Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1883-07-29
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 29 juillet 1883 29 juillet 1883
Description : 1883/07/29 (N4888). 1883/07/29 (N4888).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/11/2012
1, !
Kc 4 £ t8 & Dimanche M Juillet 1883 l
ADMINISTRATION
SB. HUE DE VALOIS * l*
ABONNEMENTS
PARIS
ÏTroismois. iO »
SixmoÍs.20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 135#|,^T
Sixmois 2^jk-aV
'.Ailressel' lettres et mandats -
à M. ERNEST LEFÈVRE
G&MM
Imm
",
BÉDACTIOH
S'adresser an. Secrétaire cle la Rétiaction.
De e à 6 heures du soir
18, HUE DE VALOXS, 18
-
: manuscrits noainséresne seront]? as repeins
ANNONCES
v am. Ch. 1AGRMGE, CERF et CO
'- C, place de la Bourse, 6
m SÉMINARISTES SOLDATS
Une pétition épiscopale demande au
Sénat belge d-e casser le vote par le-
quel la Chambre des députés a, le
26 juin dernier, astreint au service mi-
litaire, comme tout le monde, les élèves
de théologie et de philosophie qui se
destinent à l'état ecclésiastique. Les
arguments des évêques belges sont ceux
qui n'ont pas empêché les évêques fran-
çais de perdre la même cause.
Il y a un principe auquel la société
moderne attache quelque importance :
le principe de l'égalité. Par exemple, il
est entendu que tous les Français sont
égaux devant l'impôt. S'il y a un impôt
devant lequel l'égalité soit plus pré-
cieuse que devant les autres, c'est l'im-
pôt du sang. Pendant trop longtemps,
les paùvres seuls l'ont payé, les riches
remplaçaient leur sang par de l'argent.
La République a jugé que le sang du pau-
vre valait le sang du riche, et a dit que
dorénavant, indigents ou millionnaires,
tous les Français sans exception iraient
sous le drapeau. Tous les Français? les
séminaristes aussi? Sans doute. Est-ce
que les séminaristes ne sont pas Fran-
çais ? Est-ce qu'ils ne s'indignent lors-
qu'on dit le contraire ? Eh bien ! mes-
sieurs les séminaristes, vous serez
traités en Français; tous les Français
vont être soldats, vous serez soldats.
Vous serez soldats en France. Vous
ëerez soldats en Belgique. Sur quoi, les
journaux catholiques de Belgique s'indi-
gnent, comme se sont indignés il y a
deux ans les journaux catholiques de
France. Mais c'est la mort du clergé !
Mais il n'y aura plus de recrutement
ecclésiastique possible ! Mais personne
ne voudra plus être curé ! Mais il vaut
autant fermer tout de suite toutes les
églises !
A la place des journaux de sacristie,
je modérerais cet aveu.
Je m'étais plu à croire que les jeunes
gens qui se faisaient prêtres le faisaient
par vocation irrésistible et par convic-
tion inébranlable; qu'ils croyaient éper-
dument à tout ce qu'on lit dans la
Bible et dans les Evangiles; qu'ils
étaient persuadés qu'Adam a été chassé
du paradis et nous a tous damnés
jpoisr avoir mangé une pomme, que
ÎJosué a arrêté le soleil, que Jonas a
logé dans une baleine, que Jésus, pour
purger un possédé d'une légion de dé-
mons, a fait passer cette légion dans des
cochons qui se sont empressés de se jeter
dans un lac et de s'y noyer, que non-
seulement la mère de Jésus mais la
mère de sa mère est immaculée après
pas mal de couches, que le pape est
infaillible, que l'eau de Lourdes fait
repousser les jambes coupées et res-
suscite les morts, etc., etc. Je m'étais
plu à croire que c'était la foi absolue
4 toutes ces choses et à toutes les cho-
ses analogues qui précipitait tant de
jeunes campagnards vers la tonsure. *,
Et voilà que les journaux de sacristie
prétendent en Belgique ce qu'ils ont
prétendu en France., que, silessémi"
naristes sont astreints à un an de ser-
vice militaire, la résurrection des morts
par l'eau de Lourdes, l'infaillibilité du
pape, l'immaculée conception, les dé-
mons dans les cochons, Jonas dans la
baleine, l'obéissance du soleil à Josué,
l'humanité condamnée à rôtir éternel-
lement parce qu'Adam a mangé une
pomme et se rachetant en crucifiant
Dieu, à l'instant même toutes ces
grandes vérités cessent d'exister pour
les séminaristes!
Mais alors je ne vais plus savoir quoi
répondre à ceux qui disaient que ce
n'était pas la conviction qui tonsurait
les jeunes campagnards, mais l'exemp-
tion du service, et qu'on se faisait prê-
tre infiniment moins par vocation que
par lâcheté.
Il y a eu de jeunes campagnards qui
ont poussé l'appréhension des coups de
fusil jusqu'à se couper un doigt pour
éeh ipper à la conscription. On n'a rien
à se couper lorsqu'on se fait prêtre. Il
suffit d'une mutilation morale, le cé-
libat.
Est-ce donc le même sentiment qui
fait que les uns se mutilent au physi-
que et les autres au moral? La pétition
des évêques belges n'est pas une raison
de ne pas le croire.
Lorsque Balzac fit jouer à l'Odéon
les Ressources de Quinola, il crut que
Paris allait s'arracher les billets. Il
acheta la salle au directeur et, pour
avoir plus de places à revendre, sup-
prima, à la première représentation, le
privilège de la critique. Les journa-
listes durent payer leur loge ou leur
stalle absolument comme le pre -
mier venu. Les journalistes prirent
cette innovation sans enthousiasme.
Balzac, qui avait des côtés d'enfant, en
exprima dans sa préface une profonde
surprise. Il s'était attendu, disait-il, à
être remercié par ceux « qu'il avait
élevés à la dignité de spectateurs
payants ». Aucun de nos lecteurs ne
sera profondément surpris que la re-
connaissance des journalistes pour l'au-
teur qui les avait élevés à la dignité de
spectateurs payants soit, en Belgique
comme en France, celle des séminaris-
tes pour la loi qui les élève à la dignité
de patriotes.
Personne ne s'était attendu à enten-
dre l'Eglise s'écrier : — « Merci, mon
Dieu! Nous allons donc, nous aussi, dé-
fendre notre pays, si on l'attaque. Mou-
rir pour la patrie, c'est le sort le plus
beau, le plus digne d'envie. On nous
outrageait en nous refusant ce qu'on
accorde à tous. Sommes-nous infirmes
ou indignes? Ah! quel plaisir d'être
soldat! (ter.) » Non, personne us s'at-
tendait à cela. Mais ce à quoi l'on s'at-
tendait est dépassé par la franchisa
avec laquelle, en Belgique comme en
France, en monarchie comme en Répu-
blique, les évêques confessent publi-
quement que l'obligation du service est
l'impossibilité du recrutement clérical
et qu'à l'instant de se faire séminariste,
si ça n'exempte pas de servir la patrie,
tous diront :
- Nous voulions bien être curés
pour ne pas être soldats, mais, du mo-
ment que ça ne nous préserve plus. des
boulets et des balles, le jeu n'en vaut
pas le cierge !
AUGUSTE VACQUBRÏE.
———-————— ♦ -
A LA CHAMBRE
La première des conventions conclues
avec les compagnies de chemins de fer,
celle qui concerne le Paris-Lyon-Médi-
terranée, que la Chambre discute depuis
plusieurs jours, a été votée, hier, à la
majorité de 347 voix contre 134.
