Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1883-01-01
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 janvier 1883 01 janvier 1883
Description : 1883/01/01 (N4679). 1883/01/01 (N4679).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7540538w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
fr( <679 S Lundi lep Janvier i883 ¿ Le numéro : fOc. — Départements: 1S» c.
12J Nivôse an 91 ..;¡¡J No 4679
ADMINISTRATION
28, RUE DE VALOIS, fi
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ABONNEMENTS
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Adresser lettres et xnaaîaîs
,'J\. M. ERNEST LEFÈVSB
ifiDMEîISTRAIEmGERâiîj
-.. RÉDACTION
S'adresser au. Secrétaire de la Rédaction.
De 4 à 6 heures du soir -
; 48, HUE DE VALOIS, 13 A]
les manuscrits non insérés ne seront j>a§ reum
ANNONCES -
D. Ch. IAGRANGE, CERF et C.
---: 6, plaoe de la Bourse, 6
L'échéance du 1" janvier étant la plus
considérable de l'année, nous prions nos
abonnés de ne pas mettre de retard dans
l'envoi de leur renouvellement.
Les abonnés nouveaux recevront ce qui
a paru de notre feuilleton en cours de
publication
LA PATTE
PAR
HECTOR MALOT
PAS MÈME TURGS
Le Sénat a voulu prouver qu'il n'est
pas aussi sourd qu'on le dit : il a en-
tendu raison. Il trouvait que ce n'était
pas assez de deux cent mille francs par
an pour des gens qui propagent en
Orient la France en enseignant dans les
écoles l'italien et l'allemand, la Répu-
blique en prophétisant le prochain cou-
ronnement d'Henri V, et la civilisation
en se faisant forts d'expulser le diable
de tous les corps qu'on voudra avec
cent coups de bâton et trois jours de
jetne. Il avait déclaré que des gens pa-
reils méritaient au moins vingt mille
francs de plus.
Le siècle est si dépravé par les révo-
lutions que la Chambre n'a pas été de
o£et avis si incontestable. Au lieu de
s'écrier comme elle aurait dû : - Vingt
mille francs? qu'est-ce que vous dites?
c'est quarante mille qu'il faut ajouter!
-- elle s'est écriée : Vingt mille francs?!
qu est-ce que vous dites? pas un sou !
Et elle a rayé l'augmentation.
Qu'est-ce qu'a fait le Sénat ? Du côté
où l'on aimerait autant autre chose que
la République, on lui conseillait de
persévérer. La Chambre a rayé le cré-
dit? rétablis-le ! — Mais ce sera un con-
flit? — Tant mieux l — Mais nous som-
mes tout à la fin de l'année, et le budget
n'aura plus le temps d'être voté? — C'est
ce qu'il faut! Le Sénat a eu l'intelli-
gence et le républicanisme do ne pas
obéir à ces conseils trop parents de ce-
lui de M. Josse. Il a dit : —La Chambre
ne veut pas de l'augmentation? ch bien,
les bons pères s'en passeront.
Mais il y a les plus royalistes que le
roi et il y a les plus sénatoriaux que le
Sénat. — Le Sénat abdique ! gémissent-
ïls. Le Sénat admet cette prétention de la
Chambre qu'elle seule a droit d'intro-
duire des crédits et qu'elle est maî-
tresse du budget ! Et ils rappellent-
qu'en 1876, le Sénat ayant tenu bon,
la Chambre a reculé. Il est vrai que c'a
été la seule fois et que depuis, sans se
démentir un seul jour en six ans, la
Chambre a maintenu sa supériorité
financière.
De quel droit?-—Du droit de l'article 8,
répond-elle. — Qu'est-ce qu'il chante,1
cet article 8? — Il chante ceci : « Les
lois de finance doivent être en premier
lieu présentées à la Chambre des dé-
putés et votées par elle. » Et cet article
interloque un moment les ultra-séna-
toriaux, mais un ultra n'est jamais em-
barrassé longtemps. Eh bien quoi? Vo-
tées en premier lieu « ça n'assure à la
Chambre qu'un privilège : celui d'exami-
ner la première, chaque question se rat-
tachant au budget. Unefois que la Cham-
bre a été saisie et a voté, toute loi fi-
nancière devient une loi comme une
autre, et le Sénat exerce, dans toute sa
plénitude, le droit d'amendement. »
Donc, puisque la Chambre avait voté
la loi financière, le Sénat était libre d'a-
mender la loi financière comme il lui
plaisait. On ne donne pas plus leste-
ment un croc-en-jambe à la Constitu-
tion.
La Constitution veut que toute dé-
pense de l'Etat soit votée par la
Chambre. Le Sénat introduit une dé-
pense que la Chambre n'a pas votée.
— C'est son droit, déclare le Parlement.
— Ce n'est peut-être pas la lettre de la
Constitution, dit le Soir, mais c'est son
esprit.
Et le Soir se moque des « hommes
graves » qui ont toujours « les prin-
cipes» à la bouche. Sans avoir aucune
prétention à être « des hommes gra-
ves », les principes nous suffiraient,
mais nous avons de plus les précédents.
Ah! oui, dit le Parlement, vous allez
nous citer « les Chambres des pairs de
1814 et de 1830 et la Chambre des
lords »? Non, journal grave, c'est une
autre Chambre que nous allons vous
citer.
Il existe un pays qui retarde de plus
de mille ans sur l'heure où nous vivons ;
un pays où il arrive de temps en temps
que, comme on lâcherait une ménagerie
de tigres ou de chacals dans les rues, on
làche des hordes de bachi-bouzouks sur
les populations. Les choses que commet
ce pays sont telles qu'à un moment l'Eu-
rope est intervenue et lui a dit : — a As-
sez! Je ne tolèrerai pas que tu continues!
Tous les peuples ont des lois, tu n'en
as pas. Tous les peuples ont une consti-
tution, il t'en faut une. Entre une
constitution et la guerre, choisis ». La
Turquie a choisi une constitution. Elle
a pris les questions une à une. Et quand
elle est arrivée au budget, elle a dit :
« Article 8. » Tiens! son budget
tombe juste au même numéro que le
nôtre ! Comparons.
« Article 8. — La Chambre basse
vote le budget. Les articles non votés
par elle ne pourront jamais être per-
çus. »
Ainsi, ce droit si évident, si écla-
tant, si absolu, ce droit des dépenses
du pays à n'être votées que par les re-
présentants directs du pays, ce droit
que les journaux hauts-chambriers de
France essayent de contester, a été re-
connu même par une nation d'autrefois,
à mi-corps dans le moyen âge et dans la
barbarie ! Quelle réplique au Parlement !
Quel commentaire de notre article 8,
l'article 8 des Turcs ! N'est-ce pas ad-
mirable que des journaux qui se disent
libéraux rêvent de faire de la Chambre
française l'inférieure de la Chambre
turque !
AUGUSTE VACQUERIE.
—f.—— 0-
Cette année encore un conflit a failli
éclater entre la Chambre et le Sénat.
Ce conflit aurait été grave. Si, en effet,
le Sénat n'avait pas ratifié les proposi-
tions de la Chambre, la loi de finances
n'était pas votée le 1er janvier et nous
étions obligés de vivre sur des douziè-
mes.
