Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-04-19
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 avril 1891 19 avril 1891
Description : 1891/04/19 (N7709). 1891/04/19 (N7709).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75408274
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
1
fie 7709 — Dimanche 19 Avril 1891
30 Germinal an 99 — N° 7709
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION ,
18, RUE DE VALOIS, J 8
j
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA HÉDACTM*
.J De 4 d 6 heures du soir
tu Et de 9 heures du soir à minuit 'i
Us HANFSCBITS-îVON INSÉRÉS NB SERONT PAS BBNDtli
ADMNISTRATION.
18, EUE DB VALOIS, ift r
Ct 1 .: •
Adresser lettres et mandata!
-1 L'ADMINISTRATEUR-GÉRANB
1 ANNONCES m.
MY. Ch. LAGRANGE, CERF et GP !
6, plaee de la Bourse, 6
> - ABONNEMENTS
- PARIS - if A M *9
CW MOIS 2 FR.
TROIS MOIS. 5 -
SIX IIOIS. 9 FR. --"
UN AN 18 —
Rédacteur en chef : AUGDSTE : VACQUERIE
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS. 6 —
six MO» 11 ma.
ON N. 20 —
M. DE BISMARCK BALLOTTE
Un bonhenr continu rendrait l'homme superbe,
Et chacun k son tour, comme dit le proverbe!
est-il dit dans Tartuff e. Et dans la Bible :
— Quomodo cecidit potens ! Quelle
chute du puissant !
C'est la chute définitive. Tombé du
faîte, l'ex-grand-chancelier aspirait à
remonter. Et puis, il avait à se venger.
De l'empereur, d'abord. Penser que cet
empereur, il l'avait désiré, il avait
trouvé que le père n'en finissait pas de
mourir! Et Guillaume acquiesçait. Dans
ses toasts, le prince de Bismarck était
le porte-drapeau de l'Allemagne, le
vrai empereur. Frédéric mort, le grand-
chancelier s'est dit : — Maintenant, je
suis tout! C'est alors que Guillaume lui
* a dit : - Tu n'es plus rien !
Le coup était rude. M. de Bismarck a
youlu le rendre. Il avait domestiqué la
presse allemande. Il a dit aux journaux :
- Sus à l'empereur ! Ils ont bien ri. Ce
n'était plus lui qui avait les fonds des
reptiles. Ce n'était donc plus de lui
• qu'ils avaient à recevoir des ordres. Et
* au lieu de mordre pour lui, c'est lui
qu'ils ont mordn.
A qui s'adresser? La presse lui man-
quant, il ne lui restait plus que la tri-
bune. Mais quoi! solliciter un mandat
de député, lui qui avait traité la dépu-
tation de façon si hautaine et si mépri-
sante? Rentrer piteusement dans ce
Reichstag où il entrait jadis, comme
Louis XIV au Parlement, l'éperon à la
botte et la cravache à la main? Il se
résigna à passer par cette porte basse.
Une fois dans la place, il se relèverait !
Mais voici que, lorsqu'il s'est bien
courbé, la porte basse lui est fermée
sur le nez !
C'est le comble. S'être humilié était
déjà bien dur; mais s'être humilié pour
rien ! ,'.
* On aurait cru que, le jour où le
« porte-drapeau de l'Allemagne » dai-
gnerait faire à une circonscription l'hon-
neur de la représenter, toutes les voix
de cette circonscription l'en remercie-
raient; on aurait cru qu'il n'aurait pas
un concurrent.
Il n'en a pas eu un, il en a eu trois.
Et ils ont eu plus de voix que lui.
Il y aura un ballottage. Que va faire
M. de Bismarck? Si la fureur de sa
disgrâce et de sa défaite lui laissait le
sentiment de sa dignité, il se retirerait.
Dans le cas où il persisterait à mendier
les voix qu'on vient de lui refuser et
où il en obtiendrait l'aumône, combien
diminué il siégerait parmi ces députés
dont il fut le maître et dont il serait à
peine l'égal ! Quelle revanche ils pren-
draient de ses insolences d'autrefois !
Quels sourires il subirait ! Quelle rage
a cet ex-grand acteur de reparaître sur
la scène et, après y avoir été premier
rôle, d'y être figurant?
Si oii le siffle, je n'aurai pas l'hypo-
crisie de le plaindre. Au contraire, je
m'en réjouirai bien haut, me souvenant
* r» f. • * * -
de ce qu'il a été pour nous il y a vingt
ans. Rien ne pourra le châtier assez de
son mot ignoble : « La force prime l
droit. » C'est son tour d'être « primé »,
d'être vaincu, d'être réduit à l'impuis-
sance, d'être écrasé. C'est bien fait. Je
bats des mains. ",-
La justice est ~hoitense, elle vient à pas lents.
Mais elle vient!
Un autre côté agréable du vote de
Geestemundc, c'est le nombre de voix
qu'a eues le candidat socialiste, M.
Schmalfeld. Il arrive premier des trois
concurrents de l'ex-grandhomme. C'est
lui qui, en vertu de la loi électorale al-
lemande, sera son seul concurrent au
ballottage. Ainsi, le demi-dieu allemand
se présente, un inconnu sort de l'ombre
et le met en échec, et le battra peut-être,
et déjà, au premier tour, l'a battu dans
les villes. Puisque M. de Bismarck est
pour la « force », en voilà une force, le
socialisme!
Une force qui grandit de jour en
jour et qui n'aura pas de peine à primer
l'autre. Qu'est-ce que deviendra la
triple alliance devant l'alliance univer-
selle des travailleurs ? Ah ! si, au len-
demain de nos désastres, on avait fait
ce que nous conseillions ; si, au lieu de
combattre l'Internationale, on l'avait
adoptée, il y à longtemps que la France
serait redevenue la France 1
AUGUSTE VACQUERIE.
--
LES ÉTATS-UNIS A HAÏTI
Le New-York Herald publie un télé-
gramme de Washington dont l'extrême
importance n'échappera à personne. En
voici le texte :
Le départ de l'escadre d'évolution pour Haïti
et la nouvelle d'après laquelle tous les na-
vires de l'escadre du nord do l'Atlantique doi-
vent se trouver réunis au même point dans
quelques jours, sont considérés par les per-
sonnes qui sont au courant de la manière
d'agir du département des affaires étrangères
et de la marine, comme des faits significatils
et indiquant que l'on vent s'assurer la posses-
sion du môle de Saint-Nicolas, qui servirait de
dépôt de charbon.
On considère aujourd'hui comme évident
que les Etats-Unis doivent suivre une politique
plus énergique vis-à-vis de Haïti; car, dit la
dépêche, s'ils n'agissaient pas ainsi, la France
pourrait les devancer en s'assurant la posses-
sion d'un port.
L'envoi à Haïti do tous les vaisseaux qui
sont actuellement aux Etats-Unis prouve d'une
façon très claire que les départements des af-
faires étrangères et de la marine ont l'inten-
tion de suivre la conduite ci-dessus indiquée,.
4>
LE CUMUL DES PENSIONS
L'année 1891 voit la première applica-
tion d'une mesure votée par les Chambres,
et qui figure dans la loi de finances pour
l'exercice actuel.
Aux termes de l'article 31 de cette loi,
les pensions militaires concédées à des of-
ficiers ou assimilés à partir du 1er janvier
1891 ne pourront plus désormais se cu-
muler avec un traitement civil payé par
l'Etat, les départements, les communes ou
les établissements publics, que dans le cas
où le total de la pension militaire et du
traitement civil sera inférieur au montant
de la solde, sans les accessoires, dont
jouissait le titulaire au moment de sa mise
à la retraite.
Lorsque ce total dépassera le montant
de la solde, il y sera ramené par une sus-
pension d'une partie de la pension.
Lorsque le traitement civil sera égal ou
i, supérieur au montant de la solde, la pen-
sion sera complètement suspendue tant
que le titulaire jouira de ce traitement.
