Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1884-12-14
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 décembre 1884 14 décembre 1884
Description : 1884/12/14 (N5392). 1884/12/14 (N5392).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7540336c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
fï # 5392 «« ÎHmanclie 14 Décembre 1884 lie ntiiffé]>cFt iOe. — Déparfemenli : iS~ c~ 23 Frimaire an 93 — N* 5392
- JfflMINISTRATIOlï X -
,$3, JOIE DE V ALOJS 1 la
ABONNEMENTS
TARIS
Tpeis mois 10 J)
Six mois. 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
six mois 21 4
Alresser lettres et mandats t
4M. ERNEST LEFÈVRE* î
, ,---'1
ADMINISTRATEUR GERANT V '1',
21 - -
REDACTION :
S'adresser au Secrétaire ae la Réfaction,
Deêcà 6 heures du soit*
18, HUE DE VALOIS t 18
les manuscrit non insérés ne seront pas rendus
ANNONCES
mr. Ch. IAGRANGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
LES DÉLÉGUÉS DE PARIS
La très honorable démission du com-
mandant Labordère donne à Paris un
sénateur à nommer. Le conseil muni-
cipal va donc avoir à choisir ses délé-
gués. Les autres fois, il n'avait droit
qu'à un, et, notons-le en passant, ce
conseil municipal, que ses ennemis
présentent comme absurdement nive-
leur et hostile à toutes les supériorités,
a toujours choisi Victor Hugo.
Cette fois, ce n'est plus a un délégué
qu'il a droit, la loi nouvelle lui en
accorde trente. Qui choisira-t-il?
Les conseillers municipaux de pro-
vince prennent généralement leurs dé-
légués parmi eux1. Mais les couseillers
municipaux de Paris sont en même
temps conseillers généraux de la Seine
et, en cette qualité, électeurs sénato-
riaux. La délégation des conseillers
ferait double emploi.
On prête à quelques conseillers l'idée
de voter pour les candidats autonomis-
tes qui, aux dernières élections mu-
nicipales, sont restés sur le carreau.
Ce n'est pas nous qui trouverions
inaptes à faire des délégués ceux que
nous avons trouvés aptes à faire des
conseillers. Et nous les soutiendrons
aux prochaines élections municipales
comme aux précédentes. Mais dans le
cas présent, notre opinion est que leur
nomination serait une double faute.
On se souvient des protestations qu'a
soulevées plus d'une fois le Sénat en
« réparant les injustices du suffrage
universel » et en allant chercher ses ina-
movibles parmi les blackboulés. C'a
été une des choses qui ont le plus con.
tribué à tuer l'inamovibilité et à décon-
sidérer le Sénat. C'était, disait-on jus-
tement, faire du Luxembourg l'hôpital
des blessés électoraux, l'hôtel des inva-
lides de la politique. C'était insulter le
pays; c'était lui dire : — Tu es incapa-
ble de choisir; tu avais devant toi un
candidat doué de toutes les qualités qui
font le bon législateur, et tu en as pré-
féré un autre; heureusement que nous
sommes là pour corriger tes bêtises;
nous allons t'imposer celui dont tu n'as
pas voulu. Ah ! tu n'as pas voulu de
lui pour quatre ans? eh bien, tu le su-
biras à perpétuité. Et que ceci te serve
de leçon 1
La leçon que le Sénat donnait au suf-
frage universel en prenant ses inamo-
vibles dans les refusés des élections lé-
gislatives, le conseil municipal la don-
nerait en prenant ses délégués dans les
refusés des élections municipales.
Supposons que les réactionnaires
aiant la majorité au conseil et que,
maîtres du choix des trente délégués,
ils choisissent trente blackboulés des
élections passées : quels cris ne pousse-
raient pas ceux qui proposent de nom-
mer nos blackboulés à nous !
Et à quel moment ferions-nous cette
manifestation contre le suffrage uni-
versel?
------
1 Au lendemain du jour où nous ve-
nons de faire campagne pour le suffrage
universel. Quand nous avons failli le
faire entrer au Luxembourg même.
Quand nous reprochons violemment au
Sénat de lui avoir fermé sa porte.
