Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1883-12-30
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 30 décembre 1883 30 décembre 1883
Description : 1883/12/30 (N5042). 1883/12/30 (N5042).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/11/2012
5042 Dimanche 30 Décembre 1883 ^*3Le numéro: lOc. — Départements: 15 c. r" 10 Nivôse an 92 — Ne 5042
JSDMimSTRATIOîT
l £ 8, HUE DE VALOIS , ï*
AB ORNEMENTS
PARIS
j&àvsmois. 10 )>
Six mois. 20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
Sixmois. 22 JI
Adresser lettres ef mandats
A M. ERNEST LEFÈVRE
ADMINISTRATEUR GÉRANT
"* REDACTION"
S'adresser au Secrétaire tlclalléilacHaa,
DeFJta 6 heures du soir
JiïïE J>E "VALOIS| J8
flLes jaanuscrïfs non insères ne seront pas renùJ
ANNONCES
•* 6, place de la Bourse, 6
LA GUEUSE
M. Saint-Gencst « a sur sa table tout
un dossier de documents sur la gueuse :
abus, scandales, attentats, viols, etc. ».
La gueuse, c'est la République. « Il y
a cinq ans, la France tenait une place
honorable en Europe, on comptait
avec elle, nos ambassadeurs étaient
écoutés, nos finances prospères, l'unité
nationale était respectée. » Tiens!
mais il y a cinq ans, la France était en
République, et depuis huit ans. Pas en
p vraie République, répond M. Saint-Ge-
nest.La France n'est en vraie République
que depuis le renvoi du maréchal de Mac-
Mahon et le renouvellement du Sénat.
C'est depuis que M. de Mac-Mahon n'est
plus président et que le Sénat est républi-
cain que « l'unité nationale est bri-
sée » et que les Allemands nous ont dé-
membrés des deux provinces. Le ren-
voi de M. de Mac-Mahon nous a mis dans
une « situation sans exemple, si nous nous
en rapportons aux étrangers.» M. Saint-
Genest s'en rapporte aux étrangers. En
monarchie, « les malheurs viennent
d'accidents que l'on peut préciser :
guerre extérieure, émeutes populaires,
luttes civiles, disettes, etc.; la Répu-
blique n'a connu aucun de ces .acci-
dents.; elle n'a pas subi de défaite,
l'ordre le plus parfait règne dans les
rues. » Gueuse, va! >
Au moment de résumer les « scanda-
les » et les « attentats » de la Républi-
que, l'ordre parfait des rues, pas d'é-
meute, pas de défaite, pas de disette,
etc.; (c la plume tombe des mains du ré-
dacteur du Figaro et l'écœurement le
prend lui-même à redire ce qu'il a déjà
tant rabâché. Il préfère chercher « pour-
quoi le régime actuel peut résister à
une situation qui écraserait tout au-
tre gouvernement».
La première raison pour laquelle « la
République n'est pas même ébranlée »,
c'est que « la République est un être
multiple, qui est partout et nulle part ;
dès que vous croyez la saisir, elle
échappe à vos prises ; tandis qu'un mo-
narque est directement atteint par les
événements qu'il n'a pas su prévoir, la
République n'est jamais atteinte par
rien ». Eh ! mais voilà un régime qui
ne me paraît pas à plaindre.
Deuxième raison : — « Quand une
monarchie commet la moindre faute,
l'opposition a de suite » (en français,
tout de suite) « pour base de résistance
celte masse populaire qui se compose
des petits industriels, des petits com-
merçants, des bourgeois, des ouvriers.
pendant que la République révolution-
naire, reposant sur le sentiment de
l'égaliié, a précisément pour elle cette
multitude, qui, loin d'être aux aguets
pour dénoncer les moindres erreurs du
gouvernement, est pleine de bienveil-
lance et de pardon pour un régime qui
semble la représenter elle-même ». La
'République remercie M. Saint-Genest
de constater qu'elle a pour elle la masse
populaire.
La troisième explication que M. Saint-
Genest ait trouvée de la solidité répu-
blicaine, c'est l'impuissance et la stu-
pidité de ses amis. « Non-seulement
les conservateurs n'ont pas de troupe à
conduire, non-seulement ce sont des
officiers sans soldats, mais ils s'atta-
quent bien plus entre eux qu'ils n'atta-
quent la République elle-même. De
telle sorte que les républicains ont le
droit de dire : Si cela ne va pas très
bien chez nous, vous voyez bien que
les conservateurs ne sont même pas
capables do nous remplacer. »
M. Saint-Genest conclut : « Voilà les
différentes raisons qui expliquent la
puissancc'du régime actuel, son impu-
nité jusqu'à ce jour, et peut-être sa
longévité. Tous les procédés de polé-
mique employés autrefois ne servent
de rien aujourd'hui. Contre un monar-
que, l'opposition est terrible, elle a sous
la main des troupes toujours prêtes.
Nous autres, nous n'avons rien. Quand
nous ayons désigné ia République au
mépris universel, qui pouvons-nous
rallier? Les ouvriers, les paysans, les
soldats? » Hélas! non. « Et qui pouvons-
nous atteindra? Nos paroles se perdent
dans le vide. Nous dépensons notre
temps et nos forces en cris impuissants.
Appeler la République gueuse, infâme,
drôlesse, cela fait toujours plaisir, mais
ça ne semble pas lui faire beaucoup de
mal. » Ça ne lui en fait même pas du
tout. Ça lui ferait plutôt du bien, car ça
prouve qu'elle peut tolérer pendant des
années sans en souffrir des violences
auxquelles aucune monarchie ne résiste-
rait un mois. « Insulter le gouvernement
et annoncer l'arrivée prochaine du roi,
c'est une satisfaction particulière au
caractère conservateur, mais qui finit
vraiment par devenir un peu puérile.
Voilà douze ans que cela dure, cela
pourra durer vingt-quatre ans encore,
et les républicains resteront à l'Elysée
et le roi au château d'Eu. Nous avons
beau regarder du côté de la gueuse en
murmurant : elle en fait tant qu'elle
dégoûtera le pays l Non, elle ne le dé-
goûtera pas. » Et il y a des gens qui
regardent M. Saint-Genest comme un
ennemi de la République !
Ce républicain inconscient insiste
sur l'imbécillité des réactionnaires. « Le
mal vient de nous. C'est par nos fautes
et nos folies que la République triom-
phe. » Comme ça donne envie d'être
gouverné par ces coupables et par ces
fous ! « Ce n'est pas la République qui
nous décompose, c'est parce que nous
sommes en décomposition qu'elle est
là. » Fragilité, ton nom est femme! dit
Shakespeare. Décomposition, ton nom
est monarchie! dit M. Saint-Genest.
Otons-nous, car elle sent ! dirait l'ours
de La Fontaine. « La République n'est
pas. le virus, elle n'est qu'une consé-
quence de ce virus. » Co n'est pas assez
que la réaction pue, elle empoisonne.
Le rédacteur du Figaro termine par
un bon conseil aux réactionnaires :
« Tâchons-de reconquérir sur la foule
l'influcnce que nous avons perdue. »
— Saupoudrez votre pièce de traits
d'esprit, conseillait un* directeur de
théâtre à un auteur.