La loi considère comme traitements les
indemnités ou salaires alloués aux officiers
ou assimilés retraités et employés à titre
d'auxiliaires permanents par l'Etat, les dé-
partements, les communes ou les établis-
sements publics.
Toutefois ces diverses dispositions ne
s'appliqueront pas aux pensions militai-
res, q; i seront concédées à des officiers ou
assimilés retraités pour blessures ou infir-
mités équivalant à la perte d'un membre
et contractées pendant le service. -
- M ■ -H I. ■
LE FILS BENI
Dans le texte du testament du prince
Napoléon, un passage avait été omis.
Après ces mots:
« Je laisse à mon fils Louis tous mes
papiers sans exception »,
Il faut ajouter : -
« Que Louis lise toute ma correspon-
dance avec sa mère, elle lui fera connaître
la vérité sur mes relations avec ma fem me. »
Comment le fils « béni » a-t-il obéi à
celte dernière volonté de son père ? *
— « Certes; non! a-t-il dit à la princesse
ClotiJde, je ne lirai pas les lettres que vous
adressiez à mon père, votn qui avez tou-
jours été d'une abnégattôn admirable! Jamais
je ne consentirai à juger les raisons de
votre séparation. Mon devoir est, au con-
traire, de remettre entre vos mains toute
celte correspondance, sans en vouloir con-
naître un seul mot. »
La princesse Clotilde « s'est jetée, en
pleurant, dans les bras de ses deux fils »,
associant ainsi le fils béni et le fils mau-
dit.
Vous qui avez toujours été d'une alméga-
tion admirable. Ainsi, sans prendre con-
naissance de la correspondance, le fils
donne raison à sa mère contre le père qui
l'a béni.
On a fait au père la réputation d'avoir
éloigné de lui sa femme à force de la mal-
traiter; on a dit que c'était sa vie débau-
chée et scandaleuse qui avait été cause de
la séparation. Le père dit, dans son testa-
ment, que sa femme ne l'a quitté que
« pour des motifs politiques M, qu'elle l'a
elle-même « reconnu et déclaré », et il
confie au seul fils en qui il ait foi des let-
tres qui en sont la preuve. Ce fils, non
seulement refuse de lire les lettres, mais
il les remet à celle dont le premier soin
va être de les détruire. Il rend ainsi impos-
sible à jamais la justification de son père.
Qu'il rende la bénédiction, an moins :
na^BUJi ■
UN INFANTICIDE
Une femme, une jeune fille de dix-neuf
qu'un misérable a rendue mère et qu'il a,'
ensuite, lâchement abandonnée, se rend
au bureau de police, son enfant dans les
bras, son enfant qu'elle ne peut nourrir
et qui souffre. E:lü dit : Prenez-lo ; avec
moi il mourrait, car je n'ai .pas de pain
pour moi-même. —Les plumitifs qui sont
làTécoutent en monHilantle bout de leurs
porte-plumes, réfléchissent, répondent
enfin, de l'air important et considérable
propre à tant de fonctionnaires : Nous
verrons; avant de recevoir votre enfant,
il nous faut contrôler la véracité de vos.
dires; une enquête nous renseignera sur
la proportion dans laquelle il nous faut
ajouter créance iL vos déclarations qui
vous présententeomme dénuée de moyens
d'existence. Allez! — La femme s'en va,
remporte son enfant.
Vous savez la suite. Le Rappel a raconté
ce fait divers dans son numéro d'hier. Vous
savez qu'en sortant du bureau de police,
la femme à qui venait d'être faite cette
réponse dont j'ai très probablement donné
la physionomie exact, a tué son enfant.
C'est au Havre que s'est passé le. fait. Elle
est allée au bord de la mer et, seule,
n'ayant d'autre témoin que la nature im-
mense, l'Océan dont les flots éternellement
vont et viennent, le ciel éternellement
bleu derrière les nuages qui passent, elle
a noué ses doigts amaigris autour du cou
du petit être et a prolongé cette étreinte
farouche jusqu'à ce que la mort ait fait
son œuvre. Puis, de ses ongles, elle a
creusé dans les galets, dans la terre, une
fosse. D:tes! vous représentez-vous cette
scène d'horreur. Le petit cadavre, étendu
sur les pierres que le roulement incessant
des flots a arrondis, attend; la mère, à
genoux, à quatre pattes, travaille, sem-
blable à quelque bête fauve; de temps à
autre, tremblant d'être surprise dans sa
funèbre besogne, elle jette autour d'elle
des regards eiTarés. Cependant les vagues
vertes venaient se briser, avec le grand
bruit doux qu'elles ont par les temps cal-
mes, tout près d'elle, et la blanche écume
étalait à ses pieds ses franges d'argent ; et
puis le grand souffle de l'espace, plein
d'effluves vivifiantes, soulevait ses cheveux
et entourait, comme d'une caresse miséri-
cordieuse, son front. Voilà que la fosse
est assez profonde; vite! vite! dans le
trou, le petit corps qu'elle embrasse en-
core, désespéfément, une dernière fois,
avant de faire crouler les galets sur lui.
C'est fait! Il n'aura plus froid, il n'aura
plus faim. Elle se sauve, -affolée.
Elle est en prison maintenant. A la pre-
mière question du commissaire de police
eHeTa tout avoué. Elle passera aux assises.
Peut-être, même, séra-t-elle condamnée.
Mais est-elle coupable? La responsabilité
lui incombe-t-elle de l'épouvantable action
qu'elle a commise ? En mon âme et con-
science, je réponds : Non. Que vouliez-
vous qu'elle fît, cette mère douloureuse,
puisque les bureaucrates, chargés en cette
circonstance de représenter la société,
avaient refusé de prendre son enfant ?
Elle le leur tendait, égarée, criant : II. a
faim ! Donnez-lui à manger !. Ils ont
répondu : Nous ferons une enquête. —
Quand on a faim, est-ce qu'on a le temps
d'attendre les résultats d'une enquête ?
Une enquête, grand Dieu!. Oh! je n'at-
plus que de raison les bureau-
crates en question ; ils ont fait, sans doute,
ce qu'ils croyaient devoir faire. Le cou-
pable, ici, le seul responsable, c'est notre
organisation sociale pleine de vices ! —
Avouez que ceci vient bien à son heure au
moment où toute la presse s'occupe de la
décision de l'Académie de médecine-
dont je parlais l'autre jour à cette même
place - favorable au rétablissement des
tours.
Supposez l'existence, au Havre, au lieu
de ce bureau peuplé d'employés quel-
conques, d'un tour ; la malheureuse
femme y eût por é son enfant; et l'enfant,
aujourd'hui, vivrait et la mère ne serait
pas en prison sous le poids d'une accusa-
tion terrible. On dit, M. Joseph Reinach
l'a dit à ia Chambre, M. Gustave Rivet le
répétait encore avant-hier; que le tour
favorise les infanticides ; en voici toujours
un qu'il eût empêché. Cette femme ne
voulait pas tuer son enfant; elle ne l'a
tué que contrainte et forcée,1 dans un
moment d'affolement si vous voulez, ou
bien pour épargner à la misérable petite
créature les le tes tortures de la faim.
Mais les adversaires des tours ont un ar-
gument qu'ils répètent sans cesse ; c'est le
mot : mélodramatique. « Quoi! nous
disent-ils, vous voulez rétablir le vieux
tour mélodramatique? » Mais la scène que
je viens de raconter n'est-elle pas aussi
fort mélodramatique ? Autre argument ':
on ne pourrait pas établir do tours par-
tout, jusque dans les plus petits villages ;
il faudrait que la mère fit quelquefois pour
s'y rendre, une très longue course. Je
reste confondu, je l'avoue. Est-ce qu'on
pense établir jusque dans les plus petits
villages des bureaux d'abandon à l'instar
de celui qui fonctionne à Paris ? Est-ce que
pour "se rendre au bureau d'abandon,
comme pour se rendre au tour, la mère
ne sera pas forcée de faire une longue
course?. Il faudrait cependant être sé- -
rieux, 1
t, "'Í;' :f'. ',"' j
Le fait qui vient de se passer au Havre
montre quels peuvent être les dangers du
bureau d'abandon. Je suis tout disposé à
croire qu'il n'aurait pu se produire à Paris,
mais enfin peut-on se clire absolument sûr
qu'il ne se trouye nulle part des employés
pour - dans "pn.e très bonne intention
peut-être -Íajdif0jl0s'.:n,'l'Oft'é
recevoir sang rien, dire f arfrant qu'on leur
apporte. Sans rien dire !. Mais ne dr
vent-ils pas, dans le but de constituer uè
état civil à l'enfant, adresser à la mère des
questions, à laquelle celle-ci peut ne pas
répondre, à vrai dire. Vous voyez le péril.
