Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-01-19
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 janvier 1894 19 janvier 1894
Description : 1894/01/19 (N8715). 1894/01/19 (N8715).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7540918h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/12/2012
11*8715 - Vendredi 19 Janvier 1894
30 Nivôse an IUZ — If* 5715
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION
131, aur. XOimCABTBB, 131
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTIOfJ
De 4 à 6 heures du soir
Et de 9 heures du soir à minuit
us BASTTBcmns JroX nreiais XI sbboîtt vis behotjb
-
ADMllflSTRA rIOI
131, aua MONTMARTRE, 131
Adresser lettres et mandats
A VAD MIN IST.RATEU R-GÉRANI
ANNONCES
MM. Ch. LÀGSANGE, CERF et 0*
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
PARIS
un Koœ 2 ra.
DO". »le 6 -
six MOÏS. 9 n,
CM AN. 18-
Rédacteur en chef : AUGUSTE YACQUERIE
ABONNEMENTS
_DBPA:&TBDNTS - -- - -
UX KOIÇ.T. S PB.
TBOIS MOIS. I • • » 6 —
six MON. Ilm
UN hX 20 —
LES TREIZE
1 Il y a eu, la semaine dernière, à
Londres, un dîner extraordinaire.
C'était un dîner de 130 couverts. Un
dîner de 130 couverts n'est pas un
dîner extraordinaire ; mais l'origina-
lité de celui-ci était que les 130 con-
vives s'étaient distribués en dix petites
tables, chacune de treizé couverts.
Treize à table ! C'est un chiffre qu'on
ïvite généralement. C'est le chiffre
que cette fois on avait recherché.
Il existe à Londres un club qui s'est
donné pour mission d'en finir avec les
superstitions.
Donc, les convives étaient partagés
en dix tables de treize. Mais ce n'é-
tait pas la seule superstition qu'ils
défiaient.
Vous savez ou vous ne savez pas
qu'une superstition attribue les mal-
heurs séculaires de l'Irlande à sa cou-
leur (la Verte Erin) : tous les convives
étaient habillés et cravatés de vert.
Vous savez ou vous ne savez pas que
le bris d'une glace entraîne sept an-
nées de misère et de douleur. Chaque
convive avait près de son assiette un
petit miroir qu'il était tenu de briser
pendant le repas.
Il va sans dire qu'on devait renver-
ser les salières.
Tous avaient à une boutonnière, au
lieu de camélia ou de gardénia, un
petit cochon japonais.
Les cuillers et les fourchettes étaient
en croix, les cuillers figuraient des
pelles de fossoyeurs, les salières des
cercueils et les globes du gaz des
crânes humains.
Le menu, dont le dessin représen-
tait des sorcières à califourchon sur
leur balai et se hâtant au sabbat, était
composé d'un potage langue de ser-
pent et cochon effrayé, de côtes de
pleine lune sauce vendredi, de poulets
au chat noir, de puddings-spectres et
de gelées de crapaud.
Le fauteuil du président était sur-
monté d'un grand paon en cuivre avec
éventail de plumes naturelles. On sait
qu'il n'y a rien de si funeste que les
plumes de paon.
Au dessert, le président a porté ce
toast à la reine et à la famille : —
N The Queen, Prince and Princess of
WaleSy andrestof the Royal family. »
Comptez : treize mots.
Enfin, les dix fois treize convives se
sont fait réciproquement cadeau de
canifs tout neufs, sans échanger la
pièce de monnaie qui, comme per-
sonne n'en ignore, empêche le canif
de « couper l'amitié ».
Le club des XIII a été fondé en 1889
par Harry Furnish, le caricaturiste du
unch. Voilà donc quatre ans qu'il
provoque le chiffre fatal. A dix tables
par an, il devrait donc avoir eu qua-
rante morts. Il n'en a eu qu'un.
Le correspondant londonien de Y In-
dépendance belge se demande ce que
va devenir la profession de « quator-
tième H. C'est une industrie perdue.
Nous ne pouvons que louer le club
des XIII de sa guerre aux superstitions,
mais celle qu'à leur place nous vou-
drions détruire la première, c'est la
superstition de la royauté.
AUGUSTE VACQUERIE.
—————————————
COULISSES DES CHAMBRES
LES GRANDES COMMISSIONS
La Chambre a décidé de ne pas siéger
aujourd'hui, à cause de la convocation
de ses bureaux qui ont à nommer trois
grandes commissions de trente-trois
membres chacune.
1° La commission des conditions du
travail;
2° La commission d'assistance sociale;
3° La commission des douanes.
L'élection de chacune de ces commis-
sions sera précédée au sein de chaque
bureau d'un débat étendu destiné à dé-
terminer la nature du mandat confié aux
commissaires. C'est pour permettre à ce
débat préalable d'avoir toutes les pro-
portions voulues que la Chambre a sup-
primé sa séance publique d'aujourd'hui.
En particulier, les candidats à la com-
mission des douanes auront à se pro-
noncer sur les moyens propres à remé-
dier à la mévente des vins et des blés.
Les candidats à la commission du tra-
vail auront à se prononcer sur la ques-
tion de la fraction de la durée légale de
la journée de travail des hommes et celle
du salaire minimum, soulevées par les
socialistes.
Enfin les candidats à la commission
d'assistance auront à donner leur avis
sur le mode d'organisation de la caisse
de retraite des travailleurs.
L'ASSAINISSEMENT DE LA SEINE
M. Mesureura lu hiet: à la commission
de la Chambre son rapport relatif à l'as-
sainissement de la Seine. Le rapport
conclut à l'adoption du projet de loi ten-
dant à autoriser la ville de Paris à con-
tracter un emprunt de 117 millions pour
exécuter les travaux d'établissement du
tout à l'égout et de l'épandage des eaux
d'égout sur les terrains de la banlieue.
On sait que l'emprunt doit être gagé par
le produit d'une taxe de vidange impo-
sée aux propriétaires dans les maisons
desquels sera installé le système du tout
à l'égout.
La commission a jugé utile d'intro-
duire dans le projet de loi le tarif maxi-
mum de cette taxe afin d'éviter d'avoir
recours au conseil d'Etat pour cette
fixation et d'abréger ainsi les délais
d'application de la loi.
Elle a, en outre, introduit dans la loi
une disposition portant que dans un
délai de trois années toutes les maisons
devront être pourvues du système de
tout à l'égout, là où le système de cana-
lisation souterraine auraétéétabli. Enfin
elle impose à la ville de Paris l'obliga-
tion d'organiser l'épandage des eaux
d'égout dans un délai de cinq années.
M. Mesureur déposera son rapport
samedi sur le bureau de la Chambre.
—o—
LE DÉGRÈVEMENT DE L'IMPOT FONCIER
Dans la réunion d'hier, le groupe agri-
cole de la Chambre a chargé son bureau
de se rendre auprès du gouvernement
pour lui demander de prendre l'engage-
ment de consacrer au dégrèvement de
l'impôt foncier tout ou partie du bénéfice
de la conversion.
Cette démarche sera faite demain ven-
dredi pour que le gouvernement puisse à
la séance que la Chambre tiendra samedi
faire la déclaration qu'on sollicite de lui
et dans laquelle, on le sait, doit être dis-
cutée la proposition renouvelée par M.
de Ramel, mardi soir, à la suite du vote
de la conversion.
—o—
LES ENQUÊTES ÉLECTORALES
Les trois commissions d'enquête élec-
torale nommées au cours de la dernière
session et qui avaient attendu la fin des
élections sénatoriales pour accomplir
leur mission, vont commencer leurs tra-
vaux.
Hier soir est partie pour l'arrondisse-
ment de Tournon (Ardèche) la commis-
sion chargée de l'enquête sur l'élection
de M. de Vogué.
Demain samedi partira pour l'arron-
dissement de Brive (Corrèze), la com-
mission chargée de l'enquête sur réfec-
tion de M. Mielvacque.
