Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1883-07-06
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 juillet 1883 06 juillet 1883
Description : 1883/07/06 (N4865). 1883/07/06 (N4865).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7540359c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/11/2012
Fr 4865 Vendredi 6 Juillet 1883
lie numéro : lOc. — Départements : 15 c.
18 Messidor àn 9i No 4863*
.ADMINISTRATION
18, HUE DE VALOIS, I*
ABONNEMENTS
PAlUS
«
Yrois TÎOIS. 10 »
i,iX HlOIi» »l|il4a 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. 1350
Six mois. 27 JV
Adresser Jet Ires et mandats
A M. ERNEST LEFÈYïlfV
jUIMIMSTRATEUROEHANI i
: >- ; , ————~ ——-———. -
::: f
REDACTION
S'adresser ait Secrétaire de la Réaaction.
De 4à6 heures du soir
lep HUE DE VALOIS, 1 £
- ,-
eB manuscrits noninséres ne seront jg(tfjpofi<ïfl £
ANNONCES
1 2DT. Ch. IAGRANGE, CERF et CO
- 6,place de la Bourse, 6
LA GRANDE ÉCOLE DE RESPECT
Personne n'ignore que la monarchie
est la grande école de respect. S'il y a
une chose que la monarchie enseigne
spécialement à respecter, c'est la jus-
tice. Les monarchistes viennent d'en
fournir une nouvelle preuve.
C'était à la cour d'appel de Poitiers.
On jugeait l'appel de M. de la Roche-
Saint-André. Vous savez, ce gentil-
homme de la Rocheservière qui, au
lendemain des bombes du café Belle-
cour, communiqua à la gendarmerie une
lettre anonyme par laquelle on le préve-
nait que sa tête était mise à prix et qu'on
hésitait seulement entre le poignard et
la dynamite. La gendarmerie se livrait
à d'activés recherches, quand, une
nuit, vers une heure du matin, le do-
mestique du gentilhomme vendéen ac-
courut effaré. — Vite ! monsieur le bri-
gadier, mon maître vous demande : on
fait sauter sa maison ! Le brigadier y
courut, avec le gendarme Marchand.
Le gentilhomme leur raconta que,
vers minuit, étant couché, il avait
entendu du bruit dans son jardin
et à la porte du vestibule ; qu'il s'é-
tait levé sans lumière ; qu'un projectile
lancé du dehors avait pénétré dans sa
chambre en brisant un carreau de la
fenêtre; qu'il avait saisi cet objet, à
l'extrémité duquel une mèche brûlait et
qu'ouvrant précipitamment la fenêtre
il l'avait rejeté dans le jardin ; qu'il
avait tiré deux coups de fusil dans la
direction où il avait cru voir plusieurs
individus prendre la fuite, et que, quel-
ques secondes après, le projectile fai-
sait explosion. Les deux gendarmes
visitèrent les lieux. Le gentilhomme
les dirigeait. Ils trouvèrent une branche
de figuier brisée et des allumettes ordi-
naires à demi-consumées au pied d'un
mur que les assassins avaient dû esca-
lader, des empreintes de pas sur une
platebande près de la maison, à un volet
du vestibule un placard contenant des
menaces de mort attaché avec des épin-
gles, sous la fenêtre de la chambre les
débris du vase qui avait fait explosion
et qui paraissait être une bouteille
ayant primitivement contenu de l'en-
cre, et, à l'extérieur, sur le chemin qui
longe le mur, des taches rouges.
La justice fut saisie. Le juge d'ins-
truction, après un minutieux examen
de la plainte de M. de la Roche Saint-
André, jugea qu'il y avait lieu de pour-
suivre — le plaignant.
C'est que les gendarmes avai ent eu
l'idée d'appliquer aux marques de pas
du jardin les sabots-galoches du gen-
tilhomme vendéen et avaient constaté
que les galoches s'adaptaient exacte-
ment aux marques. C'est qu'ils avaient
constaté encore que les épingles qui
fixaient au volet du vestibule le placard
terrible ressemblaient tout à fait aux
épingles des coiffes de la servante du
dit gentilhomme. C'est qu'ils avaient
constaté, enfin, que les taches de sang
,étaient des taches d'encre.
Et puis, un frère du gentilhomme
avait eu un mot malheureux. Envoyant
le placard terrible et la lettre anonyme,
il avait dit à son frère : « Les scélérats
ont voulu singer ton écriture ! » L'effet
de ce mot avait été que la lettre avait
été regardée de près, et qu'on s'était
aperçu qu'elle était sur du papier
d'enfant, d'un format démodé tel
qu'on n'en trouve plus dans le com-
merce, et aux initiales A. R., qui
sont celles d'une jeune fille du gen-
tilhomme de plus en plus vendéen.
Ensuite de quoi, la lettre avait été
remise à des experts ; dont la con-
viction avait été que « l'auteur de la
lettre anonyme reçue par Paul de la
Roche-Saint-André était Paul de la
Roche-Saint-André lui-même ».
C'est pourquoi le gentilhomme de
toutes les Vendées fut traduit devant le
tribunal correctionnel de la Roche-sur-
Yon, sous l'inculpation « de s'être
adressé à lui-même la lettre du 10 no-
vembre et d'avoir, au risque de jeter le
trouble dans une contrée habituelle-
ment calme et de faire soupçonner et
inquiéter des citoyens paisibles et inno-
cents, préparé et exécuté des actes cou-
pables, dont la lettre n'était que le pré-
liminaire, pour faire croire à la réalité
d'un attentat dont il avait projeté de se
dire la victime ». M. de la Roche-Saint-
André fut condamné à deux cents francs
d'amende.
- Les gentilshommes sont si peu habi-
tués à être condamnés, que M. de la
Roche-Saint-André trouva que c'était
excessif. En revanche, le ministère pu-
blic trouva que c'était insuffisant. Dou-
ble appel. La cour de Poitiers a jugé
samedi. Elle a été de l'avis du minis-
tère public. Aux deux cents francs d'a-
mende elle a ajouté quinze jours de
prison.
Au moment où l'arrêt a été prononcé,
une voix a crié :
- C'est abominable !
Le président a demandé quel était
l'auteur de cet outrage à la magistra-
ture.
— Moi ! a dit crânement un jeune
homme, dans lequel on a reconnu un
jeune avocat dn barreau de Poitiers et,
ce qui met le comble, le fils d'un juge.
Mais non, ce n'est pas cela qui met le
comble. Ce qui le met, c'est que des
bravos ont éclaté de toutes parts dans
l'auditoire, composé de légitimistes ;
que deux autres jeunes gens, avocats
aussi, sont venus serrer la main du pre-
mier, et que le prétoire a été envahi
aussitôt par une douzaine de personnes,
criant : 1
— Prenez nos noms aussi, nous avons
applaudi et nous demandons à partager
la peine !
Au premier rang, on remarquait M.
de Baudry-d'Asson. Cette insurrection
contre la magistrature a produit un tel
tumulte que l'audience a du être sus-
pendue.
Il paraît que la suspension est comme
la nuit, qui porte conseil. A la reprise,
les insurgés ont demandé à dire « quel-
ques mots d'explication » et ont déclaré
n'avoir eu en aucune façon la pen-
sée d'outrager la cour ». On se souvient
de cette scène de vaudeville : « — Mon-
sieur, je vous ai dit que vous étiez un
polisson, et que votre vraie place serait
au bagne ; mais je n'ai jamais eu la
moindre intention de vous offenser. »
Grâce à cette explication, les accusés
en ont été quittes, un pour quinze jours
de prison, un autre pour trois jours, un
troisième pour un jour, et les autres,
dont M. de Baudry-d'Asson, pour seize
francs d'amende.