Ce vote a été précédé du rejet d'un
grand nombre d'amendements visant
des questions fort diverses. Un seul
débat de quelque importance s'est en-
gagé sur la proposition de M. Rousseau,
renvoyée la veille à la commission, et
sur l'amendement de M. Raspail, éga-
lement relatif aux incompatibilités, et
qui avait été primitivement accepté par
la commission.
Au nom de cette commission, M.
Rouvier a été chargé de déclarer que la
portée de l'amendement Raspail n'a-
vait pas tout d'abord été saisie, et qu'il
convenait de laisser à une loi d'ensem-
ble, dont M. Roque (de Fillol) a pris l'i-
nitiative, le soin de régler les incom-
patibilités. La commission était donc
d'avis de supprimer l'article, ce qui
rendait tous les amendements inutiles,
celui de M. Rousseau comme celui de
M. Raspail, amendements qui avaient
l'inconvénient de toucher à la loi élec-
torale de l'autre Assemblée, et, par
suite, de n'être pas constitutionnels.
Cette thèse, présentée au nom de la
commission, a été combattue par le
président de la Chambre, qui a fait
observer que plusieurs fois déjà le
Sénat avait accepté, sans réclamation,
des articles de loi établissant certaines
incompatibilités pouvant l'atteindre. La
discussion s'est alors engagée sur l'a-
mendemerit de M. Rousseau auquel le
gouvernement s'était rallié et qui était
ainsi conçu :
« Tout député ou sénateur qui, au
cours de son mandat, acceptera les
fonctions d'administrateur d'une com-
pagnie de chemins de fer, sera, par ce
seul fait, considéré comme démission-
naire et soumis à la réélection. »
Au moment où le président mettait
aux voix cet amendement, M. Roque
(de Fillol), avec un grand à-propos, et
malgré les cris qui essayaient de cou-
vrir sa voix, a demandé la division, en
arrêtant la rédaction à. ces mots : « Et
soumis à la réélection. » A une im-
mense majorité, la première partie de
l'amendement a été acceptée. Sur le
dernier membre de phrase, le vote a
donné lieu à un pointage et c'est seule-
ment à la faible majorité de 224 voix
contre 219 que cette addition a été ac-
ceptée. M. Raspail a présenté la dispo-
sition additionnelle suivante : -
« Les dispositions précédentes sont
applicables à tout sénateur ou député
actuellement administrateur d'une com-
pagnie de chemins de fer. »
M. Jolibois, qui avait d'abord ré-
clamé la question préalable, s'est borné
ensuite à combattre la disposition pré-
sentée par M. Raspail. La Chambre,
par 283 voix contre 134, lui a donné
gain de cause.
On voit que, sur la question du
cumul et des incompatibilités, la Cham-
bre, qui, il y a. quelque temps, parais-
sait fort résolue, s'est montrée hier
hésitante et réservée. L'explication de
cette défaillance se trouverait peut-être
dans le désir de certains membres de
voter une loi générale sur la matière. Il
est d'ailleurs à remarquer que, la même
question s'étant présentée au Sénat,
dans cette même journée, le président
du conseil a promis d'apporter un pro-
jet de loi réglant toutes les incompati-
bilités.
A. GVOLÏER.
———————— .————————
Au Sénat, la séance s'est ouverte par
quelques mots du président, qui a annoncé
la mort de M. Daussel ; puis on s'est re-
mis à la discussion de la réforme judi-
ciaire. L'article 14 a seul donné lieu à un
petit débat. Il est ainsi conçu :
Les fonctions de l'ordre judiciaire sont in-
compatibles avec te mandat de sénateur et
celui de député.
Cette disposition n'est pas applicable aux
juges suppléants des tribunaux de première
instance et des justices de paix.
Seront considérés comme avant opté pour
leur mandat législatif, les magistrats qui,
ayant été élus membres de l'une des deux
Chambres, n'auront pas fait leur option dans
le mois qui suivra la vérification de leurs pou-
voirs.
L'art. 10 dè la loi du 30 novembre 1875,
concernant la Chambre des députés, sera ap-
plicable à l'avenir aux magistrats qui seront
élus membres du Sénat et 0 qui auront opté
pour le mandat législatif.
M. Eugène Pelletan et M. Jules Ferry
se sont trouvés d'accord pour inviter le
Sénat à rejeter cet article, en attendant
la loi sur la matière. L'article a été re-
poussé, bien entendu.
On en est venu alors à l'article 15 qui,
au dire du rapporteur, est toute la loi, et
qui autorise pendant trois mois le garde
des sceaux à procéder par élimination sur
l'ensemble du personnel. M. Lacaze, et
après lui M. Gouin, ont pris la parole
contre cette disposition. M. Lacaze, en
faisant appel aux sentiments à la fois iibé-
raux et républicains de ses ancien s amis
du centre gauche, a obtenu un assez grand
succès. La discussion se terminera aujour-
d'hui, très probablement, par le rejet de
l'article 15, ce dont nous n'aurions qu'un
regret très modéré.
A. G.
COULISSES DES CHAMBRES
Le mouvement contre le cumul du man-
dat législatif ou sénatorial avec le mandat
de conseiller général commence à s'accen-
tuer.
Il y a déjà six sénateurs et cinq dé-
putés qui renoncent à demander aux élec-
teurs, le 12 août prochain, le renouvelle-
ment de leur mandat de conseiller géné-
ral.
Les sénateurs sont MM. de Freycinet
(Tarn-et-Garonne), le général Dubois-
Fresney (Mayenne), Dutilleul (Nord),RigaL
(Tarn), Thurel (Jura) de la gauche et M.
Tailhand (Ardèche) de la droite.
Les députés sont MM. Rocçp^t (Allier),
Boissy d'Anglas (Ardèche>f Joignea»* *
(Côte-d'Or), Louis Guillo> (Isère) et 'àieiiè-
vre (Jura), tous réPubl;
iCains.
De nouveaux désistements vont encore
se produire d ici ù. quelles jours.
L'unio,a « républicaine du Sénat s'est réu-
nie hDier pour discuter les conclusions du
rap;pojft de M. Tolain su.? la revision de la
constitution que nous avons fait connaître
iiier.
Le débat s'est engagé par un discours de
M. Eugène Pelletan contre ces conclu-
sions, puis la suite a été renvoyée à au-
jourd'hui, par suite de la nécessité d'as-
sister à la séance du Sénat, qui venait de
s'ouvrir.
Une question préjudicielle a été posée,
celle de savoir si. le rapport de M. Tolain
serait livré à la publicité. Après une dis-
cussion assez vive, le groupe, par 20 voix
contre 7, s'est prononcé contre la publi-
cation de ce document.
—o—
M. Daussel, sénateur monarchiste de la
Dordogne, est décédé hier. Il y a lieu de
remarquer que des trois sénateurs de ce
département datant de l'origine du Sénat,
c'est-à-dire du 30 janvier 1876, M. Daussel
était le seul qui survécût. Les deux au-
tres, MM. Magne et Paul Dupont, sont
morts il y a deux ans. Il en résulte que la
représentation sénatoriale de la Dordogne
aura été tout entière renouvelée.
Le département de la Dordogne ayant
trois sénateurs, il ne pourra pas être
pourvu au remplacement de M. Daussel
avant le renouvellement sénatorial de jan-
vier 1885, à moins que d'ici-là une nou-
velle vacance ne vienne à se produire dans
les deux autres sièges. Or, cette éven-
tualité pourrait bien se présenter prochai-
uement.