Quand nous ne pardonnons pas à la
Chambre de s'être démentie, de n'a-
voir pas tenu bon et de n'avoir pas
accepté l'anéantissement de là loi
nouvelle et la démission du gouverne-
ment plutôt que de revenir sur le vole
qui faisait élire les sénateurs par le
même suffrage que les députés. C'est
au moment où nous glorifions le suf-
frage universel, où nous le déclarons le
seul suffrage républicain et la condition
absolue de la démocratie, que nous le
déclarerions inepte et stupide et que
nous lui administrerions une bonne
correction!
Et par qui ferions-nous corriger le
suffrage que nous trouvons excellent?
Par celui que nous trouvons détestalle.
Par celui qui a été conservé malgré
nous. Quel triomphe pour nos adver-
saires, et comme ils riraient de nous,
s'ils nous voyaient faire du petit suf-
frage la cour de cassation du grand !
Plusieurs des vaincus des dernières
élections sont de nos amis, et nous es-
pérons pour eux une prochaine revan-
che, — mais par le suffrage universel.
Qu'ils en appellent de Philippe ivre à
Philippe à jeun, du suffrage universel
trompé au suffrage universel éclairé.
Mais ce n'est pas à des partisans du
suffrage universel de faire casser les
arrêts du suffrage universel par le suf-
frage restreint.
; AUGUSTE VACQUERIE.
i—■ —
COULISSES DES CHAMBRES.
Le ministre de l'instruction publique
vient de déposer, sur le bureau de la Cham-
bre, le projet de loi sur la caisse des éco-
les et des lycées et collèges, dont nous
avons déjà indiqué le but d'une manière
générale.
Aujourd'hui, nous pouvons donner des
renseignements plus détaillés sur ce projet
si important, qui ne comporte pas moins
d'un demi-mildard de dépenses pour les
trois ordres d'enseignement public : pri-
maire, secondaire et supérieur. C'est na-
turellement l'enseignement primaire qui
occupe la plus large part dans ce projet,
vu l'étendue des besoins auxquels il y a
lieu de satisfaire.
Jusqu'ici, on sait que c'est l'Etat qui se
chargeait d'avancer aux communes les
fonds nécessaires à la construction de
maisonsrd'éQole. La caisse créée dans ce
but et alimentée par l'Etat faisait le ser-
vice des emprunts contractés par les com-
munes, et en même temps celui des sub-
ventions que l'Etat accordait d'autre part
pour le même objet.
Désormais l'Etat se bornera à accorder
des subventions et se décharge complète-
ment du service des avances. Les com-
munes emprunteront directement à tel
établissement de crédit qu'il leur plaira,
Crédit foncier ou autre.
Le remboursement se ferait en quarante
années, mais l'exécution des travaux se
ferait en douze années. Le programme des
travaux restant à exécuter pour achever
notre outillage scolaire a été rigoureuse-
ment délimité d'avance.
L'enquête faite par le ministère de l'ins-
truction publique a révélé qu'il reste en-
core 24,000 communes, sur 36,000, où il
y a des écoles de hameau ou des écoles
primaires à construire pour recevoir tous
les enfants que la loi sur l'obligation force
à recevoir l'enseignement primaire.
D'autre part, se fondant sur l'expérience
des quatre dernières années, le ministère
de l'instruction publique a évalué d'avancé
le coût de ces écoles. Il a fixé à 12,000 fr.
la dépense pour la construction d'une
école de hameau, 15,000 pour une école
communale et 28,000 pour un groupe sco-
laire de deux classes, avec supplément de
12,000 francs par chaque classe en plus.
En partant de ces chiffres, on a trouvé
que la dépense totale s'élèverait à 391 mil-
lions dont moitié environ à la charge des
communes et moitié à la charge de
l'Etat.
En outre on prévoit, en dehors de cette
dépense, celle résultant de la construction
d'écoles facultatives telles qu'écoles pri-
maires supérieures et d'apprentissage.
Cette dépense est évaluée à 60 millions,
dont moitié pour les communes et moitié
pour l'Etat.
Le système que nous venons d'esquisser
se complète par des règles précises, d'a-
près lesquelles on fixera désormais la quo-
tité de la subvention de l'Etat aux com
munes. Jusqu'ici cette fixation était tant
soit peu arbitraire ; à l'avenir, il n'en sera
plus ainsi.
L'Etat se déterminera d'après un double
élément, : la richesse de la commune et
l'étendue de ses charges exceptionnelles.
La su vention comprendra deux portions :
l'une inversement proportionnelle au pro-
duit du centime communal, l'autre directe-
m nt proportion elle au nombre des cen-
times additionnels dont la commune est
imposée. De toute manière, la subvention
totale ne pou ra être supérieure à 80 010
ni inférieure à 15 uLO.
