Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-06-08
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 79956 Nombre total de vues : 79956
Description : 08 juin 1891 08 juin 1891
Description : 1891/06/08 (N7759). 1891/06/08 (N7759).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75408771
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
• N° 7759 — Lundi Juia 1891
20 Prairial an ôfr—« N* 775$»-
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION
18, RUE DE VALOIS, 18
, ,tJ
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION
De 4 à 6 heures du soir n !
Et de 0 heures du soir à minuit"
cu SIAXUÂCLUTA NON ÎSSÉBÉS NB SERONT PAS RENDUS
r, ; ADMINISTRATION - :
- 18, RUE DE VALOIS, 18
--
r lettres et mandats
N, STRATEUR-GÉRANT-
ANNONCES
: ^pï*Ch. LAGRANGE, CERF Cl G®
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
PARIS
UN MOIS. 2 FB.
mois MOIS. 5 -
SIX MOIS 9 FR.
UN AN 18 -
Rédacteur en chef : AUGUSTE VACQUERIE
; ABONNEMENTS
-. DÉPARTEMENTS -'
( CN MOIS 2 Fa.
TROIS MOIS. 6-
SIX MOIS. » 11 FB.
UN AN. 20 —
POTS CASSÉS
- : ,-' ; 11
Les journaux nlonarchico-cléricaux
sont pleins de l'inauguration de l'église
de la butte IontmaFtre. Il y, avait de
tout, la comtesse de Paris et des chan-
teurs de l'Opéra. L'orgue était tenu par
Mme Mulet et accompagnait un violo-
niste, M. Lantier, et un harpiste, M.
Boussagol. Le cardinal archevêque de
faris avait une « magnifique » cha-
suble ; après une « imposante » com-
munion, il a lu une lettre du pape pres-
que aussi magnifique que sa chasuble.
Les prélats devaient, après les vêpres,
faire en procession le tour du monu-
ment, mais le nombre des curieux était
tel qu'ils n'ont pu sortir et qu'ils se sont
bt>rnés à « bénir la foule prosternée ».
Marie Alacoque n'a pas toujours été
à pareille fête. En juillet 1529, les reli-
gieuses de la Visitation demandèrent au
pape Benoît XIY « la concession d'un
office avec messe propre en l'honneur
du Sacré-Cœur de Jésus »; elles eurent
beau offrir en paiement de cette conces-
sion un grand nombre de manuscrits
précieux; la réponse du pape fut aussi
nette que brève : Non.
Plus récemment, un évêque, Jean-
Joseph Longuet, évêque de Soissons,
s'avisa de publier une Vie de lavéné-
rable Marguerite-Marie Alacoque, du
monastère de Paray-le-Monial : il fut
joliment traité par les autres évêques !
Notamment par l'évêque d'Auxerre,
M. de Gaylus :
— « Lame de la vénérable Marguerite-
Marie Alacoque est à tous égards un des
plus mauvais livres qui aient paru dans
ce genre; il a révolté tout le monde, soit
en dedans soit en dehors de l'Eglise.
Des gens de bien en ont été indignés et
comme saisis d'horreur. Les libertins
en ont fait le sujet de leurs railleries.
Que j'aille parler des colloques amou-
reux qu'on suppose que Marie Alacoque
avait avec Jésus-Christ; que je rapporte
les visions de cette fille toujours rem-
plies d'impiété et d'extravagance, aussi
sensuelles qu'indécentes, c'est ce que je
rougirais de faire. »
, C'est ce que viennent de faire sans
rougir les inaugurateurs de l'église où
'l'on dira la messe qu'interdisait le pape
Benoît XIV.
u Inaugurer un culte, c'est bien ; mais
ce serait mieux de le pratiquer. Sancti-
fier Marie Alacoque est facile ; le mérite
serait de l'imiter.
j Pour dompter ses sens et être toute à
ses visions, Marie Alacoque se faisait
saigner perpétuellement ; en une seule
année, cent quatrevingt douze fois. Je
ne demande pas à l'archevêque de Paris,
aux autres prélats, à la comtesse de
Paris, à M. Escalaïs, a Mme Mulet, au
violoniste, au harpiste, à tous ceux qui
ont assisté à l'inauguration, de se faire
saigner cent quatrevingt douze fois par
an ; mais ils se feraient piquer la veine
trois ou quatre fois par mois que leur
sainte leur en saurait gré
Ils auraient aussi autre chose a pren-
dre de celle aux appas de laquelle ils
sont acoquinés :
« Elle se ceignit les reins avec une
corde garnie de nœuds et la serra si
étroitement qu'elle ne mangeait ni ne
respirait qu'avec douleur. Elle se serra
de même les bras avec des chaînettes
de fer, et ces chaînes et ces cordes,
coupant peu à peu la chair, y entrèrent
si avant qu'elle ne put les ôter qu'avec
de cruelles souffrances. »
Allons, messieurs et mesdames,
j ceignez-vous les reins et serrez-vous les
bras. Vous reculez devant les chaînes ?
Aurez-vous peur aussi des aiguilles ?
— « Pour donner quelques gouttes
de sang à mon Sauveur, je me liais les
doigts et j'y plantais des aiguilles. »
Refuserez-vous à votre Sauveur et
à votre sainte de vous planter des ai-
guilles dans les doigts ?
Une autre occupation de Marie Ala-
coque était celle-ci :
— « Je m'étais fait un lit de pots
cassés où je me couchais avec un ex-
trême plaisir, quoique toute la nature
frémît. »
Ce ne sont pas les pots cassés qui
manqueraient aux monarchico-cléri-
caux; que de fois ils ont renouvelé et
recassé le pot au lait de Perrette S
On m'élit roi, mou peuple m'aime; T -
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même,
Je suis Gros-Jean comme devant.
Le Yingt-quatre-Mai, le Seize-Mai,
l'aventura boulangiste, que de pots de
Perrette! Les ennemis de la Républi-
que n'ont pas. besoin d'imiter Marie
Alacoque pour coucher sur des pots
cassés ; mais je ne crois pas que, comme
elle, ils s'y couchent - avec un extrême
plaisir.
AUGUSTE VACQ¥ERIE.
- — —■ ■rtjjliii :—
COULISSES DES CHAMBRES
****" LES PLUS-VALUES ., [MIl -¡
La marche de nos impôts et revenus
indirects prend une tournure de plus en
plus satisfaisante. Le relevé fait par le
ministère des finances pour le mois de mai
dernier accuse unes-Yalue de 5,257,000
fr. par rapport aux prévisions budgétaires
et une plus-value de 7,959,500 fr. par
rapport au produit du mois de mai de
l'année dernière.
Pendant les cinq mois écoulés de 1891,
le produit des impôts et revenus indirects
a dépassé de 23,947,000 fr., soit en chiffres
ronds de 24 millions les prévisions budgé-
taires.
Durant la même période, ce produit a
dépassé de 53,224,100 fr. le produit de la
période correspondante de 1890.
Si ce mouvement se continue régulière-
ment, durant le reste de l'année, comme
tout permet de l'espérer, les recettes de
1891 dépasserônt de 60 millions les prévi-
sions budgétaires.
X
LES RÉSULTATS DU PARI MUTUEL
Les premiers effets de la loi rétablissant
le pari mutuel sont connus. On sait que le
pari mutuel a recommencé à fonctionner
mercredi dernier par tolérance et a con-
tinué les jours suivants en vertu de la loi
nouvelle.
Les sommes encaissées par le pari mu-
tuel ont 4té les suivantes :
Mercredi 3 juin {Auteuil) : 1,100,000
francs.
Jeudi 4 juin (Longchamp): 760,000 fr.
, Vendredi 5 juin (Auteuil) : 1,100,000
francs.
Soit au total 2,960,000 francs ou en
chiffres ronds 3 millions en trois jours.