Ces deux commissions partiront en
entier. Par contre, la commission char-
gée de l'élection de M. Edmond Blanc
n'enverra dans l'arrondissement de Ba-
gnères- de - Bigorre ( Hautes-Pyrénées)
qu'une délégation de cinq membres.
Cette délégation partira le samedi 27 jan-
vier.
LA CONVERSION
Comme c'était prévu, le Sénat, dans sa
séance d'hier, a ratifié purement et sim-
plement et à l'unanimité de 243 vo-
tants le vote émis la veille par la
Chambre de la loi autorisant la conver-
sion du 4 1/2 0/0.
De la discussion, rien à dire; le résul-
tat seul est à enregistrer : ce résultat
c'est la aonversion ordonnée. Attendons,
maintenant, l'opération elle-même.
Mais, puisque nous sommes encore
sur ce sujet, il nous sera permis de re-
venir brièvement sur la séance d'avant-
hier de la Chambre des députés, séance
qui fait encore l'objet de toutes les con-
versations et qui a causé, il n'y a pas à
se le dissimuler, une très fâcheuse im-
pression.
On l'a dit — et c'est vrai — les deux
votes successifs, émis à un quart d'heure
d'intervalle, le premier adoptant l'amen-
dement de M. Jaurès, le second rejetant
le même amendement, ne sont pas faits
précisément pour rehausser le prestige
et l'éclat du régime parlementaire.
Ni surtout pour inspirer grande con-
fiance en la nouvelle assemblée.
Des pointages auxquels ils se sont li-
vrés, il résulte que la première partie de
l'amendement à été adoptée — chiffres
rectifiés — par 266 voix contre 235, et
que l'ensemble a été repoussé par 282
voix contre 186; — ce qui semble, à
première vue, que la trop tardive inter-
vention de M. Casimir-Perier a eu pour
effet un déplacement de quatrevingts
voix.
Mais ce n'est qu'une partie de la vé-
rité ; examinons la chose de plus près.
En réalité — XOfficiel en fait foi —
91 membres qui avaient voté pour la
première partie de l'amendement ont,
après le discours du président du conseil,
voté contre l'ensemble.
Mais, en compensation, et le discours
de M. Casimir-Perier produisant ici un
effet inverse, 10 membres qui avaient
voté contre la première partie ont voté
pour l'ensemble.
Enfin 1 membre qui s'était abstenu
dans le scrutin sur la première partie a
voté pour l'ensemble.
91 + 10 + 1 = 102. — Voilà donc 102
députés qui, s'étant prononcés d'abord
en toute connaissance de cause et en
toute liberté, ont changé d'une minute à
l'autre sinon d'opinion, au moins de
bulletin.
Pourquoi? Le président du conseil
leur a-t-il fourni des arguments de na-
ture à expliquer, à légitimer un si brus-
que revirement? — Il leur a simplement
dit : « Si vous adoptez l'amendement de
M. Jaurès, le cabinet est démission-
naire. M Cela a suffi.
Les uns, pour profiter de cette occa-
sion qui s'offrait à eux de renverser le
ministère, les autres — en bien plus
grand nombre — pour conserver le mi-
nistère, ont fait exécuter aux convictions
qu'ils venaient d'exprimer la volte-face
la plus prompte et la plus complète.
Comment voulez-vous que le public
qui écoute et qui regarde ne hausse pas
les épaules et n'éprouve pas quelque
sentiment de dédain?
Disons-le; dans toute cette affaire la
plus grosse part de responsabilité in-
combe au gouvernement qui a manqué
de flair, qui n'est intervenu que trop
tard et pour qui la journée, en somme,
vaut un échec moral. Pour nous résu-
mer : mardi dernier, le ministère a eu
l'air de ne pas savoir ce qu'il voulait et
la Chambre ne l'a pas su du tout. Cela
est assurément piteux.
Espérons que Chambre et gouverne-
ment vont prendre bientôt une éclatante
revanche. L'une et l'autre en ont besoin.
LUC1SN VICTOR-MEUNIER.
LES COMPTES
DES FÊTES FRANCO-RUSSES
DONNÉES PAR LA PRESSE
Le comité des fêtes franco-russes don-
nées par la presse a tenu, au Grand-
Hôtel, sa dernière réunion, sous la pré-
sidence de M. Adrien Hébrard, sénateur,
pour entendre le rapport de M. Raoul
Canivet et celui de M. Lhomme, inspec-
teur général des finances, qui avait été
chargé par le gouvernement, sur la de-
mande du comité, de la vérification des
comptes.
Voici la conclusion du rapport de M.
Lhomme :
Les aepenses payees jusqu ici s eievent à
183,896 fr. et celles qui restent à payer à
69,085 fr. 70, soit un ensemble de 252,981 fr.
70 centimes.
Toutes ces dépenses par chapitre sur le
bordereau de situation de cai-se sont ap-
puyées de pièces justificatives.
Celles qui concernent les illuminations et
le feu d'artifice s'élèvent à 129,184 fr. 45.
Elles représentent des travaux exécutés
soit en régie, soit par des entrepreneurs en
vertu de soumis-ions, approuvées par M.
Bouvard, inspecteur général des, services
d'architecture de la ville de Paris, qui a
prêté au comité un concours aussi éclairé
que désintéressé.
La participation du comité aux fêtes de
la représentation de gala à l'Opéra a été de
10,208 fr. 35. Cette dépense a été acquittée
directement par le Gaulois au moyen d'un
prélèvement sur les souscriptions qu'il
avait recueillies. Les comptes relatifs à cet
objet ont été examinés dans les bureaux
même du journal, et ont été reconnus ré-
guliers, sauf une différence de 10 fr. 45 c.
qui il été l'objet d'un reversement immédiat.
La représentation du ballet de la Mala-
delta, au Champ de Mars, ainsi que les
travaux nécessaires à l'aménagement de la
salle, ont coûté 67,820 fr. Les intéressés ont
demandé le paiement immédiat de la
somme, et la régularité des pièces justifi-
catives s'est un peu ressentie de cette
précipitation. C'e"t ainsi que la réduction
que M. Ilaynaud, architecte de l'Opéra, a
fait subir aux mémoires de entrepreneurs,
a porté simplement sur le total, au lieu
d'atl'ecter chaque article.
En résumé, l'exécution des fêtes franco-
russei paraît avoir été peu coûteuse, si l'on
tient compte des difficultés d'une organisa-
tion précipitée, des modifications qu'ii a
fallu apporter au programme, sans nuire
pour cela à leur ordre et à. leur magnifi-
cence.
La presse française, qui en a pris l'initia-
tive, mérite d'être félicitée sans réserve
pour avoir donné l'exemple de la concorde
et du patriotisme, qui ont animé la nation
tout entière et contribué à donner à ces
fêtes un caractère inoubliable.
L'inspecteur des finances,
LOUIS LHOMME.
Le total des recettes, souscriptions,
cotisations pour le banquet, dons des
journaux, etc., s'était élevé
à. , , , 302.626 50
Le total des dépenses a
été de.,. 251.981 70
Ce qui donne un boni de. 50.644 80
Ces, 50,644 fr. 80 c. ont été partagés
entre diverses œuvres philanthropiques :
la Société de bienfaisance en faveur des
indigents de la colonie russe, la Société
de secours aux familles des marins
français naufragés, aux associations de
l'Assistance par le travail, l'Hospitalité
de nuit, l'Orphelinat des arts.
L'impression du rapport de M. Lhom-
me et de celui de M. Raoul Canivet, pré-
sident du comité, a été votée.
Ces rapports seront adressés aux jour-
naux de Paris et des départements ayant
adhéré au comité, ainsi qu'aux journaux
russes.
En outre, rassemblée a décidé que
tous les documents afférents aux fêtes
franco-russes seront déposés aux ar-
chives du syndicat de la Presse pari-
sienne.
Avant de se séparer, la réunion a voté,
à l'unanimité, sur la proposition de M.
Adrien Hébrard et de plusieurs membres,
de vifs remerciements au comité de la
Presse française et les plus chaleureuses
félicitations à son président, M. Raoul
Canivet, en témoignage de son heureuse
initiative, du zèle et du dévouement qu'il
a apportés dans l'organisation des fêtes
données à Paris en l'honneur des marins
russes.