La Chambre, en effet, a voté hier un
article additionnel aux conventions, por-
tant que tout député ou sénateur nommé
administrateur d'une compagnie de che-
mins de fer sera considéré comme dé-
missionnaire et devra se soumettre à la
réélection. Or M. de Fourtou, séna-
teur de la Dordogne, est l'un des ad-
mistrateurs de la compagnie d'Orléans. Si
la clause votée par la Chambre est, com-
me cela est probable, adoptée par le Sénat,
la vacance du siège de M. de Fourtou se
produira et alors on devra pourvoir, à la
fois, à la vacance de ce siège et à celle
du siège de M. Daussel.
La Chambre ayant voté hier la. conven-
tion de Paris-Lyon discutera aujourd'hui
la convention d'Orléans. Il faudra environ
trois séances pour épuiser ce débat. Outre
la discussion générale, il y aura à exami-
ner 28 amendements.
Le gouvernement avait eu l'intention
hier de demander qu'il y ait séance de
nuit; mais il y a renoncé après réflexion.
Il y a lieu de considérer, en effet, que la
plupart des amendements de principe qui
ont été discutés à propos de la convention
d'Orléans et qui s'appliquaient à toutes les
conventions également, ayant été repous-
sés par la Chambre, ne se reproduiront
plus.
Le débat sera donc simplifié. Une fois
la convention d'Orléans terminée, la dis-
cussion des quatre autres conventions s'a-
chèvera rapidement, car les amendements
particuliers à ces conventions sont très
peu nombreux.
Les séances de nuit ne pourraient être
faites que pour le cas où la Chambre vou -
drait pouvoir se séparer avant la fin de la
semaine prochaine.
■" » ■ ■ 1 mmmmmmrnmt*
LES LOGEMENTS OFFICIELS
Il existe une commission des ^«ements
.officiels qu'il ne faut pas c^nfongre avec
celle des logements msai;a5reSf étant don..
née l'ardeur avec Ip- ielle on se les dis-
pute. Ladi t -
pute. Ladivô C()J:J.lmission a constaté avec
stupeiir ):;n véritable envahissement. On a
beau choisir des ministres célibataires,
yp*jfs ou orphelins, au moment de leur
entrée en fonctions on leur découvre tout
à coup un essaim de cousins de Bretagne
et d'oncles d'Amérique désireux de voir la
capitale à bon compte et qu'on est bien
obligé de caser. Après les ministres, c'est
le tour des sous-secrétaires d'Etat. Ce
n'est pas qu'ils tiennent à l'hospitalité
officielle, mais la question de logement
est pour eux une question de dignité. Puis
viennent les chefs de cabinet et les direc-
teurs de service, gens indispensables qu'il
est bon que le ministre et son adjudant
aient sous la main. Mais ceux-ci ont éga-
lement besoin d'avoir leurs auxiliaires à
portée. Le chef ne peut se passer du sous-
chef, le sous-chef du commis principal ; il
n'y a pas de raison pour s'arrêter en si
bon chemin et ne pas loger tout le minis-
tère, depuis le ministre jusqu'au dernier
aspirant au surnumérariat. Là est l'expli-
cation de cette apparente anomalie, à sa-
voir que les ministères n'ont jamais été
plus petits et plus incommodes que de-
puis qu'on s'est mis à les agrandir.
La commission a tranché dans le vif et
a décidé qu'à l'avenir les ministres seuls se-
raient logés; il est permis de croire qu'elle
n'a maintenu aux secrétaires d'Etat leur
privilège que pour leur fournir la gloire
d'y renoncer.
Nous avons emprunté aux Anglais, de-
puis tantôt un siècle, pas mal de modes
plus ou moins grotesques. Nous leur de-
vons présentement le tir aux pigeons, le
law-tennis, les pardessus trop courts et
les souliers trop longs. Nous leur avons
laissé par contre une habitude excellente,
celle qui veut que les ministres conservent
leur domicile personnel et continuent à
vivre autant que possible en simples par-
ticuliers. Il est de bon goût pour un mi-
nistre de la reine d'aller à son ministère
comme un employé va à son bureau et de..-
se considérer dans les dîners ou récep-
tions officielles comme un invité ou un
passant.
Et pas n'est besoin d'aller en Angleterre.
Chez nous-mêmes, il existe ûes précédents.
Nommé directeur, Rêveillère - Lépaux,
homme fort intelligent et trop peu connu,
refusa absolument d'échanger contre les
lambris du Luxembourg son modeste ap-
partement de garçon ; et pour s'offusquer
de cette simplicité vraiment républicaine,
il n'y eut que les imbéciles et Bonaparte*
Il avait peut-être trouvé le vrai remède
contre l'ivresse du triomphe et l'amertume
du départ.
Il y a de grands effets qui dérivent de
petites causes. A preuve le Verre d'eau, de
feu Scribe, également auteur d'un Ber-
trand et Raton. que l'administrateur du
Théâtre-Français a été accusé de vouloir
reprendre.
Un homme qui a laissé dans l'Eure la ré-
putation d'un préfet drôle disait à la femme
d'un de ses successeurs : « Hé! hé! ma-
dame, n'est-ce pas qu'on n'est pas trop
mal dans mon lit? » Le fait est que certai*
nés alcôves ministérielles doivent être
singulièrement hantées et qu'il doit vous -'
venir à certaines tables des pensées .oie
zarres. Si l'action du milieu, au ^',re
physiologistes, peut faire d'ur, un
reptile, et un mammif^.g d'un oiseau,
comment s étonner des évolutions de
M. X.-etd^g avatars de M. Z.? Il y a
une soft^, de contagion ministérielle com-
me )1. y--a une pestilence d'hôpital. La seule
'!*;ifé,-,,-ence est que celle-ci tue les malades,
tandis que l'autre n'est funeste qu'aux
promesses, aux professions de foi et aux
bonnes intentions.
FRÉDÉRIC MONTÀRGIS.
————————— a. —————-———
LES ON-DIT
Le président du conseil municipal a li^'
hier, à l'ouverture de la séance, la lettre
suivante :
Monsieur le président, ,
Il n'est pas possible que Paris, la ville de
l'avenir, renonce,à la preuve vivante qu'elle a
été la ville du passé. Le passé amène l'avenir.'
Les Arènes sont l'antique marque de la grande.
ville. Elles sont un monument unique. Le
conseil municipal qui les détruirait se détruit
rait en quelque sorte lui-même. Conservez les
Arènes de Lutèce. Conservez-les à tout prix?
Vous ferez une action utile, et, ce qui vaut"
mieux, vous donnerez un grand exemple, le"
vous serre les mains*
VICTOR HUGO,
Feuilleton du RAPPEL
DU 29 JUILLET
36
LA VIE EN L'AIR
DEUXIÈME PARTIE
Il (swîVe)
A mesure que son^frère parlait, Juliette
sentait son humiliation s'évanouir, sa
peine fondre et son gentil visage s'éclai-
rait d'une expression reconnaissante ai-*
h rendait infiniment jolie.
f Pourtant elle n'avait pas to^ 1a; mai8
la présenped HenrI, dont ^VV'avisait trop
tard, l'intimidait m amenant.
- Je m en va*j^ îft celui-ci d'une voix
légèrement altérée. celui-ci d'une voix
Son sourire avait je ne sais quoi de
o~e, ses mouvements une gaucherie em-
barrassée, qui trahissait de l'émotion.