Un système analogue est appliqué à la
construction des établissements d'ensei-
gnement secondaire ou supérieur, qui sont
construits à frais communs par l'Etat d'un
côt , les villes ou les départements de
l'autre.
Enfin le reliquat de l'ancienne caisse
des lycées sera re ris par l'Etat et affecté
à la construction ou le développement
des établissements supérieurs à la charge
de l'Etat seul.
—o—
Nous avons signalé hier le projet con-
sistant à voter immédiatement le budget
des recettes de 1885 et à renvoyer la dis-
cussion du budget des dépenses à lasession
ordinaire de janvier, afin de permettre aux
Chambres de se séparer à la fin de la se-
maine prochaine.
Ce projet n'a pas été examiné officielle-
ment ; il n'a fait que l'objet de conversa-
tions officieuses tant à la commission du
budget de la Chambre qu'à la commission
des finances du Sénat. L'initiative d'ail-
leurs doit en revenir exclusivement au
gouvernement et c'est ce matin même que
le conseil des ministres doit prendre une
résolution définitive à cet égard.
Si le gouvernement adopte le système,
il le proposera aujourd'hui à la Chambre.
Les recettes étant votées et la percep-
tion régulière de l'impôt assurée à partir
du 1er janvier, le ministre des finances
demanderait trois douzièmes provisoires
pour les dépenses. La seule difficulté pra-
tique que soulève cet expédient est de sa-
voir si l'on prendra pour base les évalua-
tions de dépenses de la commission du
budget ou le chiffre des crédits votés pour
1884.
La commission des finances du Sénat
voudrait, paraît-il, que pour ne préjuger
en rien les solutions qui seront adoptées
en 1885, on se limitât aux chiffres de 1884,
notamment en ce qui concerne le budget
des cultes.
La -question en est là; mais quelque
solution qu'on adopte définitivement, il
est désormais certain que, le budget de
i885 ne pourra pas être entièrement voté
par les Chambres avant le 31 décembre
prochain.
—o~
La commission des tarifs de douane,
qui a voté déjà un droit de 3 fr. sur les
blés, de 7 fr. sur les farines, de 1 fr. 50
sur les avoines et de 2 fr. sur les orges, a
décidé hier qu'elle n'appliquerait aucun
droit au maïs, au riz et aux graines oléa-
gineuses.
M. Graux va en conséquence rédiger
son rapport sur cette question et le dépo-
sera dans quelques jours sur le bureau de
la Chambre.
On sait que le rapport de M. Raoul
Duval, concluant au rejet de la surtaxe
sur les bestiaux, est déjà déposé.
+.
A LA CHAMBRE
Les quelques députés qui sont dans
la salle discutent ou sont censés discu-
ter le budget de la guerre.
• A cette occasion, on supprime la
gendarmerie mobile, comme un luxe
inutile et coûteux, et les aumôniers des
hôpitaux. C'est malgré le ministre que
cette dernière suppression a été pro-
noncée.
L'ordre du jour a appelé ensuite la
discussion du budget de la marine, sur
lequel M. Beauquier, député de Besan-
çon, a présenté des observations. M.
Beauquier réclame des économies sur
le personnel.
Le ministre a demandé à lui répondre.
mais le renvoi à aujourd'hui a été ré-
clamé. Quelques membres ont proposé
alors de fixer à une heure, au lieu de
deux heures, l'ouverture de la séance.
Une demande de scrutin a été présentée
sur cette question, et, grâce aux absents
qui n'en peuvent mais et qu'on a fait
voter avec entrain, il a été décidé, par
338 voix contre 174 qu'on siégerait à
une heure.
Ce scrutin donne 512 votants ; il
y avait environ i60 députés présents.
A. GAULIER.
Le ministre de la marine et des colonies
vient de recevoir les nouvelles suivantes
qui complètent le télégramme que nous
avons publié hier :
Zanzibar, H décembre.
Nous avons pr's, le 6 décembre, le second
fort au sud de Vohemar, à la suite d'une mar-
che de quinze heures, faite par une colonne
composée de 300 Européens et de 900 Anta-
kares.
Nous avons pris cinq canons. Deux cents
Hovas ont été tués sur la position.
De notre côté, nous avons eu quatre bles-
sés, dont un grièvement.
