Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-06-06
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 juin 1891 06 juin 1891
Description : 1891/06/06 (N7757). 1891/06/06 (N7757).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75408756
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
N° 7757 — Samedi 6 Juin 1801
18 rrairiai an 99 - M 7757
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION u ',,"!
- 18, ULEDEVALOÏS, 18
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION
De 4 à 6 heures du soir
1
Et de 9 heures du soir à minuit , !
■niAMt,à<:a:x$nos insêiiês ne SERONT PAS RENDUS
: RAPPEL
ADMINISTRATION
18, RUE DE VALOIS, 18
Adresser lettres et mandats
A L'ADMINISTRATEUR GERANT
ANNONCES
MM. Ch. LA-CHANGE, CERF et 0
G, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
PARIS
ON MOIS 2 FB.
'IBOIS IIOIS. fi-
SIX MOIS 9 FB.
UN AN .18 -
Rédacteur en chef : AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 PR.
TROIS MOIS. 6-
SIX MOIS 11 FB.
UN AN. 20 —
Inauguration à Montmartre
C'est aujourd'hui qu'on inaugure, à
Montmartre, l'église du Sacré-Cœur. Le
Sacré-Cœur, vous savez ce que c'est.
Il y a deux cents ans, à Paray-le-Mo-
nial, une fille, nommée Marie Alacoque,
donnait des rendez-vous à Jésus-Christ,
qui y venait et qui lui disait :
- Aimes-tu le fromage?
— Je l'exècre.
— Manges-en.
Elle en mangeait. Pour la récompen-
ser de son obéissance, Jésus-Christ
s'ouvrait la poitrine, lui montrait son
cœur saignant comme un quartier de
viande au crochet des bouchers, et lui
disait :
— Donne-moi le tien.
Marie Alacoque le donnait, Jésus le
mettait dans sa poitrine avec le sien et
les deux cœurs se baisaient. Quand le
cœur de Marie Alacoque en avait assez,
Jésus le lui rendait, refermait son trou,
et retournait au paradis.
L'Assemblée dite nationale, et dite
plus justement l'Assemblée du jour de
malheur, pensa que ce fromage ci ce
trou devaient être la religion de la
France. Elle pensa qu'il était temps de
bâtir une église à l'adoration de ce fro-
mage et de ce trou.
Le 29 juin 1873, on vit arriver à'
Paray-Ie-Moniul un pèlerinage de mem-
bres de l'Assemblée dite nationale ; ils
avaient sur la poitrine un cœur rouge.
Le clergé du lieu les alla recevoir à la
gare et les conduisit à l'église, où, la
messe entendue, un d'eux, M. de Bel-
castel, agenouillé devant un Jésus troué,
s'écria :
— Au nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit, nous venons nous consa-
crer à vous. Ainsi soit-il.
A quoi l'évêque qui officiait répondit :
— Je ne vous remercie pas, mes-
sieurs, je ne vous félicite pas ; vous
n'avez besoin ni de félicitations ni de
remerciements. Mais, au nom de l'E-
glise, je prends acte.
Le pèlerinage de Paray-le-Monial
avait un chant dont le refrain était :
Sauvons Rome et la France
Au nom du Sacré-Cœur!
« Sauvons la France », voulait dire
tuons la République.
Il faut rendre aux alacoquins cette
justice qu'ils ont fait pour cela tout ce
qu'ils ont pu. Quelques semaines aupa-
ravant le président de la République les
gênant, ils l'avaient jeté brutalement à
la porte et l'avaient remplacé par un
président à eux. Ils avaient remplacé
le président-grue qui croquait les gre-
nouilles par un président-soliveau qui
les laisserait demander tous les rois
qu'ils voudraient. Le malheur des gre-
nouilles fut que les unes demandèrent
un roi tricolore et les autres un roi
blanc, et leur succès fut de n'avoir pas
de roi du tout.
A défaut de trône, ils durent se con-
tenter d'un autel. Ne pouvant rebâtir
les Tuileries, ils bâtirent l'église du
Sacré-Coeur.
Ils la bâtirent sur la butte Montmar-
tre, pour qu'elle dominât la grande ville
révolutionnaire, pour qu'elle la couvrît
de son ombre, pour qu'elle pesât,sur
elle, pour qu'elle lui fît baisser la tête,
pour qu'elle lui fût une insulte et une
menace de tous les jours.
Il fut question un moment de savoir
si la République tolèrerait -cette provo-
cation. Il y a huit ans, un député pro-
posa la désaffectation de l'église ala-
coquine. Le ministre dé l'intérieur, qui
était alors M. Goblet, objecta que la
chose regardait plus le conseil munici-
pal que la Chambre et ne vit pas d'uti-
lité à rembourser au clergé et aux sous-
cripteurs la quinzaine de millions
qu'alors déjà ils avaient engloutis dans
l'affaire. On n'insista pas, et le clergé
put continuer d'engloutir.
Aujourd'hui la bâtisse est terminée
et on l'inaugure. Pour ma part, je ne
suis pas fâché qu'on l'ait laissée ache-
ver. Elle rappelle le grand effort des
ennemis de la République, et alors ils
étaient dans des conditions exception-
nellement favorables, dans des con di-
tions qu'ils ne retrouveront jamais, ils
étaient maîtres de l'Assemblée unique,
le président de la République leur ap-
partenait, et qu'est-ce qu'ils ont pu?
Leur église témoigne donc de leur im-
puissance absolue contre la Républi-
que. La République n'a qu'à la laisser
témoigner.
AUGUSTE VACQUERIE.
— *
COULISSES DES CHAMBRES
LA CAISSE DE RETRAITE POUR LES OUVRIERS
M. Constans, ministre de l'intérieur, dé-
posera demain samedi sur le bureau de la
Chambre, l'important projet de loi — dont
nous avons donné l'analyse — et qui a
pour objet d'instituer une caisse nationale j
des retraites pour ies ouvriers.
Pour compléter les indications détaillées
que nous avons données il y a deux jours
sur ce projet, nous devons ajouter que la
caisse des retraites s'appliquerait à tous
les ouvriers de l'industrie et de l'agricul-
ture, aux employés de commerce et d'ad-
ministration et aux individus attachés à la
personne, c'est-à-dire aux domestiques,
sous la condition qu'ils soient Français,
âgés de vingt-cinq ans et ne touchent pas
de salaires ou d'appointements supérieurs
à 3,00u francs par an.
L'examen de ce projet sera confié à la
grande commission du travail.
X
LA LOI SUR L'ESPIONNAGE
On se souvient qu'il y a quelque temps
le gouvernement a pris l'initiative d'un
projet de loi tendant à modifier, dans le
sons de l'aggravation des peines, la loi de
1886 sur la répression de l'espionnage. Ce
projet tend à élever de cinq à dix ans
d'emprisonnement le maximum de peine
prévu par la loi de 1886.
La commission de l'armée à laquelle ce
projet avait été renvoyé l'avait, après de
nombreuses délibérations, adopté avec
quelques modifications de détail et nommé
M. Camille Dreyl'us rapporteur.
Hier, la commission a entendu la lec-
ture du rapport; mais une nouvelle dis-
cussion s'est engagée à la suite de laquelle
la majorité de la commission, envisageant
certaines éventualités possibles, a jugé
nécessaire d'introduire dans le projet de
loi la peine de mort pour certains cas.
En conséquence, le projet et par suite
le rapport vont être modifiés en ce sens.
X
L'ARMÉE COLONIALE
Dans sa séance d'hier, la commission de
l'armée a également arrêté ses conclusions
au sujet du projet de loi relatif à l'organi-
sation d'une armée coloniale, dont elle a
été saisie par le ministre de la guerre.