En résumé, un régime qui a pour lui
la masse populaire, que fu-
rieuse do ses adversaires n'ébranle
même pas, qui n'est atteint par rien,
qui met l'ordre le plus parfait dans les
l'U-CS; un régime sans émeute et sans
défaite, voilà la République. Un parti
qui n'a que des officiers et pas de sol-
dats, un parti qui passe des fautes aux
folies, un parti qui est en décomposi-
tion, voilà le parti réactionnaire. C'est
M. Saint-Genest qui le dit. Continuez,
monsieur Saint-Genest.
AUGUSTE YACQUERIE.
.0.
A LA CHAMBRE
La Chambre, après un scrutin qui a
donné lieu à un pointage et dont les
chiffres restent, par conséquent, défi-
nitifs; a refusé, par 249 voix contre
2H, de passer à la discussion des arti-
cles du projet de loi relatif à la coloni-
sation algérienne. C'est donc la motion
do M. Balluo qui a été adoptée et, bien
que, depuis le commencement de ce
débat, l'opinion de la majorité parût à
peu près faite dans un sens défavorable
au projet, il est probable que la Cham-
bre eût procédé d'une façon moins
dédaigneuse, si elle avait eu plus de
temps, d'abord, et ensuite si le projet,
aUaqué avec beaucoup de vigueur par
MM. Ballue, Guichard et Lebaudy,
n'eût pas été défendu avec la dernière
faiblesse par M. Tirman et par M. Wal-
deck-Rousseau. Le refus de passer à la
discussion des articles d'un projet de
loi équivaut presque à la question
préalable; et beaucoup de membres,
résolus à repousser l'ensemble après
débat, hésitent toujours à infliger un
pareil échec à un projet de quelque
importance, surtout à un projet gouver-
nemental. Pour que le sentiment de la
Chambre se manifestât, hier, d'une
manière si brusque et si péremptoiré,
il a donc fallu, comme nous le disions,
et le manque de temps et l'insuffisance
des orateurs entendus en faveur du
projet.
M. le gouverneur général de l'Algé-
rie, qui peut n'avoir pas l'habitude de
la tribune, n'avait fait jeudi aucune
impression. Mais les partisans du pro-
jet comptaient sur le ministre de l'inté-
rieur pour relever leur fortune et leur
ramener des voix. Or, M. Waldeck-
Rousseau, loin d'être plus habile que
M. Tirman, a été plus mal inspiré en-
core, et, de l'aveu de tous, il a achevé
4e compromettre le projet. Ne connais-
sant de la question qu'un dossier qu'on
lui avait préparé, M. le ministre de
l'intérieur, dont le talent nous a tou-
jours semblé très surfait, a plaidé sa
cause sans conviction, sans chaleur,
sans éclat. Quelle différence avec l'ar-
deur impétueuse de M. Guichard !
Le ministre, pendant tout le temps
qu'a duré son discours, n'a pas obtenu
un seul applaudissement, pas un seul ;
et, à plusieurs reprises, il a du com-
prendre, aux murmures significatifs de
| la ipfÉjorité, qu'il était en train do per-
dre son procès. Quand M. Waldeck-
Rousseau est descendu de la tribune,
une centaine de membres, à peine, l'ont
applaudi timidement et plus par hon-
nêteté, k coup sur, que par entraîne-
ment. M. le ministre de l'intérieur,
pour qui cette journée est, en somme,
un gros échec, a d'abord entrepris de
formuler cet axiome : « La colonisation
de l'Algérie sera officielle, ou elle ne
sera pas ». Puis, en même temps, com-
me l'ingérence gouvernementale inspire
peu de confiance en ces matières, M.
Waldeck-Rousseau s'est attaché à prou-
ver, par une contradiction au moins sin-
gulière, que la colonisation officielle, qu'il
déclare nécessaire, n'existait en réalité
pas et que l'expression même était fort
impropre. Mais, par une inconséquence
nouvelle, et après avoir essayé cette
première démonstration, M. Waldeck-
Rousseau en est revenu au système
qu'il avait à justifier devant la Cham-
bre, et qui est bel et bien la colonisa-
tion officielle. Pourquoi donc faut-il y
recourir et pourquoi la colonisation
libre n'inspire-t-elle aucune confiauce à
M. le ministre? Parce que « itï Français
— c'est M. Waldeck-Rousseau qui parle
- n'est pas disposé à quitter son pays,
même pour l'Algérie, qui est à deux
pas. Le Français n'est pas émigrant. »
A ce moment, on a trouvé dans la
Chambre quo M. Waldeck-Rousseau
était bien dur pour les promoteurs de
la grande politique coloniale ; bien dur
pour le cabinet dont il fait partie ; bien
dur pour les avocats de l'aventure ton-
kinoise. Assurément M. Waldeck-Rous-
seau est dans le vrai en constatant cette
disposition de nos compatriotes à rester
chez eux. Mais, à moins que M. le mi-
nistre de l'intérieur n'ait appris, depuis
hier, ce que tout le monde savait de-
puis pas mal de temps, on se demande
pourquoi, dans le conseil, il n'a pas fait
valoir cet argument décisif lorsqu'il
s'est agi de se prononcer sur la poli-
tique d'aventure, politique qui n'aurait
d'excuse que si les Français étaient
tout le contraire de ce qu'ils sont?
Quand M. Waldeck-Rousseau a es-
sayé d'entrer un peu dans les détails
de la question, il a été encore moins
heureux, s'il se peut. Ainsi, à propos
de la propriété arabe, le ministre a
entendu dire qu'elle était indivise, en
grande partie. C'est vrai. Mais M. le
ministre a paru ignorer que, loin de
favoriser, par une législation intelli-
gente, la formation de la propriété in-
dividuelle et sa mobilisation, nous avons
entouré d'entraves les ventes volon-
taires des indigènes aux colons. C'est
que, de tout temps, le gouvernement
de la métropole ou le gouvernement
général a désiré conserver, comme un
puissant moyen d'action, le privilège
d'accorder des concessions de terre.
Comment ces concessions étaient-
elles faites parfois? Une citation appor-
tée par M. Lebaudy et qui n'a pas été
contredite, bien que M. Paul Bert ait
demandé à quel moment le fait s'était
passé, montre ce qui peut sortir de la
colonisation officielle. En février 1882,
cent hectares de terre ont été donnés à
un concessionnaire qui n'a jamais quitté
Paris, et cette concession, revendue à
un Arabe, a produit 40,000 francs au
bénéficiaire. Il faudrait beaucoup de
colons de ce genre pour développer
l'influence française en Algérie.
Maintenant que le projet est tombé,
et, avec lui, la menace qui pesait sans
cesse s&r les indigènes, on peut espérer
que ceux-ci vont s'efforcer de légitimer
la propriété qui leur est reconnue en
tirant de leur sol le meilleur parti pos-
sible. Mais est-ce là tout ce que la mé-
tropole ait à jfaire pour la population
conquise ? Garantie contre l'expropria-
tion et la ruine, la population arabe
sera-t-slle ainsi suffisamment rattachée
à la patrie française ? Ne faut-il pas faire
enfin un pas décisif dans la voie de l'as-
similation, dans l'application du droit
commun? La première expérience à
tenter dans ce sens, c'est la soumission
de toute la population indigène à la
loi militaire qui organise le service
obligatoire. Il faudrait, en outre, par
des stimulants divers, faire sortir de
l'élément indigène de nombreux corps
de volontaires, appelés à servir pendant
une assez longue période d'années ; par
ce moyen on arriverait à la plus prompte
de toutes les assimilations, l'assimila-
tion au régiment, sous le drapeau. Mais
il est clair que certaines compensations
résultant de droits nouveaux devront
être la conséquence de charges impo-
sées. N'exploitons plus les Arabes, uti-
lisons-les ; et, selon le mot très juste de
M. Guichard, faisons de l'Algérie l'auxi-
liaire de la France et non plus son
ennemie.
