Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-06-10
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 juin 1891 10 juin 1891
Description : 1891/06/10 (N7761). 1891/06/10 (N7761).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7540879v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
- - M® 7781 — MerewxB 16 Juin 1891
CINQ centimes , le numéro
22 Prairialau W-lT Wi
IŒDACTION
18, RUE DE VALOIS, 18
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION
De 4 à 6 heures du soir
Et de 9 heures du soir à minuit
LES MANUSCRITS NON INSÉRÉS NB SERONT PAS RBNDUS
ADMINISTRATION
| JJ -" ',8
1%: 1 -' i & -,Z- ~, -V
| I r î lettrts et mandats
yjSTRy|B¥R-G É R ANT
ANNOME p
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
PARIS
UN MOIS 2 FB.
TROIS MOIS » 5 —
SIX MOIS. 9 TR.
UN AN 18 —
Rédacteur en chef : AUGUSTE VÀCQUERIE
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS 6 —
SIX MOIS 11 FR.
UN AN.,. 20 —
PROPOS DE TABLE
On avait annoncé un grand discours
du nouvel intendant du comte de Paris.
C'est, en effet, un grand discours, et
même un très grand, que vient de pro-
noncer M. d'Haussonville, si la gran-
deur des discours se mesure à leur lon-
gueur. La harangue qu'ont entendue
les banqueteurs du restaurant Lemar-
delay ne couvre pas moins de cinq co-
lonnes du Soleil, en petit texte.
Si vous cherchez dans cette intermi-
nable élucubration un programme net-
tement arrêté, vous ne l'y trouverez
pas.
Des injures à la République tant que
vous en voudrez. « La France s'est im-
prudemment donnée » (ah ! on con-
vient que c'est la France qui a voulu la
République?) « à une forme de gou-
vernement contraire à ses traditions, à
son tempérament, à son génie. » -
« La France est en proie à la même
crise morale et politique qu'elle traver-
sait au temps des intrigues et des cor-
o ruptions du Directoire, état dangereux
qui explique et peut-être excuse Bru-
maire. » A défaut d'un Bonaparte,
l'homme du comte de Paris invoque
« celui que l'Ecriture appelle le Dieu
vengeur » «
Sur quoi, M. d'Haussonville a dé-
claré que la République avait supprimé
toutes les libertés.
Quant au programme, il est fait de
contradictions. Il divise les royalistes
3n « parlementaires » et en « mili-
tants ». Les parlementaires, c'est-à-dire
les députés, doivent faire « leur métier
d'opposition M, mais « perdraient leur
temps à soulever devant une Assem-
blée législative et non constituante la
question de monarchie ». Au contraire,
les militants, c'est-à-dire les électeurs,
« doivent rappeler sans cesse cette
question au pays ». Ils ne doivent pas
« reculer devant le vrai mot : Il faut
un roi! » Ils doivent être sans cesse
« monarchistes à bouche ouverte et à
drapeau déployé ». Sans cesse ? Ah!
excepté à la veille des élections.
— « Il ne s'agit pas de rompre le
faisceau des forces honnêtes de la
France, qui doivent au contraire, et
plus que jamais se serrer les unes
contre les autres; il ne s'agit pas de
dénoncer à l'avance, avec une mal-
adresse intempestive, ces alliances élec-
torales qui demeurent toujours le droit
et qui sont parfois la nécessité des mi-
norités opprimées. »
En termes plus clairs, les candidats
royalistes continueront de ne pas s'a-
vouer royalistes, de se confondre avec
Jles bonapartistes, de se présenter sous
île masque commun de conservateurs,
de mettre leur drapeau dans leur
; poche. Telle est la politique de la
bouche ouverte et du drapeau déployé.
Ce qui caractérise le manifeste roya-
liste, après l'incohérence du programme,
c'est le profond découragement qu'il
trahit. Il finit sans doute par l'espoir que
les choses changeront, que « l'agitation
aujourd'hui apaisée et comme endormie
se réveillera demain ». — « Elle sera
réveillée par tel ou tel incident, peut-
être misérable, que ni vous ni moi ne
pouvons prévoir. » Le jour où l'incident
misérable que personne ne peut prévoir
se produira, « la France, en un irré-
sistible élan, se donnera au plus digne
et au plus hardi ». Le plus hardi, c'est
le petit duc qui a eu la hardiesse de
mettre une perruque et des favoris en
carnaval et de venir s'exposer au sup-
plice des perdreaux truffés et des as-
perges en branches. Le plus digne est
le prince qui est allé au Canada féliciter
des Français d'avoir été arrachés à la
France.
Ce beau jour ne semble pas être en-
core venu, car le manifeste manque de
gaieté : -r- « Monseigneur le comte de
Paris m'a confié la lourde tâche de
rendre à notre parti quelque chose de
cette ardeur et de cette foi qui permet
de triompher des difficultés du présent M.
Si le comte de Paris a chargé M. d'Haus-
sonville de « rendre » au parti l'ardeur I
et la foi, c'est donc que le parti les a
perdues. Et le comte de Paris ne de-
mande pas au comte d'Haussonville de
les rendre tout entières ; il ne lui de-
mande que d'en rendre « quelque
chose M. Et M. d'Haussonville trouve
déjà la tâche « lourde ».
Je serais porté à croire que l'audi-
toire,
l'œil morne et la tête baissée,
Semblait se conformer à la triste pensée <..
de l'orateur, car je lis dans le discours :
— « Jeunes gens, défiez-vous de cette
funeste disposition que l'on appelait au
commencement du siècle la mélancolie
et qu'on appelle aujourd'hui le pessi-
misme. Je ne méconnais pas ce qu'il y
a de noble dans cette tristesse qui vous
envahit; mais sachez croire ! Je sais
bien que c'est au dévouement que je
vous convie ; mais ce ne serait pas beau
d'abandonner une cause un soir de dé-
faite. »
Cet appel a trouvé un écho. Pour
consoler M. d'Haussonville, un jeune
avocat s'est assimilé à Jeanne d'Arc :
— « Comme cette fille des champs que
quatre siècles ont grandie et dont la fin
du nôtre célèbre l'apothéose, nous
jeunes hommes. Vous nous avez crus
découragés. En temps de guerre et au
soir d'une longue étape, les troupes les
meilleures éprouvent quelque lassi-
tude. Mais voici que le clairon résonne,
on signale la présence de l'ennemi ; les
fatigues disparaissent. Votre parole est
ce coup de clairon, monsieur le comte
d'Haussonville. »
Ainsi discouraient entre eux les restes
du parti royaliste pendant que la pluie
battait les vitres du restaurant d'où il
ne sortira pas une restauration. Et
pourquoi diable M. d'Haussonville a-t-il
rappelé dans son discours cette phrase
d'un ancien ministre de la République:
— Regardons tomber la pluie et
pourrir la monarchie.
AUGUSTE VACQUERIE.
———— *0 1&
COULISSES DES CHAMBRES
L'ADMINISTRATION ALGERIENNE
M. Cambon, le nouveau gouverneur gé-
néral de l'Algérie, doit être entendu
demain par la commission sénatoriale qui
étudie les réformes à introduire dans
l'administration algérienne.
La commission entendra ensuite les
préfets des trois départements algériens, le
procureur général près la cour d'Alger et
un certain nombre d'autres fonctionnaires
importants.