Reproduction et traduction interdites.
Voir le Rappel du 17 juin m n juiltel.
— Non, dit Paul en le retenant. Nous
n'avons rien à vous cacher, Henri.
Paul obéissait à une vague arrière-pen-
sée en agissant ainsi. Un instinct craintif
ui faisait pénétrer les sentiments de celui
qui se disait son élève ; il pressentait, de
même, le penchant inconscient de sa sœur
et il pensait que ce qui survenait était de
nature à dissiper les rêvasseries éphé-
mères au charme desquelles l'un et l'autre
avaient pu se laisser entraîner.
Ce qu'ajouta la pensionnaire n'avait rie;^,
du reste, de mystérieux. Cela portai Vr-n;
quement sur l'intervention de MI] -
de Féverolles. ,/" ..: > <
A plus d'un sujet, Sut^k lieu de
regretter l'incident.T^ déconfite qu'elle„
fût en ses esperan.-~ céder son 6la-
blissement,à de céder son éta-
5 -*05 de céder son éta-
exagéré, à la fille de
Léa, mariée par ses soins, elle oubliait sa
111 présence du tort que lui cau-
sait la retraite de la jeune fille. Par toutes
sortes de biais, et ne fût-ce que pour ga-
gner du temps, elle avait essayé de la re-
tenir, après la scène de rabbé. Mlle de
Féverolles avait parlé de sa responsabi-
lité, du pouvoir à elle délégué, de rete-
nir son élève jusqu'à ce que sa mère vînt
la reprendre. s'il y avait lieu. Mademoi.
selle disait qu'elle allait en écrire à Paul,
ajoutant qu'on ne pouvait se séparer sur
cet incident; qu'avec la moindre manifes-
tation de déférence à M. l'abbé, ce pasteur
pardonnerait l'acte de révolte, le manque-
ment, si l'on veut, auquel l'enfant s'était
oubliée à son égard, et que,. i!e cejte
çon, tout cela serait Dublié -ip"
Mais Juliette n'avait V £ mj,a en.
tendre.
- je pars, avaif
vous semble' e^V'6 dit. Privez, si bon
vous semble, e~ qui il ^ous plaira. Pour
moi, ? - resterai ras un moment de
plus, à moins d'être retenue de force; en-
core bien que s'il faut me sauver, je ne re-
u-iûTTai devant aucune défense, devant au-
cJUn obstacle matériel.
Une insurgée positivement; une fille
capable de provoquer du bruit, d'attirer
l'intervention de personnes tierces, de la
police, peut-être!
— Quant à exprimer un semblant de re-
gret à l'abbé, dit-elle délibérément, il n'y
faut pas compter. M'apportàt-il des ex-
cuses, ce serait la même chose. Je le mé-
prise et ne veux plus jamais le voir ni
l'entendre.
Là-dessus, Juliette, montant à sa cham-
brette, s'était coiffée de son chapeau, avait
jeté un mantelet sur ses épaules, puis, ga-
gnant la loge de la concierge, avait tiré le
cordon et était partie, poursuivie tardive-
ment par mademoiselle, qui se réduisait à
prendre acte d'une insubordination qu'elle
qualifiait avec véhémence.
— Encore une fois, tu as bien fait, ré-
péta Paul. Installe-toi ici ; le voilà redeve-
nue « la bourgeoise » comme à Veules.
J'informerai maman en te.7iPs utile de ton
changement de condition. Soi* en paix et
Moquons-nous du reste; puisqu'aiissi bien
nous sommes dans une situation particu-
lière et que nous ne dépendons de per-
sonne.
Contre toute attente, Juliette, sous l'em-
pire de la détente des nerfs, éprouva une
sorte d'étourdissement et tombant sur un
siège, cachant son visage de ses mains, elle
pleura à chaudes larmes, comme un bébé
affligé.
Quelle cause à cette faiblesse subite? On
ne savait. Elle l'ignorait elle-même. Réac-
tion du système nerveux trop ébranlé
peut-être. Qui pourrait dire sûrement à
quelles impulsions cède une jeune fille,
qu'une série d'émotions a trop vivement
secouée. Son cœur avait éclaté malgré
elle, en croisant le regard d'Henri. Qu'en
induire? S'en fût-elle rendu compte,
qu'elle eût résisté plus que jamais à se
l'avouer.
Le calme revenu, Henri prit prétexte de
se retirer. Dehors seulement, son trouble
profond se manifesta tout entier à lui-
même. Il s'en défendit d'autant moins
qu'il en ressentait un charme poignant,
inexplicable. Ce que sa fiancée lui avait
dit autrefois à Veules, au sujet de cette
jeune fille, lui revenait en mémoire.
« Si j'étais homme et qu'elle m'aimât,
avait répété Gabrielle, assurément oui, je
ne m'arrêterais ni à ses origines, ni à ses
*
attaches et je trouverais Cjî^vgtleresque
d'unir ma destinée à la sienne! »
Longtemps la tendance latente, eui
couvait en lui, à demander Juliette eib.
mariage, l'avait presque effrayé. Mainte-
nant, il envisageait cette idée de sang-
froid. Il cherchait les obstacles, il les exa-
minait. Quels qu'ils fussent, il les trouvait
légers, en comparaison du but supérienr
à atteindre ; supérieur en cela, qu'en con-
formité d'impression avec Gabrielle, le
côté chevaleresque, romanesque, si l'on
veut, idéal, de son vouloir, lui apparais-
sait clairement.
Cependant, et Gabrielle elle-même?.
Une question de sentiment s'élevait à son
sujet. Ils avaient beau, l'un et l'autre, ma-
nifester peu d'empressement à se rendre
au désir de leurs parents, il n'y en avait
pas moins engagement tacite, promesse à
échéance, indéterminée, sans doute, mais
formelle, à tout prendre. En lui tenant le
langage qu'il se plaisait à se rappeler, à
cet instant, la petite-fille de Mme Phortin
pensait-elle précisément à la sœur de
Paul, ou parlait-elle par hypothèse géné-
rale, indéfinie? La délicatesse d'Henri avait
à tenir compte de sa situation envers l'or-
pheline. On ne s'aimait que d'amitié, soit,
mais Gabrielle faisait peut-être fond sur
cette amitié ; peut-être suffisait-elle à ce
qu'elle eût fixé son avenir là-dessus. N'y
aurait-il pas mécompte pour elle, trahison
de sa part, à lui, s'il épousait une autre
femme?
Mais au fait, n'y avait-il pas excès de
scrupule à se le demander? Il sentait que
la petite-fille de Mme Phortin était au-
dessus des susceptibilités d'amour-grogre^
de vanité féminine. Trop de grandeur d'eÇ
prit en Gabrielle pour se sentir atteinté;
Au surplus, il était bien sûr de ne point
la froisser en s'expliquant loyalement avec
elle. j
Autrement difficiles à ménager les sum
ceptibilités de Jupette ! Autrefois, soit ejt|
core! (
Mais ce qui venait de se passer entre.
elle et l'abbé devait porter ses fruits, la
rendre extrêmement ombrageuse désorî
mais.
Si jamais elle supposait, ombre de comî
misération dans les intentions d'Henry
tout serait perdu;
Comment savoir si elle serait sensible i
la recherche, à l'amour de l'ami de so^
frère?
- Je vous le dirai, moi ! répondit sponi
tanément Gabrielle, quand Henri lui oy
vrit son cœur.
