Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1883-07-04
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 04 juillet 1883 04 juillet 1883
Description : 1883/07/04 (N4863). 1883/07/04 (N4863).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7540357j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
H* 4863 JIIf Mercredi 4 Juillet 4883
Le numéro : lOc. - Départements: 15> c. f6 Messidor an 91 No 4863^
ADMINISTRATION
JT5, HUE DE VALOIS. OR
AIÎ ONNEMENTS
f PARIS
Trois mois. 10 »
Sis3B.ois».20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois • »«■«• 13
Six mois m 2^0,^
Acbe s s er lettres et mandats j
JL M. ERNEST LEFÈVRfij
AD^IINI STRATEUR GERANT
1
J REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Réflaction.
De 4 à 6 heures du soir
18, HUE DE VALOIS, 28
) -
Les manuscrits nonînséres ne seront pasrubî
ANNONCES
3M. Ch. IAGRÂNGE, CERF et ce
-■ 6, place de la Bourse,6
x
LA MORT DC COTE DE CHAMBORD
Le comte de Chambord se meurt. Ce
dénouement était prévu depuis quel-
ques semaines. Quand on a dit, l'autre
mois, qu'il était condamné par ce que
les légitimistes appellent la Provi-
dence, les légitimistes ont nié. C'est
l'usage des partis de nier la maladie de
leurs chefs jusqu'à la mort. Mais le
démenti n'avait trompé personne, et la
nouvelle d'hier n'a surpris aucun de
ceux mêmes qu'elle a attristés.
La mort du comte de Chambord doit
être regardée à deux points de vue : au
point de vue personnel et au point de
vue français.
Personnellement, nous ne voulons
nous souvenir que de la fermeté "avec
laquelle le comte de Chambord a main-
tenu son dogme et s'est fait un suaire
de son drapeau. Nous redisons, avec le
poète de l'Année terrible :
C'est bien. L'homme est viril et fort ÇSd se décida
A changer sa fin triste en un fier suicide ;
Qui sait tout abdiquer, hormis son vieil honneur;
Qui cherche l'ombre ainsi qu'Hamlet dans Elseneur,
Et qui, se sentant grand surtout comme fantôme,
Ne vend pas son drapeau, même au prix d'un royaume.
Le lys ne peut cesser d'être blanc. Il est bon,
Certes, de demeurer Capet, étant Bourbon;
Vous avez raison d'être honnête homme. L'histoire
Est une région de chute et de victoire
Où plus d'un vient ramper, où plus d'un vient sombrer.
Mieux vaut en bien sortir, prince, qu'y mal entrer.
Au point de vue français, la mort du
comte de Chambord ne change pas
grand'chose à la situation.
Nous disions que lepetit-fils de Char-
les X s'était fait un suaire de son dra-
peau. Le drapeau blanc, en effet, n'est
plus qu'un suaire. Il va être enterré
dans la fosse de Frohsdorff. Les légiti-
mistes sont priés d'assister à l'inhuma-
tion du droit divin. La République
avait trois ennemis : le bonapartisme,
le légitimisme et l'orléanisme. Le bo-
napartisme est mort au Zululand (il se-
rait plus juste de dire à Sedan), le légi-
timisme meurt en Autriche. Mais il
vivait si peu que la République n'a pas
même à se réj ouir.
Mais la mort du royalisme pour de
vrai ne va-t-elle pas donner de la force
au royalisme par à peu près? Les légiti-
mistes ne vont-ils pas passer au comte
de Paris, qui devient le légitime, et le
p arti royaliste ne sera-t-il pas d'autant
plus fort qu'il réunira ses deux tron-
çons?
Nous accordons pleinement qu'un
grand nombre de légitimistes (si lé-
gitimistes et grand nombre ne hurlent
pas d'être accouplés) vont passer à l'or-
léanisme. A part les fidèles qui ne par-
donneront jamais au comte de Paris
d'être le petit-fils de celui qui a pris la
place de Charles X et qui a fait accou-
cher la duchesse de Berry à Blaye, de
celui qui a adossé aux barricades le trône
adossé jusque-là à l'autel; à part les in-
telligents qui ne se soucieront pas d'être
des sous-orléauistes et de ramasser les
miettes sous la table; à part les purg
qui ne feront pas à leur roi mort l'affront
de renier son drapeau; à part les in-
flexibles que, comme le Juste d'Horace,
les ruines du monde écraseraient sans
les courber, et qui mourront debout
dans leur principe comme un martyr
dans sa foi, — il y a pas mal de légiti-
mistes qui trouvent que c'est assez de
cinquante-trois ans de fidélité et qui,
sans le dire, en étaient depuis long-
temps au vers d'Hippolyte :
Non innocence enfin commence & me peser!
Ceux-ci ne s'arrêteront pas à la cou-
leur du drapeau, et, leur roy en pensera
ce qu'il voudra sous terre, ils se trico-
loreront avec une aimable facilité. On
ne nous étonnerait même pas prodigieu-
sement en nous disant qu'une certaina
quantité des bonapartistes vont s'offrir
aux princes que le Deux-Décembre
avait soulagés de leur bourse. Mais
qu'est-ce que cela fait à la République?
Est-ce que ce serait la première fois
que la République verrait ses trois en-
nemis se coaliser contre elle? Est-ce
qu'ils ne lui ont pas donné ce spectacle
deux fois déjà, en 1873 et en 1877, et
dans des conditions bien autrement fa-
vorables pour eux, quand ils avaient à
eux, une fois, le Sénat et le président
de la République, et, l'autre fois, le
président de la République et la Cham-
bre, alors unique et souveraine? Au-
jourd'hui, c'est à la République qu'ap-
partiennent la Chambre, le Sénat et
le président de la République. Si ça
amuse les réactionnaires de ressayer
dans des conditions infiniment moin-
dres ce qu'ils ont raté lorsque tout
était dans leurs mains, ça nous amu-
sera aussi.
Celui que nous plaignons, c'est le
comte de Paris, qui vivait en bon
bourgeois, et qu'on va pousser aux
aventures, et qui sait qu'au premier pas
qu'il ferait il serait invité à retourner
en exil. Et son cousin est là-bas pour
lui dire où aboutit l'exil des préten-
dants. En voilà un qui va marcher
au trône à reculons ! ,
La mort du comte de Linarnoord dé-
montre une fois de plus la supériorité
de la République sur la monarch ie. Un
homme meurt, et voilà un parti en-
terré. Que reste-t-il aujourd'hui du
drapeau blanc et de tout ce qu'il conte-
nait dans ses plis? En République, les
hommes peuvent mourir, la chose reste.
La mort- de M. Thiers et celle de M.
Gambetta n'ont pas plus troublé la Ré-
publique de France que la balle dont a
été frappé, en pleine guerre civile, le
président Lincoln n'a blessé la Répu-
blique des Etats-Unis. Cela vient de ce
que la monarchie, c'est un individu, et
que la République, c'est le pays.
AUGUSTB VACQUERIB.
«W
A LA CHUMBRE
Ainsi qu'on en était convenu samedi,
la Chambre, à l'ouverture de la séance,
a fixé le jour où seraient discutées l'in-
terpellation de M. Granet et celle de
M. Delafosse, sur le Tonkin. Le jour
adopté est le mardi 10 juillet. Ce délai
a été reconnu nécessaire pour que le
gouvernement fût en possession des
nouvelles apportées par le prochain
courrier qui arrive le 9 juillet. C'est
d'un commun accord entre les interpel-
lateurs et M. le ministre des affaires
étrangères, revenu de son congé, que
cette décision a été prise.
A la demande de M. Jules Ferry, la
Chambre, par une dérogation à l'ordre
du jour précédemment adopté par elle,
a décidé de discuter à l'ouverture de la
prochaine séance le projet relatif au
chemin de fer du Sénégal. M. le prési-
dent du conseil pense que la discussion
sera très courte. C'est possible, mais,
s'il en est ainsi, c'est que peu de mem-
bres auront lu le rapport déposé sur
cette affaire et qui avoue que, dans les
précédentes sessions, on a présenté à la
Chambre des évaluations tout à fait fan-
taisistes.
