M. Mil-
levoyc.
Ils avaient mis en elle leur dernière
espérance. Elle allait être leur revan-
che. Le vote de la Chambre allait effa-
cer le verdict du jury. La République
ne s'en relèverait pas ! Et voilà que la
Chambre leur a dit : — Vous nous em-
bêtez! Et voilà que, lorsque leur porte-
parole a eu lancé l'interpellation ter-
rible, la Chambre a dit au gouverne-
ment que ça ne valait pas une ré-
ponse.
La Chambre n'a fait que répéter ce
qu'avait dit le jury et ce qu'avait dit
et redit le suffrage universel.
Depuis que la triple-alliance des
royalistes, des bonapartistes et de la
boulange a entrepris la campagne
qui devait en finir avec les républi-
cains, il y a eu des élections nom-
breuses : toutes sans exception ont été
républicaines.
C'est ce qui rend les triple-alliés si
drôles lorsqu'ils écrivent, comme un
des leurs l'écrivait encore hier, que
« les républicains ont peur du tribunal
de l'opinion publique, peur du suffrage
universel ». A aucune des élections
qui ont eu lieu depuis deux mois, élec-
tions législatives ou élections sénato-
riales, les triple-alliés n'ont osé pré-
senter un candidat, — et ce sont les
républicains qui ont peur du tribunal
de l'opinion publique ! Dimanche en-
core, il y avait une élection de séna-
teur et huit élections de conseillers
généraux ; sur neuf élections, pas un
candidat triple-allié, — et ce sont les
républicains qui ont peur du suffrage
universel !
— Ceux qui ont peur, c'est vous ! a
dit aux droitiers le président du con-
seil, et, le jour où nous règlerons nos
comptes devant le suffrage universel,
vous vous apercevrez que le pays est
clairvoyant et. juste.
Ils s'en sont aperçus déjà aux élec-
tions partielles, et c'est ce qui produit
l'état furieux où nous avons le plaisir
de les voir.
Oui, le pays est clairvoyant. Il n'a
pas tardé à voir ce qu'il y avait au
fond de la vertu des entrepreneurs de
scandale.Il y a vite découvert une ma-
nœuvre des partis en détresse. Il a
promptement démasqué ces chevaliers
de la morale, ces détenteurs de l'hon-
nêteté qui, l'autre jour, proposaient à
notre admiration et à notre imitation,
présentaient comme leur homme,
comme l'homme par excellence, un
condamné pour escroquerie.
AUGUSTE V ACQUIIRDI.
,. ————————————-
COULISSES DES CHAMBRES
LE BUDGET AU SÉNAT
Le Sénat a commencé hier la discus-
sion du budget des dépenses et parait
devoir la mener très rapidement; il n'y
a sur cette partie du budget aucune
question de nature à soulever des diffi-
cultés entre les deux Chambres. Ce n'est
que sur le budget des recettes qu'il
pourra y avoir des occasions de conflit
entre les deux assemblées. Nous croyons
devoir indiquer ces points qui sont au
nombre de six.
En premier lieu il y a la réforme des
boissons que la Chambre avait intro-
duite dans le budget et que la commis-
sion sénatoriale des finances en a dis-
traite.
Ensuite il y a l'impôt des opérations
de bourse que la commission des finances
a complètement transformée. La Cham-
bre avait en l'établissant consacré le mo-
nopole des agents de change et supprimé
la coulisse. La commission des finances
établit l'impôt de manière à laisser sub-
sister la coulisse en respectant la si-
tuàtion de droit et de fait qui existe ac-
tuellement.
Puis vient la patente des grands maga-
sins que la commission des finances
élève, mais pas dans la même propor-
tion que la Chambre et surtout en re-
poussant la création des spécialités.
La commission des finances, d'autre
part, repousse l'impôt sur les pianos et
celui sur les livrées que la Chambre a
instituées.
Enfin la commission des finances re-
pousse le demi-décime additionnel sur
les successions que la Chambre a voté.
On ne sait encore si le Sénat ratifiera
sur tous ces points les décisions de la
commission des finances ; mais, sur la
disjonction de la réforme des boissons,
tout au moins il n'y a aucun doute. La
disjonction sera votée à une énorme ma-
jorité ; par suite, quoi qu'il advienne des
autres points, le budget devra revenir
du Sénat à la Chambre.
—o—
INTERPELLATION SUR LES COMPAGNIES
DE CHEMINS DE FER
M. Millerand, député socialiste, et M.
Jourde, député boulangiste, se proposent
d'interpeller le ministre des travaux pu-
blics sur le fonctionnement des compa-
gnies de chemins de fer.
Ils veulent demander que des caisses
de retraites soient créées ; que tous les
agents soient commissionnés, que les
étrangers soient exclus ; que les réduc-
tions considérables de tarif soient accor-
dées aux agents et à leurs familles ; que
le système disciplinaire soit réformé, etc.
LA COMMISSION D'ENQUÉTE
La commission d'enquête du Panama
a renoncé à tenir la réunion qui était
convoquée pour hier. Elle a sans doute
voulu attendre que la Chambre ait statué
sur la motion que M. Delmas doit —
comme nous l'avons annoncé — faire
aujourd'hui à la tribune dans le but de
réclamer la clôture de l'enquête et le
dépôt du rapport à bref délai.
—o—
LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
Les quatre groupes républicains du
Sénat étaient convoqués hier pour s'oc-
cuper du choix d'un candidat à la pré-
sidénce de l'Assemblée. Trois d'entre
eux ont préféré ne pas faire de désigna-
tion préalable et de s'en remettre au
choix d'une réunion plénière ; seule
l'union démocratique — le groupe le
plus avancé — a fait son choix. Il a dé-
signé M. Magnin par 12 voix contre 6 à
M. Constans et 3 à M. Challemel-Lacour.
La lutte reste circonscrite entre ces
trois candidats. Hier, M. Constans a posé
officiellement sa candidature qui, jus-
qu'alors, n'avait été mise en avant qu'of-
ficieusement par quelques-uns de ses
amis.
La réunion plénière des groupes ré-
publicains aura lieu aujourd'hui.
DÉMENTI AUX REPTILES
Un journal reptilien, le Tageblatt, de
Berlin, avait imaginé de dire que l'X.
de M. Andrieux était le fils du président
de la République.
D'après cet estimable journal, M. Er-
nest Carnot avait « encaissé successive-
ment quatre chèques d'une valeur totale
d'un demi-million ».
D'abord, il n'a jamais été dit que X.
eût touché 500,000 francs. Voici le pas-
sage textuel de la prétendue liste Rei-
nach :
» Chèque 80,000 francs touchés par
Cloetta pour le compte de X. et quatre
autres députés dont les noms peuvent
être retrouvés et parmi lesquels figure
un personnage influent. »
Ce n'est donc pas un demi-million que
X. aurait touché, mais le cinquième de
80,000 francs, soit seize mille francs.