X
ABROGATION DE LA LOI DU 30 JUILLET 1873
M. Dumay et un grand nombre de ses
collègues républicains, soit de la députa-
tion de Paris, soit de celle des départe-
ments, ont pris l'initiative d'une proposi-
tion tendant à abroger la loi dû 30 juillet
1873 qui a déclaré d'utilité publique la
construction de l'église du Sacré-Cœur de
Montmartre.
D'autre part, M. Baudin doit interpeller
le ministre de l'intérieur sur l'attitude de
la police à l'égard des manifestants qui
ont voulu protester dimanche à Mont-
martre contre les démonstrations cléri-
cales qui ont eu lieu à l'église du Sacré-
Cœur.. -
X
MAGASINS D'APPROVISIONNEMENT POUR LES
PLACES FORTES
Le ministre de la guerre vient de dépo-
ser à la Chambre un projet de loi ayant
pour objet d'autoriser l'acquisition par
l'Etat des magasins servant au logement
d'approvisionnements de subsistances mi-
litaires dans les places de Troyes, Epinal,
Neufchâteau, Tout, Verdun, Reims, Vitry-
le-François, camp de Châlons, Chaumont
et Nevers.
Le prix d'acquisition est évalué à 3 mil-
lions et serait payé en quinze annuités de
280,000 francs environ.
Voici pour quelles raisons ce projet de
loi a été déposé.
Les marchés en cours pour l'entretien
des approvisionnements en denrées des
dix places précitées expirent le 10 août
prochain.
- Aux termes du cahier des charges régis-
sant ces marchés, les magasins où les ap-
provisionnements sont logés et qui appar-
tiennent aux entrepreneurs doivent ou
bien être acquis par les successeurs de ces
derniers, à charge de rembourser dans un
délai de vingt-cinq jours la valeur estima-
tive des immeubles, ou bien être achetés
par l'administration militaire avec faculté
de payements au moyen d'annuités.
L'obligation, pour les nouveaux entre-
preneurs, d'acquérir les magasins et de
désintéresser les propriétaires dans le
délai indiqué, serait de nature à peser
lourdement sur les adjudications qui au-
ront lieu pour assurer l'entretien des ap-
provisionnements à partir du 10 août 1891
et à limiter la concurrence; il convient
d'écarter cette solution comme susceptible
d'entraîner des conséquences trop oné-
reuses pour le Trésor.
D'un autre côté, les entrepreneurs ac-
tuels n'ont pas consenti àlouer simplement
leurs magasins à l'administration militaire,
et la construction de nouveaux bâtiments
exigerait des crédits trop considérables.
En outre, l'Etat est dès à présent pro-
priétaire des raccordements qui relient la
plupart des magasins en question aux
voies ferrées et dont l'établissement a
coûté une somme totale d'environ 550,000
francs.
Il y a donc tout avantage à donner la
préférence au rachat des magasins, avec
payement par annuités, d'autant plus que
l'opération ne nécessitera pas l'allocation
de nouveaux crédits.
X
OÊPOT D'UN PROJET OE LOI
PAR LE MINISTRE DE LA GUERRE
Signalons un autre projet de loi inté-
ressant dont la Chambre vient d'être saisie
par le ministre de la guerre.
Ce projet a pour but d'ouvrir dès
maintenant un crédit de 1,400,000 fr. —
à valoir sur le produit de la vente d'im-
meubles militaires devenus inutiles. Ces
1,400,000 fr. sont destinés à entreprendre
à bref délai divers travaux reconnus ur-
gents, notamment les premières amélio-
rations et extensions indispensables de
l'éco'e Saint-Cyr et le commencement de
l'installation à l'hôtel des Invalides du
gouverneur militaire et des services de la
place de Paris.
Demain mercredi paraîtra, chez
Hetzel et Quantin, le nouveau volume
de Victor Hugo, DIEU.
Le Rappel en publiera, dans son
numéro de demain, un des principaux
poèmes,
LA - GOUTTE - D'EAU
LES EMPLOYÉS MEMDE FER
L'agence Havas nous communique la
note suivante :
Une délégation du syndicat des employés de
chemins de fer s'est présentée à la compagnie
d'Orléans. Elle a été immédiatement reçue par
le directeur de la compagnie et l'a entretenu
des deux questions soulevées dans la réunion
ti'hier :
1° Reconnaissance des syndicats par les
compagnies;
2° Réintégration des ouvriers congédiés par
la compagnie d'Orléans.
Sur le prentfér point, M. Heurteau leur a
répondu que l'existence des syndicats profes-
sionnels étant reconnue par une loi, la com-
pagnie entend respecter la loi, et, par consé-
quent, n'a jamais eu l'intention d'entraver le
fonctionnement des syndicats qui peuvent se
constituer dans son personnel, conformément
aux dispositions légales, pour l'étude et la dé-
fense des intérêts collectifs.
Quant au second point, M. Heurteau a con-
firmé qu'ainsi qu'il l'avait déclaré dès le pre-
mier jour, les ouvriers congédiés ne l'avaient
été que par suite du manque de travaux ; que,
fidèle à ses sentiments de bienveillance pour
son personnel, la compagnie a déjà replacé la
plupart des ouvriers congédiés dans les em-
plois disponibles des autres services.
Elle a pu également en aider un certain
nombre à se placer au dehors chez des four-
nisseurs de la compagnie. On peut espérer
que, d'ici peu, tous les ouvriers congédiés
auront ainsi retrouvé du travail.
———————————— ————————————
LES TRAMWAYS NORD ET SUD
On nous demande de rappeler que la
réunion générale des employés des tram-
ways Nord et Sud aura lieu la nuit pro-
chaine, à une heure du matin, salle de
l'Hôtel-Moderne, place de la République.
——————————— a.
LES EMPLOYÉS DES OMUSUS DE LONDRES
Nous recevons les dépêches suivantes :
, Londres, 7 juin.
La ville est absolument calme. Tous les em-
ployés de la Road Car Company ont adhéré à
la grève. Depuis midi, les omnibus ne circu-
lent plus, sauf un petit nombre appartenant à
des particuliers.
On dit que les directeurs de la Road Car
Company seraient disposés à accorder la fixa-
tion de la journée de travail à douze heures
si la Compagnie générale y consentait égale-
ment.
Londres, 8 juin.
Les journaux du matin publient une lettre
du secrétaire de la Compagnie générale des
omnibus, l'une des plus importantes de la
métropole.
Cette lettre explique qu'en introduisant le
système de billets pour contrôler les conduc-
teurs, la Compagnie a, en même temps, aug-
menté les salaires pour une somme totale de
46,000 livres sterling par an.
La réduction de la somme de travail à douze
heures constituerait une nouvelle charge de
50,000 livres par an, que la Compagnie ne
peut pas accepter.
Londres, 8 juin.
M. Suthurst, président de l'Union des em-
ployés d'omnibus, a eu une entrevue aujour-
d'hui avec les directeurs des deux compa-
gnies, auxquels il a formulé les revendications
des employés.
La décision des directeurs n'est pas encore
officiellement annoncée. On croit cependant
que la journée de douze heures sera accordée
probablement à partir du 13 juillet, mais les
compagnies refuseront le jour de congé tous
les quinze jours.
Les cochers recevront six shellings et six
pences par jour, et les conducteurs cinq shel-
lings.
Les compagnies refuseraient aussi de con-
gédier les hommes qui leur sont restés fi-
dèles.
Londres, 8 juin.