La discussion du projet de loi sur
l'organisation municipale a été reprise
ensuite et continuée, jusqu'à l'article
45, sans donner lieu à autre chose qu'à
des observations peu importantes. A
propos d'un amendement de M. Jametel
qui demandait une réduction du nom-
bre des conseillers municipaux, réduc-
tion proportionne le à la population, la
Chambre a voté de façon à laisser croire
qu'elle ne savait pas toujours bien ce
qu'elle faisait. L'observation suivante,
que M. Brisson a adressée à ses collè-
gues, indique assez la situation bizarre
dans laquelle on s'était placé :
M. LE PRÉSIDENT.- J'ai, plusieurs fois déjà,
fait remarquer que plus on avance dans le
détail des lois, plus l'attention doit être minu-
tieuse. On a pu constater une fois de plus cette
nécessité : la Chambre a adopté tout à l'heure
le premier paragraphe de l'amendement de
M. Jametel. Elle entrait ainsi dans un système.
Mais elle vient de rejeter le deuxième para-
graphe de cet amendement, si bien que le pré-
sident se demande ce qu'il va maintenant met-
tre aux voix. '-
M. LANGLOIS. - L ensemble !
M. LE PRÉSIDENT.—Gomment mettre un en-
semble aux voix quand il y a un premier para-
graphe adopté et un deuxième paragraphe re-
jeté ?
Dans une circonstance analogue, le
président du Sénat, M. Le Royer, avait
été moins embarrassé. Il voulait, on se
le rappelle, mettre aux voix l'ensemble
du projet dont tous les articles avaient
été repoussés. Mais cette jurisprudence
étrange n'ayant pas fait loi, on com-
prend la perplexité de M. Brisson.
Quant à l'étourderie de la Chambre, il
faut la mettre sur le compte de la cha-
leur, d'abord ; puis on causait un peu
de la disparition probable du comte de
Chambord et de l'anéantissement inévi-
table de son parti.
La séance se poursuivant et le rap-
porteur, M. de Marcère, ayant été con-
traint de quitter un instant la Cham-
bre, la commission, questionnée sur
l'interprétation de divers articles, n'a
pu faire que des réponses peu satisfai-
santes, si bien que le renvoi de la dis-
cussion à la prochaine séance a paru
à tout le monde l'expédient le plus heu-
reux.
A. GAULIER.
--.
Le principal objet des conversations
durant la journée d'hier, à la Chambre,
était l'éventualité de la mort du comte de
Chambord. On se demandait quelles con-
séquences cet événement serait appelé à
avoir ^ur la politique générale et particu-
lièrement sur la conduite et les résolutions
des fraci ions monarchiques.
Tout d'abord, nous devons mentionner
ce bruit, assez généralement répandu et
accrédité même chez quelques royalistes,
que l'entourage du comte de Cham-
bord essayait de retarder le plus possible
la nouvelle de la mort, mais qu'elle se-
rait - un fait accompli.
On expliquait cette attitude par la néces-
sité de définir auparavant la situation des
princes d'Orléans et d'obtenir de ceux-ci
une manifestation positive de leur rôle de
prétendants. En un mot, il s'agirait d'ob-
tenir que, le « roy » étant mort, un nou-
veau « roy » s'affirmât pour confirmer la
tradition monarchique et entretenir l'illu-
sion dont se berce le parti royaliste depuis
un demi-siècle. La résistance du comte de
Paris à jouer ce rôle quelque peu périlleux
serait la cause de l'espèce de mystère dont
on entoure la fin du comte de Chambord.
Le comte de Paris a été appelé à Paris
par dépêche, et il y a eu de nombreux
conciliabules des princes d'Orléans pré-
sents à Paris; mais rien n'a transpiré des
résolutions prises dans ces réunions.
Parmi les républicains, on causait des
déterminations que les évènements pour-
raient imposer au gouvernement à un mo-
ment donné. -
Les ministres présents à la Chambre ont
été très entourés, et on leur demandait ce
qu'ils feraient dans telle ou telle hypo-
thèse; mais s'ils onL répondu— ce qui d ail-
leurs est l'exacte vérité — que le conseil
ne s'était pas encore réuni depuis que les
dépêches de Fruhsdorff étaient arrivées, et
que par suite aucune résolution n'avait pu
être prise.
Les ministres ont d'ailleurs ajouté qu'ils
n'accepteraient pour l'instant aun débat
public sur des éventualités futures, et
qu'ils prendraient sons leur responsabilité
les mesures que la situation pourrait exi-
ger, quitte à en référer aux Chambres.
-- Tous les bruits - mis en avant dès hier
soit par divers journaux sur de prétendus
projets d'expulsion prêtés an gouvernement
ou sur des projets d'interpellation émanés
de tel ou tel groupe sont absolument dé-
nués de fondement. Les républicains n'ont
pas lieu de s'émouvoir d'un événement
qui a plutôt le caractère historique que
politique et qui n'est pas de nature à
mettre la République en péril à un degré
quelconque.
Les chefs du parti légitimiste présents à
Paris se sont réunie hier chez M. de Dreux-
Brézé.
C'est à M. de Carayon-Latour qu'avait
été adressée, par M. de Monti, la dépêche
qui est arrivée hier matin.
De son côté, M. de Dreux-Brézé avait
reçu de M. de Chevigné, actuellement
auprès du comte de Chambord, une dé-
pêche alarmante. C'est sur ces deux dépê-
ches que fut rédigée la note identique de
l'Union et de Y Univers, que nous avons re-
produite.
A l'issue de la conférence qui venait
d'avoir lieu chez M. de Dreux-Brézé, deux
des personnes qui en faisaient partie se
rendirent chez M. Bocher, sénateur, qui
est, comme Fondait, le mandataire des
membres de la famille d'Orléans.
Tous, sauf le duc de Nemours et le duc
d'Alençon, étaient à ce moment absents
de Paris.
Le duc d'Aumale était à Chantilly.
Le comte et la comtesse de Paris étaien t
à Eu.
Quant au duc de Chartres, on se rap-
pelle qu'il voyage au loin ; il est à Téhéran
en ce moment.
C'est M. Jules Ferry qui a porté à l'Ely-
sée la dépêche de FrohsdJrtl.
Le président du conseil en avait reçu la
communication, à onze heures, de son
collègue le ministre de l'intérieur.
Le comte de Paris est arrivé à Paris hier
matin, à onze heures. Tous les membres
de la famille d'Orléans, sauf le duc de
Chartres, qui est à l'étranger, se sont réu-
nis sous sa présidence, chez le duc de
Broglie. On a d'abord parlé de lancer un
manifeste. Puis on y a renoncé. - -
On croit que le comte de Paris est parti
hier soir pour Frohsdorff par le train de
sept heures.
Voici les premiers renseignements qui
sont arrivés à Paris sur la maladie de M. le
comte de Chambord qui s'est déclarée ven-
dredi dernier.
On se souvient que le prétendant avait
été récemment, par suite d'une chute qu'il
avait faite, condamné à une longue immo-
bilité.
L'inaction, contraire à ses habitudes, a
été fatale au comte de Chambord. Pendant
qu'il était étendu sur une chaise-longue, il
se formait en lui un déjôt. Le mal ne se
déclara pas tout de suite. Même, il y a
quelques jours, le prétendant paraissait
tout à fait rétabli, et on avait reçu à Paris
l'avis de laisser partir pour Frohsdorff des
délégations de royalistes formées en vue
dé Ja fête du i5 juillet.
Soudu;.*^ mardi, des douleurs très vives
d'estomac se déclarèrent.. Une lettre en
apporta la nouvelle à Paris le lendemain.
Le jeudi, une seconde lettre apprit que
le cofferté de Chambord était soumis au ré-
gime lacté. La lettre n'était pas autrement
alarmante.
Enfin, vendredi, les médecins reconnu-
rent que le mal était grave.
Aussitôt les chefs officiels du parti légi-
timiste furent avisés. M. de Monti, secré-
taire du prétendant, qui se trouvait de pas-
sage à Paris, reçut huit télégrammes dans
la seule journée de vendredi. M. de Monti
reprit le soir même le train pour Frohs-
dorfl.
