Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1895-08-19
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 août 1895 19 août 1895
Description : 1895/08/19 (N9292). 1895/08/19 (N9292).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/12/2012
CINQ CENTIMES le N ux:nérqs.,,<"
PARIS ET DÉPARTEMENTS Le Numéro, CINQ CENTIMES t
FONDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
ABONNElVtENTS
Ga Mb Trois mois S!: nais Un u 1
Parisï.2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 2 - 6 — 11 — 20 —
IJnion Postale 3— 9— 16— 32 -
~"-
- FONDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
AU* NONCES
Mlfc Cn LAGRANGE, CERF ci C*
C. Pi ace de la Bourse, 6
et AUX BUREAUX DU JOURNAL
RÉDACTION : 131, rue Montmartre, 131
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir h 1 heure du matin.
N° 9292. — Lundi 19 Août 1895
1 r FRUCT:DOR AN 103
ADMINISTRATION: 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur.
NOS LEADERS
U Fiyi8 RACE
La oivilisation européenne est un
Minotaure terrible. Partout où elle
s'implante, elle sème la mort. Parfai-
tement. Devant le blanc, en effet, l'in-
digène disparaît vite, soit qu'il prenne
ses vices, soit que. devenu hostile —
parce qu'il a été trompé, maltraité ou
exploité — on le massacre au nom du
progrès ! Tels certains métaux mis en
présence d'un acide. Jules Ferry a cru
devoir justifier cette action corrosive
des Caucasiens en disant : » Il y a des
races inférieures ». Outre que le mot
manque de générosité et de vérité, il
est indigne de celui qui l'a prononcé.
Toutefois, il est juste en ce sens qu'il
définit d'une façon exacte la conduite
des Européens à l'égard des autres
races depuis plus de trois siècles.
Il n'y a guère que le nègre qui ait
résisté. Cela tient sans douteàcequ'il est
hon enfant et paresseux, qu'il préfère
reconnaître une suprématie que la
combattre, qu'il aime mieux se laisser
asservir que reconquérir sa liberté par
les armes et que, peut-être, il a des
affinités avec nous. Mais voyez ce
qu'il est advenu des Polynésiens et
des Canaques. Voilà plus de cinq ans
que le dernier Australien, qu'on exhi-
bait à Melbourne comme une curiosité
quasi-antédiluvienne, pourrit sous six
pieds de terre. Quarante années ont
suffi aux Anglo-Saxons pour extermi-
ner un peuple de deux millions d'hom-
mes par le fer, l'alcool et la syphilis
-- je n'exagère rien.
Dans cinquante ans la Nouvelle-
Calédonie et Taïti n'auront plus un
seul Canaque, et pourtant le Français
est doux pour les autochtones. De
même, le Cap est privé de ses Hotten-
tots fusillés par les Boërs. Aux An-
tilles, plus de Caraïbes. Dans l'Amé-
rique du Sud, les Incas, tous les abo-
rigènes, à l'exception des Patagons et
de quelques rares tribus disséminées
dans des forêts impénétrables, ont été
égorgés ou absorbés par les envahis-
seurs. Il en est de même des Aztèques
du Centre-Amérique et du Mexique.
x
Voyez plutôt, si vous voulez être
convaincus, à quel sort sont réduits
les Peaux-Rouges de l'Amérique du
Nord. Leur race agonise. Qui recon-
naîtrait le descendant d'un guerrier
iroquois en ce misérable individu vêtu
de loques, mendiant un cent à Saint-
Louis ou à Pittsburg pour boire un
verre d'alcool? Et ces quelques milliers
de Cherokees, parqués dans des terri-
toires réservés, au-delà du Missouri,
vivant des produits aléatoires de la
chasse, recevant une subvention du
gouvernement de Washington, en quoi
ressemblent-ils à leurs ancêtres qui,
pendant deux cents ans, ont défendu
si vaillamment leur pays ?
Lorsque le premier Européen dé-
barqua dans le Nouveau-Monde, les
Peaux-Rouges étaient plus de trois
millions entre les mers du Nord et le
golfe des Antilles. Combien sont-ils
aujourd'hui? Dix mille aux Etats-
Unis et, avant deux mois, ceux-là au-
ront vécu. Moins de cent mille au Ca-
nada; ces derniers auront probable-
ment une existence plus longue, car
il sont en contact avec des populations
d'origine française.
x
Et cependant, ces Peaux-Rouges
que, d'après Fenimore Cooper, nous
ne connaissons que comme des sau-
vages, des guerriers féroces, avides de
carnage, mettant leur orgueil à arra-
cher la chevelure à un Européen, ont
pli jadis des être doux, courtois,
pleins d'urbanité. Ils avaient foi en la
F.,role donnée. Ils pratiquaient large-
ment l'hospitalité. Ils avaient une civi-
lisation, rudimentaire il est vrai, mais
bien à eux. Quand les blancs arrivè-
rent, ils les accueillirent avec bonté.
Relisez à ce propos les relations de
Colomb, de Vespuce, de Jacques Car-
tinr, de Cavelier de la Salle. Ils of-
fraient leurs bijoux, leurs fruits, leurs
femmes même aux Européens. Au Ca-
îir da, il se forma ainsi toute une nou-
velle race, les métis, que les Anglais
appellent les Bois-Brûlés et qui sont,
à cette heure, de solides patriotes
canadiens. Ce sont ceux qui, avec
Riel, ont essayé d'affranchir leur pays
fle la domination britannique ; ce sont
eux qui, de nouveau, luttent dans le
Manitoba pour la langue et les cou-
tumes françaises contre l'élément
anglo-saxon.
Mais après les Français vinrent les
Anglais. Presqu'aussitôt une lutte
commença entre les deux nations. Elle
dura deux siècles et naturellement, de
part et d'autre, les Peaux-Rouges
furent utilisés. Les Anglais les firent
se battre pour de l'alcool ; les Français
pour des présents aussi funestes. Au
cours de cette longue guerre, les In-
diens, trahis toujours, persécutés et
massacrés durant les trêves par les
deux oarüsa. connurent une haine irré-
conciliable pour l'Européen et devin-
rent féroces. Il eût été naïf d'attendre
autre chose d'eux.
Et lorsqu'enfin le Canada appartint
définitivement à l'Angleterre, que la
République américaine fut constituée,
gràce à l'aide de la France, on songea
à se débarrasser des Indiens.
x
C'est là qu'a triomphé le génie froi-
dement pratique, égoïste et barbare de
la race anglo-saxonne. Aux Etats-
Unis, c'est une véritable guerre d'ex-
termination qui a été faite aux Peaux-
Rouges. Tous les moyens ont été bons :
les guet-apens, l'alcool, le fusil. On a
même été jusqu'à envoyer des filles
affreusement infectées dans les tribus
indiennes. Des aventuriers pénétraient
dans les territoires qu'habitaient les
indigènes, tuaient et s'établissaient
ensuite au milieu de la prairie. On ex-
citait encore les tribus les unes contre
les autres et, une fois qu'elles en étaient
venues aux mains, la milice interve-
nait pour rétablir l'ordre, en réalité
pour massacrer dans tous les camps.
Avec ce système, le nombre des In-
diens fut bientôt réduit à sa plus sim-
ple expression. Alors, on les parqua sur
une certaine étendue de prairie avec dé-
fense d'en sortir et on leur donna quel-
ques dollars par tête chaque année pour
les empêcher de mourir de faim. A di-
verses reprises, ces malheureux survi-
vants d'un peuple héroïque se sont ré-
voltés parce que le gibier et la sub-
vention manquaient en même temps,
et chaque fois on en a tué quelques
milliers de plus. A diverses reprises
aussi il a fallu de nouvelles terres à
de nouveaux colons; on a pris ces
terres aux Indiens qui ont été une fois
de plus décimés.
Maintenant, je le répète, ils ne sont
que dix mille en tout. Mais le pays
qu'ils occupent est réclamé par des
Yankees; c'est pourquoi on a provoqué
leur rébellion et c'est pourquoi la mi-
lice américaine marche contre eux.
Dans quelques semaines nous appren-
drons que les Indiens ont été cernés et
fusillés à bout portant; nous saurons
que leurs territoires vont être distri-
bués aux colons et nous verrons repa-
raître les scènes sauvages d'Oklohama.
Amen.
x
Quels sont les plus civilisés, des
Yankees qui commettent de pareilles
atrocités ou des Indiens qui défendent
leur vie? La réponse est aisée.