—————————— A ———————-——
LES PETITS MENDIANTS
Tous les jours nous rencontrons dans la
rue des enfants qui mendient seuls ou sous
l'œil de parents ou prétendus parents aux-
quels ils rapportent l'aumône qu'on vient
de leur donner.
Le passant pressé ne voit pas toujours
ce petit manege, il tire deux sous de sa
poche, les donne à l'enfant et s'en va con-
vaincu qu'il a fait une bonne œuvre quand,
quatrevingt-dix fois sur cent, il n'a fait
qu'encourager une exploitation criminelle.
Il vient de se fonder une société qui
espère remédier à cet état de chosés. Voici
son but, expliqué dans ses statuts :
« Une société est constituée pour com-
battre la mendicité des enfants en s'occu-
pant de leur faire fréquenter l'école, s'ils
sont à l'âge scolaire, ou de leur procurer
du travail, s'ils sont plus âgés.
» Paris sera divisé en un certain nombre
de quartiers, administrés chacun par un
directeur de quartier.
» Les membres actifs surveillent les en-
fants mendiants; ils les signalent au direc-
teur du quartier où on les a vus mendier,
en lui transmettant tous les renseignements
qu'ils peuvent recueillir sur les enfants et
leur famille. »
Parmi les personnes qui se sont mis à la
tête de cette société, je relève les noms de
philanthropes déjà bien connus.
MM. Boucher-Cadart, président de cham-
bre; Donarche, conseiller à la cour d'appel;
Rollet, fondateurdu patronage de l'enfance;
Gayte, directeur du sauvetage de l'enfance;
Gaufrés, président de l'orphelinat de la
Seine, et un grand nombre de directeurs
d'écoles de Pari-.
Afin que l'œuvre fonctionne vite, on a
rédigé do suite des instructions sommai-
res pour les membres actifs de la société.
Les voi'ci :
i 0 Quand un membre de la société ren-
contrera un enfant mendiant, il l'interro-
gera d'abord et s'efforcera d'obtenir des
renseignements sur son âge, son nom, sa
famille, son adresse, son école et les causes
qui le font mendier.
2° S'il en a le temps, il le reconduira à
l'école et en informera le directeur du quar-
tier.
3° S'il n'en a pas le temps, ou que l'heure
ne le permette pas, il enverra au directeur
de quartier une carte postale contenant les
renseignements recueillis. — Des cartes
imprimées à remplir seront remises aux
membres de la société qui sont priés d'en
avoir toujours quelques-unes sur eux pour
les expédier immédiatement.
40 Si les enfants hésitent, ou si l'on a lieu
de supposer qu'ils donnent une fausse
adresse, on leur fera ob erver qu'ils ont tort
et qu'ils se privent du bien qu'on veut faire
à leur famille.
5° En cas de mauvaise volonté ou de
grossièreté, on les avertira qu'ils s'expo-
sent à des poursuites correctionnelles et
qu'on les fera arrêter si on les retrouve en-
core mendiant.
6° On agira de même à l'égard des adultes
exploitant des enfants en bas âge.
Les communications sont adressées à M.
Georges Dumas, secrétaire du comité pro-
visoire, 47, rue Gay-Lussac.
Les organisateurs de cette société ont le
plus grand espoir de réussir. Ce n'est, di-
sent-ils, qu'une question de nombre et d'or-
ganisation; ce n'est même pas une question
d'argent. L'argent n'a jamais manqué aux
œuvres de bienfaisance et aujourd'hui
moins que jamais. Il suffira de constituer
un réseau assez étendu pour que — l'opi-
nion publique aidant — on ne tolère plus
nulle part dans Paris ce spectacle humiliant
de pauvres petits enfants que l'on presse,
sous les yeux du public, à la paresse et au
vagabondage.
FERNÀND LEFÈVRE.
onw-- -
EXPLOSION DE L' « EQUATEUR »
MORTS ET BLESSÉS
-
! On nous télégraphie :
Bordeaux, 17 janvier.
Une explosion vient de se produire à
bord du paquebot des Messageries mariti-
times, Equateur, dans le trajet de Pauillao
à Bordeaux.
Le paquebot Equateur était arrivé ca
matin, vers onze heures, en rade da
Pauillac.
Après les formalités d'usage, il se remit'
en route vers midi pour remonter à Bor-
deaux. Il marchait, ayant à son côté un
bateau de la compagnie Gironde-et-Garonne
sur lequel il débarquait les passagers et
les petits colis.
Ver3 deux heures, au moment où l'on
procédait, dans la soute des groups, au
déchargement des petits colis, il se pro-
duisitune explosion formidable qui ébraula
tout le navire.
La soute des groups fut défoncée, ainsi
que la cabine du commissaire et celle du
maître d'hôtel.
Les cloisons de la batterie et le faux
pont en plaques de fonte de plusieurs
millimètres d'épaisseur ont été coupés
et tordus. Tout est ouvert en grand à la
coupée.
Malheureusement, plusieurs hommes sa
trouvaient occupés au déchargement des
petits colis. Deux d'entre eux, les matelots
Baude et Chevert, ont été tués sur le coup.
Un troisième, qui a eu la figure entière-
ment déchiquetée, ne survivra peut-être
pas à ses blessures. Un quatrième a été
moins grièvement blessé.
L'explosion paraît due à la dynamite.
Comment se trouvait-elle à bord ? C'est ce
que l'enquête menée très vigoureusement
par M. Ortillo, commissaire spécial du port
et des gares, démontrera peut-être.
L'explosion paraît s'être produite au mo-
ment où Chevert maniait un colis contenant
des plumes d'autruche, car une quantité
considérable de ces plumes sont répandue?
dans la partie du navire où l'explosion s'est
produite.
- Quantité d'autres colis de plumes d'oi"
seaux naturalisés, etc., gisent pêle-mêle
dans la batterie.
La commotion a été tellement violente
que des vitrages très épais., jusqu'à la
chambre des machines située à une assez
grande distance, ont été réduits en miettes.
A quatre heures, les cadavres des
deux victimes ont été transportés à la.
Morgue.
Un des blessés a été porlés à l'hôpital,
l'autre à son domicile.
De nombreux curieux stationnent sur le
quai Carnot où VEquateur est amarré.
e i
LES OFFICES MINISTÉRIELS
La révolution a fait son entrée au
Palais. Les gens de robe ne sont plus
reconnaissables. La grande salle des
Pas-Perdus, aux voûtes sonores, ne re-
tentit que de leurs imprécations. Le nom
de M. Antonin Dubost, garde des sceaux,
sort de toutes les bouches accompagné
d'épithètes peu flatteuses. Voyez-vous ce
singulier ministre de la justice qui affiche
la ridicule prétention de vouloir reviser
le code de procédure civile, réduire les
frais de justice et supprimer les avoués
et les huissiers? Et, dit-on encore, il faut
bien croire que la chose est vraie, puis-
que depuis deux ou trois jours qu'elle a
été annoncée, le garde des sceaux n'a
pas publié de démenti.
Vous sentez toute la colère qui fer-
mente sous les toques de ces ruineux
intermédiaires habitués à vivre large-
ment sur le dos des plaideurs. Aussi
bien, se préparent-ils déjà à une résis-
tance désespérée. Ils consultent des
textes, remontent aux premiers temps
du droit français, déclarent monstrueuse
l'intention du ministre, et affirment bel-
lement qu'ils auraient droit à des dom-
mages-intérêts en plus de l'indemnité
Feuilleton du RAPPEL
DU 19 JANVIER
In
UNE
FAMILLE TRiGIOUI
DEUXIÈME PARTIE
LE PÈRE
CHAPITRE II
Un charmant vieillard. — (Suite)
La compagnie de Brin-de-Mousse était
donc pour Aline une vraie distraction de
tous les instants. Il la suivait grave-
ment, dans le parc, portant la queue de
la robe de sa dame avec une dignité
imperturbable. Présent au déjeuner et
au souper, il se tenait derrière la chaise
de la châtelaine, animant de son bavar-
dage comique la causerie des deux
repas—qu'Aline,en prenant place devant
son assiette, ouvrait invariablement par
cette phrase accompagnée d'un sourire :
— Ah! la rose de M. de Vissée!.