Cela aurait pu arriver. La Chambre,
préoccupée de cette crainte, a sacrifié
la cause de l'instruction publique. Elle
a dû acheter, par là, (et c'est l'acheter
bien cher) l'accord entre les pouvoirs
publics. Nous ne vivrons pas sur des
douzièmes, mais ce sont nos écoles qui
en souffriront.
Ce qui s'est passé cette année peut
se passer l'année prochaine ou l'année
suivante, le Sénat paraissant vouloir
revendiquer des droits budgétaires que
la Constitution ne lui donne pas. Le
conflit est évité, mais il est inévitable.
Il devient donc plus urgent que jamais
de re viser la Constitution.
ÉDOUARD LOCKROY.
0.
COULISSES DES CHAMBRES
Le budget de 1883 est à peine voté et
promulgué, que déjà il faut s'occuper de
d-resser celui de 4884. L'usage est, on le
sait, de déposer, au début de chaque an-
née, le projet de budget de l'année sui-
vante, pour que les Chambres aient le
temps de l'examiner d'abord en commis-
sion, puis en séance publique.
C'est pourquoi les ministres travaillent
activement, depuis plusieurs jours déjà,
à la préparation du budget de 1884, qui
devra être déposé sur le bureau de la
Chambre, dans le courant de janvier.
Ce budget est d'une préparation très
difficile cetle année. Il doit prévoir, en
effet, l'application d'un certain nombre de
lois très importantes qui seront certaine-
ment votées dans le courant de l'année et
qui auront des conséquences financières
très sensibles.
Par exemple, le ministre de la guerre
devra se préoccuper de l'éventualité très
probable de l'application du service de
trois ans, qui entraînera l'existence d'ef-
fectifs annuels plus considérables, et par
suite une dépense plus élevée. Il devra
également prévoir la création d'une armée
coloniale dont les plans sont déjà ar-
rêtés.
Presque tous les ministères plus parti-
culièrement politiques ont à prévoir des
conséquences de cette nature. Au minis-
tère des cultes, au contraire, on s'efforce
de réduire notablement les crédits qui se-
ront demandés aux Chambres. Pour 1883
on a réduit déjà ces crédits de 600,000
francs par rapport à 1882. Nous croyons
savoir que pour 1884 le gouvernement va
réduire les crédits de -2 millions par rap-
port a HiÕJ.
La plus grosse question qui s'impose à
l'attention du gouvernement est celle des
grands travaux publics. On a vu par la
discussion du budget de 1883 que les
Chambres — quelque opinion qu'elles
eussent au fond — avaient été unanimes à
réclamer une solution pour la question du
régime général des chemins de fer. La con-
tinuation du système des grands travaux
dépend directement de la solution qui sera
adoptée. Il s'agit de savoir si l'Etat con-
tinuera à entreprendre seul les travaux
ou s'il en confiera tout ou partie aux com-1
pagnies.
Comme cette question ne pourra pas
être résolue avant l'époque de la présenta-
tion du budget, le gouvernement sera con-
duit à ne déposer que le projet de budget
ordinaire et à ajourner le dépôt du budget
extraordinaire jusqu'à ce que la question
des chemins de fer soit résolue.
Le ministère des travaux publics s'ef-
force de hâter cette solution. Pendant que
la commission extra-parlementaire qu'a
instituée M. Hérisson achève de poser les
principes qui devront guider le ministre,
celui-ci prépare les cahiers des charges
qu'il soumettra aux compagnies dans les
négociations qu'il compte engager avec
elles. On compte que ces négociations
pourront commencer bientôt et si elles
aboutissent, les Chambres seront saisies
sans retard des conventions qui seront
intervenues.
ni iiinflfcn
LA REVANCHE D'OTTOCAR
Le 27 décembre 1283, un petit hobereau
de Souabe, au service de la ville libre de
Strasbourg, le comte de Habsbourg, que
le hasard avait fait empereur d'Allemagne,
investissait ses fils Albert et Rodolphe des
duchés d'Autriche, de Styrie et de Car-
niole qu'il venait d'enlever à Ottocar, roi
de Bohême. C'est cet anniversaire, sixième
centenaire de la dynastie des Habsbourg,
que les fidèles sujets de François-Joseph
se préparent à célébrer.
Les Allemands surtout se font remar-
quer par leur zèle. Hongrois, Bohémiens,
Polonais, Ruthènes se montrent beaucoup
plus froids à commémorer le souvenir de
leur humiliation. Quelque place qu'ils
occupent aujourd'hui dans l'agglomération
austro-hongroise, ils n'ont pas encore
tout à fait oublié qu'on ne leur a pas de-
mandé leur avis pour les y faire entrer.
Ils assistent en spectateurs plutôt qu'en
acteurs aux préparatifs de ces fêtes dont
d'ailleurs ils paieront les frais.
Dans la haute et la basse Autriche, il pa-
raît que l'enthousiasme déborde. On s'at-
tend à des prodiges de mise en scène, à
des cortèges merveilleux ; on veut mettre
dans la joie et la pompe je ne sais quoi de
grandiose qui évoque les splendeurs du
passé. Impossible de rêver une plus belle
carrière que celle que l'Autriche a par-
courue à la suite des Habsbourg. Durant
cinq siècles, elle a détenu le sceptre du
Saint-Empire ; elle a régné en Espagne,
aux Pays-Bas, en Italie, aux Indes ; le so-
leil ne se couchait pas sur ses possessions;
elle imposait au monde son hégémonie et
sa foi. Puis sont venus les jours de revers;
son empire s'est démembré.
L'Allemagne elle-même a secoué son
joug. Cette couronne glorieuse de Charle-
magne. ce n'est plus un Habsbourg, -- c'est
un Hohenzollern qui l'a au front. Après
avoir donné le ton à l'Europe, l'Autriche
n'est même plus maîtresse dans sa maison,
elle loge avec elle son ennemi ; toutes les
nationalités qu'elle avait si longtemps
comprimées redressent la tête, et, comme
au treizième siècle, la question se pose
entre Slaves et Allemands.
La victoire de Rodolphe sur Ottocar n'a
pas été définitive, et le vieil empereur s'en
doutait. Quand il vit venir sa dernière
heure, il donna l'ordre qu'on l'enterrât la
tête tournée vers l'Orient. Il comprenait
que là était le danger, que de là viendrait
la revanche, et que le roi de Bohême au-
rait des successeurs.
L'Autriche, qui était comme une senti-
nelle avancée placée par l'Allemagne au
point de rencontre des deux races, s'est
prise dans sa propre embuscade. Elle est
prisonnière de ceux qu'elle a conquis. Ce
qu'elle renferme d'éléments germains re-
cule chaque jour devant les progrès du
panslavisme envahissant. Plus que jamais
elle mérite de s'appeler Oesterreich, em-
pire de l'Est. Avant peu Salonique sup-
plantera Vienne. Le jubilé de 1883 aura
quelque chose d'une cérémonie funèbre.
Il semble qu'on lise sur les oriflammes :
Finis Austriœ 1
FBFDÉEUC MONTARGIS.
SOUSCRIPTION
POUR LES INONDËS DE Li SEINE
Huitième liste
Somme transmise par M.