Les républicains ont dit souvent, et
diront souvent encore, dans les jour-
naux et dans les réunions, des choses
que les magistrats auront le droit de
trouver désagréables. Mais il n'est ja-
mais arrivé, croyons-nous, que les ré-
publicains, en plein prétoire, se soient
levés en masse pour cracher à la figure
des magistrats une injure comme celle
que les magistrats de Poitiers ont mal
essuyée avec quelques heures de prison
et quelques sous d'amende.
La monarchie est une grande école
de respect.
AUGUSTE VACQUERIE.1
qb-
POURQUOI?
Les gens que leurs promesses révi-
sionnistes embarrassent, et ils sont
nombreux, paraissent avoir découvert,
pour retarder la réforme dont ils ont
confessé l'urgence il y a plus d'un an,
un argument de valeur assez mince,
comme on va le voir, mais qu'ils saisis-
sent, n'ayant pas les moyens de se
montrer difficiles. Cet argument, au
moins bizarre et inattendu, c'est la
mort, prochaine ou probable, du comte
de Chambord.
Quand, pour la première fois, il y a
deux mois, le bruit de cet événement
s'est répandu à Paris, et l'autre jour
encore, quand la nouvelle a paru
prendre un caractère authentique,
tous les républicains de bon sens
sont demeurés d'accord pour cons-
tater que la vie ou la mort du re-
présentant du droit divin ne pouvait
plus avoir aucune importance pour
l'avenir de la République. Ici même,
hier, M. Auguste Vacquerie démontrait,
avec une évidence irrésistible et un sens
politique trèsprofond, que l'orléanisme,
loin de prendre une force nouvelle, était
frappé du même coup que le Roy des
fleurs de lys. Et, on peut le dire, cette
conséquence était inévitable, car l'or-
léanisme n'a jamais pu exister que
comme la négation du principe de la
légitimité. Quand ce principe disparaît,
la négation disparaît avec lui et il n'est
plus au pouvoir du comte de Paris, ni
d'aucun des princes d'Orléans, de repré-
senter l'orléanisme avec le sens donné
à ce mot par la politique et par l'his-
toire.
Cela étant, et comme si les événe-
ments étaient arrangés tout exprès pour
lui laisser libre carrière, la République
n'a absolument plus rien à craindre de
personne, si ce n'est de l'incapacité de
son propre gouvernement.
Or, quelle preuve plus grande d'in-
capacité pourrait-on donner que de con-
server avec soin la Constitution sortie
des votes incohérents de l'assemblée de
Versailles? Quelle est cette démence
ministérielle qui consiste à perpétuer
le provisoire, à avouer que la Constitu-
tion doit être remaniée dans un délai
prochain et à soutenir que, par caprice, il
faut, pendant une année encore, exposer
le pays aux inconvénients graves qui ré-
sultent toujours d'institutions trop im-
parfaites ? Admettons, ce qui est absurde,
admettons que les légitimistes, les bo-
napartistes même, vont tous se grouper
derrière un membre de la famille d'Or-
léans. Ce n'est pas là une éventualité
qui puisse nous effrayer beaucoup,
mais faisons l'hypothèse de cette fusion
nouvelle et invraisemblable, de cet as-
saut à trois donné à la République.
Est-ce que ce serait là une raison pour
se contenter de la Constitution versail-
laise, est-ce que ce serait une raison
pour répéter, avec M. Jules Ferry, que
le meilleur défenseur de la République,
c'est le Sénat?
Qu'une fraction minime de la majo-
rité, représentée dans la presse par le
Parlement, repousse absolument et in-
définiment la revision, on le conçoit.
C'est une attitude fâcheuse à notre avis,
mais logique après tout. Mais les mi-
nistériels qui se proclament révision-
nistes, voudraient-ils nous dire pour-
quoi, si la République n'est menacée
par rien, ils ne se hâtent pas de profiter
de ce moment de calme pour amélio-
rer la Constitution ; pourquoi, et à bien
plus forte raison, ils ne se pressent pas
de l'améliorer si des dangers sont à
craindre ?
A. GAULIER.
— ♦
COULISSES DES CHAMBRES
Il n'y a plus pour ainsi dire qu'une
question à l'ordre du jour des groupes et
des cercles parlementaires, c'est celle de
savoir à quelle date sera prononcée la clô-
ture de la session. Celle-ci dépend, comme
nous l'avons dit hier, d'une question pré-
judicielle, celle de savoir si les conven-
tions de chemins de fer seront discutées
ou non par la Chambre, avant sa sépara-
tion. Le groupe de l'union démocratique
s'est réuni hier pour s'entretenir de cette
double question. Le président, M. Devès,
a communiqué à ses collègues les détails
des.,- entrevues qu'il avait eues avec les
membres du gouvernement.
Les ministres ont répété qu'ils jugeaient
absolument nécessaire le vote des con-
ventions avant les vacances afin de per-
mettre de dresser le budget extraordinaire ;
ils ont ajouté — confirmant ainsi ce que
nous annoncions hier, que si ce vote ne
pouvait être obtenu avant les vacances, le
gouvernement se verrait dans l'obligation
de clore la session le 13 juillet, pour rap-
peler les Chambres en session extraordi-
naire dans les premiers jours de sep-
tembre.
La réunion de l'union démocratique
s'est alors préoccupée hier des moyens
qu'offrait la procédure parlementaire de
soulever la question à la tribune et d'ob-
tenir du gouvernement une déclaration
formelle. On s'est arrêté àl'idée déjà émise
à la réunion précédente d'adresser au mi-
nistère une question sur les causes du
retard apporté au dépôt du budget extra-
ordinaire. De la sorte, le gouvernement
pourra indiquer à la Chambre la connexité
qui existe entre ce budget et les conven-
tions et qui fait que le règlement du pre-
mier est subordonné au sort des dernières.
M. Devès a reçu du groupe pleins" pou-
voirs pour provoquer cet incident. Il a
informé hier soir le président du conseil et
le ministre des travaux publics de son in-
tention, et le conseil des ministres doit
délibérer de nouveau ce matin sur la
question.
Une autre solution se présente, en effet.
Au lieu de clore la session le 13 juillet et de
rappeler les Chambres dans les premiers
jours de septembre, on pourrait laisser la
session actuelle se prolonger aussi long-
temps qu'il serait nécessaire pour arriver
au vote des conventions. Mais, pour cela,
il faudrait, par une loi spéciale, retarder
le renouvellement des conseils généraux
qui, actuellement, ne peut pas dépasser le
a août et la session de ces assemblées qui
doit légalement s'ouvrir le 20 août.
C'est entre ces deux systoiues que le
conseil des ministres doit opter ce matin.
Quant à l'incident qui sera provoqué de-
vant la Chambre, il ne sera porté que de-
main vendredi à la tribune. L'union démo-
cratique se réunira, en effet, ce jour-là
avant la séance, pour s'entendre définitive-
ment à ce sujet.
-0-
Ce qui complique la situation, c'est que
les divers groupes de gauche sont loin
d'être d'accord sur la solution à adopter.
Pendant que l'union démocratique pre-
nait hier les décisions que l'on vient de
lire, la gauche radicale, réunie au même
instant, arrêtait des résolutions absolu-
ment contraires.
