Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1884-12-15
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 décembre 1884 15 décembre 1884
Description : 1884/12/15 (N5393). 1884/12/15 (N5393).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7540337s
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
fi9 6393 - Lundi 15 Décembre 1884 Le numéro: lOo. - Départements s IN c. - 24 Frimaire an 93 - N. 5393
-, ADMINISTRATION
.48, RUE DE VALOIS, 48
ABONNEMENTS
l'ARIS
Trois mois. 10 t)
Six mois 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
Six mois 21 «
/>'
.Aarésser lettres et mandais f
A M. ERNEST LEFÈVRlfi- 1 9
ADMINISTRATEUR GERANT
REDACTION
S'abe sser au. Secrétaire de la Rédaction
De 4 à 6 heures du soir
18, RUE DE VALOIS, 11
Les maniscrits noninseres ne seront pas rendus
ANNONCES
3IM. Ch. LAGRANGE, CERF et c.
c'l'lace de la Bourse, 6
UN MBI-lILLURD -
S'il y a de l'argent bien dépensé —
nous pourrions dire bien placé -, c'est
évidemment celui qu'on emploie à l'en-
seignement des enfants. Le premier
devoir et le premier intérêt d'un gou-
vernement qui est basé sur le suffrage
universel, c'est l'instruction univer-
selle.
Seulement, pour placer de l'argent,
le placement fût-il le meilleur du mon-
de, il faut en avoir. C'est la seule ob-
jection que nous ayons à faire au projet
de loi sur les nouvelles écoles qui a été
déposé hier par le ministre de l'instruc-
tion publique.
Nous avons si peu d'argent qu'il a
été impossible de tenir la promesse,
pourtant formelle, faite aux institu-
teurs, d'une faible augmentation dans
leur traitement. On a tant prodigué à
la bâtisse qu'il n'est plus rien resté
pour le personnel. Et c'est encore pour
la bâtisse qu'on demande des millions.
Il est certain qu'on ne peut pas avoir
voté l'enseignement obligatoire et ne pas
bâtir d'éczjes où il n'y en a pas.Et savez-
vous dans combien de communes il n'y
en a pas? Dans 24,000. Dans les deux
tiers de la France j
Qu'on en soit là après les millions
prodigués, c'est effrayant pour ce .jui
reste à construire. Si tant de millions
n'ont donné que 12,000 écoles, pour le
double d'écoles il faudra donc le double
de millions? Rassurons-nous. On ne
recommencera plus les prodigalités pas-
sées. L'expérience a servi. Il ne s'agit
plus de construire des palais. On modé-
rera la verve de messieurs les architec-
tes. On leur signifiera d'avance le prix
qu'il leur sera interdit de dépasser :
12,000 fr. pour une école de hameau,
5.5,000 pour une école communale, et
28,000 pour un groupe scolaire de deux
classes, avec supplément de 12,000 par
chaque classe en plus.
Même réduite à ces chiffres, la dé-
pense atteindrait encore 390 millions,
— sans compter 60 millions pour les
écoles facultatives, telles qu'écoles pri-
maires supérieures, écoles d'apprentis-
sage, etc., — sans compter le traite-
ment des instituteurs nouveaux qu'il
faudra aux nouvelles écoles. En disant
un demi-milliard, nous étions au-des-
sous de la réalité.
L'Etat, il est vrai, n'en payera que la
moitié.L'autre moitié sera payée par les
communes. Et si elles ne l'ont pas?
Elles emprunteront. Est-ce qu'il n'y a
pas le Crédit foncier, et d'autres crédits
analogues? Ii n'y a plus le crédit de
fElat, qui était le grand prêteur sco-
laire; la caisse des écoles est épuisée,
et a cette ressemblance —la seule mal-
heureusement — avec la fourmi de la
fable qu'elle « n'est plus prêteuse ».
Elle trouve que c'est déjà bien as-sez de
faire la moitié des frais sans faire en-
core les avances du reste. Les com-
munes s'adresseront à tel établissement
de crédit qu'il leur plaira.
Donc, l'Etat ne fera que la moitié des
frais des vingt-quatre mille écoles.
Soit, mais qu'est-ce que l'Etat? C'est le
contribuable. Et n'est-ce donc pas le
contribuable aussi qui payera la part
des communes? La seule différence est
qu'on prendra la moitié de la somme
dans sa poche droite et la moitié dans
sa poche gauche.
Quant à la moitié de la poche gau-
che, on aura du temps pour s'acquitter;
il suffira de payer les intérêts de l'em-
prunt. Mais quant à la moitié de la
poche droite, il faudra payer comptant.
Un quart de milliard. Le budget actuel
ne nous paraît pas dans une situation
de fortune à le verser sans grimace.
Notre confrère M. Eugène Liébert
demande, dans le XIXe Siècle, si l'on
ne pourrait pas, provisoirement, (c s'ac-
commoder, dans nombre de villages,
d'une maison quelconque à laquelle on
donnerait la lumière et l'aération suffi-
santes et qu'on louerait trois ou quatre
cents francs, et souvent moins » ? Nous
connaissons, pour notre part, un vil-
lage, qui pourrait s'appeler un bourg,
où le loyer d'une école largement con-
venable n'est que de deux cents francs.
Nous ne disons pas que ce soit l'idéal.
Nous voulons, au contraire, que, par-
tout, dans les hameaux comme dans les
villes, l'enseignement ait sa maison à
lui, et une maison digne de lui. Mais la
première condition de la dignité est de
ne pas s'endetter par gloriole.
Un jour viendra, et prochainement,
car, en finances comme en politi-
que, la France est le pays des relève-
ments subits, et la République est le
plus économique des régimes, un jour
viendra où la crise, qui est d'ailleurs
une crise européenne, aura disparu ;
alors, ce n'est pas nous qui chicanerons
les subventions aux écoles. Jusque-là,
faisons le nécessaire, mais rien de plus.
AUGUSTE VACQUERIE.
J - ■»
Le groupe de l'autonomie communale
du conseil municipal de Paris s'est réuni
hier, samedi, à l'Hôtel de Ville, sous la
présidence de M. Maillard.
Le but de cette réunion était d'arrêter
une liste de candidats à proposer au con-
seil municipal pour remplir le mandat de
délégués lors de la prochaine élection sé-
natoriale de la Seine. Paris, on le sait, a
droit à 30 délégués et à 8 suppléants.
Tout d'abord, et sans débats, le groupe
a choisi les cinq noms suivants, apparte-
nant au Sénat et à la Chambre des dépu-
tés :
Victor Hugo.
Laurcnt-Pichat.
Labordère.
Schœlcher.
Floquet.
Le groupe a ensuite adopté les noms
de quatre candidats non élus aux dernières
élections municipales, MM. :
Ilovelacque, Yves Guyot, Fiaux, Emile
Level.
Pour compléter le chiffre de 30 délé-
gués, il restait à choisir 21 noms ; le
groupe a décidé alors de prendre un délé-
gué dans chacun des arrondissements de
Paris. Son choix s'est arrêté sur MM. :
Mijoul (1er arrondissement). — Planteau
(2e). — Blonde! (3e). — Geoffroy (4e). —
Delcourt (5e).- Collm (6e). — Deutsch (7e).
— Georges Laguerre (8e). — Emile Ri-
chard (9e) .- Lopin (10e). — Floch et Jules
Dubois (1 t 8). — Besson (129). — Gaston
(13°).— Lançon (14e).— Renaudin (t8").—
Gouthière (16"). — Aublé (17e). — Lucipia
({se). — Brain (19e). — Blanchet (20e).