ÉDOUAIt DUAD2L
)~
Kc 4 £ t8 & Dimanche M Juillet 1883 l
ADMINISTRATION
SB. HUE DE VALOIS * l*
ABONNEMENTS
PARIS
ÏTroismois. iO »
SixmoÍs.20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 135#|,^T
Sixmois 2^jk-aV
'.Ailressel' lettres et mandats -
à M. ERNEST LEFÈVRE
G&MM
Imm
",
BÉDACTIOH
S'adresser an. Secrétaire cle la Rétiaction.
De e à 6 heures du soir
18, HUE DE VALOXS, 18
-
: manuscrits noainséresne seront]? as repeins
ANNONCES
v am. Ch. 1AGRMGE, CERF et CO
'- C, place de la Bourse, 6
m SÉMINARISTES SOLDATS
Une pétition épiscopale demande au
Sénat belge d-e casser le vote par le-
quel la Chambre des députés a, le
26 juin dernier, astreint au service mi-
litaire, comme tout le monde, les élèves
de théologie et de philosophie qui se
destinent à l'état ecclésiastique. Les
arguments des évêques belges sont ceux
qui n'ont pas empêché les évêques fran-
çais de perdre la même cause.
Il y a un principe auquel la société
moderne attache quelque importance :
le principe de l'égalité. Par exemple, il
est entendu que tous les Français sont
égaux devant l'impôt. S'il y a un impôt
devant lequel l'égalité soit plus pré-
cieuse que devant les autres, c'est l'im-
pôt du sang. Pendant trop longtemps,
les paùvres seuls l'ont payé, les riches
remplaçaient leur sang par de l'argent.
La République a jugé que le sang du pau-
vre valait le sang du riche, et a dit que
dorénavant, indigents ou millionnaires,
tous les Français sans exception iraient
sous le drapeau. Tous les Français? les
séminaristes aussi? Sans doute. Est-ce
que les séminaristes ne sont pas Fran-
çais ? Est-ce qu'ils ne s'indignent lors-
qu'on dit le contraire ? Eh bien ! mes-
sieurs les séminaristes, vous serez
traités en Français; tous les Français
vont être soldats, vous serez soldats.
Vous serez soldats en France. Vous
ëerez soldats en Belgique. Sur quoi, les
journaux catholiques de Belgique s'indi-
gnent, comme se sont indignés il y a
deux ans les journaux catholiques de
France. Mais c'est la mort du clergé !
Mais il n'y aura plus de recrutement
ecclésiastique possible ! Mais personne
ne voudra plus être curé ! Mais il vaut
autant fermer tout de suite toutes les
églises !
A la place des journaux de sacristie,
je modérerais cet aveu.
Je m'étais plu à croire que les jeunes
gens qui se faisaient prêtres le faisaient
par vocation irrésistible et par convic-
tion inébranlable; qu'ils croyaient éper-
dument à tout ce qu'on lit dans la
Bible et dans les Evangiles; qu'ils
étaient persuadés qu'Adam a été chassé
du paradis et nous a tous damnés
jpoisr avoir mangé une pomme, que
ÎJosué a arrêté le soleil, que Jonas a
logé dans une baleine, que Jésus, pour
purger un possédé d'une légion de dé-
mons, a fait passer cette légion dans des
cochons qui se sont empressés de se jeter
dans un lac et de s'y noyer, que non-
seulement la mère de Jésus mais la
mère de sa mère est immaculée après
pas mal de couches, que le pape est
infaillible, que l'eau de Lourdes fait
repousser les jambes coupées et res-
suscite les morts, etc., etc. Je m'étais
plu à croire que c'était la foi absolue
4 toutes ces choses et à toutes les cho-
ses analogues qui précipitait tant de
jeunes campagnards vers la tonsure. *,
Et voilà que les journaux de sacristie
prétendent en Belgique ce qu'ils ont
prétendu en France., que, silessémi"
naristes sont astreints à un an de ser-
vice militaire, la résurrection des morts
par l'eau de Lourdes, l'infaillibilité du
pape, l'immaculée conception, les dé-
mons dans les cochons, Jonas dans la
baleine, l'obéissance du soleil à Josué,
l'humanité condamnée à rôtir éternel-
lement parce qu'Adam a mangé une
pomme et se rachetant en crucifiant
Dieu, à l'instant même toutes ces
grandes vérités cessent d'exister pour
les séminaristes!
Mais alors je ne vais plus savoir quoi
répondre à ceux qui disaient que ce
n'était pas la conviction qui tonsurait
les jeunes campagnards, mais l'exemp-
tion du service, et qu'on se faisait prê-
tre infiniment moins par vocation que
par lâcheté.
Il y a eu de jeunes campagnards qui
ont poussé l'appréhension des coups de
fusil jusqu'à se couper un doigt pour
éeh ipper à la conscription. On n'a rien
à se couper lorsqu'on se fait prêtre. Il
suffit d'une mutilation morale, le cé-
libat.
Est-ce donc le même sentiment qui
fait que les uns se mutilent au physi-
que et les autres au moral? La pétition
des évêques belges n'est pas une raison
de ne pas le croire.
Lorsque Balzac fit jouer à l'Odéon
les Ressources de Quinola, il crut que
Paris allait s'arracher les billets. Il
acheta la salle au directeur et, pour
avoir plus de places à revendre, sup-
prima, à la première représentation, le
privilège de la critique. Les journa-
listes durent payer leur loge ou leur
stalle absolument comme le pre -
mier venu. Les journalistes prirent
cette innovation sans enthousiasme.
Balzac, qui avait des côtés d'enfant, en
exprima dans sa préface une profonde
surprise. Il s'était attendu, disait-il, à
être remercié par ceux « qu'il avait
élevés à la dignité de spectateurs
payants ». Aucun de nos lecteurs ne
sera profondément surpris que la re-
connaissance des journalistes pour l'au-
teur qui les avait élevés à la dignité de
spectateurs payants soit, en Belgique
comme en France, celle des séminaris-
tes pour la loi qui les élève à la dignité
de patriotes.
Personne ne s'était attendu à enten-
dre l'Eglise s'écrier : — « Merci, mon
Dieu! Nous allons donc, nous aussi, dé-
fendre notre pays, si on l'attaque. Mou-
rir pour la patrie, c'est le sort le plus
beau, le plus digne d'envie. On nous
outrageait en nous refusant ce qu'on
accorde à tous. Sommes-nous infirmes
ou indignes? Ah! quel plaisir d'être
soldat! (ter.) » Non, personne us s'at-
tendait à cela. Mais ce à quoi l'on s'at-
tendait est dépassé par la franchisa
avec laquelle, en Belgique comme en
France, en monarchie comme en Répu-
blique, les évêques confessent publi-
quement que l'obligation du service est
l'impossibilité du recrutement clérical
et qu'à l'instant de se faire séminariste,
si ça n'exempte pas de servir la patrie,
tous diront :
- Nous voulions bien être curés
pour ne pas être soldats, mais, du mo-
ment que ça ne nous préserve plus. des
boulets et des balles, le jeu n'en vaut
pas le cierge !
AUGUSTE VACQUBRÏE.
———-————— ♦ -
A LA CHAMBRE
La première des conventions conclues
avec les compagnies de chemins de fer,
celle qui concerne le Paris-Lyon-Médi-
terranée, que la Chambre discute depuis
plusieurs jours, a été votée, hier, à la
majorité de 347 voix contre 134.