Bientôt ce ne fut plus seulement par
une, rose — toujours la plus belle et
quelquefois la seule du vieux parc aban-
donné — que M. de Vissée parut vouloir
se faire pardonner son absence au repas.
Un matin, Aline vif servir sur sa table,
cérémonieusement apportés par Pierre
dans' un bassin de vermeil et toujours
de la part du discret gentilhomme, des
Voir le Jiappel du 1" dworabiv au 18 jan-
vier.
fruits magnifiques ignorés du marché
primitif de la petite ville de Ganges.
Brin-de-Mousse ouvrit des yeux grands
comme sa bouche, à la vue de cette gra-
cieuse offrande gaîment saluée par Aline
qui s'écriait :
- • Fort bien, monsieur de Vissée !
nous passons de Flore à Pomone l
Un autre jour, Aline se piqua ses pe.
tits pieds, mal protégés par le satin de
ses mules, aux ronces d'une des avenues
de la châtaigneraie. Le lendemain,
comme elle descendait dans le parc, elle
trouva les allées sablées et Pierre le
râteau à la main — et, comme elle l'in-
terrogeait :
— J'exécute les ordres de M. de Vis-
sec, répondit-il.
Il fallait, lorsque la jeune femme avait
le caprice de se reposer sous les om-
brages, qu'elle envoyât Brin-de-Mousse
quérir un pliant dans sa chambre, et le
dénicheur d'oiseaux, oubliant ses fonc-
tions de page, s'attardait volontiers en
route à courir les papillons et ne se fai-
sait pas faute de reprendre le chemin du
château, non par les avenues, mais par
les buissons : — ce dont Mme Aline, un
soir à table, s'indigna très fort, se plai-
gnant de rentrer lasse de sa promenade
et cela par la négligence de M. Brin-de-
Mousse, lequel, pour toute réponse,
tournait son chapeau entre ses doigts.
Le lend.emaljp, Alitre aperçut de sa fe*,
nêtre des bancs rustiques disposés dans
le parc sur le cours de ses promenades
habituelles.
— Qui dois-je remercier? demanda-t-
elle à Pierre qui, debout derrière la
comtesse, semblait attendre cette ques-
tion.
— M. de Vissée, répondit le laquais.
La comtesse en vint à ne plus pouvoir
exprimer un désir qui ne fût immédia-
tement obéi; ses moindres fantaisies
étaient prévenues et exécutées à l'avance.
Elle voulut des livres et, bien que la
bibliothèque du château fût depuis long-
temps dépouillée, elle trouva un jour,
'dans sa chambre, soigneusement dispo-
sés sur les rayons d'une étagère de mar-
queterie, tout un choix de volumes ri-
chement reliés et, entre autres, un re-
cueil des plus précieuses estampes ra-
massées par l'abbé de Marolles et dont
l'exemplaire complet n'existait qu'à Ver-
sailles dans le cabinet du roi. Sur le pre-
mier feuillet de chaque ouvrage, une
dédicace à l'adresse de la comtesse et
d'une bonhomie toute paternelle, portait
la signature tremblante et sénile de M.
de Vissée.
En même temps, la domesticité du ma-
noir avait été mise sur un pied d'éti-
quette toute seigneuriale. Pierre était
devenu une sorte de chambellan qui eût
falthonneur au salon d'un prince du sang.
• La splendide livrée à galons de la mai-
son ds Ganges, exhumée des tiroirs, n'a-
yaiU§fi?,âi§ étéjoromenée dans les salles
du château avec plus de majesté. Le ser-
vice de Pierre était réglé dans tous ses
détails avec un cérémonial presque pom-
peux. Lorsque, par exemple, il arrivait
au château une lettre de M. le comte pour
Mme la comtesse, c'était tout un événe-
ment. La porte de la chambre où se trou-
vait la châtelaine devait s'ouvrir à deux
battants et Pierre, paraissant devant
Aline, lui présenter la lettre sur un car-
reau de velours après trois saluts dont
la lenteur eût parfois impatienté la com-
tesse, si elle n'eût craint d'offenser M. de
Vissée dans une de ses plus respectueu-
ses intentions. En outre, tous les jours,
au moment où Aline achevait son déjeu-
ner, Pierre lui demandait humblement
comment elle entendait employer son
temps, ajoutant que, quel que fût le bon
plaisir de Mme la comtesse, tout était
prêt pour la satisfaire.
— Si Aline voulait se promener en
voiture, en un clin d'œil le carrosse
était attelé ; si elle voulait prendre le di-
vertissement de la pêche, la vieille bar-
que de l'étang, décorée à neuf et coquet-
tement parée d'un tendelet de satin, at-
tendait la comtesse et Pierre paraissait
aussitôt les filets sur les bras ; si elle
voulait chasser sous bois, elle trouvait
dans son cabinet l'équipage d'usage, la
robe à corsage galonné d'or, le feutre à
plumes et le fouet ; son cheval Cyclope,
harnaché et sellé d'une housse de bro-
eart. l'attendait devant le pqrron, avec
le page Brin-de-Mousse tout joyeux et
tout fier de pouvoir se présenter devant
sa dame dans ses nobles attributions de
varlet, ayant au poing, non plus un
hibou, mais un faucon.
Quant à M. de Vissée — évidemment
l'ordonnateur des plaisirs de la comtesse
— il était toujours confiné dans ses
appartements et ne donnait pas signe de
vie.
A peine Aline apercevait-elle de temps
à autre, à différentes heures du jour,
tantôt au bout de la pelouse, tantôt sur
le bord de la.pièce d'eau, une forme hu-
maine vêtue de noir, au pas grave et
fatigué, péniblement appuyée sur une
longue canne — qui suivait lentement
quelque allée solitaire, regardait un mo-
ment le château, puis s'éloignait et dis-
paraissait comme une ombre à travers
le parc.
Cette réserve et ce silence, joints à
toutes les marques de sollicitude que lui
donnait journellement M. de Vissée,
touchèrent singulièrement la comtesse.
Elle voulut remercier et en même temps
apprivoiser un peu cet hôte à la fois si
courtois et si sauvage et le fit supplier
de partager avec elle les repas du châ-
teau. M. de Vissée renouvela, mais cette
fois par écrit, ses excuses et ses regrets,
priant de nouveau la comtesse de ne se
point offenser de ses manies et de per-
mettre qu'il ne la fatiguât point de la
déplaisante cMpagçûp dit SAS jRbev$Ji*-
blancs. — Il était, disait-il, bien peu au
courant du beau langage et des belles
manières depuis tant d'années qu'il avait
renoncé au monde; il ignorait le ton e4i
jour; il avaitperdu l'enjouement des gais
repas et ce serait assurément pour la com-
tesse une société de peu de prix que cello
d'un vieillard perclus de rhumatismes et
de goutte qui ne savait plus que hocher
la tête, faire des sermons, donner de la
patoche à l'esprit du temps et passer ses
journées entre le psautier et la Bible.
Tout ce qu'il désirait, c'était que la com-
tesse de Cazilhac lui accordât les licen-
ces de galanterie bénévole réservées au&
vieux gentilshommes et voulût bien
l'autoriser à lui continuer ses soins.
C'était, ajoutait-il, pour son ancienne
amitié une bonne fortune qV, le capi-
taine Christian, auquel il était aff ec.
tionné comme à un fils, lui eût confié les
fonctions paternelles qu'il s'efforçait de
remplir auprès de la comtesse; son com-
merce de longue date avec la famille
l'ayant maintes fois appelé à Ganges, il
en connaissait, mieux que personne, les
ressources et les êtres et se ferait bien
volontiers une étude et un plaisir do
rechercher, parmi les débris de l'an-
cienne opulence du château, tout ce qui
pourrait agréer à la noble châtelaine et
lui rendre plus supportables la solitude
et l'absence de son mari.