Dans les villes de province, les gens se
connaissent, ou croient se connaître. En-
tendez-vous le dialogue : Vous, sans res-
sources ! — c'est l'employé qui parle à la
mère — allons donc ! Vous pouvez très
bien élever votre enfant! C'est parce que
vous- êtes une mauvaise mère que vous
voulez l'abandonner! Vous devriez avoir
honte !. Ainsi de suite. — Je réclame le
tour, le tour muet, aveugle, impersonnel.
Ah ! songez donc que la natalité s'affaiblit
sans cesse en France !.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
*—■ ■ ^-
AU SOUDAN
Le Rappel a annoncé le premier que les
autorités militaires du Soudan français
avaient, malgré les instructions formelles
leur enjoignant de ne pas faire d'expédi-
tion, suscité des difficultés à Ahmadou,
sultan de Ségou, pour le forcer à prendre
les armes.
Le Siècle précise aujourd'hui nos accu-
sations. Il met en cause le colonel Archi-
nard, commandant du Haut-Fleuve, et lui
reproche de provoquer Samory après avoir
cherché querelle à Ahmadou.
Notre confrère appelle l'attention du
gouvernement sur ces expéditions dange-
reuses. Nous ne pouvons que nous asso-
cier à lui pour demander énergiquement
au sous-secrétaire d'Etat des colonies de
prendre les mesures que commande une
pareille situation. Il ne s'agit de rien
moins que de protéger nos soldats et le
Trésor contre des officiers trop aventu-
reux.
c B.
«*> —
EN INDO-CHINE
Il parait de plus en plus certain que M.
de Lanessan, député de laSeine, succédera
à M. Piquet comme gouverneur général de
l'Indo-Chine. -
Pour notre part, nous souhaitons vive-
ment cette nomination. Le gouvernement
ne saurait faire un meilleur choix.
M. de Lanessan connaît à fond les ques-
tions coloniales; il a visité toutes nos pos-
sessions et a notamment fait un long sé-
jour en Indo-Chine. Il a pu étudier sur
place les besoins de cette grande colonie.
Dans ses deux ouvrages : l'Indo-Chine et
l'Expansion coloniale, il a exposé avec une
compétence incontestable les,procédés ad-
ministratifs, économiques et autres par
lesquels le Tonkin doit être mis en valeur.
M. de Lanessan est des plus énergiques et
saura exiger des autorités militaires et ci-
viles la soumission qu'elles auraient dû
toujours observer.
Rappelons que le gouverneur général de
l'Indo-Chine jouit d'un traitement de
120,000 fr., frais de représentation com-
pris.
Le nouveau gouverneur général aura
les pouvoirs les plus étendus; son autorité
dévra être reconnue par tous. Déjà M. Pi-
quet avait les moyens d'imposer une
subordination complète aux chefs de ser-
vice. Toutefois, afin que les graves con-
flits qui se sont produits entre l'élément
civil et l'élément militaire ne se renouvel-
lent pas, il est probable qu'un décret inter-
viendra prochainement qui confirmera au
gouverneur général les attributions que
lui ont conférées des décrets antérieurs.
JJ --- 1 y ! r i 1
Actuellement, les chefs du corps d'occu-
pation et de l'escadre de l'Indo-Ching
correspondent directement avec leur?
départements respectifs. C'est de cet état
de choses que proviennent les tiraillements
qui ont tant nui jusqu'ici à la pacification
du Tonkin. Nous croyons savoir que ce*-
droit de correspondance directe sera sup-
primé. Toutes les communications de
service, quelles qu'elles soient, des auto-
rités militaires seront adressées au gouyi
verneur général qui les transmettra au
sous-secrétariat des colonies. C'est cette
administration qui fera parvenir aux mi-
nistres de la guerre et de la marine les
documents qui leur seront destinés.
C. B.
—————————————— —————————
FRANCE ET RUSSIE
On télégraphie d'Ajaceio, 17 avril :
Lé croiseur russe Amiral Kornilow est arrivé
aujourd'hui à Ajaccio. Après les saluts d'usaga
de la ville et de l'escadre française, les officiers
ont débarqué au milieu d'un immense con-
cours de population.
L'accueil a été enthousiaste. Les cris nourris
de : « Vive la Russie ! Vive la France ! » oui
retenti. ":;;
De grandes manifestations se préparent eu
l'honneur des marins russes. (Í ;
I — —♦ — —'— —
LES FETES PARISIENNES
Aurons-nous cette année des fêtes pari..
siennes? C'est possible, mais il ne faudrait
pas l'affirmer. M. Alphand a, en effet, con-
voqué hier à l'Hôtel de Ville les membres
du comité d'organisation; les uns ont pro-
posé un carrousel au palais des Machines,
les autres une bataille de fleurs et une
fête vénitienne au bois de Boulogne, mais
personne n'a pu s'accorder et tout le
monde s'est séparé sans prendre dé dé-
cision.
Ah! si, pourtant; on a nommé une
commission d'études, composée de per-
sonnes appartenant au haut commerce et
à la grande industrie.
C'est elle qui répondra définitivement à
notre question : Aurons-nous cette année
des fêtes parisiennes?
H. D.
II. D. •
CHRONIQUE DU JOUR
LE GRAND-RABBIN
M. Dreyfus a été élu grand-rabbin dô
Paris. Son élection a été ratifiée par la
consistoire. Les bruits actuellement répan-
dus sur le compte du chef de la commu-
nauté israélite de Paris n'ont pas tenu
devant un moment d'attention. On lui
reprochait de ne pas être Français, parce
que son père est resté dans ses fonctions
de rabbin à Saverne. Qui donc pourrait
blâmer ces pasteurs et ces rabbins qui
n'ont pas voulu quitter leurs fidèles et qui
conservent là-bas le souvenir de la France
et l'espoir des retours de la fortune des
combats?
Je ne suis pas juif, mais je ne puis com-
prendre cette campagne d'injures et de
basses attaques dirigées depuis quelques
années contre les juifs. Il faut laisser ces
persécutions d'un autre âge aux Etats des-
potiques. La République ne doit pas per-
pétuer ces stupides et barbares animosités
religieuses.
Ce qui est curieux, c'est d'entendre le
mépris avec lequel les personnes pieuses
prononcent ce mot : juif. Elles oublient
que leur dieu, leur Jcsus-Christ était juif,
lui aussi.
Le fait de reprocher à un homme sa
religion, due au hasard de la naissance,
est monstrueux de sottise. Est-on coupablé
d'être né à Constantinople et par consé..
quent d'adorer Mahomet? Ne se rend-on
pas compte que si M. Pecci, aujourd'hui
, b w >?< y .: t q
-J-V Feuilleton du RAPPEL
,SB.', DU 19 AVRIL
,)
36 -
'J
L'ENDORMEUR
311 9' -'
';W DEUXIÈME PARTIE
v LES PUNISSEURS
tilÚ" 1 1 1
ti
'1:) III (suite)
La Chacal saisit brusquement la main
d'Armande.
- — Qu'est-ce que vous dites ? démanda-
t-elle. « Marcel va mourir. Quand Marcel
sera mort. » Pourquoi dites-vous ça?
-Vous savez bien. Il va mourir, ce
pauvre cousin.
— Il est donc malade?