Le prélèvement de 2 0/0 en faveur des
œuvres d'assistànce s'est par suite élevé à
60,000 francs et celui de 1 0/0 en faveur
de l'élevage à 30,000 francs.
Les sociétés de courses ont prélevé 4 0/0
pour leurs frais d'administration soit
120,000 francs.
Le reste, soit environ 2,800,000 francs,
a été distribué aux parieurs ayant gagné.
DIEU
PAR
VICTOR HUGO
Mercredi prochain paraîtra, chez Hetzel
et Quantin. un volume inédit de Victor
Hugo : DItJ.
Dans la préface de la Légende des Siècles
(septembre 1859), on lit :
— « Lorsque les autres parties de ce
livre auront été publiées, on apercevra le
lien qui, dans la conception de l'auteur,
rattache la Légende des Siècles à deux autres
poèmes, presque terminés à cette heure,
et qui en sont, l'un le dénouement, l'autre
le couronnement : la Fin de Satan et
Dieu. »
Dieu, « presque terminé en 1859 », fut
bientôt achevé, et Victor Hugo le lut, à
Guernesey, à sa famille et à quelques
amis.
Je me souviens de la grande impression
qu'il fit à tous ceux qui l'entendaient. Je
ne doute pas qu'il n'en fasse une aussi
grande à tous ceux qui le liront.
A. v.
'- A. V.
LES EMPLOYÉS DE CIIEnNS DE FER
Dans la série d'articles que nous allons
consacrer à la situation des employés des
chemins de fer et que nous sommes sur
le point de commencer, nous passerons
successivement en revue les conditions
faites parles grandes compagnies et l'Etat :
1° Aux mécaniciens et chauffeurs ;
2° Aux aiguilleurs ;
3° Au personnel des trains ;
4° Au personnel des gares ;
5° Aux employés des bureaux ;
60 Aux ouvriers des ateliers.
Nous indiquerons les salaires des agents
de chacune de ces catégories sur les diffé-
rents réseaux, la durée quotidienne de
leur travail, les avantagexpéciaux dont
ils jouissent ainsi que les retraites qui
leur sont assurées. Nous exposerons toutes
les revendications des employés et nous
appuierons énergiquement toutes celles
qui nous paraîtront légitimes, mais nous
ferons ressortir aussi les améliorations
réalisées pendant ces dernières années,
soit par les compagnies, soit par l'Etat.
On le voit, l'étude que nous entrepre-
nons est des plus sérieuses et des plus
difficiles. Nous dirons la vérité et rien que
la vérité, en nous gardant avec soin de
donner des renseignements erronés et d'é-
mettre des appréciations malveillantes.
A une époque comme la nôtre, où les
questions sociales sont de plus en plus à
l'ordre du jour, une pareille étude s'im-
pose. Les compagnies des chemins de fer
de l'Etat emploient 350,000 hommes.
Sans doute, il y a, dans cette armée du
travail, des agents suffisammentrétritotïés;
mais beaucoup souffrent. Eh bien ! il
s'agit dè montrer que ces déshérités ont à
peine derquoi vivre avec les salaires qu'ils
touëhent et que c'est un devoir pour
ceux qui les emploient de leur faire la vie
plus douce. , -
Les employés des chemins de fer ont
compris depuis quelque temps l'impor-
tance des syndicats. Le syndicat n'est pas,
comme le croient certaines compagnies et
beaucoup de patrons, une arme dange-
reuse pour la société. Le groupement des
travailleurs est tout aussi naturel que celui
des capitalistes. Est-ce que ces derniers
ne sont pas représentés dans les sociétés
anonymes, par exemple, par un conseil
d'administration? Pourquoi les ouvriers
de chaque profession ne le seraient-ils
pas aussi par un comité composé des leurs?
Il n'y a rien de subversif dans cette ma-
nière de voir et, pour tout dire, nous ne
désespérons pas de voir, avant longtemps,
les syndicats ouvriers discuter froidement,
sans que personne y trouve rien à repren-
dre, leurs intérêts avec les délégués des
actionnaires des compagnies. Les syndicats
qui existent actuellement et ceux en voie
de formation ou qui -se formeront plus
tard n'auront qu'à suivre la voie tracée
par le syndicat des employés des Omnibus.
Compagnies et patrons, même et sur-
tout les compagnies de chemins de fer
doivent en prendre leur parti. Le capital a
perdu le droit d'opprimer le travail.
CHARLES BOS.
P. S. — M. Guimbert, président du syn-
dicat général, des mécaniciens-chauffeurs-
conducteurs de France a eu une entrevue
avec le ministre des travaux publics auquel
il a exposé les réclamations des méca-
niciens. -
Voici ce programme de revendications :
1° La journée de travail des mécaniciens
ne doit pas dépasser dix heures et com-
mence quand l'agent entre dans l'enceinte
du chemin de fer ;
2° La durée de présence sur la machine
ne devra pas excéder sept heures sur
vingt-quatre heures, une durée de pré-
sence plus longue à un service de rapides
ou d'express étant l'épuisement et la des-
truction à bref délai de l'homme le plus
robuste ; • ",
3° Il sera accordé trente-six jours de
congé par an, dont douze consécutivement ;
4° Les roulements de service seront éta-
blis de manière que le repos se prenne à
domicile ;
5° Il sera interdit d'adjoindre aux méca-
niciens des nettoyeurs ou manœuvres
comme chauffeurs, pour raison de sécu-
rité publique ;
6° La retraite devra être acquise après*
vingt ans de service, quel que soit l'âge,
et elle pourra être proportionnelle après
quinze ans de service ;
7° Cette retraite devra être à l'abri de
toute éventualité.
Avant de prendre congé de M. Yves
Guyot, M. Guimbert lui a signalé la si-
tuation faite aux mécaniciens de la com-
pagnie Paris-Lyon-Méditerranée.
La réunion du cirque d'Hiver
Rappelons que c'est aujourd'hui, à une
heure de l'après-midi, qu'a lieu, au cirque
d'Hiver, la réunion générale provoquée
par le conseil d'administration des em-
ployés et ouvriers de chemins de fer.
— ♦ :
LES EMPLOYÉS DES - OMIBUS DE LONDRES
Londres, 6 juin.
Pendant la réunion des employés de la Com-
pagnie des omnibus, la nuit dernière, un télé-
gramme a été reçu, venant du secrétaire de la
London General Omnibus Company, deman-
dant l'ajournement de la grève jusqu'à lundi.
Cette demande a été rejetée. A moins qu'un
arrangement n'intervienne aujourd'hui, la
grève générale commencera certainement à
partir de minuit.
— - Londres, 6 juin-
Les omnibus np marcheront pas demain
dimanche. ,
La Compagnie des omnibus de Londfes a
fait afficher une:note déclarant que les coçhers.
et conducteurs qui désiraient continuer le
travail « pouvaient compter sur une sérieuse
protçetion de là part de la polico. » •
M .: : .1 I » ■
LES TRAMWAYS NORD ET SUD
Nous avons publié hier l'ordre du jour
voté par le conseil d'administration du
syndicat de la Compagnie des omnibus et
engagé les employés des tramways Nord
et Sud à tenir avant jeudi prochain leur
réunion générale.
Un grand nombre d'agents de ces deux
compagnies désireraient que cette réunion
eût lieu dans la nuit du mardi au mer-
credi et nous demandent d'en aviser leurs
camarades.
Le jour semble bien choisi. Demain ou
après-demain nous ferons connaître le lieu
et l'heure de la réunion.
C. B.
LE GRAND-PRIX DE PARIS
Les Anglais ont reconnu la supériorité
de nos chevaux cette année, et ils n'ont
pas envoyé Common, le vainqueur du
Derby anglais, courir dans la grande
épreuve internationale. Benvenulo, un che-
val assez médiocre, représentera seul l'éle-
vage anglais ; il ne paraît pas de force à
inquiéter nos champions.