Elle a adopté les principes généraux du
projet du ministre; mais, sur la motion
du rapporteur, M. le baron Reille, elle les
a condensés dans quatre articles dont voici
l'économie générale :
Par le premier article il est créé un
corps d'armée spécial, chargé de la garde
et de la défense des colonies et des pays
de protectorat ; ce corps est rattaché au
ministère de la guerre et a son budget
spécial.
Le second établit que, jusqu'au vote de
la loi des cadres ou la fusion complète
entre les divers corps d'officiers, des* dé-
crets régleront, d'après les crédits ouverts,
la formation des corps coloniaux, la com-
position des cadres et le passage des offi-
ciers des troupes coloniales dans les
autres troupes de l'armée et réciproque-
ment.
Le troisième stipule que les officiers et
les troupes des autres corps do l'armée
employés à un service aux colonies seront
détachés dans lu corps colonial.
Enfin, le quatrième article décide que
le service du recrutement et de la mobili-
sation dans les colonies de la Martinique,
Guadeloupe, Réunion et Guyane sera
immédiatement constitué par décret, de
manière à permettre l'appel de la classe
4890.
La commission, avant d'autoriser le dé-
pôt du rapport sur le bureau de la Cham-
bre, a décidé d'entendre le ministre de la
guerre.
———————————
L'ANGLETERRE ET L'ITALIE
Tout mauvais cas est niable. Les jour-
naux ministériels anglais nient l'authenti-
cité des confidences du roi Humbert au
prince Napoléon que nous avons rappor-
tées hier, mais la façon dont ils la nient
est curieuse.
Ainsi, le Standard, qui a ses grandes et
petites entrées au Foreign-Office, com-
mence par railler la crédulité de ceux qui
ont pu croire un moment a l'engagement
pris par le gouvernement anglais de cou-
vrir de sa flotte, en cas de guerre, les
côtes italiennes ; il déclare que lord Salis-
bury est un ministre « trop prudent, trop
modéré, trop rempli de déférence envers
l'œuvre de ses prédécesseurs » pour avoir
eu même l'idée d'un engagement pareil.
Mais le journal officieux ajoute que « le
récit qu'on fait aujourd'hui est loin d'être
en contradiction avec la situation politi-
que de l'Europe »; l'erreur est de repré-
senter l'Angleterre comme s'étant engagée
à faire « ce que probablement, d'ailleurs,
elle ferait dans certaines circonstances ».
Mais quoi ! l'Angleterre ne prend pas
plus parti pour l'Italie que pour la France.
Qu'est-ce qu'elle veut, cette bonne Angle-
terre? la paix. C'est pourquoi « il n'est
pas contraire au bon sens de penser qu'en
cas d'hostilité entre la France et l'Italie, la
flotte anglaise offrirait sa protection à
l'adversaire qui aurait été attaqué ». Si
c'est la France qui attaque, l'Angleterre
offrira sa flotte à lTtailfe ; si c'est l'Italie,
l'Angleterre offrira sa flotte à la France.
N'est-ce pas l'équité et la générosité
mêmes? Et la France a-t-elle le droit de
se fâcher? n'a-t-elle pas le devoir mercier? ,,,..
Seulement, le Standard prend soin de
bien établir d'avance « qu'il n'y a aucune
possibilité que l'Italie attaque la France ».
De sorte qu'en cas de guerre, comme l'at-
taque n'aurait pas pu venir de l'Italie, il
est acquis dès à présent qu'elle serait ve-
nue de la France et que c'est contre la
France que l'Angleterre enverrait sa flotte.
Telle est la dénégation du journal mi-
nistériel. Elle ressemble fort à une confir-
mation.
A. V.
Dernière laesire. -r— Si la déclaration
du Standard ne suffisait pas, on n'aurait
qu'à y joindre celle du ministre anglais,
que les dépêches nous apportent dans la
soirée ; voici les paroles que vient de pro-
noncer à la Chambre des communes sir
J. Fergusson, sous-secrétaire d'Etat aux
affaires étrangères :
Je répète que le gouvernement n'a pris au-
cun engagement .concernant remploi des
forces navales ou militaires de l'Angleterre
dans une éventualité quelconque, et le gou-
vernement a conservé sa pleine liberté d'ac-
tion à propos de certaines éventualités. Mais
les hommes d'Etat italiens savent bien que le
gouvernement anglais partage leur désir de
n'apporter aucun changement dans l'état actuel
de la Méditerranée et des autres mers voisines.
L'Italie n'ignore pas non plus que les sympa-
thies de l'Angleterre iraient du côté do ceux
qui assurent une politique aussi conforme aux
intérêts anglais.
: «tSÇ*!®—
VICTOR HUGO A L'ILE D'ELBE
On a lu dans Victor Hugo raconté par un
témoin de sa vie que, quelques mois après
sa naissance, Victor Hugo habita l'îie
d'Elbe, où son père tenait garnison.
Le pauvre être chétrf, sans couleur et sans voix,
Qui fut deux fois l'enfant de sa mère obstinée
fut fortifié par l'air salubre du pays.
Le 24 du mois dernier, la-ville de Porto-
Ferrajo a consacré ce souvenir par la pose
d'une plaque de marbre sur laquelle était
gravée une inscription dont voici la tra-
duction :
Ici, à Porto-Ferrajo, en 1802, fut amené tout
enfant Victor Hugo.
Ici naquit cette parole qui, plus tard, lave
d'un feu sacré, devait emplir les veines des
peuples.
Peut-être les trois années qu'il passa dans
cette atmosphère, formée des atomes du fer et
de la mer, fortifiant sa frêle constitution, ont-
elles conservé l'orgueil de sa naissance à la
France, la gloire de son nom au siècle, et
à l'humanité un apôtre et un immortel génie.
La pose de cette pierre a été l'occasion
d'une manifestation de sympathie pour la
France.
L'avocat Rodolfo Monganari, qui avait
composé l'inscription, a prononcé un dis-
cours qu'il a terminé en souhaitant que,
« de même que les deux noms de Victor
Hugo et de Garibaldi, réunis, sont le sym-
bole de la liberté, de même la France et
l'Italie, redevenues sœurs, marchent en-
semble, à la tête de la noble race latine, à
la conquête de la paix universelle ».
Ce discours, dit une dépêche reçue par
le Gaulois, « a été accueilli par un ton-
nerre d'applaudissements, et la cérémonie
a fini aux accents de la Marseillaise ».
Il —
CONSEIL DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
Le conseil supérieur de l'instruction publi-
que s'est réuni hier matin sous la présidence
de M. Bourgeois.
Il a statué tout d'abord sur l'importante
question des vacances scolaires.
Sur le rapport de M. Brouardel et après avoir
pris connaissance des résultats de l'enquête
faite à ce sujet, le conseil s'est prononcé sans
discussion et à la presque unanimité pour le
maintien du statu quo.
Le projet d'arrêté auquel le conseil s'est
rallié est ainsi conçu :
Article premier, -r- L'ouverture des grandes
vacances dans les lycées et collèges de garçons
sont fixées au 1er août pour l'année scolaire
1890-91 et les années suivantes. La distribu-
tion des prix aura lieu le 31 juillet.
Art. 2. - La rentrée des classes est fixée
chaque année au 1er octobre.
Si le ltr octobre tombe un dimanche, la ren-
trée s'effectuera le lendemain.
Art. 3. — Le présent arrêté n'est pas appli-
cable aux lycées et collèges de l'académie
d'Alger.
MM. les recteurs sont chargés de l'exécution
du présent décret.
M. Drummel a demandé que la rentrée eût
toujours lieu le premier lundi d'octobre. Cette
motion a été repoussée.
LES EMPLOYÉS MEPS DE FER
Le ministre des travaux publics a reçu
hier soir MM. Maujan et Dreyfus, députés,
accompagnés par sept délégués des em-
ployés renvoyés de la compagnie d'Or-
léans.