Troubat, président de la société
le Drapeau, se composant d'amis
et commerçants des 14e et (5e
arrondissements, à l'issue d'un
bal donné le 14 décembre, dans
les salons de la maison Beuzon,
20, rue de la Gaîté 120 »
C. Chéreau, à Gentilly.10 »
D. M. et sa famille 5 »
J. C., lecteur du Rappel' »
Collecte faite par l'ancienne
Société de secours mutuels des
ouvrières et ouvriers casque-
tiers de Paris 28 »
Trois camarades de la maison
François, 6, rue de Flandre. 2 50
A. Badière, ex-premier servi-
teur à l'Assistance publique, sa
journée de travail 4 »
Total 170 50
Listes précédentes. 5.822 20
Total général. :!. 5.992 70
de.
A propos de la brusque clôture de la
récente session du conseil général de la
Seine et de la protestation que les huit
conseillers des cantons suburbains ont à
ce propos renouvelée contre le régime
exceptionnel auquel le département de la
Seine est soumis, la France, par la plume
sympathique de M. Ch.-M. Limousin, rap-
pelle très opportunément la proposition
de loi par laquelle M. Benjamin Raspail
avait, dès le début de la législature ac-
tuelle, demandé pour le conseil général de
la Seine l'application du droit commun.
Aux termes de cette proposition, on se
le rappelle, le conseil général serait dis-
tinct du conseil municipal de Paris. Comme
tous les conseils généraux, il aurait sa
commission de permanence, il jouirait de
la publicité des séances, et il pourrait se
mettre en relations avec les autres con-
seils généraux pour conférer sur les inté-
rêts qui seraient communs à leurs dépar-
tements respectifs. - -
M. Limousin, qui approuve à juste titre
cette proposition, rappelle qu'elle a fait
l'objet d'un rapport déposé le 25 mars
1882 par M. Ernest Lefèvre, et concluant
à la prise en considération.
Jusqu'ici les observations de notre con.
frère de la France sont tout à fait exactes.
On il eo trompe, c'est quttUÛ il ajouie que,
depuis cette époque, la question est restée
en suspens, que la Chambre n'a pas été
appelée à en délibérer, et que M. Raspail
« aurait dû trouver l'occasion de deman-
der la mise à l'ordre du jour du rapport
de M. Ernest Lefèvre ».
La réalité est que le rapport de M. Er-
nest Lefèvre a été mis à l'ordre du jour de
la séance du samedi 6 mai; que les con-
clusions de ce rapport, qui tendaient,
comme il vient d'être dit, à la prise en
considération, ont été adoptées, et que la
proposition de M. Raspail a été renvoyée à
la commission municipale dont M. de Mar-
cère est le rapporteur.
Et il paraît même que cette proposition
n'a pas reçu de la commission un mauvais
accueil, car, à la fin du rapport de M. de
Marcère, qui vient comme on sait, d'être
déposé, nous trouvons, dans le paragraphe
qui annonce pour la ville de Paris un
rapport spécial, le passage suivant :
« La ville de Paris est organisée muni,
cipalement, autrement que les autres
communes. Son administration se com-
plique de celle du département de la
Seine, et il semble que le moment soit venu
de dégager l'un de l'autre ces deux intérêts
différents. »
Il est vrai que ce n'est encore là qu'une
indication et à peine une promesse. Nous
comptons sur le concours de M. Ch.-M. Li-
mousin pour qu'il en sorte le plus tôt pos-
sible une réalité, pour que les lois de
jalousie et de défiance soient effacées, et
pour que, selon la juste expression de
notre confrère, Paris et le département de
la Seine rentrent dans le droit commun.
—
L'agence Havas a communiqué dans la
soirée d'hier la note suivante :
Nous apprenons la mort de M. le comte de
Wimpffen, ambassadeur d'Autriche à Paris.
Voici ce que nos renseignements parti-
culiers nous permettent d'ajouter à cette
note un peu brève de l'agence Havas :
M. l'ambassadeur d'Autriche s'est sui-
cidé.
Hier matin, entre onze heures et midi,
des agents de police passant rue de Ga-
lilée, entendirent une double détonation;
ils se précipitèrent vers le point où avaient
retenti les coups de feu et trouvèrent le
corps d'un homme qui venait de se tuer.
Par leurs soins, le cadavre fut alors
transporté dans le commissariat de police
du palais de l'Industrie.
On sut bientôt que le suicidé n'était autre
que M. le comte de Wimpffen, ambassa-
deur d'Autriche-Hongrie. L'ambassade fut
immédiatement prévenue de ce triste évé-
nement, et, après les constatations d'u-
sage, le cadavre fut remis à la famille de
l'ambassadeur.
On assure que le comte de Wimpffen
donnait depuis queltemps des signes
de dérangement mental.
Une fête était précisément organisée
pour aujourd'hui, au Grand-Véfour, par
la Société hongroise, à l'occasion de la
Saint-Sylvestre; les membres de la Société
ayant été instruits de la mort de l'ambas-
sadeur d'Autriche, ont décidé que la fête
serait ajournée.
Le jour des obsèques n'est pas encore
fixé.
—.————— ———————
LES ON-DIT
Voici le bulletin de la santé de M. Gam-
betta, rédigé à la suite d'une consultation
qui a eu lieu hier soir samedi, à quatre
heures :
L'état inflammatoire local est en voie de ré-
solution. L'état général est satisfaisant.
Signé : CHARCOT, VERNEUIL, TRÉLAT, PAUL
BERT, SIREDEY, LANNELoriGUE.
3r
00
Tout aux étrennes 1 Tel est le cri du
jour, et à ce propos il faut faire de l'éru-
dition.
Je veux vous donner l'une des cinquante
étymologies qu'on attribue à la coutume
et au mot : étrennes.
On a dit, et je répète, que cela nous
vient des Latins; et c'est bien vieux, car ce
serait Tatius qui, ayant regardé comme
un bon augure le présent qu'on lui fit de
quelques branches coupées dans un bois
consacré à Strenua, déesse de la Force,
autorisa dans la suite cet usage et donna
aux présents le nom de Strerne.
Je vous donne l'étymologie pour ce
qu'elle vaut.
Dans tous les cas, la coutume romaine
était de célébrer, le premier jour de l'an-
née, la fête de Janus, et on se faisait des
présents réciproques et des souhaits pour
la durée et la tranquillité de la vie.
A Rome, on donna plus tard des vases
d'or et des médailles frappées pour la cir-
constance.
Feuilleton du RAPPEL
DU 1er JANVIER
68
LA PATTE
TROISIÈME PARTIE
II
Le temps s'était écoulé; la nuit était
venue; quelques ateliers s'étaient fermés,
dans d'autres le gaz avait été allumé ; peu
à peu la cour, si grouillante pendant la
journée, était devenue presque déserte, et
à travers le brouillard épaissi on ne voyait
plus passer que quelques ombres çà et là,
éclairées par le feu de la forge du serrurier
qui montait ou s'abaissait capricieuse-
ment.
Traduction interdite. — Reproduction auto-
risée pour les journaux qui ont un traité avec
la Société des gens de lettres, mais seulement
après la fin de la publication en feuilleton
la ns le Rappel.
vVoii le liappelûu 19 octobre au 31 décembre.