LES DOUZIÈMES
Il fut un temps où la Chambre commen-
çait la discussion du budget en été. Les
membres de la commission se conten-
taient alors de trois ou quatre mois pour
se rendre compte des ressources du pays,
des crédits à ouvrir, des économies à opé-
rer. Il y a aujourd'hui sept ans que la ma-
jorité actuelle est aux affaires; elle a eu
tout le temps de se faire une opinion sur
les réformes à introduire dans les diverses
administrations. N'empêche que la dis-
cussion recule chaque année davantage.
On allègue pour excuse que le budget est
plus difficile à boucler maintenant qu'il y
a quatre ans. Cela est incontestable, mais
raison de plus pour ne pas s'y prendre au
dernier moment.
Les années précédentes, l'affaire s'est
réglée tant bien que mal ; les discussions
ont été écourtées, étriquées, mais on est
arrivé avant le 1er janvier. Cette fois, de
l'aveu de tout le monde, il est inutile d'y
songer. Il faudrait pour cela faire les bou-
chées doubles, tenir séance matin et soir,
le dimanche et les jours fériés, en un mot
déployer un zèle qui n'est pas dans les
habitudes de nos législateurs.
Ce parti a si peu de chances de triom-
pher qu'un grand nombre de députés par-
lent de s'en aller en vacances. Le Rappel
a enregistré le bruit qui assigne le 19 ou
le 20 décembre comme terme à la session,
afin de permettre aux trente députés qui
désirent changer de Chambre de prendre
part à la lutte électorale.
Comment se tirer d'affaire sans recou-
rir aux douzièmes? Voilà la question.
Les douzièmes sont impopulaires. A
tort ou à raison, le pays y voit le signe
d'une situation mal définie, d'un manque
de stabilité, et ce n'est pas précisément à
la veille des élections générales qu'il con-
vient de fournir aux adversaires de la Ré-
publique un argument dont ils se servi-
ront avec la bonne foi oui les distingue.
M. Jules Roche croii avoir trouvé une
combinaison qui permettrait de se dispen-
ser de cet expédient. Le ministre des fi-
nances serait autorisé à mandater les dé-
penses sur les chiffres proposés par la
commission du budget, réserve faite des
modifications que ces chiffres pourraient
recevoir dans une discussion ultérieure.
Autrement dit, on aurait des douzièmes
pour les dépenses, mais on n'en aurait pas
pour les recettes. Il n'y aurait que demi-
mal.
A supposer que cette mesure trouve
dans le pays l'accueil sur lequel M. Jules
Roche paraît compter, elle aurait au point
de vue financier un grave inconvénient,
celui de faire perdre au Trésor, pendant
lés deux ou trois mois qui s'écouleront
jusqu'au vote du buiget des recettes, le
bénéfice des ressources nouvelles créées
par le projet de budget de 18S5.
En présence de toutes ces difficultés, on
voit combien la minorité était fondée à de-
mander, l'automne dernier, une prompte
convocation du Parlement. On s'est obs-
tiné à réunir les Chambres au dernier mo-
ment. Le résultat, c'est que les crédits
pour le Tonkin ont été discutés alors qu'ils
étaient depuis longtemps dépensés, qu il
s'en est fallu de cinq quarts d'heure que
la loi sénatoriale ne pût être promulguée,
enfin que c'est en 1885 que sera voté le
budget de i885.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
Le khédive a reçu hier la visite des
agents de l'Allemagne et de la Russie. Ces
deux diplomates ont expliqué q .e leurs
gouvernements avaient jusqu'à présent
négligé de nommer des administrateurs
de la caisse de la Dette, mais que leur né-
gligence ne saurait avoir pour résultat de
leur enlever un droit, et qu'ils comptaient
désormais user de ce droit.
Le khédive a fait la réponse d'un
homme qui aimerait mieux parler d'autre
chose. Il s'est retranché derrière ses minis-
tres qu'il a besoin de consulter, l'Egypte,
a-t-il prétendu, « étant un pays constitu-
tionne. » j il a ensuite fait remarquer que
1 administration de la ca sse de la Dette
« n'est qu'un point particulier » ; ce qu'il
faut surtout, c'est considérer l'ensemble,
c'est-à-dire en un mot, daigner enfin jeter
un coup d'œil sur les propositions anglaises
relatives à la dette, propositions sur les-
quelles les cabinets européens se montrent
bien peu pressés de donner leur avis. — Si
le khédive ne s'est pas exprimé exacte-
ment en ces termes, ça y a ressemblé.