Ensuite, voici une lettre que le fils du
président de la République vient d'écrire
à un journal français qui avait reproduit
le sifflement du reptile allemand :
Monsieur le directeur,
Votre journal emprunte à une feuille alle-
mande une calomnie odieuse sur mon
compte.
Cette feuille insinue que j'aurais été, en
1888, le bénéficiaire d'un chèque de la com-
pagnie de Panama. Puisque vous vous êtes
fait l'écho de cet infâme mensonge, je vous
prie de reproduire mon démenti formel et
absolu.
En 1888, j'avais vingt et un ans, j'étais
sur les bancs de l'Ecole des mines.
Mais à aucun âge, quand on porte le nom
de Carnot, on ne se salit la main.
Veuillez agréer, etc.
ERNEST CARNOT.
Le ministre de l'intérieur a signé un
arrêté d'expulsion contre le sieur Otto
Brandès, correspondant du Berliner Ta-
geblatt.
L'AFFAIREJDE PANAMA
Note de l'agence Havas :
Pour mettre fin aux commentaires aux-
quels a donné lieu un incident qui s'est
produit dans l'une des dernières séances
de la Chambre des députés, nous sommes
autorisés à déclarer que M. le président du
conseil, ayant eu l'occasion d'échanger
avec le baron de Mohrenheim des explica-
tions amicales au sujet de cet incident,
l'ambassadeur de Russie s'est déclaré abso-
lument satisfait.
Parmi les papiers remis par M. de Rei-
nach-Cessac, on a remarqué une mention
signalant qu'une somme de 50,000 francs
aurait été versée à l'ancien ministre
Crispi.
Voici la traduction de la lettre -écrite
eu italien — qui accompagnait l'envoi
de cette somme :
Cher Crispi,
Voici les 50,000 fr., dont vous ferez l'usage
convenu.
J'insiste de nouveau auprès de vous
pour que vous vouliez bien en finir avec
cette affaire le plus tôt possible, parce que
j'en ai absolument besoin pour mes affaires;
si c'était nécessaire, je ferai un nouveau
voyagi si vous me le demandez.
Veuillez @ m'envoyer un reçu pour ma
tranquillité.
Croyez-moi avec estime et affection tout
votre
JACQUES DE REINACH.
MM. de Lesseps et Blondin se sont
pourvus hier en cassation contre l'arrêt
de la cour d'assises.
AU DAHOMEY
On télégraphie de Londres, 24 mars :
Behanzin a fait publier le toxte de son
manifeste dont il a été parlé il y a quel-
ques jours.
« Notre devoir, dit-il, envers notre pays
et nos ancêtres nous commande de nous
défendre jusqu'à la mort. Notre pays ne
peut se rendre qu'après l'extermination de
la nation dahoméenne.
» Je sais que nous ne sommes nullement
égaux à la grande nation française, mais
comme roi du pays je ne puis me dispenser
de défendre mon trône et mon royaume.
» J'en appelle aux grandes et instruites
nations du monde pour qu'elles ne permet-
tent pas qu'une grande puissance comme
la France, possédant les armes modernes
les plus destructives, foule aux pieds et
extermine un peuple qui ne lui a rien fait
et dont le seul crime est d'être ignorant et
faible.
» Je fais cet appel à cet égard à la philan-
thropie et l'humanité chrétienne des grandes
nations civilisées. Sachant que de la conti-
nuation de la guerre ne peut résulter qu'un
grand sacrifice des deux côtés, je suis dési-
reux de conclure la paix à des conditions
compatibles avec l'honnêteté et la justice,
et je fais appel aux sentiments d'honneur si
élevés dans le peuple français en faveur de
la ratification du traité conclu par le géné-
ral Dodds et moi-même à Cana. »
Le manifeste est daté de Acra Dakem, le
2 mars.
Dans la presse, on se demande si Be-
hanzin est capable d'avoir pensé et écrit ce
document.
a
AU SÉNAT
Est-il bien nécessaire de rendre compte
de la séance tenne hier par le Sénat? En
mon âme et conscience — je n'ajoute pas
« devant Dieu et devant les hommes »
pour ne pas avoir l'air d'un chef de jury
- je ne le crois pas. On sait ce qu'est la
discussion du budget au Luxembourg.
Accomplissement morne d'une insipide
formalité, rien de plus.
On a commencé hier par le budget des
finances. M. Lacombe a parlé sur la
dette flottante. Un amendement de M.
Blavier a été repoussé. Un autre, de
M. Halgan, a été repoussé. Et le minis-
tère des finances a été adopté en entier
sans modifications.
Le Sénat a passé au ministère de la
justice, dont tous les chapitres ont été
de même adoptés sans modifications. Et
il en a été de même, après un fort né-
gligeable échange d'observations, du mi-
nistère de l'intérieur. Malgré M. Fres-
neau, un obscur mais tenace droitier, le
ministère de l'instruction publique a été
adopté en son entier, et la suite a été
renvoyée à. aujourd'hui.
Le Sénat a fixé à lundi le scrutin pour
l'élection de son président.
UN AUTOGRAPHE DE MICHELET
JULES MICHELET. Sur les chemins de l'Eu-
rope. Tel est le titre d'un volume que pu-
blie la librairie Marron et Flammarion.
C'est 13 journal d'un voyage en Angle-
terre, en Tlandre, en Hollande, en Suisse,
en Lombardie et dans le Tyrol.
Nous n'avons pas besoin de dire quel in-
térêt présentent un tel voyage et un tel
voyageur.
Le voyage est précédé d'une lettre auto-
graphe de Michelet. Elle est adressée à M.
Chéruel :
1834.
Il est probable, mon bien cher ami,
que je ne pourrai faire la longue tour-
née du Midi — j'ai trop peu de temps.
J'y substituerai probablement une petite
course à Londres (quinze jours en tout,
séjour et voyage).
Je serais bien heureux que nous vis-
sions ensemble ce prodigieux monu-
ment de l'activité humaine, ce dernier
mot de l'Occident. Cela vous dérangerait
moins et serait, j'en suis sûr, favorable
à votre santé. Nous trouverions là des
amis qui n'auraient rien à faire qu'à
s'occuper de nous et nous montrer leur
merveilleux pays. Ce voyage, probable-
ment, nous mettrait à chacun tout un
livre dans la tête et nous n'aurions qu'à
écrire au retour.
Je désire passionnément que vous le
puissiez en ce moment. Vous êtes certai-
nement l'homme avec lequel j'aimerais
le mieux voyager.
Ma très courte liberté commence lundi,
et je partirai probablement mercredi.
Votre ami dévoué,
MICHELET.
LES PÊCHERIES DE LA 1ER DE BEHRING
Les lecteurs du Rappel doivent se souve-
nir de ce gros conflit qui a éclaté, il y a un
peu moins de deux ans, à propos des pê-
cheries de Behring, entre les Etats-Unis et
l'Angleterre, qui, un moment, a été des
plus menaçants. Le gouvernement des Etats-
Unis, suzerain du territoire d'Alaska, qu'il
a acheté à la Russie, prétendaient que seuls
ses nationaux pourraient pêcher le phoque
dans le détroit. L'Angleterre soutenait que
la mer, étant chose commune au delà d'une
certaine distance des côtes, tous les marins,
de quelque pays qu'ils fussent, avaient le
droit de pêcher dans ce même détroit.