Ce groupe, en effet, a décidé, d'une part,
de s'opposer à la mise à l'ordre du jour
des conventions avant les vacances et, de
l'autre, de demander que la Chambre —
dans l'intérêt de la dignité du pouvoir par-
lementaire — ne statue pas sur les con-
ventions avant que celles-ci n'aient été
préalablement approuvées par lesassem-
blées générales d'actionnaires.
Ces décisions avaient été précédées d'un
exposé des nouvelles conventions fait par
M. Lebaudy, président de la commission
des chemins de fer, qui avait insisté sur la
nécessité de voter ces conventions.
-0-
De son côté, la commission des chemins
de fer a tenu hier une longue séance dans
laquelle elle a adopté successivement tous
les articles de la convention du Nord. Cela
fait donc deux conventions approuvées.
M. Rouvier, qui avait déjà été nommé
la veille rapporteur de la convention de Pa-
ris-Lyon-Méditerranée, a été nommé égale-
ment rapporteur de la convention du
Nord. La question est donc résolue de
savoir s'il y aura des rapporteurs particu-
liers ou un rapporteur général. C'est M.
Rouvier qui recevra mandat de faire le
rapport de toutes les conventions.
Aujourd'hui la commission discutera les
articles de la convention de l'Est.
-0-
Enfin la commission du budget s'est oc-
cupée également hier des questions se
rattachant à celles que nous venons d'in-
diquer. M. Allain-Targé a demandé qu'on
discutât avant les vacances le système gé-
néral du budget ordinaire et du budget
extraordinaire, de manière à arrêter les
bases de notre système financier pour
1884.
En ce qui concerne le budget ordinaire,
la motion de M. Allain-Targé a été una-
nimement acceptée. On a décidé d'exami-
ner les budgets des dépenses des minis-
tères, de manière à pouvoir arrêter le chif-
fre des réductions opérées pour chaque
ministère sur les propositions du gouver-
nement.
Quand on aura ainsi totalisé les écono-
mies, on pourra se rendre compte des mo-
difications qu'il sera possible d'apporter au
système général du budget.
Quant au budget extraordinaire, la com-
mission, contrairement à l'avis de M. AI-
lain-Targé, n'a pas pensé qu'elle pût, en
l'absence du projet du ministre, substituer
son initiative à celle du gouvernement et
aborder l'examen de cette question de son
propre mouvement. On attendra donc le
dépôt du budget extraordinaire par le
gouvernement.
Mettant sa première décision à exécu-
tion, la commission a examiné le budget
ordinaire du ministère de l'agriculture sur
le rapport de M. Roger et a réduit les dé-
penses de 1,184,000 fr. Aujourd'hui, elle
statuera sur les budgets du commerce et
des postes et télégraphes.
«D
GÉNÉREUX A BON IARCHE,
Le 15 mars 1804, Louis-Antoine-Henri
de Bourbon, duc d'Enghien, était arrêté
à Ettenhein, grand-duché de Bade, par
ordre du premier consul; le 20, il arrivait
à Vincennes, était traduit immédiatement
devant une commission militaire, con
damné à mort et exécuté au petit jour
dans les fossés du château. Les bonapar-
tistes ont aujourd'hui des mœurs plus dou-f
ces. Non-seulement ils s'abstiennent d'en-
voyer une douzaine de balles dans la têta
des princes qui leur portent ombrage,,
mais ils font des vœux pour la conserva-
tion de leur santé; ils joignent leurs priè
res à celles des partisans du trône et de
l'autel, et à certains moments on se de-
mande par qui M. le comte de Chambord
sera le plus regretté, de ceux qui vou-
draient un roi ou de ceux qui désirent un
empereur. ----
Il faut dire que les bonapartistes ne font
que rendre une politesse qu'ils ont reçue
il y a quatre ans. Les légitimistes, qui de
leur côté avaient imaginé contre le pre-
mier des Bonaparte la machine infernale
et la conspiration de Georges Cadoudal,
ont pris le deuil lorsque son héritier est
tombé sous les coups de lance des zoulous.
MM. de Mun et de Baudry-d'Asson s'étant
en cette occasion revêtus de crêpe, il est
juste aujourd'hui que les bonapartiste_,
fassent retentir l'air de leurs cris.
Des esprits chagrins sont sans doute f
tentés d'attribuer cette explosion de re-rl
grets au sentiment qui fait, dit-on, pleurer 1
les crocodiles. On a beau admettre que la
principale préoccupation de ces messieurs
de la droite soit la démolition de la Répu-
blique, il y a certainement une chose que
chaque groupe monarchique préfère à
l'avènement de la monarchie rivale, c'est
le triomphe de sa propre monarchie. On
est réactionnaire avant tout, cela est bien
entendu, mais on est aussi légitimiste ou
bonapartiste, et ceci exclut cela. On mon-,
tre dans les foires des veaux et des mou-
tons bicéphales ; aucun Barnum ne nous a
fait encore assister à ce spectacle : une
couronne avec plusieurs têtes dessous. La
victoire d'Henri eût été la défaite de Vic-
tor ou de Jérôme, et réciproquement. Si
Montecuculli a salué respectueusement le
cadavre de Turenne, il est peu vraiscm"
blable qu'il ait récriminé contre la Provi-,
dence qui le débarrassait d'un adversaire
gênant. Une telle abnégation eût paru
quelque peu hypocrite, et il y a un point
où la courtoisie chevaleresque s'appelle
d'un autre nom.
Voilà ce que ne manqueraient pas de pen-
ser et de dire les psychologues à outrance
quÏ ont cherché des motifs bas et vulgai- ■
res aux plus nobles démarches du cœur
humain. Pour notre part, nous tenons les
larmes des uns et des autres pour égale-
ment sincères ; nous admettons que le
désintéressement actuel des bonapartistes
ne le cède en rien au détachement du
passé des légitimistes. Qu'il nous soit
permis cependant de rechercher la rai-
son de ce revirement heureux qui fait
que les bonapartistes s'agenouillent de-L
vant l'homme qu'ils eussent fusillé jadis.
Cette raison, c'est tout simplement l'in-t
destructibilité de la République. Où il n'
a rien à prendre, roi et empereur perdenfci
ce qu'ils prétendent être leurs droits. A
quoi bon s'entre-déchirer pour une om-».j
bre ? La disparition du comte de Cham-H
bord ne profitera pas plus aux bonapartis";:'
tes que la disparition de l'ex-prince impé
rial n'a profité aux légitimistes. Une égale;
faiblesse, une égale impuissance permet-|
tent aux partis vaincus de se montrer géné:;j
reux. Si les rois de Candide avaient eu!
quelque chance de remonter sur leu
trône les uns aux dépens des autres, il&i
n'eussent point passé leur temps à Venisej
à échanger de belles paroles et à jouer ai
l'hombre ou au piquet-voleur. I
FRÉDÉRIC MONTARGlS-j
Voici les bulletins de santé du comte dé :
Chambord arrivés hier dans la matinée,
le premier, daté de sept heures, est ainsi
conçu : « Etat toujours grave; faiblesse
feuilleton, du RAPPEL
DU 6 JUILLET
11 11 ■' l"« w ■■ H ■
16
LA VIE EN L'AIR
PREMIÈRE PARTIES
EU
Paul avait neuf ans à la naissance de sa
'sœur. On ne se méfie pas assez de la pers-
picacité instinctive de certains enfants.