Chambre des communes (suite). — M. Mat-
thews dit, à propos de la grève des employés
de la Société des omnibus, que le ministère
de l'intérieur ne peut pas offrir sa médiation
entre les patrons et les employés. Le devoir
du ministère est d'empêcher que l'ordre ne'
soit troublé.
-— ■
A LA CHAMBRE
On renvoie à mercredi la discussion
d'une interpellation de M. Dumay sur les
mesures que le gouvernement compte
prendre à l'égard de la compagnie des
houillères de Monthieux, qui a cessé le
travail sans en prévenir ses ouvriers. Puis
on reprend les soies. La parole est à M. de
Fourtou.
Pourquoi le ministre du commerce n'a-
t-il pas jugé à propos de répondre au dis-
cours de M. Jamais? A quoi bon laisser se
prolonger indéfiniment cette discussion,
qui a déjà trop duré, puisque tout a été
dit pour ou contre, et que les orateurs se
trouvent condamnés forcément à d'inutiles
et fastidieuses redites? Enfin.
On a regardé avec une certaine curio-
sité M. de Fourtou. Ah ! l'ordre moral! le
gouvernement des curés r les gens qui
voulaient faire marcher la France!.., M.
de Fourtou! On se revoit au temps où les
républicains menaient contre la réaction
cette lutte ardente, généreuse, superbe,
qui s'est terminée par l'effondrement dé-
linitif des conspirateurs monarchistes.
J'avais vingt ans alors, j'étais soldat ; oh !
quelle anxiété lorsque, chuchoté d'oreille
en oreille, mystérieusement, dans les cor-
ridors de la caserne, le bruit courait que
l'ordre était donné de nous tenir prêts à
marcher sur Paris ! Du temps -s'e!.t passé
depuis lors; la République, triomphante,
dresse, au-dessus des orages, son front
vers le ciel. M. de Fourtou, lui, a vieilli.
Sa barbe et les cheveux qui lui restent
sont devenus gris ; il s'est voûté ; il a pris
l'aspect résigné dés ruines ; et siégeant
depuis deux ans au Parlement sans que
personne y ait encore remarqué sa pré-
sence, obscur, ignoré, il choisit pour faire
sa rentrée à la tribune la question des co-
cons.
Il n'a pas mal parlé. Il a défendu la
cause que nous soutenons ici. Il a combattu
le droit proposé sur les cocons et les soies
grèges. Dirai-je qu'il a démontré que ce
droit est impossible, que, sans profit pour
la sériciculture française, il ruinerait la
grande fabrique lyonnaise qui est une des
gloires de la patrie? J'éprouve quelque
difficulté à m'exprimer ainsi, car, en réa-
lité, cette démonstration a déjà été faite,
éloquemment et péremptoirement faite
par le rapporteur de la commission des
douanes, M. Jonnart. Je ne pense pas que
M. de Fourtou ait apporté un argument
nouveau ; il lui eût été, je crois, bien dif-
ficile, pour ne pas dire impossible de le
faire.
C'est M. de Ramel qui lui a répondu.
Cela, c'était inévitable. La députation du
Gard, on le sait, est panachée ; un député
républicain du Gard ayant défendu les
intérêts des sériciculteurs de la région, un
député réactionnaire du Gard ne pouvait
manquer de soutenir la même opinion.
M. de R imel n'est pas sans talent ; il parle
avec facilité vec une certaine chaleur
qui permet ae l'écouter sans ennui.
Mais il venait après M. Fougeirol et M. Ja-
mais ; la tâche très ingrate lui incombait
de refaire un discours déjà fait deux fois ;
il s'en est acquitté avec conscience. Mais
je crois agir de façon méritoire en passant
vite. Quand M. de Ramel a eu terminé,
comme il était six heures passées, on a
remis la suite à aujourd'hui.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
AU SÉNAT
Le Sénat a discuté hier la proposition
de loi, récemment votée par la Chambre
des députés, portant suspension d'une
partie des droits de douane établis sur les
blés et les farines de froment par la loi du
27 mars 1887. L'urgence a été déclarée
sans opposition. Puis un sénateur de
droite, M. Fresneau, a prononcé un long
discours pour demander le rejet de la
proposition.
M. Gouin, rapporteur, a répondu. On
sait que la commission sénatoriale a mo-
difié sur un point le texte adopté par la
Chambre, et demande que la loi soit appli-
cable dès sa promulgation. M. Vinet a
parlé dans le même sens que M. Fresneau.
M. Girault, au contraire, a soutenu les
conclusions de la commission. M. Le
Breton a développé, puis retiré un contre-
projet. Un amendement de M. Girault n'a
pas été pris en considération. Après une
assez énergique intervention du ministre
de l'agriculture, l'article 1er a été adopté
par 173 voix contre 86. L'article 2 n'a pas
rencontré d'opposition, et l'ensemble de la
loi a réuni 202 voix contre 49. - Séance
jeudi, à trois heures.
LES ON-DIT
Il pleut. Je regarde le calendrier et
je lis :
Lundi, 8 juin. Saint-Médard.
Voilà qui nous promet bien de l'agré-
ment.
O..
Les obsèques du général Sumpt auront
lieu aujourd'hui à midi, aux Invalides.
0 c- ib
L'Académie des sciences a procédé nier
lundi à l'élection d'un membre dans la
section de chimie, en remplacement de
M. Cahours, mort il y a quelques mois.
Les candidats étaient : En première
ligne, eX'Xquo,MM. Ed. Grimaux et Moisson;
en deuxième ligne, ex-aequo, MM. Ditte,
Jungfleisch et Lebel.
C'est M. Ed. Moisson qui a été élu par
35 voix sur 61 votants. M. Grimaux, pro-
fesseur à l'Ecole polytechnique, en a
obtenu 26.
, 0.0
Mon percepteur simpatiente. Il est au
bout de ses papiers multicolores, je seng
ça. Il sera prudent de lui porter quinze
francs dans un délai bref. Il acceptera, car
jamais il ne refuse de toucher un acompte,
mais je ne serai pas rentré chez moi que
recommencera l'envoi des pancartes blan-
ches, jaunes, bleues, vertes. Dame ! la
mi-juin, c'est presque le milieu de l'année,
je suis en retard.
Un de mes amis, vers cette époque,
évite encore de se fendre même de quel-
ques douzièmes, il préfère se précipiter
dans le bureau de la perception, bruyam-
ment, comme hors d'haleine.
Feuilleton du RAPPEL
DU 10 JUIN
30
LEONARD AUBRY
TROISIÈME PARTIE
PASSION
- 1 (suite)
La séance de pose avait dû être remise
jusqu'à la veille du jour de naissance de
Pierre. -
Marthe, assise dans un vieux fauteuil de
chêne, posait devant Natalis, établi, le
crayon à la main, sur une chaise basse, à
quatre pas d'elle.
, Il lui avait dit en commençant :
: - Tu te reposeras quand tu te sentiras
fatiguée, mais je te demande de ne pas
,nous parler. Pour que je puisse finir en
une seule séance, il ne faut pas que je
sois distrait dans ma besogne.
S Et, en effet, il fut tout entier à cette
contemplation périlleuse : suivre, caresser
du regard ces lignes harmonieuses, ces
formes jeunes et délicates, tous les dé-
tails de cette charmante beauté. Et l'ex-
i Reproduction interdite. '-:'
ù Voir te fipgpei du il mai &a 9 ioia. i f
pression qu'il fallait chercher et qu'il eut
bien vite saisie ! C'était une exquise, une
inaltérable pureté. Oui, dans la chasteté
intacte de cette âme, on sentait on ne sait
quoi d'ineffable qui n'avait pas été cueilli.