M. Maujan, puis les délégués, ont in-
sisté pour quo M. Yves Guyot voulût bien
intervenir amiablement auprès de la com-
pagnie dOrléans, afin de la prier de re-
prendre les ouvriers qui ont été congédiés
et dont un grand nombre sont pères de
famille.
Le ministre a répondu que dans les con-
ditions où son intervention était réciamée,
il ne demandait pas mieux de faire tous
ses efforts pour provoquer les réintégra-
tions demandées.
A la suite de cette en Ire vu o, M. Yves
Guyot a fait appeler au ministère des tra-
vaux publics M. Heurteau, directeur de la
compagnie d'Orléans, avec lequel il a eu
un assez long entretien.
M. Heurteau a déclaré que la compagnie
avait replacé dans d'autres services vingt-
trois ouvriers sur lesoiKante qui avaient
été congédiés à Paris. Il a donné à M. Yves
Guyot l'assurance qu'il continuait à repla-
cer ceux qui n'ont pas trouvé d'occupations
en dehors de la compagnie et qui consen-
tent à accepter les portes disponibles qu'ils
peuvent remplir.
■ ■ 1 ii ■ i
LA COMPAGNIE DES OMNIBUS
On nous commurîîque la note suivante :
Les membres du conseil d'administration du
syndicat des employés des omnibus sont con-
voquas au siège du syndicat, 23, boulevard du
Temple, pour aujourd'hui, 5 juin, à dix heures
du soir.
Pour le bureau :
Les secrétaires, CONTENSOUZAC, MOREAU.
, : ————————————
LES TRAMWAYS NORD ET SUD
Nous avons reçu des employés des
tramways Nord et Sud des listes d'adhé-
sion au syndicat des employés de la Com-
pagnie générale des omnibus. Les listes
des dépôts des tramways Nord contiennent
383 noms; c'est près des deux tiers du
personnel de cette compagnie. Celles des
dépôts des tramways Sud en compren-
nent un peu moins de 500, soit la moitié
à peu près du total des agents de cette
exp oitation.
Nous allons remettre ces listes au syn-
dicat des Omnibus, qui consent à se char-
ger de provoquer une réunion générale des
employés des tramways Nord et Sud, réu-
nion dont il fait tous les frais.
Dans cette réunion, les employés des
deux compagnies détermineront le pro-
gramme de leurs revendications et se pro-
nonceront sur la question de savoir s'il y a
lieu de se fondre dans le syndicat .avec les
camarades des Omnibus ou de former des
sections à part.
Pour que la réunion ait lieu le plus tôt
possible, il importe que les listes des adhé-
rents qui ne nous sont pas encore parve-
nues nous soient adressées à bref délai.
♦
LES TRAfVIW VS OE LYON
Lyon, 3 juin.
Les employés de la Compagnie des tram-
ways de Lyon ont décidé de présenter des
revendications à leur administration. Dnis ce
but une réunion avait été organisée ce soir j
la Bourse du travail, et environ trois een-U
conducteurs et cochers rentrant du dépôt
étaient réunis à onze heures. Plusieurs con-
seillers municipaux assistaient à cette réunion
qui a été très calme
Les employés réclament : 1° la fixation drs
salaires à 125 fr. par mois; 2" la fixation c'e L.
journée de travail à douze heufes, desquelles
sera à défalquer une heure et demie pour Ici
repas.
Ces deux desiderata qui ont été votés s
l'unanimité seront soumis à l'administration,
et les employés useront de tous les moyens
possibles, même de la grève, pour les faire
aboutir.
LES EMPLOYÉS DiS Oihiiil'S DE LONDRES
Nous recevons les dépêches suivantes :
Londres, 4 juin.
Le mouvement des cochers et des conduc-
teurs d'omnibus dans le sens de la grève s'ac-
centue.
Toutes les nuits, ils tiennent des meeling:
très animés.
La grève est à peu près décidée pour samedi
minuit, si d'ici là on n'arrive pas a un arran-
gement.
Londres, 4 juin.
Dans un meeting tenu ce matin par les em-
ployés des omnibus, le président do.l'Union a
annoncé que la grève serait décïarée samedi
si les demandes formulées n'étaient pas ac -
cordées.
Il a ajouté que le public leur était îavorable,
que de tous côtés leur venaient des assuran-
ces de sympathies-, et que leur victoire était
certaine.
Londres, 4 join.
Chambre des communes. — Les craints do
grèves des employés des sociétés d'omnibus
ont provoqué une demande qui a été adressée
au ministre de l'intérieur. Le ministre de l'in-
térieur doit-il s'imm scer dans les questions
industrielles qui peuvent surgir entre les 00-
ciétés publiques et leurs employés?
M. Mathews, ministre de 1 intérieur, décl ire
qu'il ne l'a jamais cru. C'est pourquoi il ne
créera pas un précédent en intervenant dans
le différend pendant entre les sociétés des om-
nibus et leurs employés.
CHRONIQUE DU JOJ
LA SOLIDARITÉ DES MARINS
La mer est la patrie de tous les marins.
Il semble que sur cette plaine immense m:
se promènent en liberte les souffles, l'in-
dépendance soit reine et qu'avec elle s'é-,
lève ce sentiment plus rare dans les cam-
pagnes terrestres : la solidarité. C'est au
milieu des flots que l'humanité apparaît
dominatrice, ignoras te dos nationalités et
ne discernant plus les nuances des pavil-
lons flottant à l'arrière. r
On a lu les détails intérassants dn rpn~
flouage du Seignelay. Ce puissant navire,
assailli par la tempête, ayant ses ancres
cassées., avait été entraîné à la côte, devant
Jaffa, et sur un banc de sable s'était mal-
heureusement échoué. Il n'y avait pas
trois mètres d'eau autour du navire prison-
nier des sables. Le sauvetage était difficile,
périlleux même pour qui lé tenterait. On
pouvait, en voulant tirer le navire de sea
prison, se trouver captif à son tour. Un à
un, tous les vaisseaux accourus au secours
se trouvaient en passe d'être attirés, capo.
tés, retenus par les sables comme dans
les tentacules d'un poulpe monstrueux,"
Ce banc menaçait a être la nasse Cu s?
prendraient tous ces beaux bâtiments,
poissons d'acier alertes et vigoureux a
large, inertes et débiles ayant touché 113
Feuilleton du RAPPEL
DU 6 JUIN
26
LEONARD AUBRY
DEUXIÈME PARTIE
ACTION
VI
Un soir des premiers jours de février.
il. Giboureau, habillé de noir, cravaté de
blanc, ganté de filoseltn, arriva rue des
Postes encore plus roide et plus compassé
que de coutume. Pierrelui cligna favora-
blement des yeux, Marie ouvrit démesuré
ment les siens. Mais M. Giboureau ne Fp,
laissait pas aisément encouragcr ou dé
courager par les influences extérieures, Il
prit la parole avec sa voix de basse et son
assurance habituelles:
— Monsieur Aubry, madame Aubry.
dit-il, j'ai l'honneur de solliciter de vous
la faveur d'un entretien particulier Je
prierai toutefois mon camarade Pierre de
vouloir bien y assister.
— Vous auriez plutôt fait, monsieur
Giboureau, de demander qua je m'en aille,
dit en riant Marie.
- Ma jeune et aimable demoiselle, vous
serez on ne peut plus présente à cette
Reproduction interdite.
¡". le Rappd flu II mai au 5 jqllh
conversation d'où vous allez être absente.
- Je m'en vais donc y assister. dans
ma chambre. Justement, j'ai commencé
la Fiancée de Lammermoor, qui m'inté-
resse en ce moment plus que ma propre
existence.
Elle fit un petit salut et sortit
La démarche de Giboureau n'était pas
précisément une surprise. Elle était at-
tendue, car Pierre l'avait fait prévoir par
quelques insinuations peu habiles; elle
était aussi un peu redoutée, car on avait
à cœur de ne pas désobliger ce brave
Pierre.