A. GAULIER.
—
Le Sénat a terminé le vote du budget,
mais, sur les très vives réclamations de
M. Buftet et d'un commun accord avec
M. le ministre des finances et M. Léon
Say, certaines questions de principe à dé-
battre ont été réservées, notamment l'aug-
mentation des émissions de la Banque.
M. Tirard a promis de n'engager aucune
dépense dont le caractère pût faire l'objet
d'un débat ultérieur et de n'entamer au-
cune négociation sans y avoir été autorisé
par un vote.
A. G.
« O —————————
COULISSES DES CHAMBRES
Le Sénat, ainsi qu'on l'a vu par le
compte-rendu de la séance publique, a
achevé hier le vote du budget ordinaire de
188-4. A quatre heures un quart, son vote
définitif était rendu, et à quatre heures et
demie, le ministre des finances rapportait
le budget à la Chambre.
La commission du budget, immédiate-
ment réunie, a délibéré sur les modifica-
tions apportées par le Sénat aux décisions
primitives de la Chambre. Ces modifica-
tions sont au nombre de quatre :
1° Elévation du traitement de l'arche-
vêque de Paris de 15,000 à 45,000 fr.
2° Rétablissement du crédit de 574,000
francs pour les bourses des séminaires.
3° Rétablissement du crédit de 30,000
francs affecté au traitement des inspec-
teurs généraux des établissements de
bienfaisance.
4° Suppression du crédit de 50,003 fr.
affecté aux élections sénatoriales partielles
de 1884, ces élections ne pouvant avoir
lieu l'année prochaine, veille du renou-
vellement triennal.
Un débat très court s'est engagé à la
commission. M. Jules Roche a demandé
que l'on maintînt les décisions primitives
de la Chambre, et par des raisons tirées de
la politique à suivre à l'égard du clergé et
par une raison plus générale, tirée de l'im-
possibilité constitutionnelle pour le Sénat
de voter le premier des crédits.
Il a fallu deux tours de scrutin pour ar-
river à un résultat. Au premier tour,
8 voix se sont prononcées pour l'adoption
des modifications du Sénat et S 4to#Èâas^<.
tre. A
Au second tour, le président de la com-
mission, M. Sadi-Carnot, qui s'était abstenu
au début, a départagé la commission, et
par 9 voix contre 8 celle-ci a décidé de ra-
tifier les décisions du Sénat.
M. Sadi-Carnot a été chargé de faire le
rapport, il le déposera aujourd'hui et la
Chambre engagera immédiatement le
débat. M. Jules Roche doit reproduire à la
tribune les arguments qu'il a développés
devant la commission contre les modifica-
tions du Sénat. Le président du conseil
demandera, au contraire, à la Chambre
de ratifier les décisions du Sénat. On s'at-
tend donc à un débat assez important.
Si la Chambre approuve les modifica-
tions du Sénat, le hulgel pourra être pro-
mulgué demain matin 30 décembre au
Journal officiel, ce qui suffira pour qu'il
puisse devenir exécutoire le 1er janvier
dans tous les départements, moins les
deux plus éloignés, les Pyrénées-Orien-
tales et les Alpes-Maritimes, moins égale-
ment la Corse et l'Algérie. Mais, pour ces
départements, on pourra faire la promul-
gation par le télégraphe.
Si la Chambre, au contraire, n'approu-
vait pas les décisions du Sénat, il faudrait
renvoyer le budget au Luxembourg. Ce
mouvement de va-et-vient pourrait se pro-
longer de la sorte aussi longtemps que les
Chambres Esteraient en opposition, la Cons-
titution ne fournissant aucun moyen de
trancher le différend. En ce cas, ii fau-
drait recourir aux douzièmes provisoires.
En l'état, il est difficile de préjuger
l'issue finale du débat d'aujourd'hui à la
Chambre. Un seul groupe s'est réuni hier
pour s'occuper de la question, celui de
l'union républicaine. La majeure partie
des membres de ce groupe 0:1t paru dis-
posés à écarter tout conflit entre les deux
Chambres à cette époque-ci de l'année et
à éviter un retard dans la promulgation
du budget. Les uns s'abstiendront, les
autres voteront pour les modifications du
Sénat. Mais on ignore encore les disposi-
tions des autres groupes.
-o-
Le budget extraordinaire de 1884 seu!
n'a pu être voté par la Sénat, et dès lors
ne pourra plus l'être à temps pour être
exécutoire le 1er janvier. Pour parer à
toute difficulté, le ministre des finances a
déposé hier sur le bureau de la Chambre
un projet de loi n'ayant qu'un article, qui
ouvre des crédits provisoires pour l'exé-
cution des grands travaux pendant le
mois de janvier. Ces crédits s'élèvent à,
21,420,000 francs,- soit le douzième des
crédits votés par la Chambre pour l'année
1884 tout entière. -
La commission du budget a approuvé
hier soir ce projet et a chargé M. Rouviet
de faire le rapport. La Chambre votera
aujourd'hui ce projet, qui sera ensuite
porté immédiatement au Sénat. Ce der-
nier a, en effet, en prévision de cette né-
cessité, décidé de se réunir aujourd'hui, à
trois heures.
En fait, le projet n'était pas absolument
indispensable ; car les dépenses des grands
travaux se payent toujours chaque mois
pour le mois précédent ; ainsi en janvier
on payera les dépenses de décembre qui,
elles, sont légalement autorisées par le
budget de 1883. Mais en droit strict, on a
dû présenter cette demande de crédits
provisoires pour qu'il n'y ait pas de solu-
tion de continuité, ne fût-ce qu'un seul
jour, dans l'activité des chantiers actuel-
lement ouverts sur les divers points du
territoire.
Si l'accord se fait aujourd'hui entre le~
deux Chambres, comme on le croit, la
session sera close dans la journée même
par décret présidentiel. Les diverses ques-
tions ou interpellations annoncées seront
renvoyées à la session de 1834, c'est-à-
dire à huitaine. Déjà M. Proust a pris
l'initiative d'ajourner la sienne, relative
au mont Saint-Michel, à la rentrée; M. de
Colbert-Laplace a pris la même détermi-
nation en ce qui concerne son interpella*
tion sur la caisse des chemins vicinaux,
Feuilleton du RAPPEL
DU 30 DÉCEMBRE
81 '"f';<,"
> LA
GOUTTE-DE SANG
L'INSTITUTRICE
IX (suite)
Mical s'était souvenu d'une recette dont
il avait souvent entendu parler dans son
enfance, et dont usaient les esclaves qui
voulaient par paresse rester à leur case ou
se faire envoyer à l'hôpital. C'était une
sorte de pâté de miel et de farine de maïs
intoxiquée par une faible dose de noix
vomique et d'ergot de seigle. L'ingestion
de cette pâte roulée en pilules produit
momentanément des troubles nerveux et
une fièvre d'apparence pernicieuse faite
pour dérouter les plus habiles médecins.