On remarquera que deux délégués ont
été attribués au 11° arrondissement comme
étant le plus peuplé.
Restaient à nommer les huit délégués
suppléants ; le groupe s'est, autant que
possible, attaché à les choisir dans les ar-
rondissements dont la population est la
plus dense ; les suppléants sont MM. :
Graux, Pierrotet, Batand, Boussard,
Pinard, Dubois, Grégoire, Pasquier.
Avant de se séparer, la réunion a nom-
mé une commission exécutive de sept
membres, chargée d'organiser les réu-
nions électorales sénatoriales, et de pré-
parer une adresse aux conseillers munici-
paux des 72 communes du département
de la Seine. Cette commission est com-
posée de MM. les conseillers Maillard,
Rousselle, Delabrousse, Pichon, Cernes-
son, Dreyfus, Viguier.
i .j i r —»
COULISSES DES CHAMBRES
La question budgétaire va être résolue
dans des conditions analogues à celles que
nous avons indiquées hier. Le conseil des
ministres :s'est réuni hier matin et a cons-
taté, comme tout le monde l'avait fait à
la Chambre depuis plusieurs jours, qu'il
était matériellement impossible d'arriver
au vote de l'ensemble du budget avant le
29 décembre prochain, dernière date lé-
gale possible pour que la promulgation
puisse se faire le 1er janvier.
En cet état, le conseil a décidé de de-
mander aux Chambres l'autorisation de
percevoir les impôts pendant trois mois et
trois douzièmes provisoires pour les dé-
penses.
- M. Tirard, conformément à cette déci-
sion du conseil, s'est rendu à la commis-
sion du budget et lui a soumis le projet de
loi qu'il avait préparé dans ce bue.
Ce projet comporte autorisation de
percevoir les impôts pendant les trois pre-
miers mois de 1885 d'après les lois exis-
tantes et en même temps celle de perce-
voir les taxes modifiées ou nouvelles
proposées par le gouvernement, à savoir :
l'extension à l'Algérie du tarif douanier
de la France, le timbre des polices d'assu-
rances et enfin les droits modifiés sur les
biens des congrégations.
En ce qui concerne les dépenses, le
projet évalue les sommes nécessaires au
fonctionnement des serviess publics pen-
dant les trois premiers mois de 1885 et
porte ouverture de crédits égaux à ces
évaluations.
Le ministre a expliqué qu'il ferait, par
décret, la répartition de ces crédits entre
les divers départements ministériels. Quant
au mode de répartition, le gouvernement
prendra pour base ceux des budgets par-
ticuliers déjà votés par la Chambre, à sa-
voir : l'agriculture, les cultes, la guerre, la
marine, les travaux publics et la justice,
et, pour ceux non encore votés, il prendra
pour base les budgets de 1884.
o En ct' qui concerne la perception des
impôts, aucune objection n'a été formulée
contre le système proposé ; mais, au
contraire, de vives critiques ont été diri-
gées contre le mode de fixation des dé-
penses.
M. Ribot a protesté contre le parti de
faire prédominer les solutions adoptées
par la Chambre seulement, notamment
pour le budget des cultes, alors que cel-
les-ci n'ont qu'un caractère provisoire.
Il a insisté sur ce point qu'il ne pouvait
pas dépendre d'une seule Chambre de
supprimer par voie budgétaire des ser-
vices publics existants en vertu de lois.
Tant que les deux Chambres ne se sont
pas mises d'accord par un vote formel sur
ces suppressions, le gouvernement, a dit
M. Ribot, doit se conformer à la loi, sinon
le régime constitutionnel serait faussé et
bientôt détruit.
M. Hibot a ajouté que s'il était indispen-
sable de voter des douzièmes, la Chambre
3t le Sénat les voteraient certainement,
mais en réservant les responsabilités et
;ous la condition que le gouvernement ne
supprimerait aucun service public, no-
tamment celui de l'aumônerie dans les
hôpitaux avant le vote du budget définitif.
Des observations analogues ont été pré-
sentées par MM. Wilson, Hérault, de Roys
et Rousseau.
MM. Dubost. Cavaignac, Thomson,
Brugère et Jules Roche ont, au contraire,
exprimé l'opinion que le ministère devait
exécuter provisoirement les décisions de
la Chambre en attendant le vote du
Sénat. -
Finalement, le ministre des finances a
déclaré qu'il était disposé à modifier son
projet de loi, en ce qui concerne les dé-
penses provisoires, d'après les observa-
tions de M. Ribot, c'est-à-dire en sui-
vant identiquement le système adopté en
décembre 1877 par le cabinet Dufaure au
lendemain de la dissolution. En d'autres
termes, en demandant trois douzièmes pro-
visoires pour les dépenses, le gouverne-
ment admet que tous les services en vertu
d'une loi seront maintenus jusqu'au
vote définitif du budget par les. deux
Chambres.
M. Tirard s'est seulement réservé de
conférer avec ses collègues au sujet des
modifications en question, et il déposera
le projet demain lundi sur le bureau de
la Chambre.
Selon toutes probabilités, ce projet sera
adopté, et il suffira de deux ou trois jours
pour que la question soit réglée.
Les Chambres se sépareraient alors le
18 ou le 19 décembre prochain.
O- ■■
A LA CHAMBRE -
La séance s'ouvre à une heure, comme
l'ont décidé les absents d'hier. Seule-
ment, il se trouve qu'il y a juste qua-
rante-cinq députés dans la salle. Des
réclamations s'élèvent pour déclarer
que l'on n'est pas en nombre, chose
assez facile à constater. Le bureau est
unanime pour reconnaître que les bancs
sont vides, mais le président se rap-
pelle à temps qu'on peut toujours déli-
bérer, quel que soit le nombre des pré-
sents. Ce qu on ne peut pas faire, c'est
de voter; aussi, même les proj ets de loi
d'intérêt local sont ajournés. Ce qui
n'est pas ajourné, c'est le budget pour
lequel, tant qu'on ne vote pas, le nom-
bre ne fait rien. M. Georges Perin, et il
a grandement raison, constate dans
quelles conditions lamentables les loisv
de finances sont discutées, et cela, par
la seule faute du gouvernement, qui
n'a pas voulu convoquer les Chambres
un mois nlus tôt.
C'est donc devant un auditoire ab-
sent que M. le ministre de la marine a
pris la parole, non pour répondre aux
critiques contenues dans le rapport de
M. Ménard-Dorian qu'il accepte en
grande partie, mais pour déclarer que
le département de la marine ferait de
son mieux dès que les entreprises colo-
niales lui laisseraient sa liberté d'ac-
tion.
L'attitude du ministre rendait facile
la tâche du rapporteur, mais M. Dorian
a jugé, avec raison, que la Chambre
devait être mise au courant des princi-
paux efforts tentés par la commission.
Quelques chiffres cités d'abord par M.
Ménard-Dorian, démontrent que les
économies proposées par la commis-
sion ne portent aucune atteinte à la
constitution de nos forces maritimes.
L'Angleterre, dont la flotte a une autre
importance que la nôtre, dépense an-
nuellement, en constructions, en tra-
vaux dans les ports, à peu près la
même somme que celle qui est inscrite
a notre budget.
Toutes les dépenses de ce budget
sont-elles également justifiées ? Sans
parler des entreprises lointaines, dont
le cabinet de M. Ferry et la Chambre
porteront la responsabilité, M. Ménard-
Dorian a relevé des exagérations de dé-
penses sur les transports, sur les cons-
[ tructions, "sur les armements qui cons-
tituent un gaspillage fort inutile.