Mais les capitalistes, les gens dési-
reux de faire fortune, les solliciteurs
de concessions, les économistes vous
diront que ce que font les Yankees n'est
qu'une opération de police et de sûreté
générale et, qu'après tout, il ne s'agit
que de sauvages réfractaires à nos
idées.
Moi, je suis d'un avis différent. Aus-
si ai-je voulu saluer cette race qui s'en
va et que les coloniaux à outrance
avaient condamné à mort alors qu'elle
ne leur avait fait aucun mal.
CHARLES BOS.
Nous publierons demain an article de
M. J.-L. de Lanessan
TABLEAUX PARISIENS
La fontaine de l'Observatoire est en fête.
Les àaupliins de bronze à la queue recour-
bée, les tortues émergeant du bassin, souf-
flent Veau claire de leurs narines, de leurs
bouches ouvertes. Les chevaux marins, de
Frémiet, se cabrent, retroussent leurs na-
seaux, hennissent de joie à cette pluie ruis-
selante où la soleil du matin met ses cou-
leurs, tandis qu'emportées d'un mouvement
de ronde, les femmes de Carpeaux, harmo-
nieuses et souples, tournent au rythme de
la sphère qu'elles supportent, de la sphère
aérienne, enveloppée a emblèmes et de cer-
cles astronomiques, et qui roule au-dessus
de leurs têtes.
Dans la perspective du jardin, entre leur
double bordure de marronniers déjà trem-
pés de pourpre, les vives pelouses d'émeraude
s'enfoncent, avec leurs statues de marbre et
leurs colonnes de porphyre ; des ramiers s'y
posent, y font chatoyer leur gorge; et, par
delà le palais du Luxembourg teinté de rose,
au-dessus des rumeurs fumeuses de la Ville,
la colline sculptée de Montmartre apparaît,
toute frissonnante, dans les brumes mati-
nales.
Des Allemands — hommes et femmes-
sont assis au bord de la fontaine, sur la
margelle du bassin. Ils sont en costume de
voyage, chaussés de forts souliers, coiffés
de casquettes et de chapeaux mous, harna-
chés de manteaux et de pardessus gris. Un
guidt 'les accompagne, le livret à la main.
Ils se groupent, prennent des poses : un
jeune homme imberbe, les cheveux longs et
pâles, des lunettes sur le neç-, tient sa
blonde Greetchen par la taille. Tous, de
face, regardent le même objet — qui n'est
autre que l'objectif d'un photographe. Une
seconde, voilà le tableau fixé.
Mon Dieu f on ne saurait trouver mau-
vais que des étrangers viennent se faire
photographier dans nos jardins, au pied de
nos monuments publics, mais c'est une fan-
taisie qu'on pourrait aussi laisser à nos
compatriotes, et, pas plus tard que le lundi
de la Pentecôte, j'ai ou un garde empêcher
absolument un amateur parisien de prendre
un instantané çle cette même fontaine, que
nos bons amis (Foutre-Rhin ont emportée
avec feurs binettes, H faut une autorisation
sPéciale, paraît-il, pour se livrer à ce genre
d'opération ; on peut croire que les Alle-
mands l'obtiennent facilement — ou qu'ils
s'en passent.
CHARLES FRÉMINE.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Les courses : A Deauville, grand prix de
Deau ville.
— La chasse : Ouverture de la première zone :
Gijonde, Landes, Basses et Hautes-Pyrénées,
Gers, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne,
Haute-Garonne, Bouches-du-Rhône, Vau-
cluse, Var, Alpes-Maritimes (partie non
boisée) et portion des Basses-Alpes.
Inajguration, à Berlin, du monument na-
tional (guerre 1870-71).
- Fête de naissance (1830) de l'empereur d'Au-
triche.
— Environs de Paris : Fêtes à Chatou, Bou-
logne. Jouy en-Josas, Stains (rosière , Antony,
Bagnolet, Vincennes, etc.
- Fête de la vierge en souvenir du vœu
de Louis XIII qui lui consacra la France.
— Transfiguration russe.
— Durée du jour : 15 h. 25 m.
AU JOUR LE JOUR
Les répétitions commencent, paraît-
il, en vue de la reprise prochaine de
cette comédie qui se joue tous les ans,
tant à la Chambre des députés qu'au
Sénat, et qui s'appelle : la discussion
dn budget. On annonce que M. Cavai-
gnac, rapporteur du ministère de la
guerre, a « conféré longuement » —
quand on confère, en style officiel, c'est
toujours longuement - avec le minis-
tre et les directeurs. Bien entendu, il
s'agit d'obtenir des réductions. Car,
fidèles à des habitudes constantes, ce
ministre et ces directeurs ont présenté
pour l'exercice 1896 un projet de budget
en augmentation considérable sur le
budget de 1895 ; en augmentation de
13 millions 400,000 fr. pour être exact.
Ce ministre et ces directeurs savent
bien ce qu'ils font. Ils- n'ignorent pas
que des réductions leur seront deman-
dées et, pour pouvoir les faire sans
modifier en quoi que ce soit le petit
train-train de choses établi, ils com-
mencent par majorer leurs chiffres. Le
procédé est extrêmement simple. On
demande une somme supérieure aux
besoins réels ou fictifs ; et comme le
public se récrie, réclame des économies,
on consent, par grande générosité, à se
passer de ce qu'on avait sollicité de
trop. Comme cela satisfaction est don-
née à l'opinion et le tour est joué. Va-
t-on me dire que j'accuse sans preuves
et que je prête gratuitement — le mot
fait un singulier effet, n'est-ce pas, en
la circonstance ? — des intentions bien
machiavéliques et bien noires à ces
messieurs?
Je procède simplement par voie d'in-
diKction.
Toujours ministre de la guerre et di-
recteurs commencent par demander
une somme supérieure à celle dont ils
se sont contentés l'année précédente ;
toujours, ils affirment, en réponse aux
premières protestations , que cette
somme leur est indispensable, qu'ils ne
pourraient en retrancher un centime ;
et toujours, en fin de compte, ils con-
sentent à des réductions à très peu de
choses près équivalentes aux majora-
tions primitivement proposées. — Ne
peut-on en conclure que l'administra-
tion de la guerre — comme les autres
— se moque agréablement du public ?
Voyons! cette supposition est-elle in-
vraisemblable?
CHEZ NOUS
——- Le président de la République est
arrivé hier matin à onze heures et demie à
Paris, afin de présider le conseil des minis-
tres qui s'est tenu dans l'après-midi à l'E-
lysée.
Un wagon-salon avait été ajouté au train
régulier du Havre.
M. Félix Faure était accompagné par le
commandant Moreau et le capitaine de
Lamothe.
Sur le quai de la gare Saint-Lazare se
trouvaient pour le recevoir : MM. Ribot,
président du conseil, Gadaud, ministre de
l'agriculture, Poirson, directeur de la sû-
reté générale, représentant M. Georges
Leygues, ministre de l'intérieur, Le Gall,
directeur du cabinet civil du président de
la République, Blondel, chef de son secré-
tariat particulier, Mollard, chef adjoint du
protocole, Laurent, secrétaire général de
la préfecture de police. La compagnie de
l'Ouest était représentée par MM. Delarbre
président du conseil d'administration. Fou-
on, secrétaire général, Chardon, inspec-
teur général de l'exploitation, Clérault,
inspecteur général de la traction, de Fon-
taine, chef de gare.
M. Félix Faure s'est entretenu pendant
quelques instants avec les ministres et
M. Delarbre, puis il a pris place dans son
landau avec MM. Le Gall, le commandant
Moreau et le capitaine de Lamothe.
La foule était, rue d'Amsterdam, assez
compacte ; lorsque le président est sorti
de la gare, elle l a accueilli par les cris de :
Vive Faure 1 Vive la République I
Le président est arrivé à onze heures
quarante-cinq à l'Elysée. Le drapeau na-
tional a été aussitôt hissé au sommet du
palais.
Avant de quitter le Havre, le président
avait fait remettre au maire, M. Brindeau,
500 fr. pour les pauvres de la ville.
- L'escadre du Nord, amiral Alquier,
est arrivée hier au Havre. M. Brindeau,
député, maire du Havre, les adjoints, le
cbef du service de la marine, le colonel du
119* de ligne, le souâ-pf effet, les comman-
dants de VMùervier et du Bouzainville se
sont rendus à bord du vaisseau-amiral le
Suffren pour faire la visite officielle.
L'amiral Alquier se rendra aujourd'hui
chez le président, qui a quitté Paris hier
soit, à six heures et demie, par train spé-
cial, pour regagner le Havre.
Tous les Havrais sont sur le port. Ils
n'avaient jamais vu d'aussi nombreux
bâtiments de guerre.