Sous la main qui le flattait, Barbouillou
s'était endormi, et pour être mieux à son
aise, par sympathie aussi peut-être, il
avait allongé sa tête sur les genoux de
celle qui le caressait, ronflant là comme
s'il avait été dans son lit.
Les heures continuèrent leur cours, plus
longues encore que n'avaient été celles de
la journée; le ronflement des tours et des
machines s'arrêta dans les ateliers, les
coups de marteau, le sifflement des var-
lopes cessèrent, le feu de la forge baissa,
diminua, mourut; les ouvriers sortirent
les uns après les autres, les lumières s'é-
teignirent, la cour se fit sombre. silen-
cieuse.
Si Barbouillou avait toujours dormi sur
ses genoux, elle serait restée assise sur son
seuil, appuyée contre la porte, attendant
là, malgré le froid du brouillard qui la
pénétrait, car Barbouillou c'était un compa-
gnon et un défenseur, lui semblait-il, mais
à un certain moment le chien se leva, et se
campant devant elle, il se mit à lui faire des
signes de tête en frétillant de la queue, se
penchant, se redressant, faisant quelques
pas vers la cour, puis revenant comme pour
l'engager à le suivre. Il n'y avait pas à se
tromper sur cette pantomime; elle accom-
pagnait un discours qu'il lui adressait.
Mais que disait ce long discours ? Elle ne
le devinait pas. Le chien voulait-il lui
faire comprendre que son maître ne de-
vant pas rentrer, il était inutile d'attendre
plus longtemps? Peut-être était-ce cela,
mais peut-être aussi était-ce autre chose.
Ennuyé de voir qu'on ne le comprenait
pas, le chien partit et ne revint point.
Alors le silence lui parut plus lugubre,
le brouillard plus froid ; les lumières qui
éclairaient les fenêtres des étages supé-
rieurs s'éteignaient les unes après les au-
tres. Elle quitta son coin pour se rappro-
cher de la seule lumière qui restât encore
rouge au rez-de-chaussée, celle du con-
cierge. En se postant sous la porte, on de-
vait passer devant elle, et elle serait moins
seule.
Comme elle était là depuis quelque
temps, le concierge, en sortant pour mou-
cher la mèche du quinquet fumeux qui
éclairait l'entrée de la loge, la trouva ac-
cotée contre le mur.
— Qu'est-ce que vous faites là? de-
manda-t-il durement.
— J'attends M. Cintrat.
Alors, la regardant, il 'la reconnut.
— Comment c'est vous qui êtes venue
le demander tantôt; eh bien! vous avez de
la patience.
— C'est permis d'attendre là, n'est-ce
pas ?
— Jusqu'à ce que je ferme la porte, oui.
Mais je vous préviens que ce n'est pas sûr
qu'il rentre ce soir.
Et sans lui proposer de s'asseoir bien
qu'elle eût l'air prête à s'affaisser de fa-
tigue; il rentra chez lui où elle le vit four-
gonner son poêle qui jeta une clarté dans
la loge et sous la porte.
Bien que ces paroles ne fussent #uère
encourageantes, elle ne quitta pas le mur,
regardant dans la rue dont les boutiques
étaient fermées et où les passants deve-
naient de plus en plus rares.
Successivement quelques locataires de
la cour de l'Epine passèrent devant elle,
mais elle n'alla pas à eux, et, après les
avoir curieusement examinés, elle ne leur
adressa pas la parole ; — c'étaient des ou-
vriers en costume de travail.
Une question la tourmentait, qu'elle se
reprochait de n'avoir pas adressée au con-
cierge, c'était de savoir à quelle heure oni
fermerait la grande porle. Où attendrait-
elle quand le concierge la mettrait dehors ?
Dans la rue? Mais est-il permis d'attendre
dans la rue? Des sergents de ville, en pas-
sant deux à deux sur le trottoir, l'avaient
déjà regardée avec une persistance qui
l'avait troublée et qui l'inquiétait de plus
en plus à mesure que l'heure s'écoulait.
Que leur répondrait-elle s'ils l'interro-
geaient? Que feraient-ils d'elle? Peut-être
serait-il plus sage de retourner sous l'au-
vent. Maintenant il n'y avait plus personne
dans la cour. En se blottissant bien contre
la porte on ne la verrait sans doute pas
dans cette nuit sombre, et elle pourrait
attendre là mieux que sous cette grande
porte; le froid n'était rien; d'ailleurs Bar-
bouillou rentrerait peut-être et il la ré-
chaufferait.
Comme elle réfléchissait ainsi, allant
d'une idée à une autre, sans oser s'arrêter
à ccîie-ci plutôt qu'à celle-là, elle entendit
un bruit de pas dans la rue et en même
temps une vois qui chantait :
La bouteille est ma bonne amie
Et je suis un amant constant.
Elle avança un peu la tête et vit venir
du côté de Paris celui qui chantait ainsi,
et comme il passait en ce moment sous
un bec de gaz, elle put facilement distin-
guer ses traits : la taille grande, les che-
veux blancs tombant sur les épaules, la
barbe blanche aussi, très longue et frisée,
un costume de drap sombre, un chapeau
mou. Il marchait en fléchissant les jambes,
la tête haute, le torse développé.
Mais elle ne prêta pas grande attention
à ces détails ; ce qu'elle regardait, ce
qu'elle ne quittait pas des yeux, c'é-
tait les cheveux blancs, c'était la barbe
blanche.
Arrivé devant elle, il passa sans la voir,
ou en tout cas sans la remarquer, con-
tinuant sa chanson. Alors elle regarda
vivement dans la rue , cherchant Bar-
bouillou, se disant que si le chien était là,
cet homme à cheveux blancs était sûre-
ment son maître, mais elle ne l'aperçut
point.
Elle revenait sous la grande porte quand
le concierge sortit de sa loge pour éteindre
son quinquet.
— Vous demandez M. Cintrât, et vous
le laissez passer, dit-il.
- C'est lui!
— Pardi, si c'est lui, vous ne le connais-
sez donc pas ?
On l'apercevait encore un peu, mais
déjà il allait disparaître dans le brouil-
lard ; elle s'élança après lui, courant aussi
f vite qu'elle avait de jambes, au risque de
se casser le cou.
— Monsieur !
S'il l'entendit, il ne s'arrêta pas.
— Monsieur 1 cri a-t-elle plus fort.
Il tourna à demi la tête :
— Qu'est-ce qu'elle demande, celle-lU
Veux-tu bien me laisser tranquille ?
— Oh 1 je vous en prie, dit-elle en avan.
çant toujours.
— Ah ! ça, vas-tu te sauver, ribaude ? tu
perds ton temps. ,
Mais elle était arrivée près de lui au
lieu de se sauver, elle lui prit la main.
Vivement il fit un geste pour se déga 1
ger, mais elle ne le lâcha pas.
— Laissez-moi entrer avec vous, cria t-
elle avec un accent suppliant.
Sans répondre, il l'examina des pieds
la tête, mais l'obscurité était trop épaisse
pour qu'il pût la voir.
Profitant de ce moment d'arrêt, elle
s'était penchée et elle lui avait embrassé
la main. v
- Ab i tu veux venir avec moi? difil,
- Je vous en prie.
— Eh bien! viens.