Et Natalis, troublé, se disait : Comme
après quatre mois de mariage elle est restée
virginale !
Trois heures passèrent dans cet enivre-
ment, le dessin s'acheva. Il posa son
crayon et dit :
— Voilà qui est à peu près fait.
— Voyons, dit Marthe.
Natalis lui remit le croquisNet se rassit,
la tête tournée vers elle, et la regardant
tandis qu'elle regardait le portrait :
— Oh ! dit-elle charmée, c'est bien mieux
que moi ! Et c'est moi pourtant, mais avec
quelque chose que je ne sais pas dire et
que tu as ajouté, — ton amitié, sans
doute.
— Tu es une enfant f on ne se connaît
pas, ma chérie. Moi je trouve que je ne
t'ai pas rendue encore telle que je te
vois.
— Vraiment! eh bien, tu m'apprends à
moi-même, dit-elle naïvement.
Elle ne se lassait pas de se contempler.
— Non, non, décidément je ne suis pas
si jolie que ça! C'est ton cœur, je te dis,
qui me voit en beau.
Il rapprocha sa chaise du fauteuil :
- Et toi, Marthe, dis-moi un peu, toi,
comment me vois-tu?
Elle le regarda et se mit à rire.
♦, Tu veux que je te fasse ton portrait.
en paroles? Mais, Natalis, je ne pourrais
pas. Je suis une simple, souviens-toi. Je
ne suis capable que de t'admirer. Tu as
un esprit supérieur, toi, et, si je veux te
voir, il faut que je lève bien haut mes
yeux. Eh bien, sais-tu, j'en suis contente.
Pourquoi? parce qu'en .même temps que
tu es bien grand à côté de moi, tu
te mets cependant à ma portée. C'est que
tu es très bon aussi, et très aimant. Devant
toi, je n'ai pas du tout honte de mon infé-
riorité. Je crois.que tu sais lire en moi les
choses que je ne sais pas dire. Enfin, il
me semble que j'étais née ta sœur et que
tu es bien mon frère.
— Mais pas ton meilleur ami, pourtant.
Tu disais, l'autre jour, que c'était Pierre.
— Oh ! loi aussi!. Seulement ce n'est
pas la même chose. Ah ! quel malheur de
ne pas trouver les mots !.. Ecoute, il est le
meilleur ami de ma vie, toi de mon cœur.
Natalis était palpitant. Elle, cependant,
lui disait ces choses tendres d'une voix
calme, avec une entière sérénité.
Elle avait toute sa présence d'esprit.
Jetant un coup d'œil sur le jardin :
— Ali! mon Dieu 1 voilà Marie! s'écria-
t-elle. J'y vais. Il ne faut pas qu'elle voie
le portrait.
Elle mit un baiser fraternel sur le front
de Natalis et sortit vivement.
Il était resté immobile, perdu dans ses
pensées.
— Eh bien, se demandait-il, y a-t-ii en
elle, y a-t-il dans son amitié quelque chose
aui ressemble à l'amour ? le n'en sais
toujours rien et je ne le crois pas. Elle est
bien sûre que non, elle. Je suis pour elle
son ami, son frère. Oui, mais c'est
qu'aussi elle doit s'ignorer, elle s'ignore !
Qu'est-ce que je dis ? elle ignore la vie et
l'amour même! Elle ne se doute pas qu'on
peut aimer d'amour sans le savoir. Elle se
doute encore moins, l'innocente, qu'on
peut aimer d'un amour défendu, aimer,
aimer d'amour le frère de son mari, aimer
d'amour la femme de son frère! Ah! il
faut que je trouve le moyen de le lui ap-
prendre ! Autrement je resterai à jamais
dans cette incertitude et dans cette anxié-
té. Sur quoi tabler avec cette ignorance?
Quel médecin peut penser à prévenir et à
guérir le mal latent que rien ne révèle?
Natalis, quand il rejoignit Marthe, la
retrouva souriante et gaie, et lui faisant à
la dérobée des petits signes d'intelligence.
— C'est insupportable, cette placidité 1
se disait-il avec impatience. Il faut abso-
lument qu'elle et moi nous voyions clair
en nous-mêmes !
Pierre fut ravi de la surprise du por-
trait. Il le montrait avec fierté à Gibou-
reau, qui maintenant ne se faisait plus
guère voir qu'au logement du premier.
— Natalis a fait ça en quelques heures
à son atelier, sans que je m'en sois seule-
ment douté, sans que personne s'en soit
douté !
— Oh ! M. Daniel Olry devait être dans
le secret, lui. Depuis que son ami demeure
dans la maison, M. Daniel ne doit plus en
bouger, hein ?
:
';
— Tu crois qu'il pense à Marie? Je le
croyais aussi, mais ils se disputent tou-
jours.
— En effet, s'il venait pour Marie, je
pense qu'il l'aurait déjà demandée en
mariage.
— Mais alors pour qui viendrait-il ? dit
Pierre.
II
Dès le lendemain du jour où il avait fait
le portrait de Marthe, Natalis avait an-
noncé, au déjeuner, qu'il allait se mettre
à un tableau de genre dont il avait trouvé
l'idée et qui lui prendrait trois ou quatre
semaines.
Marie lui demanda quel était son sujet,
il répondit en riant que c'était un secret
et qu'il ne voulait le dire à personne.
— Mais quand tu travailleras à ton ta-
bleau?
— Je m'enfermerai.
— Comment ! si Marthe et moi, ou ton
ami Daniel,' nous venons jaboter dans ton
atelier, tu nous renverras ?
— Non ; mais alors ma toile sera ca-
chée par un rideau.
— Et quand tu sortiras ?
— Je l'enfermerai dans le placard.
— En voilà des mystères ! Enfin, on le
verra bien un jour, ce tableau?
— Oui, mais seulement quand il sera
terminé. 1
— Et pourquoi ces précautions UtqCes,
monseigneur? ":' :
— Laisse donc ton frère tranquille,
Marie ! intervint Léonard. Qu'il travaille
comme il lui platt et dans les conditions
qu'il lui plaît, nous n'avons, nous, qu'à
respecter et son travail et son idée.
Natalis se mit à l'œuvre avec une ardeur
qu'il n'avait pas eue depuis son concours.
Il sortait rarement, il se levait de grand
matin, il travaillait sans relâche. Même le
soir, quand la famille était réunie, il
restait absorbé et distrait comme s'il avait
encore son tableau devant les yeux.
Il avait pris plaisir jusque-là à se mêler
aux vives escrimes d'esprit qu'engageaient
entre eux Daniel et Marie. C'était leur ha-
bitude de n'être jamais du même avis, de
prendre toujours le contre-pied de leurs
opinions réciproques, et de se harceler
sans cesse de moqueries et d'épigrammes,
courtoises dans la forme, mais souvent
assez aiguës.
Natalis d'ordinaire marquait les coups;
comme il disait, et s'amusait plutôt à
exciter les combattants qu'à les concilier,
devinant bien ce qu'il y avait au fond de
ces terribles querelles. Le dimanche qui
suivit la fête de Pierre, la bataille fut des
plus brillantes; Marie était en verve et
finit par mettre en déroute son adversaire
confondu. Natalis, lui, ne riait que da
bout des lèvres, et il ne prit cette fois
aucune part au combat.