- En raison de la mort de M. Geffroy
dont les obsèques ont eu lieu hier, à Biè-
vres (Seine-et-Oise), l'Académie des scien-
ces morales et politiques, dont il était
membre titulaire, a levé la séance en signe
de deuil.
L'Académie des sciences morales
propose pour le prix Biaise des Vosges, de
la valeur de mille francs; à décerner en
1897, le sujet de concours suivant: « Ex-
poser les moyens qui pourraient être uti-
lement pris pour mettre les caisses d'épar-
gne à même de faire jouir, soit directe-
tement, soit indirectement, les petits cul-
tivateurs, soit propriétaires, soit fermiers,
soit colons partiaires, des avantages du
crédit par des prêts autres que le prêt hy-
pothécaire et moyennant le taux courant
de l'intérêt. »
Les mémoires devront être déposés au
secrétariat de l'Institut le 31 décembre
1896, terme de rigueur.
A la suite d'une altercation surve-
nue le 10 août, M. de Semitchof, capitaine
de la garde russe à cheval, a envoyé ses
témoins, MM. Léon Cadet et S. Ivanovitch
au prince Ali Fazil, cousin du khédive
d'Egypte, officier de l'armée égyptienne
en disponibilité, actuellement en congé à
Paris:
Ce dernier a constitué ses témoins le 14
août ; mais ceux-ci n'ayant pu se mettre
d'accord, se sont retirés. Le prince Ali
Fazil les a remplacés le même jour par
MM. A. Thomeguex et Aristide-N. Giro.
Un duel au pistolet, à trente pas, au com-
mandement, a été décidé. lia eu lieu avant-
hier matin.
Le prince Fazil a été atteint d'une balle
à la cuisse droite, créant une plaie contuse
sans gravité.
- M. Cambon, gouverneur général
de l'Algérie, est parti hier de Paris pour
aller rejoindre son poste, après une absence
de six mois.
M. Georges Berry, député de Pa-
ris, a donné sa démission de président et
de membre du comité de la Société de co-
lonisation.
Cette société, fondée récemment, avait
pour but de créer en Tunisie une école de
colonisation-En d'autres termes, on don-
nait pour un temps -déterminé du terrain à
des émigrants, on leur apprenait la cul-
ture, puis on les mettait à la disposition du
gouvernement qui pouvait les utiliser dans
nos colonies.
Mais il paraît que la société avait surtout
en vue de « faire des affaires »; c'est pour-
quoi M. Berry a donné sa démission, et
son exemple sera probablement suivi par
ses collègues.
Un Malgache, Robert Randriamiha-
mina, est mort, hier, à Bordeaux. Converti
au christianisme par des membres de la
Compagnie de Jésus, il était entré dans
cette société et envoyé à Bordeaux par
l'évêque de Madagascar pour y compléter
son éducation. Il était âgé de vingt-deux
ans
'—^ On a appris à Bordeaux, avec une
très vive satisfaction la nouvelle de l'arri-
vée prochaine du lord-maire de Londres,
qui serait l'hôte de la ville du 5 au 10 sep-
tembre.
A cette occasion, le comité de l'Exposi-
tion et la municipalité se proposent d'or-
ganiser une série de fêtes magnifiques.
Les Bordelais sont toujours gais.
- Un groupe de vingt et un Algé-
riens, appartenant à l'Ecole normale d'ins-
tituteurs d'Alger, sous la conduite de M.
Estienne, directeur de l'école d'Alger,
vient de passer quarante-huit heures à
Dijon.
Ces jeunes touristes, qui ont déjà vu
Lyon et Avignon, sont partis pour Paris,
où ils resteront huit jours ; ils se rendront
ensuite à Châlons-sur-Marne, Saint-Dizier,
Nancy, Belfort et Marseille où ils s'embar-
queront le 3 septembre.
-- Sait-on qu'il existe à Morlans, dans
les Basses-Pyrénées, un marché de cheve-
lures, dont la réputation est très grande
dans la région.
Le marché a lieu chaque vendredi. Par
centaines, les trafiquants se trouvent réu-
nis ce jour-là dans l'unique rue du village.
Ils vont et viennent armés d'une grande
paire de ciseaux retenue à la ceinture par
une courroie de cuir. Les jeunes filles qui
veulent se défaire de leurs cheveux se tien-
nent sur le seuil des maisons, par couples,
généralement.
Les transactions se font à l'amiable. Les
tresses sont dénouées, l'examen a lieu, le
marchand offre un prix qui varie entre 3 et
20 fr. Une fois le marché convenu l'ache-
teur place le prix de son acquisition dans
les mains de la vendeuse, les ciseaux font
leur œuvre et la chose se répète de porte
en porte.
A L'ÉTRANGER
Ltexpress-Orient ayant un retard
de quatre heures, par suite d'avaries sur-
venues à la locomodve, le départ du roi
et de la reine Nathalie pour Biarritz n'a
eu lieu qu'à minuit.
—~ Dédié au buste de Murger.
Le plus riche étudiant du monde entier
est assurément M. Walter S. Hobart qui
suit en ce moment les cours de l'univer-
sité de Harvard, aux Etat-Unis. Cet heu-
reux jeune homme touche de sa famille
une pension mensuelle de 950,000 fr.
Qu'en diraient Colline et Schaunardl
- La commission parlementaire an-
glaise, nommée pour étudier Lt question
du système métrique, s'est décidée en fa-
veur de ce système. Les commissaires ne
diffèrent que sur les moyens de le rendre
obligatoire.
- Le congrès des publicistes suédois
a adopté une résolution chargeant l'Union
des publicistes de Stockolhm de s'efforcer
d'obtenir que le quatrième congrès inter-
national de la Presse, en 1897, ait lieu à
Stockolhm en même temps que l'exposi-
tion de l'industrie..
- - La population de Strasbourg :
D'après les renseignements fournis par
le bureau municipal de statistique, le nom-
bre des naissances s'est élevé, pendant le
premier semestre de l'année [895; à 1,946
et celui des décès à 1,613, dont 413 enfants
âgés de moins de 1 an; le chiffres des
morts-nés a été de 55. Le nombre des nais-
sances a donc été de 324,3 par mois et celui
des décès de 268,8. Sur les 1,946 naissances
on a compté 991 enfants du sexe masculin
et 955 du sexe féminin; les enfants illégi-
times ont été au nombre de 439, dont 292
sont nés à l'hôpital de la ville. Parmi les
naissances se trouvent 36 jumeaux. 40*5 en-
fants (soit 20,8 pour 100 du total des nais-
sances) ont vu le jour dans des établisse-
ments publics.
— Un Yankee, grand admirateur des
œuvres poétiques de Carmen Sylva, à ses
moments perdus reine de Roumanie, a
l'intention de lui faire hommage d'un
piano.
Mais quel piano 1
Le bois en sera couvert de richissimes
inscrustations, ses pieds seront d'ivoire,
comme ceux des belles sultanes, dans les
romances qui se piquent d'orientalisme.
Bref, ce sera tellement beau que cela
coûtera 375,000 fr. ,
- Confier ainsi à la presse du monde en-
tier le prix du cadeau princier qu'on des-,
tine à une reine, voilà, n'est-ce pas ? qui
est encore plus américain que le cadeau
lui-même.
-— La Jeanne d'Arc du Pérou :
La récente révolution péruvienne a eu
son héroïne, Martha la cantinière , au-
jourd'hui une des physionomieq les plus
populaires du Pérou.
p Cette femme, d'environ trente-cinq ans,
de sang indien, hypothéqua une petite
maison qu'elle avait au Callao et, avec le
produit elle acheta des fusils et des revol-
vers et s'en fut rejoindre le régiment du
colonel Oré.
A cheval et revêtue d'un brillant uni-
forme, plutôt amazone que cantinière, on
la voyait tantôt au premier rang dans l'ac-
tion, tantôt auprès des blessés.
A la prise de Chorrillos et à l'attaque de
Lima, le 17 mars, Martha entraîna par son
exemple les soldats d'Oré et, dans le com-
bat acharné qui eut lieu dans les rues
de Lima, elle fut blessée au pied droit.
Les femmes péruviennes ne démentent
pas, comme on voit, le rôle qu'elles ont
toujours joué dans les révolutions inces-
santes de leur pays, où l'on vit jadis la se-
nora Gamarra, à cheval, électriser les
soldats du général Gamarra et lui valoir la
présidence.
- Certain docteur, pas très heureux
dans ses cures, s'est dernièrement adonné
à la magie.