Elle le suivit sans lui lâcher la main
HECTOR MALOT.
'ftf/u",.1
12J Nivôse an 91 ..;¡¡J No 4679
ADMINISTRATION
28, RUE DE VALOIS, fi
-
ABONNEMENTS
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Trois mois33 Stt
Sù;mojs 2zej,
Adresser lettres et xnaaîaîs
,'J\. M. ERNEST LEFÈVSB
ifiDMEîISTRAIEmGERâiîj
-.. RÉDACTION
S'adresser au. Secrétaire de la Rédaction.
De 4 à 6 heures du soir -
; 48, HUE DE VALOIS, 13 A]
les manuscrits non insérés ne seront j>a§ reum
ANNONCES -
D. Ch. IAGRANGE, CERF et C.
---: 6, plaoe de la Bourse, 6
L'échéance du 1" janvier étant la plus
considérable de l'année, nous prions nos
abonnés de ne pas mettre de retard dans
l'envoi de leur renouvellement.
Les abonnés nouveaux recevront ce qui
a paru de notre feuilleton en cours de
publication
LA PATTE
PAR
HECTOR MALOT
PAS MÈME TURGS
Le Sénat a voulu prouver qu'il n'est
pas aussi sourd qu'on le dit : il a en-
tendu raison. Il trouvait que ce n'était
pas assez de deux cent mille francs par
an pour des gens qui propagent en
Orient la France en enseignant dans les
écoles l'italien et l'allemand, la Répu-
blique en prophétisant le prochain cou-
ronnement d'Henri V, et la civilisation
en se faisant forts d'expulser le diable
de tous les corps qu'on voudra avec
cent coups de bâton et trois jours de
jetne. Il avait déclaré que des gens pa-
reils méritaient au moins vingt mille
francs de plus.
Le siècle est si dépravé par les révo-
lutions que la Chambre n'a pas été de
o£et avis si incontestable. Au lieu de
s'écrier comme elle aurait dû : - Vingt
mille francs? qu'est-ce que vous dites?
c'est quarante mille qu'il faut ajouter!
-- elle s'est écriée : Vingt mille francs?!
qu est-ce que vous dites? pas un sou !
Et elle a rayé l'augmentation.
Qu'est-ce qu'a fait le Sénat ? Du côté
où l'on aimerait autant autre chose que
la République, on lui conseillait de
persévérer. La Chambre a rayé le cré-
dit? rétablis-le ! — Mais ce sera un con-
flit? — Tant mieux l — Mais nous som-
mes tout à la fin de l'année, et le budget
n'aura plus le temps d'être voté? — C'est
ce qu'il faut! Le Sénat a eu l'intelli-
gence et le républicanisme do ne pas
obéir à ces conseils trop parents de ce-
lui de M. Josse. Il a dit : —La Chambre
ne veut pas de l'augmentation? ch bien,
les bons pères s'en passeront.
Mais il y a les plus royalistes que le
roi et il y a les plus sénatoriaux que le
Sénat. — Le Sénat abdique ! gémissent-
ïls. Le Sénat admet cette prétention de la
Chambre qu'elle seule a droit d'intro-
duire des crédits et qu'elle est maî-
tresse du budget ! Et ils rappellent-
qu'en 1876, le Sénat ayant tenu bon,
la Chambre a reculé. Il est vrai que c'a
été la seule fois et que depuis, sans se
démentir un seul jour en six ans, la
Chambre a maintenu sa supériorité
financière.
De quel droit?-—Du droit de l'article 8,
répond-elle. — Qu'est-ce qu'il chante,1
cet article 8? — Il chante ceci : « Les
lois de finance doivent être en premier
lieu présentées à la Chambre des dé-
putés et votées par elle. » Et cet article
interloque un moment les ultra-séna-
toriaux, mais un ultra n'est jamais em-
barrassé longtemps. Eh bien quoi? Vo-
tées en premier lieu « ça n'assure à la
Chambre qu'un privilège : celui d'exami-
ner la première, chaque question se rat-
tachant au budget. Unefois que la Cham-
bre a été saisie et a voté, toute loi fi-
nancière devient une loi comme une
autre, et le Sénat exerce, dans toute sa
plénitude, le droit d'amendement. »
Donc, puisque la Chambre avait voté
la loi financière, le Sénat était libre d'a-
mender la loi financière comme il lui
plaisait. On ne donne pas plus leste-
ment un croc-en-jambe à la Constitu-
tion.
La Constitution veut que toute dé-
pense de l'Etat soit votée par la
Chambre. Le Sénat introduit une dé-
pense que la Chambre n'a pas votée.
— C'est son droit, déclare le Parlement.
— Ce n'est peut-être pas la lettre de la
Constitution, dit le Soir, mais c'est son
esprit.
Et le Soir se moque des « hommes
graves » qui ont toujours « les prin-
cipes» à la bouche. Sans avoir aucune
prétention à être « des hommes gra-
ves », les principes nous suffiraient,
mais nous avons de plus les précédents.
Ah! oui, dit le Parlement, vous allez
nous citer « les Chambres des pairs de
1814 et de 1830 et la Chambre des
lords »? Non, journal grave, c'est une
autre Chambre que nous allons vous
citer.
Il existe un pays qui retarde de plus
de mille ans sur l'heure où nous vivons ;
un pays où il arrive de temps en temps
que, comme on lâcherait une ménagerie
de tigres ou de chacals dans les rues, on
làche des hordes de bachi-bouzouks sur
les populations. Les choses que commet
ce pays sont telles qu'à un moment l'Eu-
rope est intervenue et lui a dit : — a As-
sez! Je ne tolèrerai pas que tu continues!
Tous les peuples ont des lois, tu n'en
as pas. Tous les peuples ont une consti-
tution, il t'en faut une. Entre une
constitution et la guerre, choisis ». La
Turquie a choisi une constitution. Elle
a pris les questions une à une. Et quand
elle est arrivée au budget, elle a dit :
« Article 8. » Tiens! son budget
tombe juste au même numéro que le
nôtre ! Comparons.
« Article 8. — La Chambre basse
vote le budget. Les articles non votés
par elle ne pourront jamais être per-
çus. »
Ainsi, ce droit si évident, si écla-
tant, si absolu, ce droit des dépenses
du pays à n'être votées que par les re-
présentants directs du pays, ce droit
que les journaux hauts-chambriers de
France essayent de contester, a été re-
connu même par une nation d'autrefois,
à mi-corps dans le moyen âge et dans la
barbarie ! Quelle réplique au Parlement !
Quel commentaire de notre article 8,
l'article 8 des Turcs ! N'est-ce pas ad-
mirable que des journaux qui se disent
libéraux rêvent de faire de la Chambre
française l'inférieure de la Chambre
turque !
AUGUSTE VACQUERIE.
—f.—— 0-
Cette année encore un conflit a failli
éclater entre la Chambre et le Sénat.
Ce conflit aurait été grave. Si, en effet,
le Sénat n'avait pas ratifié les proposi-
tions de la Chambre, la loi de finances
n'était pas votée le 1er janvier et nous
étions obligés de vivre sur des douziè-
mes.