En même temps, d'autres dépêches
étaient adressées à M. de Dreux-Brézé.
Note de l'agence Havas :
On n'a dans les couloirs, jusqu'à deux heures,
aucune nouvelle de M. le comte de Chambord.
Aucune dépêche n'est arrivée de Frohsdorff
chez le marquis de Dreux-Brézé. On est égale-
ment sans nouvelle à l'ambassade d'Autriche
et à l'ambassade d'Espagne.
Les journaux de Vienne du 2 juillet, no-
tamment le Tagblatt, la Preste et la Nou-
velle Presse, disent que, jusqu'à présent, il
ne s'est pas produit d'amélioration dans
l'état du comte de Chambord.
Un télégramme arrivé de Froshdorff, et
daté d'hier matin onze heures trente, est
ainsi conçu :
« Fin journée hier mauvaise, nuit et mati-
» tinée calmes, peu de changement notable
» dans état général. — Signé : Riencourt. »
Cette dépêche était adressée à M. de
Dreux-Brézé.
Voici les dépêches parvenues dans la
soirée sur la marche de la maladie du
comte de Chambord :
Vienne, 2 juillet, 4 h. soir.
Les dernières nouvelles de Frohsdorff con-
firment que l'état du comte de Chambord est
très grave.
Une dernière dépêche parvenue à midi, an-
nonce que le comte de Chambord a passé une
mauvaise nuit, maisq ie dans la matinée, sans
qu'il se soit produit un changement notable
dans son état général, le malade a été un peu
peu plus calme.
Le bruit de la mort du comte de Chambord
a couru hier soir et ce matin, mais il est for-
mellement démenti.
Neustadt, 2 juillet.
Les professeurs Bamberger et Billroth vien-
nent d'être appelés en consultation auprès du
comte de Chambord.
La commission des chemins de fer a
tenu hier une nouvelle réunion qui n'a pas
duré moins de six heures sans interrup-
tion.
Là convention avec la compagnie Paris-
Lyon-Méditerranée a été approuvée article
par rticle. Quelques modifications, d'ail-
leurs peu importantes, ont été apportées à
certains articles. Mais la commission s'est
surtout attachée à émettre des vœux qui
seront soumis au ministre des travaux pu-
blics et qui presque tous sont accueillis
d'avance, car ils ont été formulés dans les
entretiens que M. Raynal avait eus précé-
demment avec la commission. La commis-
sion nommera aujourd'hui son rapporteur
pour cette conv nlion et passera ensuite à
l'examen de la convention de l'Est. Le rap-
porteur sera, selon toutes probabilités, M.
liourier. Il restera à décider si le même
rapporteur s'occupera des cinq conven-
tions on s'il y aura un rapporteur différent
pour chaque commission.
Dès aujourd'hui on prévoit que la com-
mission aura terminé à la fin de cette se-
maine son oeuvre, et que la Chambre
pourra être appelée à statuer à son tour
avant les vacances, si le jour du départ
est reporté, comme nous l'avons déjà fait
prévoir, au 21 juillet.
—0—-
Deux groupes de gauche se sont réunis
hier à la Chambre et se sont occupés des
conventions de chemins de fer.
La gauche radicale a décidé de s'op-
poser à la discussion des conventions avant
la chiure de la session.
Au contraire, l'union démocratique a
chargé son bureau de demander des expli-
cations au gouvernement sur le retard ap-
porté à la présentation du budget extra-
ordinaire et de l'informer de son désir de
voir discuter les conventions avant les va-
cances. C'est sur la proposition de M.
Ribot que cette double résolution a été
prise. Au besoin, la question sera portée
à la tribune.
—-0—
L'interpellation de M. Granet sur l'expé-
dition du Tonkin sera discutée le mardi
10 juillet. On a choisi cette date parce
qu'à cette époque le courrier d'Indo-Chine
qui doit apporter les rapports officiels sur
les événements d'Hanoï sera arrivé. Le
ministre des affaires étrangères sera donc
en état de répondre en connaissance de
cause. D'autre part, les pourparlers enga-
gé& avec la Chine seront assez avancés
pour que le gouvernement puisse se dé-
partir un peu de la discrétion diplomatique
et donner quelques explications à la tri-
bune.
♦
LE TIR AUX PIGEONS
Ce divertissement est devenu une véri-
table plaie. Du bois de Boulogne, qu'il a
rendu à peu près insupportable, il a
rayonné sur toute la France, et, à l'heure
qu'il est, il n'y a pas de ville d'eau sans
malades, do station plus ou moins ther-
male qui ne ser\ dans la saison, de ren-
dez-vous à un certaL nombre de fusils.
N'inaugurait-on pas, hier, ù'5? tir dans la
Marne ! Pourquoi pas à la Ferté-Mà OU
à Nou .ncourt?
Certes, on ne peut empêcher les gens
d'être laids et ridicules, de porter des sou-
liers trop longs et des pardessus trop
courts, de faire des succès à ce qui est
plat et de bâiller à ce qui est beau, de
passer leurs journées sur quelque piste à la
recherche d'une martingale idéale et leurs
nuits dans l'attente de l'insaisissable passe
de neuf, de se ruiner ou de s'enrichir avec
des Aspasies sur le retour. Ce qu'on est
en droit de faire, c'est de mettre un terme
à une barbarie inutile. On n'a pas besoin
de massacrer des gallinacées pour tuer le
temps.
Mais la chasse n'est-elle pas aussi cruelle
et prétendez-vous l'interdire également?
Et la pêche? Je répondrai que ces exerci-
ces ont au moins un prétexte, le besoin de
nutrition. Nous mangeons les lièvres et les
perdrix que nous massacrons; nous en
mangeons même beaucoup plus que nous
n'en tuons. Et puis cette passion est si
profondément enracinée chez certaines
gens, et même certaines familles ! Il y
avait des malheureux sous l'ancien régime
qui risquaient le gibet pour courre au
lièvre. Leurs descendants feraient beau
tapage si on leur retirait leurs fusils !
Enfin la chasse a pour elle l'accoutumance.
On vient de trouver dans les terrains lau-
rentiens du Canada les empreintes d'un
homme à la poursuite d'un uurs. Si la
chasse est un délit ou un crime, elle peut
invoquer une prescription de cent mille
ans.
Mais que dire pour justifier le carnage
d'inoffensives colombes ? On ne peut allé-
guer les exigences de l'estomac, puisqu'on
les laisse crever la plupart du temps là où
elles tombent, ni le besoin d'exercice,
puisque le tireur ne fait pas un pas, ni
une tradition séculaire, car parmi toutes
les façons possibles de s'ennuyer, nos
pères n'aient pas pensé à celle-là. Vous
oubliez 1 armée, me dira-t-on. Ne lui faut-
il pas de bons tireurs? Sans doute, mais
est-on absolument obligé de prendre des
êtres vivants pour cible? Avec les pipes de
nos foires et l'œuf traditionnel, il paraît
bien qu'on obtiendrait le même résultat.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
LA REVISION AU HAVRE
(Correspondance spéciale du Rappel)
Le Havre, 2 juillet.
La conférence sur la revision de la Consti-
tution, organisée par les soins du comité répu-
blicain progressiste, a eu lieu hier dans la salle
du théâtre de l'Ambigu.
C'est M. Ernest Lefèvre, député du 10e ar-
rondissement de Paris, qui avait été choisi par
les démocrates du Havre pour faire la confé-
rence.
M. Clémenceau présidait, assisté de MM. Ba-
rodet, Dutailly, Prevéraud, Gaillard, députés ;
Gautier, président du comité républicain pro-
gressiste, Chauret, vice-président, Denis Guil-
lot, avocat, secrétaire; Ménard, trésorier; Ma-
rie, Langlois, docteur Fauvelle, Prud'homme,
conseillers municipaux, des membres de mu-
nicipalités des communes voisines, etc.
La salle était comble. Lorsque M. Ernest
Lefèvre et ses amis de la Chambre ont fait leur
entrée, un vif enthousiasme les a accueillis.