Celui-ci avait de grands yeux ; il voyait
presque trop. Il n'y réfléchissait pas en-
suite, c'est sûr; il n'en tirait point de con-
aéquences, mais les impressions se lo-
geaient confuses dans sa mémoire; les
laits s'emmagasinaient dans sa petite têU.
Reproduction et traduction interdites.
Voir le Rappel du 17 juin au 5 juillet^
Tout ce que cela produisait, c'étaient des
expansions excessives de tendresse pour sa
mère. Il l'embrassait nerveusement et par-
fois ses cils s'humectaient de larmes atten-
dries. Pourquoi? Il ne savait.
On craignait qu'il ne fût jaloux de sa
sœw'ette, comme il l'appelait. Ah 1 bien
oui ! Des journées entières, il s'occupait
d'elle, l'amusait et faisait son portrait, pas
trop mal, parfois. C'est lui qui guida ses
premiers pas, et quelle fierté quand de-
hors il put la promener par la main, sans
le secours de tante Ursule !
La petite, au surplus, n'était pas en
reste avec lui. Elle le battait bien un peu,
le griffait volontiers; mais après elle lui
empoignait les cheveux à deux mains, et
lui mangeait la joue d'un long, long bai-
ser humide qui l'enchantait, lui.
Après la rupture avec Toto, la liquida-
tion des affaires financières et industrielles
avait démasqué un gouffre terrible. Léa
prit tout à sa charge. Mais la part de débit
de M. le baron Féripier?
— Je l'en tiens quitté, répondit l'ac-
trice, quand son avoué lui posa la ques-
tion. -
— Vous avez tort, chère madame. On
parle d'un mariage qui le remettrait à
flot.
— Grand bien lui fasse, je ne veux rien
de ce greluchon-là.
Ce n'est pas qu'elle gardât rancune à
l'ex-Toto. Bjga trog oiseau pour cla, Elle
s'en voulait, à elle, d'avoir été si crédule.
Elle s'en raillait en riant.
- Ai-je été assez de mon pays, m'en
a-t-il fait gober, l'animal! C'est bien fait,
ma fille. Ça t'apprendra à te faire des illu-
sions sur l'amour.
Vraiment, les deux épreuves n'avaient
pas été heureuses. M. Charles qui, la
voyant exposée aux brutalités de son père,
filait comme un pleutre, par le vasistas et
la plantait là définitivement, sans s'in-
quiéter de ce qu'elle deviendrait ; cet au-
tre, ce gentilhomme besoigneux qui se
faisait de l'embonpoint aux frais de sa
maîtresse et tripotait avec son argent!
Vrai, il y avait de quoi guérir du senti-
ment.
Et dire qu'elle avait un enfant de cha-
cun de ces cadets-là 1 Par bonheur encore
elle avait pu les élever, sans quoi !.
C'est du propre les hommes, se disait-
elle. Et ce qu'il y a de magnifique, c'est
qu'ils font chorus avec un tas de bêtes
d'auteurs, quand ceux-ci donnent une
pièce où la femme galante joue le rôle de
tête de turc. Mais, misérables que vous
êtes, il n'y aurait pas d'entretenues, s'il
n'y avait pas d'entreteneurs. Et des gail-
lards bien honorables encore, ceux-ci. Des
vieux sales, le plus souvent, qui font la
fête avec la dot de leur femme, au risque
de condamner leurs filles à coiffer sainte
Catherine. Oh ! pas un mot désagréable à
ces « M. le comte ? pleins d'égards pour
eux, les auteurs dramatiques ! C'est à cre-
ver de rire. Mais quel dommage que ce
soit si compliqué, je m'amuserais à les
venger les femmes. Ah 1 vous nous avez
perverties ? Eh bien ! attends un peu ! Gare
à vos fils et vos neveux!
Ce n'était qu'une boutade. Elle n'avait
pas assez de suite dans les idées pour en-
treprendre une besogne aussi ardue.
Bah 1 pensons à autre chose. Voilà le
fond de sa philosophie. Elle s'y arrêtait;
non par raison, mais parce que ça lui était
plus commode.
- Il y avait déjà cinq ans que Toto avait
disparu, et si elle y pensait encore, c'est
que les satanées affaires n'étaient pas tou-
t es arrangées. Elle payait pourtant de
fortes sommes; mais, comme elle vivait
quand même sur un grand pied, tout en
s'acquittant d'un côté elle s'endettait de
l'autre.
Un beau jour, elle s'avisa de l'avenir
de son fils.
- Ah i ça, dit-elle, te voilà quatorze
ans, mon Paulot; as-tu idée de faire quel-
que chose ?
- Moi, répondit l'adolescent, je veux
être peintre.
— Eh bien, mignon, tu seras peintre.
Dans la masse des hommes qui fréquen-
taient le salon de la divette, il n'y avait
pas que des gens de cercle ni que des go-
dailleurs huppés. Parmi les clubmen, les
personnages officiels, les nobles étrangère
qui lui composaient une cour, par vanité
de compter au nombre des familiers d'une
actrice célèbre et acclamée, on comptait
quelques artistes de valeur. Le talent de
Léa leur était sympathique ; son intelli-
gence, son caractère ouvert, sa belle hu-
meur constante et jusqu'à ses excentrici-
tés d'imprévoyante, de véritable hurlu-
berlue, leur faisaient trouver plaisir à la
fréquenter assidûment.
L'un d'eux, jeune encore, quoique mem-
bre de l'Institut, s'était un peu amouraché
d'elle, en faisant son portrait, lequel eut
un grand retentissement au Salon.
— Mon cher, lui (dit-elle, quand il s'en
ouvrit, des gens comme nous doivent, je
crois, se garder de faire sciemment une
bêtise. Je vous aime bien, je n'ai guère le
droit de faire des manières, et certes ! une
femme peut avoir quelque orgueil à vo us
afficher comme amant. Mais je ne souffri-
rais pas que notre liaison vous fût oné-
reuse. Alors quoi ? Vous seriez gêné chez
moi; vous y auriez une posture fausse,
prêtant aux commentaires, à l'équivoque.
Faut pas, hein ?
Il eut l'esprit de rester son camarade.
Aussi lui parla-t-elle, à lui premier, des
dispositions de son gamin.
— Qu'en pensez-vous? lui demanda-
t-elle, en lui montrant les dessins de Paul.
Moi, naturellement, je trouve ça superbe,
mais.
— Mais, le goût et l'inveatiou y, l-
répondit le peintre. Il faut aussi qu'il ait
quelques notions premières.
— De qui voulez-vous qu'il les ait re- £ i
çues ? Non, c'est d'instinct. :
— Tu te trompes, dit Ursule. Il m'a dé-
fendu de le dire et je lui ai obéi, parce qu'il
n'y a pas de mal à ça ; mais depuis six
mois, il suit les cours de l'école commu-
nale de dessin, là, au bout de la rue.
— Quand donc ?
— Le soir, pendant que tu joues.
Ce fut comme une espèce de trahison ait
sentiment de la mère. Pourquoi ce mystère!:
Il n'avait qu'à souhaiter; elle lui aurait
fait donner toutes les leçons qu'il aurait
voulu. Est-ce qu'on allait se cacher d'elle, f
à présent est-ce qu'on doutait de ses in-i
tions ; est-ce qu'on ne l'aimait plus?
Elle en pleurait. ,
- Méchant 1 fit-elle, quand Paul parut.,
Et, toujours pleurant, elle le serra dans
ses bras, à l'étouffer, l'embrassant avec.J
rage. ;
Le lendemain, l'enfant fut admis parmi v
les élèves du membre de l'Institu:,
SÇOOARD CADOCj'
'.j Mure.)
lie numéro : lOc. — Départements : 15 c.