Après de longues négociations, les gou-
vernements américain et anglais finirent
par se mettre d'accord sur la convocation
d'un tribunal arbitral qui trancherait le
litige. Ils décidèrent que ce tribunal siége-
rait à Paris.
Pour la première fois, ses membres se
sont réunis hier, au quai d'Orsay. A l'una-
nimité, sur la proposition des arbitres amé-
ricains et anglais, un diplomate français,
M. de Courcel, ancien ambassadeur, a été
élu président. Il a, dans une allocution très
éloquente, souhaité la bienvenue au nom
du gouvernement de la République à ceux
qui venaient de le choisir pour diriger
leurs débats.
M. Imbert, ministre plénipotentiaire de
France, a été nommé secretaire. Il sera
assisté de deux secrétaires adjoints, l'un
anglais et l'autre américain.
Le tribunal a déclaré qu'il siégera à par-
tir du 4 avril, les mardi, mercredi, jeudi et
vendredi de onze heures et demie à une
heure et demie et de deux heures à quatre
heures.
Les débats seront publics ; mais on n'y
sera admis que sur la présentation de
cartes nominatives délivrées par le seeré
taire du tribunal.
Le tribunal s'est ajourné au 4 avril.
Ses membres sont allés présenter leurtf
hommages au président de la République.
C. B.
i rnrnmmtmmm
LES ON-DIT
C'est demain pour l'Eglise la fête dest
Rameaux, mais voilà beau temps qu'elle
a commencé dans nos jardins — et avec
un éclat de lumière, un rayonnement d
chaleur qu'on ne rencontre pas souvent
— même au cœur de l'été. t
Les bourgeons craquent, éclatent dans
cette fournaise — une fournaise le 24
mars! — les fleurs jaillissent en bou-
quets, il pousse des nids sur les bran-
ches et les oiseaux surpris par cette ex-
plosion insolite entonnent tous à la fois
— sans rime ni mesure — l'opéra du
Printemps.
Je ne vois que les arbres de nos bou«
levards à ne pas prendre part à la fête ;
ils sont là tout penauds, sous leurs fane
freluches de la Mi-Carême, dont ils sem<
blent sentir le ridicule et dont, entre
parenthèse, il serait humain de les dé
barrasser.
.-.
L'assemblée générale annuelle de l'As
sociation des journalistes parisiens a eu
lieu hier, au Grand-Hôtel, sous la prési-
dence de M. Alfred Mézières, qui a pro<
noncé une éloquente allocution.
Après lecture et approbation des rap-
ports présentés au nom du comité palj
MM. Eugène Pitou, secrétaire, et Henri
Duguiès, trésorier, il a été procédé au
remplacement du tiers sortant du comité.
Ont été élus : MM. Georges Niel, Eu-
gène Guyon, Fernand Bourgeat, Joseph
Denais, de la Brière et Georges Huillard.
* *
Un mot sauté m'a fait annoncer pour
hier le banquet annuel de l'Association
générale des journalistes parisiens.
C'est demain soir dimanche qu'il a lieu.
Au Grand-Hôtel. A sept heures un quart
précises. -
.--.
Rappelons que l'exposition des œuvres
de Meissonier, installée 8, rue de Sèze,
ne restera ouverte que jusqu'au lundi de
Pâques, 3 avril, inclusivement.
Le 4, les œuvres inédites du maître
seront expédiées à Londres, où une ex-
position au profit d'une œuvre française
et d'une œuvre anglaise est organisée
par un comité dont les présidents d'hon-
neur sont le prince et la princesse de
Galles.
Cette seconde exposition durera quinze
jours.
A
Le préfet de la Seine vient de prendre
l'arrêté fixant au 16 avril la date des
élections municipales.
A
La Bibliothèque nationale vient de
fermer ses portes au public pour une
quinzaine de jours. Cette fermeture se-
rait nécessitée par d'urgents travaux
d'appropriation intérieure. On débarras.
serait la bibliothèque des nombreux bal-
lots de livres et de journaux qui s'y
empilent tous les jours et l'on dirigerait
ces précieuses paperasses vers les grei
niers de Fontainebleau.
***
Envois au Salon :
A Barré : le portrait de sa femme e.
celui d'Etienne Carjat.
Mlle Emilie Baragnon : deux toiles,
Oranges et Fruits coupés.
Pierre Outin : la Côte, une côte que
gravit une bonne vieille patache pou-
dreuse — suivie, à pied, de ses curieux
voyageurs — sept à huit bons types
escortés de mendiants ; 2° Manon et Des-
grieux, dans le parloir de Saint-Suipice.
L. Gillot : Salle des Pas-Perdus (gare
Saint-Lazare).
Léon Lhermitte : la Mort et le ha.
cheron.
***
Sur l'initiative de M. Jules Gautier,
professeur d'histoire au lycée Voltaire,
directeur de la Revue de l'Enseigne-
Feuilleton du RAPPEL
DU 26 MARS
41
PECHEUR D'ISLANDE
QUATRIÈME PARTIE
VIÏ (suite)
En gaieté aussi, le voisin Guermeur
racontait ses tours joués au service (i).
des histoires de Chinois, d'Antilles, de
Brésil, faisant écarquiller les yeux aux
jeunes qui allaient y aller.
Un de ses meilleurs souvenirs, c'était
une fois, à bord de l'Iphigénie, on faisait
le plein des soutes à vin, le soir, à la
brume; et la manche en cuir, par où ça
passait pour descendre, s'était crevée.
Alors, au lieu d'avertir, on s'était mis à
boire à même jusqu'à plus soif; ça avait
(1). Les hommes de la côte appellent ainsi
leur temps de matelot dans la marine de
guerre.
Reproduction interdite.
Voir le Rappel du Ii février 11126, mars.. 1
duré deux heures, cette fête; à la fin ça
coulait plein la batterie; tout le monde
était soûl !
Et ces vieux marins, assis à table,
riaient de leur rire bon enfant, avec une
pointe de malice.
— On crie contre le service, disaient-
ils ; eh bien, il n'y a encore que là, pour
faire des tours pareils 1
Dehors, le temps ne s'embellissait pas,
au contraire ; le vent, la pluie, faisaient
rage dans une épaisse nuit. Malgré les
précautions prises, quelques-uns s'in-
quiétaient de leur bateau, ou de leur
barque amarrée dans le port, et par-
laient de se lever pour aller y voir.
Cependant un autre bruit, beaucoup
plus gai à entendre, arrivait d'en bas où
les plus jeunes de la noce soupaient les
uns sur les autres : c'étaient les cris de
joie, les éclats de rire des petits-cousins
et des petites-cousines, qui commen-
çaient à se sentir très émoustillés par le
cidre.