Nous sommes persuadé que Ermak ga-
gnera le Grand-Prix de Paris plus facile-
ment encore qu'il n'a gagné le prix du
Jockey-Club. La piste de Longchamps cort-
vient mieux à sa longue et puissante ac-
tion que celle de Chantilly. Son jockey le
montera avec beaucoup plus de confiance,
et ne commettra aucune faute par excès
d'émotion, comme il en a commis à Chan-
tilly.
Le-Hardy est un excellent petit cheval,
mais il y a entre lui et Ermak la même
différence qui existait entre Nougat et
Salvator en 1875; Nougat, malgré tout son
courage, ne pouvait que se briser contre
le grand compas de Salvator. Il ne peut
qu'en être de même pour Le-Hardy, qui
est obligé de faire trois foulées de galop
pendant qu'Ermak en fait deux pour par-
courir le même espace. *
En troisième place, nous voyons Le-Ca-
pricorne ou Clamart.
M. Edmond Blanc possède deux très
bons chevaux avec Gouverneut., arrivé se-
cond dans le Derby anglais, et avec Révé-
rend qui a remporté un grand nombre de
victoires, mais la distance de 3,000 mètres
devta être trop longue pour eux.
La victoire d'Ermak sera d'autant mieux
accueillie, que ce grand cheval appartient
à deux véritables éleveurs, ne pariant pas
un centime pour leur propre compte et
par conséquent n'empêchant pas le public
d'obtenir une cote aussi rémunératrice que
possible, en accordant confiance au cham-
pion qui porte leurs loyales couleurs. De
plus, Ermak est fils d'un étalon apparte-
nant à notre meilleure race française. A
tous les points de vue on trouvera un suc-
cès national dans son triomphe.
STUÀRT.
LE CONSEIL DES MINISTRES
Les ministres se sont réunis hier matin, à
l'Elysée, sous la présidence de M. Carnot. M.
Yves Guyot n'était pas présent.
M. de Freycinet, président du conseil, a fait
savoir que, d'accord avec ses collègues inté-
ressés, il a constitué une commission centrale
des travaux géographiques, commission pré-
vue par l'article 50 de la loi de finances de.
1891.
Cette commission est composée de fonction-
naires mr ministère de la guerre etd'agents de
divers ministères. :
M. Fallières, garde des sceaux, a informé la ;
conseil que l'instruction ouverte au sujet Ã.lE :
l'affaire Turpia est close. Les quatres personnes 1
actuellement arrêtées, MM. Turpin, Triponéj
Faseler et Feuvrier, sont seules impliquées
dans les poursuites. ;
M. Constans, ministre de rintérieur, a sàp-
mis a la signature du président de la Répu-
blique deux projets de loi : le premier, relatit
à l'organisation des conseils de préfecture ; le
second, portant création d'une caisse de re-
traites pour les travailleurs.
Les ministres se sont entretenus de l'inaugu-
ration de la statue de Garibaldi qui aura lieu à
Nice à la fin de septembre.
A LA CHAMBRE
Le dépôt par le ministre de l'intérieur
sur le bureau de la Chambre, d'un projet
de loi relatif aux retraites ouvrières, t
provoqué, au début de la séance d'hier, uc
incident violent. De la façon la plus inat-
tendue du monde, M. Déroulède est venu
demander au ministre de prendre l'en-
gagement de se démettre de ses fonctions
si ce projet de loi échouait, soit au Sénatt
soit à la Chambre. « Si vous ne prenez pas
cet engagement, déclare M. Déroulède, en
déposant votre proposition, vous ne faites
que du charlatanisme ! » On s'était d'abord
entreregardé avec un certain étonnement;
maintenant on s'indigne. On apostrophe
vivement l'orateur qui, s'exaltant, traite
« d'infâme » la majorité qu'il a devant lui.
Du coup, le tumulte éclate. Le.« boucan »
des grands jours. M. Déroulède vient de se
mettre sous le coup de l'article 125 du
règlement qui édite la peine de la censure
avec exclusion temporaire. De nombreuses
voix crient : la censure ! '-
Aux termes du règlement, M. Déroulède
a la parole pour s'expliquer. Bien entendu
il en profite pour aggraver considérable-
ment ses torts. Il ne parle pas, il crie;
rouge, en sueur, il exécute un moulinet
frénétique tantôt avec le bras droit, tantôt
avec le bras gauche. On entend peu les
paroles qui tumultueusement, se heurtent,
se poussent, se mêlent pour sortir toutes
à la fois de sa bouche. Il termine en di-
sant que « la représentation nationale a
été outragée et bâillonnée en sa personne
par une majorité de capitalistes et d'agio..
teurs. »
Enfin, il consent à descendre de la tri-
bune. Il n'y a plus qu'à voter. Mais c'est
là le difficile, car, en l'absence de M. Flo-
quet indisposé, c'est M. de Mahy qui pré-
side, et cet excellent homme, très ardent,
très convaincu, n'a aucune des qualités
requises pour diriger des débats un peu
orageux. Il se démène, joue du couteau t
papier et de la sonnette, brandit le règle-
ment, ôte et remet ses lunettes, mais ne
parvient pas à dominer le bruit. Une pre-
mière épreuve par mains levées est déclarée
douteuse. On n'a pas entendu mettre la
question aux voix ; on réclame. Le tapage
devient assourdissant. M. de Mahy éperdu
procède à une seconde épreuve, par assis
et levé ; le centre et la gauche votent pour
l'application de la censure; la droite, en
masse, se lève contre; l'extrême gauche
s'abstient. De notre place, il nous semble
bien qu'il'y a une majorité pour la cen-
sure; mais les secrétaires ne sont pas d'ac-
cord. Pour la seconde fois, il y a doute.
Recrudescence du « boucan ». Que va-
t-on faire? Comment sortir de là? Quel-
ques-uns demandent le scrutin. Mais,
quand il s'agit d'infliger une peine disci-
plinaire, le règlement s'oppose à ce qu'il
soit procédé au scrutin. La droite, qui n'a
cessé de soutenir M. Déroulède, dépêche à
la tribune l'un de ses membres, M. de
Lamarzelle, lequel déclare que les deux
épreuves n'ayant pas donné de résultat;
la censure n'est pas prononcée. M. de Mahy
Feuilleton du RAPPEL
DU 8 JUIN
28
LEONARD AUBRY
DEUXIÈME PARTIE
ACTION
-•
VII (suite)
-* Natalis entraîna Daniel du côté de Léo-
nard et les mena à l'écart tous deux :
j —Cher père, tu vois, dit-il, je n'ai pas
tardé à partager tes idées; j'ai quitté cette
Rome qui, décidément, écrase et annihile
la pensée individuelle. J'ai voulu vous
faire une surprise, dont mon cher Daniel
avait seul le secret, et j'ai fait un détour
pas mal long pour assister au moins à
.votre bonheur; mais la vérité est que j'au-
rais dû aller tout droit à Bordeaux. On
Im'y attend pour le travail que tu sais, et
que j'aurais eu tort, n'est-ce cas? de lais-
ser échapper. Je ne veux pas troubler la
fête; je m'esquiverai sans rien dire, un
peu après qu'on se sera levé de table. Tu
co'uvriras ma retraite, et tu m'excuseras,
cesoir, auprès de maman et des mariés.
I —Comment! s'écria Léonard, sitôt ar-
rivé, sitôt reparti! Donne-nous au moins
un jour.
v -- Impossible. Ma place est retenue à I çi
diligence de Bordeaux pour six heures.
, .■ —;—:——-—i -
Reproduction interdite.
,#Voir le Rappel da 11 maii-aj 7 juin.
J'ai eu deux jours de retard en route. Ma
parole est donnée. Crois-moi bien, je fais
mon devoir en partant. D'ailleurs, me
revoilà en France et je ne m'absente plus
que pour peu de mois.