18 Messidor àn 9i No 4863*
.ADMINISTRATION
18, HUE DE VALOIS, I*
ABONNEMENTS
PAlUS
«
Yrois TÎOIS. 10 »
i,iX HlOIi» »l|il4a 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. 1350
Six mois. 27 JV
Adresser Jet Ires et mandats
A M. ERNEST LEFÈYïlfV
jUIMIMSTRATEUROEHANI i
: >- ; , ————~ ——-———. -
::: f
REDACTION
S'adresser ait Secrétaire de la Réaaction.
De 4à6 heures du soir
lep HUE DE VALOIS, 1 £
- ,-
eB manuscrits noninséres ne seront jg(tfjpofi<ïfl £
ANNONCES
1 2DT. Ch. IAGRANGE, CERF et CO
- 6,place de la Bourse, 6
LA GRANDE ÉCOLE DE RESPECT
Personne n'ignore que la monarchie
est la grande école de respect. S'il y a
une chose que la monarchie enseigne
spécialement à respecter, c'est la jus-
tice. Les monarchistes viennent d'en
fournir une nouvelle preuve.
C'était à la cour d'appel de Poitiers.
On jugeait l'appel de M. de la Roche-
Saint-André. Vous savez, ce gentil-
homme de la Rocheservière qui, au
lendemain des bombes du café Belle-
cour, communiqua à la gendarmerie une
lettre anonyme par laquelle on le préve-
nait que sa tête était mise à prix et qu'on
hésitait seulement entre le poignard et
la dynamite. La gendarmerie se livrait
à d'activés recherches, quand, une
nuit, vers une heure du matin, le do-
mestique du gentilhomme vendéen ac-
courut effaré. — Vite ! monsieur le bri-
gadier, mon maître vous demande : on
fait sauter sa maison ! Le brigadier y
courut, avec le gendarme Marchand.
Le gentilhomme leur raconta que,
vers minuit, étant couché, il avait
entendu du bruit dans son jardin
et à la porte du vestibule ; qu'il s'é-
tait levé sans lumière ; qu'un projectile
lancé du dehors avait pénétré dans sa
chambre en brisant un carreau de la
fenêtre; qu'il avait saisi cet objet, à
l'extrémité duquel une mèche brûlait et
qu'ouvrant précipitamment la fenêtre
il l'avait rejeté dans le jardin ; qu'il
avait tiré deux coups de fusil dans la
direction où il avait cru voir plusieurs
individus prendre la fuite, et que, quel-
ques secondes après, le projectile fai-
sait explosion. Les deux gendarmes
visitèrent les lieux. Le gentilhomme
les dirigeait. Ils trouvèrent une branche
de figuier brisée et des allumettes ordi-
naires à demi-consumées au pied d'un
mur que les assassins avaient dû esca-
lader, des empreintes de pas sur une
platebande près de la maison, à un volet
du vestibule un placard contenant des
menaces de mort attaché avec des épin-
gles, sous la fenêtre de la chambre les
débris du vase qui avait fait explosion
et qui paraissait être une bouteille
ayant primitivement contenu de l'en-
cre, et, à l'extérieur, sur le chemin qui
longe le mur, des taches rouges.
La justice fut saisie. Le juge d'ins-
truction, après un minutieux examen
de la plainte de M. de la Roche Saint-
André, jugea qu'il y avait lieu de pour-
suivre — le plaignant.
C'est que les gendarmes avai ent eu
l'idée d'appliquer aux marques de pas
du jardin les sabots-galoches du gen-
tilhomme vendéen et avaient constaté
que les galoches s'adaptaient exacte-
ment aux marques. C'est qu'ils avaient
constaté encore que les épingles qui
fixaient au volet du vestibule le placard
terrible ressemblaient tout à fait aux
épingles des coiffes de la servante du
dit gentilhomme. C'est qu'ils avaient
constaté, enfin, que les taches de sang
,étaient des taches d'encre.
Et puis, un frère du gentilhomme
avait eu un mot malheureux. Envoyant
le placard terrible et la lettre anonyme,
il avait dit à son frère : « Les scélérats
ont voulu singer ton écriture ! » L'effet
de ce mot avait été que la lettre avait
été regardée de près, et qu'on s'était
aperçu qu'elle était sur du papier
d'enfant, d'un format démodé tel
qu'on n'en trouve plus dans le com-
merce, et aux initiales A. R., qui
sont celles d'une jeune fille du gen-
tilhomme de plus en plus vendéen.
Ensuite de quoi, la lettre avait été
remise à des experts ; dont la con-
viction avait été que « l'auteur de la
lettre anonyme reçue par Paul de la
Roche-Saint-André était Paul de la
Roche-Saint-André lui-même ».
C'est pourquoi le gentilhomme de
toutes les Vendées fut traduit devant le
tribunal correctionnel de la Roche-sur-
Yon, sous l'inculpation « de s'être
adressé à lui-même la lettre du 10 no-
vembre et d'avoir, au risque de jeter le
trouble dans une contrée habituelle-
ment calme et de faire soupçonner et
inquiéter des citoyens paisibles et inno-
cents, préparé et exécuté des actes cou-
pables, dont la lettre n'était que le pré-
liminaire, pour faire croire à la réalité
d'un attentat dont il avait projeté de se
dire la victime ». M. de la Roche-Saint-
André fut condamné à deux cents francs
d'amende.
- Les gentilshommes sont si peu habi-
tués à être condamnés, que M. de la
Roche-Saint-André trouva que c'était
excessif. En revanche, le ministère pu-
blic trouva que c'était insuffisant. Dou-
ble appel. La cour de Poitiers a jugé
samedi. Elle a été de l'avis du minis-
tère public. Aux deux cents francs d'a-
mende elle a ajouté quinze jours de
prison.
Au moment où l'arrêt a été prononcé,
une voix a crié :
- C'est abominable !
Le président a demandé quel était
l'auteur de cet outrage à la magistra-
ture.
— Moi ! a dit crânement un jeune
homme, dans lequel on a reconnu un
jeune avocat dn barreau de Poitiers et,
ce qui met le comble, le fils d'un juge.
Mais non, ce n'est pas cela qui met le
comble. Ce qui le met, c'est que des
bravos ont éclaté de toutes parts dans
l'auditoire, composé de légitimistes ;
que deux autres jeunes gens, avocats
aussi, sont venus serrer la main du pre-
mier, et que le prétoire a été envahi
aussitôt par une douzaine de personnes,
criant : 1
— Prenez nos noms aussi, nous avons
applaudi et nous demandons à partager
la peine !
Au premier rang, on remarquait M.
de Baudry-d'Asson. Cette insurrection
contre la magistrature a produit un tel
tumulte que l'audience a du être sus-
pendue.
Il paraît que la suspension est comme
la nuit, qui porte conseil. A la reprise,
les insurgés ont demandé à dire « quel-
ques mots d'explication » et ont déclaré
n'avoir eu en aucune façon la pen-
sée d'outrager la cour ». On se souvient
de cette scène de vaudeville : « — Mon-
sieur, je vous ai dit que vous étiez un
polisson, et que votre vraie place serait
au bagne ; mais je n'ai jamais eu la
moindre intention de vous offenser. »
Grâce à cette explication, les accusés
en ont été quittes, un pour quinze jours
de prison, un autre pour trois jours, un
troisième pour un jour, et les autres,
dont M. de Baudry-d'Asson, pour seize
francs d'amende.