Reste à savoir si les cabinets se croiront
obligés pour cela de mettre plus de hâte
dans leur étude de la circulaire britan-
nique.
En attendant, le Foreign-Office doit
commencer à se dire que l'Egypte est plus
facile à prendre qu'à digérer : les repré.
sentants de toutes les puissances euro-
péennes ont, parait-il, reçu l'ordre d ap-
puyer au Caire la demande des agents de
la Russie et de l'Allemagne, et cette una-
nimité ne présage rien de bon pour l'ave-
nir des propositions anglaises ; les jour-
naux de Londres ont beau dire qu'il leur
est « indifférent » que la Dette ait six
commissaires européens au lieu de quatre,
il faut bien convenir que, si deux puis-
sances continentales, appuyées par toutes
les autres, montrent inopinément un si
grand désir de s'assurer des sièges dans le
conseil d'administration de la Dette, c'est
qu'elles ont l'intention de tirer parti de
la nouvelle position qu'elles revendiquent,
et que la possession de ces deux sièges
n'est point un détail aussi « indifférent »
que le veut bien supposer la presse de
Londres.
On croit que les ministres égyptiens au-
ront reçu, d'ici à dimanche prochain, les
instructions du cabinet anglais et qu'ils
seront en mesure de répondre aux de-
mandes des agents de la Russie et de
I Allemagne ; on ajoute que leur réponse
ne sera guère que la répétition du petit
discours plus ou moins improvisé par le
khédive. Nous verrons ensuite si tout sera
fini par là. C'est, à dire le vrai, infiniment
peu probable.
LES ON-DIT
Je ne sais quel mauvais plaisant s'était
amusé à faire courir le bruit dans les
journaux que le concours pour la décora-
tion de la mairie de Courbevoie, reconnu
insuffisant, était à recommencer.
Cette fausse nouvelle nous avait d'autant
plus surpris que ce concours, dont nous
avons rendu compte dans le Rappel du 9
décembre, nous avait semblé remarqua-
ble..
La vérité est que le jury chargé de la
juger, composé du préfet le la Seine, pré-
sident, et de MM. Alphand, Kaempfen,
Collin, Delhomme, Jobbé-Duval, Bougue-
reau, Humbert, Puvis de Chavannes, avec
M. Armand Renaud comme secrétaire, a
choisi hier matin les trois artistes appelés
à prendre part au second degré du con-
cours.
Ce sont, par ordre alphabétique : MM.
Chartran, Delahaye et Picard, Séon.
La production des cartons exécutés par
les artistes devant avoir lieu dans un délai
de deux mois, il sera procédé au juge-
ment définitif vers le 15 février prochain.
De plus, le jury, en raison de l'impor-
tance du concours, a cru devoir mention-
ner les artistes dont les noms suivent par
ordre alphabétique :
MM. Boureau et Braconnot ; Brown (Le-
wis), Debon, Delance, Heill, Jobbé-Duval
fils, Lafon (François), Laurent (Ernest),
Ravant, Royer (Lionel), Vimont.
Dans notre compte-rendu, nous avions -
distingué neuf projets, en tête desquels
nous mettions celui de M. Chartran.
Sur ce nombre, le jury en a choisi
huit : ceux de MM. Chartran, Delahaye et
Picard, pour le concours du second degré,
et, comme reconnus dignes d'être men-
tionnés, les projets de MM. Delance, La-
fon, Lewis Brown, Heill, Jobbé-Ûuval et
Lionel Rover.
w ?
CO
Hier matin, dès neuf heures, le salon du
petit hôtel qu'habitait Bastien-Lepage, 12,
rue Legnndre, avait été tranformé en
chapelle ardente, et bientôt le sol dispa-
raissait sous un amas de bouquets et de
couronnes.
Un grand nombre d'amis et d'artistes
sont venus rendre un dernier hommage
au peintre regretté.
Ci.ons : MM. Georges Clairin, Mathieu
Meusnier, auteur du médailon pla cé sur le
monument de Martin Bernard, Carolus
Duran, Feyen-Perriu, Dargent, Berne Bel-
lecour, A. Dreyfus, Albert Wolff, Georges
Mazens, Romanoff, Munkacsy, Bougue-
reau, Cabanel, Meissonier, Jules Val idier,
Aimé Millet, Déroulède, Andrieux, Bou-
douresque, les frères Coquelin, Antonin
Proust, Turquet, le colonel Lichtenstein.
