Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1883-07-25
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 juillet 1883 25 juillet 1883
Description : 1883/07/25 (N4884). 1883/07/25 (N4884).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7540378q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/11/2012
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4S84 Si Mercredi 25 Juillet 1883 le numéro: lOc. - Départements s lâ; e. 7 Irher or an 914884
ADMINISTRATION
58. IttrE DE VALOIS, ?*
ABONNEMENTS
rAïus -
PAlUS '-.
rr arotsmois. 10 »
«Sisiaois.20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois.••••• 13 50
Si:x:moi:¡. 27 r
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Adresser lettres et maniais ( .::
A M. ERNEST LEFÈVRE 111" 1
1.
-", -
LE RAPPEL
> ■ FEDACTIOIT ;
^'adresser ? i. Secrétaire OelaB-édaction
¡ .1W rJt à 6 heures du soir
- 18, RUE DE "VALOIS j 18
^s^eanianuscrUs iioa insères ne seront jpas ren dus
À ANNONCES
iWr. Ch. IAGRANGE, CERF et Ce
, 6, place de la Bourse, 6
LE CHANT NATIONAL
Si l'on doit chanter quelque chose le
jour de la fête nationale, il semble que
ce soit le chant national. Tel n'est pas
l'avis du général qui commande à Li-
moges. Pour avoir fait exécuter la Mar-
seillaise le 14 juillet, M. Sébillot, chef
de musique au 63' de ligne, a reçu de
ce général quinze jours d'arrêts.
Ce n'est pas le cas du vers connu :
Cot homme assurément n'aime pas ia musique !
Car M. Sébillot aurait pu faire exécuter
tous les airs qu'il aurait voulu, la Mère
Godichon, Marie, trempe ton pain ou
Rien n'est sacré pour un sapeur, qu'il
n'aurait pas été « arrêté » une heure.
Mais le chant national ! horreur !
Le chant national n'est-il pas en mê-
me temps le chant républicain? N'a-t-il
pas jailli des lèvres de la Révolution?
N'est-ce pas en le chantant que le Dix-
Août a pris d'assaut les Tuileries? Ne
signifiait-il pas, en même temps, rej et
de l'invasion et anéantissement de la
royauté? Et ce chant serait permis par
les généraux de la République!
• C'est qu'il y a des généraux de la Ré-
publique qui ne sont pas républicains.
Ça semble drôle quand on réfléchit.
Car, premièrement, un général qui
n'est pas républicain et qui accepte de
la République une épée, est grande-
ment suspect d'être de la famille de
M. Prudhomme. L'épée qu'il accepte
est sœur du sabre avec lequel le héros
de Henri Monnier jure de défendre les
institutions du pays et, au besoin, de
les combattre. Secondement, quand un
général n'est pas républicain, c'est
qu'il est royaliste ou bonapartiste.
Royaliste. r De quel royalisme? Du
,blanc? Il y a eu des généraux de cette
couleur, mais s'il y en a encore, ils sont
précieux comme les objets rares. M. de
Mac-Mahon lui-même, qui en avait été,
a dit que devant leur drapeau les
chassepots partiraient tout seuls. C'est-
à-dire que les généraux blancs sont
dans l'armée à l'état d'un grain de sable
sur la grève et d'une goutte d'eau de
Lourdes dans la mer. — Royalistes tri-
colores, donc? La royauté des trois
couleurs a dans l'histoire un synonyme:
la paix à tout prix. Ce n'est pas nous qui
blasphémerons la paix ; le reproche que
nous faisons au gouvernement actuel,
c'est d'être trop prompt à sa jeter dans
les aventures, au lendemain de l'expé-
rience terrible dont nous saignons en-
core; mais entre la paix et la paix à
tout prix, il y a une distance, et cette
distance, il ne nous semble pas que ce
soit à l'armée à la franchir, surtout
quand il y a en Allemagne ces deux
prisonnières, l'Alsace et la Lorraine.
Des généraux royalistes, passe en-
core; mais des généraux bonapartistes !
Après le Mexique! après Sedan! Ils
n'ont donc pas de mémoire ! Ils ne se
souviennent donc pas de notre drapeau
obligé de se rembarquerprécipitamment
sur un signe de la République améri-
caine, de leur protégé qu'ils devaient
asseoir sur le trône de Mexico et qu'ils
ont couché dans le fossé de Quere-
taro avec un linceul pour manteau impé-
rial! Ils ne se souviennent donc pas de
l'armée sacrifiée à l'empire, des a con-
sidérations politiques forçant à faire la
marche la plus imprudente et la moins
stratégique qui a fini par le désastre »
(lettre de l'empereur au général anglais
Burgoyne), du drapeau capitulant, de
l'épée de la France rendue au roi
de Prusse" de l'armée parquée dans
les îles de la Meuse, sous la pluie,
sans tentes ni couvertures, affamée,
violacée de fièvre, torturée de rhuma-
tismes, puis poussée à coups de crosse
vers la gare d où elle fut emmenée pri-
sonnière en Allemagne! Ce jour-là, elle
expia cruellement ce qu'elle avait fait à
la République le 2 décembre 1851. Ceux
qui avaient empilé les représentants du
peuple dans les voitures à forçats furent
empilés dans les wagons à bestiaux. Et
il y a des généraux qui voudraient re-
commencer ! -
Ces généraux ne sont pas nombreux.
Ils le seront de moins en moins. Il y aura
de moins en moins de généraux bona-
partistes et de généraux royalistes. De-
puis le service obligatoire, l'armée c'est
la nation. Et la nation est de plus en
plus républicaine. Très prochainement,
un général qui interdirait le chant na-
tional le jour de la fête nationale serait
regardé comme une curiosité et comme
appartenant à une espèce antédilu-
vienne.
Dès à présent, cette interdiction ex-
pose à des désagréments les quelques
généraux qui restent capables de se la
permettre. C'est ce qui vient d'arriver
au général qui avait infligé quinze jours
d'arrêt à la Marseillaise. Le fait a été
dénoncé au ministre de la guerre, qui a
prescrit une enquête. L'enquête tom-
bait aux mains d'un homme qu'on ne
soupçonnera pas de partialité pour les
républicains, du commandant du 128
corps, du général Galliffet, puisqu'il
faut l'appeler par son nom. M. de Gal-
liffet a donné raison à la Marseillaise.
Le ministre de la guerre a levé la puni -
tion du chef de musique et a « blâmé »
son général d'avoir ignoré que le chant
national était toujours de droit et, dans
les cérémonies officielles, de devoir.
AUGUSTE VACQUERIE.
— Il II—.11 ■ m\ il ■ ■ ——>
A LA CHAMBRE
Au commencement de la séance, M.
Cuneo d'Ornano a demandé à M. le
ministre de l'intérieur comment il con-
ciliait la loi qui exige la réunion des
conseils d'arrondissement avant la réu-
nion des conseils généraux, avec le
décret fixant au même jour l'ouverture
des deux sessions. M. Cuneo a d'ail-
leurs déclaré qu'une illégalité de plus
ou de moins n'était pas faite pour le
surprendre. Dans sa réponse, assez
heureuse, M. le ministre de l'intérieur
a riposté en ces termes : « Nous ne
croyons donc pas avoir violé la loi, et
si M. Cuneo d'Ornano s'est habitué aux
violations des lois, c'est là une éduca-
tion qu'il tient de ses amis et non des
membres du gouvernement ».