Les républicains ont dit souvent, et
diront souvent encore, dans les jour-
naux et dans les réunions, des choses
que les magistrats auront le droit de
trouver désagréables. Mais il n'est ja-
mais arrivé, croyons-nous, que les ré-
publicains, en plein prétoire, se soient
levés en masse pour cracher à la figure
des magistrats une injure comme celle
que les magistrats de Poitiers ont mal
essuyée avec quelques heures de prison
et quelques sous d'amende.
La monarchie est une grande école
de respect.
AUGUSTE VACQUERIE.1
qb-
POURQUOI?
Les gens que leurs promesses révi-
sionnistes embarrassent, et ils sont
nombreux, paraissent avoir découvert,
pour retarder la réforme dont ils ont
confessé l'urgence il y a plus d'un an,
un argument de valeur assez mince,
comme on va le voir, mais qu'ils saisis-
sent, n'ayant pas les moyens de se
montrer difficiles. Cet argument, au
moins bizarre et inattendu, c'est la
mort, prochaine ou probable, du comte
de Chambord.
Quand, pour la première fois, il y a
deux mois, le bruit de cet événement
s'est répandu à Paris, et l'autre jour
encore, quand la nouvelle a paru
prendre un caractère authentique,
tous les républicains de bon sens
sont demeurés d'accord pour cons-
tater que la vie ou la mort du re-
présentant du droit divin ne pouvait
plus avoir aucune importance pour
l'avenir de la République. Ici même,
hier, M. Auguste Vacquerie démontrait,
avec une évidence irrésistible et un sens
politique trèsprofond, que l'orléanisme,
loin de prendre une force nouvelle, était
frappé du même coup que le Roy des
fleurs de lys. Et, on peut le dire, cette
conséquence était inévitable, car l'or-
léanisme n'a jamais pu exister que
comme la négation du principe de la
légitimité. Quand ce principe disparaît,
la négation disparaît avec lui et il n'est
plus au pouvoir du comte de Paris, ni
d'aucun des princes d'Orléans, de repré-
senter l'orléanisme avec le sens donné
à ce mot par la politique et par l'his-
toire.
Cela étant, et comme si les événe-
ments étaient arrangés tout exprès pour
lui laisser libre carrière, la République
n'a absolument plus rien à craindre de
personne, si ce n'est de l'incapacité de
son propre gouvernement.
Or, quelle preuve plus grande d'in-
capacité pourrait-on donner que de con-
server avec soin la Constitution sortie
des votes incohérents de l'assemblée de
Versailles? Quelle est cette démence
ministérielle qui consiste à perpétuer
le provisoire, à avouer que la Constitu-
tion doit être remaniée dans un délai
prochain et à soutenir que, par caprice, il
faut, pendant une année encore, exposer
le pays aux inconvénients graves qui ré-
sultent toujours d'institutions trop im-
parfaites ? Admettons, ce qui est absurde,
admettons que les légitimistes, les bo-
napartistes même, vont tous se grouper
derrière un membre de la famille d'Or-
léans. Ce n'est pas là une éventualité
qui puisse nous effrayer beaucoup,
mais faisons l'hypothèse de cette fusion
nouvelle et invraisemblable, de cet as-
saut à trois donné à la République.
Est-ce que ce serait là une raison pour
se contenter de la Constitution versail-
laise, est-ce que ce serait une raison
pour répéter, avec M. Jules Ferry, que
le meilleur défenseur de la République,
c'est le Sénat?
Qu'une fraction minime de la majo-
rité, représentée dans la presse par le
Parlement, repousse absolument et in-
définiment la revision, on le conçoit.
C'est une attitude fâcheuse à notre avis,
mais logique après tout. Mais les mi-
nistériels qui se proclament révision-
nistes, voudraient-ils nous dire pour-
quoi, si la République n'est menacée
par rien, ils ne se hâtent pas de profiter
de ce moment de calme pour amélio-
rer la Constitution ; pourquoi, et à bien
plus forte raison, ils ne se pressent pas
de l'améliorer si des dangers sont à
craindre ?
A. GAULIER.
— ♦
COULISSES DES CHAMBRES
Il n'y a plus pour ainsi dire qu'une
question à l'ordre du jour des groupes et
des cercles parlementaires, c'est celle de
savoir à quelle date sera prononcée la clô-
ture de la session. Celle-ci dépend, comme
nous l'avons dit hier, d'une question pré-
judicielle, celle de savoir si les conven-
tions de chemins de fer seront discutées
ou non par la Chambre, avant sa sépara-
tion. Le groupe de l'union démocratique
s'est réuni hier pour s'entretenir de cette
double question. Le président, M. Devès,
a communiqué à ses collègues les détails
des.,- entrevues qu'il avait eues avec les
membres du gouvernement.
Les ministres ont répété qu'ils jugeaient
absolument nécessaire le vote des con-
ventions avant les vacances afin de per-
mettre de dresser le budget extraordinaire ;
ils ont ajouté — confirmant ainsi ce que
nous annoncions hier, que si ce vote ne
pouvait être obtenu avant les vacances, le
gouvernement se verrait dans l'obligation
de clore la session le 13 juillet, pour rap-
peler les Chambres en session extraordi-
naire dans les premiers jours de sep-
tembre.
La réunion de l'union démocratique
s'est alors préoccupée hier des moyens
qu'offrait la procédure parlementaire de
soulever la question à la tribune et d'ob-
tenir du gouvernement une déclaration
formelle. On s'est arrêté àl'idée déjà émise
à la réunion précédente d'adresser au mi-
nistère une question sur les causes du
retard apporté au dépôt du budget extra-
ordinaire. De la sorte, le gouvernement
pourra indiquer à la Chambre la connexité
qui existe entre ce budget et les conven-
tions et qui fait que le règlement du pre-
mier est subordonné au sort des dernières.
M. Devès a reçu du groupe pleins" pou-
voirs pour provoquer cet incident. Il a
informé hier soir le président du conseil et
le ministre des travaux publics de son in-
tention, et le conseil des ministres doit
délibérer de nouveau ce matin sur la
question.
Une autre solution se présente, en effet.
Au lieu de clore la session le 13 juillet et de
rappeler les Chambres dans les premiers
jours de septembre, on pourrait laisser la
session actuelle se prolonger aussi long-
temps qu'il serait nécessaire pour arriver
au vote des conventions. Mais, pour cela,
il faudrait, par une loi spéciale, retarder
le renouvellement des conseils généraux
qui, actuellement, ne peut pas dépasser le
a août et la session de ces assemblées qui
doit légalement s'ouvrir le 20 août.
C'est entre ces deux systoiues que le
conseil des ministres doit opter ce matin.
Quant à l'incident qui sera provoqué de-
vant la Chambre, il ne sera porté que de-
main vendredi à la tribune. L'union démo-
cratique se réunira, en effet, ce jour-là
avant la séance, pour s'entendre définitive-
ment à ce sujet.
-0-
Ce qui complique la situation, c'est que
les divers groupes de gauche sont loin
d'être d'accord sur la solution à adopter.
Pendant que l'union démocratique pre-
nait hier les décisions que l'on vient de
lire, la gauche radicale, réunie au même
instant, arrêtait des résolutions absolu-
ment contraires.