L'auditoire s'est levé, et les mains ont battu
aux cris répétés de ; Vive la République ( Vivent
les députés..
M. Clémenceau a pris place au fauteuil pré-
sidentiel et a donné immédiatement la parole
Si M. Ernest Lefèvre.
DISCOURS DE M. ERNEST LEFÈVRE
Citoyens,
Nous sommes venus, mes amis et moi,
pour discuter devant vous une des ques-
tions qui doivent le plus préoccuper des
hommes libres : je veux parler de la Cons-
titution qui nous régit.
Je n'ai pas besoin de vous raconter en dé-
tail l'histoire de cette Constitution. Vous sa-
vez comment elle a été faite. Vous savez com-
ment l'Assemblée du jour de malheur s'é-
tait arrogé le pouvoir constituant, et vous
n'avez pas oublié que sa première manière
de s'en servir avait été de faire tout ce
qu'elle avait pu pour rétablir la monarchie.
Vous vous rappelez le vovage des princes
à Froshdorf, - et la fusion, et les voitures
du sacre préparées, et le comte de Cham-
bord tout prêt à faire le voyage de France,
sa couronne et son sceptre dans sa malle,
pour se faire proclamer maître de tout ce
peuple (mouvement) et vous vous rappe-
lez aussi que, si cette tentative-là n'a pas
réussi, c'est que le maréchal de Mac-Mahon
avait déclaré que devant le drapeau blanc,
ce drapeau que l'Assemblée ne paraissait
pas répudier, les chassepots partiraient
tout seuls f
N'ayant pas pu faire la monarchie, l'As-
semblée se résigna à faire la* République.
On devine, avec ces dispositions-là, quelle
République elle pouvait faire. Elle voulait
bien nous donner le pavillon, mais elle
tenait à conserver la marchandise.
Et c'est ainsi que vous avez eu un Sénat
qui n'a été fait que pour servir de citadelle
à l'esprit de résistance, qui n'a été fait
qn'en défiance de la démocratie, qui n'a
été fait qu'en défiance du suffrage univer-
sel. Et c'est ainsi que nous avons à côté
— au-dessus — des élus du suffrage uni-
versel, une Chambre prétendue haute, une
Chambre prétendue supérieure, une Cham-
bre de ,, tutelle. Cette Chambre choisit elle-
même le quart de ses membres et les fait
inamovibles, c'est-à-dire irresponsables;
les autres sont nommés par un suffrage
privilégié, restreint, où l'esprit populaire
ne pénètre qu'affaibli et dénaturé par deux
ou trois dilutions. Cette Chambre-là peut
tout contre les élus directs du peuple, et
ceux-ci ne peuvent rien contre elle. Le
Sénat peut dissoudre la Chambre des dé-
putés, mais personne ne peut dissoudre le
Sénat. Il peut refuser le budget, arrêter le
fonctionnement de tout notre organisme
politique. Quoi qu'il fasse, il n'y a contre
lui aucun moyen légal ! (C'est cela ! bravos.)
Vous voyez, citoyens, que le suffrage uni-
versel a devant lui une solide Bastille.
Oh ! je n'ai pas besoin de rappeler que
cette organisation-là n'a pas été imaginé.
et réalisée sans que des républicains aient
protesté. Le 25 février, 1. 's du vote final,
des républicains refusèrent leur suffrage.
C'étaient MM. Edgar Quinet, Louis Blanc,
Barodet, Martin Bernard, Madier-Montjau,
Daumas, Marcou, Ordinaire, Peyrat, Ra-
thier et — ce nom est particulièrement
opportun à rappeler — M. Jules Grévy,
aujourd'hui président de la République.
C'est pour obtenir la revision de cette
Constitution que nous avons fondé la
Ligue au nom de laquelle je vous parle en
ce moment.
Oh 1 je sais bien ce qu'on nous répond.
On nous dit que nous voulons enfoncer
une porte ouverte, que cette revision que
nous réclamons, elle nous a été promise,
et qu'il est superflu de réclamer si fort ce
qu'on va avoir l'année prochaine.
Je commence par déclarer qu'il me pa-
raît au moins douteux que, si nous sous
en rapportions simplement à la bonne
volonté du gouvernement, nous ayons une
revision — du moins une revision sérieuse
-l'année prochaine, et je vous demande la
permission de ne pas considérer M. Jules
Ferry comme un révisionniste très fer-
vent. (Hilarité.)
Il ne m'est pas possible d'oublier qu'au
moment des élections de 1881, M. le pré-
sident du conseil se prononçait contre la
revision. Il disait que les élections ne se
feraient pas sur cette question-là — ce en
quoi il se trompait, puisque 311 collèges
républicains ont réclamé la revision. Je
n'ai pas remarqué non plus que, pendant
toute la durée du cabinet Freycinet, dont
il faisait partie, M. le président du conseil
ait paru bien préoccupé de hâter l'exécu-
tion de notre vote du 26 janvier. Je sais
bien que depuis, sous la pression d'une
discussion parlementaire, il a indiqué la
revision comme pouvant avoir lieu. plus
tard, mais je sais aussi qu'il y a quelques
jours à peine, parlant dans un endroit où
il n'avait plus le Parlement devant lui et
où sa pensée a pu s'exprimer en toute
liberté, il n'a formulé qu'un éloge absolu
de la Constitution actuelle. Et j'ai peine à
croire qu'on songe vraiment à reviser les
constitutions dont on dit tant de bien.
(C'est cela ! Applaudissements.)
Le discours auquel ie fais allusion, ci-
toyens, est celui qui a été prononcé à la
salle du Jeu de Paume. Et, vraiment,
n'est-il pas significatif de voir le chef du
ministère, au moment où il accomplit une
sorte de pèlerinage, un acte de piété et,
comme il le dit lui-même, un acte reli-
gieux dans toute l'acception du mot, au
moment où il vient de saluer avec - émo-
tion, dans un langage dont je ne songa
pas à méconnaître l'élévation, l'humble et
auguste berceau de la plus grande Révo-
lution qui ait éclairé le monde »; quand il
vient d'honorer hautement ces hommes
qui, n'étant encore que d'obscurs bour-
geois, prêtaient, sous le fer des régiments
mercenaires, le serment de ne pas se sé-
parer sans avoir donné une constitution à
la France — et qui tenaient leur serment ;
n'est-il pas significatif, dis- e, et attris-
tant aussi, que devant de pareils souve-
nirs, en présence d'un pareil exemple,
quand il s'agit de tirer pour l'époque pré-
sente la conclusion et l'application d'un
enseignement si grand, la formule à la-
quelle aboutit M. le président du conseil
soit : « Le Sénat est devenu le plus ferme
boulevard de la République ». (Mouvement
prolongé. )
Le Sénat, le meilleur boulevard de la
République? Quand donc l'est-il devenu?
- Est-ce quand il refusait de voter l'arti-
cIe 71 Faut-il donc oublier déjà que, si l'on
a pu agir — plus ou moins intelligem-
ment, plus ou moins efficacement— contre
les congrégations, on ne l'a pu faire qu'en
laissant le Sénat de côté ?
Est-ce quand il a refusé, a une majorité
considérable dç trois voix contre une, de
supprimer l'article 416 du Code pénal, en
sorte qu'il y a aujourd'hui des ouvrier*
condamnés à la prises pour avoir défends
ce que la Chambre avait déclaré être la
liberté même de leur travail?
Est-ce quand, ratifiant par ses applao*
dissements la parole d'un de ses orateurs,
il exprimait en même temps l'admiration
pour les princes, qu'il appelait l'ornement
de la République, et l'appréhension des
masses profondes, c'est-à-dire du peuple?
Est-ce en ce moment meme, où, à pro-
pos de la réforme judiciaire, il s'évertue
à annuler la loi déjà si imparfaite votée
par la Chambre, et, ne pouvant conserver
des juges réactionnaires dont les sièges
sont déclarés inutiles, s'oppose du moins
à ce qu'on fasse entrer dans la magistrature
des hommes nouveaux, c'est-à-dire cla
républicains ?