Ses préparatifs termin6s, il guetta, avec
Reproduction interdite.
Voir le Rappel du 23 septembre au 29 décembre
f
Sicaire, Ms abords du château pour mettre
à profit la première circonstance favorable.
Costumé à souhait pour exciter la pitié, il
se tint caché dans les plants de vignes,
mais comme il se défiait avec raison de la
crédulité de son père, ce n'était pas sur
lui qu'il voulut essayer son rôle d'agoni-
sant.
Certes, il avait de sérieux motifs pour
ne pas faire fonds sur la sympathie d'An-
toinette ; mais il la savait trop généreuse
et pitoyable pour le laisser étendu sur une
grande route sans le secourir. Evidem-
ment elle ne calculerait pas les consé-
quences de sa charité irréfléchie. Et il de-
vina juste. Car les natures perverses jau-
gent très habilement l'humanité des grands
cœurs.
Elle le faisait entrer à Phalaris, c'était
maintenant affaire à lui de s'y maintenir.
Antoinette et Ange trouvèrent M. de
Phalaris chez le docteur. En route, le
comte avait rencontré son fermier qui
venait le prier d'ajourner sa visite au len-
demain, et il avait aussitôt gagné le chalet.
Quand Mlle Biron, encore émue de l'in-
cident, eut raconté ce qui se passait et
ses recommandations à Baricand, le comte
et le docteur échangèrent un regard
chargé d'angoisse.
— Vous avez fait cela! s'écria le doc-
teur en jelant violemment sa calotte de
yelours sur le bureau.
- Auriez-vous donc, mon ami, laissé
mourant sur le chemin, à la porte du (
château de son père, l'héritier des Phala-
ris, si grandes que soient ses fautes?
— Oh! moi!. dit le docteur, sans ache-
ver sa phrase.
Le comte intervint.
- Vous avez noblement compris, made-
moiselle, ce que m'imposait le devoir pa-
ternel, et je vous en suis reconnaissant. Je
ne puis, moi, qu'approuver et admirer votre
générosité. Car vous seule aviez le droit
d'ouvrir les portes de Phalaris à celui qui
vous a si cruellement outragée. Si je m'é-
tais trouvé à votre place, j'aurais donné sans
doute l'ordre de le secourir; mais votre
présence au château m'eût fait une loi de
lui interdire d'en franchir la grille. Je
veillerai, du moins, à ce que vous n'ayez
pas lieu de regretter un jour cette clé-
mence.
Quand le docteur Laguionie pénétra
dans l'appartement où Mical se retrouvait
installé après dix ans d'absence, le ma-
lade, qu'on avait simplement étendu sur
un canapé, avait la pupille dilatée, les
yeux fixes, et les membres présentaient
une rigidité presque cataleptique. Pour
mieux jouer son rôle devant la faculté, le
vicomte, au risque de s'intoxiquer grave-
ment, avait avalé une seconde pilule, et
l'effet avait dépassé ses calculs.
Le cas parut si extraordinaire au doc-
teur qu'il fut pris de défiance. Il avait
fonctionné autrefois dans les conseils de
revision, et avait surpris plus d'une fois
les conscrits en flagrant délit do simula-
tion de maladie. Mais cette fois les symp-
tômes étaient d'une gravité exception-
nelle, et il hésitait à croire que Mical fût
véritablement homme à risquer ainsi sa
vie pour pénétrer au château. Il se pro-
mit, en tout état-de cause, de le surveiller
de près, et s'empressa d'abord de le faire
déshabiller et coucher. Puis, comme il
s'était ménagé à Phalaris un petit labora-
toire, il alla y préparer une potion destinée
à calmer la fièvre nerveuse qui menaçait
de gagner le cerveau. -
Le soir, on vint annoncer au comte
qu'un homme était là très effaré, l'air
bouleversé, qui avait demandé si on pou-
vait lui donner des nouvelles de Mical, et,
qui,en apprenant qu'on Pavait recueilli au
château, avait affirmé aussitôt qu'il fallait
absolument qu'il pût parler à M. de Pha-
laris sans retard.
C'était Sicaire. Le comte le fit conduire
'sur la terrasse. Il avait deviné qui ce pou-
vait être, et pensa qu'il allait lui débiter
quelque boniment préparé d'avance. Mais
Jean-Robert était un comédien consommé
et parla si bien que M. de Phalaris, ne
sachant plus s'il devait mettre en doute sa
sincérité et son dévouement à Mical, finit
par l'autoriser à rester pour soigner son
maître.
Sicaire avait raconté le duel du Havre,
que le comte n'avait jusque là connu
qu'indirectement. Mais il était trop ha-
bile pour accuser Jeanselme, et il ne con-
testa pas sa loyauté dans le combat. Il in-
sista seulement sur les graves conséquen-
ces de cette rencontre. Mical, selon lui,
avait vu la mort de si près qu'une trans-
formation complète s'était opérée en lui :
il avait dépouillé le vieil homme et com-
pris l'immensité de ses fautes. L'orgueil
avait cédé la place au remords, et, dans sa
conscience affaiblie, il n'y avait plus que
le désir maniaque d'obtenir le pardon de
ceux qu'il avait offensés. En dehors de
cette idée fixe, tout l'obsédait. Aussi, de-
puis sa guéris on, avait-il si mal géré ses
affaires que ses dernières ressources s'é-
taient épuisées sans qu'il s'en préoc-
cupât.
Pourtant, du jour oit il se trouva réduit à
vivre à l'hôtel, comme ces vagabonds du
monde interlope dont il s'était si fort mo-
qué jadis, une grande irritation nerveuse
avait enflammé son cerveau. Il avait passé
par des accès de misanthropie si noire que
Sicaire avait pris pesr pour sa raison.
Mais toujours l'idée d'aller à Phalaris
demander à son père grâce et pardon
revenait dans ses divagations. EnGn, deux
jours auparavant, Mical avait fait preuve
d'une telle incohérence dans ses propos
que Sicaire avait cru devoir courir à la
recherche du docteur qui l'avait soigné
après le duel ; mais, à son retour, le vi-
comte avait disparu. Il s'était mis aussitôt
à sa recherche, et, après avoir acquis la
certitude que son maître avait proftté de
son absence pour quitter Paris et mettre
à exécution son idée fixe, il l'aval alors
sùivi à la piste, comptant bien le retrouver
à Phalaris.
L'état bizarre constaté par le docteur
Laguionie chez le malade rendait la ver-
sion de Sicaire plausible et vraisemblable.
M. de Phalaris n'ayant pas les preuves du
contraire fit mine de tout accepter. Mais
il prit ses mesures pour organiser le ser-
vice des gens chargés de veiller Mical et
de surveiller Sicaire. On agirait ensuite
d'après l'avis motivé du docteur. Mais le
comte était bien résolu, la guérison ob-
tenue, à s'imposer, s'il était besoin, un
gros sacrifice d'argent pour que Mical
sortît de Phalaris et allât le plus loin pos-
sible, en Algérie, en Egypte ou en Syrie,
achever sa convalescence vraie ou feinte.
Quant à lui permettre de séjourner au
château, sa conversion fûl-elle des mieux
démontrées, jamais il n'y consentirait. Un
passé comme celui de Mical peut quelque-
fois s'absoudre, mais non pas s'oublier.