Ce groupe, en effet, a décidé, d'une part,
de s'opposer à la mise à l'ordre du jour
des conventions avant les vacances et, de
l'autre, de demander que la Chambre —
dans l'intérêt de la dignité du pouvoir par-
lementaire — ne statue pas sur les con-
ventions avant que celles-ci n'aient été
préalablement approuvées par lesassem-
blées générales d'actionnaires.
Ces décisions avaient été précédées d'un
exposé des nouvelles conventions fait par
M. Lebaudy, président de la commission
des chemins de fer, qui avait insisté sur la
nécessité de voter ces conventions.
-0-
De son côté, la commission des chemins
de fer a tenu hier une longue séance dans
laquelle elle a adopté successivement tous
les articles de la convention du Nord. Cela
fait donc deux conventions approuvées.
M. Rouvier, qui avait déjà été nommé
la veille rapporteur de la convention de Pa-
ris-Lyon-Méditerranée, a été nommé égale-
ment rapporteur de la convention du
Nord. La question est donc résolue de
savoir s'il y aura des rapporteurs particu-
liers ou un rapporteur général. C'est M.
Rouvier qui recevra mandat de faire le
rapport de toutes les conventions.
Aujourd'hui la commission discutera les
articles de la convention de l'Est.
-0-
Enfin la commission du budget s'est oc-
cupée également hier des questions se
rattachant à celles que nous venons d'in-
diquer. M. Allain-Targé a demandé qu'on
discutât avant les vacances le système gé-
néral du budget ordinaire et du budget
extraordinaire, de manière à arrêter les
bases de notre système financier pour
1884.
En ce qui concerne le budget ordinaire,
la motion de M. Allain-Targé a été una-
nimement acceptée. On a décidé d'exami-
ner les budgets des dépenses des minis-
tères, de manière à pouvoir arrêter le chif-
fre des réductions opérées pour chaque
ministère sur les propositions du gouver-
nement.
Quand on aura ainsi totalisé les écono-
mies, on pourra se rendre compte des mo-
difications qu'il sera possible d'apporter au
système général du budget.
Quant au budget extraordinaire, la com-
mission, contrairement à l'avis de M. AI-
lain-Targé, n'a pas pensé qu'elle pût, en
l'absence du projet du ministre, substituer
son initiative à celle du gouvernement et
aborder l'examen de cette question de son
propre mouvement. On attendra donc le
dépôt du budget extraordinaire par le
gouvernement.
Mettant sa première décision à exécu-
tion, la commission a examiné le budget
ordinaire du ministère de l'agriculture sur
le rapport de M. Roger et a réduit les dé-
penses de 1,184,000 fr. Aujourd'hui, elle
statuera sur les budgets du commerce et
des postes et télégraphes.
«D
GÉNÉREUX A BON IARCHE,
Le 15 mars 1804, Louis-Antoine-Henri
de Bourbon, duc d'Enghien, était arrêté
à Ettenhein, grand-duché de Bade, par
ordre du premier consul; le 20, il arrivait
à Vincennes, était traduit immédiatement
devant une commission militaire, con
damné à mort et exécuté au petit jour
dans les fossés du château. Les bonapar-
tistes ont aujourd'hui des mœurs plus dou-f
ces. Non-seulement ils s'abstiennent d'en-
voyer une douzaine de balles dans la têta
des princes qui leur portent ombrage,,
mais ils font des vœux pour la conserva-
tion de leur santé; ils joignent leurs priè
res à celles des partisans du trône et de
l'autel, et à certains moments on se de-
mande par qui M. le comte de Chambord
sera le plus regretté, de ceux qui vou-
draient un roi ou de ceux qui désirent un
empereur. ----
Il faut dire que les bonapartistes ne font
que rendre une politesse qu'ils ont reçue
il y a quatre ans. Les légitimistes, qui de
leur côté avaient imaginé contre le pre-
mier des Bonaparte la machine infernale
et la conspiration de Georges Cadoudal,
ont pris le deuil lorsque son héritier est
tombé sous les coups de lance des zoulous.
MM. de Mun et de Baudry-d'Asson s'étant
en cette occasion revêtus de crêpe, il est
juste aujourd'hui que les bonapartiste_,
fassent retentir l'air de leurs cris.
Des esprits chagrins sont sans doute f
tentés d'attribuer cette explosion de re-rl
grets au sentiment qui fait, dit-on, pleurer 1
les crocodiles. On a beau admettre que la
principale préoccupation de ces messieurs
de la droite soit la démolition de la Répu-
blique, il y a certainement une chose que
chaque groupe monarchique préfère à
l'avènement de la monarchie rivale, c'est
le triomphe de sa propre monarchie. On
est réactionnaire avant tout, cela est bien
entendu, mais on est aussi légitimiste ou
bonapartiste, et ceci exclut cela. On mon-,
tre dans les foires des veaux et des mou-
tons bicéphales ; aucun Barnum ne nous a
fait encore assister à ce spectacle : une
couronne avec plusieurs têtes dessous. La
victoire d'Henri eût été la défaite de Vic-
tor ou de Jérôme, et réciproquement. Si
Montecuculli a salué respectueusement le
cadavre de Turenne, il est peu vraiscm"
blable qu'il ait récriminé contre la Provi-,
dence qui le débarrassait d'un adversaire
gênant. Une telle abnégation eût paru
quelque peu hypocrite, et il y a un point
où la courtoisie chevaleresque s'appelle
d'un autre nom.
Voilà ce que ne manqueraient pas de pen-
ser et de dire les psychologues à outrance
quÏ ont cherché des motifs bas et vulgai- ■
res aux plus nobles démarches du cœur
humain. Pour notre part, nous tenons les
larmes des uns et des autres pour égale-
ment sincères ; nous admettons que le
désintéressement actuel des bonapartistes
ne le cède en rien au détachement du
passé des légitimistes. Qu'il nous soit
permis cependant de rechercher la rai-
son de ce revirement heureux qui fait
que les bonapartistes s'agenouillent de-L
vant l'homme qu'ils eussent fusillé jadis.
Cette raison, c'est tout simplement l'in-t
destructibilité de la République. Où il n'
a rien à prendre, roi et empereur perdenfci
ce qu'ils prétendent être leurs droits. A
quoi bon s'entre-déchirer pour une om-».j
bre ? La disparition du comte de Cham-H
bord ne profitera pas plus aux bonapartis";:'
tes que la disparition de l'ex-prince impé
rial n'a profité aux légitimistes. Une égale;
faiblesse, une égale impuissance permet-|
tent aux partis vaincus de se montrer géné:;j
reux. Si les rois de Candide avaient eu!
quelque chance de remonter sur leu
trône les uns aux dépens des autres, il&i
n'eussent point passé leur temps à Venisej
à échanger de belles paroles et à jouer ai
l'hombre ou au piquet-voleur. I
FRÉDÉRIC MONTARGlS-j
Voici les bulletins de santé du comte dé :
Chambord arrivés hier dans la matinée,
le premier, daté de sept heures, est ainsi
conçu : « Etat toujours grave; faiblesse
feuilleton, du RAPPEL
DU 6 JUILLET
11 11 ■' l"« w ■■ H ■
16
LA VIE EN L'AIR
PREMIÈRE PARTIES
EU
Paul avait neuf ans à la naissance de sa
'sœur. On ne se méfie pas assez de la pers-
picacité instinctive de certains enfants.
Celui-ci avait de grands yeux ; il voyait
presque trop. Il n'y réfléchissait pas en-
suite, c'est sûr; il n'en tirait point de con-
aéquences, mais les impressions se lo-
geaient confuses dans sa mémoire; les
laits s'emmagasinaient dans sa petite têU.