Ce vote a été précédé du rejet d'un
grand nombre d'amendements visant
des questions fort diverses. Un seul
débat de quelque importance s'est en-
gagé sur la proposition de M. Rousseau,
renvoyée la veille à la commission, et
sur l'amendement de M. Raspail, éga-
lement relatif aux incompatibilités, et
qui avait été primitivement accepté par
la commission.
Au nom de cette commission, M.
Rouvier a été chargé de déclarer que la
portée de l'amendement Raspail n'a-
vait pas tout d'abord été saisie, et qu'il
convenait de laisser à une loi d'ensem-
ble, dont M. Roque (de Fillol) a pris l'i-
nitiative, le soin de régler les incom-
patibilités. La commission était donc
d'avis de supprimer l'article, ce qui
rendait tous les amendements inutiles,
celui de M. Rousseau comme celui de
M. Raspail, amendements qui avaient
l'inconvénient de toucher à la loi élec-
torale de l'autre Assemblée, et, par
suite, de n'être pas constitutionnels.
Cette thèse, présentée au nom de la
commission, a été combattue par le
président de la Chambre, qui a fait
observer que plusieurs fois déjà le
Sénat avait accepté, sans réclamation,
des articles de loi établissant certaines
incompatibilités pouvant l'atteindre. La
discussion s'est alors engagée sur l'a-
mendemerit de M. Rousseau auquel le
gouvernement s'était rallié et qui était
ainsi conçu :
« Tout député ou sénateur qui, au
cours de son mandat, acceptera les
fonctions d'administrateur d'une com-
pagnie de chemins de fer, sera, par ce
seul fait, considéré comme démission-
naire et soumis à la réélection. »
Au moment où le président mettait
aux voix cet amendement, M. Roque
(de Fillol), avec un grand à-propos, et
malgré les cris qui essayaient de cou-
vrir sa voix, a demandé la division, en
arrêtant la rédaction à. ces mots : « Et
soumis à la réélection. » A une im-
mense majorité, la première partie de
l'amendement a été acceptée. Sur le
dernier membre de phrase, le vote a
donné lieu à un pointage et c'est seule-
ment à la faible majorité de 224 voix
contre 219 que cette addition a été ac-
ceptée. M. Raspail a présenté la dispo-
sition additionnelle suivante : -
« Les dispositions précédentes sont
applicables à tout sénateur ou député
actuellement administrateur d'une com-
pagnie de chemins de fer. »
M. Jolibois, qui avait d'abord ré-
clamé la question préalable, s'est borné
ensuite à combattre la disposition pré-
sentée par M. Raspail. La Chambre,
par 283 voix contre 134, lui a donné
gain de cause.
On voit que, sur la question du
cumul et des incompatibilités, la Cham-
bre, qui, il y a. quelque temps, parais-
sait fort résolue, s'est montrée hier
hésitante et réservée. L'explication de
cette défaillance se trouverait peut-être
dans le désir de certains membres de
voter une loi générale sur la matière. Il
est d'ailleurs à remarquer que, la même
question s'étant présentée au Sénat,
dans cette même journée, le président
du conseil a promis d'apporter un pro-
jet de loi réglant toutes les incompati-
bilités.
A. GVOLÏER.
———————— .————————
Au Sénat, la séance s'est ouverte par
quelques mots du président, qui a annoncé
la mort de M. Daussel ; puis on s'est re-
mis à la discussion de la réforme judi-
ciaire. L'article 14 a seul donné lieu à un
petit débat. Il est ainsi conçu :
Les fonctions de l'ordre judiciaire sont in-
compatibles avec te mandat de sénateur et
celui de député.
Cette disposition n'est pas applicable aux
juges suppléants des tribunaux de première
instance et des justices de paix.
Seront considérés comme avant opté pour
leur mandat législatif, les magistrats qui,
ayant été élus membres de l'une des deux
Chambres, n'auront pas fait leur option dans
le mois qui suivra la vérification de leurs pou-
voirs.
L'art. 10 dè la loi du 30 novembre 1875,
concernant la Chambre des députés, sera ap-
plicable à l'avenir aux magistrats qui seront
élus membres du Sénat et 0 qui auront opté
pour le mandat législatif.
M. Eugène Pelletan et M. Jules Ferry
se sont trouvés d'accord pour inviter le
Sénat à rejeter cet article, en attendant
la loi sur la matière. L'article a été re-
poussé, bien entendu.
On en est venu alors à l'article 15 qui,
au dire du rapporteur, est toute la loi, et
qui autorise pendant trois mois le garde
des sceaux à procéder par élimination sur
l'ensemble du personnel. M. Lacaze, et
après lui M. Gouin, ont pris la parole
contre cette disposition. M. Lacaze, en
faisant appel aux sentiments à la fois iibé-
raux et républicains de ses ancien s amis
du centre gauche, a obtenu un assez grand
succès. La discussion se terminera aujour-
d'hui, très probablement, par le rejet de
l'article 15, ce dont nous n'aurions qu'un
regret très modéré.
A. G.
COULISSES DES CHAMBRES
Le mouvement contre le cumul du man-
dat législatif ou sénatorial avec le mandat
de conseiller général commence à s'accen-
tuer.
Il y a déjà six sénateurs et cinq dé-
putés qui renoncent à demander aux élec-
teurs, le 12 août prochain, le renouvelle-
ment de leur mandat de conseiller géné-
ral.
Les sénateurs sont MM. de Freycinet
(Tarn-et-Garonne), le général Dubois-
Fresney (Mayenne), Dutilleul (Nord),RigaL
(Tarn), Thurel (Jura) de la gauche et M.
Tailhand (Ardèche) de la droite.
Les députés sont MM. Rocçp^t (Allier),
Boissy d'Anglas (Ardèche>f Joignea»* *
(Côte-d'Or), Louis Guillo> (Isère) et 'àieiiè-
vre (Jura), tous réPubl;
iCains.
De nouveaux désistements vont encore
se produire d ici ù. quelles jours.
L'unio,a « républicaine du Sénat s'est réu-
nie hDier pour discuter les conclusions du
rap;pojft de M. Tolain su.? la revision de la
constitution que nous avons fait connaître
iiier.
Le débat s'est engagé par un discours de
M. Eugène Pelletan contre ces conclu-
sions, puis la suite a été renvoyée à au-
jourd'hui, par suite de la nécessité d'as-
sister à la séance du Sénat, qui venait de
s'ouvrir.
Une question préjudicielle a été posée,
celle de savoir si. le rapport de M. Tolain
serait livré à la publicité. Après une dis-
cussion assez vive, le groupe, par 20 voix
contre 7, s'est prononcé contre la publi-
cation de ce document.
—o—
M. Daussel, sénateur monarchiste de la
Dordogne, est décédé hier. Il y a lieu de
remarquer que des trois sénateurs de ce
département datant de l'origine du Sénat,
c'est-à-dire du 30 janvier 1876, M. Daussel
était le seul qui survécût. Les deux au-
tres, MM. Magne et Paul Dupont, sont
morts il y a deux ans. Il en résulte que la
représentation sénatoriale de la Dordogne
aura été tout entière renouvelée.
Le département de la Dordogne ayant
trois sénateurs, il ne pourra pas être
pourvu au remplacement de M. Daussel
avant le renouvellement sénatorial de jan-
vier 1885, à moins que d'ici-là une nou-
velle vacance ne vienne à se produire dans
les deux autres sièges. Or, cette éven-
tualité pourrait bien se présenter prochai-
uement.