é{ — Oh ! oui, biens bien malade.
jt; — Qui vous l'a dit ? :,¡-
o p— C'est mon ami Jacques. Il m'a dit :
Votre pauvre cousin est mal, bien mal!
Maman sera très contente, parce qu'alors
je retournerai auprès d'elle.
—Et comment votre ami Jacques sait-il
que Marcel est si mal?
— Ah ! c'est son affaire. Je ne suis pas
curieuse, moi. Ah! voyez donc ce joli
nuage rose. Si on pouvait l'attraper!
• Reproduction interdite.
e: Voir le Rappel du 13 mars au 18 avril.-
— Où est-il, votre ami Jacques.
— Chez la mère Pintade, vous savez
bien. Etiennette est dans la cave pour em-
pêcher le marquis de boire tout le vin.
— Chez la mère Pintade ? J'y vais.
- Emmenez-moi, voulez-vous?
— Non, c'est trop loin.
Elle mit sa capeline et sortit en toute
hâte.
Le mari rentra un quart d'heure après.
— Où est donc ma femme ? demanda-t-il
tout haut en ne voyant pas Jeanne.
— Avec mon cousin, dit la folle sans
hésiter.
Le Chacal haussa les épaules.
— Oui, continua Armande, parce que
Marcel est très malade. Alors elle est allée
chez la mère Pintade pour avoir de ses
nouvelles.
- Radote, va ! fit le Chacal en bourrant
sa pipe.
- Dites donc, le Chacal, l'autre, jour,
ce paysan disait, comme vous passiez :
Celui-là, il ne compte pas ! Pourquoi donc
ne comptes-tu pas, dis?
Le mari fit entendre un grognement
bourru, et alla interroger une servante.
La Chacal était véritablement sortie en
prenant le chemin de Pierrelatte.
Elle y était arrivée assez vite, grâce à
un garçon de ferme à cheval rencontré en
chemin, qui l'avait prise en croupe. *
Elle trouva dans l'auberge Jacques Blân-
dry au moment où il rentrait, et elle l'in-
terrogea avec anxiété.
Il lui répondit qu'il avait, en effet, reçu
une lettre de M. Pierre Maingcr, lui appre-
nant que Marcel était tombé gravement
malade à l'hôtel du Nord, où il était des-
cendu à Paris. ,,
- Vous avez cette lettre?
— Je crois qu'oui. , -. ,
- Soyez; I-sez bon pour me ta laisser
voir, je vous prie. „
— Elle est dans ma chambre, je vais
vous l'aller chercher.
Il rapporta une lettre encore dans son
enveloppe au timbre de Paris. Il la plia de
façon à lui montrer un passage de cette
lettre, qui disait :
« Notre pauvre ami Marcel est dans
un état vraiment inquiétant. On craint une
fièvre cérébrale. 11 est très mal soigné dans
cet hôtel de la rue Neuve-dcs-Pt tits-
Champs; mais pourra-t-on le transporter
à l'hospice Dubois ou dans une maison de
santé? C'est plus que douteux. »
— Merci ! dit la Chacal d'une voix rau-
qnc. Et vous n'avez pas reçu d'autres nou-
velles?
— Non, la lettre est d'avant-hicr.
La Chacal remercia encore et sortit pré-
cipitamment. ;
Quand elle rentra, l'air sombre, aux
Lucains, son mari lui cria brutalement:
— D'où viens tu?
Elle ne daigna pas répondre.
— Tu viens de l'auberge, pour avoir de
ses nouvelles?
— Oui, après?
Il leva son poing énorme, velu, noir,
formidable.
V* i
f
'— Tu sais que je t'écraserai quelque
jour comme une fourmi.
- Te voilà devenu bien susceptible ! Il
est temps.. J
- Je te ferai voir que je compte.
— Oui, les écus que je te rapporte.
- Ah ! prends garde tout de même I
— Tu m'ennuies! 4 - , * »
Il sortit en lui montrant le poing.
Armande était allée, venue, mais elle ne
s'était pas éloignée de la maison du Cha-
cal. Jeanne l'aperçut qui marchait sous les
arbres, et pensa : Que faire de la folle ? Le
baron m'a fait jurer que je ne là quitterais
pas, que je ne la perdrais jamais de vue.
Il sera furieux déjà que j'aille à Paris, fu-
rieux doublement si j'ai laissé la folle ici.
Elle alla à Armande, qui lui dit en la
voyant :
— Eh bien, morrpauvre oncle? espère-
t-on le sauver?
- Otii, oui; mais écoutez. Nous allons
partir, tontes deux, cette -nuit.
— Pour aller voir maman ?
*
-::- Oui, à Paris. Votre mère est à Paris.
— Ah ! j'en étais.sûre 1 ",
— J'irai vous prendre à dix heures.
Tenez-yous prête. Ne vous endormez pas!
- Il n'y a pas de danger ! Enfin ! enfin !
je vais donc revoir inaman !
— Ne vous avisez pas de revenir chez
nous. Le Chacal est en colère. 1.
Armande approuva de la tête, et, pour
montrer qu'elle avait bien compris, elle
rentra tout de suite au château. s.
A la nuit dose, elle sortit et rejoignit
Jacques à leur rendez-vous accoutumé.
— Eh bien, c'est fait! la Chacal part cette
nuit pour Paris.
- A merveille !
— Mais, vous ne savez pas, elle m'em-
mène.
- Ah! c'est mieux encore!—Et moi,
naturellement, je vous suis. ,
- Vous allez partir aussi ?
— Il serait plus facile d'arracher le,
lierre à l'ormeau que moi à vous,Armande.
- Mon ami !. fit la jeune fille émue en
lui tendant la main. 11 1
— La Chacal vous emmène pour vous
surveiller, dit-il, vous allez pouvoir sur-
veiller la Chacal !
IV
Le lendemain vers midi, la Chacal et
Armande débarquaient à la gare de Lyon.
Une voiture les conduisit à l'hôtel du Nord.
La Chacal était anxieuse. Elle avait une
double inquiétude : comment allait-elle
trouver Marcel ? comment Marcel la rece-
vrait-il ? l' ;i.-
Elle était partie sans réfléchir, sans se
rendre compte, ne voyant qu'une chose :
Marcel malade, agonisant peut-être, seul,
dans une chambre d'hôtel. Pourrait-il lui
savoir mauvais gré de son empressement
à venir le soigner, le sauver peut-être?
On arriva à la rue des Petits-Champs.
Elle dit au cocher de l'attendre et des-
cendit, suivie d'Armande.
— Monsieur Marcel Brunoy? demanda-
t-elle au concierge.
- ,.- 1,
- M. Martel Brunoy n'est plus ici, dit la
concierge, à qui la leçon avait été faite.
- Plus ici ! Où est-il, mon Dieu ?
— Il était très malade. Son ami M. Pierre
Mainger l'a fait transporter quelque part
dans une maison de santé, dans un ho~
pice, je ne sais.
— Comment ! on n'a pas laissé d'a-
dresse? c 'A
— Non. Je ne sais même pas si l'endroit
où on le transporterait était décidé. *
--Et quand est-il parti?
— Avant-hier.
La Chacal demeurait là immobile, acca.",
blée. <
Armande la tira par la manche. -
— Et maman? est-ce que nous n'irons
pas bientôt voir maman?
— Ah ! oui, la folle ! se dit la Chacal
qu'est-ce que je vais faire d'elle à présent ?
— Maman ne demeure pas ici pour sûrl
je veux aller chez maman 1 répétait Ar.
mande.
Il fallait prendre un parti. La Chacal
connaissait peu Paris et se sentait perdue
dans l'immense ville. Qui l'aiderait à re-
trouver Marcel? Qui recueillerait et gar-
dérait la folle? 1
- Tant pis ! murmura-t-elle, il dira
et fera tout ce qu'il voudra, il n'y a que
lui à qui je puisse m'adrelsèr.