— Conçoit-on cela? disait hier quel-
qu'un. Il passe maintenant sa vie à évo-
quer les morts 1
— Il se fait rendre ses visites 1 insinua
un ami intime, avec bonhomie.
Le Passant.
LE CADEAU DE MNm A VELANE
L'amiral Avelane vient d'envoyer au gé-
néral Saussier, pour le Cercle militaire, une
superbe Bratina, à titre de souvenir de
« l'inaltérable amitié du commandant en
chef et des officiers de l'escadre russe de la
Méditerranée, pour leurs camarades de l'ar-
mée et de la marine française qui les ont si
cordialement reçus en 1893 ».
Bratina, c'est le terme qui désigne la
coupe et le plat sur lequel le Russe offre le
pain et le sel à son hôte.
La lettre d'envoi a été remise au gouver-
neur de Paris par le lieut nant de vaisseau
Martinow, attaché naval à l'ambassade russe,
qui élait aide de camp de l'amiral Avelane,
lors de la visite de l'Ascadre russe.
Quant à la Bratina, elle est exposée au
Cercle national.
Le général Saussier a écrit à l'amiral russe
pour le remercier, au nom des membres du
cercle, de son gracieux envoi.
LES PELERIftSJE LOURDES
Dans notre dernier « Carnet quotidien n,
nous annoncions le départ des pèlerins qui
vont miraculer à Lourdes. Il fallait voir,
hier après-midi, la gare d'Orléans. Toutes
les infirmités dont notre pauvre humanisé
est affligée étaient représentées dans la salle
d'atten.e, triste cour des Miracles. Paralyti-
ques, boiteux, ataxiques, bancals, borgnes,
aveugles, bossus, se pressaient, les uns col-
lés dans de petites voitures, les autres ap-
puyés sur des béquilles. Tous ces pauvres
diables allaient prendre le train de Lourdes.
Les employés de la Compagnie étaient ab-
solument débordés et on avait dû leur ad-
joindre de nombreux auxiliaires qui, embau-
chés pour la circonstance, étaient chargés de
hisser dans les wagons ces voyageurs ex-
traordinaires. Parmi la foule des curieux, on
remarquait des prêtres assaillis de toutes
parts par les malades qui, avant de s'embar-
quer, sollicitaient une bénédiction inutile. M.
Zola était absent.
Neuf trains avaient été spécialement af-
fectés pour le transport des pèlerins. Le pre-
mier se distinguait des autres par un gui-
don jaune audacieusement arboré. a C'est le
train des maris trompés », demandons-nous
à un employé. « Au contraire, nous répond-il;
c'est celui des paralytiques. » Pourquoi « au
contraire »? Dans ce train, deux wagons si-
lencieux étaient réservés aux sourda-
muets.
Le second train, avec guidon gris, renfer-
mait les screfuleux; là troisièDUt, Kuidop
blanc, Contenait 780 malades, classés som
la rubrique a divers ».
Nous avons vu encore le guidon bleu, le
guidon violet, le guidon blanc-jaune, le gui-
don vert, le guidon blanc-bleu, enfin le gui-
don bleu-ciel. -
Quinze mille (15,000) pèlerins de Paris et
de la banlieue ont été transportés; voilà qui
donne une crâne idée de l'intelligence de
l'homme et de la femme 1
; CHRONIQUE
Par PAUL GINISTY
Tout le monde a dit son mot sur la
projet de la « Voie triomphale », sou-
tenu avec une éloquente chaleur par M.
Humbert. Les uns ont approuvé sans
réserve la proposition du député de
Paris; les autres se sont montrés un
peu sceptiques sur l'effet décoratif de
cette longue rangée de statues; d'au-
tres, voyant les choses au point de vue
pratique, se sont effrayés de la dé-
pense, cependant que les sculpteurs,
eux, trouvaient naturellement l'idée
superbe. Et M. Emile Zola, interview
(car on l'interviewe sur tout), a déclaré
en fin de compte que c'était là un admK
rable sujet de conversation d été.
Je ne crois pas, au milieu de ces dis-
eussions, qu'on ait évoqué le souvenir
d'un pauvre diable d'inventeur, et même
très fou, mais dont la folie était hantée
de rêves grandioses, qui, dans un sin-
gulier Mémoire, avait émis un projet à
peu près analogue dans sa disposition,
bien qu'il ne désignât point l'avenue
des Champs-Elysées, mais singulière-
ment différent dans ses indications de
réalisation.
Il s'appelait BoiteHe. Au mois de mai -
1892, on trouva son corps dans la Seine,
et sa fin demeura assez mystérieuse.
Moralement, au moins, elle se trouvait
assez expliquée par un suicide. Il n'était
pas, certes, le premier inventeur, rendu
un peu toqué par une idée fixe qui se re-
tirât volontairement d'un monde ingrat.
Boitelle, lui aussi, Voulait qu'on ren-
dit un solennel hommage aux grands
morts, et il rêvait du voir leurs statues
s'aligner en plein Paris, à perte de vue.
Mais il n'entendait point donner de
l'ouvrage aux sculpteur C'était Je
mort lui-même qui devait,- perSonnelle-
ment, fournir sa statue. Comment ceiàî
Bien simplement, répondait-il sans
s'apercevoir de l'utopie à iaquellè ra..
vaient mené des études d'abord sé*
rieuses. Il avait, à ce qu'il a ltIVmàrt,
trouvé un procédé infaillible pour pé-
tritier les corps. Qu'on hii confiât, un
défunt'il lustre qui venait de rendre 1e
dernier soupir et, en quelques jours, il
vous le transformait habillé, drapé ou
tout mi, selon les goûts, ea une statue
prête" à être posée sur nn des socles
installés d'avance dans ce qu'il appelait
« la Cité des gloires nationales ». Et il
développait lyriquement sa concep-
tion. Il supprimait la tristesse des, fu-
nérailles, l'horreur matérielle de l'acte
de l'inhumation, les adieux déchirants
ae la famille. La funèbre cérémonie
se changeait en une apothéose. Le
mort lui-même, durcifié, dressé avec
les ménagements voulus pour ne pas
l'écorner, recevait les louanges des
discoureurs officiels, qui, devant Son
image, n'oseraient peut-être pas exa-
gérer ou mentir, comme on le fait
volontiers. Et Boitelle ne manquait
pas de faire valoir cet argument philo-
sophique. « Quelle économie aussi, par
la suppression de l'acquisition du mar-
bre ou du bronze, avec l'avantage dé la
ressemblancegarantie. »> Ce point-là était
peut-être un inconvénient : il y a des
grands hommes, tout grands qu'ils
soient par la pensée ou par leurs ac-
tions, à qui ne saurait nuire, quand il
s'agit de reproduire leurs traits, pour la
postérité, un petit brin d'idéalisation.
Boitelle, l'ingénieux Boitelle (sa mi-
sérable fin empêche de trop, sourire de
ses rêves chimériques 1) avait tout pré-
vu, et on retrouva dans ses papiers un
plan de classement, puis sa « Cité des
gloires nationales », où, sans façon,
il assignait d'avarice leur place à des
contemporains qui sont vivants encore.
La pétrification lui semblait le dernier
mot de l'hommage public. Jules Janin
disait naguère qu'il fallait conduire sa
vie de façon à avoir un bel enterrement.
Boitelle modifiait la formule : il voulait
qu'on vécût pour avoir l'honneur d'être
pétrifié.
Il proposa son projet partout, ne fut
point écouté, ce qui s'explique peut-être,
et ne pouvant renonceràsa marotte,car
le démon qui hante les inventeurs est
un terrible petit démon, s'alla jeter à
l'eau. Pauvre bon homme 1
Mais est-on jamais le promoteur
d'une idée, si aventureuse qu'elle soitï
Voici presque un siècle, un certain
Gautier, de son état fondeur de déchets
métalliques, s'avisa de reprendre les
théories de l'Anglais Joseph Becker qui
avait découvert que la combustion de
notre dépouille- mortelle pouvait pro-
duire du verre, lequel, disait-il galam-
ment, avait « l'aspect laiteux et cha-
toyant du jeune Narcisse ».
Le bon Gautier, épris de cette vitrill..
cation humaine, avait, lui aussi, songé
à quelque chose comme une « voie
triomphale », car c'est, à ce qu'on voit,
une idée qui est depuis longtemps dans
l'air; seulement, avant d'être exposée
bellement, raisonnablement et claire-
ment par un homme politique qui est
en même temps un fervent des choses
d'art, elle avait, par je ne sais quelle
fatalité, provoqué bien des conceptions
extravagantes.