Piqué au vif, M. Cuneo d'Ornano dit
au ministre qu'il plaisantait avec des
allures de croquemort et il l'a accusé
d'avoir oublié, en 1870, la loi sur le
service militaire. C'est sur ce ton que
l'orateur de la droite discute une ques-
tion qui pouvait parfaitement se poser
devant la Chambre, mais d'une façon
un peu plus sérieuse.
Le débat sur les conventions a com-
mencé par l'examen de la convention
avec la compagnie Paris-Lyon-Médi-
terranée. M. de la Porte, M. Wadding-
ton, M. Lebaudy et M. Raynal ont suc-
cessivement pris part à la discussion.
Pour en parler, il faudrait avoir été
directeur d'une compagnie et, de plus,
industriel ou négociant, ayant de grands
rapports avec les chemins de fer. Il n'a
guère été question, en effet, que de ta-
rifs, de poids mort, toutes choses inté-
ressantes, mais qu'il est impossible de
saisir au vol. Notons seulement, ce qui
est le plus compréhensible, qu'à la fin
de la séance, sur les observations de
M. Vacher, le ministre et M. Lebaudy
ont promis qu'aucune partie du terri-
toire ne serait négligée et que des con-
cessions seraient encore obtenues sur
les tarifs.
L'exécution de cette dernière pro-
messe dépendra de la fermeté des mi-
nistres à venir ; quant à la répartition
égalitaire des voies ferrées dans tous
les départements, il y aurait bien à
dire. L'intérêt privé n'exige pas abso-
lument cela, mais seulement que, par-
tout où des produits peuvent être
mis à la portée des consommateurs, on
s'arrange pour en assurer le transport.
C'est ainsi, en ne parlant qu'au point de
vue économique, que la richesse pu-
blique peut être augmentée, et non en
multipliant des voies improductives.
Le chemin de fer, on l'oublie trop
souvent, ne crée pas la richesse là où
les éléments de cette richesse n'existent
pas, mais il l'augmente, dans une pro-
portion énorme, partout où ils se ren-
contrent,
A. GAULISR.
On sait que, sous la pression de M. Mar-
tin-Feuillée, la Chambre a dû se conten-
ter, en matière d'organisation judiciaire,
d'une assez piètre réforme.
Pour se débarrasser d'un certain nombre
de magistrats, on a réduit le nombre
des conseillers et des juges. C'est le pro-
cédé, et si la réduction était repoussée,
rien ne serait plus possible.
Or, dans la séance d'hier, le Sénat a
failli mettre tout à fait à mal et a com-
promis, dans une certaine mesure, la ré-
forme de M. Feuillée. Un amendement de
M. Dauphin, premier président de la cour
d'Amiens, a été adopté, malgré le minis-
tre, et cet amendement reporte de 7 à 9
le nombre des conseillers des cours d'ap-
pel. M. Dauphin a fait valoir qu'il y avait
souvent des malades, qu'il fallait en outre
déduire le conseiller président des assises
et celui qui est chargé de l'instruction.
L'amendement l'a emporté par 176 voix
contre 103. ,
Encouragés sans doute par ce premier
succès, les adversaires du proj et ont, par
l'organe de M. Robert de Massy, proposé
de décider qu'il y aurait toujours au moins
deux chambres par cour, même dans les
moins occupées.
Le nouvel amendement limitait encore
notablement les réductions, et M. Tenaille-
Saligny, rapporteur, a déclaré que, s'il
était voté, il ne restait plus rien de la loi.
Malgré cet avis, le Sénat, après pointage,
s'est d'abord trouvé partagé en deux por-
tions égales : 130 contre 130. Mais une
nouvelle vérification a permis de consta-
ter qù%n sénateur, en congé régulier,
avait pris j>art au vote, et l'amendement
est resté avec 129 voix seulement contre
130.
A. G.
— » ■ » i^i
COULISSES DES CHAMBRES
La Chambre a encore perdu hier un de
ses membres par suite de l'élection de
M. Naquet au Sénat. C'est la troisième
élection de ce genre survenant depuis un
mois et la quinzième depuis le 21 août
1881, date d'origine de la Chambre ac-
tuelle. Il s'est produit, en effet, dans les
deux années d'existence que la Chambre
actuelle a déjà parcourues, un véritable
mouvement d'émigration du palais Bour-
bon au Luxembourg. Voici les noms des
quinze membres qui, de députés qu'ils
étaient, se sont fait élire sénateurs :
Chiris (Alpes-Maritimes), Devaux (Pas-
de-Calais), Marcel Barthe et Lacaze (Basses-
Pyrénées) , Escarguel (Pyrénées-Orientales),
Guyot (Rhône), Lemonnier et Rubillard
(Sarthe), Labitte et Magniez (Somme), Gent
(Vaucluse), Jacques (Oran), Berlet (Meur-
the-et-Moselle), Tirard (Seine) et Naquet
(Vaucluse).
Il va falloir pourvoir d'ici à trois mois
au remplacement à ld. Chambre de MM.
Berlet, Tirard et Naquet.
-0-
La commission du budget s'est occupée
hier du budget des beaux-arts. Elle a
commencé à entendre un intéressant
exposé oral du rapporteur, M. Antonin
Proust.
La question des théâtres subventionnés
a donné lieu à quelques observations.
Toutes les subventions ont été mainte-
nues au chiffre actuel. En ce qui concerne
le Théâtre-Français, M. Silhol avait pro-
posé de ramener la subvention à 300,000
francs au lieu de 340,000 francs, qui est
le chiffre d'aujourd'hui. M. Proust a fait
observer que les subventions ne pouvaient
être mesurées aux bénéfices réalisés et
que si l'on avait des plaintes à formuler
sur la direction du Théâtre-Français, c'é-
tait au ministre qu'il fallait les adresser
puisque M. Emile Perrin n'est que l'admi-
nistrateur délégué.
En ce qui concerne l'Odéon, M. Proust
a fait observer qu'on ne saurait adresser
à ce théâtre le reproche d'absorber une
subvention trop élevée. Le rapporteur à
tenu à constater que la direction avait fait,
surtout cette année, les plus louables ef-
forts, et il l'a félicitée de l'éclatant succès
de Formosa. A ce titre, a-t-il dit,
elle mérite toute la bienveillance du Par-
lement. La commission s'est associée à
ces observations de son rapporteur.
A propos de l'Opéra, quelques observa-
tions intéressantes ont été engagées, no-
tamment au sujet d'une modification au
cahier des charges, qui autorise le minis-
tre à remplacer un ouvrage nouveau pas
un ouvrage ancien repris à nouveau. On a
fait observer que cette clause ne pouvait
s'appliquer à la reprise de l'ouvrage an-
cien d'un compositeur vivant. Cette ob-
servation visait l'opéra de Sapho, de M.
Gounod, qui est une œuvre ancienne
qu'il s'agit de remettre à la scène aujour-
d'hui en y faisant subir quelques change-
ments.
A l'appui de cette observation, on a fait
remarquer que M. de Vaucorbeil n'était
pas soumis comme son prédécesseur au
partage des bénéfices avec l'Etat.
Enfin, en ce qui concerne l'Opéra-Co-
mique, le rapporteur a insisté sur les
efforts faits par la direction actuelle pour
restaurer le développement artistique de
ce théâtre, en montant avec éclat des œu-
vres remarquables.
Sur les autres chapitres du budget des
beaux-arts, il y a peu de détails à signaler.
On a repoussé une augmentation qui était
demandée par M. Logerotte, pour élever
de mille francs la pension annuelle attri-
buée à chaque pensionnaire de l'Académie
de France à Rome.
UN NOUVEAU TOAST
Il y a quelque dix-huit mois, le général
Skobeleff, mort depuis on n'a jamais trop
su comment, portait à une réunion d'offi-
ciers un toast germanophobe qui mettait
pendant plusieurs semaines toute l'Europe
en émoi. La petite harangue que le géné-
ral Paniutin vient de prononcer à Varsovie
est incomparablement plus pacifique. La
voici dans toute sa teneur : « Notre admi-
ration et notre respect pour l'armée impé-
riale allemande, notre admiration respec-
tueuse et notre vénération cordiale pour
son illustre chef, notre feld-maréchal,
l'empereur d'Allemagne et roi de Prusse
Guillaume, sont profondément enraci-
nés et solidement affermis en nous, iné-
branlables et éternels. L'officier et le soldat
russes poussent avec enthousiasme ce cri:
— Vive l'empereur d'Allemagne !
Eh bien, voyez comme les journalistes
allemands ont le caractère mal fait. Ne
voilà-t-il pas qu'ils s'offusquent de ces
compliments ni plus ni moins que des
menaces de Skobeleff! Ils font tout d'abord
remarquer que c'est bien le moins, dans
un banquet destiné à commémorer la fon-
dation d'un régiment, que l'on porte la
santé du colonel. Or, chacun sait ou ne
sait pas que le régiment des Kalugas, dont
on célébrait l'anniversaire, a pour chef
honoraire l'empereur Guillaume, qui y a
conquis tous ses grades, y a fait même ses
premières armes, en 1814, dans la cam-
pagne de France, ce qui ne le rajeunit
pas. Cette santé était donc absolument de
circonstance et il eût été de la dernière
grossièreté d'y manquer.
Ils font observer, en outre, que ce dy-
thyrambe entonné par un général russe
dans une ville de Pologne, en l'honneur
d'un souverain allemand, a été prononcé
en français, et ils démêlent je ne sais
quelle vague ironie dans cette macédoine
de nationalités.
Enfin, ils rappellent que le général Pa-
niutin était un ami de Skobeleff et qu'il
figurait au fameux banquet que ses cama-
marades offrirent au héros panslaviste à
son retour de Paris. Ils se souviennent
même des paroles que ce général débita
au dessert. Elles ne sont pas tout à fait à
l'éloge de cette armée impériale pour la-
quelle il n'a pas aujourd'hui assez d' « ad-
miration et de respect ». Qu'on en juge!
« Nous anéantirons Allemands et Autri-
chiens. Le soldat russe est le premier soldat
de l'Europe. Il a beau n'avoir rien mangé de
la semaine, il se bat tout de même. Quand
les Allemands, eux, n'ont rien dans le
ventre, ils se mettent à pleurer. »
Comme il est peu vraisemblable qu'en
quelques mois le général Paniutin ait
radicalement changé d'opinion, et que de
panslaviste il soit devenu pangermaniste,
les feuilles allemandes en concluent qu'il
a obéi à une consigne, que son enthou-
siasme est un enthousiasme de commande,
qu'il a parlé comme les théâtres subven-
tionnés jouent en de certaines occasions,
par ordre, et elles déclarent qu'elles pré-
féreraient de beaucoup ¡un peu moins de
respect, de cordialité et d'admiration avant
les cigares, et un peu plus de retenue
après.
Il va de soi que nous leur laissons
l'entière responsabilité de leurs apprécia-
tions.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
<————————— — -
SOUSCRIPTION
POUR LA STATUE DE LOUIS BLA \C
Cinquième liste
Montpellier (somme votée par le
conseil municipal). 100 »
Viriat, à Remenoville (Meurlhe-et.
Moselle), liste 833. 9 25
Atelier de M. et Mme Ruillier, 53,
rue de la Roquette. t 50
A. Seurre, à Paris, liste 15i. 2 50
Ch. FOurniëf, à Paris. fj.
Léon Coutaret, à Lempdes (Haute-
Loire), liste 680 Il »
Julien Bailly, à Panafé (Lot), fer
envoi, liste f,013. 50 »
Cerret" àanduze (Gard), liste 1,158 14 70
Prudot, à Bergerac, 28 envoi, liste
873. 45 75
Le groupe de la Libre-Pensée à
Bougival (Seine-et-Oise). 30 *
Percheron, à St-Germain (Seine-
et-Oise). t"
Martin, président de l'Alliance ré-
publicaine à Draguignan (Var), liste
7 23 52.
La loge les Amis-Réunis, à Poi-
tiers (Vienne). S *
Faubart, tourneur en cuivre 4
Mailly-le-Château (Yonne). S *
La loge Saint-Jean de Jérusalem,
à Nancy. 20 »
La loge l'Etoile de la Charente, à
Angoulême. 10 M
Ferrouillat, sénateur. 29..
Georges Laguerre, avocat à la
cour d'appel.,. 25 *
Jean Jean, à Saint-André de San-
ganis (Hérault), liste t,t 73. 7 30
Auguste Risler, artiste peintre, à
Paris 2 »
Duriveau, à Vaumoreau (Deux-
Sèvres), liste 303. 4 »
Louis Martigniot, à Moulins (Al-
lier). 1 »
La loge l'Union de Belleville, à
Paris 10 »
Miquet, à Cajare (Lot), liste 1,103. 43 »
, Bérengnier, à Vidauban (Var), liste
879. 22 »
La loge la Vraie fraternité, à -
Auch. 50 »
Greppo, député de la Seine, liste
699 28 *
Souscription ouverte par la Revue
maçonnique, lr9 et 2e listes : la Re-
vue mâconnaise, 25 fr.; Tricard, ren-
tier, 1 fr.; Flouzard, boulanger, 1 fr.;
L. Richard, typographe, t fr.; d'Her- -
bez, 1 fr.; Lucenet, 50 c.; l'Union
syndicale des travailleurs de Mâcon,
5 fr.; Pallot, serrurier, 50 c.; Meu-
nier, ajusteur, 50 c.; Mornand, au-
bergiste, 50 c.; Lapalus, 50 c.; Bllr-
lot, typographe, 50 c.; Martinot, fon-
deur, 50 c.; Lauvergne, tailleur de
pierres, 50 c.; François-Abel Jeau-
det, 1 fr.; Ferdinand Revillon, 1 fr.;
Joseph Braillon, 1 fr.; Moirod, con-
cierge de la mairie, 1 fr.; Mattan,
1 fr.; au total. 43 #
J. Laburthe, a Paris, liste, 1246.. 10 »
Total. G26 »
Montant des quatre premières listes : 3.060 20
Total à ce jour : 3.686 20
———————— ————————
LES ON-DIT
Hier matin, à onze heures, a eu lieu au
ministère des postes, la séance d'adjudica-
tion des services postaux maritimes de
l'Atlantique.
Pour le premier lot, comprenant la li-
gne du Havre à New-York, deux soumis-
sionnaires se sont présentés : M. Eugène
Pereire, président de la Compagnie géné-
rale transatlantique, et M. Bernard, direc-
teur de la Banque maritime.
M. Eugène Pereire a été déclaré adjudi-
cataire sur la ligne du Havre à New-York,
avec une subvention de 5,480,000 fr.
M. Bernard avait déposé une soumission
de 8,450,0J0 fr.
Pour le deuxième lot, comprenant la
ligne des Antilles et du Mexique, la Com-
pagnie générale transatlantique était seule
à soumissionner. Elle a demandé une sub-
vention de 7,200,000 fr.
M. le ministre des postes a déclaré que,
cette soumission étant supérieure au chif-
fre par lui arrêté, il y avait lieu à remettre
l'adj udication.
o
? ss
Le jury de l'Ecole des beaux-arts a rendu
le jugement suivant :
Gravure en taiile-douce, travaux de fin
Feuilleton du RAPPEL
DU 25 JUILLET
33
LA VIE EN L'AIR
DEUXIÈME PARTIE
1 (suite)
Cette laçon expéditive de renvoyer son
monde n'étonnll qu'à demi Paulot. Tant
de choses étaient étonnantes de la part de
cette mère. Il y était accoutumé. Aussi,
en dépit de l'accoutrement bizarre sous
lequel elle lui apparaissait, culottée, en
maillot, en perruque, c'est tout de même
bien sa mère qu'il voyait en elle en ce mo -
ment. Et bien mère, en effet, restait-elle,
malgré ces oripeaux, malgré le maquil-
lage, les yeux bordés de noir et les mains
Reproduction et traduction interdites.
Voir le Rappel du 17 juin eu 24 juillet.
couvertes d'un enduit qui laissait des
traces à l'habit de son fils qu'elle embras-
sait à pleines lèvres.
— Ah ça ! fit-elle. puisque te voilà à
heure dite, c'est que ma dépêche t'est
parvenue en temps utile. Tu as été cher-
cher Juliette ?
- Je l'ai régalée d'un fin dîner, au
pavillon d'Armenonville.
— Ah! chers coquins 1..
— En cabinet particulier, s'il vous
plaît!. -:.'
— Ne vous gênez pas!
- Elle était aux anges, sans savoir
pourquoi, ajouta Paul plaisamment. Il lui
semblait accomplir quelque chose d'é-
norme !
- Pauvre bébé! fit Léa, en riant à
l'unisson de son fils.
— Pour le moment, reprit celui-ci, elle
dort à poings fermés chez moi. Tu vois
que la consigne a été exécutée rigoureu-
sement. Et je viens à l'ordre.
— Vous êtes des enfants charmants,
s'écria l'actrice. Je n'aime que vous au
monde. Vous êtes ma consolation!
— Ta consolation, maman? Tu as donc
du chagrin?
Elle sembla chercher.
— Non ! Au fait, pourquoi est-ce que je
dis ça? Je ne sais pas. Suis-je bien capa-
ble d'en éprouver d'ailleurs? Tiens, au
moment d'aller si loin de vous. ie devrais
être triste, avoir peur. Eh bien! pas du
tout : je me dis que je vais vous gagner
une fortune et je me sens toute brave.
C'est cette pensée qui éloigne les autres.
Nous allons être riches, mon mignon; tu
verras.
Puis, songeant à eux tout à coup :
— Mais c'est peut-être à vous que ça fait
de la peine, hein? Faut pas, mon bon
Paul, ajouta-t-elle, émue de la physiono-
mie assombrie de son fils. Il faut être
raisonnable, vois-tu. J'ai des dettes plus
gros que moi, mon ami, ça m'ennuie. Il
faut s'affranchir de ces tracas, qui fini-
raient par devenir des obstacles sérieux.
Ta sœurette grandit, la voilà sur ses dix-
sept ans. Il faudra la marier un jour ! Je
veux qu'elle soit en situation de choisir.
Pour ça, il lui faut une grosse dot. Je vas
la lui pêcher là-bas. Tu comprends, n'est-ce
pas?
— Oui, maman, répondit Paul avec un
sourire attendri. Il y a longtemps que j'ai
compris : mais quand la séparation appro-
che, tu ne peux pas nous en vouloir de
trouver que l'obligation est pénible.
Léa lui prit la tête, la serrant sur sa
poitrine et murmurant à son oreille.
— Tais-toi ! Tu me fais pleurer. Ça
m'étale tout mon maquillage !
L'effusion passée, elle se planta devant
la glace; refaisant ses yeux, se plaquant
du noir aux cils, du rouge sous l'œil :
puis, donnant un autre tour à la conver-
sation :
— J'ai assez ragé, dit-elle, de ne pas
dîner avec vous, comme c'était convenu.
Mais figure-toi que ma canaille de direc-
teur, furieux de mon départ, m'avait affi-
chée ce soir pour m'empêcher de jouer
ici. Ça, je m'en moquais pas mal. Mais
voilà-t-il pas qu'il refuse à Ursule de lui
laisser prendre dans ma loge le costume
dont j'avais besoin pour la pièce inédite.
Il croyait me tenir, m'obliger à parlemen-
ter, à lui consentir soit une indemnité,
soit un renouvellement d'engagement, à
mon retour d'Amérique, et aux conditions
précédentes. Je t'en souhaite 1
— Comment as-tu fait?
— A midi, j'achetais les étoffes. A une
heure, ma couturière, mandée par dé-
pêche, arrivait à la maison avec six ou-
vrières que j'installais dans le salon, et nous
cousions, et nous cousions.
— Toi aussi ?
- d en ai les uoigis couroaiures, parole
d'honneur. Le pis est que j'en ai oublié
de dîner.
— Fais demander quelque chose.
— C'est vrai ; attends, dit Léa, en pous-
sant le bouton d'une sonnerie électrique.
Restait le costume de Chérubin, poursui-
vit-elle. Pas moyen de le fabriquer en
aussi peu de temps, tu penses. Mais j'ai
envoyé Ursule au Théâtre-Français et l'on
m'a prêté celui de Reichemberg. Seule-
ment Reichemberg est toute mignonne,
pas possible de tenir dedans, alors.
Elle ne put achever, on se précipitait
effaré dans sa loge. Au premier rang, qua-
tre pompiers, la hache au poing, et le ré-
gisseur criant :
— Où çà 1 où çà?
- Quoi?
- Le feu !
- Le feu? Il y a le feu?
— Dans ta loge, puisque tu sonnes à
l'incendie.
Elle se renversa sur sa chaise, riant de
tout son cœur.
— Eh I non, idiots, dit-elle, je me suis
trompée de bouton. C'est des biscuits et
du malaga que je veux; je crève de faim.
Le roi n'eût pas été plus vite obéi. L'or-
dre se transmettait de proche en proche.
— « Du malaga et des biscuits, pour Léa. »
Ça faisait comme un ricochets d'échos
successits.
— Mais, demanda Paul, comment t'ar-
ranges-tu, si tu prends la mer demain à
midi?
— Bien simple. J'ai planté là le wagon
que m'a retenu Erickson, mon cornac ; à
preuve qu'il m'a signifié ses réserves, par
huissier. Tiens, lis ça. C'est bien inutile,
du reste, puisque je m'embarquerai au
moment voulu.
— Par quel moyen 1
- Ell bien! donc. Est-ce que je suis
jamais embarrassée? J'ai commandé un
train spécial à quatre heures et demie du
matin. Ainsi, mignon, tu vas aller te cou-
cher. Eveiile Juliette à trois heures et
demie. Prenez un sac de nuit, soyez à la
gare de l'Ouest cinq minutes avant la
départ. Nous monterons ensemble dans la
train; j'y ai fait préparer un déjeuner et
nous ne nous quitterons qu'à la dernière
minute. C'est cher, mais c'est gentil, hein,
Paulot ? Baise ta mère.
Le régisseur apporta lui-même les bis-
cuits et le malaga que la divette avait com:",
mandés.
- As-tu besoin d'autre chose, ma fille?
lui demanda-t-il affectueusement.
— De rien, mon vieux; merci, répondit-
elle. Va ; mon pourpoint est arrangé i je
suis prête à entrer en scène. -,
ÉDOUAltD CAD JU
(AJOUTÉ.)
4S84 Si Mercredi 25 Juillet 1883 le numéro: lOc. - Départements s lâ; e. 7 Irher or an 914884
ADMINISTRATION
58. IttrE DE VALOIS, ?*
ABONNEMENTS
rAïus -
PAlUS '-.
rr arotsmois. 10 »
«Sisiaois.20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois.••••• 13 50
Si:x:moi:¡. 27 r
- - //;■
Adresser lettres et maniais ( .::
A M. ERNEST LEFÈVRE 111" 1
1.
-", -
LE RAPPEL
> ■ FEDACTIOIT ;
^'adresser ? i. Secrétaire OelaB-édaction
¡ .1W rJt à 6 heures du soir
- 18, RUE DE "VALOIS j 18
^s^eanianuscrUs iioa insères ne seront jpas ren dus
À ANNONCES
iWr. Ch. IAGRANGE, CERF et Ce
, 6, place de la Bourse, 6
LE CHANT NATIONAL
Si l'on doit chanter quelque chose le
jour de la fête nationale, il semble que
ce soit le chant national. Tel n'est pas
l'avis du général qui commande à Li-
moges. Pour avoir fait exécuter la Mar-
seillaise le 14 juillet, M. Sébillot, chef
de musique au 63' de ligne, a reçu de
ce général quinze jours d'arrêts.
Ce n'est pas le cas du vers connu :
Cot homme assurément n'aime pas ia musique !
Car M. Sébillot aurait pu faire exécuter
tous les airs qu'il aurait voulu, la Mère
Godichon, Marie, trempe ton pain ou
Rien n'est sacré pour un sapeur, qu'il
n'aurait pas été « arrêté » une heure.
Mais le chant national ! horreur !
Le chant national n'est-il pas en mê-
me temps le chant républicain? N'a-t-il
pas jailli des lèvres de la Révolution?
N'est-ce pas en le chantant que le Dix-
Août a pris d'assaut les Tuileries? Ne
signifiait-il pas, en même temps, rej et
de l'invasion et anéantissement de la
royauté? Et ce chant serait permis par
les généraux de la République!
• C'est qu'il y a des généraux de la Ré-
publique qui ne sont pas républicains.
Ça semble drôle quand on réfléchit.
Car, premièrement, un général qui
n'est pas républicain et qui accepte de
la République une épée, est grande-
ment suspect d'être de la famille de
M. Prudhomme. L'épée qu'il accepte
est sœur du sabre avec lequel le héros
de Henri Monnier jure de défendre les
institutions du pays et, au besoin, de
les combattre. Secondement, quand un
général n'est pas républicain, c'est
qu'il est royaliste ou bonapartiste.
Royaliste. r De quel royalisme? Du
,blanc? Il y a eu des généraux de cette
couleur, mais s'il y en a encore, ils sont
précieux comme les objets rares. M. de
Mac-Mahon lui-même, qui en avait été,
a dit que devant leur drapeau les
chassepots partiraient tout seuls. C'est-
à-dire que les généraux blancs sont
dans l'armée à l'état d'un grain de sable
sur la grève et d'une goutte d'eau de
Lourdes dans la mer. — Royalistes tri-
colores, donc? La royauté des trois
couleurs a dans l'histoire un synonyme:
la paix à tout prix. Ce n'est pas nous qui
blasphémerons la paix ; le reproche que
nous faisons au gouvernement actuel,
c'est d'être trop prompt à sa jeter dans
les aventures, au lendemain de l'expé-
rience terrible dont nous saignons en-
core; mais entre la paix et la paix à
tout prix, il y a une distance, et cette
distance, il ne nous semble pas que ce
soit à l'armée à la franchir, surtout
quand il y a en Allemagne ces deux
prisonnières, l'Alsace et la Lorraine.
Des généraux royalistes, passe en-
core; mais des généraux bonapartistes !
Après le Mexique! après Sedan! Ils
n'ont donc pas de mémoire ! Ils ne se
souviennent donc pas de notre drapeau
obligé de se rembarquerprécipitamment
sur un signe de la République améri-
caine, de leur protégé qu'ils devaient
asseoir sur le trône de Mexico et qu'ils
ont couché dans le fossé de Quere-
taro avec un linceul pour manteau impé-
rial! Ils ne se souviennent donc pas de
l'armée sacrifiée à l'empire, des a con-
sidérations politiques forçant à faire la
marche la plus imprudente et la moins
stratégique qui a fini par le désastre »
(lettre de l'empereur au général anglais
Burgoyne), du drapeau capitulant, de
l'épée de la France rendue au roi
de Prusse" de l'armée parquée dans
les îles de la Meuse, sous la pluie,
sans tentes ni couvertures, affamée,
violacée de fièvre, torturée de rhuma-
tismes, puis poussée à coups de crosse
vers la gare d où elle fut emmenée pri-
sonnière en Allemagne! Ce jour-là, elle
expia cruellement ce qu'elle avait fait à
la République le 2 décembre 1851. Ceux
qui avaient empilé les représentants du
peuple dans les voitures à forçats furent
empilés dans les wagons à bestiaux. Et
il y a des généraux qui voudraient re-
commencer ! -
Ces généraux ne sont pas nombreux.
Ils le seront de moins en moins. Il y aura
de moins en moins de généraux bona-
partistes et de généraux royalistes. De-
puis le service obligatoire, l'armée c'est
la nation. Et la nation est de plus en
plus républicaine. Très prochainement,
un général qui interdirait le chant na-
tional le jour de la fête nationale serait
regardé comme une curiosité et comme
appartenant à une espèce antédilu-
vienne.
Dès à présent, cette interdiction ex-
pose à des désagréments les quelques
généraux qui restent capables de se la
permettre. C'est ce qui vient d'arriver
au général qui avait infligé quinze jours
d'arrêt à la Marseillaise. Le fait a été
dénoncé au ministre de la guerre, qui a
prescrit une enquête. L'enquête tom-
bait aux mains d'un homme qu'on ne
soupçonnera pas de partialité pour les
républicains, du commandant du 128
corps, du général Galliffet, puisqu'il
faut l'appeler par son nom. M. de Gal-
liffet a donné raison à la Marseillaise.
Le ministre de la guerre a levé la puni -
tion du chef de musique et a « blâmé »
son général d'avoir ignoré que le chant
national était toujours de droit et, dans
les cérémonies officielles, de devoir.
AUGUSTE VACQUERIE.
— Il II—.11 ■ m\ il ■ ■ ——>
A LA CHAMBRE
Au commencement de la séance, M.
Cuneo d'Ornano a demandé à M. le
ministre de l'intérieur comment il con-
ciliait la loi qui exige la réunion des
conseils d'arrondissement avant la réu-
nion des conseils généraux, avec le
décret fixant au même jour l'ouverture
des deux sessions. M. Cuneo a d'ail-
leurs déclaré qu'une illégalité de plus
ou de moins n'était pas faite pour le
surprendre. Dans sa réponse, assez
heureuse, M. le ministre de l'intérieur
a riposté en ces termes : « Nous ne
croyons donc pas avoir violé la loi, et
si M. Cuneo d'Ornano s'est habitué aux
violations des lois, c'est là une éduca-
tion qu'il tient de ses amis et non des
membres du gouvernement ».