Sur ce point, il était entièrement d'accord
avec le docteur, qui ne songeait qu'à dé-
barrasser Phalaris de cet hôte suspect et
dangereux.
v,gflURICE DRACftr
(A ~u~
JSDMimSTRATIOîT
l £ 8, HUE DE VALOIS , ï*
AB ORNEMENTS
PARIS
j&àvsmois. 10 )>
Six mois. 20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
Sixmois. 22 JI
Adresser lettres ef mandats
A M. ERNEST LEFÈVRE
ADMINISTRATEUR GÉRANT
"* REDACTION"
S'adresser au Secrétaire tlclalléilacHaa,
DeFJta 6 heures du soir
JiïïE J>E "VALOIS| J8
flLes jaanuscrïfs non insères ne seront pas renùJ
ANNONCES
•
LA GUEUSE
M. Saint-Gencst « a sur sa table tout
un dossier de documents sur la gueuse :
abus, scandales, attentats, viols, etc. ».
La gueuse, c'est la République. « Il y
a cinq ans, la France tenait une place
honorable en Europe, on comptait
avec elle, nos ambassadeurs étaient
écoutés, nos finances prospères, l'unité
nationale était respectée. » Tiens!
mais il y a cinq ans, la France était en
République, et depuis huit ans. Pas en
p vraie République, répond M. Saint-Ge-
nest.La France n'est en vraie République
que depuis le renvoi du maréchal de Mac-
Mahon et le renouvellement du Sénat.
C'est depuis que M. de Mac-Mahon n'est
plus président et que le Sénat est républi-
cain que « l'unité nationale est bri-
sée » et que les Allemands nous ont dé-
membrés des deux provinces. Le ren-
voi de M. de Mac-Mahon nous a mis dans
une « situation sans exemple, si nous nous
en rapportons aux étrangers.» M. Saint-
Genest s'en rapporte aux étrangers. En
monarchie, « les malheurs viennent
d'accidents que l'on peut préciser :
guerre extérieure, émeutes populaires,
luttes civiles, disettes, etc.; la Répu-
blique n'a connu aucun de ces .acci-
dents.; elle n'a pas subi de défaite,
l'ordre le plus parfait règne dans les
rues. » Gueuse, va! >
Au moment de résumer les « scanda-
les » et les « attentats » de la Républi-
que, l'ordre parfait des rues, pas d'é-
meute, pas de défaite, pas de disette,
etc.; (c la plume tombe des mains du ré-
dacteur du Figaro et l'écœurement le
prend lui-même à redire ce qu'il a déjà
tant rabâché. Il préfère chercher « pour-
quoi le régime actuel peut résister à
une situation qui écraserait tout au-
tre gouvernement».
La première raison pour laquelle « la
République n'est pas même ébranlée »,
c'est que « la République est un être
multiple, qui est partout et nulle part ;
dès que vous croyez la saisir, elle
échappe à vos prises ; tandis qu'un mo-
narque est directement atteint par les
événements qu'il n'a pas su prévoir, la
République n'est jamais atteinte par
rien ». Eh ! mais voilà un régime qui
ne me paraît pas à plaindre.
Deuxième raison : — « Quand une
monarchie commet la moindre faute,
l'opposition a de suite » (en français,
tout de suite) « pour base de résistance
celte masse populaire qui se compose
des petits industriels, des petits com-
merçants, des bourgeois, des ouvriers.
pendant que la République révolution-
naire, reposant sur le sentiment de
l'égaliié, a précisément pour elle cette
multitude, qui, loin d'être aux aguets
pour dénoncer les moindres erreurs du
gouvernement, est pleine de bienveil-
lance et de pardon pour un régime qui
semble la représenter elle-même ». La
'République remercie M. Saint-Genest
de constater qu'elle a pour elle la masse
populaire.
La troisième explication que M. Saint-
Genest ait trouvée de la solidité répu-
blicaine, c'est l'impuissance et la stu-
pidité de ses amis. « Non-seulement
les conservateurs n'ont pas de troupe à
conduire, non-seulement ce sont des
officiers sans soldats, mais ils s'atta-
quent bien plus entre eux qu'ils n'atta-
quent la République elle-même. De
telle sorte que les républicains ont le
droit de dire : Si cela ne va pas très
bien chez nous, vous voyez bien que
les conservateurs ne sont même pas
capables do nous remplacer. »
M. Saint-Genest conclut : « Voilà les
différentes raisons qui expliquent la
puissancc'du régime actuel, son impu-
nité jusqu'à ce jour, et peut-être sa
longévité. Tous les procédés de polé-
mique employés autrefois ne servent
de rien aujourd'hui. Contre un monar-
que, l'opposition est terrible, elle a sous
la main des troupes toujours prêtes.
Nous autres, nous n'avons rien. Quand
nous ayons désigné ia République au
mépris universel, qui pouvons-nous
rallier? Les ouvriers, les paysans, les
soldats? » Hélas! non. « Et qui pouvons-
nous atteindra? Nos paroles se perdent
dans le vide. Nous dépensons notre
temps et nos forces en cris impuissants.
Appeler la République gueuse, infâme,
drôlesse, cela fait toujours plaisir, mais
ça ne semble pas lui faire beaucoup de
mal. » Ça ne lui en fait même pas du
tout. Ça lui ferait plutôt du bien, car ça
prouve qu'elle peut tolérer pendant des
années sans en souffrir des violences
auxquelles aucune monarchie ne résiste-
rait un mois. « Insulter le gouvernement
et annoncer l'arrivée prochaine du roi,
c'est une satisfaction particulière au
caractère conservateur, mais qui finit
vraiment par devenir un peu puérile.
Voilà douze ans que cela dure, cela
pourra durer vingt-quatre ans encore,
et les républicains resteront à l'Elysée
et le roi au château d'Eu. Nous avons
beau regarder du côté de la gueuse en
murmurant : elle en fait tant qu'elle
dégoûtera le pays l Non, elle ne le dé-
goûtera pas. » Et il y a des gens qui
regardent M. Saint-Genest comme un
ennemi de la République !
Ce républicain inconscient insiste
sur l'imbécillité des réactionnaires. « Le
mal vient de nous. C'est par nos fautes
et nos folies que la République triom-
phe. » Comme ça donne envie d'être
gouverné par ces coupables et par ces
fous ! « Ce n'est pas la République qui
nous décompose, c'est parce que nous
sommes en décomposition qu'elle est
là. » Fragilité, ton nom est femme! dit
Shakespeare. Décomposition, ton nom
est monarchie! dit M. Saint-Genest.
Otons-nous, car elle sent ! dirait l'ours
de La Fontaine. « La République n'est
pas. le virus, elle n'est qu'une consé-
quence de ce virus. » Co n'est pas assez
que la réaction pue, elle empoisonne.
Le rédacteur du Figaro termine par
un bon conseil aux réactionnaires :
« Tâchons-de reconquérir sur la foule
l'influcnce que nous avons perdue. »
— Saupoudrez votre pièce de traits
d'esprit, conseillait un* directeur de
théâtre à un auteur.
En résumé, un régime qui a pour lui
la masse populaire, que fu-
rieuse do ses adversaires n'ébranle
même pas, qui n'est atteint par rien,
qui met l'ordre le plus parfait dans les
l'U-CS; un régime sans émeute et sans
défaite, voilà la République. Un parti
qui n'a que des officiers et pas de sol-
dats, un parti qui passe des fautes aux
folies, un parti qui est en décomposi-
tion, voilà le parti réactionnaire. C'est
M. Saint-Genest qui le dit. Continuez,
monsieur Saint-Genest.