Depuis quelque temps, Giboureau ne
voyait pas sans ennui (1 ce jeune Daniel,)
fleureter avec Marie. M ne doutait pas -
Pierre non plus, du reste, - que, par la
grâce de ses écus, sa demande en mariage
ne fût accueillie dès qu'elle serait présen-
tée. Marie était bien jeune encore, elle
avait un an de moins que Marthe, et il ne
comptait l'épouser que l'année suivante.
Mais sa qualité de fiancé lui donnerait
un droit suffisant pour éeonduire, et vive-
ment, ce jeune monsieur.
Le discours officiel de M. Giboureau de-
mande à être forlement résumé. M. Gi-
boureau débuta par l'éloge du commerce
des huiles qui, en sept ans, lui avait per-
mis de mettre de côté plus de 80,000 fr. Il
éprouvait, aujourd'hui, le besoin d'associer
à sa prospérité une jeune compagne qui
vînt embellir sa demeure et charmer sa
vie. Déterminé par l'exemple de son ami
Pierre, il avait regardé autour de lui, et
fes yeux s'étaient arrêtés sur l'heureuse
famille où il trouvait, à côté de l'exemple
ha plus nobles vertus, les grâces les olus
séduisantes.—Ce morceau d'éloquence, où
l'on aurait vainement cherché un seul mot
simple à reprendre, se termina par la de-
mande formelle, pour dans un an, de la
main de Marie.
Léonard répondit en peu de mots :
— Ce n'est pas à nous, monsieur Gi-
boureau, dit-il, d'accepter ou de rejeter
votre demande. Avant tout, Marie doit en
décider. J'ai pour loi — Pierre vous le
dira—de laisser, autant que possible, à
mes enfants leur liberté. Il sera temps de
causer intérêts, si Marie agrée d'abord
votre personne. Sinon, tout ne serait-il
pas dit?
— Sous réserve d'appel, fit Giboureau
en s'inclinant, je ne puis qu'accepter l'ar-
rêt d'un si charmant juge.
Pierre alla chercher Marie, qui revint
cuirassée de toute sa gravité. Elle eut ce-
pendant peine à réprimer un sourire quand
elle vit Giboureau en position, Ja poitrine
effacée, jouant avec sa grosse chaîne d'or
et essayant de la fasciner du regard ; enfin,
tout le tableau qu'elle avait annoncé à
Natalis.
Léonard traduisit brièvement à sa fille la
demande de l'ex-brigadier.
— Monsieur Giboureau, dit Marie, vous
êtes l'ami de mon frère Pierre, et pour
rien au monde je ne voudrais vous cha-
griner. Je n'ai jamais été, convenez-en,
coquette avec vous, — au contraireI Mon-
sieur Giboureau, j'ai le regret de vous le
dire, je dois décliner le grand honneur
que vous voulez bien me faire.
— Eh 1 mais, mademoiselle, ceci est un
non poli, il me semble l repartit Gibou-
mu. les ¡lyrpjJl';ée, Puis-ie au moins
connaître les motifs de ma condamnation?
— Monsieur Giboureau, c'est que mes
défauts ne s'accordent pas avec vos qua-
lités.
— Comment? quels défauts?
— Eh bien, par exemple, vous êtes un
homme-sérieux, vous; et moi, j'ai vrai-
ment l'humeur un peu légère.
— J'insiste, mademoiselle, car.
- Ohi monsieur Giboureau, vous êtes
trop généreux pour vouloir me faire dé-
tailler toutes mes imperfections. Je vous
assure que je ne suis pas du tout votre
fait. Laissez là votre projet, je vous en
prie. Pour vous et pour moi, ce sera le
mieux. — Et maintenant, si vous voulez
bien, je retourne à mon roman. Comment
va-t-elle mourir, cette pauvre Lucie? car
elle va mourir, c'est sûr !
Elle fit une révérence plus cérémo-
nieuse que la première, et elle quitta la
chambre.
— Permettez-moi, dignes parents, re-
prit sans se troubler M. Giboureau, d'en
appeler à votre sagesse du caprice de cette
espiègle enfant. -
— Monsieur, dit Léonard, je vous ai fait
pressentir notre réponse.
— Oh ! veuillez encore réfléchir, de
grâce ! Pour ne pas vous gêner, je vous
laisse. Pierre sera mon interprète auprès
de vous et me fera part de votre décision.
demain, après-demain, quand il vous
plaira. J'ai l'honneur de vous présenter
mes humbles hommages. Au nom du ciel,
ne vous dérangez pas l
Il sortit, reconduit par Pierre, qui con-
féra dehors pendant quelques minutes
avec lui. -
— Giboureau est dans le vrai, dit Pierre
en rentrant, et Marie est une enfant. Gi-
boureau a aujourd'hui quatrevingt mille
francs ; dans dix ans, il en aura deux cent
cinquante mille, il sera riche. Ce n'est
pas avec sa dot insignifiante que Marie
retrouverait jamais un parti comme ça.
Mais rien n'est rompu, n'est-ce pas? Il
faut y penser.
— Pourquoi exposer ton ami au déplai-
sir d'un second refus ? dit Léonard.
— Comment! vous le refuseriez, vous
aussi?
- Pierre, nous avons eu sur son compte
des informations bien graves. Sais-tu
qu'avant de venir s'établir à Paris il a été
marié pendant trois ans à Nancy, sa ville
natale? Sais-tu comment sa femme est
morte ? -
- Oh t mon Dieul on dit tant de
choses 1 :
— Il l'a tuée, Pierre l
- Eh bien, oui, je le savais, dit Pierre
résolument. Giboureau a surpris sa femme
avec un freluquet, et, de fureur, il l'a
tuée. C'est un malheur, que voulez-vous ?
- Il n'a pas tué l'homme 1
- Il paraît que le godelureau s'est sauvé.
Un ancien soldat ne peut pourtant pas se
laisser ridiculiser par une femmelette et par
un pékin. Quant à moi, je n'en estime pas
moins Giboureau pour ça. Eh 1 il a usé du
droit que la loi lui donnait. Enfin, mon
père, n'est-ce pas, tu es pour la justice ?
Un nuage passa sur le front de Léonard :
- J'ai horreur de la justice qui tuel
L'accent fut si profond que Pierre lui- ;
même en fut remué sans savoir pourquoi.
Il se tourna vers Brigitte ç
— Et toi, ma mère, tu ne peux pas être
pour qu'on épargne les femmes de mau-
vaise vie?
- Je suis pour qu'on laisse leur châti-
ment à Dieu, dit la mère.
— Allons ! vous avez des préjugés ! reprit
ingénument Pierre. C'est égal, il faudra en
reparler.
Il commençait néanmoins à se sentir
ébranlé. Quand les siens lui donnaient
tort, il n'était jamais assez sûr et assez
fort de son opinion pour leur tenir long-
temps tête.
— Ma foi ! disait-il au Giboureau quel-
ques jours après, il faut en prendre ton
parti, mon pauvre garçon, c'est un non
général. Le guignon, c'est qu'ils nous ont
vus venir. Marie a écrit à Natalis, Natalis
a écrit à Daniel. L'oDcle Olry a consulté,
au tribunal de commerce, un de ses col-
lègues, qui est dans les huiles. Ohi
on t'a rendu justice comme négociait ; on
a dit que tu payais recta, que seulement
tu te faisais payer un peu roide. Mais-
cette coquine d'histoire de Nancy est re-
venue sur l'eau. Respectons leurs suscepti,
bilités, que veux-tu? et faisons notre deuil
de notre idée.