A cette époque, on écrivait volontiers
dans un style solennel et sentimentaL
Lisez, je vous prie, comme un docu-
rnefi. **V9U!WX. sur la pm;^Cl0Sî§ do
l'éooaua. ce oassage de la pétttioû au*
PARIS ET DÉPARTEMENTS Le Numéro, CINQ CENTIMES t
FONDATEUR : AUGUSTE VACQUERIE
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et AUX BUREAUX DU JOURNAL
RÉDACTION : 131, rue Montmartre, 131
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir h 1 heure du matin.
N° 9292. — Lundi 19 Août 1895
1 r FRUCT:DOR AN 103
ADMINISTRATION: 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur.
NOS LEADERS
U Fiyi8 RACE
La oivilisation européenne est un
Minotaure terrible. Partout où elle
s'implante, elle sème la mort. Parfai-
tement. Devant le blanc, en effet, l'in-
digène disparaît vite, soit qu'il prenne
ses vices, soit que. devenu hostile —
parce qu'il a été trompé, maltraité ou
exploité — on le massacre au nom du
progrès ! Tels certains métaux mis en
présence d'un acide. Jules Ferry a cru
devoir justifier cette action corrosive
des Caucasiens en disant : » Il y a des
races inférieures ». Outre que le mot
manque de générosité et de vérité, il
est indigne de celui qui l'a prononcé.
Toutefois, il est juste en ce sens qu'il
définit d'une façon exacte la conduite
des Européens à l'égard des autres
races depuis plus de trois siècles.
Il n'y a guère que le nègre qui ait
résisté. Cela tient sans douteàcequ'il est
hon enfant et paresseux, qu'il préfère
reconnaître une suprématie que la
combattre, qu'il aime mieux se laisser
asservir que reconquérir sa liberté par
les armes et que, peut-être, il a des
affinités avec nous. Mais voyez ce
qu'il est advenu des Polynésiens et
des Canaques. Voilà plus de cinq ans
que le dernier Australien, qu'on exhi-
bait à Melbourne comme une curiosité
quasi-antédiluvienne, pourrit sous six
pieds de terre. Quarante années ont
suffi aux Anglo-Saxons pour extermi-
ner un peuple de deux millions d'hom-
mes par le fer, l'alcool et la syphilis
-- je n'exagère rien.
Dans cinquante ans la Nouvelle-
Calédonie et Taïti n'auront plus un
seul Canaque, et pourtant le Français
est doux pour les autochtones. De
même, le Cap est privé de ses Hotten-
tots fusillés par les Boërs. Aux An-
tilles, plus de Caraïbes. Dans l'Amé-
rique du Sud, les Incas, tous les abo-
rigènes, à l'exception des Patagons et
de quelques rares tribus disséminées
dans des forêts impénétrables, ont été
égorgés ou absorbés par les envahis-
seurs. Il en est de même des Aztèques
du Centre-Amérique et du Mexique.
x
Voyez plutôt, si vous voulez être
convaincus, à quel sort sont réduits
les Peaux-Rouges de l'Amérique du
Nord. Leur race agonise. Qui recon-
naîtrait le descendant d'un guerrier
iroquois en ce misérable individu vêtu
de loques, mendiant un cent à Saint-
Louis ou à Pittsburg pour boire un
verre d'alcool? Et ces quelques milliers
de Cherokees, parqués dans des terri-
toires réservés, au-delà du Missouri,
vivant des produits aléatoires de la
chasse, recevant une subvention du
gouvernement de Washington, en quoi
ressemblent-ils à leurs ancêtres qui,
pendant deux cents ans, ont défendu
si vaillamment leur pays ?
Lorsque le premier Européen dé-
barqua dans le Nouveau-Monde, les
Peaux-Rouges étaient plus de trois
millions entre les mers du Nord et le
golfe des Antilles. Combien sont-ils
aujourd'hui? Dix mille aux Etats-
Unis et, avant deux mois, ceux-là au-
ront vécu. Moins de cent mille au Ca-
nada; ces derniers auront probable-
ment une existence plus longue, car
il sont en contact avec des populations
d'origine française.
x
Et cependant, ces Peaux-Rouges
que, d'après Fenimore Cooper, nous
ne connaissons que comme des sau-
vages, des guerriers féroces, avides de
carnage, mettant leur orgueil à arra-
cher la chevelure à un Européen, ont
pli jadis des être doux, courtois,
pleins d'urbanité. Ils avaient foi en la
F.,role donnée. Ils pratiquaient large-
ment l'hospitalité. Ils avaient une civi-
lisation, rudimentaire il est vrai, mais
bien à eux. Quand les blancs arrivè-
rent, ils les accueillirent avec bonté.
Relisez à ce propos les relations de
Colomb, de Vespuce, de Jacques Car-
tinr, de Cavelier de la Salle. Ils of-
fraient leurs bijoux, leurs fruits, leurs
femmes même aux Européens. Au Ca-
îir da, il se forma ainsi toute une nou-
velle race, les métis, que les Anglais
appellent les Bois-Brûlés et qui sont,
à cette heure, de solides patriotes
canadiens. Ce sont ceux qui, avec
Riel, ont essayé d'affranchir leur pays
fle la domination britannique ; ce sont
eux qui, de nouveau, luttent dans le
Manitoba pour la langue et les cou-
tumes françaises contre l'élément
anglo-saxon.
Mais après les Français vinrent les
Anglais. Presqu'aussitôt une lutte
commença entre les deux nations. Elle
dura deux siècles et naturellement, de
part et d'autre, les Peaux-Rouges
furent utilisés. Les Anglais les firent
se battre pour de l'alcool ; les Français
pour des présents aussi funestes. Au
cours de cette longue guerre, les In-
diens, trahis toujours, persécutés et
massacrés durant les trêves par les
deux oarüsa. connurent une haine irré-
conciliable pour l'Européen et devin-
rent féroces. Il eût été naïf d'attendre
autre chose d'eux.
Et lorsqu'enfin le Canada appartint
définitivement à l'Angleterre, que la
République américaine fut constituée,
gràce à l'aide de la France, on songea
à se débarrasser des Indiens.
x
C'est là qu'a triomphé le génie froi-
dement pratique, égoïste et barbare de
la race anglo-saxonne. Aux Etats-
Unis, c'est une véritable guerre d'ex-
termination qui a été faite aux Peaux-
Rouges. Tous les moyens ont été bons :
les guet-apens, l'alcool, le fusil. On a
même été jusqu'à envoyer des filles
affreusement infectées dans les tribus
indiennes. Des aventuriers pénétraient
dans les territoires qu'habitaient les
indigènes, tuaient et s'établissaient
ensuite au milieu de la prairie. On ex-
citait encore les tribus les unes contre
les autres et, une fois qu'elles en étaient
venues aux mains, la milice interve-
nait pour rétablir l'ordre, en réalité
pour massacrer dans tous les camps.
Avec ce système, le nombre des In-
diens fut bientôt réduit à sa plus sim-
ple expression. Alors, on les parqua sur
une certaine étendue de prairie avec dé-
fense d'en sortir et on leur donna quel-
ques dollars par tête chaque année pour
les empêcher de mourir de faim. A di-
verses reprises, ces malheureux survi-
vants d'un peuple héroïque se sont ré-
voltés parce que le gibier et la sub-
vention manquaient en même temps,
et chaque fois on en a tué quelques
milliers de plus. A diverses reprises
aussi il a fallu de nouvelles terres à
de nouveaux colons; on a pris ces
terres aux Indiens qui ont été une fois
de plus décimés.
Maintenant, je le répète, ils ne sont
que dix mille en tout. Mais le pays
qu'ils occupent est réclamé par des
Yankees; c'est pourquoi on a provoqué
leur rébellion et c'est pourquoi la mi-
lice américaine marche contre eux.
Dans quelques semaines nous appren-
drons que les Indiens ont été cernés et
fusillés à bout portant; nous saurons
que leurs territoires vont être distri-
bués aux colons et nous verrons repa-
raître les scènes sauvages d'Oklohama.
Amen.
x
Quels sont les plus civilisés, des
Yankees qui commettent de pareilles
atrocités ou des Indiens qui défendent
leur vie? La réponse est aisée.
Mais les capitalistes, les gens dési-
reux de faire fortune, les solliciteurs
de concessions, les économistes vous
diront que ce que font les Yankees n'est
qu'une opération de police et de sûreté
générale et, qu'après tout, il ne s'agit
que de sauvages réfractaires à nos
idées.