On avait servi des viandes bouillies,
des viandes rôties, des poulets, plusieurs
espèces de poissons, des omelettes et des
crêpes.
On avait causé pêche et contrebande,
discuté toute sojlç 4e laçons pour attra-
per les messieurs douaniers qui sont,
comme on sait, les ennemis des hommes
de mer.
En haut, à la table d'honneur, on se
lançait même à parler d'aventures
drôles.
Ceci se croisait, en breton, entre ces
hommes qui tous, à leur époque, avaient
roulé le monde.
— A Hong-Kong, les maisons, tu sais
bien, les maisons qui sont là, en mon-
tant dans les petites rues.
- Ah l oui, répondait du bout de la
table un autre qui les avait fréquentées,
— oui, en tirant sur la droite quand on
arrive?
— C'est ça; enfin, chez les dames chi-
noises, quoi!. Donc, nous avions con-
sommé là-dedans, à trois que nous
étions. Des vilaines femmes, ma doué,
mais vilaines !.
— Oh ! pour vilaines, je te crois, dit
négligemment le grand Yann qui, lui
aussi, dans un moment d'erreurf après
une longue traversée, les avait connues,
ces Chinoises.
— Après, pour payer, qui est-ce qui en
avait des piastres?. Cherche, cherche
dans les poches, — ni moi, ni toi, ni lui,
.T-. Plus le .sou .personne tNous fai-
sons des excuses, en promettant de reve-
nir. (Ici, il contournait sa rude figure
bronzée et minaudait comme une Chi-
noise très surprise.) Mais la vieille, pas
confiante, commence à miauler, à faire
le diable, et finit par nous griffer avec
ses pattes jaunes. (Maintenant, il singeait
ces voix pointues de là-bas et grimaçait
comme cette vieille en colère, tout en
roulant ses yeux qu'il avait retroussés par
le coin avec ses doigts.) Et voilà les
deux Chinois, les deux. enfin les deuxpa-
trons de la boîte, tu me comprends, —
qui ferment la grille à clef, nous dedansl
Comme de juste, on te les empoigne par
la queue pour les mettre en danse, la
tête contre les murs. — Mais crac 1 il en
sort d'autres par tous les trous, au moins
une douzaine qui se relèvent les man-
ches pour nous tomber dessus, — avec
des airs de se méfier tout de même. —
Moi, j'avais justement mon paquet de
cannes à sucre, achetées pour mes pro-
visions de route ; et c'est solide, ça ne
casse pas, quand c'est vert; alors tu
enses, pour cogner sur les magots, si
ça nous a été utile.
Non, décidément, il ventait trop fort;
en ce moment les vitres frémirent
sous une rafale terrible. et le conteur,
ayant brusqué la fin de son histoire, se
leva pour aller voir sa barque.
Un autre disait:
— Quand j'étais quartier-maître canon-
nier, en fonctions de caporal d'armes
sur la Zénobie, à Aden, un jour, je vois
les marchands de plumes d'autruche
qui montent à bord (imitant l'accent de
là-bas) : « Bonjour, caporal d'armes;
nous pas voleurs, nous bons mar-
chands. » D'un paravirer je te les fais
redescendre quatre à quatre : « Toi bon
marchand, que je dis ; apporte un peu
d'abord un bouquet de plumes pour me
faire cadeau; nous verrons après si on te
laissera monter avec ta pacotille. » Et je
m'en serais fait pas mal d'argent au re-
tour, si je n'avais pas été si bête ! (Dou-
loureusement :) Mais, tu sais, dans ce
temps j'étais jeune homme. Alors, à
Toulon, une connaissance à moi qui tra-
vaillait dans les modes.
Allons, bon, voici qu'un des petits
frères d'Yann, un futur Islandais, avec
une bonne figure rose et des yeux vifs,
tout d'un coup se trouve malade pour
avoir bu trop de cidre. Bien vite il faut
l'emporter, le petit Laumec, ce qui coupe
court au récit des perfidies de cette mo-
diste ,*Qur avoir cesj?iuJ8es,-
Le vent dans la cheminée hurlait
comme un damné qui souffre; de temps
en temps, avec une force à faire peur, il
secouait toute la maison sur ses fonde-
ments de pierre :
— On dirait que ça le fâche, parce qua
nous sommes en train de nous amuser,
dit le cousin pilote.
— Non, c'est la mer qui n'est pas con-
tente, répondit Yann, en souriant à
Gaud, parce que je lui avais promis ma-
riage.
Cependant une sorte de langueur
étrange commençait à les prendre tous
deux; ils se parlaient plus bas, la mala
dans la main, isolés au milieu de la
gaieté des autres. Lui, Yann, connais-
sant l'effet du vin sur les sens, ne buvait
pas du tout ce soir-là. Et il rougissait à
présent, ce grand garçon, quand quel-
qu'un de ses camarades Islandais disait
une plaisanterie de matelot sur la nuit
qui allait suivre.
Par instants aussi, il était triste, sa
pensant tout à coup à Sylvestre. D'ail-
leurs, il était convenu qu'on ne devait
pas danser à cause du père de Gaud et à
cause de lui.
PIERRE LOTI.
LÀ. MAMttMLt
6 Germinal an fOl — No 84161
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION' : ;.
131, RUE MONTMARTRE, 131
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACÎIdlT
De 4 à 6 heures du soir
Et de 9 heures du soir à minuit
LES HAXUSORIT3 NON INSÉRÉS NE SERONT PAS RENDUE
LE RAPPEL
AUBIflldl (IA1IUIV
131, RUE MONTMARTRE, 131
Adresser lettres et mandats
A L'ADMINISTRATEU R-GÉRANT
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et O
6, place de la Bourse, 6
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ABONNEMENTS
PARIS
UN VOIS 2 FB.
TROIS MOIS. 6 -
SIX MOIS 9 FB.
UN AN. 18-
Rédacteur en chef : AUGUSTE ÏÂCQUERIE
e -
ABONNEMENTS .-
DÉPARTEMENTS
UN MOIS. 2 FB.
TROIS MOIS. 6 -
six MOIS. : T. lira.
UN AN 20 —
..â
AVIS
; L'échéance du 4er avril étant la plus
chargée de l'année, nous prions ceux de
nos lecteurs dont l'abonnement expire
'a la fin de mars de bien vouloir le
renouveler le plus tôt possible, afin d'é-
viter toute interruption dans la réception
du journal.
f En France et en Algérie, le mode d'a-
bonnement le plus simple consiste à en
verser le montant dans un bureau de
poste. Ce bureau se charge de toutes les
formalités.
Joindre une des dernières bandes à
chaque renouvellement.
VOIR A LA 3e PAGE
LA NOMENCLATURE DES
NOUVELLES PRIMES GRATUITES
que nous offrons à nos abonnés
Leur ûésfÊMenl
, M. Hervé de Kérohant est un adver-
saire courtois et de polémique bien
élevée. Voici comment il résume, dans
le Soleil, la séance de la Chambre :
- « C'est M. Jules Roche qui a dit le
vrai mot de la situation quand, après
le vote, il s'est dirigé vers le banc des
ministres et leur a crié, en leur mon-
trant le poing : « Crapules ! »
Est-ce bien ce qu'a dit M. Jules
Roche? Plusieurs journaux le nient.