Cela aurait pu arriver. La Chambre,
préoccupée de cette crainte, a sacrifié
la cause de l'instruction publique. Elle
a dû acheter, par là, (et c'est l'acheter
bien cher) l'accord entre les pouvoirs
publics. Nous ne vivrons pas sur des
douzièmes, mais ce sont nos écoles qui
en souffriront.
Ce qui s'est passé cette année peut
se passer l'année prochaine ou l'année
suivante, le Sénat paraissant vouloir
revendiquer des droits budgétaires que
la Constitution ne lui donne pas. Le
conflit est évité, mais il est inévitable.
Il devient donc plus urgent que jamais
de re viser la Constitution.
ÉDOUARD LOCKROY.
0.
COULISSES DES CHAMBRES
Le budget de 1883 est à peine voté et
promulgué, que déjà il faut s'occuper de
d-resser celui de 4884. L'usage est, on le
sait, de déposer, au début de chaque an-
née, le projet de budget de l'année sui-
vante, pour que les Chambres aient le
temps de l'examiner d'abord en commis-
sion, puis en séance publique.
C'est pourquoi les ministres travaillent
activement, depuis plusieurs jours déjà,
à la préparation du budget de 1884, qui
devra être déposé sur le bureau de la
Chambre, dans le courant de janvier.
Ce budget est d'une préparation très
difficile cetle année. Il doit prévoir, en
effet, l'application d'un certain nombre de
lois très importantes qui seront certaine-
ment votées dans le courant de l'année et
qui auront des conséquences financières
très sensibles.
Par exemple, le ministre de la guerre
devra se préoccuper de l'éventualité très
probable de l'application du service de
trois ans, qui entraînera l'existence d'ef-
fectifs annuels plus considérables, et par
suite une dépense plus élevée. Il devra
également prévoir la création d'une armée
coloniale dont les plans sont déjà ar-
rêtés.
Presque tous les ministères plus parti-
culièrement politiques ont à prévoir des
conséquences de cette nature. Au minis-
tère des cultes, au contraire, on s'efforce
de réduire notablement les crédits qui se-
ront demandés aux Chambres. Pour 1883
on a réduit déjà ces crédits de 600,000
francs par rapport à 1882. Nous croyons
savoir que pour 1884 le gouvernement va
réduire les crédits de -2 millions par rap-
port a HiÕJ.
La plus grosse question qui s'impose à
l'attention du gouvernement est celle des
grands travaux publics. On a vu par la
discussion du budget de 1883 que les
Chambres — quelque opinion qu'elles
eussent au fond — avaient été unanimes à
réclamer une solution pour la question du
régime général des chemins de fer. La con-
tinuation du système des grands travaux
dépend directement de la solution qui sera
adoptée. Il s'agit de savoir si l'Etat con-
tinuera à entreprendre seul les travaux
ou s'il en confiera tout ou partie aux com-1
pagnies.
Comme cette question ne pourra pas
être résolue avant l'époque de la présenta-
tion du budget, le gouvernement sera con-
duit à ne déposer que le projet de budget
ordinaire et à ajourner le dépôt du budget
extraordinaire jusqu'à ce que la question
des chemins de fer soit résolue.
Le ministère des travaux publics s'ef-
force de hâter cette solution. Pendant que
la commission extra-parlementaire qu'a
instituée M. Hérisson achève de poser les
principes qui devront guider le ministre,
celui-ci prépare les cahiers des charges
qu'il soumettra aux compagnies dans les
négociations qu'il compte engager avec
elles. On compte que ces négociations
pourront commencer bientôt et si elles
aboutissent, les Chambres seront saisies
sans retard des conventions qui seront
intervenues.
ni iiinflfcn
LA REVANCHE D'OTTOCAR
Le 27 décembre 1283, un petit hobereau
de Souabe, au service de la ville libre de
Strasbourg, le comte de Habsbourg, que
le hasard avait fait empereur d'Allemagne,
investissait ses fils Albert et Rodolphe des
duchés d'Autriche, de Styrie et de Car-
niole qu'il venait d'enlever à Ottocar, roi
de Bohême. C'est cet anniversaire, sixième
centenaire de la dynastie des Habsbourg,
que les fidèles sujets de François-Joseph
se préparent à célébrer.
Les Allemands surtout se font remar-
quer par leur zèle. Hongrois, Bohémiens,
Polonais, Ruthènes se montrent beaucoup
plus froids à commémorer le souvenir de
leur humiliation. Quelque place qu'ils
occupent aujourd'hui dans l'agglomération
austro-hongroise, ils n'ont pas encore
tout à fait oublié qu'on ne leur a pas de-
mandé leur avis pour les y faire entrer.
Ils assistent en spectateurs plutôt qu'en
acteurs aux préparatifs de ces fêtes dont
d'ailleurs ils paieront les frais.
Dans la haute et la basse Autriche, il pa-
raît que l'enthousiasme déborde. On s'at-
tend à des prodiges de mise en scène, à
des cortèges merveilleux ; on veut mettre
dans la joie et la pompe je ne sais quoi de
grandiose qui évoque les splendeurs du
passé. Impossible de rêver une plus belle
carrière que celle que l'Autriche a par-
courue à la suite des Habsbourg. Durant
cinq siècles, elle a détenu le sceptre du
Saint-Empire ; elle a régné en Espagne,
aux Pays-Bas, en Italie, aux Indes ; le so-
leil ne se couchait pas sur ses possessions;
elle imposait au monde son hégémonie et
sa foi. Puis sont venus les jours de revers;
son empire s'est démembré.
L'Allemagne elle-même a secoué son
joug. Cette couronne glorieuse de Charle-
magne. ce n'est plus un Habsbourg, -- c'est
un Hohenzollern qui l'a au front. Après
avoir donné le ton à l'Europe, l'Autriche
n'est même plus maîtresse dans sa maison,
elle loge avec elle son ennemi ; toutes les
nationalités qu'elle avait si longtemps
comprimées redressent la tête, et, comme
au treizième siècle, la question se pose
entre Slaves et Allemands.
La victoire de Rodolphe sur Ottocar n'a
pas été définitive, et le vieil empereur s'en
doutait. Quand il vit venir sa dernière
heure, il donna l'ordre qu'on l'enterrât la
tête tournée vers l'Orient. Il comprenait
que là était le danger, que de là viendrait
la revanche, et que le roi de Bohême au-
rait des successeurs.
L'Autriche, qui était comme une senti-
nelle avancée placée par l'Allemagne au
point de rencontre des deux races, s'est
prise dans sa propre embuscade. Elle est
prisonnière de ceux qu'elle a conquis. Ce
qu'elle renferme d'éléments germains re-
cule chaque jour devant les progrès du
panslavisme envahissant. Plus que jamais
elle mérite de s'appeler Oesterreich, em-
pire de l'Est. Avant peu Salonique sup-
plantera Vienne. Le jubilé de 1883 aura
quelque chose d'une cérémonie funèbre.
Il semble qu'on lise sur les oriflammes :
Finis Austriœ 1
FBFDÉEUC MONTARGIS.
SOUSCRIPTION
POUR LES INONDËS DE Li SEINE
Huitième liste
Somme transmise par M.