Moi, je suis d'un avis différent. Aus-
si ai-je voulu saluer cette race qui s'en
va et que les coloniaux à outrance
avaient condamné à mort alors qu'elle
ne leur avait fait aucun mal.
CHARLES BOS.
Nous publierons demain an article de
M. J.-L. de Lanessan
TABLEAUX PARISIENS
La fontaine de l'Observatoire est en fête.
Les àaupliins de bronze à la queue recour-
bée, les tortues émergeant du bassin, souf-
flent Veau claire de leurs narines, de leurs
bouches ouvertes. Les chevaux marins, de
Frémiet, se cabrent, retroussent leurs na-
seaux, hennissent de joie à cette pluie ruis-
selante où la soleil du matin met ses cou-
leurs, tandis qu'emportées d'un mouvement
de ronde, les femmes de Carpeaux, harmo-
nieuses et souples, tournent au rythme de
la sphère qu'elles supportent, de la sphère
aérienne, enveloppée a emblèmes et de cer-
cles astronomiques, et qui roule au-dessus
de leurs têtes.
Dans la perspective du jardin, entre leur
double bordure de marronniers déjà trem-
pés de pourpre, les vives pelouses d'émeraude
s'enfoncent, avec leurs statues de marbre et
leurs colonnes de porphyre ; des ramiers s'y
posent, y font chatoyer leur gorge; et, par
delà le palais du Luxembourg teinté de rose,
au-dessus des rumeurs fumeuses de la Ville,
la colline sculptée de Montmartre apparaît,
toute frissonnante, dans les brumes mati-
nales.
Des Allemands — hommes et femmes-
sont assis au bord de la fontaine, sur la
margelle du bassin. Ils sont en costume de
voyage, chaussés de forts souliers, coiffés
de casquettes et de chapeaux mous, harna-
chés de manteaux et de pardessus gris. Un
guidt 'les accompagne, le livret à la main.
Ils se groupent, prennent des poses : un
jeune homme imberbe, les cheveux longs et
pâles, des lunettes sur le neç-, tient sa
blonde Greetchen par la taille. Tous, de
face, regardent le même objet — qui n'est
autre que l'objectif d'un photographe. Une
seconde, voilà le tableau fixé.
Mon Dieu f on ne saurait trouver mau-
vais que des étrangers viennent se faire
photographier dans nos jardins, au pied de
nos monuments publics, mais c'est une fan-
taisie qu'on pourrait aussi laisser à nos
compatriotes, et, pas plus tard que le lundi
de la Pentecôte, j'ai ou un garde empêcher
absolument un amateur parisien de prendre
un instantané çle cette même fontaine, que
nos bons amis (Foutre-Rhin ont emportée
avec feurs binettes, H faut une autorisation
sPéciale, paraît-il, pour se livrer à ce genre
d'opération ; on peut croire que les Alle-
mands l'obtiennent facilement — ou qu'ils
s'en passent.
CHARLES FRÉMINE.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Les courses : A Deauville, grand prix de
Deau ville.
— La chasse : Ouverture de la première zone :
Gijonde, Landes, Basses et Hautes-Pyrénées,
Gers, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne,
Haute-Garonne, Bouches-du-Rhône, Vau-
cluse, Var, Alpes-Maritimes (partie non
boisée) et portion des Basses-Alpes.
Inajguration, à Berlin, du monument na-
tional (guerre 1870-71).
- Fête de naissance (1830) de l'empereur d'Au-
triche.
— Environs de Paris : Fêtes à Chatou, Bou-
logne. Jouy en-Josas, Stains (rosière , Antony,
Bagnolet, Vincennes, etc.
- Fête de la vierge en souvenir du vœu
de Louis XIII qui lui consacra la France.
— Transfiguration russe.
— Durée du jour : 15 h. 25 m.
AU JOUR LE JOUR
Les répétitions commencent, paraît-
il, en vue de la reprise prochaine de
cette comédie qui se joue tous les ans,
tant à la Chambre des députés qu'au
Sénat, et qui s'appelle : la discussion
dn budget. On annonce que M. Cavai-
gnac, rapporteur du ministère de la
guerre, a « conféré longuement » —
quand on confère, en style officiel, c'est
toujours longuement - avec le minis-
tre et les directeurs. Bien entendu, il
s'agit d'obtenir des réductions. Car,
fidèles à des habitudes constantes, ce
ministre et ces directeurs ont présenté
pour l'exercice 1896 un projet de budget
en augmentation considérable sur le
budget de 1895 ; en augmentation de
13 millions 400,000 fr. pour être exact.
Ce ministre et ces directeurs savent
bien ce qu'ils font. Ils- n'ignorent pas
que des réductions leur seront deman-
dées et, pour pouvoir les faire sans
modifier en quoi que ce soit le petit
train-train de choses établi, ils com-
mencent par majorer leurs chiffres. Le
procédé est extrêmement simple. On
demande une somme supérieure aux
besoins réels ou fictifs ; et comme le
public se récrie, réclame des économies,
on consent, par grande générosité, à se
passer de ce qu'on avait sollicité de
trop. Comme cela satisfaction est don-
née à l'opinion et le tour est joué. Va-
t-on me dire que j'accuse sans preuves
et que je prête gratuitement — le mot
fait un singulier effet, n'est-ce pas, en
la circonstance ? — des intentions bien
machiavéliques et bien noires à ces
messieurs?
Je procède simplement par voie d'in-
diKction.
Toujours ministre de la guerre et di-
recteurs commencent par demander
une somme supérieure à celle dont ils
se sont contentés l'année précédente ;
toujours, ils affirment, en réponse aux
premières protestations , que cette
somme leur est indispensable, qu'ils ne
pourraient en retrancher un centime ;
et toujours, en fin de compte, ils con-
sentent à des réductions à très peu de
choses près équivalentes aux majora-
tions primitivement proposées. — Ne
peut-on en conclure que l'administra-
tion de la guerre — comme les autres
— se moque agréablement du public ?
Voyons! cette supposition est-elle in-
vraisemblable?
CHEZ NOUS
——- Le président de la République est
arrivé hier matin à onze heures et demie à
Paris, afin de présider le conseil des minis-
tres qui s'est tenu dans l'après-midi à l'E-
lysée.
Un wagon-salon avait été ajouté au train
régulier du Havre.
M. Félix Faure était accompagné par le
commandant Moreau et le capitaine de
Lamothe.
Sur le quai de la gare Saint-Lazare se
trouvaient pour le recevoir : MM. Ribot,
président du conseil, Gadaud, ministre de
l'agriculture, Poirson, directeur de la sû-
reté générale, représentant M. Georges
Leygues, ministre de l'intérieur, Le Gall,
directeur du cabinet civil du président de
la République, Blondel, chef de son secré-
tariat particulier, Mollard, chef adjoint du
protocole, Laurent, secrétaire général de
la préfecture de police. La compagnie de
l'Ouest était représentée par MM. Delarbre
président du conseil d'administration. Fou-
on, secrétaire général, Chardon, inspec-
teur général de l'exploitation, Clérault,
inspecteur général de la traction, de Fon-
taine, chef de gare.
M. Félix Faure s'est entretenu pendant
quelques instants avec les ministres et
M. Delarbre, puis il a pris place dans son
landau avec MM. Le Gall, le commandant
Moreau et le capitaine de Lamothe.
La foule était, rue d'Amsterdam, assez
compacte ; lorsque le président est sorti
de la gare, elle l a accueilli par les cris de :
Vive Faure 1 Vive la République I
Le président est arrivé à onze heures
quarante-cinq à l'Elysée. Le drapeau na-
tional a été aussitôt hissé au sommet du
palais.
Avant de quitter le Havre, le président
avait fait remettre au maire, M. Brindeau,
500 fr. pour les pauvres de la ville.
- L'escadre du Nord, amiral Alquier,
est arrivée hier au Havre. M. Brindeau,
député, maire du Havre, les adjoints, le
cbef du service de la marine, le colonel du
119* de ligne, le souâ-pf effet, les comman-
dants de VMùervier et du Bouzainville se
sont rendus à bord du vaisseau-amiral le
Suffren pour faire la visite officielle.
L'amiral Alquier se rendra aujourd'hui
chez le président, qui a quitté Paris hier
soit, à six heures et demie, par train spé-
cial, pour regagner le Havre.
Tous les Havrais sont sur le port. Ils
n'avaient jamais vu d'aussi nombreux
bâtiments de guerre.
- En raison de la mort de M. Geffroy
dont les obsèques ont eu lieu hier, à Biè-
vres (Seine-et-Oise), l'Académie des scien-
ces morales et politiques, dont il était
membre titulaire, a levé la séance en signe
de deuil.