CHARLES HUGO.
CA mm* -
30 Nivôse an IUZ — If* 5715
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION
131, aur. XOimCABTBB, 131
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTIOfJ
De 4 à 6 heures du soir
Et de 9 heures du soir à minuit
us BASTTBcmns JroX nreiais XI sbboîtt vis behotjb
-
ADMllflSTRA rIOI
131, aua MONTMARTRE, 131
Adresser lettres et mandats
A VAD MIN IST.RATEU R-GÉRANI
ANNONCES
MM. Ch. LÀGSANGE, CERF et 0*
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
PARIS
un Koœ 2 ra.
DO". »le 6 -
six MOÏS. 9 n,
CM AN. 18-
Rédacteur en chef : AUGUSTE YACQUERIE
ABONNEMENTS
_DBPA:&TBDNTS - -- - -
UX KOIÇ.T. S PB.
TBOIS MOIS. I • • » 6 —
six MON. Ilm
UN hX 20 —
LES TREIZE
1 Il y a eu, la semaine dernière, à
Londres, un dîner extraordinaire.
C'était un dîner de 130 couverts. Un
dîner de 130 couverts n'est pas un
dîner extraordinaire ; mais l'origina-
lité de celui-ci était que les 130 con-
vives s'étaient distribués en dix petites
tables, chacune de treizé couverts.
Treize à table ! C'est un chiffre qu'on
ïvite généralement. C'est le chiffre
que cette fois on avait recherché.
Il existe à Londres un club qui s'est
donné pour mission d'en finir avec les
superstitions.
Donc, les convives étaient partagés
en dix tables de treize. Mais ce n'é-
tait pas la seule superstition qu'ils
défiaient.
Vous savez ou vous ne savez pas
qu'une superstition attribue les mal-
heurs séculaires de l'Irlande à sa cou-
leur (la Verte Erin) : tous les convives
étaient habillés et cravatés de vert.
Vous savez ou vous ne savez pas que
le bris d'une glace entraîne sept an-
nées de misère et de douleur. Chaque
convive avait près de son assiette un
petit miroir qu'il était tenu de briser
pendant le repas.
Il va sans dire qu'on devait renver-
ser les salières.
Tous avaient à une boutonnière, au
lieu de camélia ou de gardénia, un
petit cochon japonais.
Les cuillers et les fourchettes étaient
en croix, les cuillers figuraient des
pelles de fossoyeurs, les salières des
cercueils et les globes du gaz des
crânes humains.
Le menu, dont le dessin représen-
tait des sorcières à califourchon sur
leur balai et se hâtant au sabbat, était
composé d'un potage langue de ser-
pent et cochon effrayé, de côtes de
pleine lune sauce vendredi, de poulets
au chat noir, de puddings-spectres et
de gelées de crapaud.
Le fauteuil du président était sur-
monté d'un grand paon en cuivre avec
éventail de plumes naturelles. On sait
qu'il n'y a rien de si funeste que les
plumes de paon.
Au dessert, le président a porté ce
toast à la reine et à la famille : —
N The Queen, Prince and Princess of
WaleSy andrestof the Royal family. »
Comptez : treize mots.
Enfin, les dix fois treize convives se
sont fait réciproquement cadeau de
canifs tout neufs, sans échanger la
pièce de monnaie qui, comme per-
sonne n'en ignore, empêche le canif
de « couper l'amitié ».
Le club des XIII a été fondé en 1889
par Harry Furnish, le caricaturiste du
unch. Voilà donc quatre ans qu'il
provoque le chiffre fatal. A dix tables
par an, il devrait donc avoir eu qua-
rante morts. Il n'en a eu qu'un.
Le correspondant londonien de Y In-
dépendance belge se demande ce que
va devenir la profession de « quator-
tième H. C'est une industrie perdue.
Nous ne pouvons que louer le club
des XIII de sa guerre aux superstitions,
mais celle qu'à leur place nous vou-
drions détruire la première, c'est la
superstition de la royauté.
AUGUSTE VACQUERIE.
—————————————
COULISSES DES CHAMBRES
LES GRANDES COMMISSIONS
La Chambre a décidé de ne pas siéger
aujourd'hui, à cause de la convocation
de ses bureaux qui ont à nommer trois
grandes commissions de trente-trois
membres chacune.
1° La commission des conditions du
travail;
2° La commission d'assistance sociale;
3° La commission des douanes.
L'élection de chacune de ces commis-
sions sera précédée au sein de chaque
bureau d'un débat étendu destiné à dé-
terminer la nature du mandat confié aux
commissaires. C'est pour permettre à ce
débat préalable d'avoir toutes les pro-
portions voulues que la Chambre a sup-
primé sa séance publique d'aujourd'hui.
En particulier, les candidats à la com-
mission des douanes auront à se pro-
noncer sur les moyens propres à remé-
dier à la mévente des vins et des blés.
Les candidats à la commission du tra-
vail auront à se prononcer sur la ques-
tion de la fraction de la durée légale de
la journée de travail des hommes et celle
du salaire minimum, soulevées par les
socialistes.
Enfin les candidats à la commission
d'assistance auront à donner leur avis
sur le mode d'organisation de la caisse
de retraite des travailleurs.
L'ASSAINISSEMENT DE LA SEINE
M. Mesureura lu hiet: à la commission
de la Chambre son rapport relatif à l'as-
sainissement de la Seine. Le rapport
conclut à l'adoption du projet de loi ten-
dant à autoriser la ville de Paris à con-
tracter un emprunt de 117 millions pour
exécuter les travaux d'établissement du
tout à l'égout et de l'épandage des eaux
d'égout sur les terrains de la banlieue.
On sait que l'emprunt doit être gagé par
le produit d'une taxe de vidange impo-
sée aux propriétaires dans les maisons
desquels sera installé le système du tout
à l'égout.
La commission a jugé utile d'intro-
duire dans le projet de loi le tarif maxi-
mum de cette taxe afin d'éviter d'avoir
recours au conseil d'Etat pour cette
fixation et d'abréger ainsi les délais
d'application de la loi.
Elle a, en outre, introduit dans la loi
une disposition portant que dans un
délai de trois années toutes les maisons
devront être pourvues du système de
tout à l'égout, là où le système de cana-
lisation souterraine auraétéétabli. Enfin
elle impose à la ville de Paris l'obliga-
tion d'organiser l'épandage des eaux
d'égout dans un délai de cinq années.
M. Mesureur déposera son rapport
samedi sur le bureau de la Chambre.
—o—
LE DÉGRÈVEMENT DE L'IMPOT FONCIER
Dans la réunion d'hier, le groupe agri-
cole de la Chambre a chargé son bureau
de se rendre auprès du gouvernement
pour lui demander de prendre l'engage-
ment de consacrer au dégrèvement de
l'impôt foncier tout ou partie du bénéfice
de la conversion.
Cette démarche sera faite demain ven-
dredi pour que le gouvernement puisse à
la séance que la Chambre tiendra samedi
faire la déclaration qu'on sollicite de lui
et dans laquelle, on le sait, doit être dis-
cutée la proposition renouvelée par M.
de Ramel, mardi soir, à la suite du vote
de la conversion.
—o—
LES ENQUÊTES ÉLECTORALES
Les trois commissions d'enquête élec-
torale nommées au cours de la dernière
session et qui avaient attendu la fin des
élections sénatoriales pour accomplir
leur mission, vont commencer leurs tra-
vaux.
Hier soir est partie pour l'arrondisse-
ment de Tournon (Ardèche) la commis-
sion chargée de l'enquête sur l'élection
de M. de Vogué.
Demain samedi partira pour l'arron-
dissement de Brive (Corrèze), la com-
mission chargée de l'enquête sur réfec-
tion de M. Mielvacque.
Ces deux commissions partiront en
entier. Par contre, la commission char-
gée de l'élection de M. Edmond Blanc
n'enverra dans l'arrondissement de Ba-
gnères- de - Bigorre ( Hautes-Pyrénées)
qu'une délégation de cinq membres.