Elle fit remonter Armande dans le fiacru
et dit au cocher : t*
—Avenue de la Belle-Gabrielle, à Nogentt
JULES DE GASTYNE,
IA suivre.) -- ';.Lv.ol
fie 7709 — Dimanche 19 Avril 1891
30 Germinal an 99 — N° 7709
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION ,
18, RUE DE VALOIS, J 8
j
S'ADRESSER AU SECRÉTAIRE DE LA HÉDACTM*
.J De 4 d 6 heures du soir
tu Et de 9 heures du soir à minuit 'i
Us HANFSCBITS-îVON INSÉRÉS NB SERONT PAS BBNDtli
ADMNISTRATION.
18, EUE DB VALOIS, ift r
Ct 1 .: •
Adresser lettres et mandata!
-1 L'ADMINISTRATEUR-GÉRANB
1 ANNONCES m.
MY. Ch. LAGRANGE, CERF et GP !
6, plaee de la Bourse, 6
> - ABONNEMENTS
- PARIS - if A M *9
CW MOIS 2 FR.
TROIS MOIS. 5 -
SIX IIOIS. 9 FR. --"
UN AN 18 —
Rédacteur en chef : AUGDSTE : VACQUERIE
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS. 6 —
six MO» 11 ma.
ON N. 20 —
M. DE BISMARCK BALLOTTE
Un bonhenr continu rendrait l'homme superbe,
Et chacun k son tour, comme dit le proverbe!
est-il dit dans Tartuff e. Et dans la Bible :
— Quomodo cecidit potens ! Quelle
chute du puissant !
C'est la chute définitive. Tombé du
faîte, l'ex-grand-chancelier aspirait à
remonter. Et puis, il avait à se venger.
De l'empereur, d'abord. Penser que cet
empereur, il l'avait désiré, il avait
trouvé que le père n'en finissait pas de
mourir! Et Guillaume acquiesçait. Dans
ses toasts, le prince de Bismarck était
le porte-drapeau de l'Allemagne, le
vrai empereur. Frédéric mort, le grand-
chancelier s'est dit : — Maintenant, je
suis tout! C'est alors que Guillaume lui
* a dit : - Tu n'es plus rien !
Le coup était rude. M. de Bismarck a
youlu le rendre. Il avait domestiqué la
presse allemande. Il a dit aux journaux :
- Sus à l'empereur ! Ils ont bien ri. Ce
n'était plus lui qui avait les fonds des
reptiles. Ce n'était donc plus de lui
• qu'ils avaient à recevoir des ordres. Et
* au lieu de mordre pour lui, c'est lui
qu'ils ont mordn.
A qui s'adresser? La presse lui man-
quant, il ne lui restait plus que la tri-
bune. Mais quoi! solliciter un mandat
de député, lui qui avait traité la dépu-
tation de façon si hautaine et si mépri-
sante? Rentrer piteusement dans ce
Reichstag où il entrait jadis, comme
Louis XIV au Parlement, l'éperon à la
botte et la cravache à la main? Il se
résigna à passer par cette porte basse.
Une fois dans la place, il se relèverait !
Mais voici que, lorsqu'il s'est bien
courbé, la porte basse lui est fermée
sur le nez !
C'est le comble. S'être humilié était
déjà bien dur; mais s'être humilié pour
rien ! ,'.
* On aurait cru que, le jour où le
« porte-drapeau de l'Allemagne » dai-
gnerait faire à une circonscription l'hon-
neur de la représenter, toutes les voix
de cette circonscription l'en remercie-
raient; on aurait cru qu'il n'aurait pas
un concurrent.
Il n'en a pas eu un, il en a eu trois.
Et ils ont eu plus de voix que lui.
Il y aura un ballottage. Que va faire
M. de Bismarck? Si la fureur de sa
disgrâce et de sa défaite lui laissait le
sentiment de sa dignité, il se retirerait.
Dans le cas où il persisterait à mendier
les voix qu'on vient de lui refuser et
où il en obtiendrait l'aumône, combien
diminué il siégerait parmi ces députés
dont il fut le maître et dont il serait à
peine l'égal ! Quelle revanche ils pren-
draient de ses insolences d'autrefois !
Quels sourires il subirait ! Quelle rage
a cet ex-grand acteur de reparaître sur
la scène et, après y avoir été premier
rôle, d'y être figurant?
Si oii le siffle, je n'aurai pas l'hypo-
crisie de le plaindre. Au contraire, je
m'en réjouirai bien haut, me souvenant
* r» f. • * * -
de ce qu'il a été pour nous il y a vingt
ans. Rien ne pourra le châtier assez de
son mot ignoble : « La force prime l
droit. » C'est son tour d'être « primé »,
d'être vaincu, d'être réduit à l'impuis-
sance, d'être écrasé. C'est bien fait. Je
bats des mains. ",-
La justice est ~hoitense, elle vient à pas lents.
Mais elle vient!
Un autre côté agréable du vote de
Geestemundc, c'est le nombre de voix
qu'a eues le candidat socialiste, M.
Schmalfeld. Il arrive premier des trois
concurrents de l'ex-grandhomme. C'est
lui qui, en vertu de la loi électorale al-
lemande, sera son seul concurrent au
ballottage. Ainsi, le demi-dieu allemand
se présente, un inconnu sort de l'ombre
et le met en échec, et le battra peut-être,
et déjà, au premier tour, l'a battu dans
les villes. Puisque M. de Bismarck est
pour la « force », en voilà une force, le
socialisme!
Une force qui grandit de jour en
jour et qui n'aura pas de peine à primer
l'autre. Qu'est-ce que deviendra la
triple alliance devant l'alliance univer-
selle des travailleurs ? Ah ! si, au len-
demain de nos désastres, on avait fait
ce que nous conseillions ; si, au lieu de
combattre l'Internationale, on l'avait
adoptée, il y à longtemps que la France
serait redevenue la France 1
AUGUSTE VACQUERIE.
--
LES ÉTATS-UNIS A HAÏTI
Le New-York Herald publie un télé-
gramme de Washington dont l'extrême
importance n'échappera à personne. En
voici le texte :
Le départ de l'escadre d'évolution pour Haïti
et la nouvelle d'après laquelle tous les na-
vires de l'escadre du nord do l'Atlantique doi-
vent se trouver réunis au même point dans
quelques jours, sont considérés par les per-
sonnes qui sont au courant de la manière
d'agir du département des affaires étrangères
et de la marine, comme des faits significatils
et indiquant que l'on vent s'assurer la posses-
sion du môle de Saint-Nicolas, qui servirait de
dépôt de charbon.
On considère aujourd'hui comme évident
que les Etats-Unis doivent suivre une politique
plus énergique vis-à-vis de Haïti; car, dit la
dépêche, s'ils n'agissaient pas ainsi, la France
pourrait les devancer en s'assurant la posses-
sion d'un port.
L'envoi à Haïti do tous les vaisseaux qui
sont actuellement aux Etats-Unis prouve d'une
façon très claire que les départements des af-
faires étrangères et de la marine ont l'inten-
tion de suivre la conduite ci-dessus indiquée,.
4>
LE CUMUL DES PENSIONS
L'année 1891 voit la première applica-
tion d'une mesure votée par les Chambres,
et qui figure dans la loi de finances pour
l'exercice actuel.
Aux termes de l'article 31 de cette loi,
les pensions militaires concédées à des of-
ficiers ou assimilés à partir du 1er janvier
1891 ne pourront plus désormais se cu-
muler avec un traitement civil payé par
l'Etat, les départements, les communes ou
les établissements publics, que dans le cas
où le total de la pension militaire et du
traitement civil sera inférieur au montant
de la solde, sans les accessoires, dont
jouissait le titulaire au moment de sa mise
à la retraite.
Lorsque ce total dépassera le montant
de la solde, il y sera ramené par une sus-
pension d'une partie de la pension.
Lorsque le traitement civil sera égal ou
i, supérieur au montant de la solde, la pen-
sion sera complètement suspendue tant
que le titulaire jouira de ce traitement.
La loi considère comme traitements les
indemnités ou salaires alloués aux officiers
ou assimilés retraités et employés à titre
d'auxiliaires permanents par l'Etat, les dé-
partements, les communes ou les établis-
sements publics.