Reproduction et traduction interdites.
Voir le Rappel du 17 juin au 5 juillet^
Tout ce que cela produisait, c'étaient des
expansions excessives de tendresse pour sa
mère. Il l'embrassait nerveusement et par-
fois ses cils s'humectaient de larmes atten-
dries. Pourquoi? Il ne savait.
On craignait qu'il ne fût jaloux de sa
sœw'ette, comme il l'appelait. Ah 1 bien
oui ! Des journées entières, il s'occupait
d'elle, l'amusait et faisait son portrait, pas
trop mal, parfois. C'est lui qui guida ses
premiers pas, et quelle fierté quand de-
hors il put la promener par la main, sans
le secours de tante Ursule !
La petite, au surplus, n'était pas en
reste avec lui. Elle le battait bien un peu,
le griffait volontiers; mais après elle lui
empoignait les cheveux à deux mains, et
lui mangeait la joue d'un long, long bai-
ser humide qui l'enchantait, lui.
Après la rupture avec Toto, la liquida-
tion des affaires financières et industrielles
avait démasqué un gouffre terrible. Léa
prit tout à sa charge. Mais la part de débit
de M. le baron Féripier?
— Je l'en tiens quitté, répondit l'ac-
trice, quand son avoué lui posa la ques-
tion. -
— Vous avez tort, chère madame. On
parle d'un mariage qui le remettrait à
flot.
— Grand bien lui fasse, je ne veux rien
de ce greluchon-là.
Ce n'est pas qu'elle gardât rancune à
l'ex-Toto. Bjga trog oiseau pour cla, Elle
s'en voulait, à elle, d'avoir été si crédule.
Elle s'en raillait en riant.
- Ai-je été assez de mon pays, m'en
a-t-il fait gober, l'animal! C'est bien fait,
ma fille. Ça t'apprendra à te faire des illu-
sions sur l'amour.
Vraiment, les deux épreuves n'avaient
pas été heureuses. M. Charles qui, la
voyant exposée aux brutalités de son père,
filait comme un pleutre, par le vasistas et
la plantait là définitivement, sans s'in-
quiéter de ce qu'elle deviendrait ; cet au-
tre, ce gentilhomme besoigneux qui se
faisait de l'embonpoint aux frais de sa
maîtresse et tripotait avec son argent!
Vrai, il y avait de quoi guérir du senti-
ment.
Et dire qu'elle avait un enfant de cha-
cun de ces cadets-là 1 Par bonheur encore
elle avait pu les élever, sans quoi !.
C'est du propre les hommes, se disait-
elle. Et ce qu'il y a de magnifique, c'est
qu'ils font chorus avec un tas de bêtes
d'auteurs, quand ceux-ci donnent une
pièce où la femme galante joue le rôle de
tête de turc. Mais, misérables que vous
êtes, il n'y aurait pas d'entretenues, s'il
n'y avait pas d'entreteneurs. Et des gail-
lards bien honorables encore, ceux-ci. Des
vieux sales, le plus souvent, qui font la
fête avec la dot de leur femme, au risque
de condamner leurs filles à coiffer sainte
Catherine. Oh ! pas un mot désagréable à
ces « M. le comte ? pleins d'égards pour
eux, les auteurs dramatiques ! C'est à cre-
ver de rire. Mais quel dommage que ce
soit si compliqué, je m'amuserais à les
venger les femmes. Ah 1 vous nous avez
perverties ? Eh bien ! attends un peu ! Gare
à vos fils et vos neveux!
Ce n'était qu'une boutade. Elle n'avait
pas assez de suite dans les idées pour en-
treprendre une besogne aussi ardue.
Bah 1 pensons à autre chose. Voilà le
fond de sa philosophie. Elle s'y arrêtait;
non par raison, mais parce que ça lui était
plus commode.
- Il y avait déjà cinq ans que Toto avait
disparu, et si elle y pensait encore, c'est
que les satanées affaires n'étaient pas tou-
t es arrangées. Elle payait pourtant de
fortes sommes; mais, comme elle vivait
quand même sur un grand pied, tout en
s'acquittant d'un côté elle s'endettait de
l'autre.
Un beau jour, elle s'avisa de l'avenir
de son fils.
- Ah i ça, dit-elle, te voilà quatorze
ans, mon Paulot; as-tu idée de faire quel-
que chose ?
- Moi, répondit l'adolescent, je veux
être peintre.
— Eh bien, mignon, tu seras peintre.
Dans la masse des hommes qui fréquen-
taient le salon de la divette, il n'y avait
pas que des gens de cercle ni que des go-
dailleurs huppés. Parmi les clubmen, les
personnages officiels, les nobles étrangère
qui lui composaient une cour, par vanité
de compter au nombre des familiers d'une
actrice célèbre et acclamée, on comptait
quelques artistes de valeur. Le talent de
Léa leur était sympathique ; son intelli-
gence, son caractère ouvert, sa belle hu-
meur constante et jusqu'à ses excentrici-
tés d'imprévoyante, de véritable hurlu-
berlue, leur faisaient trouver plaisir à la
fréquenter assidûment.
L'un d'eux, jeune encore, quoique mem-
bre de l'Institut, s'était un peu amouraché
d'elle, en faisant son portrait, lequel eut
un grand retentissement au Salon.
— Mon cher, lui (dit-elle, quand il s'en
ouvrit, des gens comme nous doivent, je
crois, se garder de faire sciemment une
bêtise. Je vous aime bien, je n'ai guère le
droit de faire des manières, et certes ! une
femme peut avoir quelque orgueil à vo us
afficher comme amant. Mais je ne souffri-
rais pas que notre liaison vous fût oné-
reuse. Alors quoi ? Vous seriez gêné chez
moi; vous y auriez une posture fausse,
prêtant aux commentaires, à l'équivoque.
Faut pas, hein ?
Il eut l'esprit de rester son camarade.
Aussi lui parla-t-elle, à lui premier, des
dispositions de son gamin.
— Qu'en pensez-vous? lui demanda-
t-elle, en lui montrant les dessins de Paul.
Moi, naturellement, je trouve ça superbe,
mais.
— Mais, le goût et l'inveatiou y, l-
répondit le peintre. Il faut aussi qu'il ait
quelques notions premières.
— De qui voulez-vous qu'il les ait re- £ i
çues ? Non, c'est d'instinct. :
— Tu te trompes, dit Ursule. Il m'a dé-
fendu de le dire et je lui ai obéi, parce qu'il
n'y a pas de mal à ça ; mais depuis six
mois, il suit les cours de l'école commu-
nale de dessin, là, au bout de la rue.
— Quand donc ?
— Le soir, pendant que tu joues.
Ce fut comme une espèce de trahison ait
sentiment de la mère. Pourquoi ce mystère!:
Il n'avait qu'à souhaiter; elle lui aurait
fait donner toutes les leçons qu'il aurait
voulu. Est-ce qu'on allait se cacher d'elle, f
à présent est-ce qu'on doutait de ses in-i
tions ; est-ce qu'on ne l'aimait plus?
Elle en pleurait. ,
- Méchant 1 fit-elle, quand Paul parut.,
Et, toujours pleurant, elle le serra dans
ses bras, à l'étouffer, l'embrassant avec.J
rage. ;
Le lendemain, l'enfant fut admis parmi v
les élèves du membre de l'Institu:,
SÇOOARD CADOCj'
'.j Mure.)
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