Cette délégation partira le samedi 27 jan-
vier.
LA CONVERSION
Comme c'était prévu, le Sénat, dans sa
séance d'hier, a ratifié purement et sim-
plement et à l'unanimité de 243 vo-
tants le vote émis la veille par la
Chambre de la loi autorisant la conver-
sion du 4 1/2 0/0.
De la discussion, rien à dire; le résul-
tat seul est à enregistrer : ce résultat
c'est la aonversion ordonnée. Attendons,
maintenant, l'opération elle-même.
Mais, puisque nous sommes encore
sur ce sujet, il nous sera permis de re-
venir brièvement sur la séance d'avant-
hier de la Chambre des députés, séance
qui fait encore l'objet de toutes les con-
versations et qui a causé, il n'y a pas à
se le dissimuler, une très fâcheuse im-
pression.
On l'a dit — et c'est vrai — les deux
votes successifs, émis à un quart d'heure
d'intervalle, le premier adoptant l'amen-
dement de M. Jaurès, le second rejetant
le même amendement, ne sont pas faits
précisément pour rehausser le prestige
et l'éclat du régime parlementaire.
Ni surtout pour inspirer grande con-
fiance en la nouvelle assemblée.
Des pointages auxquels ils se sont li-
vrés, il résulte que la première partie de
l'amendement à été adoptée — chiffres
rectifiés — par 266 voix contre 235, et
que l'ensemble a été repoussé par 282
voix contre 186; — ce qui semble, à
première vue, que la trop tardive inter-
vention de M. Casimir-Perier a eu pour
effet un déplacement de quatrevingts
voix.
Mais ce n'est qu'une partie de la vé-
rité ; examinons la chose de plus près.
En réalité — XOfficiel en fait foi —
91 membres qui avaient voté pour la
première partie de l'amendement ont,
après le discours du président du conseil,
voté contre l'ensemble.
Mais, en compensation, et le discours
de M. Casimir-Perier produisant ici un
effet inverse, 10 membres qui avaient
voté contre la première partie ont voté
pour l'ensemble.
Enfin 1 membre qui s'était abstenu
dans le scrutin sur la première partie a
voté pour l'ensemble.
91 + 10 + 1 = 102. — Voilà donc 102
députés qui, s'étant prononcés d'abord
en toute connaissance de cause et en
toute liberté, ont changé d'une minute à
l'autre sinon d'opinion, au moins de
bulletin.
Pourquoi? Le président du conseil
leur a-t-il fourni des arguments de na-
ture à expliquer, à légitimer un si brus-
que revirement? — Il leur a simplement
dit : « Si vous adoptez l'amendement de
M. Jaurès, le cabinet est démission-
naire. M Cela a suffi.
Les uns, pour profiter de cette occa-
sion qui s'offrait à eux de renverser le
ministère, les autres — en bien plus
grand nombre — pour conserver le mi-
nistère, ont fait exécuter aux convictions
qu'ils venaient d'exprimer la volte-face
la plus prompte et la plus complète.
Comment voulez-vous que le public
qui écoute et qui regarde ne hausse pas
les épaules et n'éprouve pas quelque
sentiment de dédain?
Disons-le; dans toute cette affaire la
plus grosse part de responsabilité in-
combe au gouvernement qui a manqué
de flair, qui n'est intervenu que trop
tard et pour qui la journée, en somme,
vaut un échec moral. Pour nous résu-
mer : mardi dernier, le ministère a eu
l'air de ne pas savoir ce qu'il voulait et
la Chambre ne l'a pas su du tout. Cela
est assurément piteux.
Espérons que Chambre et gouverne-
ment vont prendre bientôt une éclatante
revanche. L'une et l'autre en ont besoin.
LUC1SN VICTOR-MEUNIER.
LES COMPTES
DES FÊTES FRANCO-RUSSES
DONNÉES PAR LA PRESSE
Le comité des fêtes franco-russes don-
nées par la presse a tenu, au Grand-
Hôtel, sa dernière réunion, sous la pré-
sidence de M. Adrien Hébrard, sénateur,
pour entendre le rapport de M. Raoul
Canivet et celui de M. Lhomme, inspec-
teur général des finances, qui avait été
chargé par le gouvernement, sur la de-
mande du comité, de la vérification des
comptes.
Voici la conclusion du rapport de M.
Lhomme :
Les aepenses payees jusqu ici s eievent à
183,896 fr. et celles qui restent à payer à
69,085 fr. 70, soit un ensemble de 252,981 fr.
70 centimes.
Toutes ces dépenses par chapitre sur le
bordereau de situation de cai-se sont ap-
puyées de pièces justificatives.
Celles qui concernent les illuminations et
le feu d'artifice s'élèvent à 129,184 fr. 45.
Elles représentent des travaux exécutés
soit en régie, soit par des entrepreneurs en
vertu de soumis-ions, approuvées par M.
Bouvard, inspecteur général des, services
d'architecture de la ville de Paris, qui a
prêté au comité un concours aussi éclairé
que désintéressé.
La participation du comité aux fêtes de
la représentation de gala à l'Opéra a été de
10,208 fr. 35. Cette dépense a été acquittée
directement par le Gaulois au moyen d'un
prélèvement sur les souscriptions qu'il
avait recueillies. Les comptes relatifs à cet
objet ont été examinés dans les bureaux
même du journal, et ont été reconnus ré-
guliers, sauf une différence de 10 fr. 45 c.
qui il été l'objet d'un reversement immédiat.
La représentation du ballet de la Mala-
delta, au Champ de Mars, ainsi que les
travaux nécessaires à l'aménagement de la
salle, ont coûté 67,820 fr. Les intéressés ont
demandé le paiement immédiat de la
somme, et la régularité des pièces justifi-
catives s'est un peu ressentie de cette
précipitation. C'e"t ainsi que la réduction
que M. Ilaynaud, architecte de l'Opéra, a
fait subir aux mémoires de entrepreneurs,
a porté simplement sur le total, au lieu
d'atl'ecter chaque article.
En résumé, l'exécution des fêtes franco-
russei paraît avoir été peu coûteuse, si l'on
tient compte des difficultés d'une organisa-
tion précipitée, des modifications qu'ii a
fallu apporter au programme, sans nuire
pour cela à leur ordre et à. leur magnifi-
cence.
La presse française, qui en a pris l'initia-
tive, mérite d'être félicitée sans réserve
pour avoir donné l'exemple de la concorde
et du patriotisme, qui ont animé la nation
tout entière et contribué à donner à ces
fêtes un caractère inoubliable.
L'inspecteur des finances,
LOUIS LHOMME.
Le total des recettes, souscriptions,
cotisations pour le banquet, dons des
journaux, etc., s'était élevé
à. , , , 302.626 50
Le total des dépenses a
été de.,. 251.981 70
Ce qui donne un boni de. 50.644 80
Ces, 50,644 fr. 80 c. ont été partagés
entre diverses œuvres philanthropiques :
la Société de bienfaisance en faveur des
indigents de la colonie russe, la Société
de secours aux familles des marins
français naufragés, aux associations de
l'Assistance par le travail, l'Hospitalité
de nuit, l'Orphelinat des arts.
L'impression du rapport de M. Lhom-
me et de celui de M. Raoul Canivet, pré-
sident du comité, a été votée.
Ces rapports seront adressés aux jour-
naux de Paris et des départements ayant
adhéré au comité, ainsi qu'aux journaux
russes.
En outre, rassemblée a décidé que
tous les documents afférents aux fêtes
franco-russes seront déposés aux ar-
chives du syndicat de la Presse pari-
sienne.
Avant de se séparer, la réunion a voté,
à l'unanimité, sur la proposition de M.
Adrien Hébrard et de plusieurs membres,
de vifs remerciements au comité de la
Presse française et les plus chaleureuses
félicitations à son président, M. Raoul
Canivet, en témoignage de son heureuse
initiative, du zèle et du dévouement qu'il
a apportés dans l'organisation des fêtes
données à Paris en l'honneur des marins
russes.