L'Académie des sciences morales
propose pour le prix Biaise des Vosges, de
la valeur de mille francs; à décerner en
1897, le sujet de concours suivant: « Ex-
poser les moyens qui pourraient être uti-
lement pris pour mettre les caisses d'épar-
gne à même de faire jouir, soit directe-
tement, soit indirectement, les petits cul-
tivateurs, soit propriétaires, soit fermiers,
soit colons partiaires, des avantages du
crédit par des prêts autres que le prêt hy-
pothécaire et moyennant le taux courant
de l'intérêt. »
Les mémoires devront être déposés au
secrétariat de l'Institut le 31 décembre
1896, terme de rigueur.
A la suite d'une altercation surve-
nue le 10 août, M. de Semitchof, capitaine
de la garde russe à cheval, a envoyé ses
témoins, MM. Léon Cadet et S. Ivanovitch
au prince Ali Fazil, cousin du khédive
d'Egypte, officier de l'armée égyptienne
en disponibilité, actuellement en congé à
Paris:
Ce dernier a constitué ses témoins le 14
août ; mais ceux-ci n'ayant pu se mettre
d'accord, se sont retirés. Le prince Ali
Fazil les a remplacés le même jour par
MM. A. Thomeguex et Aristide-N. Giro.
Un duel au pistolet, à trente pas, au com-
mandement, a été décidé. lia eu lieu avant-
hier matin.
Le prince Fazil a été atteint d'une balle
à la cuisse droite, créant une plaie contuse
sans gravité.
- M. Cambon, gouverneur général
de l'Algérie, est parti hier de Paris pour
aller rejoindre son poste, après une absence
de six mois.
M. Georges Berry, député de Pa-
ris, a donné sa démission de président et
de membre du comité de la Société de co-
lonisation.
Cette société, fondée récemment, avait
pour but de créer en Tunisie une école de
colonisation-En d'autres termes, on don-
nait pour un temps -déterminé du terrain à
des émigrants, on leur apprenait la cul-
ture, puis on les mettait à la disposition du
gouvernement qui pouvait les utiliser dans
nos colonies.
Mais il paraît que la société avait surtout
en vue de « faire des affaires »; c'est pour-
quoi M. Berry a donné sa démission, et
son exemple sera probablement suivi par
ses collègues.
Un Malgache, Robert Randriamiha-
mina, est mort, hier, à Bordeaux. Converti
au christianisme par des membres de la
Compagnie de Jésus, il était entré dans
cette société et envoyé à Bordeaux par
l'évêque de Madagascar pour y compléter
son éducation. Il était âgé de vingt-deux
ans
'—^ On a appris à Bordeaux, avec une
très vive satisfaction la nouvelle de l'arri-
vée prochaine du lord-maire de Londres,
qui serait l'hôte de la ville du 5 au 10 sep-
tembre.
A cette occasion, le comité de l'Exposi-
tion et la municipalité se proposent d'or-
ganiser une série de fêtes magnifiques.
Les Bordelais sont toujours gais.
- Un groupe de vingt et un Algé-
riens, appartenant à l'Ecole normale d'ins-
tituteurs d'Alger, sous la conduite de M.
Estienne, directeur de l'école d'Alger,
vient de passer quarante-huit heures à
Dijon.
Ces jeunes touristes, qui ont déjà vu
Lyon et Avignon, sont partis pour Paris,
où ils resteront huit jours ; ils se rendront
ensuite à Châlons-sur-Marne, Saint-Dizier,
Nancy, Belfort et Marseille où ils s'embar-
queront le 3 septembre.
-- Sait-on qu'il existe à Morlans, dans
les Basses-Pyrénées, un marché de cheve-
lures, dont la réputation est très grande
dans la région.
Le marché a lieu chaque vendredi. Par
centaines, les trafiquants se trouvent réu-
nis ce jour-là dans l'unique rue du village.
Ils vont et viennent armés d'une grande
paire de ciseaux retenue à la ceinture par
une courroie de cuir. Les jeunes filles qui
veulent se défaire de leurs cheveux se tien-
nent sur le seuil des maisons, par couples,
généralement.
Les transactions se font à l'amiable. Les
tresses sont dénouées, l'examen a lieu, le
marchand offre un prix qui varie entre 3 et
20 fr. Une fois le marché convenu l'ache-
teur place le prix de son acquisition dans
les mains de la vendeuse, les ciseaux font
leur œuvre et la chose se répète de porte
en porte.
A L'ÉTRANGER
Ltexpress-Orient ayant un retard
de quatre heures, par suite d'avaries sur-
venues à la locomodve, le départ du roi
et de la reine Nathalie pour Biarritz n'a
eu lieu qu'à minuit.
—~ Dédié au buste de Murger.
Le plus riche étudiant du monde entier
est assurément M. Walter S. Hobart qui
suit en ce moment les cours de l'univer-
sité de Harvard, aux Etat-Unis. Cet heu-
reux jeune homme touche de sa famille
une pension mensuelle de 950,000 fr.
Qu'en diraient Colline et Schaunardl
- La commission parlementaire an-
glaise, nommée pour étudier Lt question
du système métrique, s'est décidée en fa-
veur de ce système. Les commissaires ne
diffèrent que sur les moyens de le rendre
obligatoire.
- Le congrès des publicistes suédois
a adopté une résolution chargeant l'Union
des publicistes de Stockolhm de s'efforcer
d'obtenir que le quatrième congrès inter-
national de la Presse, en 1897, ait lieu à
Stockolhm en même temps que l'exposi-
tion de l'industrie..
- - La population de Strasbourg :
D'après les renseignements fournis par
le bureau municipal de statistique, le nom-
bre des naissances s'est élevé, pendant le
premier semestre de l'année [895; à 1,946
et celui des décès à 1,613, dont 413 enfants
âgés de moins de 1 an; le chiffres des
morts-nés a été de 55. Le nombre des nais-
sances a donc été de 324,3 par mois et celui
des décès de 268,8. Sur les 1,946 naissances
on a compté 991 enfants du sexe masculin
et 955 du sexe féminin; les enfants illégi-
times ont été au nombre de 439, dont 292
sont nés à l'hôpital de la ville. Parmi les
naissances se trouvent 36 jumeaux. 40*5 en-
fants (soit 20,8 pour 100 du total des nais-
sances) ont vu le jour dans des établisse-
ments publics.
— Un Yankee, grand admirateur des
œuvres poétiques de Carmen Sylva, à ses
moments perdus reine de Roumanie, a
l'intention de lui faire hommage d'un
piano.
Mais quel piano 1
Le bois en sera couvert de richissimes
inscrustations, ses pieds seront d'ivoire,
comme ceux des belles sultanes, dans les
romances qui se piquent d'orientalisme.
Bref, ce sera tellement beau que cela
coûtera 375,000 fr. ,
- Confier ainsi à la presse du monde en-
tier le prix du cadeau princier qu'on des-,
tine à une reine, voilà, n'est-ce pas ? qui
est encore plus américain que le cadeau
lui-même.
-— La Jeanne d'Arc du Pérou :
La récente révolution péruvienne a eu
son héroïne, Martha la cantinière , au-
jourd'hui une des physionomieq les plus
populaires du Pérou.
p Cette femme, d'environ trente-cinq ans,
de sang indien, hypothéqua une petite
maison qu'elle avait au Callao et, avec le
produit elle acheta des fusils et des revol-
vers et s'en fut rejoindre le régiment du
colonel Oré.
A cheval et revêtue d'un brillant uni-
forme, plutôt amazone que cantinière, on
la voyait tantôt au premier rang dans l'ac-
tion, tantôt auprès des blessés.
A la prise de Chorrillos et à l'attaque de
Lima, le 17 mars, Martha entraîna par son
exemple les soldats d'Oré et, dans le com-
bat acharné qui eut lieu dans les rues
de Lima, elle fut blessée au pied droit.
Les femmes péruviennes ne démentent
pas, comme on voit, le rôle qu'elles ont
toujours joué dans les révolutions inces-
santes de leur pays, où l'on vit jadis la se-
nora Gamarra, à cheval, électriser les
soldats du général Gamarra et lui valoir la
présidence.
- Certain docteur, pas très heureux
dans ses cures, s'est dernièrement adonné
à la magie.
— Conçoit-on cela? disait hier quel-
qu'un. Il passe maintenant sa vie à évo-
quer les morts 1
— Il se fait rendre ses visites 1 insinua
un ami intime, avec bonhomie.
Le Passant.