PAUL MEUICB.
.rc. 1.,:.
é
CINQ centimes , le numéro
22 Prairialau W-lT Wi
IŒDACTION
18, RUE DE VALOIS, 18
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION
De 4 à 6 heures du soir
Et de 9 heures du soir à minuit
LES MANUSCRITS NON INSÉRÉS NB SERONT PAS RBNDUS
ADMINISTRATION
| JJ -" ',8
1%: 1 -' i & -,Z- ~, -V
| I r î lettrts et mandats
yjSTRy|B¥R-G É R ANT
ANNOME p
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
PARIS
UN MOIS 2 FB.
TROIS MOIS » 5 —
SIX MOIS. 9 TR.
UN AN 18 —
Rédacteur en chef : AUGUSTE VÀCQUERIE
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS 6 —
SIX MOIS 11 FR.
UN AN.,. 20 —
PROPOS DE TABLE
On avait annoncé un grand discours
du nouvel intendant du comte de Paris.
C'est, en effet, un grand discours, et
même un très grand, que vient de pro-
noncer M. d'Haussonville, si la gran-
deur des discours se mesure à leur lon-
gueur. La harangue qu'ont entendue
les banqueteurs du restaurant Lemar-
delay ne couvre pas moins de cinq co-
lonnes du Soleil, en petit texte.
Si vous cherchez dans cette intermi-
nable élucubration un programme net-
tement arrêté, vous ne l'y trouverez
pas.
Des injures à la République tant que
vous en voudrez. « La France s'est im-
prudemment donnée » (ah ! on con-
vient que c'est la France qui a voulu la
République?) « à une forme de gou-
vernement contraire à ses traditions, à
son tempérament, à son génie. » -
« La France est en proie à la même
crise morale et politique qu'elle traver-
sait au temps des intrigues et des cor-
o ruptions du Directoire, état dangereux
qui explique et peut-être excuse Bru-
maire. » A défaut d'un Bonaparte,
l'homme du comte de Paris invoque
« celui que l'Ecriture appelle le Dieu
vengeur » «
Sur quoi, M. d'Haussonville a dé-
claré que la République avait supprimé
toutes les libertés.
Quant au programme, il est fait de
contradictions. Il divise les royalistes
3n « parlementaires » et en « mili-
tants ». Les parlementaires, c'est-à-dire
les députés, doivent faire « leur métier
d'opposition M, mais « perdraient leur
temps à soulever devant une Assem-
blée législative et non constituante la
question de monarchie ». Au contraire,
les militants, c'est-à-dire les électeurs,
« doivent rappeler sans cesse cette
question au pays ». Ils ne doivent pas
« reculer devant le vrai mot : Il faut
un roi! » Ils doivent être sans cesse
« monarchistes à bouche ouverte et à
drapeau déployé ». Sans cesse ? Ah!
excepté à la veille des élections.
— « Il ne s'agit pas de rompre le
faisceau des forces honnêtes de la
France, qui doivent au contraire, et
plus que jamais se serrer les unes
contre les autres; il ne s'agit pas de
dénoncer à l'avance, avec une mal-
adresse intempestive, ces alliances élec-
torales qui demeurent toujours le droit
et qui sont parfois la nécessité des mi-
norités opprimées. »
En termes plus clairs, les candidats
royalistes continueront de ne pas s'a-
vouer royalistes, de se confondre avec
Jles bonapartistes, de se présenter sous
île masque commun de conservateurs,
de mettre leur drapeau dans leur
; poche. Telle est la politique de la
bouche ouverte et du drapeau déployé.
Ce qui caractérise le manifeste roya-
liste, après l'incohérence du programme,
c'est le profond découragement qu'il
trahit. Il finit sans doute par l'espoir que
les choses changeront, que « l'agitation
aujourd'hui apaisée et comme endormie
se réveillera demain ». — « Elle sera
réveillée par tel ou tel incident, peut-
être misérable, que ni vous ni moi ne
pouvons prévoir. » Le jour où l'incident
misérable que personne ne peut prévoir
se produira, « la France, en un irré-
sistible élan, se donnera au plus digne
et au plus hardi ». Le plus hardi, c'est
le petit duc qui a eu la hardiesse de
mettre une perruque et des favoris en
carnaval et de venir s'exposer au sup-
plice des perdreaux truffés et des as-
perges en branches. Le plus digne est
le prince qui est allé au Canada féliciter
des Français d'avoir été arrachés à la
France.
Ce beau jour ne semble pas être en-
core venu, car le manifeste manque de
gaieté : -r- « Monseigneur le comte de
Paris m'a confié la lourde tâche de
rendre à notre parti quelque chose de
cette ardeur et de cette foi qui permet
de triompher des difficultés du présent M.
Si le comte de Paris a chargé M. d'Haus-
sonville de « rendre » au parti l'ardeur I
et la foi, c'est donc que le parti les a
perdues. Et le comte de Paris ne de-
mande pas au comte d'Haussonville de
les rendre tout entières ; il ne lui de-
mande que d'en rendre « quelque
chose M. Et M. d'Haussonville trouve
déjà la tâche « lourde ».
Je serais porté à croire que l'audi-
toire,
l'œil morne et la tête baissée,
Semblait se conformer à la triste pensée <..
de l'orateur, car je lis dans le discours :
— « Jeunes gens, défiez-vous de cette
funeste disposition que l'on appelait au
commencement du siècle la mélancolie
et qu'on appelle aujourd'hui le pessi-
misme. Je ne méconnais pas ce qu'il y
a de noble dans cette tristesse qui vous
envahit; mais sachez croire ! Je sais
bien que c'est au dévouement que je
vous convie ; mais ce ne serait pas beau
d'abandonner une cause un soir de dé-
faite. »
Cet appel a trouvé un écho. Pour
consoler M. d'Haussonville, un jeune
avocat s'est assimilé à Jeanne d'Arc :
— « Comme cette fille des champs que
quatre siècles ont grandie et dont la fin
du nôtre célèbre l'apothéose, nous
jeunes hommes. Vous nous avez crus
découragés. En temps de guerre et au
soir d'une longue étape, les troupes les
meilleures éprouvent quelque lassi-
tude. Mais voici que le clairon résonne,
on signale la présence de l'ennemi ; les
fatigues disparaissent. Votre parole est
ce coup de clairon, monsieur le comte
d'Haussonville. »
Ainsi discouraient entre eux les restes
du parti royaliste pendant que la pluie
battait les vitres du restaurant d'où il
ne sortira pas une restauration. Et
pourquoi diable M. d'Haussonville a-t-il
rappelé dans son discours cette phrase
d'un ancien ministre de la République:
— Regardons tomber la pluie et
pourrir la monarchie.
AUGUSTE VACQUERIE.
———— *0 1&
COULISSES DES CHAMBRES
L'ADMINISTRATION ALGERIENNE
M. Cambon, le nouveau gouverneur gé-
néral de l'Algérie, doit être entendu
demain par la commission sénatoriale qui
étudie les réformes à introduire dans
l'administration algérienne.
La commission entendra ensuite les
préfets des trois départements algériens, le
procureur général près la cour d'Alger et
un certain nombre d'autres fonctionnaires
importants.