— Allons! puisqu'il le faut!. dit Léo-
nard, que Pierre venait chercher pour
offrir le bras à la femme de son directeur.
A ce nuage près, Léonard Aubry se sen-
tait plus heureux qu'il ne l'avait été depuis
des années. Au centre de cette table, en-
touré de ses amis, il contemplait sa femme
épanouie, son aîné enfin marié, son Na-
talis déjà de retour, Marie vive et riante,
Marthe, sa nouvelle fille, aussi bonne que
belle; partout où son regard s'étendait, il
ne pouvait prévoir que bonheur et honneur
pour tous les siens.
Natalis, assis à côté de sa mère, en face
de la mariée, accablait Brigitte de ten-
dresses, mais en même temps s'emplissait
l'âme et les yeux-de la vue de Marthe. Il
fut odieusement arraché à ces cruelles
délices par M. Giboureau, qui, au dessert,
chanta des couplets de sa façon, où i! était
fort question de Mars et de Vénus.
Au sortir de table, Natalis alla serrer à
la dérobée la main de son père et de Da-
niel, et partit sans être remarqué. Il se
dirigea aussitôt vers les Messageries.'
- Elle est si paisible ! elle ne m'aimait
pas! se disait-il en route. Espérons que je
ne l'aime pas non plus, que je ne l'ai
jamais aimée, surtout que je ne l'aimerai
jamais.
Sincère ox non, le souhait de Natalis
s'aveuglait. Si quelque amour doit attirer
et séduire une âme impuissante, c'est un
atoour impossible- • - j
TROISIÈME PARTIE
PASSION i
i
Installé au château de Mérignac, près
Bordeaux, pour y faire les peintures de la
salle à manger, Natalis vécut là plus de
trois mois à peu près seul ; dangereuse
compagnie. — Solitude, pauvreté, prison,
exil, les hommes forts ont en eux ce qu'il
faut pour supporter ces misères; qu'on
nous passe cette comparaison, ils sont
construits et outillés comme l'est le cha-
meau pour traverser les déserts; il s'est
formé aussi des bosses à leur pensée, et,
quand leur âme a faim ou soif, elle vit là-
dessus. Mais Natalis, réduit à lui-même,
dévorait sa vraie substance et sa vraie
sève. ,
; Le travail aurait pu le préserver ; mais
ce qu'il avait à peindre, c'était le Jour et
la Nuit en panneaux d'entre-deux, et le
Nord et le Midi en dessus de porte, et ces
sujets-là occupaient la main plutôt que le
front. ;
La bibliothèque du château était à sa
disposition. Retiré le soir dans sa cham-
bre, il lisait, il écrivait souvent, et même
il rimait parfois, complétant ainsi l'édu-
cation de sa douleur; elle était pourtant
déjà bien assez instruite !
A cette époque, l'adultère était fort à la
mode. dans les romans, et les vignettes
des in-octavo représentaient immanqua-
blement des femmes échevelées aux pieds
d'un mari violent. Le négociant proprié-
taire du château avait récemment épousé
en secondes noces une jeune femme, une
créole, oisive et ennuyée, qui se faisait
envoyer de Paris les nouveautés littéraires.
Natalis - eut dans les mains tous ces vo-
lumes encore imprégnés d'un vague par-
fum de femme, et il en entretint son délire.
A la fin de juin, il avait terminé son
travail.
Qu'allait-il faire? Retourner à Rome?
c'eût été le plus sage. Mais il y avait huit
longs mois que son âme frileuse ne s'était
dégourdie à la bonne chaleur de la vie de
famille, huit mois qu'il n'avait senti sur
son front les lèvres de sa mère et de sa
petite sœur! :
Seulement, en se décidant à rentrer à
Paris, il prit vis-à-vis de lui-même un en-
gagement sévère.
- Je suis certain que .Marthe ne m'aime
pas. Mais, soyons sincère, j'ignore, moi,
si je ne l'ai pas aimée et si même je ne
l'aime pas encore. Voici donc quel est
mon impérieux devoir : chaque jour, et
presque à chaque heure, je m'interroge-
rai, je descendrai en moi-même, et je ferai
le scrupuleux examen de conscience de
mon cœur. Au premier symptôme de re-
chute, à la simple appréhension du mal,
je partirai aussitôt. <.. f
Armé de cette énergique résolution, il se
mit joyeusement en route.
11 arriva à Paris par une belle journée de
juillet. Le ciel était bleu, l'air était .pur,
tout riait d'espérance et de vie. g
Natalis ne trou va à la maison que les
trois femmes, Brigitte, Marthe et Marie,
qui travaillaient ensemble au jardin en
causant.
Elles le reçurent, Dieu sait, comme le
prince du logis ; Marie avec ses petits cris
d'oiseau en joie, Marthe avec son beau
regard caressant, Brigitte avec ses embras-
sements qui recommençaient toujours. Et
puis, vinrent les questions et les récits, et
les questions encore.
Natalis, lui aussi, se sentait calmé, heu-
reux, épanoui. Il s'était assis à leurs pieds
sur un tabouret, ayant Brigitte à sa droite
Marie à sa gauche, et Marthe en face de
lui; il s'abandonna pendant un instant à
sa nature, et se sentit content de son sort
et de lui-même.
— Mais qu'on est donc bien comme ça!
s'écria-t-il gaiement. Te rappelles-tu, ma-
man ? quand j'étais enfant, je n# me trou-
vais bien qu'avec les femmes et j'étais
timide avec les hommes. Oh! que--favais
raison ! elles vous consolent bien mieux
qu'ils ne vous soutiennent.
Pierre revint le premier, et faillit écraser
Natalis dans sa vigoureuse embrassade.
— Eh! le voilà donc, l'enfant prodigue!
mais pas de veau pour lui, la mère! vaut
mieux le rosbif! hé ! hé ! hé !
11 remarqua que Natalis et Marthe ne se
tutoyaient pas. ,',"
— Il faudra vous y habituer, mes en-
fants, dit-il, ça jurerait. ': ,,' 1
— Est-ce que,vous me permettez de te'
tutoyer, Marthe? demanda Natalis.
— Comme lu voudras, répondit-elle en
souriant. :
L'arrivée-du père mit. aa complet la fa-
mille. Léonard retrouvait donc enfin totts
•.-i-'i ~.«V
ses enfants réunis autour de lui ! Cette
idée jeta dans la gravité accoutumée du
vieillard une sorte d'allégresse, et même
dans son allégresse une pointe de malice.
Voyant Marthe aussi empressée et aussi
fraternelle que Marie auprès du nouveau
venu :
— Ah ! ah ! dit-il en riant, Natalis t'a
donc tout de suite apprivoisée, sauvage,
qui, un mois après ton mariage, appelais
encore quelquefois ton mari monsieur
Pierre, et qui dis tu à ton frère au bout
d'un quart d'heure I
La routeur monta, non au front de
Marthe, mais au front de Natalis.
— Méchant père ! reprit tranquillement
Marthe ; depuis plus de trois mois, j'ai eu
le temps de m'habituer à l'idée que Nata-
lis est mon frère ; et puis, nous sommes
plus près par l'âge.
Pierre montra à Natalis le logement
qu'il avait fait arranger au premier pour
son ménage. On y communiquait intérieu-
renaent d'en bas par un petit escalier à vis
pratiqué dans un coin de la salle à man-
ger. L'appartement se composait d'une
antichambre, d'une petite pièce où tra-
vaillait Marthe et de la chambre à coucher.
Natalis y reconnut des meubles provenant
de la tante Laperlieret certains objets qui
avaient appartenu à Marthe jeune fille.
Il fa sans direqQAprenait les repas en
commun et que les deux ménages n'en fat
saientqu'un, sous l'économe direction de
la mère. • „ -
v PAUL MEURIGJE.
( A suivre. -' - ; - ", J
20 Prairial an ôfr—« N* 775$»-
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION
18, RUE DE VALOIS, 18
, ,tJ
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION
De 4 à 6 heures du soir n !