Le Soleil lui-même en doute. Je lis
dans sa « Gazette parlementaire » :
— « Voici l'apostrophe de M. Jules
Roche : « Vous n'êtes que de misé-
» rables accusateurs et vos actes sere-
» tournent contre vous ! » Selon cer-
taines versions, les propos auraient
été moins vifs; suivant d'autres au
contraire, le mot crapules aurait été
orononcé. »
Ainsi, c'est même sans être sûr que
le mot ait été prononcé que M. de Ké-
rohant s'en empare, et l'arbore, car il
ne se contente pas de le reproduire
dans son article, il intitule son article :
CRAPULES !
Admettons que la phrase plus ou
moins vive de certaines versions soit
au mot de M. Roche ce qu'est : « La
garde meurt et ne se rend pas » au
mot de Cambronne ; on conçoit qu'un
homme reconnu innocent en veuille
i ceux qui l'ont livré à la justice
&t à la calomnie, qui lui ont fait
subir la détention, l'anxiété du pro-
cès, le désespoir des siens. On con-
çoit que, se retrouvant en face d'eux.
il s'exaspère jusqu'à la plus grossière
des injures.
Mais M. de Kérohant n'a pas été
livré à la justice, il n'a pas été accusé
ni soupçonné d'avoir vendu son opi-
nion, il n'y a pas eu un seul instant où
l'estime générale lui ait manqué.
Qu'est-ce donc qui peut lui faire per-
dre le sang-froid au point de s'appro-
prier un mot qui détonne si étrange-
ment dans sa bouche?
C'est le désappointement qu'a causé
aux adversaires de la République le
résultat de l'interpellation de M. Mil-
levoyc.
Ils avaient mis en elle leur dernière
espérance. Elle allait être leur revan-
che. Le vote de la Chambre allait effa-
cer le verdict du jury. La République
ne s'en relèverait pas ! Et voilà que la
Chambre leur a dit : — Vous nous em-
bêtez! Et voilà que, lorsque leur porte-
parole a eu lancé l'interpellation ter-
rible, la Chambre a dit au gouverne-
ment que ça ne valait pas une ré-
ponse.
La Chambre n'a fait que répéter ce
qu'avait dit le jury et ce qu'avait dit
et redit le suffrage universel.
Depuis que la triple-alliance des
royalistes, des bonapartistes et de la
boulange a entrepris la campagne
qui devait en finir avec les républi-
cains, il y a eu des élections nom-
breuses : toutes sans exception ont été
républicaines.
C'est ce qui rend les triple-alliés si
drôles lorsqu'ils écrivent, comme un
des leurs l'écrivait encore hier, que
« les républicains ont peur du tribunal
de l'opinion publique, peur du suffrage
universel ». A aucune des élections
qui ont eu lieu depuis deux mois, élec-
tions législatives ou élections sénato-
riales, les triple-alliés n'ont osé pré-
senter un candidat, — et ce sont les
républicains qui ont peur du tribunal
de l'opinion publique ! Dimanche en-
core, il y avait une élection de séna-
teur et huit élections de conseillers
généraux ; sur neuf élections, pas un
candidat triple-allié, — et ce sont les
républicains qui ont peur du suffrage
universel !
— Ceux qui ont peur, c'est vous ! a
dit aux droitiers le président du con-
seil, et, le jour où nous règlerons nos
comptes devant le suffrage universel,
vous vous apercevrez que le pays est
clairvoyant et. juste.
Ils s'en sont aperçus déjà aux élec-
tions partielles, et c'est ce qui produit
l'état furieux où nous avons le plaisir
de les voir.
Oui, le pays est clairvoyant. Il n'a
pas tardé à voir ce qu'il y avait au
fond de la vertu des entrepreneurs de
scandale.Il y a vite découvert une ma-
nœuvre des partis en détresse. Il a
promptement démasqué ces chevaliers
de la morale, ces détenteurs de l'hon-
nêteté qui, l'autre jour, proposaient à
notre admiration et à notre imitation,
présentaient comme leur homme,
comme l'homme par excellence, un
condamné pour escroquerie.
AUGUSTE V ACQUIIRDI.
,. ————————————-
COULISSES DES CHAMBRES
LE BUDGET AU SÉNAT
Le Sénat a commencé hier la discus-
sion du budget des dépenses et parait
devoir la mener très rapidement; il n'y
a sur cette partie du budget aucune
question de nature à soulever des diffi-
cultés entre les deux Chambres. Ce n'est
que sur le budget des recettes qu'il
pourra y avoir des occasions de conflit
entre les deux assemblées. Nous croyons
devoir indiquer ces points qui sont au
nombre de six.
En premier lieu il y a la réforme des
boissons que la Chambre avait intro-
duite dans le budget et que la commis-
sion sénatoriale des finances en a dis-
traite.
Ensuite il y a l'impôt des opérations
de bourse que la commission des finances
a complètement transformée. La Cham-
bre avait en l'établissant consacré le mo-
nopole des agents de change et supprimé
la coulisse. La commission des finances
établit l'impôt de manière à laisser sub-
sister la coulisse en respectant la si-
tuàtion de droit et de fait qui existe ac-
tuellement.
Puis vient la patente des grands maga-
sins que la commission des finances
élève, mais pas dans la même propor-
tion que la Chambre et surtout en re-
poussant la création des spécialités.
La commission des finances, d'autre
part, repousse l'impôt sur les pianos et
celui sur les livrées que la Chambre a
instituées.
Enfin la commission des finances re-
pousse le demi-décime additionnel sur
les successions que la Chambre a voté.
On ne sait encore si le Sénat ratifiera
sur tous ces points les décisions de la
commission des finances ; mais, sur la
disjonction de la réforme des boissons,
tout au moins il n'y a aucun doute. La
disjonction sera votée à une énorme ma-
jorité ; par suite, quoi qu'il advienne des
autres points, le budget devra revenir
du Sénat à la Chambre.
—o—
INTERPELLATION SUR LES COMPAGNIES
DE CHEMINS DE FER
M. Millerand, député socialiste, et M.
Jourde, député boulangiste, se proposent
d'interpeller le ministre des travaux pu-
blics sur le fonctionnement des compa-
gnies de chemins de fer.
Ils veulent demander que des caisses
de retraites soient créées ; que tous les
agents soient commissionnés, que les
étrangers soient exclus ; que les réduc-
tions considérables de tarif soient accor-
dées aux agents et à leurs familles ; que
le système disciplinaire soit réformé, etc.
LA COMMISSION D'ENQUÉTE
La commission d'enquête du Panama
a renoncé à tenir la réunion qui était
convoquée pour hier. Elle a sans doute
voulu attendre que la Chambre ait statué
sur la motion que M. Delmas doit —
comme nous l'avons annoncé — faire
aujourd'hui à la tribune dans le but de
réclamer la clôture de l'enquête et le
dépôt du rapport à bref délai.