LE CADEAU DE MNm A VELANE
L'amiral Avelane vient d'envoyer au gé-
néral Saussier, pour le Cercle militaire, une
superbe Bratina, à titre de souvenir de
« l'inaltérable amitié du commandant en
chef et des officiers de l'escadre russe de la
Méditerranée, pour leurs camarades de l'ar-
mée et de la marine française qui les ont si
cordialement reçus en 1893 ».
Bratina, c'est le terme qui désigne la
coupe et le plat sur lequel le Russe offre le
pain et le sel à son hôte.
La lettre d'envoi a été remise au gouver-
neur de Paris par le lieut nant de vaisseau
Martinow, attaché naval à l'ambassade russe,
qui élait aide de camp de l'amiral Avelane,
lors de la visite de l'Ascadre russe.
Quant à la Bratina, elle est exposée au
Cercle national.
Le général Saussier a écrit à l'amiral russe
pour le remercier, au nom des membres du
cercle, de son gracieux envoi.
LES PELERIftSJE LOURDES
Dans notre dernier « Carnet quotidien n,
nous annoncions le départ des pèlerins qui
vont miraculer à Lourdes. Il fallait voir,
hier après-midi, la gare d'Orléans. Toutes
les infirmités dont notre pauvre humanisé
est affligée étaient représentées dans la salle
d'atten.e, triste cour des Miracles. Paralyti-
ques, boiteux, ataxiques, bancals, borgnes,
aveugles, bossus, se pressaient, les uns col-
lés dans de petites voitures, les autres ap-
puyés sur des béquilles. Tous ces pauvres
diables allaient prendre le train de Lourdes.
Les employés de la Compagnie étaient ab-
solument débordés et on avait dû leur ad-
joindre de nombreux auxiliaires qui, embau-
chés pour la circonstance, étaient chargés de
hisser dans les wagons ces voyageurs ex-
traordinaires. Parmi la foule des curieux, on
remarquait des prêtres assaillis de toutes
parts par les malades qui, avant de s'embar-
quer, sollicitaient une bénédiction inutile. M.
Zola était absent.
Neuf trains avaient été spécialement af-
fectés pour le transport des pèlerins. Le pre-
mier se distinguait des autres par un gui-
don jaune audacieusement arboré. a C'est le
train des maris trompés », demandons-nous
à un employé. « Au contraire, nous répond-il;
c'est celui des paralytiques. » Pourquoi « au
contraire »? Dans ce train, deux wagons si-
lencieux étaient réservés aux sourda-
muets.
Le second train, avec guidon gris, renfer-
mait les screfuleux; là troisièDUt, Kuidop
blanc, Contenait 780 malades, classés som
la rubrique a divers ».
Nous avons vu encore le guidon bleu, le
guidon violet, le guidon blanc-jaune, le gui-
don vert, le guidon blanc-bleu, enfin le gui-
don bleu-ciel. -
Quinze mille (15,000) pèlerins de Paris et
de la banlieue ont été transportés; voilà qui
donne une crâne idée de l'intelligence de
l'homme et de la femme 1
; CHRONIQUE
Par PAUL GINISTY
Tout le monde a dit son mot sur la
projet de la « Voie triomphale », sou-
tenu avec une éloquente chaleur par M.
Humbert. Les uns ont approuvé sans
réserve la proposition du député de
Paris; les autres se sont montrés un
peu sceptiques sur l'effet décoratif de
cette longue rangée de statues; d'au-
tres, voyant les choses au point de vue
pratique, se sont effrayés de la dé-
pense, cependant que les sculpteurs,
eux, trouvaient naturellement l'idée
superbe. Et M. Emile Zola, interview
(car on l'interviewe sur tout), a déclaré
en fin de compte que c'était là un admK
rable sujet de conversation d été.
Je ne crois pas, au milieu de ces dis-
eussions, qu'on ait évoqué le souvenir
d'un pauvre diable d'inventeur, et même
très fou, mais dont la folie était hantée
de rêves grandioses, qui, dans un sin-
gulier Mémoire, avait émis un projet à
peu près analogue dans sa disposition,
bien qu'il ne désignât point l'avenue
des Champs-Elysées, mais singulière-
ment différent dans ses indications de
réalisation.
Il s'appelait BoiteHe. Au mois de mai -
1892, on trouva son corps dans la Seine,
et sa fin demeura assez mystérieuse.
Moralement, au moins, elle se trouvait
assez expliquée par un suicide. Il n'était
pas, certes, le premier inventeur, rendu
un peu toqué par une idée fixe qui se re-
tirât volontairement d'un monde ingrat.
Boitelle, lui aussi, Voulait qu'on ren-
dit un solennel hommage aux grands
morts, et il rêvait du voir leurs statues
s'aligner en plein Paris, à perte de vue.
Mais il n'entendait point donner de
l'ouvrage aux sculpteur C'était Je
mort lui-même qui devait,- perSonnelle-
ment, fournir sa statue. Comment ceiàî
Bien simplement, répondait-il sans
s'apercevoir de l'utopie à iaquellè ra..
vaient mené des études d'abord sé*
rieuses. Il avait, à ce qu'il a ltIVmàrt,
trouvé un procédé infaillible pour pé-
tritier les corps. Qu'on hii confiât, un
défunt'il lustre qui venait de rendre 1e
dernier soupir et, en quelques jours, il
vous le transformait habillé, drapé ou
tout mi, selon les goûts, ea une statue
prête" à être posée sur nn des socles
installés d'avance dans ce qu'il appelait
« la Cité des gloires nationales ». Et il
développait lyriquement sa concep-
tion. Il supprimait la tristesse des, fu-
nérailles, l'horreur matérielle de l'acte
de l'inhumation, les adieux déchirants
ae la famille. La funèbre cérémonie
se changeait en une apothéose. Le
mort lui-même, durcifié, dressé avec
les ménagements voulus pour ne pas
l'écorner, recevait les louanges des
discoureurs officiels, qui, devant Son
image, n'oseraient peut-être pas exa-
gérer ou mentir, comme on le fait
volontiers. Et Boitelle ne manquait
pas de faire valoir cet argument philo-
sophique. « Quelle économie aussi, par
la suppression de l'acquisition du mar-
bre ou du bronze, avec l'avantage dé la
ressemblancegarantie. »> Ce point-là était
peut-être un inconvénient : il y a des
grands hommes, tout grands qu'ils
soient par la pensée ou par leurs ac-
tions, à qui ne saurait nuire, quand il
s'agit de reproduire leurs traits, pour la
postérité, un petit brin d'idéalisation.
Boitelle, l'ingénieux Boitelle (sa mi-
sérable fin empêche de trop, sourire de
ses rêves chimériques 1) avait tout pré-
vu, et on retrouva dans ses papiers un
plan de classement, puis sa « Cité des
gloires nationales », où, sans façon,
il assignait d'avarice leur place à des
contemporains qui sont vivants encore.
La pétrification lui semblait le dernier
mot de l'hommage public. Jules Janin
disait naguère qu'il fallait conduire sa
vie de façon à avoir un bel enterrement.
Boitelle modifiait la formule : il voulait
qu'on vécût pour avoir l'honneur d'être
pétrifié.
Il proposa son projet partout, ne fut
point écouté, ce qui s'explique peut-être,
et ne pouvant renonceràsa marotte,car
le démon qui hante les inventeurs est
un terrible petit démon, s'alla jeter à
l'eau. Pauvre bon homme 1
Mais est-on jamais le promoteur
d'une idée, si aventureuse qu'elle soitï
Voici presque un siècle, un certain
Gautier, de son état fondeur de déchets
métalliques, s'avisa de reprendre les
théories de l'Anglais Joseph Becker qui
avait découvert que la combustion de
notre dépouille- mortelle pouvait pro-
duire du verre, lequel, disait-il galam-
ment, avait « l'aspect laiteux et cha-
toyant du jeune Narcisse ».
Le bon Gautier, épris de cette vitrill..
cation humaine, avait, lui aussi, songé
à quelque chose comme une « voie
triomphale », car c'est, à ce qu'on voit,
une idée qui est depuis longtemps dans
l'air; seulement, avant d'être exposée
bellement, raisonnablement et claire-
ment par un homme politique qui est
en même temps un fervent des choses
d'art, elle avait, par je ne sais quelle
fatalité, provoqué bien des conceptions
extravagantes.
A cette époque, on écrivait volontiers
dans un style solennel et sentimentaL
Lisez, je vous prie, comme un docu-
rnefi. **V9U!WX. sur la pm;^Cl0Sî§ do
l'éooaua. ce oassage de la pétttioû au*
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