Ainsi, pour les transports, les ba-
teaux de l'Etat, toutes choses égales
d'ailleurs, coûtent plus d'un million au-
delà de ce que coûteraient des navires
affrétés. Pour les constructions, il faut
noter d'abord que les travaux durent,
chez nous, deux ou trois fois plus de
temps qu'en Angleterre. Un cuirassé
est construit, chez nos voisins, en
moins de trois ans ; chez nous, il faut
quatre, cinq et même huit ans.
Ces longueurs, que le ministre n'a
nullement contestées, tiennent à ce que
les plans des ingénieurs sont constam-
ment modifiés. Résultat : perte d'ar-
gent et de temps. N'y a-t-il pas d'exa-
gération dans les armements? En An-
gleterre, un navire de guerre vient
d'être mis à flot dont l'équipage est
d'un peu plus de trois cents ho mmes.
Un navire de même rang en France, a
un équipage de six cents hommes.
Charge inutile pour l'inscription mari-
time.
11 est vrai, qu'une fois un bateau
construit, on cherche à en faire quelque
chose, et M. Ménard-Dorian a raconté à
la Chambre que sur la Bidassoa, à la
frontière d'Espagne, stationnait depuis
trois ans, amarrée au pont de la rivière,
une canonnière portant trente-cinq
hommes d'équipage. On assure que
cette canonnière ne serait plus en état
de tenir la mer ; mais, par une inter-
ruption de M. l'amiral Peyron, nous
avons appris que cette chaloupe rem-
plissait une mission diplomatique et
M. Peyron a ajouté que si M. le mi-
nistre des affaires étrangères y consen-
tait, il ne voyait aucun inconvénient à
donner à cette canonnière une destina-
tion différente ou à la désarmer, si elle
ne peut plus servir.
M. Ménard-Dorian a terminé son in-
téressant discours en expliquant pour-
quoi il n'attend pas beaucoup des com-
missions parlementaires et extra-parle-
mentaires, pour l'accomplissement des
réformes. Depuis 1879, une grande
commission fonctionne ou est censée
fonctionner. A quoi a-t-elle servi ?Cha-
que fois qu'on a, depuis cette époque,
présenté quelques observations aux
différents ministres de la marine, ils se
sont réfugiés derrière la commission,
tout en ne la convoquant jamais. M.
Ménard-Dorian a constaté que, depuis
deux ans, le ministre ne l'avait jamais
réunie, malgré diverses réclamations.
Ces commissions ne sont donc qu'un
trompe-l'œil.
! Après le vote du budget de la ma-
rine, on a repris quelques articles du
budget des cultes qui avaient été ren-
voyés à la commission. Il s'agissait du
traitement des vicaires et desservants.
M. Jules Roche a proposé et fait voter
des chiffres qui, additionnés, semblent
donner un total supérieur à celui que
la Chambre avait paru vouloir adopter.
M. Jules Roche s'est-il trompé? La
Chambre a-t-elle voté sans réflexion?
Nous sommes-nous trompés nous-mê-
mes au milieu de tant de confusion?
Nous n'affirmons rien.
La discussion du budget des travaux
publics est venue ensuite à l'ordre du
jour et a donné lieu à un échange d'ob-
servations entre M. Pelletan et M. Ray-
nal, sur certains résultats des conven-
tions, relativement au revenu réservé.
M. le ministre, qui a naturellement dé-
fendu les conclusions du rapport et les
chiffres de la commission, a paru va-
rier quelque peu dans son argumenta-
tion.
Après le budget des travaux publics,
on a voté le budget des postes - cent
quarante -deux millions — en cinq mi-
nutes; en poste, c'est bien le cas de le
dire! Quelques ministériels frénétiques
voulaient siéger demain pour regagner
le temps qu'ils ont eu le tort de perdre.
La suite du débat a été simplement r.
mise à lundi.
A. GAULIER,.
Le nom dé M. Floquet avait été mis en
avant pour le siège laissé vacant au Sénat
par M. le commandant Labordère. M. Fio.
quet a décliné cette candidature. -
Le nom de M. Anatole de la Forge avail
été également prononcé. M. Anatole de la
Forge écrit à ce propos à un journal,
qu ayant 1 honneur d'être l'élu du suffrage
universel, il ne consentirait pas à échanger
le mandat qui lui est confié contre un
mandat qui lui serait donné par le sut
frage restreint.
LES ELECTIONS CONSULAIRES
C'est aujourd'hui que va être appliquée
à Paris la nouvelle loi sur les élections des
tribunaux de commerce. Jusqu'ici, sauf
une courte tentative à la fin du siècle der- -
nier et vers le milieu de celui-ci, le choix
des magistrats consulaires était réservé à
un petit nombre de commerçants dits no-
tables. En quoi ces commerçants étaient
plus notables que d'autres dépourvus,
dans le Bottin, de l'N fatidique, c'est ce
qu'il serait assez difficile d'expliquer. La
tribunal de commerce procédait à cette
classification de telle sorte que c'étaient
les élus qui choisissaient eux-mêmes leurs
électeurs.
Cette anomalie va prendre fin. Au suf-
frage ridiculement restreint va succéder
le suffrage universel des commerçants. La
seule condition exigée est le paiement
d'une patente depuis cinq ans. 43,000
commerçants sont dans ce cas pour le dé-
partement de la Seine. Antérieurement, le
tribunal était nommé par 3,000 électeurs.
Quand la loi du 9 décembre 1883 a été
présentée, les adversaires de la réforma
ont invoqué contre elle divers prétextes.
Ç'allait être un bouleversement complet
de nos institutions consulaires! A des jU4
ges justement considérés, indépendants,
expérimentés, on allait substituer brus-
quement des magistrats novices, dénués
d'instruction et de loisirs ; le haut com-
merce allait être submergé sous le flot
montant des petits débitants et des mar-
chands de vins !
La loi n'est pas encore appliquée qu'on
lui adresse les reproches absolument con-
traires. Sur la liste qui a !e plus de chances
de triompher figurent une quinzaine de
juges ou suppléants en exercice ; il n'en
faut pas plus pour que les partisans du
suffrage restreint s'écrient : « C'était bien
la peine de réclamer à cor et à cris l'ex-
tention de la liste électorale, pour en arri-
ver à réélire le même tribunal ! »
Quinze juges ne font pas un tribunal; à
côté de ces quinze magistrats qui repré-
sentent la tradition, on peut voir sur la
liste les délégués des deux grandes repré-
sentations commerciales de Paris, l'Union
nationale du commerce et de l'industrie
et le comité central des chambres syndi-
cales. Mais le nouveau tribunal fût il com-
posé exactement de la même façon que
l'ancien, il y aurait cependant entre eux
une différence capitale, c'est que l'un ne
représentait qu'un petit nombre de privi-
légiés, tandis que l'autre émanera de l'en-
semble du commence parisien.
Dès à présent l'influence de ce change-
ment radical se lait sentir. Sur le pro-
gramme accepté par les candidats plusieurs
réformes sont inscrites qui étaient vive-
ment réclamées par l'opinion publique.
Les élus devront modifier la situation des
agréés et imposer des limites à leur mo-
nopole exorbitant; ils devront, ce qui est
plus important encore, renvoyer à l'arbi-
Feuilleton du RAPPEL
DU 15 DÉCEMBRE
149
LE
ROI DES MENDIANTS
DEUXIÈME PARTIS
LA MERE
XLII
lie Père. — (Suite'
Le regard de Rolland s'abaissa de nou
veau, cherchant le visage de sa fille.