—o—
LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
Les quatre groupes républicains du
Sénat étaient convoqués hier pour s'oc-
cuper du choix d'un candidat à la pré-
sidénce de l'Assemblée. Trois d'entre
eux ont préféré ne pas faire de désigna-
tion préalable et de s'en remettre au
choix d'une réunion plénière ; seule
l'union démocratique — le groupe le
plus avancé — a fait son choix. Il a dé-
signé M. Magnin par 12 voix contre 6 à
M. Constans et 3 à M. Challemel-Lacour.
La lutte reste circonscrite entre ces
trois candidats. Hier, M. Constans a posé
officiellement sa candidature qui, jus-
qu'alors, n'avait été mise en avant qu'of-
ficieusement par quelques-uns de ses
amis.
La réunion plénière des groupes ré-
publicains aura lieu aujourd'hui.
DÉMENTI AUX REPTILES
Un journal reptilien, le Tageblatt, de
Berlin, avait imaginé de dire que l'X.
de M. Andrieux était le fils du président
de la République.
D'après cet estimable journal, M. Er-
nest Carnot avait « encaissé successive-
ment quatre chèques d'une valeur totale
d'un demi-million ».
D'abord, il n'a jamais été dit que X.
eût touché 500,000 francs. Voici le pas-
sage textuel de la prétendue liste Rei-
nach :
» Chèque 80,000 francs touchés par
Cloetta pour le compte de X. et quatre
autres députés dont les noms peuvent
être retrouvés et parmi lesquels figure
un personnage influent. »
Ce n'est donc pas un demi-million que
X. aurait touché, mais le cinquième de
80,000 francs, soit seize mille francs.
Ensuite, voici une lettre que le fils du
président de la République vient d'écrire
à un journal français qui avait reproduit
le sifflement du reptile allemand :
Monsieur le directeur,
Votre journal emprunte à une feuille alle-
mande une calomnie odieuse sur mon
compte.
Cette feuille insinue que j'aurais été, en
1888, le bénéficiaire d'un chèque de la com-
pagnie de Panama. Puisque vous vous êtes
fait l'écho de cet infâme mensonge, je vous
prie de reproduire mon démenti formel et
absolu.
En 1888, j'avais vingt et un ans, j'étais
sur les bancs de l'Ecole des mines.
Mais à aucun âge, quand on porte le nom
de Carnot, on ne se salit la main.
Veuillez agréer, etc.
ERNEST CARNOT.
Le ministre de l'intérieur a signé un
arrêté d'expulsion contre le sieur Otto
Brandès, correspondant du Berliner Ta-
geblatt.
L'AFFAIREJDE PANAMA
Note de l'agence Havas :
Pour mettre fin aux commentaires aux-
quels a donné lieu un incident qui s'est
produit dans l'une des dernières séances
de la Chambre des députés, nous sommes
autorisés à déclarer que M. le président du
conseil, ayant eu l'occasion d'échanger
avec le baron de Mohrenheim des explica-
tions amicales au sujet de cet incident,
l'ambassadeur de Russie s'est déclaré abso-
lument satisfait.
Parmi les papiers remis par M. de Rei-
nach-Cessac, on a remarqué une mention
signalant qu'une somme de 50,000 francs
aurait été versée à l'ancien ministre
Crispi.
Voici la traduction de la lettre -écrite
eu italien — qui accompagnait l'envoi
de cette somme :
Cher Crispi,
Voici les 50,000 fr., dont vous ferez l'usage
convenu.
J'insiste de nouveau auprès de vous
pour que vous vouliez bien en finir avec
cette affaire le plus tôt possible, parce que
j'en ai absolument besoin pour mes affaires;
si c'était nécessaire, je ferai un nouveau
voyagi si vous me le demandez.
Veuillez @ m'envoyer un reçu pour ma
tranquillité.
Croyez-moi avec estime et affection tout
votre
JACQUES DE REINACH.
MM. de Lesseps et Blondin se sont
pourvus hier en cassation contre l'arrêt
de la cour d'assises.
AU DAHOMEY
On télégraphie de Londres, 24 mars :
Behanzin a fait publier le toxte de son
manifeste dont il a été parlé il y a quel-
ques jours.
« Notre devoir, dit-il, envers notre pays
et nos ancêtres nous commande de nous
défendre jusqu'à la mort. Notre pays ne
peut se rendre qu'après l'extermination de
la nation dahoméenne.
» Je sais que nous ne sommes nullement
égaux à la grande nation française, mais
comme roi du pays je ne puis me dispenser
de défendre mon trône et mon royaume.
» J'en appelle aux grandes et instruites
nations du monde pour qu'elles ne permet-
tent pas qu'une grande puissance comme
la France, possédant les armes modernes
les plus destructives, foule aux pieds et
extermine un peuple qui ne lui a rien fait
et dont le seul crime est d'être ignorant et
faible.
» Je fais cet appel à cet égard à la philan-
thropie et l'humanité chrétienne des grandes
nations civilisées. Sachant que de la conti-
nuation de la guerre ne peut résulter qu'un
grand sacrifice des deux côtés, je suis dési-
reux de conclure la paix à des conditions
compatibles avec l'honnêteté et la justice,
et je fais appel aux sentiments d'honneur si
élevés dans le peuple français en faveur de
la ratification du traité conclu par le géné-
ral Dodds et moi-même à Cana. »
Le manifeste est daté de Acra Dakem, le
2 mars.
Dans la presse, on se demande si Be-
hanzin est capable d'avoir pensé et écrit ce
document.
a
AU SÉNAT
Est-il bien nécessaire de rendre compte
de la séance tenne hier par le Sénat? En
mon âme et conscience — je n'ajoute pas
« devant Dieu et devant les hommes »
pour ne pas avoir l'air d'un chef de jury
- je ne le crois pas. On sait ce qu'est la
discussion du budget au Luxembourg.
Accomplissement morne d'une insipide
formalité, rien de plus.
On a commencé hier par le budget des
finances. M. Lacombe a parlé sur la
dette flottante. Un amendement de M.
Blavier a été repoussé. Un autre, de
M. Halgan, a été repoussé. Et le minis-
tère des finances a été adopté en entier
sans modifications.
Le Sénat a passé au ministère de la
justice, dont tous les chapitres ont été
de même adoptés sans modifications. Et
il en a été de même, après un fort né-
gligeable échange d'observations, du mi-
nistère de l'intérieur. Malgré M. Fres-
neau, un obscur mais tenace droitier, le
ministère de l'instruction publique a été
adopté en son entier, et la suite a été
renvoyée à. aujourd'hui.
Le Sénat a fixé à lundi le scrutin pour
l'élection de son président.
UN AUTOGRAPHE DE MICHELET
JULES MICHELET. Sur les chemins de l'Eu-
rope. Tel est le titre d'un volume que pu-
blie la librairie Marron et Flammarion.