Pierre, qui avait physiquement et moral
lement la vue basse, ne remarquait pas
combien M. Giboureau deyenait verdâtre,
— Ah ! M. Natalis et son Daniel s'en
sontmôlést grommelait-il. C'est boni ik
pourront voir qu'en effet je me fais payer
roide l
PAUL MEUnlCS.
fA m'ffr £ ,
18 rrairiai an 99 - M 7757
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION u ',,"!
- 18, ULEDEVALOÏS, 18
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION
De 4 à 6 heures du soir
1
Et de 9 heures du soir à minuit , !
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Adresser lettres et mandats
A L'ADMINISTRATEUR GERANT
ANNONCES
MM. Ch. LA-CHANGE, CERF et 0
G, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
PARIS
ON MOIS 2 FB.
'IBOIS IIOIS. fi-
SIX MOIS 9 FB.
UN AN .18 -
Rédacteur en chef : AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 PR.
TROIS MOIS. 6-
SIX MOIS 11 FB.
UN AN. 20 —
Inauguration à Montmartre
C'est aujourd'hui qu'on inaugure, à
Montmartre, l'église du Sacré-Cœur. Le
Sacré-Cœur, vous savez ce que c'est.
Il y a deux cents ans, à Paray-le-Mo-
nial, une fille, nommée Marie Alacoque,
donnait des rendez-vous à Jésus-Christ,
qui y venait et qui lui disait :
- Aimes-tu le fromage?
— Je l'exècre.
— Manges-en.
Elle en mangeait. Pour la récompen-
ser de son obéissance, Jésus-Christ
s'ouvrait la poitrine, lui montrait son
cœur saignant comme un quartier de
viande au crochet des bouchers, et lui
disait :
— Donne-moi le tien.
Marie Alacoque le donnait, Jésus le
mettait dans sa poitrine avec le sien et
les deux cœurs se baisaient. Quand le
cœur de Marie Alacoque en avait assez,
Jésus le lui rendait, refermait son trou,
et retournait au paradis.
L'Assemblée dite nationale, et dite
plus justement l'Assemblée du jour de
malheur, pensa que ce fromage ci ce
trou devaient être la religion de la
France. Elle pensa qu'il était temps de
bâtir une église à l'adoration de ce fro-
mage et de ce trou.
Le 29 juin 1873, on vit arriver à'
Paray-Ie-Moniul un pèlerinage de mem-
bres de l'Assemblée dite nationale ; ils
avaient sur la poitrine un cœur rouge.
Le clergé du lieu les alla recevoir à la
gare et les conduisit à l'église, où, la
messe entendue, un d'eux, M. de Bel-
castel, agenouillé devant un Jésus troué,
s'écria :
— Au nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit, nous venons nous consa-
crer à vous. Ainsi soit-il.
A quoi l'évêque qui officiait répondit :
— Je ne vous remercie pas, mes-
sieurs, je ne vous félicite pas ; vous
n'avez besoin ni de félicitations ni de
remerciements. Mais, au nom de l'E-
glise, je prends acte.
Le pèlerinage de Paray-le-Monial
avait un chant dont le refrain était :
Sauvons Rome et la France
Au nom du Sacré-Cœur!
« Sauvons la France », voulait dire
tuons la République.
Il faut rendre aux alacoquins cette
justice qu'ils ont fait pour cela tout ce
qu'ils ont pu. Quelques semaines aupa-
ravant le président de la République les
gênant, ils l'avaient jeté brutalement à
la porte et l'avaient remplacé par un
président à eux. Ils avaient remplacé
le président-grue qui croquait les gre-
nouilles par un président-soliveau qui
les laisserait demander tous les rois
qu'ils voudraient. Le malheur des gre-
nouilles fut que les unes demandèrent
un roi tricolore et les autres un roi
blanc, et leur succès fut de n'avoir pas
de roi du tout.
A défaut de trône, ils durent se con-
tenter d'un autel. Ne pouvant rebâtir
les Tuileries, ils bâtirent l'église du
Sacré-Coeur.
Ils la bâtirent sur la butte Montmar-
tre, pour qu'elle dominât la grande ville
révolutionnaire, pour qu'elle la couvrît
de son ombre, pour qu'elle pesât,sur
elle, pour qu'elle lui fît baisser la tête,
pour qu'elle lui fût une insulte et une
menace de tous les jours.
Il fut question un moment de savoir
si la République tolèrerait -cette provo-
cation. Il y a huit ans, un député pro-
posa la désaffectation de l'église ala-
coquine. Le ministre dé l'intérieur, qui
était alors M. Goblet, objecta que la
chose regardait plus le conseil munici-
pal que la Chambre et ne vit pas d'uti-
lité à rembourser au clergé et aux sous-
cripteurs la quinzaine de millions
qu'alors déjà ils avaient engloutis dans
l'affaire. On n'insista pas, et le clergé
put continuer d'engloutir.
Aujourd'hui la bâtisse est terminée
et on l'inaugure. Pour ma part, je ne
suis pas fâché qu'on l'ait laissée ache-
ver. Elle rappelle le grand effort des
ennemis de la République, et alors ils
étaient dans des conditions exception-
nellement favorables, dans des con di-
tions qu'ils ne retrouveront jamais, ils
étaient maîtres de l'Assemblée unique,
le président de la République leur ap-
partenait, et qu'est-ce qu'ils ont pu?
Leur église témoigne donc de leur im-
puissance absolue contre la Républi-
que. La République n'a qu'à la laisser
témoigner.
AUGUSTE VACQUERIE.
— *
COULISSES DES CHAMBRES
LA CAISSE DE RETRAITE POUR LES OUVRIERS
M. Constans, ministre de l'intérieur, dé-
posera demain samedi sur le bureau de la
Chambre, l'important projet de loi — dont
nous avons donné l'analyse — et qui a
pour objet d'instituer une caisse nationale j
des retraites pour ies ouvriers.
Pour compléter les indications détaillées
que nous avons données il y a deux jours
sur ce projet, nous devons ajouter que la
caisse des retraites s'appliquerait à tous
les ouvriers de l'industrie et de l'agricul-
ture, aux employés de commerce et d'ad-
ministration et aux individus attachés à la
personne, c'est-à-dire aux domestiques,
sous la condition qu'ils soient Français,
âgés de vingt-cinq ans et ne touchent pas
de salaires ou d'appointements supérieurs
à 3,00u francs par an.
L'examen de ce projet sera confié à la
grande commission du travail.
X
LA LOI SUR L'ESPIONNAGE
On se souvient qu'il y a quelque temps
le gouvernement a pris l'initiative d'un
projet de loi tendant à modifier, dans le
sons de l'aggravation des peines, la loi de
1886 sur la répression de l'espionnage. Ce
projet tend à élever de cinq à dix ans
d'emprisonnement le maximum de peine
prévu par la loi de 1886.
La commission de l'armée à laquelle ce
projet avait été renvoyé l'avait, après de
nombreuses délibérations, adopté avec
quelques modifications de détail et nommé
M. Camille Dreyl'us rapporteur.
Hier, la commission a entendu la lec-
ture du rapport; mais une nouvelle dis-
cussion s'est engagée à la suite de laquelle
la majorité de la commission, envisageant
certaines éventualités possibles, a jugé
nécessaire d'introduire dans le projet de
loi la peine de mort pour certains cas.
En conséquence, le projet et par suite
le rapport vont être modifiés en ce sens.
X
L'ARMÉE COLONIALE
Dans sa séance d'hier, la commission de
l'armée a également arrêté ses conclusions
au sujet du projet de loi relatif à l'organi-
sation d'une armée coloniale, dont elle a
été saisie par le ministre de la guerre.
Elle a adopté les principes généraux du
projet du ministre; mais, sur la motion
du rapporteur, M. le baron Reille, elle les
a condensés dans quatre articles dont voici
l'économie générale :
Par le premier article il est créé un
corps d'armée spécial, chargé de la garde
et de la défense des colonies et des pays
de protectorat ; ce corps est rattaché au
ministère de la guerre et a son budget
spécial.