Ncn, ce n'est pas là un boulevard pour
la République. Il avait été mis dans la
Constitution kM. Jules Ferry le reconnais
Le numéro : lOc. - Départements: 15> c. f6 Messidor an 91 No 4863^
ADMINISTRATION
JT5, HUE DE VALOIS. OR
AIÎ ONNEMENTS
f PARIS
Trois mois. 10 »
Sis3B.ois».20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois • »«■«• 13
Six mois m 2^0,^
Acbe s s er lettres et mandats j
JL M. ERNEST LEFÈVRfij
AD^IINI STRATEUR GERANT
1
J REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Réflaction.
De 4 à 6 heures du soir
18, HUE DE VALOIS, 28
) -
Les manuscrits nonînséres ne seront pasrubî
ANNONCES
3M. Ch. IAGRÂNGE, CERF et ce
-■ 6, place de la Bourse,6
x
LA MORT DC COTE DE CHAMBORD
Le comte de Chambord se meurt. Ce
dénouement était prévu depuis quel-
ques semaines. Quand on a dit, l'autre
mois, qu'il était condamné par ce que
les légitimistes appellent la Provi-
dence, les légitimistes ont nié. C'est
l'usage des partis de nier la maladie de
leurs chefs jusqu'à la mort. Mais le
démenti n'avait trompé personne, et la
nouvelle d'hier n'a surpris aucun de
ceux mêmes qu'elle a attristés.
La mort du comte de Chambord doit
être regardée à deux points de vue : au
point de vue personnel et au point de
vue français.
Personnellement, nous ne voulons
nous souvenir que de la fermeté "avec
laquelle le comte de Chambord a main-
tenu son dogme et s'est fait un suaire
de son drapeau. Nous redisons, avec le
poète de l'Année terrible :
C'est bien. L'homme est viril et fort ÇSd se décida
A changer sa fin triste en un fier suicide ;
Qui sait tout abdiquer, hormis son vieil honneur;
Qui cherche l'ombre ainsi qu'Hamlet dans Elseneur,
Et qui, se sentant grand surtout comme fantôme,
Ne vend pas son drapeau, même au prix d'un royaume.
Le lys ne peut cesser d'être blanc. Il est bon,
Certes, de demeurer Capet, étant Bourbon;
Vous avez raison d'être honnête homme. L'histoire
Est une région de chute et de victoire
Où plus d'un vient ramper, où plus d'un vient sombrer.
Mieux vaut en bien sortir, prince, qu'y mal entrer.
Au point de vue français, la mort du
comte de Chambord ne change pas
grand'chose à la situation.
Nous disions que lepetit-fils de Char-
les X s'était fait un suaire de son dra-
peau. Le drapeau blanc, en effet, n'est
plus qu'un suaire. Il va être enterré
dans la fosse de Frohsdorff. Les légiti-
mistes sont priés d'assister à l'inhuma-
tion du droit divin. La République
avait trois ennemis : le bonapartisme,
le légitimisme et l'orléanisme. Le bo-
napartisme est mort au Zululand (il se-
rait plus juste de dire à Sedan), le légi-
timisme meurt en Autriche. Mais il
vivait si peu que la République n'a pas
même à se réj ouir.
Mais la mort du royalisme pour de
vrai ne va-t-elle pas donner de la force
au royalisme par à peu près? Les légiti-
mistes ne vont-ils pas passer au comte
de Paris, qui devient le légitime, et le
p arti royaliste ne sera-t-il pas d'autant
plus fort qu'il réunira ses deux tron-
çons?
Nous accordons pleinement qu'un
grand nombre de légitimistes (si lé-
gitimistes et grand nombre ne hurlent
pas d'être accouplés) vont passer à l'or-
léanisme. A part les fidèles qui ne par-
donneront jamais au comte de Paris
d'être le petit-fils de celui qui a pris la
place de Charles X et qui a fait accou-
cher la duchesse de Berry à Blaye, de
celui qui a adossé aux barricades le trône
adossé jusque-là à l'autel; à part les in-
telligents qui ne se soucieront pas d'être
des sous-orléauistes et de ramasser les
miettes sous la table; à part les purg
qui ne feront pas à leur roi mort l'affront
de renier son drapeau; à part les in-
flexibles que, comme le Juste d'Horace,
les ruines du monde écraseraient sans
les courber, et qui mourront debout
dans leur principe comme un martyr
dans sa foi, — il y a pas mal de légiti-
mistes qui trouvent que c'est assez de
cinquante-trois ans de fidélité et qui,
sans le dire, en étaient depuis long-
temps au vers d'Hippolyte :
Non innocence enfin commence & me peser!
Ceux-ci ne s'arrêteront pas à la cou-
leur du drapeau, et, leur roy en pensera
ce qu'il voudra sous terre, ils se trico-
loreront avec une aimable facilité. On
ne nous étonnerait même pas prodigieu-
sement en nous disant qu'une certaina
quantité des bonapartistes vont s'offrir
aux princes que le Deux-Décembre
avait soulagés de leur bourse. Mais
qu'est-ce que cela fait à la République?
Est-ce que ce serait la première fois
que la République verrait ses trois en-
nemis se coaliser contre elle? Est-ce
qu'ils ne lui ont pas donné ce spectacle
deux fois déjà, en 1873 et en 1877, et
dans des conditions bien autrement fa-
vorables pour eux, quand ils avaient à
eux, une fois, le Sénat et le président
de la République, et, l'autre fois, le
président de la République et la Cham-
bre, alors unique et souveraine? Au-
jourd'hui, c'est à la République qu'ap-
partiennent la Chambre, le Sénat et
le président de la République. Si ça
amuse les réactionnaires de ressayer
dans des conditions infiniment moin-
dres ce qu'ils ont raté lorsque tout
était dans leurs mains, ça nous amu-
sera aussi.
Celui que nous plaignons, c'est le
comte de Paris, qui vivait en bon
bourgeois, et qu'on va pousser aux
aventures, et qui sait qu'au premier pas
qu'il ferait il serait invité à retourner
en exil. Et son cousin est là-bas pour
lui dire où aboutit l'exil des préten-
dants. En voilà un qui va marcher
au trône à reculons ! ,
La mort du comte de Linarnoord dé-
montre une fois de plus la supériorité
de la République sur la monarch ie. Un
homme meurt, et voilà un parti en-
terré. Que reste-t-il aujourd'hui du
drapeau blanc et de tout ce qu'il conte-
nait dans ses plis? En République, les
hommes peuvent mourir, la chose reste.
La mort- de M. Thiers et celle de M.
Gambetta n'ont pas plus troublé la Ré-
publique de France que la balle dont a
été frappé, en pleine guerre civile, le
président Lincoln n'a blessé la Répu-
blique des Etats-Unis. Cela vient de ce
que la monarchie, c'est un individu, et
que la République, c'est le pays.
AUGUSTB VACQUERIB.
«W
A LA CHUMBRE
Ainsi qu'on en était convenu samedi,
la Chambre, à l'ouverture de la séance,
a fixé le jour où seraient discutées l'in-
terpellation de M. Granet et celle de
M. Delafosse, sur le Tonkin. Le jour
adopté est le mardi 10 juillet. Ce délai
a été reconnu nécessaire pour que le
gouvernement fût en possession des
nouvelles apportées par le prochain
courrier qui arrive le 9 juillet. C'est
d'un commun accord entre les interpel-
lateurs et M. le ministre des affaires
étrangères, revenu de son congé, que
cette décision a été prise.
A la demande de M. Jules Ferry, la
Chambre, par une dérogation à l'ordre
du jour précédemment adopté par elle,
a décidé de discuter à l'ouverture de la
prochaine séance le projet relatif au
chemin de fer du Sénégal. M. le prési-
dent du conseil pense que la discussion
sera très courte. C'est possible, mais,
s'il en est ainsi, c'est que peu de mem-
bres auront lu le rapport déposé sur
cette affaire et qui avoue que, dans les
précédentes sessions, on a présenté à la
Chambre des évaluations tout à fait fan-
taisistes.