Et de 0 heures du soir à minuit"
cu SIAXUÂCLUTA NON ÎSSÉBÉS NB SERONT PAS RENDUS
r, ; ADMINISTRATION - :
- 18, RUE DE VALOIS, 18
--
r lettres et mandats
N, STRATEUR-GÉRANT-
ANNONCES
: ^pï*Ch. LAGRANGE, CERF Cl G®
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
PARIS
UN MOIS. 2 FB.
mois MOIS. 5 -
SIX MOIS 9 FR.
UN AN 18 -
Rédacteur en chef : AUGUSTE VACQUERIE
; ABONNEMENTS
-. DÉPARTEMENTS -'
( CN MOIS 2 Fa.
TROIS MOIS. 6-
SIX MOIS. » 11 FB.
UN AN. 20 —
POTS CASSÉS
- : ,-' ; 11
Les journaux nlonarchico-cléricaux
sont pleins de l'inauguration de l'église
de la butte IontmaFtre. Il y, avait de
tout, la comtesse de Paris et des chan-
teurs de l'Opéra. L'orgue était tenu par
Mme Mulet et accompagnait un violo-
niste, M. Lantier, et un harpiste, M.
Boussagol. Le cardinal archevêque de
faris avait une « magnifique » cha-
suble ; après une « imposante » com-
munion, il a lu une lettre du pape pres-
que aussi magnifique que sa chasuble.
Les prélats devaient, après les vêpres,
faire en procession le tour du monu-
ment, mais le nombre des curieux était
tel qu'ils n'ont pu sortir et qu'ils se sont
bt>rnés à « bénir la foule prosternée ».
Marie Alacoque n'a pas toujours été
à pareille fête. En juillet 1529, les reli-
gieuses de la Visitation demandèrent au
pape Benoît XIY « la concession d'un
office avec messe propre en l'honneur
du Sacré-Cœur de Jésus »; elles eurent
beau offrir en paiement de cette conces-
sion un grand nombre de manuscrits
précieux; la réponse du pape fut aussi
nette que brève : Non.
Plus récemment, un évêque, Jean-
Joseph Longuet, évêque de Soissons,
s'avisa de publier une Vie de lavéné-
rable Marguerite-Marie Alacoque, du
monastère de Paray-le-Monial : il fut
joliment traité par les autres évêques !
Notamment par l'évêque d'Auxerre,
M. de Gaylus :
— « Lame de la vénérable Marguerite-
Marie Alacoque est à tous égards un des
plus mauvais livres qui aient paru dans
ce genre; il a révolté tout le monde, soit
en dedans soit en dehors de l'Eglise.
Des gens de bien en ont été indignés et
comme saisis d'horreur. Les libertins
en ont fait le sujet de leurs railleries.
Que j'aille parler des colloques amou-
reux qu'on suppose que Marie Alacoque
avait avec Jésus-Christ; que je rapporte
les visions de cette fille toujours rem-
plies d'impiété et d'extravagance, aussi
sensuelles qu'indécentes, c'est ce que je
rougirais de faire. »
, C'est ce que viennent de faire sans
rougir les inaugurateurs de l'église où
'l'on dira la messe qu'interdisait le pape
Benoît XIV.
u Inaugurer un culte, c'est bien ; mais
ce serait mieux de le pratiquer. Sancti-
fier Marie Alacoque est facile ; le mérite
serait de l'imiter.
j Pour dompter ses sens et être toute à
ses visions, Marie Alacoque se faisait
saigner perpétuellement ; en une seule
année, cent quatrevingt douze fois. Je
ne demande pas à l'archevêque de Paris,
aux autres prélats, à la comtesse de
Paris, à M. Escalaïs, a Mme Mulet, au
violoniste, au harpiste, à tous ceux qui
ont assisté à l'inauguration, de se faire
saigner cent quatrevingt douze fois par
an ; mais ils se feraient piquer la veine
trois ou quatre fois par mois que leur
sainte leur en saurait gré
Ils auraient aussi autre chose a pren-
dre de celle aux appas de laquelle ils
sont acoquinés :
« Elle se ceignit les reins avec une
corde garnie de nœuds et la serra si
étroitement qu'elle ne mangeait ni ne
respirait qu'avec douleur. Elle se serra
de même les bras avec des chaînettes
de fer, et ces chaînes et ces cordes,
coupant peu à peu la chair, y entrèrent
si avant qu'elle ne put les ôter qu'avec
de cruelles souffrances. »
Allons, messieurs et mesdames,
j ceignez-vous les reins et serrez-vous les
bras. Vous reculez devant les chaînes ?
Aurez-vous peur aussi des aiguilles ?
— « Pour donner quelques gouttes
de sang à mon Sauveur, je me liais les
doigts et j'y plantais des aiguilles. »
Refuserez-vous à votre Sauveur et
à votre sainte de vous planter des ai-
guilles dans les doigts ?
Une autre occupation de Marie Ala-
coque était celle-ci :
— « Je m'étais fait un lit de pots
cassés où je me couchais avec un ex-
trême plaisir, quoique toute la nature
frémît. »
Ce ne sont pas les pots cassés qui
manqueraient aux monarchico-cléri-
caux; que de fois ils ont renouvelé et
recassé le pot au lait de Perrette S
On m'élit roi, mou peuple m'aime; T -
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même,
Je suis Gros-Jean comme devant.
Le Yingt-quatre-Mai, le Seize-Mai,
l'aventura boulangiste, que de pots de
Perrette! Les ennemis de la Républi-
que n'ont pas. besoin d'imiter Marie
Alacoque pour coucher sur des pots
cassés ; mais je ne crois pas que, comme
elle, ils s'y couchent - avec un extrême
plaisir.
AUGUSTE VACQ¥ERIE.
- — —■ ■rtjjliii :—
COULISSES DES CHAMBRES
****" LES PLUS-VALUES ., [MIl -¡
La marche de nos impôts et revenus
indirects prend une tournure de plus en
plus satisfaisante. Le relevé fait par le
ministère des finances pour le mois de mai
dernier accuse unes-Yalue de 5,257,000
fr. par rapport aux prévisions budgétaires
et une plus-value de 7,959,500 fr. par
rapport au produit du mois de mai de
l'année dernière.
Pendant les cinq mois écoulés de 1891,
le produit des impôts et revenus indirects
a dépassé de 23,947,000 fr., soit en chiffres
ronds de 24 millions les prévisions budgé-
taires.
Durant la même période, ce produit a
dépassé de 53,224,100 fr. le produit de la
période correspondante de 1890.
Si ce mouvement se continue régulière-
ment, durant le reste de l'année, comme
tout permet de l'espérer, les recettes de
1891 dépasserônt de 60 millions les prévi-
sions budgétaires.
X
LES RÉSULTATS DU PARI MUTUEL
Les premiers effets de la loi rétablissant
le pari mutuel sont connus. On sait que le
pari mutuel a recommencé à fonctionner
mercredi dernier par tolérance et a con-
tinué les jours suivants en vertu de la loi
nouvelle.
Les sommes encaissées par le pari mu-
tuel ont 4té les suivantes :
Mercredi 3 juin {Auteuil) : 1,100,000
francs.
Jeudi 4 juin (Longchamp): 760,000 fr.
, Vendredi 5 juin (Auteuil) : 1,100,000
francs.
Soit au total 2,960,000 francs ou en
chiffres ronds 3 millions en trois jours.
Le prélèvement de 2 0/0 en faveur des
œuvres d'assistànce s'est par suite élevé à
60,000 francs et celui de 1 0/0 en faveur
de l'élevage à 30,000 francs.
Les sociétés de courses ont prélevé 4 0/0
pour leurs frais d'administration soit
120,000 francs.
Le reste, soit environ 2,800,000 francs,
a été distribué aux parieurs ayant gagné.