La Chambre, en effet, a voté hier un
article additionnel aux conventions, por-
tant que tout député ou sénateur nommé
administrateur d'une compagnie de che-
mins de fer sera considéré comme dé-
missionnaire et devra se soumettre à la
réélection. Or M. de Fourtou, séna-
teur de la Dordogne, est l'un des ad-
mistrateurs de la compagnie d'Orléans. Si
la clause votée par la Chambre est, com-
me cela est probable, adoptée par le Sénat,
la vacance du siège de M. de Fourtou se
produira et alors on devra pourvoir, à la
fois, à la vacance de ce siège et à celle
du siège de M. Daussel.
La Chambre ayant voté hier la. conven-
tion de Paris-Lyon discutera aujourd'hui
la convention d'Orléans. Il faudra environ
trois séances pour épuiser ce débat. Outre
la discussion générale, il y aura à exami-
ner 28 amendements.
Le gouvernement avait eu l'intention
hier de demander qu'il y ait séance de
nuit; mais il y a renoncé après réflexion.
Il y a lieu de considérer, en effet, que la
plupart des amendements de principe qui
ont été discutés à propos de la convention
d'Orléans et qui s'appliquaient à toutes les
conventions également, ayant été repous-
sés par la Chambre, ne se reproduiront
plus.
Le débat sera donc simplifié. Une fois
la convention d'Orléans terminée, la dis-
cussion des quatre autres conventions s'a-
chèvera rapidement, car les amendements
particuliers à ces conventions sont très
peu nombreux.
Les séances de nuit ne pourraient être
faites que pour le cas où la Chambre vou -
drait pouvoir se séparer avant la fin de la
semaine prochaine.
■" » ■ ■ 1 mmmmmmrnmt*
LES LOGEMENTS OFFICIELS
Il existe une commission des ^«ements
.officiels qu'il ne faut pas c^nfongre avec
celle des logements msai;a5reSf étant don..
née l'ardeur avec Ip- ielle on se les dis-
pute. Ladi t -
pute. Ladivô C()J:J.lmission a constaté avec
stupeiir ):;n véritable envahissement. On a
beau choisir des ministres célibataires,
yp*jfs ou orphelins, au moment de leur
entrée en fonctions on leur découvre tout
à coup un essaim de cousins de Bretagne
et d'oncles d'Amérique désireux de voir la
capitale à bon compte et qu'on est bien
obligé de caser. Après les ministres, c'est
le tour des sous-secrétaires d'Etat. Ce
n'est pas qu'ils tiennent à l'hospitalité
officielle, mais la question de logement
est pour eux une question de dignité. Puis
viennent les chefs de cabinet et les direc-
teurs de service, gens indispensables qu'il
est bon que le ministre et son adjudant
aient sous la main. Mais ceux-ci ont éga-
lement besoin d'avoir leurs auxiliaires à
portée. Le chef ne peut se passer du sous-
chef, le sous-chef du commis principal ; il
n'y a pas de raison pour s'arrêter en si
bon chemin et ne pas loger tout le minis-
tère, depuis le ministre jusqu'au dernier
aspirant au surnumérariat. Là est l'expli-
cation de cette apparente anomalie, à sa-
voir que les ministères n'ont jamais été
plus petits et plus incommodes que de-
puis qu'on s'est mis à les agrandir.
La commission a tranché dans le vif et
a décidé qu'à l'avenir les ministres seuls se-
raient logés; il est permis de croire qu'elle
n'a maintenu aux secrétaires d'Etat leur
privilège que pour leur fournir la gloire
d'y renoncer.
Nous avons emprunté aux Anglais, de-
puis tantôt un siècle, pas mal de modes
plus ou moins grotesques. Nous leur de-
vons présentement le tir aux pigeons, le
law-tennis, les pardessus trop courts et
les souliers trop longs. Nous leur avons
laissé par contre une habitude excellente,
celle qui veut que les ministres conservent
leur domicile personnel et continuent à
vivre autant que possible en simples par-
ticuliers. Il est de bon goût pour un mi-
nistre de la reine d'aller à son ministère
comme un employé va à son bureau et de..-
se considérer dans les dîners ou récep-
tions officielles comme un invité ou un
passant.
Et pas n'est besoin d'aller en Angleterre.
Chez nous-mêmes, il existe ûes précédents.
Nommé directeur, Rêveillère - Lépaux,
homme fort intelligent et trop peu connu,
refusa absolument d'échanger contre les
lambris du Luxembourg son modeste ap-
partement de garçon ; et pour s'offusquer
de cette simplicité vraiment républicaine,
il n'y eut que les imbéciles et Bonaparte*
Il avait peut-être trouvé le vrai remède
contre l'ivresse du triomphe et l'amertume
du départ.
Il y a de grands effets qui dérivent de
petites causes. A preuve le Verre d'eau, de
feu Scribe, également auteur d'un Ber-
trand et Raton. que l'administrateur du
Théâtre-Français a été accusé de vouloir
reprendre.
Un homme qui a laissé dans l'Eure la ré-
putation d'un préfet drôle disait à la femme
d'un de ses successeurs : « Hé! hé! ma-
dame, n'est-ce pas qu'on n'est pas trop
mal dans mon lit? » Le fait est que certai*
nés alcôves ministérielles doivent être
singulièrement hantées et qu'il doit vous -'
venir à certaines tables des pensées .oie
zarres. Si l'action du milieu, au ^',re
physiologistes, peut faire d'ur, un
reptile, et un mammif^.g d'un oiseau,
comment s étonner des évolutions de
M. X.-etd^g avatars de M. Z.? Il y a
une soft^, de contagion ministérielle com-
me )1. y--a une pestilence d'hôpital. La seule
'!*;ifé,-,,-ence est que celle-ci tue les malades,
tandis que l'autre n'est funeste qu'aux
promesses, aux professions de foi et aux
bonnes intentions.
FRÉDÉRIC MONTÀRGIS.
————————— a. —————-———
LES ON-DIT
Le président du conseil municipal a li^'
hier, à l'ouverture de la séance, la lettre
suivante :
Monsieur le président, ,
Il n'est pas possible que Paris, la ville de
l'avenir, renonce,à la preuve vivante qu'elle a
été la ville du passé. Le passé amène l'avenir.'
Les Arènes sont l'antique marque de la grande.
ville. Elles sont un monument unique. Le
conseil municipal qui les détruirait se détruit
rait en quelque sorte lui-même. Conservez les
Arènes de Lutèce. Conservez-les à tout prix?
Vous ferez une action utile, et, ce qui vaut"
mieux, vous donnerez un grand exemple, le"
vous serre les mains*
VICTOR HUGO,
Feuilleton du RAPPEL
DU 29 JUILLET
36
LA VIE EN L'AIR
DEUXIÈME PARTIE
Il (swîVe)
A mesure que son^frère parlait, Juliette
sentait son humiliation s'évanouir, sa
peine fondre et son gentil visage s'éclai-
rait d'une expression reconnaissante ai-*
h rendait infiniment jolie.
f Pourtant elle n'avait pas to^ 1a; mai8
la présenped HenrI, dont ^VV'avisait trop
tard, l'intimidait m amenant.
- Je m en va*j^ îft celui-ci d'une voix
légèrement altérée. celui-ci d'une voix
Son sourire avait je ne sais quoi de
o~e, ses mouvements une gaucherie em-
barrassée, qui trahissait de l'émotion.