La discussion du projet de loi sur
l'organisation municipale a été reprise
ensuite et continuée, jusqu'à l'article
45, sans donner lieu à autre chose qu'à
des observations peu importantes. A
propos d'un amendement de M. Jametel
qui demandait une réduction du nom-
bre des conseillers municipaux, réduc-
tion proportionne le à la population, la
Chambre a voté de façon à laisser croire
qu'elle ne savait pas toujours bien ce
qu'elle faisait. L'observation suivante,
que M. Brisson a adressée à ses collè-
gues, indique assez la situation bizarre
dans laquelle on s'était placé :
M. LE PRÉSIDENT.- J'ai, plusieurs fois déjà,
fait remarquer que plus on avance dans le
détail des lois, plus l'attention doit être minu-
tieuse. On a pu constater une fois de plus cette
nécessité : la Chambre a adopté tout à l'heure
le premier paragraphe de l'amendement de
M. Jametel. Elle entrait ainsi dans un système.
Mais elle vient de rejeter le deuxième para-
graphe de cet amendement, si bien que le pré-
sident se demande ce qu'il va maintenant met-
tre aux voix. '-
M. LANGLOIS. - L ensemble !
M. LE PRÉSIDENT.—Gomment mettre un en-
semble aux voix quand il y a un premier para-
graphe adopté et un deuxième paragraphe re-
jeté ?
Dans une circonstance analogue, le
président du Sénat, M. Le Royer, avait
été moins embarrassé. Il voulait, on se
le rappelle, mettre aux voix l'ensemble
du projet dont tous les articles avaient
été repoussés. Mais cette jurisprudence
étrange n'ayant pas fait loi, on com-
prend la perplexité de M. Brisson.
Quant à l'étourderie de la Chambre, il
faut la mettre sur le compte de la cha-
leur, d'abord ; puis on causait un peu
de la disparition probable du comte de
Chambord et de l'anéantissement inévi-
table de son parti.
La séance se poursuivant et le rap-
porteur, M. de Marcère, ayant été con-
traint de quitter un instant la Cham-
bre, la commission, questionnée sur
l'interprétation de divers articles, n'a
pu faire que des réponses peu satisfai-
santes, si bien que le renvoi de la dis-
cussion à la prochaine séance a paru
à tout le monde l'expédient le plus heu-
reux.
A. GAULIER.
--.
Le principal objet des conversations
durant la journée d'hier, à la Chambre,
était l'éventualité de la mort du comte de
Chambord. On se demandait quelles con-
séquences cet événement serait appelé à
avoir ^ur la politique générale et particu-
lièrement sur la conduite et les résolutions
des fraci ions monarchiques.
Tout d'abord, nous devons mentionner
ce bruit, assez généralement répandu et
accrédité même chez quelques royalistes,
que l'entourage du comte de Cham-
bord essayait de retarder le plus possible
la nouvelle de la mort, mais qu'elle se-
rait - un fait accompli.
On expliquait cette attitude par la néces-
sité de définir auparavant la situation des
princes d'Orléans et d'obtenir de ceux-ci
une manifestation positive de leur rôle de
prétendants. En un mot, il s'agirait d'ob-
tenir que, le « roy » étant mort, un nou-
veau « roy » s'affirmât pour confirmer la
tradition monarchique et entretenir l'illu-
sion dont se berce le parti royaliste depuis
un demi-siècle. La résistance du comte de
Paris à jouer ce rôle quelque peu périlleux
serait la cause de l'espèce de mystère dont
on entoure la fin du comte de Chambord.
Le comte de Paris a été appelé à Paris
par dépêche, et il y a eu de nombreux
conciliabules des princes d'Orléans pré-
sents à Paris; mais rien n'a transpiré des
résolutions prises dans ces réunions.
Parmi les républicains, on causait des
déterminations que les évènements pour-
raient imposer au gouvernement à un mo-
ment donné. -
Les ministres présents à la Chambre ont
été très entourés, et on leur demandait ce
qu'ils feraient dans telle ou telle hypo-
thèse; mais s'ils onL répondu— ce qui d ail-
leurs est l'exacte vérité — que le conseil
ne s'était pas encore réuni depuis que les
dépêches de Fruhsdorff étaient arrivées, et
que par suite aucune résolution n'avait pu
être prise.
Les ministres ont d'ailleurs ajouté qu'ils
n'accepteraient pour l'instant aun débat
public sur des éventualités futures, et
qu'ils prendraient sons leur responsabilité
les mesures que la situation pourrait exi-
ger, quitte à en référer aux Chambres.
-- Tous les bruits - mis en avant dès hier
soit par divers journaux sur de prétendus
projets d'expulsion prêtés an gouvernement
ou sur des projets d'interpellation émanés
de tel ou tel groupe sont absolument dé-
nués de fondement. Les républicains n'ont
pas lieu de s'émouvoir d'un événement
qui a plutôt le caractère historique que
politique et qui n'est pas de nature à
mettre la République en péril à un degré
quelconque.
Les chefs du parti légitimiste présents à
Paris se sont réunie hier chez M. de Dreux-
Brézé.
C'est à M. de Carayon-Latour qu'avait
été adressée, par M. de Monti, la dépêche
qui est arrivée hier matin.
De son côté, M. de Dreux-Brézé avait
reçu de M. de Chevigné, actuellement
auprès du comte de Chambord, une dé-
pêche alarmante. C'est sur ces deux dépê-
ches que fut rédigée la note identique de
l'Union et de Y Univers, que nous avons re-
produite.
A l'issue de la conférence qui venait
d'avoir lieu chez M. de Dreux-Brézé, deux
des personnes qui en faisaient partie se
rendirent chez M. Bocher, sénateur, qui
est, comme Fondait, le mandataire des
membres de la famille d'Orléans.
Tous, sauf le duc de Nemours et le duc
d'Alençon, étaient à ce moment absents
de Paris.
Le duc d'Aumale était à Chantilly.
Le comte et la comtesse de Paris étaien t
à Eu.
Quant au duc de Chartres, on se rap-
pelle qu'il voyage au loin ; il est à Téhéran
en ce moment.
C'est M. Jules Ferry qui a porté à l'Ely-
sée la dépêche de FrohsdJrtl.
Le président du conseil en avait reçu la
communication, à onze heures, de son
collègue le ministre de l'intérieur.
Le comte de Paris est arrivé à Paris hier
matin, à onze heures. Tous les membres
de la famille d'Orléans, sauf le duc de
Chartres, qui est à l'étranger, se sont réu-
nis sous sa présidence, chez le duc de
Broglie. On a d'abord parlé de lancer un
manifeste. Puis on y a renoncé. - -
On croit que le comte de Paris est parti
hier soir pour Frohsdorff par le train de
sept heures.
Voici les premiers renseignements qui
sont arrivés à Paris sur la maladie de M. le
comte de Chambord qui s'est déclarée ven-
dredi dernier.
On se souvient que le prétendant avait
été récemment, par suite d'une chute qu'il
avait faite, condamné à une longue immo-
bilité.
L'inaction, contraire à ses habitudes, a
été fatale au comte de Chambord. Pendant
qu'il était étendu sur une chaise-longue, il
se formait en lui un déjôt. Le mal ne se
déclara pas tout de suite. Même, il y a
quelques jours, le prétendant paraissait
tout à fait rétabli, et on avait reçu à Paris
l'avis de laisser partir pour Frohsdorff des
délégations de royalistes formées en vue
dé Ja fête du i5 juillet.
Soudu;.*^ mardi, des douleurs très vives
d'estomac se déclarèrent.. Une lettre en
apporta la nouvelle à Paris le lendemain.
Le jeudi, une seconde lettre apprit que
le cofferté de Chambord était soumis au ré-
gime lacté. La lettre n'était pas autrement
alarmante.
Enfin, vendredi, les médecins reconnu-
rent que le mal était grave.
Aussitôt les chefs officiels du parti légi-
timiste furent avisés. M. de Monti, secré-
taire du prétendant, qui se trouvait de pas-
sage à Paris, reçut huit télégrammes dans
la seule journée de vendredi. M. de Monti
reprit le soir même le train pour Frohs-
dorfl.