DIEU
PAR
VICTOR HUGO
Mercredi prochain paraîtra, chez Hetzel
et Quantin. un volume inédit de Victor
Hugo : DItJ.
Dans la préface de la Légende des Siècles
(septembre 1859), on lit :
— « Lorsque les autres parties de ce
livre auront été publiées, on apercevra le
lien qui, dans la conception de l'auteur,
rattache la Légende des Siècles à deux autres
poèmes, presque terminés à cette heure,
et qui en sont, l'un le dénouement, l'autre
le couronnement : la Fin de Satan et
Dieu. »
Dieu, « presque terminé en 1859 », fut
bientôt achevé, et Victor Hugo le lut, à
Guernesey, à sa famille et à quelques
amis.
Je me souviens de la grande impression
qu'il fit à tous ceux qui l'entendaient. Je
ne doute pas qu'il n'en fasse une aussi
grande à tous ceux qui le liront.
A. v.
'- A. V.
LES EMPLOYÉS DE CIIEnNS DE FER
Dans la série d'articles que nous allons
consacrer à la situation des employés des
chemins de fer et que nous sommes sur
le point de commencer, nous passerons
successivement en revue les conditions
faites parles grandes compagnies et l'Etat :
1° Aux mécaniciens et chauffeurs ;
2° Aux aiguilleurs ;
3° Au personnel des trains ;
4° Au personnel des gares ;
5° Aux employés des bureaux ;
60 Aux ouvriers des ateliers.
Nous indiquerons les salaires des agents
de chacune de ces catégories sur les diffé-
rents réseaux, la durée quotidienne de
leur travail, les avantagexpéciaux dont
ils jouissent ainsi que les retraites qui
leur sont assurées. Nous exposerons toutes
les revendications des employés et nous
appuierons énergiquement toutes celles
qui nous paraîtront légitimes, mais nous
ferons ressortir aussi les améliorations
réalisées pendant ces dernières années,
soit par les compagnies, soit par l'Etat.
On le voit, l'étude que nous entrepre-
nons est des plus sérieuses et des plus
difficiles. Nous dirons la vérité et rien que
la vérité, en nous gardant avec soin de
donner des renseignements erronés et d'é-
mettre des appréciations malveillantes.
A une époque comme la nôtre, où les
questions sociales sont de plus en plus à
l'ordre du jour, une pareille étude s'im-
pose. Les compagnies des chemins de fer
de l'Etat emploient 350,000 hommes.
Sans doute, il y a, dans cette armée du
travail, des agents suffisammentrétritotïés;
mais beaucoup souffrent. Eh bien ! il
s'agit dè montrer que ces déshérités ont à
peine derquoi vivre avec les salaires qu'ils
touëhent et que c'est un devoir pour
ceux qui les emploient de leur faire la vie
plus douce. , -
Les employés des chemins de fer ont
compris depuis quelque temps l'impor-
tance des syndicats. Le syndicat n'est pas,
comme le croient certaines compagnies et
beaucoup de patrons, une arme dange-
reuse pour la société. Le groupement des
travailleurs est tout aussi naturel que celui
des capitalistes. Est-ce que ces derniers
ne sont pas représentés dans les sociétés
anonymes, par exemple, par un conseil
d'administration? Pourquoi les ouvriers
de chaque profession ne le seraient-ils
pas aussi par un comité composé des leurs?
Il n'y a rien de subversif dans cette ma-
nière de voir et, pour tout dire, nous ne
désespérons pas de voir, avant longtemps,
les syndicats ouvriers discuter froidement,
sans que personne y trouve rien à repren-
dre, leurs intérêts avec les délégués des
actionnaires des compagnies. Les syndicats
qui existent actuellement et ceux en voie
de formation ou qui -se formeront plus
tard n'auront qu'à suivre la voie tracée
par le syndicat des employés des Omnibus.
Compagnies et patrons, même et sur-
tout les compagnies de chemins de fer
doivent en prendre leur parti. Le capital a
perdu le droit d'opprimer le travail.
CHARLES BOS.
P. S. — M. Guimbert, président du syn-
dicat général, des mécaniciens-chauffeurs-
conducteurs de France a eu une entrevue
avec le ministre des travaux publics auquel
il a exposé les réclamations des méca-
niciens. -
Voici ce programme de revendications :
1° La journée de travail des mécaniciens
ne doit pas dépasser dix heures et com-
mence quand l'agent entre dans l'enceinte
du chemin de fer ;
2° La durée de présence sur la machine
ne devra pas excéder sept heures sur
vingt-quatre heures, une durée de pré-
sence plus longue à un service de rapides
ou d'express étant l'épuisement et la des-
truction à bref délai de l'homme le plus
robuste ; • ",
3° Il sera accordé trente-six jours de
congé par an, dont douze consécutivement ;
4° Les roulements de service seront éta-
blis de manière que le repos se prenne à
domicile ;
5° Il sera interdit d'adjoindre aux méca-
niciens des nettoyeurs ou manœuvres
comme chauffeurs, pour raison de sécu-
rité publique ;
6° La retraite devra être acquise après*
vingt ans de service, quel que soit l'âge,
et elle pourra être proportionnelle après
quinze ans de service ;
7° Cette retraite devra être à l'abri de
toute éventualité.
Avant de prendre congé de M. Yves
Guyot, M. Guimbert lui a signalé la si-
tuation faite aux mécaniciens de la com-
pagnie Paris-Lyon-Méditerranée.
La réunion du cirque d'Hiver
Rappelons que c'est aujourd'hui, à une
heure de l'après-midi, qu'a lieu, au cirque
d'Hiver, la réunion générale provoquée
par le conseil d'administration des em-
ployés et ouvriers de chemins de fer.
— ♦ :
LES EMPLOYÉS DES - OMIBUS DE LONDRES
Londres, 6 juin.
Pendant la réunion des employés de la Com-
pagnie des omnibus, la nuit dernière, un télé-
gramme a été reçu, venant du secrétaire de la
London General Omnibus Company, deman-
dant l'ajournement de la grève jusqu'à lundi.
Cette demande a été rejetée. A moins qu'un
arrangement n'intervienne aujourd'hui, la
grève générale commencera certainement à
partir de minuit.
— - Londres, 6 juin-
Les omnibus np marcheront pas demain
dimanche. ,
La Compagnie des omnibus de Londfes a
fait afficher une:note déclarant que les coçhers.
et conducteurs qui désiraient continuer le
travail « pouvaient compter sur une sérieuse
protçetion de là part de la polico. » •
M .: : .1 I » ■
LES TRAMWAYS NORD ET SUD
Nous avons publié hier l'ordre du jour
voté par le conseil d'administration du
syndicat de la Compagnie des omnibus et
engagé les employés des tramways Nord
et Sud à tenir avant jeudi prochain leur
réunion générale.
Un grand nombre d'agents de ces deux
compagnies désireraient que cette réunion
eût lieu dans la nuit du mardi au mer-
credi et nous demandent d'en aviser leurs
camarades.
Le jour semble bien choisi. Demain ou
après-demain nous ferons connaître le lieu
et l'heure de la réunion.
C. B.
LE GRAND-PRIX DE PARIS
Les Anglais ont reconnu la supériorité
de nos chevaux cette année, et ils n'ont
pas envoyé Common, le vainqueur du
Derby anglais, courir dans la grande
épreuve internationale. Benvenulo, un che-
val assez médiocre, représentera seul l'éle-
vage anglais ; il ne paraît pas de force à
inquiéter nos champions.
Nous sommes persuadé que Ermak ga-
gnera le Grand-Prix de Paris plus facile-
ment encore qu'il n'a gagné le prix du
Jockey-Club. La piste de Longchamps cort-
vient mieux à sa longue et puissante ac-
tion que celle de Chantilly. Son jockey le
montera avec beaucoup plus de confiance,
et ne commettra aucune faute par excès
d'émotion, comme il en a commis à Chan-
tilly.