—————————— A ———————-——
LES PETITS MENDIANTS
Tous les jours nous rencontrons dans la
rue des enfants qui mendient seuls ou sous
l'œil de parents ou prétendus parents aux-
quels ils rapportent l'aumône qu'on vient
de leur donner.
Le passant pressé ne voit pas toujours
ce petit manege, il tire deux sous de sa
poche, les donne à l'enfant et s'en va con-
vaincu qu'il a fait une bonne œuvre quand,
quatrevingt-dix fois sur cent, il n'a fait
qu'encourager une exploitation criminelle.
Il vient de se fonder une société qui
espère remédier à cet état de chosés. Voici
son but, expliqué dans ses statuts :
« Une société est constituée pour com-
battre la mendicité des enfants en s'occu-
pant de leur faire fréquenter l'école, s'ils
sont à l'âge scolaire, ou de leur procurer
du travail, s'ils sont plus âgés.
» Paris sera divisé en un certain nombre
de quartiers, administrés chacun par un
directeur de quartier.
» Les membres actifs surveillent les en-
fants mendiants; ils les signalent au direc-
teur du quartier où on les a vus mendier,
en lui transmettant tous les renseignements
qu'ils peuvent recueillir sur les enfants et
leur famille. »
Parmi les personnes qui se sont mis à la
tête de cette société, je relève les noms de
philanthropes déjà bien connus.
MM. Boucher-Cadart, président de cham-
bre; Donarche, conseiller à la cour d'appel;
Rollet, fondateurdu patronage de l'enfance;
Gayte, directeur du sauvetage de l'enfance;
Gaufrés, président de l'orphelinat de la
Seine, et un grand nombre de directeurs
d'écoles de Pari-.
Afin que l'œuvre fonctionne vite, on a
rédigé do suite des instructions sommai-
res pour les membres actifs de la société.
Les voi'ci :
i 0 Quand un membre de la société ren-
contrera un enfant mendiant, il l'interro-
gera d'abord et s'efforcera d'obtenir des
renseignements sur son âge, son nom, sa
famille, son adresse, son école et les causes
qui le font mendier.
2° S'il en a le temps, il le reconduira à
l'école et en informera le directeur du quar-
tier.
3° S'il n'en a pas le temps, ou que l'heure
ne le permette pas, il enverra au directeur
de quartier une carte postale contenant les
renseignements recueillis. — Des cartes
imprimées à remplir seront remises aux
membres de la société qui sont priés d'en
avoir toujours quelques-unes sur eux pour
les expédier immédiatement.
40 Si les enfants hésitent, ou si l'on a lieu
de supposer qu'ils donnent une fausse
adresse, on leur fera ob erver qu'ils ont tort
et qu'ils se privent du bien qu'on veut faire
à leur famille.
5° En cas de mauvaise volonté ou de
grossièreté, on les avertira qu'ils s'expo-
sent à des poursuites correctionnelles et
qu'on les fera arrêter si on les retrouve en-
core mendiant.
6° On agira de même à l'égard des adultes
exploitant des enfants en bas âge.
Les communications sont adressées à M.
Georges Dumas, secrétaire du comité pro-
visoire, 47, rue Gay-Lussac.
Les organisateurs de cette société ont le
plus grand espoir de réussir. Ce n'est, di-
sent-ils, qu'une question de nombre et d'or-
ganisation; ce n'est même pas une question
d'argent. L'argent n'a jamais manqué aux
œuvres de bienfaisance et aujourd'hui
moins que jamais. Il suffira de constituer
un réseau assez étendu pour que — l'opi-
nion publique aidant — on ne tolère plus
nulle part dans Paris ce spectacle humiliant
de pauvres petits enfants que l'on presse,
sous les yeux du public, à la paresse et au
vagabondage.
FERNÀND LEFÈVRE.
onw-- -
EXPLOSION DE L' « EQUATEUR »
MORTS ET BLESSÉS
-
! On nous télégraphie :
Bordeaux, 17 janvier.
Une explosion vient de se produire à
bord du paquebot des Messageries mariti-
times, Equateur, dans le trajet de Pauillao
à Bordeaux.
Le paquebot Equateur était arrivé ca
matin, vers onze heures, en rade da
Pauillac.
Après les formalités d'usage, il se remit'
en route vers midi pour remonter à Bor-
deaux. Il marchait, ayant à son côté un
bateau de la compagnie Gironde-et-Garonne
sur lequel il débarquait les passagers et
les petits colis.
Ver3 deux heures, au moment où l'on
procédait, dans la soute des groups, au
déchargement des petits colis, il se pro-
duisitune explosion formidable qui ébraula
tout le navire.
La soute des groups fut défoncée, ainsi
que la cabine du commissaire et celle du
maître d'hôtel.
Les cloisons de la batterie et le faux
pont en plaques de fonte de plusieurs
millimètres d'épaisseur ont été coupés
et tordus. Tout est ouvert en grand à la
coupée.
Malheureusement, plusieurs hommes sa
trouvaient occupés au déchargement des
petits colis. Deux d'entre eux, les matelots
Baude et Chevert, ont été tués sur le coup.
Un troisième, qui a eu la figure entière-
ment déchiquetée, ne survivra peut-être
pas à ses blessures. Un quatrième a été
moins grièvement blessé.
L'explosion paraît due à la dynamite.
Comment se trouvait-elle à bord ? C'est ce
que l'enquête menée très vigoureusement
par M. Ortillo, commissaire spécial du port
et des gares, démontrera peut-être.
L'explosion paraît s'être produite au mo-
ment où Chevert maniait un colis contenant
des plumes d'autruche, car une quantité
considérable de ces plumes sont répandue?
dans la partie du navire où l'explosion s'est
produite.
- Quantité d'autres colis de plumes d'oi"
seaux naturalisés, etc., gisent pêle-mêle
dans la batterie.
La commotion a été tellement violente
que des vitrages très épais., jusqu'à la
chambre des machines située à une assez
grande distance, ont été réduits en miettes.
A quatre heures, les cadavres des
deux victimes ont été transportés à la.
Morgue.
Un des blessés a été porlés à l'hôpital,
l'autre à son domicile.
De nombreux curieux stationnent sur le
quai Carnot où VEquateur est amarré.
e i
LES OFFICES MINISTÉRIELS
La révolution a fait son entrée au
Palais. Les gens de robe ne sont plus
reconnaissables. La grande salle des
Pas-Perdus, aux voûtes sonores, ne re-
tentit que de leurs imprécations. Le nom
de M. Antonin Dubost, garde des sceaux,
sort de toutes les bouches accompagné
d'épithètes peu flatteuses. Voyez-vous ce
singulier ministre de la justice qui affiche
la ridicule prétention de vouloir reviser
le code de procédure civile, réduire les
frais de justice et supprimer les avoués
et les huissiers? Et, dit-on encore, il faut
bien croire que la chose est vraie, puis-
que depuis deux ou trois jours qu'elle a
été annoncée, le garde des sceaux n'a
pas publié de démenti.
Vous sentez toute la colère qui fer-
mente sous les toques de ces ruineux
intermédiaires habitués à vivre large-
ment sur le dos des plaideurs. Aussi
bien, se préparent-ils déjà à une résis-
tance désespérée. Ils consultent des
textes, remontent aux premiers temps
du droit français, déclarent monstrueuse
l'intention du ministre, et affirment bel-
lement qu'ils auraient droit à des dom-
mages-intérêts en plus de l'indemnité
Feuilleton du RAPPEL
DU 19 JANVIER
In
UNE
FAMILLE TRiGIOUI
DEUXIÈME PARTIE
LE PÈRE
CHAPITRE II
Un charmant vieillard. — (Suite)
La compagnie de Brin-de-Mousse était
donc pour Aline une vraie distraction de
tous les instants. Il la suivait grave-
ment, dans le parc, portant la queue de
la robe de sa dame avec une dignité
imperturbable. Présent au déjeuner et
au souper, il se tenait derrière la chaise
de la châtelaine, animant de son bavar-
dage comique la causerie des deux
repas—qu'Aline,en prenant place devant
son assiette, ouvrait invariablement par
cette phrase accompagnée d'un sourire :
— Ah! la rose de M. de Vissée!.