En même temps, d'autres dépêches
étaient adressées à M. de Dreux-Brézé.
Note de l'agence Havas :
On n'a dans les couloirs, jusqu'à deux heures,
aucune nouvelle de M. le comte de Chambord.
Aucune dépêche n'est arrivée de Frohsdorff
chez le marquis de Dreux-Brézé. On est égale-
ment sans nouvelle à l'ambassade d'Autriche
et à l'ambassade d'Espagne.
Les journaux de Vienne du 2 juillet, no-
tamment le Tagblatt, la Preste et la Nou-
velle Presse, disent que, jusqu'à présent, il
ne s'est pas produit d'amélioration dans
l'état du comte de Chambord.
Un télégramme arrivé de Froshdorff, et
daté d'hier matin onze heures trente, est
ainsi conçu :
« Fin journée hier mauvaise, nuit et mati-
» tinée calmes, peu de changement notable
» dans état général. — Signé : Riencourt. »
Cette dépêche était adressée à M. de
Dreux-Brézé.
Voici les dépêches parvenues dans la
soirée sur la marche de la maladie du
comte de Chambord :
Vienne, 2 juillet, 4 h. soir.
Les dernières nouvelles de Frohsdorff con-
firment que l'état du comte de Chambord est
très grave.
Une dernière dépêche parvenue à midi, an-
nonce que le comte de Chambord a passé une
mauvaise nuit, maisq ie dans la matinée, sans
qu'il se soit produit un changement notable
dans son état général, le malade a été un peu
peu plus calme.
Le bruit de la mort du comte de Chambord
a couru hier soir et ce matin, mais il est for-
mellement démenti.
Neustadt, 2 juillet.
Les professeurs Bamberger et Billroth vien-
nent d'être appelés en consultation auprès du
comte de Chambord.
La commission des chemins de fer a
tenu hier une nouvelle réunion qui n'a pas
duré moins de six heures sans interrup-
tion.
Là convention avec la compagnie Paris-
Lyon-Méditerranée a été approuvée article
par rticle. Quelques modifications, d'ail-
leurs peu importantes, ont été apportées à
certains articles. Mais la commission s'est
surtout attachée à émettre des vœux qui
seront soumis au ministre des travaux pu-
blics et qui presque tous sont accueillis
d'avance, car ils ont été formulés dans les
entretiens que M. Raynal avait eus précé-
demment avec la commission. La commis-
sion nommera aujourd'hui son rapporteur
pour cette conv nlion et passera ensuite à
l'examen de la convention de l'Est. Le rap-
porteur sera, selon toutes probabilités, M.
liourier. Il restera à décider si le même
rapporteur s'occupera des cinq conven-
tions on s'il y aura un rapporteur différent
pour chaque commission.
Dès aujourd'hui on prévoit que la com-
mission aura terminé à la fin de cette se-
maine son oeuvre, et que la Chambre
pourra être appelée à statuer à son tour
avant les vacances, si le jour du départ
est reporté, comme nous l'avons déjà fait
prévoir, au 21 juillet.
—0—-
Deux groupes de gauche se sont réunis
hier à la Chambre et se sont occupés des
conventions de chemins de fer.
La gauche radicale a décidé de s'op-
poser à la discussion des conventions avant
la chiure de la session.
Au contraire, l'union démocratique a
chargé son bureau de demander des expli-
cations au gouvernement sur le retard ap-
porté à la présentation du budget extra-
ordinaire et de l'informer de son désir de
voir discuter les conventions avant les va-
cances. C'est sur la proposition de M.
Ribot que cette double résolution a été
prise. Au besoin, la question sera portée
à la tribune.
—-0—
L'interpellation de M. Granet sur l'expé-
dition du Tonkin sera discutée le mardi
10 juillet. On a choisi cette date parce
qu'à cette époque le courrier d'Indo-Chine
qui doit apporter les rapports officiels sur
les événements d'Hanoï sera arrivé. Le
ministre des affaires étrangères sera donc
en état de répondre en connaissance de
cause. D'autre part, les pourparlers enga-
gé& avec la Chine seront assez avancés
pour que le gouvernement puisse se dé-
partir un peu de la discrétion diplomatique
et donner quelques explications à la tri-
bune.
♦
LE TIR AUX PIGEONS
Ce divertissement est devenu une véri-
table plaie. Du bois de Boulogne, qu'il a
rendu à peu près insupportable, il a
rayonné sur toute la France, et, à l'heure
qu'il est, il n'y a pas de ville d'eau sans
malades, do station plus ou moins ther-
male qui ne ser\ dans la saison, de ren-
dez-vous à un certaL nombre de fusils.
N'inaugurait-on pas, hier, ù'5? tir dans la
Marne ! Pourquoi pas à la Ferté-Mà OU
à Nou .ncourt?
Certes, on ne peut empêcher les gens
d'être laids et ridicules, de porter des sou-
liers trop longs et des pardessus trop
courts, de faire des succès à ce qui est
plat et de bâiller à ce qui est beau, de
passer leurs journées sur quelque piste à la
recherche d'une martingale idéale et leurs
nuits dans l'attente de l'insaisissable passe
de neuf, de se ruiner ou de s'enrichir avec
des Aspasies sur le retour. Ce qu'on est
en droit de faire, c'est de mettre un terme
à une barbarie inutile. On n'a pas besoin
de massacrer des gallinacées pour tuer le
temps.
Mais la chasse n'est-elle pas aussi cruelle
et prétendez-vous l'interdire également?
Et la pêche? Je répondrai que ces exerci-
ces ont au moins un prétexte, le besoin de
nutrition. Nous mangeons les lièvres et les
perdrix que nous massacrons; nous en
mangeons même beaucoup plus que nous
n'en tuons. Et puis cette passion est si
profondément enracinée chez certaines
gens, et même certaines familles ! Il y
avait des malheureux sous l'ancien régime
qui risquaient le gibet pour courre au
lièvre. Leurs descendants feraient beau
tapage si on leur retirait leurs fusils !
Enfin la chasse a pour elle l'accoutumance.
On vient de trouver dans les terrains lau-
rentiens du Canada les empreintes d'un
homme à la poursuite d'un uurs. Si la
chasse est un délit ou un crime, elle peut
invoquer une prescription de cent mille
ans.
Mais que dire pour justifier le carnage
d'inoffensives colombes ? On ne peut allé-
guer les exigences de l'estomac, puisqu'on
les laisse crever la plupart du temps là où
elles tombent, ni le besoin d'exercice,
puisque le tireur ne fait pas un pas, ni
une tradition séculaire, car parmi toutes
les façons possibles de s'ennuyer, nos
pères n'aient pas pensé à celle-là. Vous
oubliez 1 armée, me dira-t-on. Ne lui faut-
il pas de bons tireurs? Sans doute, mais
est-on absolument obligé de prendre des
êtres vivants pour cible? Avec les pipes de
nos foires et l'œuf traditionnel, il paraît
bien qu'on obtiendrait le même résultat.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
LA REVISION AU HAVRE
(Correspondance spéciale du Rappel)
Le Havre, 2 juillet.
La conférence sur la revision de la Consti-
tution, organisée par les soins du comité répu-
blicain progressiste, a eu lieu hier dans la salle
du théâtre de l'Ambigu.
C'est M. Ernest Lefèvre, député du 10e ar-
rondissement de Paris, qui avait été choisi par
les démocrates du Havre pour faire la confé-
rence.
M. Clémenceau présidait, assisté de MM. Ba-
rodet, Dutailly, Prevéraud, Gaillard, députés ;
Gautier, président du comité républicain pro-
gressiste, Chauret, vice-président, Denis Guil-
lot, avocat, secrétaire; Ménard, trésorier; Ma-
rie, Langlois, docteur Fauvelle, Prud'homme,
conseillers municipaux, des membres de mu-
nicipalités des communes voisines, etc.
La salle était comble. Lorsque M. Ernest
Lefèvre et ses amis de la Chambre ont fait leur
entrée, un vif enthousiasme les a accueillis.
L'auditoire s'est levé, et les mains ont battu
aux cris répétés de ; Vive la République ( Vivent
les députés..