Le-Hardy est un excellent petit cheval,
mais il y a entre lui et Ermak la même
différence qui existait entre Nougat et
Salvator en 1875; Nougat, malgré tout son
courage, ne pouvait que se briser contre
le grand compas de Salvator. Il ne peut
qu'en être de même pour Le-Hardy, qui
est obligé de faire trois foulées de galop
pendant qu'Ermak en fait deux pour par-
courir le même espace. *
En troisième place, nous voyons Le-Ca-
pricorne ou Clamart.
M. Edmond Blanc possède deux très
bons chevaux avec Gouverneut., arrivé se-
cond dans le Derby anglais, et avec Révé-
rend qui a remporté un grand nombre de
victoires, mais la distance de 3,000 mètres
devta être trop longue pour eux.
La victoire d'Ermak sera d'autant mieux
accueillie, que ce grand cheval appartient
à deux véritables éleveurs, ne pariant pas
un centime pour leur propre compte et
par conséquent n'empêchant pas le public
d'obtenir une cote aussi rémunératrice que
possible, en accordant confiance au cham-
pion qui porte leurs loyales couleurs. De
plus, Ermak est fils d'un étalon apparte-
nant à notre meilleure race française. A
tous les points de vue on trouvera un suc-
cès national dans son triomphe.
STUÀRT.
LE CONSEIL DES MINISTRES
Les ministres se sont réunis hier matin, à
l'Elysée, sous la présidence de M. Carnot. M.
Yves Guyot n'était pas présent.
M. de Freycinet, président du conseil, a fait
savoir que, d'accord avec ses collègues inté-
ressés, il a constitué une commission centrale
des travaux géographiques, commission pré-
vue par l'article 50 de la loi de finances de.
1891.
Cette commission est composée de fonction-
naires mr ministère de la guerre etd'agents de
divers ministères. :
M. Fallières, garde des sceaux, a informé la ;
conseil que l'instruction ouverte au sujet Ã.lE :
l'affaire Turpia est close. Les quatres personnes 1
actuellement arrêtées, MM. Turpin, Triponéj
Faseler et Feuvrier, sont seules impliquées
dans les poursuites. ;
M. Constans, ministre de rintérieur, a sàp-
mis a la signature du président de la Répu-
blique deux projets de loi : le premier, relatit
à l'organisation des conseils de préfecture ; le
second, portant création d'une caisse de re-
traites pour les travailleurs.
Les ministres se sont entretenus de l'inaugu-
ration de la statue de Garibaldi qui aura lieu à
Nice à la fin de septembre.
A LA CHAMBRE
Le dépôt par le ministre de l'intérieur
sur le bureau de la Chambre, d'un projet
de loi relatif aux retraites ouvrières, t
provoqué, au début de la séance d'hier, uc
incident violent. De la façon la plus inat-
tendue du monde, M. Déroulède est venu
demander au ministre de prendre l'en-
gagement de se démettre de ses fonctions
si ce projet de loi échouait, soit au Sénatt
soit à la Chambre. « Si vous ne prenez pas
cet engagement, déclare M. Déroulède, en
déposant votre proposition, vous ne faites
que du charlatanisme ! » On s'était d'abord
entreregardé avec un certain étonnement;
maintenant on s'indigne. On apostrophe
vivement l'orateur qui, s'exaltant, traite
« d'infâme » la majorité qu'il a devant lui.
Du coup, le tumulte éclate. Le.« boucan »
des grands jours. M. Déroulède vient de se
mettre sous le coup de l'article 125 du
règlement qui édite la peine de la censure
avec exclusion temporaire. De nombreuses
voix crient : la censure ! '-
Aux termes du règlement, M. Déroulède
a la parole pour s'expliquer. Bien entendu
il en profite pour aggraver considérable-
ment ses torts. Il ne parle pas, il crie;
rouge, en sueur, il exécute un moulinet
frénétique tantôt avec le bras droit, tantôt
avec le bras gauche. On entend peu les
paroles qui tumultueusement, se heurtent,
se poussent, se mêlent pour sortir toutes
à la fois de sa bouche. Il termine en di-
sant que « la représentation nationale a
été outragée et bâillonnée en sa personne
par une majorité de capitalistes et d'agio..
teurs. »
Enfin, il consent à descendre de la tri-
bune. Il n'y a plus qu'à voter. Mais c'est
là le difficile, car, en l'absence de M. Flo-
quet indisposé, c'est M. de Mahy qui pré-
side, et cet excellent homme, très ardent,
très convaincu, n'a aucune des qualités
requises pour diriger des débats un peu
orageux. Il se démène, joue du couteau t
papier et de la sonnette, brandit le règle-
ment, ôte et remet ses lunettes, mais ne
parvient pas à dominer le bruit. Une pre-
mière épreuve par mains levées est déclarée
douteuse. On n'a pas entendu mettre la
question aux voix ; on réclame. Le tapage
devient assourdissant. M. de Mahy éperdu
procède à une seconde épreuve, par assis
et levé ; le centre et la gauche votent pour
l'application de la censure; la droite, en
masse, se lève contre; l'extrême gauche
s'abstient. De notre place, il nous semble
bien qu'il'y a une majorité pour la cen-
sure; mais les secrétaires ne sont pas d'ac-
cord. Pour la seconde fois, il y a doute.
Recrudescence du « boucan ». Que va-
t-on faire? Comment sortir de là? Quel-
ques-uns demandent le scrutin. Mais,
quand il s'agit d'infliger une peine disci-
plinaire, le règlement s'oppose à ce qu'il
soit procédé au scrutin. La droite, qui n'a
cessé de soutenir M. Déroulède, dépêche à
la tribune l'un de ses membres, M. de
Lamarzelle, lequel déclare que les deux
épreuves n'ayant pas donné de résultat;
la censure n'est pas prononcée. M. de Mahy
Feuilleton du RAPPEL
DU 8 JUIN
28
LEONARD AUBRY
DEUXIÈME PARTIE
ACTION
-•
VII (suite)
-* Natalis entraîna Daniel du côté de Léo-
nard et les mena à l'écart tous deux :
j —Cher père, tu vois, dit-il, je n'ai pas
tardé à partager tes idées; j'ai quitté cette
Rome qui, décidément, écrase et annihile
la pensée individuelle. J'ai voulu vous
faire une surprise, dont mon cher Daniel
avait seul le secret, et j'ai fait un détour
pas mal long pour assister au moins à
.votre bonheur; mais la vérité est que j'au-
rais dû aller tout droit à Bordeaux. On
Im'y attend pour le travail que tu sais, et
que j'aurais eu tort, n'est-ce cas? de lais-
ser échapper. Je ne veux pas troubler la
fête; je m'esquiverai sans rien dire, un
peu après qu'on se sera levé de table. Tu
co'uvriras ma retraite, et tu m'excuseras,
cesoir, auprès de maman et des mariés.
I —Comment! s'écria Léonard, sitôt ar-
rivé, sitôt reparti! Donne-nous au moins
un jour.
v -- Impossible. Ma place est retenue à I çi
diligence de Bordeaux pour six heures.
, .■ —;—:——-—i -
Reproduction interdite.
,#Voir le Rappel da 11 maii-aj 7 juin.
J'ai eu deux jours de retard en route. Ma
parole est donnée. Crois-moi bien, je fais
mon devoir en partant. D'ailleurs, me
revoilà en France et je ne m'absente plus
que pour peu de mois.
— Allons! puisqu'il le faut!. dit Léo-
nard, que Pierre venait chercher pour
offrir le bras à la femme de son directeur.
A ce nuage près, Léonard Aubry se sen-
tait plus heureux qu'il ne l'avait été depuis
des années. Au centre de cette table, en-
touré de ses amis, il contemplait sa femme
épanouie, son aîné enfin marié, son Na-
talis déjà de retour, Marie vive et riante,
Marthe, sa nouvelle fille, aussi bonne que
belle; partout où son regard s'étendait, il
ne pouvait prévoir que bonheur et honneur
pour tous les siens.