Toutefois ces diverses dispositions ne
s'appliqueront pas aux pensions militai-
res, q; i seront concédées à des officiers ou
assimilés retraités pour blessures ou infir-
mités équivalant à la perte d'un membre
et contractées pendant le service. -
- M ■ -H I. ■
LE FILS BENI
Dans le texte du testament du prince
Napoléon, un passage avait été omis.
Après ces mots:
« Je laisse à mon fils Louis tous mes
papiers sans exception »,
Il faut ajouter : -
« Que Louis lise toute ma correspon-
dance avec sa mère, elle lui fera connaître
la vérité sur mes relations avec ma fem me. »
Comment le fils « béni » a-t-il obéi à
celte dernière volonté de son père ? *
— « Certes; non! a-t-il dit à la princesse
ClotiJde, je ne lirai pas les lettres que vous
adressiez à mon père, votn qui avez tou-
jours été d'une abnégattôn admirable! Jamais
je ne consentirai à juger les raisons de
votre séparation. Mon devoir est, au con-
traire, de remettre entre vos mains toute
celte correspondance, sans en vouloir con-
naître un seul mot. »
La princesse Clotilde « s'est jetée, en
pleurant, dans les bras de ses deux fils »,
associant ainsi le fils béni et le fils mau-
dit.
Vous qui avez toujours été d'une alméga-
tion admirable. Ainsi, sans prendre con-
naissance de la correspondance, le fils
donne raison à sa mère contre le père qui
l'a béni.
On a fait au père la réputation d'avoir
éloigné de lui sa femme à force de la mal-
traiter; on a dit que c'était sa vie débau-
chée et scandaleuse qui avait été cause de
la séparation. Le père dit, dans son testa-
ment, que sa femme ne l'a quitté que
« pour des motifs politiques M, qu'elle l'a
elle-même « reconnu et déclaré », et il
confie au seul fils en qui il ait foi des let-
tres qui en sont la preuve. Ce fils, non
seulement refuse de lire les lettres, mais
il les remet à celle dont le premier soin
va être de les détruire. Il rend ainsi impos-
sible à jamais la justification de son père.
Qu'il rende la bénédiction, an moins :
na^BUJi ■
UN INFANTICIDE
Une femme, une jeune fille de dix-neuf
qu'un misérable a rendue mère et qu'il a,'
ensuite, lâchement abandonnée, se rend
au bureau de police, son enfant dans les
bras, son enfant qu'elle ne peut nourrir
et qui souffre. E:lü dit : Prenez-lo ; avec
moi il mourrait, car je n'ai .pas de pain
pour moi-même. —Les plumitifs qui sont
làTécoutent en monHilantle bout de leurs
porte-plumes, réfléchissent, répondent
enfin, de l'air important et considérable
propre à tant de fonctionnaires : Nous
verrons; avant de recevoir votre enfant,
il nous faut contrôler la véracité de vos.
dires; une enquête nous renseignera sur
la proportion dans laquelle il nous faut
ajouter créance iL vos déclarations qui
vous présententeomme dénuée de moyens
d'existence. Allez! — La femme s'en va,
remporte son enfant.
Vous savez la suite. Le Rappel a raconté
ce fait divers dans son numéro d'hier. Vous
savez qu'en sortant du bureau de police,
la femme à qui venait d'être faite cette
réponse dont j'ai très probablement donné
la physionomie exact, a tué son enfant.
C'est au Havre que s'est passé le. fait. Elle
est allée au bord de la mer et, seule,
n'ayant d'autre témoin que la nature im-
mense, l'Océan dont les flots éternellement
vont et viennent, le ciel éternellement
bleu derrière les nuages qui passent, elle
a noué ses doigts amaigris autour du cou
du petit être et a prolongé cette étreinte
farouche jusqu'à ce que la mort ait fait
son œuvre. Puis, de ses ongles, elle a
creusé dans les galets, dans la terre, une
fosse. D:tes! vous représentez-vous cette
scène d'horreur. Le petit cadavre, étendu
sur les pierres que le roulement incessant
des flots a arrondis, attend; la mère, à
genoux, à quatre pattes, travaille, sem-
blable à quelque bête fauve; de temps à
autre, tremblant d'être surprise dans sa
funèbre besogne, elle jette autour d'elle
des regards eiTarés. Cependant les vagues
vertes venaient se briser, avec le grand
bruit doux qu'elles ont par les temps cal-
mes, tout près d'elle, et la blanche écume
étalait à ses pieds ses franges d'argent ; et
puis le grand souffle de l'espace, plein
d'effluves vivifiantes, soulevait ses cheveux
et entourait, comme d'une caresse miséri-
cordieuse, son front. Voilà que la fosse
est assez profonde; vite! vite! dans le
trou, le petit corps qu'elle embrasse en-
core, désespéfément, une dernière fois,
avant de faire crouler les galets sur lui.
C'est fait! Il n'aura plus froid, il n'aura
plus faim. Elle se sauve, -affolée.
Elle est en prison maintenant. A la pre-
mière question du commissaire de police
eHeTa tout avoué. Elle passera aux assises.
Peut-être, même, séra-t-elle condamnée.
Mais est-elle coupable? La responsabilité
lui incombe-t-elle de l'épouvantable action
qu'elle a commise ? En mon âme et con-
science, je réponds : Non. Que vouliez-
vous qu'elle fît, cette mère douloureuse,
puisque les bureaucrates, chargés en cette
circonstance de représenter la société,
avaient refusé de prendre son enfant ?
Elle le leur tendait, égarée, criant : II. a
faim ! Donnez-lui à manger !. Ils ont
répondu : Nous ferons une enquête. —
Quand on a faim, est-ce qu'on a le temps
d'attendre les résultats d'une enquête ?
Une enquête, grand Dieu!. Oh! je n'at-
plus que de raison les bureau-
crates en question ; ils ont fait, sans doute,
ce qu'ils croyaient devoir faire. Le cou-
pable, ici, le seul responsable, c'est notre
organisation sociale pleine de vices ! —
Avouez que ceci vient bien à son heure au
moment où toute la presse s'occupe de la
décision de l'Académie de médecine-
dont je parlais l'autre jour à cette même
place - favorable au rétablissement des
tours.
Supposez l'existence, au Havre, au lieu
de ce bureau peuplé d'employés quel-
conques, d'un tour ; la malheureuse
femme y eût por é son enfant; et l'enfant,
aujourd'hui, vivrait et la mère ne serait
pas en prison sous le poids d'une accusa-
tion terrible. On dit, M. Joseph Reinach
l'a dit à ia Chambre, M. Gustave Rivet le
répétait encore avant-hier; que le tour
favorise les infanticides ; en voici toujours
un qu'il eût empêché. Cette femme ne
voulait pas tuer son enfant; elle ne l'a
tué que contrainte et forcée,1 dans un
moment d'affolement si vous voulez, ou
bien pour épargner à la misérable petite
créature les le tes tortures de la faim.
Mais les adversaires des tours ont un ar-
gument qu'ils répètent sans cesse ; c'est le
mot : mélodramatique. « Quoi! nous
disent-ils, vous voulez rétablir le vieux
tour mélodramatique? » Mais la scène que
je viens de raconter n'est-elle pas aussi
fort mélodramatique ? Autre argument ':
on ne pourrait pas établir do tours par-
tout, jusque dans les plus petits villages ;
il faudrait que la mère fit quelquefois pour
s'y rendre, une très longue course. Je
reste confondu, je l'avoue. Est-ce qu'on
pense établir jusque dans les plus petits
villages des bureaux d'abandon à l'instar
de celui qui fonctionne à Paris ? Est-ce que
pour "se rendre au bureau d'abandon,
comme pour se rendre au tour, la mère
ne sera pas forcée de faire une longue
course?. Il faudrait cependant être sé- -
rieux, 1
t, "'Í;' :f'. ',"' j
Le fait qui vient de se passer au Havre
montre quels peuvent être les dangers du
bureau d'abandon. Je suis tout disposé à
croire qu'il n'aurait pu se produire à Paris,
mais enfin peut-on se clire absolument sûr
qu'il ne se trouye nulle part des employés
pour - dans "pn.e très bonne intention
peut-être -Íajdif0jl0s'.:n,'l'Oft'é
recevoir sang rien, dire f arfrant qu'on leur
apporte. Sans rien dire !. Mais ne dr
vent-ils pas, dans le but de constituer uè
état civil à l'enfant, adresser à la mère des
questions, à laquelle celle-ci peut ne pas
répondre, à vrai dire. Vous voyez le péril.