Bientôt ce ne fut plus seulement par
une, rose — toujours la plus belle et
quelquefois la seule du vieux parc aban-
donné — que M. de Vissée parut vouloir
se faire pardonner son absence au repas.
Un matin, Aline vif servir sur sa table,
cérémonieusement apportés par Pierre
dans' un bassin de vermeil et toujours
de la part du discret gentilhomme, des
Voir le Jiappel du 1" dworabiv au 18 jan-
vier.
fruits magnifiques ignorés du marché
primitif de la petite ville de Ganges.
Brin-de-Mousse ouvrit des yeux grands
comme sa bouche, à la vue de cette gra-
cieuse offrande gaîment saluée par Aline
qui s'écriait :
- • Fort bien, monsieur de Vissée !
nous passons de Flore à Pomone l
Un autre jour, Aline se piqua ses pe.
tits pieds, mal protégés par le satin de
ses mules, aux ronces d'une des avenues
de la châtaigneraie. Le lendemain,
comme elle descendait dans le parc, elle
trouva les allées sablées et Pierre le
râteau à la main — et, comme elle l'in-
terrogeait :
— J'exécute les ordres de M. de Vis-
sec, répondit-il.
Il fallait, lorsque la jeune femme avait
le caprice de se reposer sous les om-
brages, qu'elle envoyât Brin-de-Mousse
quérir un pliant dans sa chambre, et le
dénicheur d'oiseaux, oubliant ses fonc-
tions de page, s'attardait volontiers en
route à courir les papillons et ne se fai-
sait pas faute de reprendre le chemin du
château, non par les avenues, mais par
les buissons : — ce dont Mme Aline, un
soir à table, s'indigna très fort, se plai-
gnant de rentrer lasse de sa promenade
et cela par la négligence de M. Brin-de-
Mousse, lequel, pour toute réponse,
tournait son chapeau entre ses doigts.
Le lend.emaljp, Alitre aperçut de sa fe*,
nêtre des bancs rustiques disposés dans
le parc sur le cours de ses promenades
habituelles.
— Qui dois-je remercier? demanda-t-
elle à Pierre qui, debout derrière la
comtesse, semblait attendre cette ques-
tion.
— M. de Vissée, répondit le laquais.
La comtesse en vint à ne plus pouvoir
exprimer un désir qui ne fût immédia-
tement obéi; ses moindres fantaisies
étaient prévenues et exécutées à l'avance.
Elle voulut des livres et, bien que la
bibliothèque du château fût depuis long-
temps dépouillée, elle trouva un jour,
'dans sa chambre, soigneusement dispo-
sés sur les rayons d'une étagère de mar-
queterie, tout un choix de volumes ri-
chement reliés et, entre autres, un re-
cueil des plus précieuses estampes ra-
massées par l'abbé de Marolles et dont
l'exemplaire complet n'existait qu'à Ver-
sailles dans le cabinet du roi. Sur le pre-
mier feuillet de chaque ouvrage, une
dédicace à l'adresse de la comtesse et
d'une bonhomie toute paternelle, portait
la signature tremblante et sénile de M.
de Vissée.
En même temps, la domesticité du ma-
noir avait été mise sur un pied d'éti-
quette toute seigneuriale. Pierre était
devenu une sorte de chambellan qui eût
falthonneur au salon d'un prince du sang.
• La splendide livrée à galons de la mai-
son ds Ganges, exhumée des tiroirs, n'a-
yaiU§fi?,âi§ étéjoromenée dans les salles
du château avec plus de majesté. Le ser-
vice de Pierre était réglé dans tous ses
détails avec un cérémonial presque pom-
peux. Lorsque, par exemple, il arrivait
au château une lettre de M. le comte pour
Mme la comtesse, c'était tout un événe-
ment. La porte de la chambre où se trou-
vait la châtelaine devait s'ouvrir à deux
battants et Pierre, paraissant devant
Aline, lui présenter la lettre sur un car-
reau de velours après trois saluts dont
la lenteur eût parfois impatienté la com-
tesse, si elle n'eût craint d'offenser M. de
Vissée dans une de ses plus respectueu-
ses intentions. En outre, tous les jours,
au moment où Aline achevait son déjeu-
ner, Pierre lui demandait humblement
comment elle entendait employer son
temps, ajoutant que, quel que fût le bon
plaisir de Mme la comtesse, tout était
prêt pour la satisfaire.
— Si Aline voulait se promener en
voiture, en un clin d'œil le carrosse
était attelé ; si elle voulait prendre le di-
vertissement de la pêche, la vieille bar-
que de l'étang, décorée à neuf et coquet-
tement parée d'un tendelet de satin, at-
tendait la comtesse et Pierre paraissait
aussitôt les filets sur les bras ; si elle
voulait chasser sous bois, elle trouvait
dans son cabinet l'équipage d'usage, la
robe à corsage galonné d'or, le feutre à
plumes et le fouet ; son cheval Cyclope,
harnaché et sellé d'une housse de bro-
eart. l'attendait devant le pqrron, avec
le page Brin-de-Mousse tout joyeux et
tout fier de pouvoir se présenter devant
sa dame dans ses nobles attributions de
varlet, ayant au poing, non plus un
hibou, mais un faucon.
Quant à M. de Vissée — évidemment
l'ordonnateur des plaisirs de la comtesse
— il était toujours confiné dans ses
appartements et ne donnait pas signe de
vie.
A peine Aline apercevait-elle de temps
à autre, à différentes heures du jour,
tantôt au bout de la pelouse, tantôt sur
le bord de la.pièce d'eau, une forme hu-
maine vêtue de noir, au pas grave et
fatigué, péniblement appuyée sur une
longue canne — qui suivait lentement
quelque allée solitaire, regardait un mo-
ment le château, puis s'éloignait et dis-
paraissait comme une ombre à travers
le parc.
Cette réserve et ce silence, joints à
toutes les marques de sollicitude que lui
donnait journellement M. de Vissée,
touchèrent singulièrement la comtesse.
Elle voulut remercier et en même temps
apprivoiser un peu cet hôte à la fois si
courtois et si sauvage et le fit supplier
de partager avec elle les repas du châ-
teau. M. de Vissée renouvela, mais cette
fois par écrit, ses excuses et ses regrets,
priant de nouveau la comtesse de ne se
point offenser de ses manies et de per-
mettre qu'il ne la fatiguât point de la
déplaisante cMpagçûp dit SAS jRbev$Ji*-
blancs. — Il était, disait-il, bien peu au
courant du beau langage et des belles
manières depuis tant d'années qu'il avait
renoncé au monde; il ignorait le ton e4i
jour; il avaitperdu l'enjouement des gais
repas et ce serait assurément pour la com-
tesse une société de peu de prix que cello
d'un vieillard perclus de rhumatismes et
de goutte qui ne savait plus que hocher
la tête, faire des sermons, donner de la
patoche à l'esprit du temps et passer ses
journées entre le psautier et la Bible.
Tout ce qu'il désirait, c'était que la com-
tesse de Cazilhac lui accordât les licen-
ces de galanterie bénévole réservées au&
vieux gentilshommes et voulût bien
l'autoriser à lui continuer ses soins.
C'était, ajoutait-il, pour son ancienne
amitié une bonne fortune qV, le capi-
taine Christian, auquel il était aff ec.
tionné comme à un fils, lui eût confié les
fonctions paternelles qu'il s'efforçait de
remplir auprès de la comtesse; son com-
merce de longue date avec la famille
l'ayant maintes fois appelé à Ganges, il
en connaissait, mieux que personne, les
ressources et les êtres et se ferait bien
volontiers une étude et un plaisir do
rechercher, parmi les débris de l'an-
cienne opulence du château, tout ce qui
pourrait agréer à la noble châtelaine et
lui rendre plus supportables la solitude
et l'absence de son mari.
CHARLES HUGO.
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