Elle était là, droite devant lui, plU!
pâle qu'une morte. Tous ses traits expri
maient la plus vive douleur. d'ailtanl
plus vive qu'elle faisait des efforts surhu-
mains pour la dompter. sans pouvoir y
parvenir.
Rolland avait trop connu la douleur
pour ne pas la reconnaître au premier
coup d'œiL
C'était une vieifle et infime compagne
dont rien ne lui échappait.
Reproduction interdite.
Voirie Rappel du 9 juillet au U décembre.
Il resta un instant stupéfait.
— Qu'as-tu, Irène? Que se passe-t-il en
toi? s'écria t-il tout à coup en lui saisis-
sant les mains.
Ces mains étaient baignées de sueur
froide.
— Tu es malheureuse ! reprit-il. Il se
passe en toi quelque chose. Je t'ai fait
de la peine. Mais je serais maudit, alor^I
Non, non, cela ne se peut. Près de moi !.
je ne le veux pas 1 Réponds-moi, Irène, je
t'en conjure.
— Parlons d'autre chose, dit faiblement
la jeune fille. Pourquoi mêler, à la joie de
nous retrouver, d'autres préoccupations
étrangères ? Laisse-moi être ta fille, d'a-
bord, longtemps. rien que ta fille !. Ce
n'est que toi que je venais chercher ici,
vois-tu. toi seul!
— Ah ! fit Rolland en la regardant -- at-
1 tentivement.
1 Puis il reporta les yeux sur Roche-
grise pour une muette interrogation.
— Plus tard, nous verrons, nous- cause-
rons de tout cela , poursuivit la jeune
Elle ; dans un an ou deux. Quand je
t'aurai lassé de mon affection, de ma
tendresse filiale, ajouta-t-elle' encore en
essayant de sourire avec câlinerie, quand
tu n'en voudras plus que la moitié. eh
bien, nous reparlerons de ce projet. Et
c'est toi, à qui j'aurai ouvert tout mon
cœur , qui décideras du sort de ton
Irène l
Mais ses paupières rouges et la blan-
cheur de ses joues démentaientson sourire
forcé !
- Vous avez tort, ma chère enfant,
interrompit Rochegrise d'un ton douce-
reux, bien que la colère emplît son cœur.
Pourquoi reculer une décision qui nous
rendra tous heureux et que votre père
souhaite ardemment?
- Mais, monsieur. balbutia Irène.
- Laissez-moi vous dire aussi, continua
le baron, que, dans l'égoïsme, naturel
d'ailleurs, de votre joie filiale, vous ou-
bliez trop l'ardent amour, la passion.
impatiente. de mon fils. Rappelez-vous
qu'il attend et qu'il vous aime.
— Mais moi, monsieur, je ne l'aime
pas ! répliqua Irène, en se retournant vers
le roi des mendiants.
XLIII
La confession
Deux fois par semaine, le docteur Lié-
béii avait, chez lui, une consultation de
trois à six heures de l'après-midi, le lundi
et le vendredi.
Le jour où s'accomplissaient les divers
événements que nous avons rapportés
était justement un vendredi.
Six heures venaient de sonner.
Mme Liébert était donc à peu près sûre
de trouver son mari seul dans son ca-
binet.
Lorsqu'elle y parvint, le dernier consul-
tant venait d'eu sortir, et le valet qui
veillait dans l'antichambre répondit à
sa maîtresse que « Madame pouvait entrer
sans déranger Monsieur ».
Mme Liébert poussa la porte d'un geste
presque automatique et se trouva seule
dans le vaste et riche cabinet du célèbre
docteur.
Elle jeta un regard autour d'elle.
Une petite porte entr'ouverte dans le
fond lui expliqua cette apparente absence
de son mari qui, ainsi que tous ses con-
frères, après avoir visité leurs malades, se
lavait soigneusement les mains et procès
fiait à une toilette sommaire. --
- Ah ! c'est toi ! fit M. Liébert, en ap-
paraissait sur le seuil du petit réduit, en
train de s'essuyer les mains. Comme c'est
gentil de venir me surprendre ainsi !
Il rejeta la serviette derrière lui, et s'apj
procha de sa femme, les mains tendues,
avec ce bon sourire qui lui était propre et
jetait la gaieté dans tout son entourage.
— Oui. j'avais à te parler ! répliqua la
malheureuse femme d'une voix troublée,
en le regardant de ses yeux noirs, deve-
nus fuyants et un peu sauvages, comme il
lui arrivait, chaque fois qu'une vive ap-
préhension ou une violente émotion agi-
tait son cœur.
Le docteur s'était approché d'elle, l'a-
vait enlevée d'un effort de ses bras puis-
sants, avec une sorte d'enfantillage, en
homme heureux de la vigueur de ses mus-
cles, et aussi par une petite flatterie con-
jugale, afin de prouver à sa femme qu'elle
était toujours légère, comme au premier
jour de leur mariage.
Il est vrai qu'elle était toujours svelte
et encore jeune, n'ayant pas plus de trente-
huit ans, à cette époque.
L'ayant amenée de cette façon à hau-
teur de ses lèvres, il déposa sur le front
glacé d'Inès un long baiser.
Puis il la regarda, abaissa ses bras, lui
fit toucher terre.
— Mais qu'as-tu? dit-il tout surpris,
avec un commencement de brusque in-
quiétude. Je ne t ai jamais vue ainsi..
Mme Liébert restait devant lui, le vi-
sage ravagé, en effet, et avec une expres-
sion si désespérée, sous un calme de rési-
gnation stoïque, que le docteur changea
de couleur et de ton.
— Voyons, ma chère adorée, parle. Il
se fiasse quelque chose d'extraordinaire.
On dirait uJ1 malheur. Ce que tu as à me
dire est donc Jj>.\en grave?
- Oui, il faut que je parle ( ré pli-
qua-t-elle d'une voix ba~' Il le faut r
Elle releva la tête et regâruJ* nouveau
son mari, comme si elle implo. » P^r
avance, non son pardon, peut-être, n..:"\1S
son indulgence.
Il y avait aussi de la pitié dans ses pru-1
nelles sombres. de la pitié profonde,
pour un autre qu'elle.
Le docteur le comprit, ainsi, du moins,
car il s'écria :
— Un malheur nous menace ! Est-ce
que Juliette ?.
Il chancela presque en exprimant cette
crainte que sa fille chérie ne se trouvât
plus malade.
— Non ! non!. Il ne s'agit pas de Ju-
liette. Il s'agit de moi. de toi. de nous 1
- Mais parle donc ! Tu me fais mourir
à petit feu. -.,¿- Parle, ma chérie.
Il l'avait prise par la main. Il la condui-
sait à un canapé pour l'y faire asseoir près
de lui.
Elle se recula.
— Ne m'appelle plus ainsi, - J>albutia-
t-alle.-Et laisse-moi debout.-C'est la pos-
ture des coupables. Debout ou à genoux."
Elle froissa ses mains l'une contre l'autre.
Elle était livide. Elle avait la gorge
sèche, et ses veines saillaient en un réseau
bleuâtre, sous la peau mate, près des
tempes, dans l'effort qu'elle faisait pour
accomplir la tâche que sa conscience" lui
imposait enfin.