X
ABROGATION DE LA LOI DU 30 JUILLET 1873
M. Dumay et un grand nombre de ses
collègues républicains, soit de la députa-
tion de Paris, soit de celle des départe-
ments, ont pris l'initiative d'une proposi-
tion tendant à abroger la loi dû 30 juillet
1873 qui a déclaré d'utilité publique la
construction de l'église du Sacré-Cœur de
Montmartre.
D'autre part, M. Baudin doit interpeller
le ministre de l'intérieur sur l'attitude de
la police à l'égard des manifestants qui
ont voulu protester dimanche à Mont-
martre contre les démonstrations cléri-
cales qui ont eu lieu à l'église du Sacré-
Cœur.. -
X
MAGASINS D'APPROVISIONNEMENT POUR LES
PLACES FORTES
Le ministre de la guerre vient de dépo-
ser à la Chambre un projet de loi ayant
pour objet d'autoriser l'acquisition par
l'Etat des magasins servant au logement
d'approvisionnements de subsistances mi-
litaires dans les places de Troyes, Epinal,
Neufchâteau, Tout, Verdun, Reims, Vitry-
le-François, camp de Châlons, Chaumont
et Nevers.
Le prix d'acquisition est évalué à 3 mil-
lions et serait payé en quinze annuités de
280,000 francs environ.
Voici pour quelles raisons ce projet de
loi a été déposé.
Les marchés en cours pour l'entretien
des approvisionnements en denrées des
dix places précitées expirent le 10 août
prochain.
- Aux termes du cahier des charges régis-
sant ces marchés, les magasins où les ap-
provisionnements sont logés et qui appar-
tiennent aux entrepreneurs doivent ou
bien être acquis par les successeurs de ces
derniers, à charge de rembourser dans un
délai de vingt-cinq jours la valeur estima-
tive des immeubles, ou bien être achetés
par l'administration militaire avec faculté
de payements au moyen d'annuités.
L'obligation, pour les nouveaux entre-
preneurs, d'acquérir les magasins et de
désintéresser les propriétaires dans le
délai indiqué, serait de nature à peser
lourdement sur les adjudications qui au-
ront lieu pour assurer l'entretien des ap-
provisionnements à partir du 10 août 1891
et à limiter la concurrence; il convient
d'écarter cette solution comme susceptible
d'entraîner des conséquences trop oné-
reuses pour le Trésor.
D'un autre côté, les entrepreneurs ac-
tuels n'ont pas consenti àlouer simplement
leurs magasins à l'administration militaire,
et la construction de nouveaux bâtiments
exigerait des crédits trop considérables.
En outre, l'Etat est dès à présent pro-
priétaire des raccordements qui relient la
plupart des magasins en question aux
voies ferrées et dont l'établissement a
coûté une somme totale d'environ 550,000
francs.
Il y a donc tout avantage à donner la
préférence au rachat des magasins, avec
payement par annuités, d'autant plus que
l'opération ne nécessitera pas l'allocation
de nouveaux crédits.
X
OÊPOT D'UN PROJET OE LOI
PAR LE MINISTRE DE LA GUERRE
Signalons un autre projet de loi inté-
ressant dont la Chambre vient d'être saisie
par le ministre de la guerre.
Ce projet a pour but d'ouvrir dès
maintenant un crédit de 1,400,000 fr. —
à valoir sur le produit de la vente d'im-
meubles militaires devenus inutiles. Ces
1,400,000 fr. sont destinés à entreprendre
à bref délai divers travaux reconnus ur-
gents, notamment les premières amélio-
rations et extensions indispensables de
l'éco'e Saint-Cyr et le commencement de
l'installation à l'hôtel des Invalides du
gouverneur militaire et des services de la
place de Paris.
Demain mercredi paraîtra, chez
Hetzel et Quantin, le nouveau volume
de Victor Hugo, DIEU.
Le Rappel en publiera, dans son
numéro de demain, un des principaux
poèmes,
LA - GOUTTE - D'EAU
LES EMPLOYÉS MEMDE FER
L'agence Havas nous communique la
note suivante :
Une délégation du syndicat des employés de
chemins de fer s'est présentée à la compagnie
d'Orléans. Elle a été immédiatement reçue par
le directeur de la compagnie et l'a entretenu
des deux questions soulevées dans la réunion
ti'hier :
1° Reconnaissance des syndicats par les
compagnies;
2° Réintégration des ouvriers congédiés par
la compagnie d'Orléans.
Sur le prentfér point, M. Heurteau leur a
répondu que l'existence des syndicats profes-
sionnels étant reconnue par une loi, la com-
pagnie entend respecter la loi, et, par consé-
quent, n'a jamais eu l'intention d'entraver le
fonctionnement des syndicats qui peuvent se
constituer dans son personnel, conformément
aux dispositions légales, pour l'étude et la dé-
fense des intérêts collectifs.
Quant au second point, M. Heurteau a con-
firmé qu'ainsi qu'il l'avait déclaré dès le pre-
mier jour, les ouvriers congédiés ne l'avaient
été que par suite du manque de travaux ; que,
fidèle à ses sentiments de bienveillance pour
son personnel, la compagnie a déjà replacé la
plupart des ouvriers congédiés dans les em-
plois disponibles des autres services.
Elle a pu également en aider un certain
nombre à se placer au dehors chez des four-
nisseurs de la compagnie. On peut espérer
que, d'ici peu, tous les ouvriers congédiés
auront ainsi retrouvé du travail.
———————————— ————————————
LES TRAMWAYS NORD ET SUD
On nous demande de rappeler que la
réunion générale des employés des tram-
ways Nord et Sud aura lieu la nuit pro-
chaine, à une heure du matin, salle de
l'Hôtel-Moderne, place de la République.
——————————— a.
LES EMPLOYÉS DES OMUSUS DE LONDRES
Nous recevons les dépêches suivantes :
, Londres, 7 juin.
La ville est absolument calme. Tous les em-
ployés de la Road Car Company ont adhéré à
la grève. Depuis midi, les omnibus ne circu-
lent plus, sauf un petit nombre appartenant à
des particuliers.
On dit que les directeurs de la Road Car
Company seraient disposés à accorder la fixa-
tion de la journée de travail à douze heures
si la Compagnie générale y consentait égale-
ment.
Londres, 8 juin.
Les journaux du matin publient une lettre
du secrétaire de la Compagnie générale des
omnibus, l'une des plus importantes de la
métropole.
Cette lettre explique qu'en introduisant le
système de billets pour contrôler les conduc-
teurs, la Compagnie a, en même temps, aug-
menté les salaires pour une somme totale de
46,000 livres sterling par an.
La réduction de la somme de travail à douze
heures constituerait une nouvelle charge de
50,000 livres par an, que la Compagnie ne
peut pas accepter.
Londres, 8 juin.
M. Suthurst, président de l'Union des em-
ployés d'omnibus, a eu une entrevue aujour-
d'hui avec les directeurs des deux compa-
gnies, auxquels il a formulé les revendications
des employés.
La décision des directeurs n'est pas encore
officiellement annoncée. On croit cependant
que la journée de douze heures sera accordée
probablement à partir du 13 juillet, mais les
compagnies refuseront le jour de congé tous
les quinze jours.
Les cochers recevront six shellings et six
pences par jour, et les conducteurs cinq shel-
lings.
Les compagnies refuseraient aussi de con-
gédier les hommes qui leur sont restés fi-
dèles.
Londres, 8 juin.