C'est 13 journal d'un voyage en Angle-
terre, en Tlandre, en Hollande, en Suisse,
en Lombardie et dans le Tyrol.
Nous n'avons pas besoin de dire quel in-
térêt présentent un tel voyage et un tel
voyageur.
Le voyage est précédé d'une lettre auto-
graphe de Michelet. Elle est adressée à M.
Chéruel :
1834.
Il est probable, mon bien cher ami,
que je ne pourrai faire la longue tour-
née du Midi — j'ai trop peu de temps.
J'y substituerai probablement une petite
course à Londres (quinze jours en tout,
séjour et voyage).
Je serais bien heureux que nous vis-
sions ensemble ce prodigieux monu-
ment de l'activité humaine, ce dernier
mot de l'Occident. Cela vous dérangerait
moins et serait, j'en suis sûr, favorable
à votre santé. Nous trouverions là des
amis qui n'auraient rien à faire qu'à
s'occuper de nous et nous montrer leur
merveilleux pays. Ce voyage, probable-
ment, nous mettrait à chacun tout un
livre dans la tête et nous n'aurions qu'à
écrire au retour.
Je désire passionnément que vous le
puissiez en ce moment. Vous êtes certai-
nement l'homme avec lequel j'aimerais
le mieux voyager.
Ma très courte liberté commence lundi,
et je partirai probablement mercredi.
Votre ami dévoué,
MICHELET.
LES PÊCHERIES DE LA 1ER DE BEHRING
Les lecteurs du Rappel doivent se souve-
nir de ce gros conflit qui a éclaté, il y a un
peu moins de deux ans, à propos des pê-
cheries de Behring, entre les Etats-Unis et
l'Angleterre, qui, un moment, a été des
plus menaçants. Le gouvernement des Etats-
Unis, suzerain du territoire d'Alaska, qu'il
a acheté à la Russie, prétendaient que seuls
ses nationaux pourraient pêcher le phoque
dans le détroit. L'Angleterre soutenait que
la mer, étant chose commune au delà d'une
certaine distance des côtes, tous les marins,
de quelque pays qu'ils fussent, avaient le
droit de pêcher dans ce même détroit.
Après de longues négociations, les gou-
vernements américain et anglais finirent
par se mettre d'accord sur la convocation
d'un tribunal arbitral qui trancherait le
litige. Ils décidèrent que ce tribunal siége-
rait à Paris.
Pour la première fois, ses membres se
sont réunis hier, au quai d'Orsay. A l'una-
nimité, sur la proposition des arbitres amé-
ricains et anglais, un diplomate français,
M. de Courcel, ancien ambassadeur, a été
élu président. Il a, dans une allocution très
éloquente, souhaité la bienvenue au nom
du gouvernement de la République à ceux
qui venaient de le choisir pour diriger
leurs débats.
M. Imbert, ministre plénipotentiaire de
France, a été nommé secretaire. Il sera
assisté de deux secrétaires adjoints, l'un
anglais et l'autre américain.
Le tribunal a déclaré qu'il siégera à par-
tir du 4 avril, les mardi, mercredi, jeudi et
vendredi de onze heures et demie à une
heure et demie et de deux heures à quatre
heures.
Les débats seront publics ; mais on n'y
sera admis que sur la présentation de
cartes nominatives délivrées par le seeré
taire du tribunal.
Le tribunal s'est ajourné au 4 avril.
Ses membres sont allés présenter leurtf
hommages au président de la République.
C. B.
i rnrnmmtmmm
LES ON-DIT
C'est demain pour l'Eglise la fête dest
Rameaux, mais voilà beau temps qu'elle
a commencé dans nos jardins — et avec
un éclat de lumière, un rayonnement d
chaleur qu'on ne rencontre pas souvent
— même au cœur de l'été. t
Les bourgeons craquent, éclatent dans
cette fournaise — une fournaise le 24
mars! — les fleurs jaillissent en bou-
quets, il pousse des nids sur les bran-
ches et les oiseaux surpris par cette ex-
plosion insolite entonnent tous à la fois
— sans rime ni mesure — l'opéra du
Printemps.
Je ne vois que les arbres de nos bou«
levards à ne pas prendre part à la fête ;
ils sont là tout penauds, sous leurs fane
freluches de la Mi-Carême, dont ils sem<
blent sentir le ridicule et dont, entre
parenthèse, il serait humain de les dé
barrasser.
.-.
L'assemblée générale annuelle de l'As
sociation des journalistes parisiens a eu
lieu hier, au Grand-Hôtel, sous la prési-
dence de M. Alfred Mézières, qui a pro<
noncé une éloquente allocution.
Après lecture et approbation des rap-
ports présentés au nom du comité palj
MM. Eugène Pitou, secrétaire, et Henri
Duguiès, trésorier, il a été procédé au
remplacement du tiers sortant du comité.
Ont été élus : MM. Georges Niel, Eu-
gène Guyon, Fernand Bourgeat, Joseph
Denais, de la Brière et Georges Huillard.
* *
Un mot sauté m'a fait annoncer pour
hier le banquet annuel de l'Association
générale des journalistes parisiens.
C'est demain soir dimanche qu'il a lieu.
Au Grand-Hôtel. A sept heures un quart
précises. -
.--.
Rappelons que l'exposition des œuvres
de Meissonier, installée 8, rue de Sèze,
ne restera ouverte que jusqu'au lundi de
Pâques, 3 avril, inclusivement.
Le 4, les œuvres inédites du maître
seront expédiées à Londres, où une ex-
position au profit d'une œuvre française
et d'une œuvre anglaise est organisée
par un comité dont les présidents d'hon-
neur sont le prince et la princesse de
Galles.
Cette seconde exposition durera quinze
jours.
A
Le préfet de la Seine vient de prendre
l'arrêté fixant au 16 avril la date des
élections municipales.
A
La Bibliothèque nationale vient de
fermer ses portes au public pour une
quinzaine de jours. Cette fermeture se-
rait nécessitée par d'urgents travaux
d'appropriation intérieure. On débarras.
serait la bibliothèque des nombreux bal-
lots de livres et de journaux qui s'y
empilent tous les jours et l'on dirigerait
ces précieuses paperasses vers les grei
niers de Fontainebleau.
***
Envois au Salon :
A Barré : le portrait de sa femme e.
celui d'Etienne Carjat.
Mlle Emilie Baragnon : deux toiles,
Oranges et Fruits coupés.
Pierre Outin : la Côte, une côte que
gravit une bonne vieille patache pou-
dreuse — suivie, à pied, de ses curieux
voyageurs — sept à huit bons types
escortés de mendiants ; 2° Manon et Des-
grieux, dans le parloir de Saint-Suipice.
L. Gillot : Salle des Pas-Perdus (gare
Saint-Lazare).
Léon Lhermitte : la Mort et le ha.
cheron.