Le second établit que, jusqu'au vote de
la loi des cadres ou la fusion complète
entre les divers corps d'officiers, des* dé-
crets régleront, d'après les crédits ouverts,
la formation des corps coloniaux, la com-
position des cadres et le passage des offi-
ciers des troupes coloniales dans les
autres troupes de l'armée et réciproque-
ment.
Le troisième stipule que les officiers et
les troupes des autres corps do l'armée
employés à un service aux colonies seront
détachés dans lu corps colonial.
Enfin, le quatrième article décide que
le service du recrutement et de la mobili-
sation dans les colonies de la Martinique,
Guadeloupe, Réunion et Guyane sera
immédiatement constitué par décret, de
manière à permettre l'appel de la classe
4890.
La commission, avant d'autoriser le dé-
pôt du rapport sur le bureau de la Cham-
bre, a décidé d'entendre le ministre de la
guerre.
———————————
L'ANGLETERRE ET L'ITALIE
Tout mauvais cas est niable. Les jour-
naux ministériels anglais nient l'authenti-
cité des confidences du roi Humbert au
prince Napoléon que nous avons rappor-
tées hier, mais la façon dont ils la nient
est curieuse.
Ainsi, le Standard, qui a ses grandes et
petites entrées au Foreign-Office, com-
mence par railler la crédulité de ceux qui
ont pu croire un moment a l'engagement
pris par le gouvernement anglais de cou-
vrir de sa flotte, en cas de guerre, les
côtes italiennes ; il déclare que lord Salis-
bury est un ministre « trop prudent, trop
modéré, trop rempli de déférence envers
l'œuvre de ses prédécesseurs » pour avoir
eu même l'idée d'un engagement pareil.
Mais le journal officieux ajoute que « le
récit qu'on fait aujourd'hui est loin d'être
en contradiction avec la situation politi-
que de l'Europe »; l'erreur est de repré-
senter l'Angleterre comme s'étant engagée
à faire « ce que probablement, d'ailleurs,
elle ferait dans certaines circonstances ».
Mais quoi ! l'Angleterre ne prend pas
plus parti pour l'Italie que pour la France.
Qu'est-ce qu'elle veut, cette bonne Angle-
terre? la paix. C'est pourquoi « il n'est
pas contraire au bon sens de penser qu'en
cas d'hostilité entre la France et l'Italie, la
flotte anglaise offrirait sa protection à
l'adversaire qui aurait été attaqué ». Si
c'est la France qui attaque, l'Angleterre
offrira sa flotte à lTtailfe ; si c'est l'Italie,
l'Angleterre offrira sa flotte à la France.
N'est-ce pas l'équité et la générosité
mêmes? Et la France a-t-elle le droit de
se fâcher? n'a-t-elle pas le devoir
Seulement, le Standard prend soin de
bien établir d'avance « qu'il n'y a aucune
possibilité que l'Italie attaque la France ».
De sorte qu'en cas de guerre, comme l'at-
taque n'aurait pas pu venir de l'Italie, il
est acquis dès à présent qu'elle serait ve-
nue de la France et que c'est contre la
France que l'Angleterre enverrait sa flotte.
Telle est la dénégation du journal mi-
nistériel. Elle ressemble fort à une confir-
mation.
A. V.
Dernière laesire. -r— Si la déclaration
du Standard ne suffisait pas, on n'aurait
qu'à y joindre celle du ministre anglais,
que les dépêches nous apportent dans la
soirée ; voici les paroles que vient de pro-
noncer à la Chambre des communes sir
J. Fergusson, sous-secrétaire d'Etat aux
affaires étrangères :
Je répète que le gouvernement n'a pris au-
cun engagement .concernant remploi des
forces navales ou militaires de l'Angleterre
dans une éventualité quelconque, et le gou-
vernement a conservé sa pleine liberté d'ac-
tion à propos de certaines éventualités. Mais
les hommes d'Etat italiens savent bien que le
gouvernement anglais partage leur désir de
n'apporter aucun changement dans l'état actuel
de la Méditerranée et des autres mers voisines.
L'Italie n'ignore pas non plus que les sympa-
thies de l'Angleterre iraient du côté do ceux
qui assurent une politique aussi conforme aux
intérêts anglais.
: «tSÇ*!®—
VICTOR HUGO A L'ILE D'ELBE
On a lu dans Victor Hugo raconté par un
témoin de sa vie que, quelques mois après
sa naissance, Victor Hugo habita l'îie
d'Elbe, où son père tenait garnison.
Le pauvre être chétrf, sans couleur et sans voix,
Qui fut deux fois l'enfant de sa mère obstinée
fut fortifié par l'air salubre du pays.
Le 24 du mois dernier, la-ville de Porto-
Ferrajo a consacré ce souvenir par la pose
d'une plaque de marbre sur laquelle était
gravée une inscription dont voici la tra-
duction :
Ici, à Porto-Ferrajo, en 1802, fut amené tout
enfant Victor Hugo.
Ici naquit cette parole qui, plus tard, lave
d'un feu sacré, devait emplir les veines des
peuples.
Peut-être les trois années qu'il passa dans
cette atmosphère, formée des atomes du fer et
de la mer, fortifiant sa frêle constitution, ont-
elles conservé l'orgueil de sa naissance à la
France, la gloire de son nom au siècle, et
à l'humanité un apôtre et un immortel génie.
La pose de cette pierre a été l'occasion
d'une manifestation de sympathie pour la
France.
L'avocat Rodolfo Monganari, qui avait
composé l'inscription, a prononcé un dis-
cours qu'il a terminé en souhaitant que,
« de même que les deux noms de Victor
Hugo et de Garibaldi, réunis, sont le sym-
bole de la liberté, de même la France et
l'Italie, redevenues sœurs, marchent en-
semble, à la tête de la noble race latine, à
la conquête de la paix universelle ».
Ce discours, dit une dépêche reçue par
le Gaulois, « a été accueilli par un ton-
nerre d'applaudissements, et la cérémonie
a fini aux accents de la Marseillaise ».
Il —
CONSEIL DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
Le conseil supérieur de l'instruction publi-
que s'est réuni hier matin sous la présidence
de M. Bourgeois.
Il a statué tout d'abord sur l'importante
question des vacances scolaires.
Sur le rapport de M. Brouardel et après avoir
pris connaissance des résultats de l'enquête
faite à ce sujet, le conseil s'est prononcé sans
discussion et à la presque unanimité pour le
maintien du statu quo.
Le projet d'arrêté auquel le conseil s'est
rallié est ainsi conçu :
Article premier, -r- L'ouverture des grandes
vacances dans les lycées et collèges de garçons
sont fixées au 1er août pour l'année scolaire
1890-91 et les années suivantes. La distribu-
tion des prix aura lieu le 31 juillet.
Art. 2. - La rentrée des classes est fixée
chaque année au 1er octobre.
Si le ltr octobre tombe un dimanche, la ren-
trée s'effectuera le lendemain.
Art. 3. — Le présent arrêté n'est pas appli-
cable aux lycées et collèges de l'académie
d'Alger.
MM. les recteurs sont chargés de l'exécution
du présent décret.
M. Drummel a demandé que la rentrée eût
toujours lieu le premier lundi d'octobre. Cette
motion a été repoussée.
LES EMPLOYÉS MEPS DE FER
Le ministre des travaux publics a reçu
hier soir MM. Maujan et Dreyfus, députés,
accompagnés par sept délégués des em-
ployés renvoyés de la compagnie d'Or-
léans.
M. Maujan, puis les délégués, ont in-
sisté pour quo M. Yves Guyot voulût bien
intervenir amiablement auprès de la com-
pagnie dOrléans, afin de la prier de re-
prendre les ouvriers qui ont été congédiés
et dont un grand nombre sont pères de
famille.