M. Clémenceau a pris place au fauteuil pré-
sidentiel et a donné immédiatement la parole
Si M. Ernest Lefèvre.
DISCOURS DE M. ERNEST LEFÈVRE
Citoyens,
Nous sommes venus, mes amis et moi,
pour discuter devant vous une des ques-
tions qui doivent le plus préoccuper des
hommes libres : je veux parler de la Cons-
titution qui nous régit.
Je n'ai pas besoin de vous raconter en dé-
tail l'histoire de cette Constitution. Vous sa-
vez comment elle a été faite. Vous savez com-
ment l'Assemblée du jour de malheur s'é-
tait arrogé le pouvoir constituant, et vous
n'avez pas oublié que sa première manière
de s'en servir avait été de faire tout ce
qu'elle avait pu pour rétablir la monarchie.
Vous vous rappelez le vovage des princes
à Froshdorf, - et la fusion, et les voitures
du sacre préparées, et le comte de Cham-
bord tout prêt à faire le voyage de France,
sa couronne et son sceptre dans sa malle,
pour se faire proclamer maître de tout ce
peuple (mouvement) et vous vous rappe-
lez aussi que, si cette tentative-là n'a pas
réussi, c'est que le maréchal de Mac-Mahon
avait déclaré que devant le drapeau blanc,
ce drapeau que l'Assemblée ne paraissait
pas répudier, les chassepots partiraient
tout seuls f
N'ayant pas pu faire la monarchie, l'As-
semblée se résigna à faire la* République.
On devine, avec ces dispositions-là, quelle
République elle pouvait faire. Elle voulait
bien nous donner le pavillon, mais elle
tenait à conserver la marchandise.
Et c'est ainsi que vous avez eu un Sénat
qui n'a été fait que pour servir de citadelle
à l'esprit de résistance, qui n'a été fait
qn'en défiance de la démocratie, qui n'a
été fait qu'en défiance du suffrage univer-
sel. Et c'est ainsi que nous avons à côté
— au-dessus — des élus du suffrage uni-
versel, une Chambre prétendue haute, une
Chambre prétendue supérieure, une Cham-
bre de ,, tutelle. Cette Chambre choisit elle-
même le quart de ses membres et les fait
inamovibles, c'est-à-dire irresponsables;
les autres sont nommés par un suffrage
privilégié, restreint, où l'esprit populaire
ne pénètre qu'affaibli et dénaturé par deux
ou trois dilutions. Cette Chambre-là peut
tout contre les élus directs du peuple, et
ceux-ci ne peuvent rien contre elle. Le
Sénat peut dissoudre la Chambre des dé-
putés, mais personne ne peut dissoudre le
Sénat. Il peut refuser le budget, arrêter le
fonctionnement de tout notre organisme
politique. Quoi qu'il fasse, il n'y a contre
lui aucun moyen légal ! (C'est cela ! bravos.)
Vous voyez, citoyens, que le suffrage uni-
versel a devant lui une solide Bastille.
Oh ! je n'ai pas besoin de rappeler que
cette organisation-là n'a pas été imaginé.
et réalisée sans que des républicains aient
protesté. Le 25 février, 1. 's du vote final,
des républicains refusèrent leur suffrage.
C'étaient MM. Edgar Quinet, Louis Blanc,
Barodet, Martin Bernard, Madier-Montjau,
Daumas, Marcou, Ordinaire, Peyrat, Ra-
thier et — ce nom est particulièrement
opportun à rappeler — M. Jules Grévy,
aujourd'hui président de la République.
C'est pour obtenir la revision de cette
Constitution que nous avons fondé la
Ligue au nom de laquelle je vous parle en
ce moment.
Oh 1 je sais bien ce qu'on nous répond.
On nous dit que nous voulons enfoncer
une porte ouverte, que cette revision que
nous réclamons, elle nous a été promise,
et qu'il est superflu de réclamer si fort ce
qu'on va avoir l'année prochaine.
Je commence par déclarer qu'il me pa-
raît au moins douteux que, si nous sous
en rapportions simplement à la bonne
volonté du gouvernement, nous ayons une
revision — du moins une revision sérieuse
-l'année prochaine, et je vous demande la
permission de ne pas considérer M. Jules
Ferry comme un révisionniste très fer-
vent. (Hilarité.)
Il ne m'est pas possible d'oublier qu'au
moment des élections de 1881, M. le pré-
sident du conseil se prononçait contre la
revision. Il disait que les élections ne se
feraient pas sur cette question-là — ce en
quoi il se trompait, puisque 311 collèges
républicains ont réclamé la revision. Je
n'ai pas remarqué non plus que, pendant
toute la durée du cabinet Freycinet, dont
il faisait partie, M. le président du conseil
ait paru bien préoccupé de hâter l'exécu-
tion de notre vote du 26 janvier. Je sais
bien que depuis, sous la pression d'une
discussion parlementaire, il a indiqué la
revision comme pouvant avoir lieu. plus
tard, mais je sais aussi qu'il y a quelques
jours à peine, parlant dans un endroit où
il n'avait plus le Parlement devant lui et
où sa pensée a pu s'exprimer en toute
liberté, il n'a formulé qu'un éloge absolu
de la Constitution actuelle. Et j'ai peine à
croire qu'on songe vraiment à reviser les
constitutions dont on dit tant de bien.
(C'est cela ! Applaudissements.)
Le discours auquel ie fais allusion, ci-
toyens, est celui qui a été prononcé à la
salle du Jeu de Paume. Et, vraiment,
n'est-il pas significatif de voir le chef du
ministère, au moment où il accomplit une
sorte de pèlerinage, un acte de piété et,
comme il le dit lui-même, un acte reli-
gieux dans toute l'acception du mot, au
moment où il vient de saluer avec - émo-
tion, dans un langage dont je ne songa
pas à méconnaître l'élévation, l'humble et
auguste berceau de la plus grande Révo-
lution qui ait éclairé le monde »; quand il
vient d'honorer hautement ces hommes
qui, n'étant encore que d'obscurs bour-
geois, prêtaient, sous le fer des régiments
mercenaires, le serment de ne pas se sé-
parer sans avoir donné une constitution à
la France — et qui tenaient leur serment ;
n'est-il pas significatif, dis- e, et attris-
tant aussi, que devant de pareils souve-
nirs, en présence d'un pareil exemple,
quand il s'agit de tirer pour l'époque pré-
sente la conclusion et l'application d'un
enseignement si grand, la formule à la-
quelle aboutit M. le président du conseil
soit : « Le Sénat est devenu le plus ferme
boulevard de la République ». (Mouvement
prolongé. )
Le Sénat, le meilleur boulevard de la
République? Quand donc l'est-il devenu?
- Est-ce quand il refusait de voter l'arti-
cIe 71 Faut-il donc oublier déjà que, si l'on
a pu agir — plus ou moins intelligem-
ment, plus ou moins efficacement— contre
les congrégations, on ne l'a pu faire qu'en
laissant le Sénat de côté ?
Est-ce quand il a refusé, a une majorité
considérable dç trois voix contre une, de
supprimer l'article 416 du Code pénal, en
sorte qu'il y a aujourd'hui des ouvrier*
condamnés à la prises pour avoir défends
ce que la Chambre avait déclaré être la
liberté même de leur travail?
Est-ce quand, ratifiant par ses applao*
dissements la parole d'un de ses orateurs,
il exprimait en même temps l'admiration
pour les princes, qu'il appelait l'ornement
de la République, et l'appréhension des
masses profondes, c'est-à-dire du peuple?
Est-ce en ce moment meme, où, à pro-
pos de la réforme judiciaire, il s'évertue
à annuler la loi déjà si imparfaite votée
par la Chambre, et, ne pouvant conserver
des juges réactionnaires dont les sièges
sont déclarés inutiles, s'oppose du moins
à ce qu'on fasse entrer dans la magistrature
des hommes nouveaux, c'est-à-dire cla
républicains ?
Ncn, ce n'est pas là un boulevard pour
la République. Il avait été mis dans la
Constitution kM. Jules Ferry le reconnais
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