Chambre des communes (suite). — M. Mat-
thews dit, à propos de la grève des employés
de la Société des omnibus, que le ministère
de l'intérieur ne peut pas offrir sa médiation
entre les patrons et les employés. Le devoir
du ministère est d'empêcher que l'ordre ne'
soit troublé.
-— ■
A LA CHAMBRE
On renvoie à mercredi la discussion
d'une interpellation de M. Dumay sur les
mesures que le gouvernement compte
prendre à l'égard de la compagnie des
houillères de Monthieux, qui a cessé le
travail sans en prévenir ses ouvriers. Puis
on reprend les soies. La parole est à M. de
Fourtou.
Pourquoi le ministre du commerce n'a-
t-il pas jugé à propos de répondre au dis-
cours de M. Jamais? A quoi bon laisser se
prolonger indéfiniment cette discussion,
qui a déjà trop duré, puisque tout a été
dit pour ou contre, et que les orateurs se
trouvent condamnés forcément à d'inutiles
et fastidieuses redites? Enfin.
On a regardé avec une certaine curio-
sité M. de Fourtou. Ah ! l'ordre moral! le
gouvernement des curés r les gens qui
voulaient faire marcher la France!.., M.
de Fourtou! On se revoit au temps où les
républicains menaient contre la réaction
cette lutte ardente, généreuse, superbe,
qui s'est terminée par l'effondrement dé-
linitif des conspirateurs monarchistes.
J'avais vingt ans alors, j'étais soldat ; oh !
quelle anxiété lorsque, chuchoté d'oreille
en oreille, mystérieusement, dans les cor-
ridors de la caserne, le bruit courait que
l'ordre était donné de nous tenir prêts à
marcher sur Paris ! Du temps -s'e!.t passé
depuis lors; la République, triomphante,
dresse, au-dessus des orages, son front
vers le ciel. M. de Fourtou, lui, a vieilli.
Sa barbe et les cheveux qui lui restent
sont devenus gris ; il s'est voûté ; il a pris
l'aspect résigné dés ruines ; et siégeant
depuis deux ans au Parlement sans que
personne y ait encore remarqué sa pré-
sence, obscur, ignoré, il choisit pour faire
sa rentrée à la tribune la question des co-
cons.
Il n'a pas mal parlé. Il a défendu la
cause que nous soutenons ici. Il a combattu
le droit proposé sur les cocons et les soies
grèges. Dirai-je qu'il a démontré que ce
droit est impossible, que, sans profit pour
la sériciculture française, il ruinerait la
grande fabrique lyonnaise qui est une des
gloires de la patrie? J'éprouve quelque
difficulté à m'exprimer ainsi, car, en réa-
lité, cette démonstration a déjà été faite,
éloquemment et péremptoirement faite
par le rapporteur de la commission des
douanes, M. Jonnart. Je ne pense pas que
M. de Fourtou ait apporté un argument
nouveau ; il lui eût été, je crois, bien dif-
ficile, pour ne pas dire impossible de le
faire.
C'est M. de Ramel qui lui a répondu.
Cela, c'était inévitable. La députation du
Gard, on le sait, est panachée ; un député
républicain du Gard ayant défendu les
intérêts des sériciculteurs de la région, un
député réactionnaire du Gard ne pouvait
manquer de soutenir la même opinion.
M. de R imel n'est pas sans talent ; il parle
avec facilité vec une certaine chaleur
qui permet ae l'écouter sans ennui.
Mais il venait après M. Fougeirol et M. Ja-
mais ; la tâche très ingrate lui incombait
de refaire un discours déjà fait deux fois ;
il s'en est acquitté avec conscience. Mais
je crois agir de façon méritoire en passant
vite. Quand M. de Ramel a eu terminé,
comme il était six heures passées, on a
remis la suite à aujourd'hui.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
AU SÉNAT
Le Sénat a discuté hier la proposition
de loi, récemment votée par la Chambre
des députés, portant suspension d'une
partie des droits de douane établis sur les
blés et les farines de froment par la loi du
27 mars 1887. L'urgence a été déclarée
sans opposition. Puis un sénateur de
droite, M. Fresneau, a prononcé un long
discours pour demander le rejet de la
proposition.
M. Gouin, rapporteur, a répondu. On
sait que la commission sénatoriale a mo-
difié sur un point le texte adopté par la
Chambre, et demande que la loi soit appli-
cable dès sa promulgation. M. Vinet a
parlé dans le même sens que M. Fresneau.
M. Girault, au contraire, a soutenu les
conclusions de la commission. M. Le
Breton a développé, puis retiré un contre-
projet. Un amendement de M. Girault n'a
pas été pris en considération. Après une
assez énergique intervention du ministre
de l'agriculture, l'article 1er a été adopté
par 173 voix contre 86. L'article 2 n'a pas
rencontré d'opposition, et l'ensemble de la
loi a réuni 202 voix contre 49. - Séance
jeudi, à trois heures.
LES ON-DIT
Il pleut. Je regarde le calendrier et
je lis :
Lundi, 8 juin. Saint-Médard.
Voilà qui nous promet bien de l'agré-
ment.
O..
Les obsèques du général Sumpt auront
lieu aujourd'hui à midi, aux Invalides.
0 c- ib
L'Académie des sciences a procédé nier
lundi à l'élection d'un membre dans la
section de chimie, en remplacement de
M. Cahours, mort il y a quelques mois.
Les candidats étaient : En première
ligne, eX'Xquo,MM. Ed. Grimaux et Moisson;
en deuxième ligne, ex-aequo, MM. Ditte,
Jungfleisch et Lebel.
C'est M. Ed. Moisson qui a été élu par
35 voix sur 61 votants. M. Grimaux, pro-
fesseur à l'Ecole polytechnique, en a
obtenu 26.
, 0.0
Mon percepteur simpatiente. Il est au
bout de ses papiers multicolores, je seng
ça. Il sera prudent de lui porter quinze
francs dans un délai bref. Il acceptera, car
jamais il ne refuse de toucher un acompte,
mais je ne serai pas rentré chez moi que
recommencera l'envoi des pancartes blan-
ches, jaunes, bleues, vertes. Dame ! la
mi-juin, c'est presque le milieu de l'année,
je suis en retard.
Un de mes amis, vers cette époque,
évite encore de se fendre même de quel-
ques douzièmes, il préfère se précipiter
dans le bureau de la perception, bruyam-
ment, comme hors d'haleine.
Feuilleton du RAPPEL
DU 10 JUIN
30
LEONARD AUBRY
TROISIÈME PARTIE
PASSION
- 1 (suite)
La séance de pose avait dû être remise
jusqu'à la veille du jour de naissance de
Pierre. -
Marthe, assise dans un vieux fauteuil de
chêne, posait devant Natalis, établi, le
crayon à la main, sur une chaise basse, à
quatre pas d'elle.
, Il lui avait dit en commençant :
: - Tu te reposeras quand tu te sentiras
fatiguée, mais je te demande de ne pas
,nous parler. Pour que je puisse finir en
une seule séance, il ne faut pas que je
sois distrait dans ma besogne.
S Et, en effet, il fut tout entier à cette
contemplation périlleuse : suivre, caresser
du regard ces lignes harmonieuses, ces
formes jeunes et délicates, tous les dé-
tails de cette charmante beauté. Et l'ex-
i Reproduction interdite. '-:'
ù Voir te fipgpei du il mai &a 9 ioia. i f
pression qu'il fallait chercher et qu'il eut
bien vite saisie ! C'était une exquise, une
inaltérable pureté. Oui, dans la chasteté
intacte de cette âme, on sentait on ne sait
quoi d'ineffable qui n'avait pas été cueilli.