***
Sur l'initiative de M. Jules Gautier,
professeur d'histoire au lycée Voltaire,
directeur de la Revue de l'Enseigne-
Feuilleton du RAPPEL
DU 26 MARS
41
PECHEUR D'ISLANDE
QUATRIÈME PARTIE
VIÏ (suite)
En gaieté aussi, le voisin Guermeur
racontait ses tours joués au service (i).
des histoires de Chinois, d'Antilles, de
Brésil, faisant écarquiller les yeux aux
jeunes qui allaient y aller.
Un de ses meilleurs souvenirs, c'était
une fois, à bord de l'Iphigénie, on faisait
le plein des soutes à vin, le soir, à la
brume; et la manche en cuir, par où ça
passait pour descendre, s'était crevée.
Alors, au lieu d'avertir, on s'était mis à
boire à même jusqu'à plus soif; ça avait
(1). Les hommes de la côte appellent ainsi
leur temps de matelot dans la marine de
guerre.
Reproduction interdite.
Voir le Rappel du Ii février 11126, mars.. 1
duré deux heures, cette fête; à la fin ça
coulait plein la batterie; tout le monde
était soûl !
Et ces vieux marins, assis à table,
riaient de leur rire bon enfant, avec une
pointe de malice.
— On crie contre le service, disaient-
ils ; eh bien, il n'y a encore que là, pour
faire des tours pareils 1
Dehors, le temps ne s'embellissait pas,
au contraire ; le vent, la pluie, faisaient
rage dans une épaisse nuit. Malgré les
précautions prises, quelques-uns s'in-
quiétaient de leur bateau, ou de leur
barque amarrée dans le port, et par-
laient de se lever pour aller y voir.
Cependant un autre bruit, beaucoup
plus gai à entendre, arrivait d'en bas où
les plus jeunes de la noce soupaient les
uns sur les autres : c'étaient les cris de
joie, les éclats de rire des petits-cousins
et des petites-cousines, qui commen-
çaient à se sentir très émoustillés par le
cidre.
On avait servi des viandes bouillies,
des viandes rôties, des poulets, plusieurs
espèces de poissons, des omelettes et des
crêpes.
On avait causé pêche et contrebande,
discuté toute sojlç 4e laçons pour attra-
per les messieurs douaniers qui sont,
comme on sait, les ennemis des hommes
de mer.
En haut, à la table d'honneur, on se
lançait même à parler d'aventures
drôles.
Ceci se croisait, en breton, entre ces
hommes qui tous, à leur époque, avaient
roulé le monde.
— A Hong-Kong, les maisons, tu sais
bien, les maisons qui sont là, en mon-
tant dans les petites rues.
- Ah l oui, répondait du bout de la
table un autre qui les avait fréquentées,
— oui, en tirant sur la droite quand on
arrive?
— C'est ça; enfin, chez les dames chi-
noises, quoi!. Donc, nous avions con-
sommé là-dedans, à trois que nous
étions. Des vilaines femmes, ma doué,
mais vilaines !.
— Oh ! pour vilaines, je te crois, dit
négligemment le grand Yann qui, lui
aussi, dans un moment d'erreurf après
une longue traversée, les avait connues,
ces Chinoises.
— Après, pour payer, qui est-ce qui en
avait des piastres?. Cherche, cherche
dans les poches, — ni moi, ni toi, ni lui,
.T-. Plus le .sou .personne tNous fai-
sons des excuses, en promettant de reve-
nir. (Ici, il contournait sa rude figure
bronzée et minaudait comme une Chi-
noise très surprise.) Mais la vieille, pas
confiante, commence à miauler, à faire
le diable, et finit par nous griffer avec
ses pattes jaunes. (Maintenant, il singeait
ces voix pointues de là-bas et grimaçait
comme cette vieille en colère, tout en
roulant ses yeux qu'il avait retroussés par
le coin avec ses doigts.) Et voilà les
deux Chinois, les deux. enfin les deuxpa-
trons de la boîte, tu me comprends, —
qui ferment la grille à clef, nous dedansl
Comme de juste, on te les empoigne par
la queue pour les mettre en danse, la
tête contre les murs. — Mais crac 1 il en
sort d'autres par tous les trous, au moins
une douzaine qui se relèvent les man-
ches pour nous tomber dessus, — avec
des airs de se méfier tout de même. —
Moi, j'avais justement mon paquet de
cannes à sucre, achetées pour mes pro-
visions de route ; et c'est solide, ça ne
casse pas, quand c'est vert; alors tu
enses, pour cogner sur les magots, si
ça nous a été utile.
Non, décidément, il ventait trop fort;
en ce moment les vitres frémirent
sous une rafale terrible. et le conteur,
ayant brusqué la fin de son histoire, se
leva pour aller voir sa barque.
Un autre disait:
— Quand j'étais quartier-maître canon-
nier, en fonctions de caporal d'armes
sur la Zénobie, à Aden, un jour, je vois
les marchands de plumes d'autruche
qui montent à bord (imitant l'accent de
là-bas) : « Bonjour, caporal d'armes;
nous pas voleurs, nous bons mar-
chands. » D'un paravirer je te les fais
redescendre quatre à quatre : « Toi bon
marchand, que je dis ; apporte un peu
d'abord un bouquet de plumes pour me
faire cadeau; nous verrons après si on te
laissera monter avec ta pacotille. » Et je
m'en serais fait pas mal d'argent au re-
tour, si je n'avais pas été si bête ! (Dou-
loureusement :) Mais, tu sais, dans ce
temps j'étais jeune homme. Alors, à
Toulon, une connaissance à moi qui tra-
vaillait dans les modes.
Allons, bon, voici qu'un des petits
frères d'Yann, un futur Islandais, avec
une bonne figure rose et des yeux vifs,
tout d'un coup se trouve malade pour
avoir bu trop de cidre. Bien vite il faut
l'emporter, le petit Laumec, ce qui coupe
court au récit des perfidies de cette mo-
diste ,*Qur avoir cesj?iuJ8es,-
Le vent dans la cheminée hurlait
comme un damné qui souffre; de temps
en temps, avec une force à faire peur, il
secouait toute la maison sur ses fonde-
ments de pierre :
— On dirait que ça le fâche, parce qua
nous sommes en train de nous amuser,
dit le cousin pilote.
— Non, c'est la mer qui n'est pas con-
tente, répondit Yann, en souriant à
Gaud, parce que je lui avais promis ma-
riage.
Cependant une sorte de langueur
étrange commençait à les prendre tous
deux; ils se parlaient plus bas, la mala
dans la main, isolés au milieu de la
gaieté des autres. Lui, Yann, connais-
sant l'effet du vin sur les sens, ne buvait
pas du tout ce soir-là. Et il rougissait à
présent, ce grand garçon, quand quel-
qu'un de ses camarades Islandais disait
une plaisanterie de matelot sur la nuit
qui allait suivre.
Par instants aussi, il était triste, sa
pensant tout à coup à Sylvestre. D'ail-
leurs, il était convenu qu'on ne devait
pas danser à cause du père de Gaud et à
cause de lui.
PIERRE LOTI.
LÀ. MAMttMLt
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