AUGUSTE YACQUERIE.
.0.
A LA CHAMBRE
La Chambre, après un scrutin qui a
donné lieu à un pointage et dont les
chiffres restent, par conséquent, défi-
nitifs; a refusé, par 249 voix contre
2H, de passer à la discussion des arti-
cles du projet de loi relatif à la coloni-
sation algérienne. C'est donc la motion
do M. Balluo qui a été adoptée et, bien
que, depuis le commencement de ce
débat, l'opinion de la majorité parût à
peu près faite dans un sens défavorable
au projet, il est probable que la Cham-
bre eût procédé d'une façon moins
dédaigneuse, si elle avait eu plus de
temps, d'abord, et ensuite si le projet,
aUaqué avec beaucoup de vigueur par
MM. Ballue, Guichard et Lebaudy,
n'eût pas été défendu avec la dernière
faiblesse par M. Tirman et par M. Wal-
deck-Rousseau. Le refus de passer à la
discussion des articles d'un projet de
loi équivaut presque à la question
préalable; et beaucoup de membres,
résolus à repousser l'ensemble après
débat, hésitent toujours à infliger un
pareil échec à un projet de quelque
importance, surtout à un projet gouver-
nemental. Pour que le sentiment de la
Chambre se manifestât, hier, d'une
manière si brusque et si péremptoiré,
il a donc fallu, comme nous le disions,
et le manque de temps et l'insuffisance
des orateurs entendus en faveur du
projet.
M. le gouverneur général de l'Algé-
rie, qui peut n'avoir pas l'habitude de
la tribune, n'avait fait jeudi aucune
impression. Mais les partisans du pro-
jet comptaient sur le ministre de l'inté-
rieur pour relever leur fortune et leur
ramener des voix. Or, M. Waldeck-
Rousseau, loin d'être plus habile que
M. Tirman, a été plus mal inspiré en-
core, et, de l'aveu de tous, il a achevé
4e compromettre le projet. Ne connais-
sant de la question qu'un dossier qu'on
lui avait préparé, M. le ministre de
l'intérieur, dont le talent nous a tou-
jours semblé très surfait, a plaidé sa
cause sans conviction, sans chaleur,
sans éclat. Quelle différence avec l'ar-
deur impétueuse de M. Guichard !
Le ministre, pendant tout le temps
qu'a duré son discours, n'a pas obtenu
un seul applaudissement, pas un seul ;
et, à plusieurs reprises, il a du com-
prendre, aux murmures significatifs de
| la ipfÉjorité, qu'il était en train do per-
dre son procès. Quand M. Waldeck-
Rousseau est descendu de la tribune,
une centaine de membres, à peine, l'ont
applaudi timidement et plus par hon-
nêteté, k coup sur, que par entraîne-
ment. M. le ministre de l'intérieur,
pour qui cette journée est, en somme,
un gros échec, a d'abord entrepris de
formuler cet axiome : « La colonisation
de l'Algérie sera officielle, ou elle ne
sera pas ». Puis, en même temps, com-
me l'ingérence gouvernementale inspire
peu de confiance en ces matières, M.
Waldeck-Rousseau s'est attaché à prou-
ver, par une contradiction au moins sin-
gulière, que la colonisation officielle, qu'il
déclare nécessaire, n'existait en réalité
pas et que l'expression même était fort
impropre. Mais, par une inconséquence
nouvelle, et après avoir essayé cette
première démonstration, M. Waldeck-
Rousseau en est revenu au système
qu'il avait à justifier devant la Cham-
bre, et qui est bel et bien la colonisa-
tion officielle. Pourquoi donc faut-il y
recourir et pourquoi la colonisation
libre n'inspire-t-elle aucune confiauce à
M. le ministre? Parce que « itï Français
— c'est M. Waldeck-Rousseau qui parle
- n'est pas disposé à quitter son pays,
même pour l'Algérie, qui est à deux
pas. Le Français n'est pas émigrant. »
A ce moment, on a trouvé dans la
Chambre quo M. Waldeck-Rousseau
était bien dur pour les promoteurs de
la grande politique coloniale ; bien dur
pour le cabinet dont il fait partie ; bien
dur pour les avocats de l'aventure ton-
kinoise. Assurément M. Waldeck-Rous-
seau est dans le vrai en constatant cette
disposition de nos compatriotes à rester
chez eux. Mais, à moins que M. le mi-
nistre de l'intérieur n'ait appris, depuis
hier, ce que tout le monde savait de-
puis pas mal de temps, on se demande
pourquoi, dans le conseil, il n'a pas fait
valoir cet argument décisif lorsqu'il
s'est agi de se prononcer sur la poli-
tique d'aventure, politique qui n'aurait
d'excuse que si les Français étaient
tout le contraire de ce qu'ils sont?
Quand M. Waldeck-Rousseau a es-
sayé d'entrer un peu dans les détails
de la question, il a été encore moins
heureux, s'il se peut. Ainsi, à propos
de la propriété arabe, le ministre a
entendu dire qu'elle était indivise, en
grande partie. C'est vrai. Mais M. le
ministre a paru ignorer que, loin de
favoriser, par une législation intelli-
gente, la formation de la propriété in-
dividuelle et sa mobilisation, nous avons
entouré d'entraves les ventes volon-
taires des indigènes aux colons. C'est
que, de tout temps, le gouvernement
de la métropole ou le gouvernement
général a désiré conserver, comme un
puissant moyen d'action, le privilège
d'accorder des concessions de terre.
Comment ces concessions étaient-
elles faites parfois? Une citation appor-
tée par M. Lebaudy et qui n'a pas été
contredite, bien que M. Paul Bert ait
demandé à quel moment le fait s'était
passé, montre ce qui peut sortir de la
colonisation officielle. En février 1882,
cent hectares de terre ont été donnés à
un concessionnaire qui n'a jamais quitté
Paris, et cette concession, revendue à
un Arabe, a produit 40,000 francs au
bénéficiaire. Il faudrait beaucoup de
colons de ce genre pour développer
l'influence française en Algérie.
Maintenant que le projet est tombé,
et, avec lui, la menace qui pesait sans
cesse s&r les indigènes, on peut espérer
que ceux-ci vont s'efforcer de légitimer
la propriété qui leur est reconnue en
tirant de leur sol le meilleur parti pos-
sible. Mais est-ce là tout ce que la mé-
tropole ait à jfaire pour la population
conquise ? Garantie contre l'expropria-
tion et la ruine, la population arabe
sera-t-slle ainsi suffisamment rattachée
à la patrie française ? Ne faut-il pas faire
enfin un pas décisif dans la voie de l'as-
similation, dans l'application du droit
commun? La première expérience à
tenter dans ce sens, c'est la soumission
de toute la population indigène à la
loi militaire qui organise le service
obligatoire. Il faudrait, en outre, par
des stimulants divers, faire sortir de
l'élément indigène de nombreux corps
de volontaires, appelés à servir pendant
une assez longue période d'années ; par
ce moyen on arriverait à la plus prompte
de toutes les assimilations, l'assimila-
tion au régiment, sous le drapeau. Mais
il est clair que certaines compensations
résultant de droits nouveaux devront
être la conséquence de charges impo-
sées. N'exploitons plus les Arabes, uti-
lisons-les ; et, selon le mot très juste de
M. Guichard, faisons de l'Algérie l'auxi-
liaire de la France et non plus son
ennemie.