— Coupable ! — répéta le docteur. -5
Toi, coupable !. et de quoi?
- Ecoute ma confession l-ajouta-t-elJe.
A. MATTREY,
[A B-lllvre.)-
-, ADMINISTRATION
.48, RUE DE VALOIS, 48
ABONNEMENTS
l'ARIS
Trois mois. 10 t)
Six mois 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
Six mois 21 «
/>'
.Aarésser lettres et mandais f
A M. ERNEST LEFÈVRlfi- 1 9
ADMINISTRATEUR GERANT
REDACTION
S'abe sser au. Secrétaire de la Rédaction
De 4 à 6 heures du soir
18, RUE DE VALOIS, 11
Les maniscrits noninseres ne seront pas rendus
ANNONCES
3IM. Ch. LAGRANGE, CERF et c.
c'l'lace de la Bourse, 6
UN MBI-lILLURD -
S'il y a de l'argent bien dépensé —
nous pourrions dire bien placé -, c'est
évidemment celui qu'on emploie à l'en-
seignement des enfants. Le premier
devoir et le premier intérêt d'un gou-
vernement qui est basé sur le suffrage
universel, c'est l'instruction univer-
selle.
Seulement, pour placer de l'argent,
le placement fût-il le meilleur du mon-
de, il faut en avoir. C'est la seule ob-
jection que nous ayons à faire au projet
de loi sur les nouvelles écoles qui a été
déposé hier par le ministre de l'instruc-
tion publique.
Nous avons si peu d'argent qu'il a
été impossible de tenir la promesse,
pourtant formelle, faite aux institu-
teurs, d'une faible augmentation dans
leur traitement. On a tant prodigué à
la bâtisse qu'il n'est plus rien resté
pour le personnel. Et c'est encore pour
la bâtisse qu'on demande des millions.
Il est certain qu'on ne peut pas avoir
voté l'enseignement obligatoire et ne pas
bâtir d'éczjes où il n'y en a pas.Et savez-
vous dans combien de communes il n'y
en a pas? Dans 24,000. Dans les deux
tiers de la France j
Qu'on en soit là après les millions
prodigués, c'est effrayant pour ce .jui
reste à construire. Si tant de millions
n'ont donné que 12,000 écoles, pour le
double d'écoles il faudra donc le double
de millions? Rassurons-nous. On ne
recommencera plus les prodigalités pas-
sées. L'expérience a servi. Il ne s'agit
plus de construire des palais. On modé-
rera la verve de messieurs les architec-
tes. On leur signifiera d'avance le prix
qu'il leur sera interdit de dépasser :
12,000 fr. pour une école de hameau,
5.5,000 pour une école communale, et
28,000 pour un groupe scolaire de deux
classes, avec supplément de 12,000 par
chaque classe en plus.
Même réduite à ces chiffres, la dé-
pense atteindrait encore 390 millions,
— sans compter 60 millions pour les
écoles facultatives, telles qu'écoles pri-
maires supérieures, écoles d'apprentis-
sage, etc., — sans compter le traite-
ment des instituteurs nouveaux qu'il
faudra aux nouvelles écoles. En disant
un demi-milliard, nous étions au-des-
sous de la réalité.
L'Etat, il est vrai, n'en payera que la
moitié.L'autre moitié sera payée par les
communes. Et si elles ne l'ont pas?
Elles emprunteront. Est-ce qu'il n'y a
pas le Crédit foncier, et d'autres crédits
analogues? Ii n'y a plus le crédit de
fElat, qui était le grand prêteur sco-
laire; la caisse des écoles est épuisée,
et a cette ressemblance —la seule mal-
heureusement — avec la fourmi de la
fable qu'elle « n'est plus prêteuse ».
Elle trouve que c'est déjà bien as-sez de
faire la moitié des frais sans faire en-
core les avances du reste. Les com-
munes s'adresseront à tel établissement
de crédit qu'il leur plaira.
Donc, l'Etat ne fera que la moitié des
frais des vingt-quatre mille écoles.
Soit, mais qu'est-ce que l'Etat? C'est le
contribuable. Et n'est-ce donc pas le
contribuable aussi qui payera la part
des communes? La seule différence est
qu'on prendra la moitié de la somme
dans sa poche droite et la moitié dans
sa poche gauche.
Quant à la moitié de la poche gau-
che, on aura du temps pour s'acquitter;
il suffira de payer les intérêts de l'em-
prunt. Mais quant à la moitié de la
poche droite, il faudra payer comptant.
Un quart de milliard. Le budget actuel
ne nous paraît pas dans une situation
de fortune à le verser sans grimace.
Notre confrère M. Eugène Liébert
demande, dans le XIXe Siècle, si l'on
ne pourrait pas, provisoirement, (c s'ac-
commoder, dans nombre de villages,
d'une maison quelconque à laquelle on
donnerait la lumière et l'aération suffi-
santes et qu'on louerait trois ou quatre
cents francs, et souvent moins » ? Nous
connaissons, pour notre part, un vil-
lage, qui pourrait s'appeler un bourg,
où le loyer d'une école largement con-
venable n'est que de deux cents francs.
Nous ne disons pas que ce soit l'idéal.
Nous voulons, au contraire, que, par-
tout, dans les hameaux comme dans les
villes, l'enseignement ait sa maison à
lui, et une maison digne de lui. Mais la
première condition de la dignité est de
ne pas s'endetter par gloriole.
Un jour viendra, et prochainement,
car, en finances comme en politi-
que, la France est le pays des relève-
ments subits, et la République est le
plus économique des régimes, un jour
viendra où la crise, qui est d'ailleurs
une crise européenne, aura disparu ;
alors, ce n'est pas nous qui chicanerons
les subventions aux écoles. Jusque-là,
faisons le nécessaire, mais rien de plus.
AUGUSTE VACQUERIE.
J - ■»
Le groupe de l'autonomie communale
du conseil municipal de Paris s'est réuni
hier, samedi, à l'Hôtel de Ville, sous la
présidence de M. Maillard.
Le but de cette réunion était d'arrêter
une liste de candidats à proposer au con-
seil municipal pour remplir le mandat de
délégués lors de la prochaine élection sé-
natoriale de la Seine. Paris, on le sait, a
droit à 30 délégués et à 8 suppléants.
Tout d'abord, et sans débats, le groupe
a choisi les cinq noms suivants, apparte-
nant au Sénat et à la Chambre des dépu-
tés :
Victor Hugo.
Laurcnt-Pichat.
Labordère.
Schœlcher.
Floquet.
Le groupe a ensuite adopté les noms
de quatre candidats non élus aux dernières
élections municipales, MM. :
Ilovelacque, Yves Guyot, Fiaux, Emile
Level.
Pour compléter le chiffre de 30 délé-
gués, il restait à choisir 21 noms ; le
groupe a décidé alors de prendre un délé-
gué dans chacun des arrondissements de
Paris. Son choix s'est arrêté sur MM. :
Mijoul (1er arrondissement). — Planteau
(2e). — Blonde! (3e). — Geoffroy (4e). —
Delcourt (5e).- Collm (6e). — Deutsch (7e).
— Georges Laguerre (8e). — Emile Ri-
chard (9e) .- Lopin (10e). — Floch et Jules
Dubois (1 t 8). — Besson (129). — Gaston
(13°).— Lançon (14e).— Renaudin (t8").—
Gouthière (16"). — Aublé (17e). — Lucipia
({se). — Brain (19e). — Blanchet (20e).
On remarquera que deux délégués ont
été attribués au 11° arrondissement comme
étant le plus peuplé.