Reproduction et traduction interdites.
Voir le Rappel du 17 juin m n juiltel.
— Non, dit Paul en le retenant. Nous
n'avons rien à vous cacher, Henri.
Paul obéissait à une vague arrière-pen-
sée en agissant ainsi. Un instinct craintif
ui faisait pénétrer les sentiments de celui
qui se disait son élève ; il pressentait, de
même, le penchant inconscient de sa sœur
et il pensait que ce qui survenait était de
nature à dissiper les rêvasseries éphé-
mères au charme desquelles l'un et l'autre
avaient pu se laisser entraîner.
Ce qu'ajouta la pensionnaire n'avait rie;^,
du reste, de mystérieux. Cela portai Vr-n;
quement sur l'intervention de MI] -
de Féverolles. ,/" ..: > <
A plus d'un sujet, Sut^k lieu de
regretter l'incident.T^ déconfite qu'elle„
fût en ses esperan.-~ céder son 6la-
blissement,à de céder son éta-
5 -*05 de céder son éta-
exagéré, à la fille de
Léa, mariée par ses soins, elle oubliait sa
111 présence du tort que lui cau-
sait la retraite de la jeune fille. Par toutes
sortes de biais, et ne fût-ce que pour ga-
gner du temps, elle avait essayé de la re-
tenir, après la scène de rabbé. Mlle de
Féverolles avait parlé de sa responsabi-
lité, du pouvoir à elle délégué, de rete-
nir son élève jusqu'à ce que sa mère vînt
la reprendre. s'il y avait lieu. Mademoi.
selle disait qu'elle allait en écrire à Paul,
ajoutant qu'on ne pouvait se séparer sur
cet incident; qu'avec la moindre manifes-
tation de déférence à M. l'abbé, ce pasteur
pardonnerait l'acte de révolte, le manque-
ment, si l'on veut, auquel l'enfant s'était
oubliée à son égard, et que,. i!e cejte
çon, tout cela serait Dublié -ip"
Mais Juliette n'avait V £ mj,a en.
tendre.
- je pars, avaif
vous semble' e^V'6 dit. Privez, si bon
vous semble, e~ qui il ^ous plaira. Pour
moi, ? - resterai ras un moment de
plus, à moins d'être retenue de force; en-
core bien que s'il faut me sauver, je ne re-
u-iûTTai devant aucune défense, devant au-
cJUn obstacle matériel.
Une insurgée positivement; une fille
capable de provoquer du bruit, d'attirer
l'intervention de personnes tierces, de la
police, peut-être!
— Quant à exprimer un semblant de re-
gret à l'abbé, dit-elle délibérément, il n'y
faut pas compter. M'apportàt-il des ex-
cuses, ce serait la même chose. Je le mé-
prise et ne veux plus jamais le voir ni
l'entendre.
Là-dessus, Juliette, montant à sa cham-
brette, s'était coiffée de son chapeau, avait
jeté un mantelet sur ses épaules, puis, ga-
gnant la loge de la concierge, avait tiré le
cordon et était partie, poursuivie tardive-
ment par mademoiselle, qui se réduisait à
prendre acte d'une insubordination qu'elle
qualifiait avec véhémence.
— Encore une fois, tu as bien fait, ré-
péta Paul. Installe-toi ici ; le voilà redeve-
nue « la bourgeoise » comme à Veules.
J'informerai maman en te.7iPs utile de ton
changement de condition. Soi* en paix et
Moquons-nous du reste; puisqu'aiissi bien
nous sommes dans une situation particu-
lière et que nous ne dépendons de per-
sonne.
Contre toute attente, Juliette, sous l'em-
pire de la détente des nerfs, éprouva une
sorte d'étourdissement et tombant sur un
siège, cachant son visage de ses mains, elle
pleura à chaudes larmes, comme un bébé
affligé.
Quelle cause à cette faiblesse subite? On
ne savait. Elle l'ignorait elle-même. Réac-
tion du système nerveux trop ébranlé
peut-être. Qui pourrait dire sûrement à
quelles impulsions cède une jeune fille,
qu'une série d'émotions a trop vivement
secouée. Son cœur avait éclaté malgré
elle, en croisant le regard d'Henri. Qu'en
induire? S'en fût-elle rendu compte,
qu'elle eût résisté plus que jamais à se
l'avouer.
Le calme revenu, Henri prit prétexte de
se retirer. Dehors seulement, son trouble
profond se manifesta tout entier à lui-
même. Il s'en défendit d'autant moins
qu'il en ressentait un charme poignant,
inexplicable. Ce que sa fiancée lui avait
dit autrefois à Veules, au sujet de cette
jeune fille, lui revenait en mémoire.
« Si j'étais homme et qu'elle m'aimât,
avait répété Gabrielle, assurément oui, je
ne m'arrêterais ni à ses origines, ni à ses
*
attaches et je trouverais Cjî^vgtleresque
d'unir ma destinée à la sienne! »
Longtemps la tendance latente, eui
couvait en lui, à demander Juliette eib.
mariage, l'avait presque effrayé. Mainte-
nant, il envisageait cette idée de sang-
froid. Il cherchait les obstacles, il les exa-
minait. Quels qu'ils fussent, il les trouvait
légers, en comparaison du but supérienr
à atteindre ; supérieur en cela, qu'en con-
formité d'impression avec Gabrielle, le
côté chevaleresque, romanesque, si l'on
veut, idéal, de son vouloir, lui apparais-
sait clairement.
Cependant, et Gabrielle elle-même?.
Une question de sentiment s'élevait à son
sujet. Ils avaient beau, l'un et l'autre, ma-
nifester peu d'empressement à se rendre
au désir de leurs parents, il n'y en avait
pas moins engagement tacite, promesse à
échéance, indéterminée, sans doute, mais
formelle, à tout prendre. En lui tenant le
langage qu'il se plaisait à se rappeler, à
cet instant, la petite-fille de Mme Phortin
pensait-elle précisément à la sœur de
Paul, ou parlait-elle par hypothèse géné-
rale, indéfinie? La délicatesse d'Henri avait
à tenir compte de sa situation envers l'or-
pheline. On ne s'aimait que d'amitié, soit,
mais Gabrielle faisait peut-être fond sur
cette amitié ; peut-être suffisait-elle à ce
qu'elle eût fixé son avenir là-dessus. N'y
aurait-il pas mécompte pour elle, trahison
de sa part, à lui, s'il épousait une autre
femme?
Mais au fait, n'y avait-il pas excès de
scrupule à se le demander? Il sentait que
la petite-fille de Mme Phortin était au-
dessus des susceptibilités d'amour-grogre^
de vanité féminine. Trop de grandeur d'eÇ
prit en Gabrielle pour se sentir atteinté;
Au surplus, il était bien sûr de ne point
la froisser en s'expliquant loyalement avec
elle. j
Autrement difficiles à ménager les sum
ceptibilités de Jupette ! Autrefois, soit ejt|
core! (
Mais ce qui venait de se passer entre.
elle et l'abbé devait porter ses fruits, la
rendre extrêmement ombrageuse désorî
mais.
Si jamais elle supposait, ombre de comî
misération dans les intentions d'Henry
tout serait perdu;
Comment savoir si elle serait sensible i
la recherche, à l'amour de l'ami de so^
frère?
- Je vous le dirai, moi ! répondit sponi
tanément Gabrielle, quand Henri lui oy
vrit son cœur.
ÉDOUAIt DUAD2L
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