Dans les villes de province, les gens se
connaissent, ou croient se connaître. En-
tendez-vous le dialogue : Vous, sans res-
sources ! — c'est l'employé qui parle à la
mère — allons donc ! Vous pouvez très
bien élever votre enfant! C'est parce que
vous- êtes une mauvaise mère que vous
voulez l'abandonner! Vous devriez avoir
honte !. Ainsi de suite. — Je réclame le
tour, le tour muet, aveugle, impersonnel.
Ah ! songez donc que la natalité s'affaiblit
sans cesse en France !.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
*—■ ■ ^-
AU SOUDAN
Le Rappel a annoncé le premier que les
autorités militaires du Soudan français
avaient, malgré les instructions formelles
leur enjoignant de ne pas faire d'expédi-
tion, suscité des difficultés à Ahmadou,
sultan de Ségou, pour le forcer à prendre
les armes.
Le Siècle précise aujourd'hui nos accu-
sations. Il met en cause le colonel Archi-
nard, commandant du Haut-Fleuve, et lui
reproche de provoquer Samory après avoir
cherché querelle à Ahmadou.
Notre confrère appelle l'attention du
gouvernement sur ces expéditions dange-
reuses. Nous ne pouvons que nous asso-
cier à lui pour demander énergiquement
au sous-secrétaire d'Etat des colonies de
prendre les mesures que commande une
pareille situation. Il ne s'agit de rien
moins que de protéger nos soldats et le
Trésor contre des officiers trop aventu-
reux.
c B.
«*> —
EN INDO-CHINE
Il parait de plus en plus certain que M.
de Lanessan, député de laSeine, succédera
à M. Piquet comme gouverneur général de
l'Indo-Chine. -
Pour notre part, nous souhaitons vive-
ment cette nomination. Le gouvernement
ne saurait faire un meilleur choix.
M. de Lanessan connaît à fond les ques-
tions coloniales; il a visité toutes nos pos-
sessions et a notamment fait un long sé-
jour en Indo-Chine. Il a pu étudier sur
place les besoins de cette grande colonie.
Dans ses deux ouvrages : l'Indo-Chine et
l'Expansion coloniale, il a exposé avec une
compétence incontestable les,procédés ad-
ministratifs, économiques et autres par
lesquels le Tonkin doit être mis en valeur.
M. de Lanessan est des plus énergiques et
saura exiger des autorités militaires et ci-
viles la soumission qu'elles auraient dû
toujours observer.
Rappelons que le gouverneur général de
l'Indo-Chine jouit d'un traitement de
120,000 fr., frais de représentation com-
pris.
Le nouveau gouverneur général aura
les pouvoirs les plus étendus; son autorité
dévra être reconnue par tous. Déjà M. Pi-
quet avait les moyens d'imposer une
subordination complète aux chefs de ser-
vice. Toutefois, afin que les graves con-
flits qui se sont produits entre l'élément
civil et l'élément militaire ne se renouvel-
lent pas, il est probable qu'un décret inter-
viendra prochainement qui confirmera au
gouverneur général les attributions que
lui ont conférées des décrets antérieurs.
JJ --- 1 y ! r i 1
Actuellement, les chefs du corps d'occu-
pation et de l'escadre de l'Indo-Ching
correspondent directement avec leur?
départements respectifs. C'est de cet état
de choses que proviennent les tiraillements
qui ont tant nui jusqu'ici à la pacification
du Tonkin. Nous croyons savoir que ce*-
droit de correspondance directe sera sup-
primé. Toutes les communications de
service, quelles qu'elles soient, des auto-
rités militaires seront adressées au gouyi
verneur général qui les transmettra au
sous-secrétariat des colonies. C'est cette
administration qui fera parvenir aux mi-
nistres de la guerre et de la marine les
documents qui leur seront destinés.
C. B.
—————————————— —————————
FRANCE ET RUSSIE
On télégraphie d'Ajaceio, 17 avril :
Lé croiseur russe Amiral Kornilow est arrivé
aujourd'hui à Ajaccio. Après les saluts d'usaga
de la ville et de l'escadre française, les officiers
ont débarqué au milieu d'un immense con-
cours de population.
L'accueil a été enthousiaste. Les cris nourris
de : « Vive la Russie ! Vive la France ! » oui
retenti. ":;;
De grandes manifestations se préparent eu
l'honneur des marins russes. (Í ;
I — —♦ — —'— —
LES FETES PARISIENNES
Aurons-nous cette année des fêtes pari..
siennes? C'est possible, mais il ne faudrait
pas l'affirmer. M. Alphand a, en effet, con-
voqué hier à l'Hôtel de Ville les membres
du comité d'organisation; les uns ont pro-
posé un carrousel au palais des Machines,
les autres une bataille de fleurs et une
fête vénitienne au bois de Boulogne, mais
personne n'a pu s'accorder et tout le
monde s'est séparé sans prendre dé dé-
cision.
Ah! si, pourtant; on a nommé une
commission d'études, composée de per-
sonnes appartenant au haut commerce et
à la grande industrie.
C'est elle qui répondra définitivement à
notre question : Aurons-nous cette année
des fêtes parisiennes?
H. D.
II. D. •
CHRONIQUE DU JOUR
LE GRAND-RABBIN
M. Dreyfus a été élu grand-rabbin dô
Paris. Son élection a été ratifiée par la
consistoire. Les bruits actuellement répan-
dus sur le compte du chef de la commu-
nauté israélite de Paris n'ont pas tenu
devant un moment d'attention. On lui
reprochait de ne pas être Français, parce
que son père est resté dans ses fonctions
de rabbin à Saverne. Qui donc pourrait
blâmer ces pasteurs et ces rabbins qui
n'ont pas voulu quitter leurs fidèles et qui
conservent là-bas le souvenir de la France
et l'espoir des retours de la fortune des
combats?
Je ne suis pas juif, mais je ne puis com-
prendre cette campagne d'injures et de
basses attaques dirigées depuis quelques
années contre les juifs. Il faut laisser ces
persécutions d'un autre âge aux Etats des-
potiques. La République ne doit pas per-
pétuer ces stupides et barbares animosités
religieuses.
Ce qui est curieux, c'est d'entendre le
mépris avec lequel les personnes pieuses
prononcent ce mot : juif. Elles oublient
que leur dieu, leur Jcsus-Christ était juif,
lui aussi.
Le fait de reprocher à un homme sa
religion, due au hasard de la naissance,
est monstrueux de sottise. Est-on coupablé
d'être né à Constantinople et par consé..
quent d'adorer Mahomet? Ne se rend-on
pas compte que si M. Pecci, aujourd'hui
, b w >?< y .: t q
-J-V Feuilleton du RAPPEL
,SB.', DU 19 AVRIL
,)
36 -
'J
L'ENDORMEUR
311 9' -'
';W DEUXIÈME PARTIE
v LES PUNISSEURS
tilÚ" 1 1 1
ti
'1:) III (suite)
La Chacal saisit brusquement la main
d'Armande.
- — Qu'est-ce que vous dites ? démanda-
t-elle. « Marcel va mourir. Quand Marcel
sera mort. » Pourquoi dites-vous ça?
-Vous savez bien. Il va mourir, ce
pauvre cousin.
— Il est donc malade?