Restaient à nommer les huit délégués
suppléants ; le groupe s'est, autant que
possible, attaché à les choisir dans les ar-
rondissements dont la population est la
plus dense ; les suppléants sont MM. :
Graux, Pierrotet, Batand, Boussard,
Pinard, Dubois, Grégoire, Pasquier.
Avant de se séparer, la réunion a nom-
mé une commission exécutive de sept
membres, chargée d'organiser les réu-
nions électorales sénatoriales, et de pré-
parer une adresse aux conseillers munici-
paux des 72 communes du département
de la Seine. Cette commission est com-
posée de MM. les conseillers Maillard,
Rousselle, Delabrousse, Pichon, Cernes-
son, Dreyfus, Viguier.
i .j i r —»
COULISSES DES CHAMBRES
La question budgétaire va être résolue
dans des conditions analogues à celles que
nous avons indiquées hier. Le conseil des
ministres :s'est réuni hier matin et a cons-
taté, comme tout le monde l'avait fait à
la Chambre depuis plusieurs jours, qu'il
était matériellement impossible d'arriver
au vote de l'ensemble du budget avant le
29 décembre prochain, dernière date lé-
gale possible pour que la promulgation
puisse se faire le 1er janvier.
En cet état, le conseil a décidé de de-
mander aux Chambres l'autorisation de
percevoir les impôts pendant trois mois et
trois douzièmes provisoires pour les dé-
penses.
- M. Tirard, conformément à cette déci-
sion du conseil, s'est rendu à la commis-
sion du budget et lui a soumis le projet de
loi qu'il avait préparé dans ce bue.
Ce projet comporte autorisation de
percevoir les impôts pendant les trois pre-
miers mois de 1885 d'après les lois exis-
tantes et en même temps celle de perce-
voir les taxes modifiées ou nouvelles
proposées par le gouvernement, à savoir :
l'extension à l'Algérie du tarif douanier
de la France, le timbre des polices d'assu-
rances et enfin les droits modifiés sur les
biens des congrégations.
En ce qui concerne les dépenses, le
projet évalue les sommes nécessaires au
fonctionnement des serviess publics pen-
dant les trois premiers mois de 1885 et
porte ouverture de crédits égaux à ces
évaluations.
Le ministre a expliqué qu'il ferait, par
décret, la répartition de ces crédits entre
les divers départements ministériels. Quant
au mode de répartition, le gouvernement
prendra pour base ceux des budgets par-
ticuliers déjà votés par la Chambre, à sa-
voir : l'agriculture, les cultes, la guerre, la
marine, les travaux publics et la justice,
et, pour ceux non encore votés, il prendra
pour base les budgets de 1884.
o En ct' qui concerne la perception des
impôts, aucune objection n'a été formulée
contre le système proposé ; mais, au
contraire, de vives critiques ont été diri-
gées contre le mode de fixation des dé-
penses.
M. Ribot a protesté contre le parti de
faire prédominer les solutions adoptées
par la Chambre seulement, notamment
pour le budget des cultes, alors que cel-
les-ci n'ont qu'un caractère provisoire.
Il a insisté sur ce point qu'il ne pouvait
pas dépendre d'une seule Chambre de
supprimer par voie budgétaire des ser-
vices publics existants en vertu de lois.
Tant que les deux Chambres ne se sont
pas mises d'accord par un vote formel sur
ces suppressions, le gouvernement, a dit
M. Ribot, doit se conformer à la loi, sinon
le régime constitutionnel serait faussé et
bientôt détruit.
M. Hibot a ajouté que s'il était indispen-
sable de voter des douzièmes, la Chambre
3t le Sénat les voteraient certainement,
mais en réservant les responsabilités et
;ous la condition que le gouvernement ne
supprimerait aucun service public, no-
tamment celui de l'aumônerie dans les
hôpitaux avant le vote du budget définitif.
Des observations analogues ont été pré-
sentées par MM. Wilson, Hérault, de Roys
et Rousseau.
MM. Dubost. Cavaignac, Thomson,
Brugère et Jules Roche ont, au contraire,
exprimé l'opinion que le ministère devait
exécuter provisoirement les décisions de
la Chambre en attendant le vote du
Sénat. -
Finalement, le ministre des finances a
déclaré qu'il était disposé à modifier son
projet de loi, en ce qui concerne les dé-
penses provisoires, d'après les observa-
tions de M. Ribot, c'est-à-dire en sui-
vant identiquement le système adopté en
décembre 1877 par le cabinet Dufaure au
lendemain de la dissolution. En d'autres
termes, en demandant trois douzièmes pro-
visoires pour les dépenses, le gouverne-
ment admet que tous les services en vertu
d'une loi seront maintenus jusqu'au
vote définitif du budget par les. deux
Chambres.
M. Tirard s'est seulement réservé de
conférer avec ses collègues au sujet des
modifications en question, et il déposera
le projet demain lundi sur le bureau de
la Chambre.
Selon toutes probabilités, ce projet sera
adopté, et il suffira de deux ou trois jours
pour que la question soit réglée.
Les Chambres se sépareraient alors le
18 ou le 19 décembre prochain.
O- ■■
A LA CHAMBRE -
La séance s'ouvre à une heure, comme
l'ont décidé les absents d'hier. Seule-
ment, il se trouve qu'il y a juste qua-
rante-cinq députés dans la salle. Des
réclamations s'élèvent pour déclarer
que l'on n'est pas en nombre, chose
assez facile à constater. Le bureau est
unanime pour reconnaître que les bancs
sont vides, mais le président se rap-
pelle à temps qu'on peut toujours déli-
bérer, quel que soit le nombre des pré-
sents. Ce qu on ne peut pas faire, c'est
de voter; aussi, même les proj ets de loi
d'intérêt local sont ajournés. Ce qui
n'est pas ajourné, c'est le budget pour
lequel, tant qu'on ne vote pas, le nom-
bre ne fait rien. M. Georges Perin, et il
a grandement raison, constate dans
quelles conditions lamentables les loisv
de finances sont discutées, et cela, par
la seule faute du gouvernement, qui
n'a pas voulu convoquer les Chambres
un mois nlus tôt.
C'est donc devant un auditoire ab-
sent que M. le ministre de la marine a
pris la parole, non pour répondre aux
critiques contenues dans le rapport de
M. Ménard-Dorian qu'il accepte en
grande partie, mais pour déclarer que
le département de la marine ferait de
son mieux dès que les entreprises colo-
niales lui laisseraient sa liberté d'ac-
tion.
L'attitude du ministre rendait facile
la tâche du rapporteur, mais M. Dorian
a jugé, avec raison, que la Chambre
devait être mise au courant des princi-
paux efforts tentés par la commission.
Quelques chiffres cités d'abord par M.
Ménard-Dorian, démontrent que les
économies proposées par la commis-
sion ne portent aucune atteinte à la
constitution de nos forces maritimes.
L'Angleterre, dont la flotte a une autre
importance que la nôtre, dépense an-
nuellement, en constructions, en tra-
vaux dans les ports, à peu près la
même somme que celle qui est inscrite
a notre budget.
Toutes les dépenses de ce budget
sont-elles également justifiées ? Sans
parler des entreprises lointaines, dont
le cabinet de M. Ferry et la Chambre
porteront la responsabilité, M. Ménard-
Dorian a relevé des exagérations de dé-
penses sur les transports, sur les cons-
[ tructions, "sur les armements qui cons-
tituent un gaspillage fort inutile.