Natalis, assis à côté de sa mère, en face
de la mariée, accablait Brigitte de ten-
dresses, mais en même temps s'emplissait
l'âme et les yeux-de la vue de Marthe. Il
fut odieusement arraché à ces cruelles
délices par M. Giboureau, qui, au dessert,
chanta des couplets de sa façon, où i! était
fort question de Mars et de Vénus.
Au sortir de table, Natalis alla serrer à
la dérobée la main de son père et de Da-
niel, et partit sans être remarqué. Il se
dirigea aussitôt vers les Messageries.'
- Elle est si paisible ! elle ne m'aimait
pas! se disait-il en route. Espérons que je
ne l'aime pas non plus, que je ne l'ai
jamais aimée, surtout que je ne l'aimerai
jamais.
Sincère ox non, le souhait de Natalis
s'aveuglait. Si quelque amour doit attirer
et séduire une âme impuissante, c'est un
atoour impossible- • - j
TROISIÈME PARTIE
PASSION i
i
Installé au château de Mérignac, près
Bordeaux, pour y faire les peintures de la
salle à manger, Natalis vécut là plus de
trois mois à peu près seul ; dangereuse
compagnie. — Solitude, pauvreté, prison,
exil, les hommes forts ont en eux ce qu'il
faut pour supporter ces misères; qu'on
nous passe cette comparaison, ils sont
construits et outillés comme l'est le cha-
meau pour traverser les déserts; il s'est
formé aussi des bosses à leur pensée, et,
quand leur âme a faim ou soif, elle vit là-
dessus. Mais Natalis, réduit à lui-même,
dévorait sa vraie substance et sa vraie
sève. ,
; Le travail aurait pu le préserver ; mais
ce qu'il avait à peindre, c'était le Jour et
la Nuit en panneaux d'entre-deux, et le
Nord et le Midi en dessus de porte, et ces
sujets-là occupaient la main plutôt que le
front. ;
La bibliothèque du château était à sa
disposition. Retiré le soir dans sa cham-
bre, il lisait, il écrivait souvent, et même
il rimait parfois, complétant ainsi l'édu-
cation de sa douleur; elle était pourtant
déjà bien assez instruite !
A cette époque, l'adultère était fort à la
mode. dans les romans, et les vignettes
des in-octavo représentaient immanqua-
blement des femmes échevelées aux pieds
d'un mari violent. Le négociant proprié-
taire du château avait récemment épousé
en secondes noces une jeune femme, une
créole, oisive et ennuyée, qui se faisait
envoyer de Paris les nouveautés littéraires.
Natalis - eut dans les mains tous ces vo-
lumes encore imprégnés d'un vague par-
fum de femme, et il en entretint son délire.
A la fin de juin, il avait terminé son
travail.
Qu'allait-il faire? Retourner à Rome?
c'eût été le plus sage. Mais il y avait huit
longs mois que son âme frileuse ne s'était
dégourdie à la bonne chaleur de la vie de
famille, huit mois qu'il n'avait senti sur
son front les lèvres de sa mère et de sa
petite sœur! :
Seulement, en se décidant à rentrer à
Paris, il prit vis-à-vis de lui-même un en-
gagement sévère.
- Je suis certain que .Marthe ne m'aime
pas. Mais, soyons sincère, j'ignore, moi,
si je ne l'ai pas aimée et si même je ne
l'aime pas encore. Voici donc quel est
mon impérieux devoir : chaque jour, et
presque à chaque heure, je m'interroge-
rai, je descendrai en moi-même, et je ferai
le scrupuleux examen de conscience de
mon cœur. Au premier symptôme de re-
chute, à la simple appréhension du mal,
je partirai aussitôt. <.. f
Armé de cette énergique résolution, il se
mit joyeusement en route.
11 arriva à Paris par une belle journée de
juillet. Le ciel était bleu, l'air était .pur,
tout riait d'espérance et de vie. g
Natalis ne trou va à la maison que les
trois femmes, Brigitte, Marthe et Marie,
qui travaillaient ensemble au jardin en
causant.
Elles le reçurent, Dieu sait, comme le
prince du logis ; Marie avec ses petits cris
d'oiseau en joie, Marthe avec son beau
regard caressant, Brigitte avec ses embras-
sements qui recommençaient toujours. Et
puis, vinrent les questions et les récits, et
les questions encore.
Natalis, lui aussi, se sentait calmé, heu-
reux, épanoui. Il s'était assis à leurs pieds
sur un tabouret, ayant Brigitte à sa droite
Marie à sa gauche, et Marthe en face de
lui; il s'abandonna pendant un instant à
sa nature, et se sentit content de son sort
et de lui-même.
— Mais qu'on est donc bien comme ça!
s'écria-t-il gaiement. Te rappelles-tu, ma-
man ? quand j'étais enfant, je n# me trou-
vais bien qu'avec les femmes et j'étais
timide avec les hommes. Oh! que--favais
raison ! elles vous consolent bien mieux
qu'ils ne vous soutiennent.
Pierre revint le premier, et faillit écraser
Natalis dans sa vigoureuse embrassade.
— Eh! le voilà donc, l'enfant prodigue!
mais pas de veau pour lui, la mère! vaut
mieux le rosbif! hé ! hé ! hé !
11 remarqua que Natalis et Marthe ne se
tutoyaient pas. ,',"
— Il faudra vous y habituer, mes en-
fants, dit-il, ça jurerait. ': ,,' 1
— Est-ce que,vous me permettez de te'
tutoyer, Marthe? demanda Natalis.
— Comme lu voudras, répondit-elle en
souriant. :
L'arrivée-du père mit. aa complet la fa-
mille. Léonard retrouvait donc enfin totts
•.-i-'i ~.«V
ses enfants réunis autour de lui ! Cette
idée jeta dans la gravité accoutumée du
vieillard une sorte d'allégresse, et même
dans son allégresse une pointe de malice.
Voyant Marthe aussi empressée et aussi
fraternelle que Marie auprès du nouveau
venu :
— Ah ! ah ! dit-il en riant, Natalis t'a
donc tout de suite apprivoisée, sauvage,
qui, un mois après ton mariage, appelais
encore quelquefois ton mari monsieur
Pierre, et qui dis tu à ton frère au bout
d'un quart d'heure I
La routeur monta, non au front de
Marthe, mais au front de Natalis.
— Méchant père ! reprit tranquillement
Marthe ; depuis plus de trois mois, j'ai eu
le temps de m'habituer à l'idée que Nata-
lis est mon frère ; et puis, nous sommes
plus près par l'âge.
Pierre montra à Natalis le logement
qu'il avait fait arranger au premier pour
son ménage. On y communiquait intérieu-
renaent d'en bas par un petit escalier à vis
pratiqué dans un coin de la salle à man-
ger. L'appartement se composait d'une
antichambre, d'une petite pièce où tra-
vaillait Marthe et de la chambre à coucher.
Natalis y reconnut des meubles provenant
de la tante Laperlieret certains objets qui
avaient appartenu à Marthe jeune fille.
Il fa sans direqQAprenait les repas en
commun et que les deux ménages n'en fat
saientqu'un, sous l'économe direction de
la mère. • „ -
v PAUL MEURIGJE.
( A suivre. -' - ; - ", J
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.73%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.73%.
- Collections numériques similaires Société zoologique de France Société zoologique de France /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Société zoologique de France" or dc.contributor adj "Société zoologique de France")
- Auteurs similaires Société zoologique de France Société zoologique de France /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Société zoologique de France" or dc.contributor adj "Société zoologique de France")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k75408771/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k75408771/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k75408771/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k75408771/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k75408771
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k75408771
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k75408771/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest