Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1883-07-14
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 juillet 1883 14 juillet 1883
Description : 1883/07/14 (N4873). 1883/07/14 (N4873).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7540367x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/11/2012
Nc 4873 p Samedi 14 Juillet 1883
Le numéro : lOc. - — Départements s i~~ c.
---------- 26 --- Messidor an 91 N° 4373
ADMINISTRATION
i8, RUE DE VALOIS, IR
ABONNEMENTS
PARIS ■5'^-
ÎStois mois. 40 y
£ isiP.ois#.20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
Six moi s a 21 A
y
AaresseJ: lettres et mandais
A M. ERNEST LEFÈVRE
^sn^smvrEariGÉBANi ,,
7 -——~ ————~
REDACTION
S'adresser au Secrétaire 3e la Réfaction,
De & à 6 heures du soitt
18, HUE DE VALOIS, 18
les manuscrits noninséres ne seront pas rcnîu^
ENONCES
Ut Ch. :tAGUANGE, CERF et CO
C, place de la Bourse, G ; ,
LA FiTE DE DEMAIN ,
Ce sera demain la quatorzième fois
, que la France célèbrera l'anniversaire
j du 14 juillet. Elle venait de le célébrer
pour la dixième fois quand, le 9 no-
o vembre 1799, le premier Bonaparte
trouva que c'était assez et rebâtit la
Bastille sous la forme de l'empire. Il y
a eu entre la dixième et la onzième fois
un entr'acte de quatrevingts ans.
La première célébration du grand
anniversaire fut la fête des fédérations.
« Rien, a dit Michelet, ne fut ici-bas
comparable à l'élan des fédérations. La
Révolution commença par aimer tout.
Elle alla jusqu'à aimer ses ennemis. Je
ne crois pas qu'à aucune époque le
cœur de l'homme ait été plus large. »
Dès le lendemain de la prise de la Bas-
tille, il y avait eu partout des fédéra-
tions locales ; il y avait eu ensuite la
fédération générale de Lyon ; il fallait
maintenant la fédération universelle de
Paris.
Le 5 juin 1790, une députation des
districts de Paris, le maire en tête, fut
admise à la barre de l'Assemblée natio-
nale, et Bailly lut une « Adresse des
citoyens de Paris à tous les Français »
dont un paragraphe était celui-ci : « Dix
mois sont à peine écoulés depuis l'épo-
que mémorable où, des murs de la Bas-
tille conquise, s'éleva un cri soudain :
Français, nous sommes libres! Qu'au
même jour, un cri plus touchant
se fasse entendre : Français, nous
sommes frères! » Et il reprenait : « Oui,
IOUS sommes frères, nous sommes
libres, nous avons uno patrie. » Nous
avons une patrie ! L'adresse insistait
sur cette grande et profonde parole :
« Nous ne sommes plus ni Bretons ni
Angevins, ont dit nos frères de la Bre-
tagne et de l'Anjou; comme eux nous
disons : Nous ne sommes plus Pari-
siens, nous sommes Français. » Et
dans les paroles qu'il aioutait Dour
demander à l'Assemblée nationale de
décréter l'envoi de l'adresse et la
fête, Bailly disait : « Déjà la division
des provinces n'existe plus, cette divi-
sion qui faisait en France comme au-
tant d'Etats séparés et de pays divers.
Tous les noms se confondent dans un
seul. Ce grand peuple ne connaît plus
que le nom de Français. » On pourrait
dire que c'est depuis le 14 juillet 1790
que la France est la France.
On n'eut que quelques jours — du 7
au 14 mars — pour apprêter le Champ
de Mars. On s'aperçut bientôt qu'avec
ies quinze mille ouvriers qui y travail-
laient on n'arriverait pas à temps ; sur
on mot des journaux, on en eut le len-
demain cent cinquante mille ; de toute
profession, de tout âge, des deux sexes.
Camille Desmoulins a fait une peinture
bien vive de cette fourmilière, de ces
femmes âgées qui épuisaient leurs for-
ces à apporter de la terre dans leur
tablier, de ces invalides qui, ne pou-
vant collaborer autrement, gardaienl
les manteaux des travailleurs, de ce
mélange d'acteurs de - la demoiselle
Montansier et de forts de la Halle,
d'acteurs faméliques et de restaura-
teurs, de chartreux « sortis du grand
sépulcre de la rue d Enfer » et de
« femmes qui n'étaient pas toutes des
vestales et qui se faisaient un plaisir
malin d'exciter la rougeur des enfants
de Brusô ». A mesure que le grand
jour approchait, les fédérés arrivaient
de partout. Onze cents Bretons, qui
avaient fait cent lieues, avec bagages,
armés, même canon, ne s'en mettaient
pas moins, à peine arrivés, à remuer la
terre avec les autres. 1
Quinze cent mille voix firent écho à
La Fayette lorsqu'il prononça, au nom
des gardes nationales de France, le ser-
ment de « demeurer unis à tous les
Français par les liens indissolubles de
la fraternité ».
Une phrase de ce serment est na-
vrante : « Je jure de protéger la libre
circulation des grains et subsistances
dans l'intérieur du royaume. » Pauvre
peuple si longtemps victime des acca-
pareurs, si longtemps en proie au Pacte
de famine !
Ce n'était pas seulement de faim que
la monarchie l'avait affamé, c'était de
liberté, d'égalité, de dignité, de tout.
Maître à présent, ce peuple ne deman-
dait qu'à Oublier. « Il n'y a plus qu'un
sentiment, celui de l'amour et de la
fraternité », disait le maire de Paris à
l'Assemblée.
A cette déclaration de fraternité com-
ment les royalistes et les prêtres répon-
dirent-ils? En conspirant, en provo-
quant la Révolution, en appelant l'étran-
ger, en allant combattre sous le drapeau
prussien, en se faisant les soldats de
l'invasion. La Révolution n'aurait pas
eu de sang dans les veines si elle étai t
restée calme, si elle n'avait pas eu un
accès de fureur, si elle n'avait pas broyé
ces parricides de la patrie! Mais en 89
et en 90, elle ne demandait qu'à ouvrir
ses bras à tout le monde, et elle n'est
#
devenue terrible que par la faute -
non, par le crime — de ses ennemis.
AUGUSTE VACQUERIE.
A LA CHAMBRE
On a parlé un peu, au début, de la
loi municipale et, chose bizarre, au
moment même où la Chambre s'apprête
à bâcler, par souci des petites affaires
locales, les plus grandes affaires du
pays, un amendement de M. Beauquier,
tendant à empêcher d'être maires ou
adjoints les sénateurs et les députés
est justement venu en discussion.
Cette coïncidence fortuite n'a pas ou-
vert les yeux à la majorité, et par 288
voix contre 179, on a repoussé l'amen-
dement de M. Beauquier en donnant, il
est vrai, pour unique raison qu'une loi
spéciale sur le cumul était déposée, ce
qui est vrai, mais ce qui n'empêche pas
qu'en attendant on cumule à qui mieux
mieux.
Sur la demande de M. le ministre des
travaux publics, la discussion de la loi
municipale, qu'on n'écoutait pas d'ail-
leurs, a été alors interrompue. M. Ray-
nal, après avoir donné à M. de Mackau
quelques explications sur la convention
avec la compagnie de l'Ouest, qui reste
encore à conclure, a prié la Chambre,
Il - -
ainsi qu'on 1 avait annonce, ae mettre
à son ordre du jour du lundi le débat
sur les conventions.
M. Rivière, en quelques mots très
brefs, a combattu cette motion. L'ho-
norable membre a surtout insisté sur
l'impossibilité où, suivant lui, se trou-
vait la Chambre de discuter des docu-
ments incomplets ou venus tardivement
à sa connaissance, à commencer par le
rapport de M. Rouvier, que personne
n'a eu le temps de lire.
M. Raynal, qui a mis plusieurs an-
nées, six au moins, à découvrir qu'on
pouvait sans crime chercher à s'en-
tendre avec les compagnies au lieu de
tout demander à l'Etat, M. Raynal n'est
pas d'avis que la Chambre ait besoin de
plus de quarante-huit heures pour ou-
blier les théories qu'il a souvent profes-
sées. Suivant M. le ministre, tout le
monde doit avoir une opinion arrêtée
ou, comme lui et M. Baïhaut, s'en être
procuré une nouvelle. D'ailleurs, le
rapport de M. Rouvier est très bien
fait, et M. Raynal le recommande à la
lecture des députés. Au moment où le
ministre fait ainsi l'éloge @ d'un docu-
ment qui sort de l'imprimerie, M. Clé-
menceau 1 interrompt pour lui deman-
der comment il a eu connaissance du
rapport en question. M. Raynal répond
qu'il l'a lu avant d'entrer en séance.
On trouve, en général, que M. le minis-
tre des travaux publics a le travail facile
et la conception prompte.
Jusqu'à ce moment l'accueil fait à
l'orateur du gouvernement est loin
d'être favorable. Cette impression ne
se modifie pas quand M. Raynal dit à
ses collègues « que ceux d'entre eux
qui voudraient consulter des docu-
ments supplémentaires n'auraient qu'à
venir au ministère des travaux publics.
On a assurément vu des ministres par-
ler à une Chambre avec plus d'égards.
Mais M. Raynal poursuit son argu-
mentation, et pour justifier le vote im-
médiat des conventions, le vote au
galop, comme dit M. Camille Pelle-
tan, M. le ministre déclare « qu'elles
sont le pivot du budget extraordinaire
et qu'il est impossible d'établir sérieu-
sement le budget si les conventions ne
sont pas votées ».
Ce langage soulève les plus vives
protestations sur un très grand nombre
de bancs et, à ce moment, malgré son
assurance, malgré les raisons diverses
qui militent contre l'ajournement, M.
Raynal paraît fort compromis. Com-
prenant qu'il a été un peu loin, il at-
tente sa déclaration en disant que le
budget extraordinaire lié aux conven-
tions, c'est - celui du gouvernement.
Cela sous-entend qu'on en pourrait
faire un autre, ce qui est d'ailleurs ab-
solument certain.
Cette rétractation a désarmé un peu
la Chambre et le ministre a pu conti-
nuer plus facilement son discours.
Quand il a parlé de la ratification des
actionnaires, de très vives protesta-
tions ont encore éclaté. Il a alors, par
une habileté nouvelle, concédé à la
Chambre le droit « d'amender » les
conventions, droit qu'on assurait devoir
être contesté. En terminant, le minis-
tre a tracé rapidement un tableau assez
sombre de la situation et il a fait appel
à la responsabilité du Parlement,
Si, après ce discours, qui avait en
somme produit une impression assez
iâehetffie sur la Chambre, un orateur
doué de quelque esprit politique, lais-
sant de côté les conventions et repre-
nant seulement certains points du dis-
cours ministériel était venu à la tribune,
il est à croire que la motion du cabinet
n'eût été votée qu'à une majorité assez
faible. Mais, au lieu de l'orateur qui
semblait indiqué, M. Papon, qui n'a
aucune autorité sur la Chambre, que
personne n'a écouté et qui était d'ail-
leurs beaucoup trop engagé et très mal
engagé dans la question des chemins
de fer, est venu occuper la tribune pen-
dant un temps assez long pour faire ou-
blier les imprudences de M. Raynal et
pour en atténuer l'effet. Dès lors, la
journée, comme beaucoup le pré-
voyaient d'ailleurs, n'avait plus aucune
importance et les luttes véritables
étaient renvoyées à la semaine pro-
chaine.
Il y a eu cependant encore, entre
M. Allain-Targé et M. le ministre des
finances, un échange d'observations au
sujet de la prétendue impossibilité
d'établir ce budget extraordinaire. M.
Tirard n'a pas voulu, a-t-il dit, es-
compter le vote de la Chambre en dres-
sant un budget par anticipation. C'est
là, on l'avouera, une obstination sin-
gulière, car tous les budgets sont pu-
rement hypothétiques et le ministre
pouvait parfaitement présenter l'exposé
du sien dans la donnée du vote des
conventions. M. Raynal, on ne l'a
peut-être pas remarqué, avait paru
indiquer que ce budget était tout
prêt, puisqu'il avait parlé « du bud-
get extraordinaire crue le couverne-
ment veut établir et qu'il croit le meil-
leur. » On ne s'exprime pas ainsi sur
une chose qui n'a pas pris corps, et il
est difficile de comprendre pourquoi la
Chambre est mise en demeure de voter
des conventions qu'elle connait à peine,
sous prétexte d'équilibrer un budget
qu'elle ne connaît pas du tout.
C'est assurément la première fois
qu'un ministère républicain traite le
parlement avec cette désinvolture; il
est vrai que ce ministère est un minis-
tère autoritaire et que le parlement a
hâte d'aller en vacances. C'est ce qui
explique le chiffre très faible de la mi-
norité - 11.5 voix — mais plusieurs
pensent que ce chiffre grossira au cours
des débats qui s'ouvriront lundi.
La séance s'est terminée par une dis-
cussion assez orageuse sur le projet de
pension à accorder à M. Pasteur. Le
projet a été défendu par M. Paul'Bert,
qui a rappelé les expériences fécondes
et souvent périlleuses de M. Pasteur.
Plusieurs membres ont mis en doute
l'importance de s résultats obtenus. Mais,
à une majorité énorme, la Chambre a
voté le crédit.
A. GAULIER.
■ I I II • ■!-
COULISSES DES CHAMBRES
Comme nous le faisions prévoir, la mise
à l'ordre du jour des conventions pour le
lundi 16 juillet a été votée hier par la
Chambre. Le matin le conseil des minis-
tres avait définitivement résolu de poser
la question de confiance à propos de ce
vote et c'est ce que M. Raynal a fait en
termes formels.
Le débat s'ouvrira donc lundi ; il sera
précédé d'une discussion générale qui ne
durera pas moins de trois ou quatre séan-
ces et pour laquelle 22 orateurs sont déjà
inscrits. Pour prolonger le moins possible
la session, on demandera à la Chambre de
siéger toute la semaine sans interruption.
De la sorte, il est probable que la sépara-
tion des Chambres pourra se faire du 21
au 25 juillet et qu'on n'aura nul besoin de
retarder les élections et la session des con-.
seils généraux.
Pour éviter deux délibérations sur les
conventions, le gouvernement demandera
la déclaration d'urgence; mais cette mo-
tion ne sera faite qu'à l'issue de la discus-
sion générale, au moment de passer à la
discussion des articles des conventions.
Quant à l'ordre dans lequel les conven-
tions seront discutées, c'est au même mo-
ment qu'on le réglera. Le gouvernement
demandera la priorité pour la convention
de Paris-Lyon-Méditerranée qui est la
convention-type, celle sur le modèle de
laquelle toutes les autres ont été faites.
Pour les autres, le gouvernement ne de-
mande aucun ordre déterminé. Si la
Chambre veut donner un tour de faveur à
la convention d'Orléans et la discuter en
seconde ligne au lieu du dernier rang
qu'elle a actuellement, le gouvernement
n'y fera pas obstacle.
Pendant que la Chambre discutera les
cinq conventions déjà déposées, une
sixième, celle avec la compagnie de
l'Ouest, sera déposée. Les négociations
dont nous avions annoncé hier la reprise
ont abouti. La convention sera signée soit
aujourd'hui, soit lundi, à cause des fêtes
de samedi et de dimanche.
Le principal obstacle qui s'opposait à la
conclusion de cette convention a été levé.
L'Etat cède à la compagnie de l'Ouest la
ligne de Rouen à Chartres ; en échange de
cette concession, il obtient pour les trains
du réseau d'Etat l'entrée gratuite dans les
deux gares de la compagnie de l'Ouest à
Paris.
La convention sera probablement dépo-
sée lundi. La commission l'examinera
promptsment et le rapport pourra être
déposé à temps pour que la Chambre
puisse joindre la discussion de la nouvelle
convention à celle des cinq autres.
ii i, i i —
AU SÉNAT
Quand la Chambre a voté, il y a peu de
jours, le projet de loi présenté par le gou-
vernement pour organiser un service d'ar-
tillerie de forteresse, en se servant des
cadres du train, beaucoup de membres,
et le rapporteur lui-même, M. Margaine,
ont reconnu que le projet déposé par le
général Billot était mieux conçu ; ils lui
reprochaient seulement de coûter au
Tresor bal millions.
Depuis lors, il paraît que notre situation
budgétaire s'est sensiblement améliorée,
puisque le même cabinet et la même
Chambre, qui refusaient de dépenser sept
millions pour assurer la défense des fron-
tières, ont trouvé moyen d'en donner
vingt, et plus, à la compagnie du chemin
de fer sénégalais.
Dans ces conditions, le Sénat a pensé,
avec raison suivant nous, qu'on ne pou-
vait mieux employer les richesses nouvel-
les découvertes par M. Tirard qu'en les
faisant servir à l'armement de nos places
et à la création d'un corps homogène et
bien recruté, pour le service des pièces de
rempart. En même temps, on a l'avantage
de ne pas toucher au train, dont la sup-
pression pourrait à l'heure de la mobilisa-
tion, causer bien des embarras et des
désordres peut-être irréparables. Le Sé-
nat a donc renvoyé à la commission, mal-
gré l'opposition du général Farre et du
général Thibaudin, l'ancien projet du gé-
néral Billot. Ce dernier a démontré, dans
un petit discours bien concluant et bien
enlevé, qu'il n'y avait rien de mieux à
faire. Avec l'appui du colonel Meinadier,
il a obtenu gain de cause : 138 voix contre
118 ont décidé le renvoi de son projet à la
commission, et nous ne doutons pas que
la Chambre, quand le projet reviendra de-
vant elle, ne l'accueille avec la même fa-
veur. Que diable 1 il faut bien que les
grosses pépites qu'on découvre chaque
jour servent à quelque chose.
A. G.
Il
LA DÉLÉGATION HONGROISE A PARIS
L'arrivée
De grand matin, la Société hongroise de
Paris, président et vice-président en tête;
des journalistes hongrois résidants à Pa-
ris; des artistes, MM. Folgyessi, Remy, etc.,
attendaient à la gare les sympathiques
voyageurs. A eux s'étaient adjoints MM.
Alphonse Bernhard, correspondant pari-
sien de la Gazette de Hongrie, et votre ser-
viteur, si heureux de revoir au plus vite
ces vaillants amis de la France qui ont
fait naguère dans sa modeste personne au
correspondant du Rappel un si chaleureux
accueil.
Il était cinq heures et demie quand les
premières voitures arrivaient. De formida«
bles vivats : Eljenl eljen 1 éclatèrent. Je
vous laisse à penser avec quel entrain les
arrivants répondirent, et si les mouchoirs
et les chapeaux' s'agitèrent. Puis un cri de :
Vive la France 1 et des attendrissements,
et des embrassades sans fin.
Notre compatriote et ami, M. Saissy, ré-
dacteur en chef de la Gazette de Hongrie,
professeur de littérature française à l'Uni-
versité de Pesth, membre de l'Institut
hongrois, si estimé et aimé en Hongrie,
nous a fait l'honneur de nous présenter
ou représenter à MM. Pulsky, membre de
l'Institut hongrois, directeur du splendide
musée de Buda-Pesth ; Urvary, président
de la Société des gens de lettres de Hon-
grie, e tutti quanti. Par les. soins de M. Ara-
nyi, délégué en France du ministre de
l'instruction publique de Hongrie, des voi-
tures avaient été préparées. Nous avons
suivi nos hôtes. A six heures et demie,
une longue file de voitures s'arrêtait de-
vant l'hôtel du Lion d'or, rue du Helder,
décoré de drapeaux hongrois et français,
et les habitants du quartier faisaient aux
Hongrois un chaleureux accueil. Nous
échangions avec nos amis de l'Europe
orientale plus d'une bonne parole et plus
d'une ardente poignée de main, et rendez-
vous fut pris pour la visite à Victor Hugo,
le premier acte impatiemment attendu du
pèlerinage hongrois.
A une heure, selon le programme arrêté;
le comité de réception français, ayant à sa
tête M. Louis Ulbach, se présentait chez
M. de Lesseps, son président. Mais la grave
maladie de son fils empêcha M. de Les-
seps de se joindre à nous, et son secrétaire
général, M. Marins Fontane, chargé de le
représenter, nous accompagna à l'hôtel du
Lion d'or, où il souhaita, au nom de la
France, toute cordialité et bienvenue à la
délégation hongroise en quelques aima-
bles paroles que souligna une courte et
vive allocution de notre cher confrère,
M. Louis Ulbach:
Puis, ceux-ci à pied, jusqu'au rendez-
vous pris à l'Arc de Triomphe, ceux-là en
voiture, on se rendit chez le poète na-
tional.
Chez Victor Hugo
Quand on fut en présence du maître, je
ne vous saurais décrire la touchante ma-
nifestation qui se produisit et dont tous
les assistants garderont un inaltérable
souvenir. 1
M. Louis Ulbach présenta au maître la
délégation et celle-ci fit rendre ses hom<
mages à son hôte glorieux par le plus au-
torisé de ses interprètes, M. Pulsky, dont
la touchante et vibrante parole eut le don
d'émouvoir profondément Victor Hugo;
Le poète de la Légende des Siècles maîtrisa
son émotion, et ce fut de sa voix virile et
souveraine qu'il dit en quelques belles
paroles sa joie de voir chez lui tant de re-
présentants du grand peuple hongrois.
Ses paroles furent accueillies par de for-
midables Eljtni
On passa dans la salle à manger, où était
servie une collation dont Mme Lockroy,
Georges et Mlle Jeanne firent gracieuse-
ment les honneurs. On sait avec quelle
Feuilleton du RAPPEL
DU 14 JUILLET
24
LA VIE EN L'AIR
PREMIÈRE PARTIE
1"
III (suite)
Henri en venait à fixer sa pensée, bien
jouvent sur la sœur de Paul, entraîné à la
sympathie par une sorte de pitié. Il la
plaignait intérieurement, s'effrayant pour
elle de la destinée probable. Une déclas-
sée innocente que cette fille d'actrice "a
réputation tapageuse, de cette fem*ie dont
les liaisons étaient de notoriété publique,
défrayaient parfois les journaux mon-
dains.
Reproduction et traduction interdites.
Voir le Rappel du 17 juin au 13 juillet
r ;— Quel avenir pour elle? disait-il à
Gabrielle.
- Qui sait ? répondait celle-ci, son in-
nocence ne peut-elle tenter un brave cœur
à qui son visage, sa grâce naturelle, son
esprit et son éducation inspireraient de l'a-
mour?
I —Et l'épouserait?
— Sans doute.
- Il faudrait une singulière bravoure
à un fils de bourgeois, reprenait le jeune
homme après un moment de réflexion,
pour passer outre aux défiances, aux pré-
jugés de sa classe, à ses origines et à ses
attaches 1
En l'écoute, Gabrielle se demandait
dans quel sentiment Henri abordait ce
sujet, en appuyant principalement sur les
inconvénients d'une union avec cette jeune
fille. -
:. - En tout cas, dit-elle, si Juliette a
conscience de sa situation — et elle est
trop intelligente pour ne pas s'en rstiure
cpmpte, au moins après — c& serait pour
ce « brave », comme vous ôîies, Henri,
une sérieuse garantie d'affection; car,
douée d'une exquise sensibilité, il est bien
impossible qu'elle marchande la gratitude
à celui qui surmonterait ces difficultés,
que vous exagérez peut-être.
— Pourtant, elles sont capitales, ma
chère. Passe encore sur les appréciations
du monde, auxquelles; en effet, il ne faut
pas attacher plus d'importance que de
raison. Le fameux proverbe : « On n'é-
pouse pas la famille », est suffisant à in-
voquer à l'égard des indifférents. Mais en-
vers cette famille même, envers sa femme,
que de susceptibilités à ménager! que de
situations embarrassantes à appréhender,
mortifications fortuites nées d'un mot
échappé, d'un oubli des tiers I
— Si j'étais homme, répliqua Gabrielle,
il me semble que je ne m'arrêterais point
à ces considérations, au cas où je me sen-
tirais aimé d'une personne telle que Ju-
liette. Je m'en remettrais avec confiance à
son tact, à son amour, pour éviter ces
heurts, ces embarras que vous entrevoyez,
mon ami, et je le lui faciliterais, de bon
cœur, en acceptant ouvertement les con-
séquences de ma bonne action.
— Cela vous tenterait donc, Gabrielle ?
— Si j'étais homme, si elle m'aimait?
Assurément.
— Voilà aussi ce dont il faudrait être
certain.
— Pourquoi de sa part plus que d'une
autre? Toute fille d'actrice qu'elle soit,
son éducation, je le répète, est celle d'une
jeune personne ordinaire. Il serait injuste
et blessant, puisqu'il en est ainsi, d'exiger
des assurances, des aveux plus formels
qu'il n'en est d'usage en pareil cas. De
quel droit l'obliger à sortir d'une réserve
qui constitue la dignité des autres 2
Le jeune homme ne répliqua pas.
— Voyons, Henri, reprit Mlle Phortin,
d'un ton semi-plaisant, quelle bonne grâce
aurait un homme à venir lui dire : « Pré-
cisons, n'est-ce pas, mademoiselle? Vous
appréciez, j'espère, le sacrifice que je fais
en vous proposant mon alliance. J'y
éprouve un peu d'humiliation, en somme.
Eh bien ! là, franchement, dites-moi ça :
Vous m'aimez hein ! » Pourquoi pas lui
demander une déclaration sur papier
timbré ?
- Vous plaisantez, Gabrielle 1
- Pour tout dire, je me susceptibilise
un peu, mon cher ami. L'esprit de corps
s'insurge légèrement en moi. Au lieu de :
« Si j'étais homme », je dis : « Si j'étais
fille d'une actrice, d'une femme de mœurs
légères » et qu'on parût si hésitant, je ti-
rerais une belle révérence et répondrais :
« Vous m'honorez infiniment, mon beau
monsieur, mais il est bien inutile de vous
tant sacrifier, de vous efforcer à tant d'ab-
négation, car je ne demande rien à per-
sonne. J'ai eu l'heur de vous plaire;
vous m'en voyez flattée au premier chef ;
mais j'imagine que je démériterais, même
à vos yeux, si j'étalais mes sentiments avec
trop d'éclat, et par là, si je reniais délibé-
rément les origines et les attaches qui vous
chiffonnent et que je n'ai point choisies.
Fille d'actrice je suis; à vous de peser
toutes choses*
r — Tout cela, reprit Henri, tout cela
est fort juste dans l'hypothèse d'où nous
partons, c'est-à-dire, adressée à un gar-
çon épris d'elle. Mais si elle aime, elle
aussi? Voilà de quoi frapper tout autre-
ment. Non seulement elle ne tiendrait pas
le langage que vous lui prêtez; mais,
quelle aggravation de tristesse dans ce
petit cœur clairvoyant 1
— De deux choses l'une, Henri : ou le
quelqu'un qu'elle aimera ne s'en aperce-
vra pas, et alors ses hésitations causeront
en effet une peine profondément injuste à
cette innocente enfant, ou il devinera la
prédilection dont il sera l'objet.
— Supposons, Gabrielle, ou plutôt, sup-
posez encore que vous êtes homme et qu'il
s'agisse de vous.
— Eh bien, Henri, moi je me déroberais
à toute influence de caste, de milieu, et
n'écouterais que ma générosité, que mon
penchant. Tant pis pour les préjugés, tant
pis pour les répugnances de mes entours,
je me laisserais séduire par l'attrait de
faire un acte louable. J'y verrais quelque
grandeur, quelque chose de chevaleresque,
et à tous risques j'honorerais cette jeune
fille d'une confiance aveugle, absolue!
Oui, il me plairait de surmonter les timi-
dités de mon milieu et je m'accorderais
quelque fierté à l'affranchir des fatalités que
lui infligent les hasards de sa naissance.
Je me glorifieras de la tiçer de là, sans
condition, sans réserve, sans obligation da
répudier les solidarités d'origine. Et quant
aux suites, je m'apprêterais à y faire face,
fort de ma loyauté, fort de mon vouloir
réfléchi, déterminé à résister aux froisse-
ments, aux amertumes même, que les
relations extérieures pourraient me valoir.
Je vous en réponds, ajouta Mlle Phor-
tin, pour si peu que je connaisse encore
la sœur de M. Aubervain, je réponds que,
liée à un tel homme, elle ne croirait ja-
mais avoir assez payé par sa tendresse, la
grandeur d'âme de celui qui lui aurait
tendu la main ; qui aurait accompli [cette
belle et touchante action à son profit 1
Cette enfant tient de son frère, qui, plus;
que sa mère, l'a élevée. Elle a le cœur 4'
sa place 1
Un silence se fit entre Gabrielle et Henri*'
Ils semblaient suivre des pensées intimes.
— Au fait, demanda tout à coup l'or-
pheline, à quel propos parlez-vous de cela,
Henri?
— A propos de rien, ma chère, répon^
dit-il en souriantj
ÉDOUARD CADOL.
f
JL suivre.)
Le numéro : lOc. - — Départements s i~~ c.
---------- 26 --- Messidor an 91 N° 4373
ADMINISTRATION
i8, RUE DE VALOIS, IR
ABONNEMENTS
PARIS ■5'^-
ÎStois mois. 40 y
£ isiP.ois#.20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
Six moi s a 21 A
y
AaresseJ: lettres et mandais
A M. ERNEST LEFÈVRE
^sn^smvrEariGÉBANi ,,
7 -——~ ————~
REDACTION
S'adresser au Secrétaire 3e la Réfaction,
De & à 6 heures du soitt
18, HUE DE VALOIS, 18
les manuscrits noninséres ne seront pas rcnîu^
ENONCES
Ut Ch. :tAGUANGE, CERF et CO
C, place de la Bourse, G ; ,
LA FiTE DE DEMAIN ,
Ce sera demain la quatorzième fois
, que la France célèbrera l'anniversaire
j du 14 juillet. Elle venait de le célébrer
pour la dixième fois quand, le 9 no-
o vembre 1799, le premier Bonaparte
trouva que c'était assez et rebâtit la
Bastille sous la forme de l'empire. Il y
a eu entre la dixième et la onzième fois
un entr'acte de quatrevingts ans.
La première célébration du grand
anniversaire fut la fête des fédérations.
« Rien, a dit Michelet, ne fut ici-bas
comparable à l'élan des fédérations. La
Révolution commença par aimer tout.
Elle alla jusqu'à aimer ses ennemis. Je
ne crois pas qu'à aucune époque le
cœur de l'homme ait été plus large. »
Dès le lendemain de la prise de la Bas-
tille, il y avait eu partout des fédéra-
tions locales ; il y avait eu ensuite la
fédération générale de Lyon ; il fallait
maintenant la fédération universelle de
Paris.
Le 5 juin 1790, une députation des
districts de Paris, le maire en tête, fut
admise à la barre de l'Assemblée natio-
nale, et Bailly lut une « Adresse des
citoyens de Paris à tous les Français »
dont un paragraphe était celui-ci : « Dix
mois sont à peine écoulés depuis l'épo-
que mémorable où, des murs de la Bas-
tille conquise, s'éleva un cri soudain :
Français, nous sommes libres! Qu'au
même jour, un cri plus touchant
se fasse entendre : Français, nous
sommes frères! » Et il reprenait : « Oui,
IOUS sommes frères, nous sommes
libres, nous avons uno patrie. » Nous
avons une patrie ! L'adresse insistait
sur cette grande et profonde parole :
« Nous ne sommes plus ni Bretons ni
Angevins, ont dit nos frères de la Bre-
tagne et de l'Anjou; comme eux nous
disons : Nous ne sommes plus Pari-
siens, nous sommes Français. » Et
dans les paroles qu'il aioutait Dour
demander à l'Assemblée nationale de
décréter l'envoi de l'adresse et la
fête, Bailly disait : « Déjà la division
des provinces n'existe plus, cette divi-
sion qui faisait en France comme au-
tant d'Etats séparés et de pays divers.
Tous les noms se confondent dans un
seul. Ce grand peuple ne connaît plus
que le nom de Français. » On pourrait
dire que c'est depuis le 14 juillet 1790
que la France est la France.
On n'eut que quelques jours — du 7
au 14 mars — pour apprêter le Champ
de Mars. On s'aperçut bientôt qu'avec
ies quinze mille ouvriers qui y travail-
laient on n'arriverait pas à temps ; sur
on mot des journaux, on en eut le len-
demain cent cinquante mille ; de toute
profession, de tout âge, des deux sexes.
Camille Desmoulins a fait une peinture
bien vive de cette fourmilière, de ces
femmes âgées qui épuisaient leurs for-
ces à apporter de la terre dans leur
tablier, de ces invalides qui, ne pou-
vant collaborer autrement, gardaienl
les manteaux des travailleurs, de ce
mélange d'acteurs de - la demoiselle
Montansier et de forts de la Halle,
d'acteurs faméliques et de restaura-
teurs, de chartreux « sortis du grand
sépulcre de la rue d Enfer » et de
« femmes qui n'étaient pas toutes des
vestales et qui se faisaient un plaisir
malin d'exciter la rougeur des enfants
de Brusô ». A mesure que le grand
jour approchait, les fédérés arrivaient
de partout. Onze cents Bretons, qui
avaient fait cent lieues, avec bagages,
armés, même canon, ne s'en mettaient
pas moins, à peine arrivés, à remuer la
terre avec les autres. 1
Quinze cent mille voix firent écho à
La Fayette lorsqu'il prononça, au nom
des gardes nationales de France, le ser-
ment de « demeurer unis à tous les
Français par les liens indissolubles de
la fraternité ».
Une phrase de ce serment est na-
vrante : « Je jure de protéger la libre
circulation des grains et subsistances
dans l'intérieur du royaume. » Pauvre
peuple si longtemps victime des acca-
pareurs, si longtemps en proie au Pacte
de famine !
Ce n'était pas seulement de faim que
la monarchie l'avait affamé, c'était de
liberté, d'égalité, de dignité, de tout.
Maître à présent, ce peuple ne deman-
dait qu'à Oublier. « Il n'y a plus qu'un
sentiment, celui de l'amour et de la
fraternité », disait le maire de Paris à
l'Assemblée.
A cette déclaration de fraternité com-
ment les royalistes et les prêtres répon-
dirent-ils? En conspirant, en provo-
quant la Révolution, en appelant l'étran-
ger, en allant combattre sous le drapeau
prussien, en se faisant les soldats de
l'invasion. La Révolution n'aurait pas
eu de sang dans les veines si elle étai t
restée calme, si elle n'avait pas eu un
accès de fureur, si elle n'avait pas broyé
ces parricides de la patrie! Mais en 89
et en 90, elle ne demandait qu'à ouvrir
ses bras à tout le monde, et elle n'est
#
devenue terrible que par la faute -
non, par le crime — de ses ennemis.
AUGUSTE VACQUERIE.
A LA CHAMBRE
On a parlé un peu, au début, de la
loi municipale et, chose bizarre, au
moment même où la Chambre s'apprête
à bâcler, par souci des petites affaires
locales, les plus grandes affaires du
pays, un amendement de M. Beauquier,
tendant à empêcher d'être maires ou
adjoints les sénateurs et les députés
est justement venu en discussion.
Cette coïncidence fortuite n'a pas ou-
vert les yeux à la majorité, et par 288
voix contre 179, on a repoussé l'amen-
dement de M. Beauquier en donnant, il
est vrai, pour unique raison qu'une loi
spéciale sur le cumul était déposée, ce
qui est vrai, mais ce qui n'empêche pas
qu'en attendant on cumule à qui mieux
mieux.
Sur la demande de M. le ministre des
travaux publics, la discussion de la loi
municipale, qu'on n'écoutait pas d'ail-
leurs, a été alors interrompue. M. Ray-
nal, après avoir donné à M. de Mackau
quelques explications sur la convention
avec la compagnie de l'Ouest, qui reste
encore à conclure, a prié la Chambre,
Il - -
ainsi qu'on 1 avait annonce, ae mettre
à son ordre du jour du lundi le débat
sur les conventions.
M. Rivière, en quelques mots très
brefs, a combattu cette motion. L'ho-
norable membre a surtout insisté sur
l'impossibilité où, suivant lui, se trou-
vait la Chambre de discuter des docu-
ments incomplets ou venus tardivement
à sa connaissance, à commencer par le
rapport de M. Rouvier, que personne
n'a eu le temps de lire.
M. Raynal, qui a mis plusieurs an-
nées, six au moins, à découvrir qu'on
pouvait sans crime chercher à s'en-
tendre avec les compagnies au lieu de
tout demander à l'Etat, M. Raynal n'est
pas d'avis que la Chambre ait besoin de
plus de quarante-huit heures pour ou-
blier les théories qu'il a souvent profes-
sées. Suivant M. le ministre, tout le
monde doit avoir une opinion arrêtée
ou, comme lui et M. Baïhaut, s'en être
procuré une nouvelle. D'ailleurs, le
rapport de M. Rouvier est très bien
fait, et M. Raynal le recommande à la
lecture des députés. Au moment où le
ministre fait ainsi l'éloge @ d'un docu-
ment qui sort de l'imprimerie, M. Clé-
menceau 1 interrompt pour lui deman-
der comment il a eu connaissance du
rapport en question. M. Raynal répond
qu'il l'a lu avant d'entrer en séance.
On trouve, en général, que M. le minis-
tre des travaux publics a le travail facile
et la conception prompte.
Jusqu'à ce moment l'accueil fait à
l'orateur du gouvernement est loin
d'être favorable. Cette impression ne
se modifie pas quand M. Raynal dit à
ses collègues « que ceux d'entre eux
qui voudraient consulter des docu-
ments supplémentaires n'auraient qu'à
venir au ministère des travaux publics.
On a assurément vu des ministres par-
ler à une Chambre avec plus d'égards.
Mais M. Raynal poursuit son argu-
mentation, et pour justifier le vote im-
médiat des conventions, le vote au
galop, comme dit M. Camille Pelle-
tan, M. le ministre déclare « qu'elles
sont le pivot du budget extraordinaire
et qu'il est impossible d'établir sérieu-
sement le budget si les conventions ne
sont pas votées ».
Ce langage soulève les plus vives
protestations sur un très grand nombre
de bancs et, à ce moment, malgré son
assurance, malgré les raisons diverses
qui militent contre l'ajournement, M.
Raynal paraît fort compromis. Com-
prenant qu'il a été un peu loin, il at-
tente sa déclaration en disant que le
budget extraordinaire lié aux conven-
tions, c'est - celui du gouvernement.
Cela sous-entend qu'on en pourrait
faire un autre, ce qui est d'ailleurs ab-
solument certain.
Cette rétractation a désarmé un peu
la Chambre et le ministre a pu conti-
nuer plus facilement son discours.
Quand il a parlé de la ratification des
actionnaires, de très vives protesta-
tions ont encore éclaté. Il a alors, par
une habileté nouvelle, concédé à la
Chambre le droit « d'amender » les
conventions, droit qu'on assurait devoir
être contesté. En terminant, le minis-
tre a tracé rapidement un tableau assez
sombre de la situation et il a fait appel
à la responsabilité du Parlement,
Si, après ce discours, qui avait en
somme produit une impression assez
iâehetffie sur la Chambre, un orateur
doué de quelque esprit politique, lais-
sant de côté les conventions et repre-
nant seulement certains points du dis-
cours ministériel était venu à la tribune,
il est à croire que la motion du cabinet
n'eût été votée qu'à une majorité assez
faible. Mais, au lieu de l'orateur qui
semblait indiqué, M. Papon, qui n'a
aucune autorité sur la Chambre, que
personne n'a écouté et qui était d'ail-
leurs beaucoup trop engagé et très mal
engagé dans la question des chemins
de fer, est venu occuper la tribune pen-
dant un temps assez long pour faire ou-
blier les imprudences de M. Raynal et
pour en atténuer l'effet. Dès lors, la
journée, comme beaucoup le pré-
voyaient d'ailleurs, n'avait plus aucune
importance et les luttes véritables
étaient renvoyées à la semaine pro-
chaine.
Il y a eu cependant encore, entre
M. Allain-Targé et M. le ministre des
finances, un échange d'observations au
sujet de la prétendue impossibilité
d'établir ce budget extraordinaire. M.
Tirard n'a pas voulu, a-t-il dit, es-
compter le vote de la Chambre en dres-
sant un budget par anticipation. C'est
là, on l'avouera, une obstination sin-
gulière, car tous les budgets sont pu-
rement hypothétiques et le ministre
pouvait parfaitement présenter l'exposé
du sien dans la donnée du vote des
conventions. M. Raynal, on ne l'a
peut-être pas remarqué, avait paru
indiquer que ce budget était tout
prêt, puisqu'il avait parlé « du bud-
get extraordinaire crue le couverne-
ment veut établir et qu'il croit le meil-
leur. » On ne s'exprime pas ainsi sur
une chose qui n'a pas pris corps, et il
est difficile de comprendre pourquoi la
Chambre est mise en demeure de voter
des conventions qu'elle connait à peine,
sous prétexte d'équilibrer un budget
qu'elle ne connaît pas du tout.
C'est assurément la première fois
qu'un ministère républicain traite le
parlement avec cette désinvolture; il
est vrai que ce ministère est un minis-
tère autoritaire et que le parlement a
hâte d'aller en vacances. C'est ce qui
explique le chiffre très faible de la mi-
norité - 11.5 voix — mais plusieurs
pensent que ce chiffre grossira au cours
des débats qui s'ouvriront lundi.
La séance s'est terminée par une dis-
cussion assez orageuse sur le projet de
pension à accorder à M. Pasteur. Le
projet a été défendu par M. Paul'Bert,
qui a rappelé les expériences fécondes
et souvent périlleuses de M. Pasteur.
Plusieurs membres ont mis en doute
l'importance de s résultats obtenus. Mais,
à une majorité énorme, la Chambre a
voté le crédit.
A. GAULIER.
■ I I II • ■!-
COULISSES DES CHAMBRES
Comme nous le faisions prévoir, la mise
à l'ordre du jour des conventions pour le
lundi 16 juillet a été votée hier par la
Chambre. Le matin le conseil des minis-
tres avait définitivement résolu de poser
la question de confiance à propos de ce
vote et c'est ce que M. Raynal a fait en
termes formels.
Le débat s'ouvrira donc lundi ; il sera
précédé d'une discussion générale qui ne
durera pas moins de trois ou quatre séan-
ces et pour laquelle 22 orateurs sont déjà
inscrits. Pour prolonger le moins possible
la session, on demandera à la Chambre de
siéger toute la semaine sans interruption.
De la sorte, il est probable que la sépara-
tion des Chambres pourra se faire du 21
au 25 juillet et qu'on n'aura nul besoin de
retarder les élections et la session des con-.
seils généraux.
Pour éviter deux délibérations sur les
conventions, le gouvernement demandera
la déclaration d'urgence; mais cette mo-
tion ne sera faite qu'à l'issue de la discus-
sion générale, au moment de passer à la
discussion des articles des conventions.
Quant à l'ordre dans lequel les conven-
tions seront discutées, c'est au même mo-
ment qu'on le réglera. Le gouvernement
demandera la priorité pour la convention
de Paris-Lyon-Méditerranée qui est la
convention-type, celle sur le modèle de
laquelle toutes les autres ont été faites.
Pour les autres, le gouvernement ne de-
mande aucun ordre déterminé. Si la
Chambre veut donner un tour de faveur à
la convention d'Orléans et la discuter en
seconde ligne au lieu du dernier rang
qu'elle a actuellement, le gouvernement
n'y fera pas obstacle.
Pendant que la Chambre discutera les
cinq conventions déjà déposées, une
sixième, celle avec la compagnie de
l'Ouest, sera déposée. Les négociations
dont nous avions annoncé hier la reprise
ont abouti. La convention sera signée soit
aujourd'hui, soit lundi, à cause des fêtes
de samedi et de dimanche.
Le principal obstacle qui s'opposait à la
conclusion de cette convention a été levé.
L'Etat cède à la compagnie de l'Ouest la
ligne de Rouen à Chartres ; en échange de
cette concession, il obtient pour les trains
du réseau d'Etat l'entrée gratuite dans les
deux gares de la compagnie de l'Ouest à
Paris.
La convention sera probablement dépo-
sée lundi. La commission l'examinera
promptsment et le rapport pourra être
déposé à temps pour que la Chambre
puisse joindre la discussion de la nouvelle
convention à celle des cinq autres.
ii i, i i —
AU SÉNAT
Quand la Chambre a voté, il y a peu de
jours, le projet de loi présenté par le gou-
vernement pour organiser un service d'ar-
tillerie de forteresse, en se servant des
cadres du train, beaucoup de membres,
et le rapporteur lui-même, M. Margaine,
ont reconnu que le projet déposé par le
général Billot était mieux conçu ; ils lui
reprochaient seulement de coûter au
Tresor bal millions.
Depuis lors, il paraît que notre situation
budgétaire s'est sensiblement améliorée,
puisque le même cabinet et la même
Chambre, qui refusaient de dépenser sept
millions pour assurer la défense des fron-
tières, ont trouvé moyen d'en donner
vingt, et plus, à la compagnie du chemin
de fer sénégalais.
Dans ces conditions, le Sénat a pensé,
avec raison suivant nous, qu'on ne pou-
vait mieux employer les richesses nouvel-
les découvertes par M. Tirard qu'en les
faisant servir à l'armement de nos places
et à la création d'un corps homogène et
bien recruté, pour le service des pièces de
rempart. En même temps, on a l'avantage
de ne pas toucher au train, dont la sup-
pression pourrait à l'heure de la mobilisa-
tion, causer bien des embarras et des
désordres peut-être irréparables. Le Sé-
nat a donc renvoyé à la commission, mal-
gré l'opposition du général Farre et du
général Thibaudin, l'ancien projet du gé-
néral Billot. Ce dernier a démontré, dans
un petit discours bien concluant et bien
enlevé, qu'il n'y avait rien de mieux à
faire. Avec l'appui du colonel Meinadier,
il a obtenu gain de cause : 138 voix contre
118 ont décidé le renvoi de son projet à la
commission, et nous ne doutons pas que
la Chambre, quand le projet reviendra de-
vant elle, ne l'accueille avec la même fa-
veur. Que diable 1 il faut bien que les
grosses pépites qu'on découvre chaque
jour servent à quelque chose.
A. G.
Il
LA DÉLÉGATION HONGROISE A PARIS
L'arrivée
De grand matin, la Société hongroise de
Paris, président et vice-président en tête;
des journalistes hongrois résidants à Pa-
ris; des artistes, MM. Folgyessi, Remy, etc.,
attendaient à la gare les sympathiques
voyageurs. A eux s'étaient adjoints MM.
Alphonse Bernhard, correspondant pari-
sien de la Gazette de Hongrie, et votre ser-
viteur, si heureux de revoir au plus vite
ces vaillants amis de la France qui ont
fait naguère dans sa modeste personne au
correspondant du Rappel un si chaleureux
accueil.
Il était cinq heures et demie quand les
premières voitures arrivaient. De formida«
bles vivats : Eljenl eljen 1 éclatèrent. Je
vous laisse à penser avec quel entrain les
arrivants répondirent, et si les mouchoirs
et les chapeaux' s'agitèrent. Puis un cri de :
Vive la France 1 et des attendrissements,
et des embrassades sans fin.
Notre compatriote et ami, M. Saissy, ré-
dacteur en chef de la Gazette de Hongrie,
professeur de littérature française à l'Uni-
versité de Pesth, membre de l'Institut
hongrois, si estimé et aimé en Hongrie,
nous a fait l'honneur de nous présenter
ou représenter à MM. Pulsky, membre de
l'Institut hongrois, directeur du splendide
musée de Buda-Pesth ; Urvary, président
de la Société des gens de lettres de Hon-
grie, e tutti quanti. Par les. soins de M. Ara-
nyi, délégué en France du ministre de
l'instruction publique de Hongrie, des voi-
tures avaient été préparées. Nous avons
suivi nos hôtes. A six heures et demie,
une longue file de voitures s'arrêtait de-
vant l'hôtel du Lion d'or, rue du Helder,
décoré de drapeaux hongrois et français,
et les habitants du quartier faisaient aux
Hongrois un chaleureux accueil. Nous
échangions avec nos amis de l'Europe
orientale plus d'une bonne parole et plus
d'une ardente poignée de main, et rendez-
vous fut pris pour la visite à Victor Hugo,
le premier acte impatiemment attendu du
pèlerinage hongrois.
A une heure, selon le programme arrêté;
le comité de réception français, ayant à sa
tête M. Louis Ulbach, se présentait chez
M. de Lesseps, son président. Mais la grave
maladie de son fils empêcha M. de Les-
seps de se joindre à nous, et son secrétaire
général, M. Marins Fontane, chargé de le
représenter, nous accompagna à l'hôtel du
Lion d'or, où il souhaita, au nom de la
France, toute cordialité et bienvenue à la
délégation hongroise en quelques aima-
bles paroles que souligna une courte et
vive allocution de notre cher confrère,
M. Louis Ulbach:
Puis, ceux-ci à pied, jusqu'au rendez-
vous pris à l'Arc de Triomphe, ceux-là en
voiture, on se rendit chez le poète na-
tional.
Chez Victor Hugo
Quand on fut en présence du maître, je
ne vous saurais décrire la touchante ma-
nifestation qui se produisit et dont tous
les assistants garderont un inaltérable
souvenir. 1
M. Louis Ulbach présenta au maître la
délégation et celle-ci fit rendre ses hom<
mages à son hôte glorieux par le plus au-
torisé de ses interprètes, M. Pulsky, dont
la touchante et vibrante parole eut le don
d'émouvoir profondément Victor Hugo;
Le poète de la Légende des Siècles maîtrisa
son émotion, et ce fut de sa voix virile et
souveraine qu'il dit en quelques belles
paroles sa joie de voir chez lui tant de re-
présentants du grand peuple hongrois.
Ses paroles furent accueillies par de for-
midables Eljtni
On passa dans la salle à manger, où était
servie une collation dont Mme Lockroy,
Georges et Mlle Jeanne firent gracieuse-
ment les honneurs. On sait avec quelle
Feuilleton du RAPPEL
DU 14 JUILLET
24
LA VIE EN L'AIR
PREMIÈRE PARTIE
1"
III (suite)
Henri en venait à fixer sa pensée, bien
jouvent sur la sœur de Paul, entraîné à la
sympathie par une sorte de pitié. Il la
plaignait intérieurement, s'effrayant pour
elle de la destinée probable. Une déclas-
sée innocente que cette fille d'actrice "a
réputation tapageuse, de cette fem*ie dont
les liaisons étaient de notoriété publique,
défrayaient parfois les journaux mon-
dains.
Reproduction et traduction interdites.
Voir le Rappel du 17 juin au 13 juillet
r ;— Quel avenir pour elle? disait-il à
Gabrielle.
- Qui sait ? répondait celle-ci, son in-
nocence ne peut-elle tenter un brave cœur
à qui son visage, sa grâce naturelle, son
esprit et son éducation inspireraient de l'a-
mour?
I —Et l'épouserait?
— Sans doute.
- Il faudrait une singulière bravoure
à un fils de bourgeois, reprenait le jeune
homme après un moment de réflexion,
pour passer outre aux défiances, aux pré-
jugés de sa classe, à ses origines et à ses
attaches 1
En l'écoute, Gabrielle se demandait
dans quel sentiment Henri abordait ce
sujet, en appuyant principalement sur les
inconvénients d'une union avec cette jeune
fille. -
:. - En tout cas, dit-elle, si Juliette a
conscience de sa situation — et elle est
trop intelligente pour ne pas s'en rstiure
cpmpte, au moins après — c& serait pour
ce « brave », comme vous ôîies, Henri,
une sérieuse garantie d'affection; car,
douée d'une exquise sensibilité, il est bien
impossible qu'elle marchande la gratitude
à celui qui surmonterait ces difficultés,
que vous exagérez peut-être.
— Pourtant, elles sont capitales, ma
chère. Passe encore sur les appréciations
du monde, auxquelles; en effet, il ne faut
pas attacher plus d'importance que de
raison. Le fameux proverbe : « On n'é-
pouse pas la famille », est suffisant à in-
voquer à l'égard des indifférents. Mais en-
vers cette famille même, envers sa femme,
que de susceptibilités à ménager! que de
situations embarrassantes à appréhender,
mortifications fortuites nées d'un mot
échappé, d'un oubli des tiers I
— Si j'étais homme, répliqua Gabrielle,
il me semble que je ne m'arrêterais point
à ces considérations, au cas où je me sen-
tirais aimé d'une personne telle que Ju-
liette. Je m'en remettrais avec confiance à
son tact, à son amour, pour éviter ces
heurts, ces embarras que vous entrevoyez,
mon ami, et je le lui faciliterais, de bon
cœur, en acceptant ouvertement les con-
séquences de ma bonne action.
— Cela vous tenterait donc, Gabrielle ?
— Si j'étais homme, si elle m'aimait?
Assurément.
— Voilà aussi ce dont il faudrait être
certain.
— Pourquoi de sa part plus que d'une
autre? Toute fille d'actrice qu'elle soit,
son éducation, je le répète, est celle d'une
jeune personne ordinaire. Il serait injuste
et blessant, puisqu'il en est ainsi, d'exiger
des assurances, des aveux plus formels
qu'il n'en est d'usage en pareil cas. De
quel droit l'obliger à sortir d'une réserve
qui constitue la dignité des autres 2
Le jeune homme ne répliqua pas.
— Voyons, Henri, reprit Mlle Phortin,
d'un ton semi-plaisant, quelle bonne grâce
aurait un homme à venir lui dire : « Pré-
cisons, n'est-ce pas, mademoiselle? Vous
appréciez, j'espère, le sacrifice que je fais
en vous proposant mon alliance. J'y
éprouve un peu d'humiliation, en somme.
Eh bien ! là, franchement, dites-moi ça :
Vous m'aimez hein ! » Pourquoi pas lui
demander une déclaration sur papier
timbré ?
- Vous plaisantez, Gabrielle 1
- Pour tout dire, je me susceptibilise
un peu, mon cher ami. L'esprit de corps
s'insurge légèrement en moi. Au lieu de :
« Si j'étais homme », je dis : « Si j'étais
fille d'une actrice, d'une femme de mœurs
légères » et qu'on parût si hésitant, je ti-
rerais une belle révérence et répondrais :
« Vous m'honorez infiniment, mon beau
monsieur, mais il est bien inutile de vous
tant sacrifier, de vous efforcer à tant d'ab-
négation, car je ne demande rien à per-
sonne. J'ai eu l'heur de vous plaire;
vous m'en voyez flattée au premier chef ;
mais j'imagine que je démériterais, même
à vos yeux, si j'étalais mes sentiments avec
trop d'éclat, et par là, si je reniais délibé-
rément les origines et les attaches qui vous
chiffonnent et que je n'ai point choisies.
Fille d'actrice je suis; à vous de peser
toutes choses*
r — Tout cela, reprit Henri, tout cela
est fort juste dans l'hypothèse d'où nous
partons, c'est-à-dire, adressée à un gar-
çon épris d'elle. Mais si elle aime, elle
aussi? Voilà de quoi frapper tout autre-
ment. Non seulement elle ne tiendrait pas
le langage que vous lui prêtez; mais,
quelle aggravation de tristesse dans ce
petit cœur clairvoyant 1
— De deux choses l'une, Henri : ou le
quelqu'un qu'elle aimera ne s'en aperce-
vra pas, et alors ses hésitations causeront
en effet une peine profondément injuste à
cette innocente enfant, ou il devinera la
prédilection dont il sera l'objet.
— Supposons, Gabrielle, ou plutôt, sup-
posez encore que vous êtes homme et qu'il
s'agisse de vous.
— Eh bien, Henri, moi je me déroberais
à toute influence de caste, de milieu, et
n'écouterais que ma générosité, que mon
penchant. Tant pis pour les préjugés, tant
pis pour les répugnances de mes entours,
je me laisserais séduire par l'attrait de
faire un acte louable. J'y verrais quelque
grandeur, quelque chose de chevaleresque,
et à tous risques j'honorerais cette jeune
fille d'une confiance aveugle, absolue!
Oui, il me plairait de surmonter les timi-
dités de mon milieu et je m'accorderais
quelque fierté à l'affranchir des fatalités que
lui infligent les hasards de sa naissance.
Je me glorifieras de la tiçer de là, sans
condition, sans réserve, sans obligation da
répudier les solidarités d'origine. Et quant
aux suites, je m'apprêterais à y faire face,
fort de ma loyauté, fort de mon vouloir
réfléchi, déterminé à résister aux froisse-
ments, aux amertumes même, que les
relations extérieures pourraient me valoir.
Je vous en réponds, ajouta Mlle Phor-
tin, pour si peu que je connaisse encore
la sœur de M. Aubervain, je réponds que,
liée à un tel homme, elle ne croirait ja-
mais avoir assez payé par sa tendresse, la
grandeur d'âme de celui qui lui aurait
tendu la main ; qui aurait accompli [cette
belle et touchante action à son profit 1
Cette enfant tient de son frère, qui, plus;
que sa mère, l'a élevée. Elle a le cœur 4'
sa place 1
Un silence se fit entre Gabrielle et Henri*'
Ils semblaient suivre des pensées intimes.
— Au fait, demanda tout à coup l'or-
pheline, à quel propos parlez-vous de cela,
Henri?
— A propos de rien, ma chère, répon^
dit-il en souriantj
ÉDOUARD CADOL.
f
JL suivre.)
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