Ainsi, pour les transports, les ba-
teaux de l'Etat, toutes choses égales
d'ailleurs, coûtent plus d'un million au-
delà de ce que coûteraient des navires
affrétés. Pour les constructions, il faut
noter d'abord que les travaux durent,
chez nous, deux ou trois fois plus de
temps qu'en Angleterre. Un cuirassé
est construit, chez nos voisins, en
moins de trois ans ; chez nous, il faut
quatre, cinq et même huit ans.
Ces longueurs, que le ministre n'a
nullement contestées, tiennent à ce que
les plans des ingénieurs sont constam-
ment modifiés. Résultat : perte d'ar-
gent et de temps. N'y a-t-il pas d'exa-
gération dans les armements? En An-
gleterre, un navire de guerre vient
d'être mis à flot dont l'équipage est
d'un peu plus de trois cents ho mmes.
Un navire de même rang en France, a
un équipage de six cents hommes.
Charge inutile pour l'inscription mari-
time.
11 est vrai, qu'une fois un bateau
construit, on cherche à en faire quelque
chose, et M. Ménard-Dorian a raconté à
la Chambre que sur la Bidassoa, à la
frontière d'Espagne, stationnait depuis
trois ans, amarrée au pont de la rivière,
une canonnière portant trente-cinq
hommes d'équipage. On assure que
cette canonnière ne serait plus en état
de tenir la mer ; mais, par une inter-
ruption de M. l'amiral Peyron, nous
avons appris que cette chaloupe rem-
plissait une mission diplomatique et
M. Peyron a ajouté que si M. le mi-
nistre des affaires étrangères y consen-
tait, il ne voyait aucun inconvénient à
donner à cette canonnière une destina-
tion différente ou à la désarmer, si elle
ne peut plus servir.
M. Ménard-Dorian a terminé son in-
téressant discours en expliquant pour-
quoi il n'attend pas beaucoup des com-
missions parlementaires et extra-parle-
mentaires, pour l'accomplissement des
réformes. Depuis 1879, une grande
commission fonctionne ou est censée
fonctionner. A quoi a-t-elle servi ?Cha-
que fois qu'on a, depuis cette époque,
présenté quelques observations aux
différents ministres de la marine, ils se
sont réfugiés derrière la commission,
tout en ne la convoquant jamais. M.
Ménard-Dorian a constaté que, depuis
deux ans, le ministre ne l'avait jamais
réunie, malgré diverses réclamations.
Ces commissions ne sont donc qu'un
trompe-l'œil.
! Après le vote du budget de la ma-
rine, on a repris quelques articles du
budget des cultes qui avaient été ren-
voyés à la commission. Il s'agissait du
traitement des vicaires et desservants.
M. Jules Roche a proposé et fait voter
des chiffres qui, additionnés, semblent
donner un total supérieur à celui que
la Chambre avait paru vouloir adopter.
M. Jules Roche s'est-il trompé? La
Chambre a-t-elle voté sans réflexion?
Nous sommes-nous trompés nous-mê-
mes au milieu de tant de confusion?
Nous n'affirmons rien.
La discussion du budget des travaux
publics est venue ensuite à l'ordre du
jour et a donné lieu à un échange d'ob-
servations entre M. Pelletan et M. Ray-
nal, sur certains résultats des conven-
tions, relativement au revenu réservé.
M. le ministre, qui a naturellement dé-
fendu les conclusions du rapport et les
chiffres de la commission, a paru va-
rier quelque peu dans son argumenta-
tion.
Après le budget des travaux publics,
on a voté le budget des postes - cent
quarante -deux millions — en cinq mi-
nutes; en poste, c'est bien le cas de le
dire! Quelques ministériels frénétiques
voulaient siéger demain pour regagner
le temps qu'ils ont eu le tort de perdre.
La suite du débat a été simplement r.
mise à lundi.
A. GAULIER,.
Le nom dé M. Floquet avait été mis en
avant pour le siège laissé vacant au Sénat
par M. le commandant Labordère. M. Fio.
quet a décliné cette candidature. -
Le nom de M. Anatole de la Forge avail
été également prononcé. M. Anatole de la
Forge écrit à ce propos à un journal,
qu ayant 1 honneur d'être l'élu du suffrage
universel, il ne consentirait pas à échanger
le mandat qui lui est confié contre un
mandat qui lui serait donné par le sut
frage restreint.
LES ELECTIONS CONSULAIRES
C'est aujourd'hui que va être appliquée
à Paris la nouvelle loi sur les élections des
tribunaux de commerce. Jusqu'ici, sauf
une courte tentative à la fin du siècle der- -
nier et vers le milieu de celui-ci, le choix
des magistrats consulaires était réservé à
un petit nombre de commerçants dits no-
tables. En quoi ces commerçants étaient
plus notables que d'autres dépourvus,
dans le Bottin, de l'N fatidique, c'est ce
qu'il serait assez difficile d'expliquer. La
tribunal de commerce procédait à cette
classification de telle sorte que c'étaient
les élus qui choisissaient eux-mêmes leurs
électeurs.
Cette anomalie va prendre fin. Au suf-
frage ridiculement restreint va succéder
le suffrage universel des commerçants. La
seule condition exigée est le paiement
d'une patente depuis cinq ans. 43,000
commerçants sont dans ce cas pour le dé-
partement de la Seine. Antérieurement, le
tribunal était nommé par 3,000 électeurs.
Quand la loi du 9 décembre 1883 a été
présentée, les adversaires de la réforma
ont invoqué contre elle divers prétextes.
Ç'allait être un bouleversement complet
de nos institutions consulaires! A des jU4
ges justement considérés, indépendants,
expérimentés, on allait substituer brus-
quement des magistrats novices, dénués
d'instruction et de loisirs ; le haut com-
merce allait être submergé sous le flot
montant des petits débitants et des mar-
chands de vins !
La loi n'est pas encore appliquée qu'on
lui adresse les reproches absolument con-
traires. Sur la liste qui a !e plus de chances
de triompher figurent une quinzaine de
juges ou suppléants en exercice ; il n'en
faut pas plus pour que les partisans du
suffrage restreint s'écrient : « C'était bien
la peine de réclamer à cor et à cris l'ex-
tention de la liste électorale, pour en arri-
ver à réélire le même tribunal ! »
Quinze juges ne font pas un tribunal; à
côté de ces quinze magistrats qui repré-
sentent la tradition, on peut voir sur la
liste les délégués des deux grandes repré-
sentations commerciales de Paris, l'Union
nationale du commerce et de l'industrie
et le comité central des chambres syndi-
cales. Mais le nouveau tribunal fût il com-
posé exactement de la même façon que
l'ancien, il y aurait cependant entre eux
une différence capitale, c'est que l'un ne
représentait qu'un petit nombre de privi-
légiés, tandis que l'autre émanera de l'en-
semble du commence parisien.
Dès à présent l'influence de ce change-
ment radical se lait sentir. Sur le pro-
gramme accepté par les candidats plusieurs
réformes sont inscrites qui étaient vive-
ment réclamées par l'opinion publique.
Les élus devront modifier la situation des
agréés et imposer des limites à leur mo-
nopole exorbitant; ils devront, ce qui est
plus important encore, renvoyer à l'arbi-
Feuilleton du RAPPEL
DU 15 DÉCEMBRE
149
LE
ROI DES MENDIANTS
DEUXIÈME PARTIS
LA MERE
XLII
lie Père. — (Suite'
Le regard de Rolland s'abaissa de nou
veau, cherchant le visage de sa fille.