Le ministre a répondu que dans les con-
ditions où son intervention était réciamée,
il ne demandait pas mieux de faire tous
ses efforts pour provoquer les réintégra-
tions demandées.
A la suite de cette en Ire vu o, M. Yves
Guyot a fait appeler au ministère des tra-
vaux publics M. Heurteau, directeur de la
compagnie d'Orléans, avec lequel il a eu
un assez long entretien.
M. Heurteau a déclaré que la compagnie
avait replacé dans d'autres services vingt-
trois ouvriers sur lesoiKante qui avaient
été congédiés à Paris. Il a donné à M. Yves
Guyot l'assurance qu'il continuait à repla-
cer ceux qui n'ont pas trouvé d'occupations
en dehors de la compagnie et qui consen-
tent à accepter les portes disponibles qu'ils
peuvent remplir.
■ ■ 1 ii ■ i
LA COMPAGNIE DES OMNIBUS
On nous commurîîque la note suivante :
Les membres du conseil d'administration du
syndicat des employés des omnibus sont con-
voquas au siège du syndicat, 23, boulevard du
Temple, pour aujourd'hui, 5 juin, à dix heures
du soir.
Pour le bureau :
Les secrétaires, CONTENSOUZAC, MOREAU.
, : ————————————
LES TRAMWAYS NORD ET SUD
Nous avons reçu des employés des
tramways Nord et Sud des listes d'adhé-
sion au syndicat des employés de la Com-
pagnie générale des omnibus. Les listes
des dépôts des tramways Nord contiennent
383 noms; c'est près des deux tiers du
personnel de cette compagnie. Celles des
dépôts des tramways Sud en compren-
nent un peu moins de 500, soit la moitié
à peu près du total des agents de cette
exp oitation.
Nous allons remettre ces listes au syn-
dicat des Omnibus, qui consent à se char-
ger de provoquer une réunion générale des
employés des tramways Nord et Sud, réu-
nion dont il fait tous les frais.
Dans cette réunion, les employés des
deux compagnies détermineront le pro-
gramme de leurs revendications et se pro-
nonceront sur la question de savoir s'il y a
lieu de se fondre dans le syndicat .avec les
camarades des Omnibus ou de former des
sections à part.
Pour que la réunion ait lieu le plus tôt
possible, il importe que les listes des adhé-
rents qui ne nous sont pas encore parve-
nues nous soient adressées à bref délai.
♦
LES TRAfVIW VS OE LYON
Lyon, 3 juin.
Les employés de la Compagnie des tram-
ways de Lyon ont décidé de présenter des
revendications à leur administration. Dnis ce
but une réunion avait été organisée ce soir j
la Bourse du travail, et environ trois een-U
conducteurs et cochers rentrant du dépôt
étaient réunis à onze heures. Plusieurs con-
seillers municipaux assistaient à cette réunion
qui a été très calme
Les employés réclament : 1° la fixation drs
salaires à 125 fr. par mois; 2" la fixation c'e L.
journée de travail à douze heufes, desquelles
sera à défalquer une heure et demie pour Ici
repas.
Ces deux desiderata qui ont été votés s
l'unanimité seront soumis à l'administration,
et les employés useront de tous les moyens
possibles, même de la grève, pour les faire
aboutir.
LES EMPLOYÉS DiS Oihiiil'S DE LONDRES
Nous recevons les dépêches suivantes :
Londres, 4 juin.
Le mouvement des cochers et des conduc-
teurs d'omnibus dans le sens de la grève s'ac-
centue.
Toutes les nuits, ils tiennent des meeling:
très animés.
La grève est à peu près décidée pour samedi
minuit, si d'ici là on n'arrive pas a un arran-
gement.
Londres, 4 juin.
Dans un meeting tenu ce matin par les em-
ployés des omnibus, le président do.l'Union a
annoncé que la grève serait décïarée samedi
si les demandes formulées n'étaient pas ac -
cordées.
Il a ajouté que le public leur était îavorable,
que de tous côtés leur venaient des assuran-
ces de sympathies-, et que leur victoire était
certaine.
Londres, 4 join.
Chambre des communes. — Les craints do
grèves des employés des sociétés d'omnibus
ont provoqué une demande qui a été adressée
au ministre de l'intérieur. Le ministre de l'in-
térieur doit-il s'imm scer dans les questions
industrielles qui peuvent surgir entre les 00-
ciétés publiques et leurs employés?
M. Mathews, ministre de 1 intérieur, décl ire
qu'il ne l'a jamais cru. C'est pourquoi il ne
créera pas un précédent en intervenant dans
le différend pendant entre les sociétés des om-
nibus et leurs employés.
CHRONIQUE DU JOJ
LA SOLIDARITÉ DES MARINS
La mer est la patrie de tous les marins.
Il semble que sur cette plaine immense m:
se promènent en liberte les souffles, l'in-
dépendance soit reine et qu'avec elle s'é-,
lève ce sentiment plus rare dans les cam-
pagnes terrestres : la solidarité. C'est au
milieu des flots que l'humanité apparaît
dominatrice, ignoras te dos nationalités et
ne discernant plus les nuances des pavil-
lons flottant à l'arrière. r
On a lu les détails intérassants dn rpn~
flouage du Seignelay. Ce puissant navire,
assailli par la tempête, ayant ses ancres
cassées., avait été entraîné à la côte, devant
Jaffa, et sur un banc de sable s'était mal-
heureusement échoué. Il n'y avait pas
trois mètres d'eau autour du navire prison-
nier des sables. Le sauvetage était difficile,
périlleux même pour qui lé tenterait. On
pouvait, en voulant tirer le navire de sea
prison, se trouver captif à son tour. Un à
un, tous les vaisseaux accourus au secours
se trouvaient en passe d'être attirés, capo.
tés, retenus par les sables comme dans
les tentacules d'un poulpe monstrueux,"
Ce banc menaçait a être la nasse Cu s?
prendraient tous ces beaux bâtiments,
poissons d'acier alertes et vigoureux a
large, inertes et débiles ayant touché 113
Feuilleton du RAPPEL
DU 6 JUIN
26
LEONARD AUBRY
DEUXIÈME PARTIE
ACTION
VI
Un soir des premiers jours de février.
il. Giboureau, habillé de noir, cravaté de
blanc, ganté de filoseltn, arriva rue des
Postes encore plus roide et plus compassé
que de coutume. Pierrelui cligna favora-
blement des yeux, Marie ouvrit démesuré
ment les siens. Mais M. Giboureau ne Fp,
laissait pas aisément encouragcr ou dé
courager par les influences extérieures, Il
prit la parole avec sa voix de basse et son
assurance habituelles:
— Monsieur Aubry, madame Aubry.
dit-il, j'ai l'honneur de solliciter de vous
la faveur d'un entretien particulier Je
prierai toutefois mon camarade Pierre de
vouloir bien y assister.
— Vous auriez plutôt fait, monsieur
Giboureau, de demander qua je m'en aille,
dit en riant Marie.
- Ma jeune et aimable demoiselle, vous
serez on ne peut plus présente à cette
Reproduction interdite.
¡". le Rappd flu II mai au 5 jqllh
conversation d'où vous allez être absente.
- Je m'en vais donc y assister. dans
ma chambre. Justement, j'ai commencé
la Fiancée de Lammermoor, qui m'inté-
resse en ce moment plus que ma propre
existence.
Elle fit un petit salut et sortit
La démarche de Giboureau n'était pas
précisément une surprise. Elle était at-
tendue, car Pierre l'avait fait prévoir par
quelques insinuations peu habiles; elle
était aussi un peu redoutée, car on avait
à cœur de ne pas désobliger ce brave
Pierre.