Troubat, président de la société
le Drapeau, se composant d'amis
et commerçants des 14e et (5e
arrondissements, à l'issue d'un
bal donné le 14 décembre, dans
les salons de la maison Beuzon,
20, rue de la Gaîté 120 »
C. Chéreau, à Gentilly.10 »
D. M. et sa famille 5 »
J. C., lecteur du Rappel' »
Collecte faite par l'ancienne
Société de secours mutuels des
ouvrières et ouvriers casque-
tiers de Paris 28 »
Trois camarades de la maison
François, 6, rue de Flandre. 2 50
A. Badière, ex-premier servi-
teur à l'Assistance publique, sa
journée de travail 4 »
Total 170 50
Listes précédentes. 5.822 20
Total général. :!. 5.992 70
de.
A propos de la brusque clôture de la
récente session du conseil général de la
Seine et de la protestation que les huit
conseillers des cantons suburbains ont à
ce propos renouvelée contre le régime
exceptionnel auquel le département de la
Seine est soumis, la France, par la plume
sympathique de M. Ch.-M. Limousin, rap-
pelle très opportunément la proposition
de loi par laquelle M. Benjamin Raspail
avait, dès le début de la législature ac-
tuelle, demandé pour le conseil général de
la Seine l'application du droit commun.
Aux termes de cette proposition, on se
le rappelle, le conseil général serait dis-
tinct du conseil municipal de Paris. Comme
tous les conseils généraux, il aurait sa
commission de permanence, il jouirait de
la publicité des séances, et il pourrait se
mettre en relations avec les autres con-
seils généraux pour conférer sur les inté-
rêts qui seraient communs à leurs dépar-
tements respectifs. - -
M. Limousin, qui approuve à juste titre
cette proposition, rappelle qu'elle a fait
l'objet d'un rapport déposé le 25 mars
1882 par M. Ernest Lefèvre, et concluant
à la prise en considération.
Jusqu'ici les observations de notre con.
frère de la France sont tout à fait exactes.
On il eo trompe, c'est quttUÛ il ajouie que,
depuis cette époque, la question est restée
en suspens, que la Chambre n'a pas été
appelée à en délibérer, et que M. Raspail
« aurait dû trouver l'occasion de deman-
der la mise à l'ordre du jour du rapport
de M. Ernest Lefèvre ».
La réalité est que le rapport de M. Er-
nest Lefèvre a été mis à l'ordre du jour de
la séance du samedi 6 mai; que les con-
clusions de ce rapport, qui tendaient,
comme il vient d'être dit, à la prise en
considération, ont été adoptées, et que la
proposition de M. Raspail a été renvoyée à
la commission municipale dont M. de Mar-
cère est le rapporteur.
Et il paraît même que cette proposition
n'a pas reçu de la commission un mauvais
accueil, car, à la fin du rapport de M. de
Marcère, qui vient comme on sait, d'être
déposé, nous trouvons, dans le paragraphe
qui annonce pour la ville de Paris un
rapport spécial, le passage suivant :
« La ville de Paris est organisée muni,
cipalement, autrement que les autres
communes. Son administration se com-
plique de celle du département de la
Seine, et il semble que le moment soit venu
de dégager l'un de l'autre ces deux intérêts
différents. »
Il est vrai que ce n'est encore là qu'une
indication et à peine une promesse. Nous
comptons sur le concours de M. Ch.-M. Li-
mousin pour qu'il en sorte le plus tôt pos-
sible une réalité, pour que les lois de
jalousie et de défiance soient effacées, et
pour que, selon la juste expression de
notre confrère, Paris et le département de
la Seine rentrent dans le droit commun.
—
L'agence Havas a communiqué dans la
soirée d'hier la note suivante :
Nous apprenons la mort de M. le comte de
Wimpffen, ambassadeur d'Autriche à Paris.
Voici ce que nos renseignements parti-
culiers nous permettent d'ajouter à cette
note un peu brève de l'agence Havas :
M. l'ambassadeur d'Autriche s'est sui-
cidé.
Hier matin, entre onze heures et midi,
des agents de police passant rue de Ga-
lilée, entendirent une double détonation;
ils se précipitèrent vers le point où avaient
retenti les coups de feu et trouvèrent le
corps d'un homme qui venait de se tuer.
Par leurs soins, le cadavre fut alors
transporté dans le commissariat de police
du palais de l'Industrie.
On sut bientôt que le suicidé n'était autre
que M. le comte de Wimpffen, ambassa-
deur d'Autriche-Hongrie. L'ambassade fut
immédiatement prévenue de ce triste évé-
nement, et, après les constatations d'u-
sage, le cadavre fut remis à la famille de
l'ambassadeur.
On assure que le comte de Wimpffen
donnait depuis queltemps des signes
de dérangement mental.
Une fête était précisément organisée
pour aujourd'hui, au Grand-Véfour, par
la Société hongroise, à l'occasion de la
Saint-Sylvestre; les membres de la Société
ayant été instruits de la mort de l'ambas-
sadeur d'Autriche, ont décidé que la fête
serait ajournée.
Le jour des obsèques n'est pas encore
fixé.
—.————— ———————
LES ON-DIT
Voici le bulletin de la santé de M. Gam-
betta, rédigé à la suite d'une consultation
qui a eu lieu hier soir samedi, à quatre
heures :
L'état inflammatoire local est en voie de ré-
solution. L'état général est satisfaisant.
Signé : CHARCOT, VERNEUIL, TRÉLAT, PAUL
BERT, SIREDEY, LANNELoriGUE.
3r
00
Tout aux étrennes 1 Tel est le cri du
jour, et à ce propos il faut faire de l'éru-
dition.
Je veux vous donner l'une des cinquante
étymologies qu'on attribue à la coutume
et au mot : étrennes.
On a dit, et je répète, que cela nous
vient des Latins; et c'est bien vieux, car ce
serait Tatius qui, ayant regardé comme
un bon augure le présent qu'on lui fit de
quelques branches coupées dans un bois
consacré à Strenua, déesse de la Force,
autorisa dans la suite cet usage et donna
aux présents le nom de Strerne.
Je vous donne l'étymologie pour ce
qu'elle vaut.
Dans tous les cas, la coutume romaine
était de célébrer, le premier jour de l'an-
née, la fête de Janus, et on se faisait des
présents réciproques et des souhaits pour
la durée et la tranquillité de la vie.
A Rome, on donna plus tard des vases
d'or et des médailles frappées pour la cir-
constance.
Feuilleton du RAPPEL
DU 1er JANVIER
68
LA PATTE
TROISIÈME PARTIE
II
Le temps s'était écoulé; la nuit était
venue; quelques ateliers s'étaient fermés,
dans d'autres le gaz avait été allumé ; peu
à peu la cour, si grouillante pendant la
journée, était devenue presque déserte, et
à travers le brouillard épaissi on ne voyait
plus passer que quelques ombres çà et là,
éclairées par le feu de la forge du serrurier
qui montait ou s'abaissait capricieuse-
ment.
Traduction interdite. — Reproduction auto-
risée pour les journaux qui ont un traité avec
la Société des gens de lettres, mais seulement
après la fin de la publication en feuilleton
la ns le Rappel.
vVoii le liappelûu 19 octobre au 31 décembre.