Elle était là, droite devant lui, plU!
pâle qu'une morte. Tous ses traits expri
maient la plus vive douleur. d'ailtanl
plus vive qu'elle faisait des efforts surhu-
mains pour la dompter. sans pouvoir y
parvenir.
Rolland avait trop connu la douleur
pour ne pas la reconnaître au premier
coup d'œiL
C'était une vieifle et infime compagne
dont rien ne lui échappait.
Reproduction interdite.
Voirie Rappel du 9 juillet au U décembre.
Il resta un instant stupéfait.
— Qu'as-tu, Irène? Que se passe-t-il en
toi? s'écria t-il tout à coup en lui saisis-
sant les mains.
Ces mains étaient baignées de sueur
froide.
— Tu es malheureuse ! reprit-il. Il se
passe en toi quelque chose. Je t'ai fait
de la peine. Mais je serais maudit, alor^I
Non, non, cela ne se peut. Près de moi !.
je ne le veux pas 1 Réponds-moi, Irène, je
t'en conjure.
— Parlons d'autre chose, dit faiblement
la jeune fille. Pourquoi mêler, à la joie de
nous retrouver, d'autres préoccupations
étrangères ? Laisse-moi être ta fille, d'a-
bord, longtemps. rien que ta fille !. Ce
n'est que toi que je venais chercher ici,
vois-tu. toi seul!
— Ah ! fit Rolland en la regardant -- at-
1 tentivement.
1 Puis il reporta les yeux sur Roche-
grise pour une muette interrogation.
— Plus tard, nous verrons, nous- cause-
rons de tout cela , poursuivit la jeune
Elle ; dans un an ou deux. Quand je
t'aurai lassé de mon affection, de ma
tendresse filiale, ajouta-t-elle' encore en
essayant de sourire avec câlinerie, quand
tu n'en voudras plus que la moitié. eh
bien, nous reparlerons de ce projet. Et
c'est toi, à qui j'aurai ouvert tout mon
cœur , qui décideras du sort de ton
Irène l
Mais ses paupières rouges et la blan-
cheur de ses joues démentaientson sourire
forcé !
- Vous avez tort, ma chère enfant,
interrompit Rochegrise d'un ton douce-
reux, bien que la colère emplît son cœur.
Pourquoi reculer une décision qui nous
rendra tous heureux et que votre père
souhaite ardemment?
- Mais, monsieur. balbutia Irène.
- Laissez-moi vous dire aussi, continua
le baron, que, dans l'égoïsme, naturel
d'ailleurs, de votre joie filiale, vous ou-
bliez trop l'ardent amour, la passion.
impatiente. de mon fils. Rappelez-vous
qu'il attend et qu'il vous aime.
— Mais moi, monsieur, je ne l'aime
pas ! répliqua Irène, en se retournant vers
le roi des mendiants.
XLIII
La confession
Deux fois par semaine, le docteur Lié-
béii avait, chez lui, une consultation de
trois à six heures de l'après-midi, le lundi
et le vendredi.
Le jour où s'accomplissaient les divers
événements que nous avons rapportés
était justement un vendredi.
Six heures venaient de sonner.
Mme Liébert était donc à peu près sûre
de trouver son mari seul dans son ca-
binet.
Lorsqu'elle y parvint, le dernier consul-
tant venait d'eu sortir, et le valet qui
veillait dans l'antichambre répondit à
sa maîtresse que « Madame pouvait entrer
sans déranger Monsieur ».
Mme Liébert poussa la porte d'un geste
presque automatique et se trouva seule
dans le vaste et riche cabinet du célèbre
docteur.
Elle jeta un regard autour d'elle.
Une petite porte entr'ouverte dans le
fond lui expliqua cette apparente absence
de son mari qui, ainsi que tous ses con-
frères, après avoir visité leurs malades, se
lavait soigneusement les mains et procès
fiait à une toilette sommaire. --
- Ah ! c'est toi ! fit M. Liébert, en ap-
paraissait sur le seuil du petit réduit, en
train de s'essuyer les mains. Comme c'est
gentil de venir me surprendre ainsi !
Il rejeta la serviette derrière lui, et s'apj
procha de sa femme, les mains tendues,
avec ce bon sourire qui lui était propre et
jetait la gaieté dans tout son entourage.
— Oui. j'avais à te parler ! répliqua la
malheureuse femme d'une voix troublée,
en le regardant de ses yeux noirs, deve-
nus fuyants et un peu sauvages, comme il
lui arrivait, chaque fois qu'une vive ap-
préhension ou une violente émotion agi-
tait son cœur.
Le docteur s'était approché d'elle, l'a-
vait enlevée d'un effort de ses bras puis-
sants, avec une sorte d'enfantillage, en
homme heureux de la vigueur de ses mus-
cles, et aussi par une petite flatterie con-
jugale, afin de prouver à sa femme qu'elle
était toujours légère, comme au premier
jour de leur mariage.
Il est vrai qu'elle était toujours svelte
et encore jeune, n'ayant pas plus de trente-
huit ans, à cette époque.
L'ayant amenée de cette façon à hau-
teur de ses lèvres, il déposa sur le front
glacé d'Inès un long baiser.
Puis il la regarda, abaissa ses bras, lui
fit toucher terre.
— Mais qu'as-tu? dit-il tout surpris,
avec un commencement de brusque in-
quiétude. Je ne t ai jamais vue ainsi..
Mme Liébert restait devant lui, le vi-
sage ravagé, en effet, et avec une expres-
sion si désespérée, sous un calme de rési-
gnation stoïque, que le docteur changea
de couleur et de ton.
— Voyons, ma chère adorée, parle. Il
se fiasse quelque chose d'extraordinaire.
On dirait uJ1 malheur. Ce que tu as à me
dire est donc Jj>.\en grave?
- Oui, il faut que je parle ( ré pli-
qua-t-elle d'une voix ba~' Il le faut r
Elle releva la tête et regâruJ* nouveau
son mari, comme si elle implo. » P^r
avance, non son pardon, peut-être, n..:"\1S
son indulgence.
Il y avait aussi de la pitié dans ses pru-1
nelles sombres. de la pitié profonde,
pour un autre qu'elle.
Le docteur le comprit, ainsi, du moins,
car il s'écria :
— Un malheur nous menace ! Est-ce
que Juliette ?.
Il chancela presque en exprimant cette
crainte que sa fille chérie ne se trouvât
plus malade.
— Non ! non!. Il ne s'agit pas de Ju-
liette. Il s'agit de moi. de toi. de nous 1
- Mais parle donc ! Tu me fais mourir
à petit feu. -.,¿- Parle, ma chérie.
Il l'avait prise par la main. Il la condui-
sait à un canapé pour l'y faire asseoir près
de lui.
Elle se recula.
— Ne m'appelle plus ainsi, - J>albutia-
t-alle.-Et laisse-moi debout.-C'est la pos-
ture des coupables. Debout ou à genoux."
Elle froissa ses mains l'une contre l'autre.
Elle était livide. Elle avait la gorge
sèche, et ses veines saillaient en un réseau
bleuâtre, sous la peau mate, près des
tempes, dans l'effort qu'elle faisait pour
accomplir la tâche que sa conscience" lui
imposait enfin.
— Coupable ! — répéta le docteur. -5
Toi, coupable !. et de quoi?
- Ecoute ma confession l-ajouta-t-elJe.
A. MATTREY,
[A B-lllvre.)-
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