é{ — Oh ! oui, biens bien malade.
jt; — Qui vous l'a dit ? :,¡-
o p— C'est mon ami Jacques. Il m'a dit :
Votre pauvre cousin est mal, bien mal!
Maman sera très contente, parce qu'alors
je retournerai auprès d'elle.
—Et comment votre ami Jacques sait-il
que Marcel est si mal?
— Ah ! c'est son affaire. Je ne suis pas
curieuse, moi. Ah! voyez donc ce joli
nuage rose. Si on pouvait l'attraper!
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e: Voir le Rappel du 13 mars au 18 avril.-
— Où est-il, votre ami Jacques.
— Chez la mère Pintade, vous savez
bien. Etiennette est dans la cave pour em-
pêcher le marquis de boire tout le vin.
— Chez la mère Pintade ? J'y vais.
- Emmenez-moi, voulez-vous?
— Non, c'est trop loin.
Elle mit sa capeline et sortit en toute
hâte.
Le mari rentra un quart d'heure après.
— Où est donc ma femme ? demanda-t-il
tout haut en ne voyant pas Jeanne.
— Avec mon cousin, dit la folle sans
hésiter.
Le Chacal haussa les épaules.
— Oui, continua Armande, parce que
Marcel est très malade. Alors elle est allée
chez la mère Pintade pour avoir de ses
nouvelles.
- Radote, va ! fit le Chacal en bourrant
sa pipe.
- Dites donc, le Chacal, l'autre, jour,
ce paysan disait, comme vous passiez :
Celui-là, il ne compte pas ! Pourquoi donc
ne comptes-tu pas, dis?
Le mari fit entendre un grognement
bourru, et alla interroger une servante.
La Chacal était véritablement sortie en
prenant le chemin de Pierrelatte.
Elle y était arrivée assez vite, grâce à
un garçon de ferme à cheval rencontré en
chemin, qui l'avait prise en croupe. *
Elle trouva dans l'auberge Jacques Blân-
dry au moment où il rentrait, et elle l'in-
terrogea avec anxiété.
Il lui répondit qu'il avait, en effet, reçu
une lettre de M. Pierre Maingcr, lui appre-
nant que Marcel était tombé gravement
malade à l'hôtel du Nord, où il était des-
cendu à Paris. ,,
- Vous avez cette lettre?
— Je crois qu'oui. , -. ,
- Soyez; I-sez bon pour me ta laisser
voir, je vous prie. „
— Elle est dans ma chambre, je vais
vous l'aller chercher.
Il rapporta une lettre encore dans son
enveloppe au timbre de Paris. Il la plia de
façon à lui montrer un passage de cette
lettre, qui disait :
« Notre pauvre ami Marcel est dans
un état vraiment inquiétant. On craint une
fièvre cérébrale. 11 est très mal soigné dans
cet hôtel de la rue Neuve-dcs-Pt tits-
Champs; mais pourra-t-on le transporter
à l'hospice Dubois ou dans une maison de
santé? C'est plus que douteux. »
— Merci ! dit la Chacal d'une voix rau-
qnc. Et vous n'avez pas reçu d'autres nou-
velles?
— Non, la lettre est d'avant-hicr.
La Chacal remercia encore et sortit pré-
cipitamment. ;
Quand elle rentra, l'air sombre, aux
Lucains, son mari lui cria brutalement:
— D'où viens tu?
Elle ne daigna pas répondre.
— Tu viens de l'auberge, pour avoir de
ses nouvelles?
— Oui, après?
Il leva son poing énorme, velu, noir,
formidable.
V* i
f
'— Tu sais que je t'écraserai quelque
jour comme une fourmi.
- Te voilà devenu bien susceptible ! Il
est temps.. J
- Je te ferai voir que je compte.
— Oui, les écus que je te rapporte.
- Ah ! prends garde tout de même I
— Tu m'ennuies! 4 - , * »
Il sortit en lui montrant le poing.
Armande était allée, venue, mais elle ne
s'était pas éloignée de la maison du Cha-
cal. Jeanne l'aperçut qui marchait sous les
arbres, et pensa : Que faire de la folle ? Le
baron m'a fait jurer que je ne là quitterais
pas, que je ne la perdrais jamais de vue.
Il sera furieux déjà que j'aille à Paris, fu-
rieux doublement si j'ai laissé la folle ici.
Elle alla à Armande, qui lui dit en la
voyant :
— Eh bien, morrpauvre oncle? espère-
t-on le sauver?
- Otii, oui; mais écoutez. Nous allons
partir, tontes deux, cette -nuit.
— Pour aller voir maman ?
*
-::- Oui, à Paris. Votre mère est à Paris.
— Ah ! j'en étais.sûre 1 ",
— J'irai vous prendre à dix heures.
Tenez-yous prête. Ne vous endormez pas!
- Il n'y a pas de danger ! Enfin ! enfin !
je vais donc revoir inaman !
— Ne vous avisez pas de revenir chez
nous. Le Chacal est en colère. 1.
Armande approuva de la tête, et, pour
montrer qu'elle avait bien compris, elle
rentra tout de suite au château. s.
A la nuit dose, elle sortit et rejoignit
Jacques à leur rendez-vous accoutumé.
— Eh bien, c'est fait! la Chacal part cette
nuit pour Paris.
- A merveille !
— Mais, vous ne savez pas, elle m'em-
mène.
- Ah! c'est mieux encore!—Et moi,
naturellement, je vous suis. ,
- Vous allez partir aussi ?
— Il serait plus facile d'arracher le,
lierre à l'ormeau que moi à vous,Armande.
- Mon ami !. fit la jeune fille émue en
lui tendant la main. 11 1
— La Chacal vous emmène pour vous
surveiller, dit-il, vous allez pouvoir sur-
veiller la Chacal !
IV
Le lendemain vers midi, la Chacal et
Armande débarquaient à la gare de Lyon.
Une voiture les conduisit à l'hôtel du Nord.
La Chacal était anxieuse. Elle avait une
double inquiétude : comment allait-elle
trouver Marcel ? comment Marcel la rece-
vrait-il ? l' ;i.-
Elle était partie sans réfléchir, sans se
rendre compte, ne voyant qu'une chose :
Marcel malade, agonisant peut-être, seul,
dans une chambre d'hôtel. Pourrait-il lui
savoir mauvais gré de son empressement
à venir le soigner, le sauver peut-être?
On arriva à la rue des Petits-Champs.
Elle dit au cocher de l'attendre et des-
cendit, suivie d'Armande.
— Monsieur Marcel Brunoy? demanda-
t-elle au concierge.
- ,.- 1,
- M. Martel Brunoy n'est plus ici, dit la
concierge, à qui la leçon avait été faite.
- Plus ici ! Où est-il, mon Dieu ?
— Il était très malade. Son ami M. Pierre
Mainger l'a fait transporter quelque part
dans une maison de santé, dans un ho~
pice, je ne sais.
— Comment ! on n'a pas laissé d'a-
dresse? c 'A
— Non. Je ne sais même pas si l'endroit
où on le transporterait était décidé. *
--Et quand est-il parti?
— Avant-hier.
La Chacal demeurait là immobile, acca.",
blée. <
Armande la tira par la manche. -
— Et maman? est-ce que nous n'irons
pas bientôt voir maman?
— Ah ! oui, la folle ! se dit la Chacal
qu'est-ce que je vais faire d'elle à présent ?
— Maman ne demeure pas ici pour sûrl
je veux aller chez maman 1 répétait Ar.
mande.
Il fallait prendre un parti. La Chacal
connaissait peu Paris et se sentait perdue
dans l'immense ville. Qui l'aiderait à re-
trouver Marcel? Qui recueillerait et gar-
dérait la folle? 1
- Tant pis ! murmura-t-elle, il dira
et fera tout ce qu'il voudra, il n'y a que
lui à qui je puisse m'adrelsèr.
Elle fit remonter Armande dans le fiacru
et dit au cocher : t*
—Avenue de la Belle-Gabrielle, à Nogentt
JULES DE GASTYNE,
IA suivre.) -- ';.Lv.ol
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