Depuis quelque temps, Giboureau ne
voyait pas sans ennui (1 ce jeune Daniel,)
fleureter avec Marie. M ne doutait pas -
Pierre non plus, du reste, - que, par la
grâce de ses écus, sa demande en mariage
ne fût accueillie dès qu'elle serait présen-
tée. Marie était bien jeune encore, elle
avait un an de moins que Marthe, et il ne
comptait l'épouser que l'année suivante.
Mais sa qualité de fiancé lui donnerait
un droit suffisant pour éeonduire, et vive-
ment, ce jeune monsieur.
Le discours officiel de M. Giboureau de-
mande à être forlement résumé. M. Gi-
boureau débuta par l'éloge du commerce
des huiles qui, en sept ans, lui avait per-
mis de mettre de côté plus de 80,000 fr. Il
éprouvait, aujourd'hui, le besoin d'associer
à sa prospérité une jeune compagne qui
vînt embellir sa demeure et charmer sa
vie. Déterminé par l'exemple de son ami
Pierre, il avait regardé autour de lui, et
fes yeux s'étaient arrêtés sur l'heureuse
famille où il trouvait, à côté de l'exemple
ha plus nobles vertus, les grâces les olus
séduisantes.—Ce morceau d'éloquence, où
l'on aurait vainement cherché un seul mot
simple à reprendre, se termina par la de-
mande formelle, pour dans un an, de la
main de Marie.
Léonard répondit en peu de mots :
— Ce n'est pas à nous, monsieur Gi-
boureau, dit-il, d'accepter ou de rejeter
votre demande. Avant tout, Marie doit en
décider. J'ai pour loi — Pierre vous le
dira—de laisser, autant que possible, à
mes enfants leur liberté. Il sera temps de
causer intérêts, si Marie agrée d'abord
votre personne. Sinon, tout ne serait-il
pas dit?
— Sous réserve d'appel, fit Giboureau
en s'inclinant, je ne puis qu'accepter l'ar-
rêt d'un si charmant juge.
Pierre alla chercher Marie, qui revint
cuirassée de toute sa gravité. Elle eut ce-
pendant peine à réprimer un sourire quand
elle vit Giboureau en position, Ja poitrine
effacée, jouant avec sa grosse chaîne d'or
et essayant de la fasciner du regard ; enfin,
tout le tableau qu'elle avait annoncé à
Natalis.
Léonard traduisit brièvement à sa fille la
demande de l'ex-brigadier.
— Monsieur Giboureau, dit Marie, vous
êtes l'ami de mon frère Pierre, et pour
rien au monde je ne voudrais vous cha-
griner. Je n'ai jamais été, convenez-en,
coquette avec vous, — au contraireI Mon-
sieur Giboureau, j'ai le regret de vous le
dire, je dois décliner le grand honneur
que vous voulez bien me faire.
— Eh 1 mais, mademoiselle, ceci est un
non poli, il me semble l repartit Gibou-
mu. les ¡lyrpjJl';ée, Puis-ie au moins
connaître les motifs de ma condamnation?
— Monsieur Giboureau, c'est que mes
défauts ne s'accordent pas avec vos qua-
lités.
— Comment? quels défauts?
— Eh bien, par exemple, vous êtes un
homme-sérieux, vous; et moi, j'ai vrai-
ment l'humeur un peu légère.
— J'insiste, mademoiselle, car.
- Ohi monsieur Giboureau, vous êtes
trop généreux pour vouloir me faire dé-
tailler toutes mes imperfections. Je vous
assure que je ne suis pas du tout votre
fait. Laissez là votre projet, je vous en
prie. Pour vous et pour moi, ce sera le
mieux. — Et maintenant, si vous voulez
bien, je retourne à mon roman. Comment
va-t-elle mourir, cette pauvre Lucie? car
elle va mourir, c'est sûr !
Elle fit une révérence plus cérémo-
nieuse que la première, et elle quitta la
chambre.
— Permettez-moi, dignes parents, re-
prit sans se troubler M. Giboureau, d'en
appeler à votre sagesse du caprice de cette
espiègle enfant. -
— Monsieur, dit Léonard, je vous ai fait
pressentir notre réponse.
— Oh ! veuillez encore réfléchir, de
grâce ! Pour ne pas vous gêner, je vous
laisse. Pierre sera mon interprète auprès
de vous et me fera part de votre décision.
demain, après-demain, quand il vous
plaira. J'ai l'honneur de vous présenter
mes humbles hommages. Au nom du ciel,
ne vous dérangez pas l
Il sortit, reconduit par Pierre, qui con-
féra dehors pendant quelques minutes
avec lui. -
— Giboureau est dans le vrai, dit Pierre
en rentrant, et Marie est une enfant. Gi-
boureau a aujourd'hui quatrevingt mille
francs ; dans dix ans, il en aura deux cent
cinquante mille, il sera riche. Ce n'est
pas avec sa dot insignifiante que Marie
retrouverait jamais un parti comme ça.
Mais rien n'est rompu, n'est-ce pas? Il
faut y penser.
— Pourquoi exposer ton ami au déplai-
sir d'un second refus ? dit Léonard.
— Comment! vous le refuseriez, vous
aussi?
- Pierre, nous avons eu sur son compte
des informations bien graves. Sais-tu
qu'avant de venir s'établir à Paris il a été
marié pendant trois ans à Nancy, sa ville
natale? Sais-tu comment sa femme est
morte ? -
- Oh t mon Dieul on dit tant de
choses 1 :
— Il l'a tuée, Pierre l
- Eh bien, oui, je le savais, dit Pierre
résolument. Giboureau a surpris sa femme
avec un freluquet, et, de fureur, il l'a
tuée. C'est un malheur, que voulez-vous ?
- Il n'a pas tué l'homme 1
- Il paraît que le godelureau s'est sauvé.
Un ancien soldat ne peut pourtant pas se
laisser ridiculiser par une femmelette et par
un pékin. Quant à moi, je n'en estime pas
moins Giboureau pour ça. Eh 1 il a usé du
droit que la loi lui donnait. Enfin, mon
père, n'est-ce pas, tu es pour la justice ?
Un nuage passa sur le front de Léonard :
- J'ai horreur de la justice qui tuel
L'accent fut si profond que Pierre lui- ;
même en fut remué sans savoir pourquoi.
Il se tourna vers Brigitte ç
— Et toi, ma mère, tu ne peux pas être
pour qu'on épargne les femmes de mau-
vaise vie?
- Je suis pour qu'on laisse leur châti-
ment à Dieu, dit la mère.
— Allons ! vous avez des préjugés ! reprit
ingénument Pierre. C'est égal, il faudra en
reparler.
Il commençait néanmoins à se sentir
ébranlé. Quand les siens lui donnaient
tort, il n'était jamais assez sûr et assez
fort de son opinion pour leur tenir long-
temps tête.
— Ma foi ! disait-il au Giboureau quel-
ques jours après, il faut en prendre ton
parti, mon pauvre garçon, c'est un non
général. Le guignon, c'est qu'ils nous ont
vus venir. Marie a écrit à Natalis, Natalis
a écrit à Daniel. L'oDcle Olry a consulté,
au tribunal de commerce, un de ses col-
lègues, qui est dans les huiles. Ohi
on t'a rendu justice comme négociait ; on
a dit que tu payais recta, que seulement
tu te faisais payer un peu roide. Mais-
cette coquine d'histoire de Nancy est re-
venue sur l'eau. Respectons leurs suscepti,
bilités, que veux-tu? et faisons notre deuil
de notre idée.
Pierre, qui avait physiquement et moral
lement la vue basse, ne remarquait pas
combien M. Giboureau deyenait verdâtre,
— Ah ! M. Natalis et son Daniel s'en
sontmôlést grommelait-il. C'est boni ik
pourront voir qu'en effet je me fais payer
roide l
PAUL MEUnlCS.
fA m'ffr £ ,
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