A. GAULIER.
—
Le Sénat a terminé le vote du budget,
mais, sur les très vives réclamations de
M. Buftet et d'un commun accord avec
M. le ministre des finances et M. Léon
Say, certaines questions de principe à dé-
battre ont été réservées, notamment l'aug-
mentation des émissions de la Banque.
M. Tirard a promis de n'engager aucune
dépense dont le caractère pût faire l'objet
d'un débat ultérieur et de n'entamer au-
cune négociation sans y avoir été autorisé
par un vote.
A. G.
« O —————————
COULISSES DES CHAMBRES
Le Sénat, ainsi qu'on l'a vu par le
compte-rendu de la séance publique, a
achevé hier le vote du budget ordinaire de
188-4. A quatre heures un quart, son vote
définitif était rendu, et à quatre heures et
demie, le ministre des finances rapportait
le budget à la Chambre.
La commission du budget, immédiate-
ment réunie, a délibéré sur les modifica-
tions apportées par le Sénat aux décisions
primitives de la Chambre. Ces modifica-
tions sont au nombre de quatre :
1° Elévation du traitement de l'arche-
vêque de Paris de 15,000 à 45,000 fr.
2° Rétablissement du crédit de 574,000
francs pour les bourses des séminaires.
3° Rétablissement du crédit de 30,000
francs affecté au traitement des inspec-
teurs généraux des établissements de
bienfaisance.
4° Suppression du crédit de 50,003 fr.
affecté aux élections sénatoriales partielles
de 1884, ces élections ne pouvant avoir
lieu l'année prochaine, veille du renou-
vellement triennal.
Un débat très court s'est engagé à la
commission. M. Jules Roche a demandé
que l'on maintînt les décisions primitives
de la Chambre, et par des raisons tirées de
la politique à suivre à l'égard du clergé et
par une raison plus générale, tirée de l'im-
possibilité constitutionnelle pour le Sénat
de voter le premier des crédits.
Il a fallu deux tours de scrutin pour ar-
river à un résultat. Au premier tour,
8 voix se sont prononcées pour l'adoption
des modifications du Sénat et S 4to#Èâas^<.
tre. A
Au second tour, le président de la com-
mission, M. Sadi-Carnot, qui s'était abstenu
au début, a départagé la commission, et
par 9 voix contre 8 celle-ci a décidé de ra-
tifier les décisions du Sénat.
M. Sadi-Carnot a été chargé de faire le
rapport, il le déposera aujourd'hui et la
Chambre engagera immédiatement le
débat. M. Jules Roche doit reproduire à la
tribune les arguments qu'il a développés
devant la commission contre les modifica-
tions du Sénat. Le président du conseil
demandera, au contraire, à la Chambre
de ratifier les décisions du Sénat. On s'at-
tend donc à un débat assez important.
Si la Chambre approuve les modifica-
tions du Sénat, le hulgel pourra être pro-
mulgué demain matin 30 décembre au
Journal officiel, ce qui suffira pour qu'il
puisse devenir exécutoire le 1er janvier
dans tous les départements, moins les
deux plus éloignés, les Pyrénées-Orien-
tales et les Alpes-Maritimes, moins égale-
ment la Corse et l'Algérie. Mais, pour ces
départements, on pourra faire la promul-
gation par le télégraphe.
Si la Chambre, au contraire, n'approu-
vait pas les décisions du Sénat, il faudrait
renvoyer le budget au Luxembourg. Ce
mouvement de va-et-vient pourrait se pro-
longer de la sorte aussi longtemps que les
Chambres Esteraient en opposition, la Cons-
titution ne fournissant aucun moyen de
trancher le différend. En ce cas, ii fau-
drait recourir aux douzièmes provisoires.
En l'état, il est difficile de préjuger
l'issue finale du débat d'aujourd'hui à la
Chambre. Un seul groupe s'est réuni hier
pour s'occuper de la question, celui de
l'union républicaine. La majeure partie
des membres de ce groupe 0:1t paru dis-
posés à écarter tout conflit entre les deux
Chambres à cette époque-ci de l'année et
à éviter un retard dans la promulgation
du budget. Les uns s'abstiendront, les
autres voteront pour les modifications du
Sénat. Mais on ignore encore les disposi-
tions des autres groupes.
-o-
Le budget extraordinaire de 1884 seu!
n'a pu être voté par la Sénat, et dès lors
ne pourra plus l'être à temps pour être
exécutoire le 1er janvier. Pour parer à
toute difficulté, le ministre des finances a
déposé hier sur le bureau de la Chambre
un projet de loi n'ayant qu'un article, qui
ouvre des crédits provisoires pour l'exé-
cution des grands travaux pendant le
mois de janvier. Ces crédits s'élèvent à,
21,420,000 francs,- soit le douzième des
crédits votés par la Chambre pour l'année
1884 tout entière. -
La commission du budget a approuvé
hier soir ce projet et a chargé M. Rouviet
de faire le rapport. La Chambre votera
aujourd'hui ce projet, qui sera ensuite
porté immédiatement au Sénat. Ce der-
nier a, en effet, en prévision de cette né-
cessité, décidé de se réunir aujourd'hui, à
trois heures.
En fait, le projet n'était pas absolument
indispensable ; car les dépenses des grands
travaux se payent toujours chaque mois
pour le mois précédent ; ainsi en janvier
on payera les dépenses de décembre qui,
elles, sont légalement autorisées par le
budget de 1883. Mais en droit strict, on a
dû présenter cette demande de crédits
provisoires pour qu'il n'y ait pas de solu-
tion de continuité, ne fût-ce qu'un seul
jour, dans l'activité des chantiers actuel-
lement ouverts sur les divers points du
territoire.
Si l'accord se fait aujourd'hui entre le~
deux Chambres, comme on le croit, la
session sera close dans la journée même
par décret présidentiel. Les diverses ques-
tions ou interpellations annoncées seront
renvoyées à la session de 1834, c'est-à-
dire à huitaine. Déjà M. Proust a pris
l'initiative d'ajourner la sienne, relative
au mont Saint-Michel, à la rentrée; M. de
Colbert-Laplace a pris la même détermi-
nation en ce qui concerne son interpella*
tion sur la caisse des chemins vicinaux,
Feuilleton du RAPPEL
DU 30 DÉCEMBRE
81 '"f';<,"
> LA
GOUTTE-DE SANG
L'INSTITUTRICE
IX (suite)
Mical s'était souvenu d'une recette dont
il avait souvent entendu parler dans son
enfance, et dont usaient les esclaves qui
voulaient par paresse rester à leur case ou
se faire envoyer à l'hôpital. C'était une
sorte de pâté de miel et de farine de maïs
intoxiquée par une faible dose de noix
vomique et d'ergot de seigle. L'ingestion
de cette pâte roulée en pilules produit
momentanément des troubles nerveux et
une fièvre d'apparence pernicieuse faite
pour dérouter les plus habiles médecins.
Ses préparatifs termin6s, il guetta, avec
Reproduction interdite.
Voir le Rappel du 23 septembre au 29 décembre
f
Sicaire, Ms abords du château pour mettre
à profit la première circonstance favorable.