Piqué au vif, M. Cuneo d'Ornano dit
au ministre qu'il plaisantait avec des
allures de croquemort et il l'a accusé
d'avoir oublié, en 1870, la loi sur le
service militaire. C'est sur ce ton que
l'orateur de la droite discute une ques-
tion qui pouvait parfaitement se poser
devant la Chambre, mais d'une façon
un peu plus sérieuse.
Le débat sur les conventions a com-
mencé par l'examen de la convention
avec la compagnie Paris-Lyon-Médi-
terranée. M. de la Porte, M. Wadding-
ton, M. Lebaudy et M. Raynal ont suc-
cessivement pris part à la discussion.
Pour en parler, il faudrait avoir été
directeur d'une compagnie et, de plus,
industriel ou négociant, ayant de grands
rapports avec les chemins de fer. Il n'a
guère été question, en effet, que de ta-
rifs, de poids mort, toutes choses inté-
ressantes, mais qu'il est impossible de
saisir au vol. Notons seulement, ce qui
est le plus compréhensible, qu'à la fin
de la séance, sur les observations de
M. Vacher, le ministre et M. Lebaudy
ont promis qu'aucune partie du terri-
toire ne serait négligée et que des con-
cessions seraient encore obtenues sur
les tarifs.
L'exécution de cette dernière pro-
messe dépendra de la fermeté des mi-
nistres à venir ; quant à la répartition
égalitaire des voies ferrées dans tous
les départements, il y aurait bien à
dire. L'intérêt privé n'exige pas abso-
lument cela, mais seulement que, par-
tout où des produits peuvent être
mis à la portée des consommateurs, on
s'arrange pour en assurer le transport.
C'est ainsi, en ne parlant qu'au point de
vue économique, que la richesse pu-
blique peut être augmentée, et non en
multipliant des voies improductives.
Le chemin de fer, on l'oublie trop
souvent, ne crée pas la richesse là où
les éléments de cette richesse n'existent
pas, mais il l'augmente, dans une pro-
portion énorme, partout où ils se ren-
contrent,
A. GAULISR.
On sait que, sous la pression de M. Mar-
tin-Feuillée, la Chambre a dû se conten-
ter, en matière d'organisation judiciaire,
d'une assez piètre réforme.
Pour se débarrasser d'un certain nombre
de magistrats, on a réduit le nombre
des conseillers et des juges. C'est le pro-
cédé, et si la réduction était repoussée,
rien ne serait plus possible.
Or, dans la séance d'hier, le Sénat a
failli mettre tout à fait à mal et a com-
promis, dans une certaine mesure, la ré-
forme de M. Feuillée. Un amendement de
M. Dauphin, premier président de la cour
d'Amiens, a été adopté, malgré le minis-
tre, et cet amendement reporte de 7 à 9
le nombre des conseillers des cours d'ap-
pel. M. Dauphin a fait valoir qu'il y avait
souvent des malades, qu'il fallait en outre
déduire le conseiller président des assises
et celui qui est chargé de l'instruction.
L'amendement l'a emporté par 176 voix
contre 103. ,
Encouragés sans doute par ce premier
succès, les adversaires du proj et ont, par
l'organe de M. Robert de Massy, proposé
de décider qu'il y aurait toujours au moins
deux chambres par cour, même dans les
moins occupées.
Le nouvel amendement limitait encore
notablement les réductions, et M. Tenaille-
Saligny, rapporteur, a déclaré que, s'il
était voté, il ne restait plus rien de la loi.
Malgré cet avis, le Sénat, après pointage,
s'est d'abord trouvé partagé en deux por-
tions égales : 130 contre 130. Mais une
nouvelle vérification a permis de consta-
ter qù%n sénateur, en congé régulier,
avait pris j>art au vote, et l'amendement
est resté avec 129 voix seulement contre
130.
A. G.
— » ■ » i^i
COULISSES DES CHAMBRES
La Chambre a encore perdu hier un de
ses membres par suite de l'élection de
M. Naquet au Sénat. C'est la troisième
élection de ce genre survenant depuis un
mois et la quinzième depuis le 21 août
1881, date d'origine de la Chambre ac-
tuelle. Il s'est produit, en effet, dans les
deux années d'existence que la Chambre
actuelle a déjà parcourues, un véritable
mouvement d'émigration du palais Bour-
bon au Luxembourg. Voici les noms des
quinze membres qui, de députés qu'ils
étaient, se sont fait élire sénateurs :
Chiris (Alpes-Maritimes), Devaux (Pas-
de-Calais), Marcel Barthe et Lacaze (Basses-
Pyrénées) , Escarguel (Pyrénées-Orientales),
Guyot (Rhône), Lemonnier et Rubillard
(Sarthe), Labitte et Magniez (Somme), Gent
(Vaucluse), Jacques (Oran), Berlet (Meur-
the-et-Moselle), Tirard (Seine) et Naquet
(Vaucluse).
Il va falloir pourvoir d'ici à trois mois
au remplacement à ld. Chambre de MM.
Berlet, Tirard et Naquet.
-0-
La commission du budget s'est occupée
hier du budget des beaux-arts. Elle a
commencé à entendre un intéressant
exposé oral du rapporteur, M. Antonin
Proust.
La question des théâtres subventionnés
a donné lieu à quelques observations.
Toutes les subventions ont été mainte-
nues au chiffre actuel. En ce qui concerne
le Théâtre-Français, M. Silhol avait pro-
posé de ramener la subvention à 300,000
francs au lieu de 340,000 francs, qui est
le chiffre d'aujourd'hui. M. Proust a fait
observer que les subventions ne pouvaient
être mesurées aux bénéfices réalisés et
que si l'on avait des plaintes à formuler
sur la direction du Théâtre-Français, c'é-
tait au ministre qu'il fallait les adresser
puisque M. Emile Perrin n'est que l'admi-
nistrateur délégué.
En ce qui concerne l'Odéon, M. Proust
a fait observer qu'on ne saurait adresser
à ce théâtre le reproche d'absorber une
subvention trop élevée. Le rapporteur à
tenu à constater que la direction avait fait,
surtout cette année, les plus louables ef-
forts, et il l'a félicitée de l'éclatant succès
de Formosa. A ce titre, a-t-il dit,
elle mérite toute la bienveillance du Par-
lement. La commission s'est associée à
ces observations de son rapporteur.
A propos de l'Opéra, quelques observa-
tions intéressantes ont été engagées, no-
tamment au sujet d'une modification au
cahier des charges, qui autorise le minis-
tre à remplacer un ouvrage nouveau pas
un ouvrage ancien repris à nouveau. On a
fait observer que cette clause ne pouvait
s'appliquer à la reprise de l'ouvrage an-
cien d'un compositeur vivant. Cette ob-
servation visait l'opéra de Sapho, de M.
Gounod, qui est une œuvre ancienne
qu'il s'agit de remettre à la scène aujour-
d'hui en y faisant subir quelques change-
ments.
A l'appui de cette observation, on a fait
remarquer que M. de Vaucorbeil n'était
pas soumis comme son prédécesseur au
partage des bénéfices avec l'Etat.
Enfin, en ce qui concerne l'Opéra-Co-
mique, le rapporteur a insisté sur les
efforts faits par la direction actuelle pour
restaurer le développement artistique de
ce théâtre, en montant avec éclat des œu-
vres remarquables.
Sur les autres chapitres du budget des
beaux-arts, il y a peu de détails à signaler.
On a repoussé une augmentation qui était
demandée par M. Logerotte, pour élever
de mille francs la pension annuelle attri-
buée à chaque pensionnaire de l'Académie
de France à Rome.