Sous la main qui le flattait, Barbouillou
s'était endormi, et pour être mieux à son
aise, par sympathie aussi peut-être, il
avait allongé sa tête sur les genoux de
celle qui le caressait, ronflant là comme
s'il avait été dans son lit.
Les heures continuèrent leur cours, plus
longues encore que n'avaient été celles de
la journée; le ronflement des tours et des
machines s'arrêta dans les ateliers, les
coups de marteau, le sifflement des var-
lopes cessèrent, le feu de la forge baissa,
diminua, mourut; les ouvriers sortirent
les uns après les autres, les lumières s'é-
teignirent, la cour se fit sombre. silen-
cieuse.
Si Barbouillou avait toujours dormi sur
ses genoux, elle serait restée assise sur son
seuil, appuyée contre la porte, attendant
là, malgré le froid du brouillard qui la
pénétrait, car Barbouillou c'était un compa-
gnon et un défenseur, lui semblait-il, mais
à un certain moment le chien se leva, et se
campant devant elle, il se mit à lui faire des
signes de tête en frétillant de la queue, se
penchant, se redressant, faisant quelques
pas vers la cour, puis revenant comme pour
l'engager à le suivre. Il n'y avait pas à se
tromper sur cette pantomime; elle accom-
pagnait un discours qu'il lui adressait.
Mais que disait ce long discours ? Elle ne
le devinait pas. Le chien voulait-il lui
faire comprendre que son maître ne de-
vant pas rentrer, il était inutile d'attendre
plus longtemps? Peut-être était-ce cela,
mais peut-être aussi était-ce autre chose.
Ennuyé de voir qu'on ne le comprenait
pas, le chien partit et ne revint point.
Alors le silence lui parut plus lugubre,
le brouillard plus froid ; les lumières qui
éclairaient les fenêtres des étages supé-
rieurs s'éteignaient les unes après les au-
tres. Elle quitta son coin pour se rappro-
cher de la seule lumière qui restât encore
rouge au rez-de-chaussée, celle du con-
cierge. En se postant sous la porte, on de-
vait passer devant elle, et elle serait moins
seule.
Comme elle était là depuis quelque
temps, le concierge, en sortant pour mou-
cher la mèche du quinquet fumeux qui
éclairait l'entrée de la loge, la trouva ac-
cotée contre le mur.
— Qu'est-ce que vous faites là? de-
manda-t-il durement.
— J'attends M. Cintrat.
Alors, la regardant, il 'la reconnut.
— Comment c'est vous qui êtes venue
le demander tantôt; eh bien! vous avez de
la patience.
— C'est permis d'attendre là, n'est-ce
pas ?
— Jusqu'à ce que je ferme la porte, oui.
Mais je vous préviens que ce n'est pas sûr
qu'il rentre ce soir.
Et sans lui proposer de s'asseoir bien
qu'elle eût l'air prête à s'affaisser de fa-
tigue; il rentra chez lui où elle le vit four-
gonner son poêle qui jeta une clarté dans
la loge et sous la porte.
Bien que ces paroles ne fussent #uère
encourageantes, elle ne quitta pas le mur,
regardant dans la rue dont les boutiques
étaient fermées et où les passants deve-
naient de plus en plus rares.
Successivement quelques locataires de
la cour de l'Epine passèrent devant elle,
mais elle n'alla pas à eux, et, après les
avoir curieusement examinés, elle ne leur
adressa pas la parole ; — c'étaient des ou-
vriers en costume de travail.
Une question la tourmentait, qu'elle se
reprochait de n'avoir pas adressée au con-
cierge, c'était de savoir à quelle heure oni
fermerait la grande porle. Où attendrait-
elle quand le concierge la mettrait dehors ?
Dans la rue? Mais est-il permis d'attendre
dans la rue? Des sergents de ville, en pas-
sant deux à deux sur le trottoir, l'avaient
déjà regardée avec une persistance qui
l'avait troublée et qui l'inquiétait de plus
en plus à mesure que l'heure s'écoulait.
Que leur répondrait-elle s'ils l'interro-
geaient? Que feraient-ils d'elle? Peut-être
serait-il plus sage de retourner sous l'au-
vent. Maintenant il n'y avait plus personne
dans la cour. En se blottissant bien contre
la porte on ne la verrait sans doute pas
dans cette nuit sombre, et elle pourrait
attendre là mieux que sous cette grande
porte; le froid n'était rien; d'ailleurs Bar-
bouillou rentrerait peut-être et il la ré-
chaufferait.
Comme elle réfléchissait ainsi, allant
d'une idée à une autre, sans oser s'arrêter
à ccîie-ci plutôt qu'à celle-là, elle entendit
un bruit de pas dans la rue et en même
temps une vois qui chantait :
La bouteille est ma bonne amie
Et je suis un amant constant.
Elle avança un peu la tête et vit venir
du côté de Paris celui qui chantait ainsi,
et comme il passait en ce moment sous
un bec de gaz, elle put facilement distin-
guer ses traits : la taille grande, les che-
veux blancs tombant sur les épaules, la
barbe blanche aussi, très longue et frisée,
un costume de drap sombre, un chapeau
mou. Il marchait en fléchissant les jambes,
la tête haute, le torse développé.
Mais elle ne prêta pas grande attention
à ces détails ; ce qu'elle regardait, ce
qu'elle ne quittait pas des yeux, c'é-
tait les cheveux blancs, c'était la barbe
blanche.
Arrivé devant elle, il passa sans la voir,
ou en tout cas sans la remarquer, con-
tinuant sa chanson. Alors elle regarda
vivement dans la rue , cherchant Bar-
bouillou, se disant que si le chien était là,
cet homme à cheveux blancs était sûre-
ment son maître, mais elle ne l'aperçut
point.
Elle revenait sous la grande porte quand
le concierge sortit de sa loge pour éteindre
son quinquet.
— Vous demandez M. Cintrât, et vous
le laissez passer, dit-il.
- C'est lui!
— Pardi, si c'est lui, vous ne le connais-
sez donc pas ?
On l'apercevait encore un peu, mais
déjà il allait disparaître dans le brouil-
lard ; elle s'élança après lui, courant aussi
f vite qu'elle avait de jambes, au risque de
se casser le cou.
— Monsieur !
S'il l'entendit, il ne s'arrêta pas.
— Monsieur 1 cri a-t-elle plus fort.
Il tourna à demi la tête :
— Qu'est-ce qu'elle demande, celle-lU
Veux-tu bien me laisser tranquille ?
— Oh 1 je vous en prie, dit-elle en avan.
çant toujours.
— Ah ! ça, vas-tu te sauver, ribaude ? tu
perds ton temps. ,
Mais elle était arrivée près de lui au
lieu de se sauver, elle lui prit la main.
Vivement il fit un geste pour se déga 1
ger, mais elle ne le lâcha pas.
— Laissez-moi entrer avec vous, cria t-
elle avec un accent suppliant.
Sans répondre, il l'examina des pieds
la tête, mais l'obscurité était trop épaisse
pour qu'il pût la voir.
Profitant de ce moment d'arrêt, elle
s'était penchée et elle lui avait embrassé
la main. v
- Ab i tu veux venir avec moi? difil,
- Je vous en prie.
— Eh bien! viens.
Elle le suivit sans lui lâcher la main
HECTOR MALOT.
'ftf/u",.1
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