Costumé à souhait pour exciter la pitié, il
se tint caché dans les plants de vignes,
mais comme il se défiait avec raison de la
crédulité de son père, ce n'était pas sur
lui qu'il voulut essayer son rôle d'agoni-
sant.
Certes, il avait de sérieux motifs pour
ne pas faire fonds sur la sympathie d'An-
toinette ; mais il la savait trop généreuse
et pitoyable pour le laisser étendu sur une
grande route sans le secourir. Evidem-
ment elle ne calculerait pas les consé-
quences de sa charité irréfléchie. Et il de-
vina juste. Car les natures perverses jau-
gent très habilement l'humanité des grands
cœurs.
Elle le faisait entrer à Phalaris, c'était
maintenant affaire à lui de s'y maintenir.
Antoinette et Ange trouvèrent M. de
Phalaris chez le docteur. En route, le
comte avait rencontré son fermier qui
venait le prier d'ajourner sa visite au len-
demain, et il avait aussitôt gagné le chalet.
Quand Mlle Biron, encore émue de l'in-
cident, eut raconté ce qui se passait et
ses recommandations à Baricand, le comte
et le docteur échangèrent un regard
chargé d'angoisse.
— Vous avez fait cela! s'écria le doc-
teur en jelant violemment sa calotte de
yelours sur le bureau.
- Auriez-vous donc, mon ami, laissé
mourant sur le chemin, à la porte du (
château de son père, l'héritier des Phala-
ris, si grandes que soient ses fautes?
— Oh! moi!. dit le docteur, sans ache-
ver sa phrase.
Le comte intervint.
- Vous avez noblement compris, made-
moiselle, ce que m'imposait le devoir pa-
ternel, et je vous en suis reconnaissant. Je
ne puis, moi, qu'approuver et admirer votre
générosité. Car vous seule aviez le droit
d'ouvrir les portes de Phalaris à celui qui
vous a si cruellement outragée. Si je m'é-
tais trouvé à votre place, j'aurais donné sans
doute l'ordre de le secourir; mais votre
présence au château m'eût fait une loi de
lui interdire d'en franchir la grille. Je
veillerai, du moins, à ce que vous n'ayez
pas lieu de regretter un jour cette clé-
mence.
Quand le docteur Laguionie pénétra
dans l'appartement où Mical se retrouvait
installé après dix ans d'absence, le ma-
lade, qu'on avait simplement étendu sur
un canapé, avait la pupille dilatée, les
yeux fixes, et les membres présentaient
une rigidité presque cataleptique. Pour
mieux jouer son rôle devant la faculté, le
vicomte, au risque de s'intoxiquer grave-
ment, avait avalé une seconde pilule, et
l'effet avait dépassé ses calculs.
Le cas parut si extraordinaire au doc-
teur qu'il fut pris de défiance. Il avait
fonctionné autrefois dans les conseils de
revision, et avait surpris plus d'une fois
les conscrits en flagrant délit do simula-
tion de maladie. Mais cette fois les symp-
tômes étaient d'une gravité exception-
nelle, et il hésitait à croire que Mical fût
véritablement homme à risquer ainsi sa
vie pour pénétrer au château. Il se pro-
mit, en tout état-de cause, de le surveiller
de près, et s'empressa d'abord de le faire
déshabiller et coucher. Puis, comme il
s'était ménagé à Phalaris un petit labora-
toire, il alla y préparer une potion destinée
à calmer la fièvre nerveuse qui menaçait
de gagner le cerveau. -
Le soir, on vint annoncer au comte
qu'un homme était là très effaré, l'air
bouleversé, qui avait demandé si on pou-
vait lui donner des nouvelles de Mical, et,
qui,en apprenant qu'on Pavait recueilli au
château, avait affirmé aussitôt qu'il fallait
absolument qu'il pût parler à M. de Pha-
laris sans retard.
C'était Sicaire. Le comte le fit conduire
'sur la terrasse. Il avait deviné qui ce pou-
vait être, et pensa qu'il allait lui débiter
quelque boniment préparé d'avance. Mais
Jean-Robert était un comédien consommé
et parla si bien que M. de Phalaris, ne
sachant plus s'il devait mettre en doute sa
sincérité et son dévouement à Mical, finit
par l'autoriser à rester pour soigner son
maître.
Sicaire avait raconté le duel du Havre,
que le comte n'avait jusque là connu
qu'indirectement. Mais il était trop ha-
bile pour accuser Jeanselme, et il ne con-
testa pas sa loyauté dans le combat. Il in-
sista seulement sur les graves conséquen-
ces de cette rencontre. Mical, selon lui,
avait vu la mort de si près qu'une trans-
formation complète s'était opérée en lui :
il avait dépouillé le vieil homme et com-
pris l'immensité de ses fautes. L'orgueil
avait cédé la place au remords, et, dans sa
conscience affaiblie, il n'y avait plus que
le désir maniaque d'obtenir le pardon de
ceux qu'il avait offensés. En dehors de
cette idée fixe, tout l'obsédait. Aussi, de-
puis sa guéris on, avait-il si mal géré ses
affaires que ses dernières ressources s'é-
taient épuisées sans qu'il s'en préoc-
cupât.
Pourtant, du jour oit il se trouva réduit à
vivre à l'hôtel, comme ces vagabonds du
monde interlope dont il s'était si fort mo-
qué jadis, une grande irritation nerveuse
avait enflammé son cerveau. Il avait passé
par des accès de misanthropie si noire que
Sicaire avait pris pesr pour sa raison.
Mais toujours l'idée d'aller à Phalaris
demander à son père grâce et pardon
revenait dans ses divagations. EnGn, deux
jours auparavant, Mical avait fait preuve
d'une telle incohérence dans ses propos
que Sicaire avait cru devoir courir à la
recherche du docteur qui l'avait soigné
après le duel ; mais, à son retour, le vi-
comte avait disparu. Il s'était mis aussitôt
à sa recherche, et, après avoir acquis la
certitude que son maître avait proftté de
son absence pour quitter Paris et mettre
à exécution son idée fixe, il l'aval alors
sùivi à la piste, comptant bien le retrouver
à Phalaris.
L'état bizarre constaté par le docteur
Laguionie chez le malade rendait la ver-
sion de Sicaire plausible et vraisemblable.
M. de Phalaris n'ayant pas les preuves du
contraire fit mine de tout accepter. Mais
il prit ses mesures pour organiser le ser-
vice des gens chargés de veiller Mical et
de surveiller Sicaire. On agirait ensuite
d'après l'avis motivé du docteur. Mais le
comte était bien résolu, la guérison ob-
tenue, à s'imposer, s'il était besoin, un
gros sacrifice d'argent pour que Mical
sortît de Phalaris et allât le plus loin pos-
sible, en Algérie, en Egypte ou en Syrie,
achever sa convalescence vraie ou feinte.
Quant à lui permettre de séjourner au
château, sa conversion fûl-elle des mieux
démontrées, jamais il n'y consentirait. Un
passé comme celui de Mical peut quelque-
fois s'absoudre, mais non pas s'oublier.
Sur ce point, il était entièrement d'accord
avec le docteur, qui ne songeait qu'à dé-
barrasser Phalaris de cet hôte suspect et
dangereux.
v,gflURICE DRACftr
(A ~u~
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