UN NOUVEAU TOAST
Il y a quelque dix-huit mois, le général
Skobeleff, mort depuis on n'a jamais trop
su comment, portait à une réunion d'offi-
ciers un toast germanophobe qui mettait
pendant plusieurs semaines toute l'Europe
en émoi. La petite harangue que le géné-
ral Paniutin vient de prononcer à Varsovie
est incomparablement plus pacifique. La
voici dans toute sa teneur : « Notre admi-
ration et notre respect pour l'armée impé-
riale allemande, notre admiration respec-
tueuse et notre vénération cordiale pour
son illustre chef, notre feld-maréchal,
l'empereur d'Allemagne et roi de Prusse
Guillaume, sont profondément enraci-
nés et solidement affermis en nous, iné-
branlables et éternels. L'officier et le soldat
russes poussent avec enthousiasme ce cri:
— Vive l'empereur d'Allemagne !
Eh bien, voyez comme les journalistes
allemands ont le caractère mal fait. Ne
voilà-t-il pas qu'ils s'offusquent de ces
compliments ni plus ni moins que des
menaces de Skobeleff! Ils font tout d'abord
remarquer que c'est bien le moins, dans
un banquet destiné à commémorer la fon-
dation d'un régiment, que l'on porte la
santé du colonel. Or, chacun sait ou ne
sait pas que le régiment des Kalugas, dont
on célébrait l'anniversaire, a pour chef
honoraire l'empereur Guillaume, qui y a
conquis tous ses grades, y a fait même ses
premières armes, en 1814, dans la cam-
pagne de France, ce qui ne le rajeunit
pas. Cette santé était donc absolument de
circonstance et il eût été de la dernière
grossièreté d'y manquer.
Ils font observer, en outre, que ce dy-
thyrambe entonné par un général russe
dans une ville de Pologne, en l'honneur
d'un souverain allemand, a été prononcé
en français, et ils démêlent je ne sais
quelle vague ironie dans cette macédoine
de nationalités.
Enfin, ils rappellent que le général Pa-
niutin était un ami de Skobeleff et qu'il
figurait au fameux banquet que ses cama-
marades offrirent au héros panslaviste à
son retour de Paris. Ils se souviennent
même des paroles que ce général débita
au dessert. Elles ne sont pas tout à fait à
l'éloge de cette armée impériale pour la-
quelle il n'a pas aujourd'hui assez d' « ad-
miration et de respect ». Qu'on en juge!
« Nous anéantirons Allemands et Autri-
chiens. Le soldat russe est le premier soldat
de l'Europe. Il a beau n'avoir rien mangé de
la semaine, il se bat tout de même. Quand
les Allemands, eux, n'ont rien dans le
ventre, ils se mettent à pleurer. »
Comme il est peu vraisemblable qu'en
quelques mois le général Paniutin ait
radicalement changé d'opinion, et que de
panslaviste il soit devenu pangermaniste,
les feuilles allemandes en concluent qu'il
a obéi à une consigne, que son enthou-
siasme est un enthousiasme de commande,
qu'il a parlé comme les théâtres subven-
tionnés jouent en de certaines occasions,
par ordre, et elles déclarent qu'elles pré-
féreraient de beaucoup ¡un peu moins de
respect, de cordialité et d'admiration avant
les cigares, et un peu plus de retenue
après.
Il va de soi que nous leur laissons
l'entière responsabilité de leurs apprécia-
tions.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
<————————— — -
SOUSCRIPTION
POUR LA STATUE DE LOUIS BLA \C
Cinquième liste
Montpellier (somme votée par le
conseil municipal). 100 »
Viriat, à Remenoville (Meurlhe-et.
Moselle), liste 833. 9 25
Atelier de M. et Mme Ruillier, 53,
rue de la Roquette. t 50
A. Seurre, à Paris, liste 15i. 2 50
Ch. FOurniëf, à Paris. fj.
Léon Coutaret, à Lempdes (Haute-
Loire), liste 680 Il »
Julien Bailly, à Panafé (Lot), fer
envoi, liste f,013. 50 »
Cerret" àanduze (Gard), liste 1,158 14 70
Prudot, à Bergerac, 28 envoi, liste
873. 45 75
Le groupe de la Libre-Pensée à
Bougival (Seine-et-Oise). 30 *
Percheron, à St-Germain (Seine-
et-Oise). t"
Martin, président de l'Alliance ré-
publicaine à Draguignan (Var), liste
7 23 52.
La loge les Amis-Réunis, à Poi-
tiers (Vienne). S *
Faubart, tourneur en cuivre 4
Mailly-le-Château (Yonne). S *
La loge Saint-Jean de Jérusalem,
à Nancy. 20 »
La loge l'Etoile de la Charente, à
Angoulême. 10 M
Ferrouillat, sénateur. 29..
Georges Laguerre, avocat à la
cour d'appel.,. 25 *
Jean Jean, à Saint-André de San-
ganis (Hérault), liste t,t 73. 7 30
Auguste Risler, artiste peintre, à
Paris 2 »
Duriveau, à Vaumoreau (Deux-
Sèvres), liste 303. 4 »
Louis Martigniot, à Moulins (Al-
lier). 1 »
La loge l'Union de Belleville, à
Paris 10 »
Miquet, à Cajare (Lot), liste 1,103. 43 »
, Bérengnier, à Vidauban (Var), liste
879. 22 »
La loge la Vraie fraternité, à -
Auch. 50 »
Greppo, député de la Seine, liste
699 28 *
Souscription ouverte par la Revue
maçonnique, lr9 et 2e listes : la Re-
vue mâconnaise, 25 fr.; Tricard, ren-
tier, 1 fr.; Flouzard, boulanger, 1 fr.;
L. Richard, typographe, t fr.; d'Her- -
bez, 1 fr.; Lucenet, 50 c.; l'Union
syndicale des travailleurs de Mâcon,
5 fr.; Pallot, serrurier, 50 c.; Meu-
nier, ajusteur, 50 c.; Mornand, au-
bergiste, 50 c.; Lapalus, 50 c.; Bllr-
lot, typographe, 50 c.; Martinot, fon-
deur, 50 c.; Lauvergne, tailleur de
pierres, 50 c.; François-Abel Jeau-
det, 1 fr.; Ferdinand Revillon, 1 fr.;
Joseph Braillon, 1 fr.; Moirod, con-
cierge de la mairie, 1 fr.; Mattan,
1 fr.; au total. 43 #
J. Laburthe, a Paris, liste, 1246.. 10 »
Total. G26 »
Montant des quatre premières listes : 3.060 20
Total à ce jour : 3.686 20
———————— ————————
LES ON-DIT
Hier matin, à onze heures, a eu lieu au
ministère des postes, la séance d'adjudica-
tion des services postaux maritimes de
l'Atlantique.
Pour le premier lot, comprenant la li-
gne du Havre à New-York, deux soumis-
sionnaires se sont présentés : M. Eugène
Pereire, président de la Compagnie géné-
rale transatlantique, et M. Bernard, direc-
teur de la Banque maritime.
M. Eugène Pereire a été déclaré adjudi-
cataire sur la ligne du Havre à New-York,
avec une subvention de 5,480,000 fr.
M. Bernard avait déposé une soumission
de 8,450,0J0 fr.
Pour le deuxième lot, comprenant la
ligne des Antilles et du Mexique, la Com-
pagnie générale transatlantique était seule
à soumissionner. Elle a demandé une sub-
vention de 7,200,000 fr.