Et Natalis, troublé, se disait : Comme
après quatre mois de mariage elle est restée
virginale !
Trois heures passèrent dans cet enivre-
ment, le dessin s'acheva. Il posa son
crayon et dit :
— Voilà qui est à peu près fait.
— Voyons, dit Marthe.
Natalis lui remit le croquisNet se rassit,
la tête tournée vers elle, et la regardant
tandis qu'elle regardait le portrait :
— Oh ! dit-elle charmée, c'est bien mieux
que moi ! Et c'est moi pourtant, mais avec
quelque chose que je ne sais pas dire et
que tu as ajouté, — ton amitié, sans
doute.
— Tu es une enfant f on ne se connaît
pas, ma chérie. Moi je trouve que je ne
t'ai pas rendue encore telle que je te
vois.
— Vraiment! eh bien, tu m'apprends à
moi-même, dit-elle naïvement.
Elle ne se lassait pas de se contempler.
— Non, non, décidément je ne suis pas
si jolie que ça! C'est ton cœur, je te dis,
qui me voit en beau.
Il rapprocha sa chaise du fauteuil :
- Et toi, Marthe, dis-moi un peu, toi,
comment me vois-tu?
Elle le regarda et se mit à rire.
♦, Tu veux que je te fasse ton portrait.
en paroles? Mais, Natalis, je ne pourrais
pas. Je suis une simple, souviens-toi. Je
ne suis capable que de t'admirer. Tu as
un esprit supérieur, toi, et, si je veux te
voir, il faut que je lève bien haut mes
yeux. Eh bien, sais-tu, j'en suis contente.
Pourquoi? parce qu'en .même temps que
tu es bien grand à côté de moi, tu
te mets cependant à ma portée. C'est que
tu es très bon aussi, et très aimant. Devant
toi, je n'ai pas du tout honte de mon infé-
riorité. Je crois.que tu sais lire en moi les
choses que je ne sais pas dire. Enfin, il
me semble que j'étais née ta sœur et que
tu es bien mon frère.
— Mais pas ton meilleur ami, pourtant.
Tu disais, l'autre jour, que c'était Pierre.
— Oh ! loi aussi!. Seulement ce n'est
pas la même chose. Ah ! quel malheur de
ne pas trouver les mots !.. Ecoute, il est le
meilleur ami de ma vie, toi de mon cœur.
Natalis était palpitant. Elle, cependant,
lui disait ces choses tendres d'une voix
calme, avec une entière sérénité.
Elle avait toute sa présence d'esprit.
Jetant un coup d'œil sur le jardin :
— Ali! mon Dieu 1 voilà Marie! s'écria-
t-elle. J'y vais. Il ne faut pas qu'elle voie
le portrait.
Elle mit un baiser fraternel sur le front
de Natalis et sortit vivement.
Il était resté immobile, perdu dans ses
pensées.
— Eh bien, se demandait-il, y a-t-ii en
elle, y a-t-il dans son amitié quelque chose
aui ressemble à l'amour ? le n'en sais
toujours rien et je ne le crois pas. Elle est
bien sûre que non, elle. Je suis pour elle
son ami, son frère. Oui, mais c'est
qu'aussi elle doit s'ignorer, elle s'ignore !
Qu'est-ce que je dis ? elle ignore la vie et
l'amour même! Elle ne se doute pas qu'on
peut aimer d'amour sans le savoir. Elle se
doute encore moins, l'innocente, qu'on
peut aimer d'un amour défendu, aimer,
aimer d'amour le frère de son mari, aimer
d'amour la femme de son frère! Ah! il
faut que je trouve le moyen de le lui ap-
prendre ! Autrement je resterai à jamais
dans cette incertitude et dans cette anxié-
té. Sur quoi tabler avec cette ignorance?
Quel médecin peut penser à prévenir et à
guérir le mal latent que rien ne révèle?
Natalis, quand il rejoignit Marthe, la
retrouva souriante et gaie, et lui faisant à
la dérobée des petits signes d'intelligence.
— C'est insupportable, cette placidité 1
se disait-il avec impatience. Il faut abso-
lument qu'elle et moi nous voyions clair
en nous-mêmes !
Pierre fut ravi de la surprise du por-
trait. Il le montrait avec fierté à Gibou-
reau, qui maintenant ne se faisait plus
guère voir qu'au logement du premier.
— Natalis a fait ça en quelques heures
à son atelier, sans que je m'en sois seule-
ment douté, sans que personne s'en soit
douté !
— Oh ! M. Daniel Olry devait être dans
le secret, lui. Depuis que son ami demeure
dans la maison, M. Daniel ne doit plus en
bouger, hein ?
:
';
— Tu crois qu'il pense à Marie? Je le
croyais aussi, mais ils se disputent tou-
jours.
— En effet, s'il venait pour Marie, je
pense qu'il l'aurait déjà demandée en
mariage.
— Mais alors pour qui viendrait-il ? dit
Pierre.
II
Dès le lendemain du jour où il avait fait
le portrait de Marthe, Natalis avait an-
noncé, au déjeuner, qu'il allait se mettre
à un tableau de genre dont il avait trouvé
l'idée et qui lui prendrait trois ou quatre
semaines.
Marie lui demanda quel était son sujet,
il répondit en riant que c'était un secret
et qu'il ne voulait le dire à personne.
— Mais quand tu travailleras à ton ta-
bleau?
— Je m'enfermerai.
— Comment ! si Marthe et moi, ou ton
ami Daniel,' nous venons jaboter dans ton
atelier, tu nous renverras ?
— Non ; mais alors ma toile sera ca-
chée par un rideau.
— Et quand tu sortiras ?
— Je l'enfermerai dans le placard.
— En voilà des mystères ! Enfin, on le
verra bien un jour, ce tableau?
— Oui, mais seulement quand il sera
terminé. 1
— Et pourquoi ces précautions UtqCes,
monseigneur? ":' :
— Laisse donc ton frère tranquille,
Marie ! intervint Léonard. Qu'il travaille
comme il lui platt et dans les conditions
qu'il lui plaît, nous n'avons, nous, qu'à
respecter et son travail et son idée.
Natalis se mit à l'œuvre avec une ardeur
qu'il n'avait pas eue depuis son concours.
Il sortait rarement, il se levait de grand
matin, il travaillait sans relâche. Même le
soir, quand la famille était réunie, il
restait absorbé et distrait comme s'il avait
encore son tableau devant les yeux.
Il avait pris plaisir jusque-là à se mêler
aux vives escrimes d'esprit qu'engageaient
entre eux Daniel et Marie. C'était leur ha-
bitude de n'être jamais du même avis, de
prendre toujours le contre-pied de leurs
opinions réciproques, et de se harceler
sans cesse de moqueries et d'épigrammes,
courtoises dans la forme, mais souvent
assez aiguës.
Natalis d'ordinaire marquait les coups;
comme il disait, et s'amusait plutôt à
exciter les combattants qu'à les concilier,
devinant bien ce qu'il y avait au fond de
ces terribles querelles. Le dimanche qui
suivit la fête de Pierre, la bataille fut des
plus brillantes; Marie était en verve et
finit par mettre en déroute son adversaire
confondu. Natalis, lui, ne riait que da
bout des lèvres, et il ne prit cette fois
aucune part au combat.
PAUL MEUICB.
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