M. le ministre des postes a déclaré que,
cette soumission étant supérieure au chif-
fre par lui arrêté, il y avait lieu à remettre
l'adj udication.
o
? ss
Le jury de l'Ecole des beaux-arts a rendu
le jugement suivant :
Gravure en taiile-douce, travaux de fin
Feuilleton du RAPPEL
DU 25 JUILLET
33
LA VIE EN L'AIR
DEUXIÈME PARTIE
1 (suite)
Cette laçon expéditive de renvoyer son
monde n'étonnll qu'à demi Paulot. Tant
de choses étaient étonnantes de la part de
cette mère. Il y était accoutumé. Aussi,
en dépit de l'accoutrement bizarre sous
lequel elle lui apparaissait, culottée, en
maillot, en perruque, c'est tout de même
bien sa mère qu'il voyait en elle en ce mo -
ment. Et bien mère, en effet, restait-elle,
malgré ces oripeaux, malgré le maquil-
lage, les yeux bordés de noir et les mains
Reproduction et traduction interdites.
Voir le Rappel du 17 juin eu 24 juillet.
couvertes d'un enduit qui laissait des
traces à l'habit de son fils qu'elle embras-
sait à pleines lèvres.
— Ah ça ! fit-elle. puisque te voilà à
heure dite, c'est que ma dépêche t'est
parvenue en temps utile. Tu as été cher-
cher Juliette ?
- Je l'ai régalée d'un fin dîner, au
pavillon d'Armenonville.
— Ah! chers coquins 1..
— En cabinet particulier, s'il vous
plaît!. -:.'
— Ne vous gênez pas!
- Elle était aux anges, sans savoir
pourquoi, ajouta Paul plaisamment. Il lui
semblait accomplir quelque chose d'é-
norme !
- Pauvre bébé! fit Léa, en riant à
l'unisson de son fils.
— Pour le moment, reprit celui-ci, elle
dort à poings fermés chez moi. Tu vois
que la consigne a été exécutée rigoureu-
sement. Et je viens à l'ordre.
— Vous êtes des enfants charmants,
s'écria l'actrice. Je n'aime que vous au
monde. Vous êtes ma consolation!
— Ta consolation, maman? Tu as donc
du chagrin?
Elle sembla chercher.
— Non ! Au fait, pourquoi est-ce que je
dis ça? Je ne sais pas. Suis-je bien capa-
ble d'en éprouver d'ailleurs? Tiens, au
moment d'aller si loin de vous. ie devrais
être triste, avoir peur. Eh bien! pas du
tout : je me dis que je vais vous gagner
une fortune et je me sens toute brave.
C'est cette pensée qui éloigne les autres.
Nous allons être riches, mon mignon; tu
verras.
Puis, songeant à eux tout à coup :
— Mais c'est peut-être à vous que ça fait
de la peine, hein? Faut pas, mon bon
Paul, ajouta-t-elle, émue de la physiono-
mie assombrie de son fils. Il faut être
raisonnable, vois-tu. J'ai des dettes plus
gros que moi, mon ami, ça m'ennuie. Il
faut s'affranchir de ces tracas, qui fini-
raient par devenir des obstacles sérieux.
Ta sœurette grandit, la voilà sur ses dix-
sept ans. Il faudra la marier un jour ! Je
veux qu'elle soit en situation de choisir.
Pour ça, il lui faut une grosse dot. Je vas
la lui pêcher là-bas. Tu comprends, n'est-ce
pas?
— Oui, maman, répondit Paul avec un
sourire attendri. Il y a longtemps que j'ai
compris : mais quand la séparation appro-
che, tu ne peux pas nous en vouloir de
trouver que l'obligation est pénible.
Léa lui prit la tête, la serrant sur sa
poitrine et murmurant à son oreille.
— Tais-toi ! Tu me fais pleurer. Ça
m'étale tout mon maquillage !
L'effusion passée, elle se planta devant
la glace; refaisant ses yeux, se plaquant
du noir aux cils, du rouge sous l'œil :
puis, donnant un autre tour à la conver-
sation :
— J'ai assez ragé, dit-elle, de ne pas
dîner avec vous, comme c'était convenu.
Mais figure-toi que ma canaille de direc-
teur, furieux de mon départ, m'avait affi-
chée ce soir pour m'empêcher de jouer
ici. Ça, je m'en moquais pas mal. Mais
voilà-t-il pas qu'il refuse à Ursule de lui
laisser prendre dans ma loge le costume
dont j'avais besoin pour la pièce inédite.
Il croyait me tenir, m'obliger à parlemen-
ter, à lui consentir soit une indemnité,
soit un renouvellement d'engagement, à
mon retour d'Amérique, et aux conditions
précédentes. Je t'en souhaite 1
— Comment as-tu fait?
— A midi, j'achetais les étoffes. A une
heure, ma couturière, mandée par dé-
pêche, arrivait à la maison avec six ou-
vrières que j'installais dans le salon, et nous
cousions, et nous cousions.
— Toi aussi ?
- d en ai les uoigis couroaiures, parole
d'honneur. Le pis est que j'en ai oublié
de dîner.
— Fais demander quelque chose.
— C'est vrai ; attends, dit Léa, en pous-
sant le bouton d'une sonnerie électrique.
Restait le costume de Chérubin, poursui-
vit-elle. Pas moyen de le fabriquer en
aussi peu de temps, tu penses. Mais j'ai
envoyé Ursule au Théâtre-Français et l'on
m'a prêté celui de Reichemberg. Seule-
ment Reichemberg est toute mignonne,
pas possible de tenir dedans, alors.
Elle ne put achever, on se précipitait
effaré dans sa loge. Au premier rang, qua-
tre pompiers, la hache au poing, et le ré-
gisseur criant :
— Où çà 1 où çà?
- Quoi?
- Le feu !
- Le feu? Il y a le feu?
— Dans ta loge, puisque tu sonnes à
l'incendie.
Elle se renversa sur sa chaise, riant de
tout son cœur.
— Eh I non, idiots, dit-elle, je me suis
trompée de bouton. C'est des biscuits et
du malaga que je veux; je crève de faim.
Le roi n'eût pas été plus vite obéi. L'or-
dre se transmettait de proche en proche.
— « Du malaga et des biscuits, pour Léa. »
Ça faisait comme un ricochets d'échos
successits.
— Mais, demanda Paul, comment t'ar-
ranges-tu, si tu prends la mer demain à
midi?
— Bien simple. J'ai planté là le wagon
que m'a retenu Erickson, mon cornac ; à
preuve qu'il m'a signifié ses réserves, par
huissier. Tiens, lis ça. C'est bien inutile,
du reste, puisque je m'embarquerai au
moment voulu.
— Par quel moyen 1
- Ell bien! donc. Est-ce que je suis
jamais embarrassée? J'ai commandé un
train spécial à quatre heures et demie du
matin. Ainsi, mignon, tu vas aller te cou-
cher. Eveiile Juliette à trois heures et
demie. Prenez un sac de nuit, soyez à la
gare de l'Ouest cinq minutes avant la
départ. Nous monterons ensemble dans la
train; j'y ai fait préparer un déjeuner et
nous ne nous quitterons qu'à la dernière
minute. C'est cher, mais c'est gentil, hein,
Paulot ? Baise ta mère.
Le régisseur apporta lui-même les bis-
cuits et le malaga que la divette avait com:",
mandés.
- As-tu besoin d'autre chose, ma fille?
lui demanda-t-il affectueusement.
— De rien, mon vieux; merci, répondit-
elle. Va ; mon pourpoint est arrangé i je
suis prête à entrer en scène. -,
ÉDOUAltD CAD JU
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