Castagnary, Caiileteau, Dubuffe, l'archi-
prêtre D. Wassiliefï, Ed. Goudchaux, Mmes
Marie Heilbronn, Worms.
Les honneurs militaires — Bastien-Le-
page était chevalier de la Légion d'hon-
neur — ont été rendus par un détache-
ment du 28e de ligne.
Le deuil était conduit par M. Emile
Bastien-Lepage, frère du défunt.
Le corbillard, surchargé de fleurs, était
entouré par six membres de l'Association
des artistes, et derrière marchaient les
élèves et les garçons de l'Ecole des beaux-
arts.
Le corps, transporté à la gare de l'Est,
est parti hier soir, à neuf heures, pour
être inhumé à Damvilliers,
Feuilleton du RAPPEL
DU i4 DÉCEMBRE
,."-,*:,, .,,- ',-
148
LE
ROI DES MENDIANTS
co
DEUXIÈME PARTI.
- LA MËBE 1
XLII
le Père. — (Suite)
Roïland reprit, ça changeant de ton :
— Vois-tu. te n'ai jamais connu la
douceur d'un foyer. Ma mère mourut en
me mettant au monde ; mon père, quand
je n'étais encore qu'un enfant, fut tué
dans une insurrection contre les Russes.
Des étrangers ont eu soin de moi. et
c'est sur la terre étrangère que j'ai pous-
sé, privé de la chaleur, des caresses de la
famille. J'ai vécu seul ! Aujourd'hui, je
Reproduction interdite. ",'
voir le Rappel du 9 juillet au 13 décembre.
suis. j'étais seul avant. Toi! et c'est tout,
ma fille chérie; mais c'est assez, si tu
m'aimes, comme tu viens de le dire, pour
tous ceux dont je n'ai jamais connu l'af-
fection !
— C'est pour ce'a que je suis venue et
que je reste, mon père!
— Mais que ce sera triste pour toit
— Comment?
— A ton âge, cette vie froide près d'un
malade. car je sens combien je suis usé,
vieux avant l'âge.
- Je te rendrai la jeunesse !
— Et moi, que te. donnerai-je en
échange?
— La joie de te voir heureux. de t'en-
tendre bénir l'existence.
— Je voudrais pourtant, moi aussi, te
donner du bonheur. Il me semble.
Il cherchait avec effort un vague souve-
nir qui ne revenait pas.
- Il me semble, répéta-t-il, qu'il y a un
moyen. que j'avais aussi une bonne nou-
velle à t'apprendre.
— Une bonne nouvelle ?
- Ah ! oui, oui, c'est cela]. J'y suis !.
Je retrouve !. j'étais un ingrat 1
Irène le regardait avec étonnement, ne
sachant où il voulait en venir.
Rochegrise dressa l'oreille et pencha la
tête-
Lui, [il devinait de quoi Rolland allait
parler ?
— Un ingrat ! dit encore Rodzinski ;
quelqu'un avant toi s'est occupé de moi,
m'a donné des preuves de sympathie,
d'amitié. que dis-je? d'un dévouement
fraternel !
— Ah! fit Irène qui ne songeait même
pas que cela pût avoir trait au baron.
— Oui, un homme. Alors que tout
était fini pour moi, il m'a ouvert les portes
du cachot où j'agonisais, furieux et déses-
péré. Il m'a rendu la liberté, le grand
air. Il m'a rendu la raison. C'est encore
à lui que je dois d'avoir retrouvé ma
fille.
Rolland serra son enfant contre sa poi-
trine, la couvrant de ces baisers paternels
dont ses lèvres ne pouvaient se rassasier.
— A cet homme, je dois tout!. Mais
je puis m'acquitter envers lui. m'acquit-
ter en faisant également ton bonheur 1
Rochegrise quitta doucement la place
qu'il occupait dans l'ombre, pour se rap-
procher du groupe formé par le père et la
fille.
Rolland, qui lui tournait le dos, ab-
sorbé d'ailleurs par la violence de ses sen-
sations, ne le remarqua pas.
Irène, qui craignait de comprendre, l'a-
perçut, au contraire.
T ours deux regards se croisèrent.
Celui du baron, impérieux, lui disant :
— Songez à votre mère.
Celui de la jeune fille, hésitant et sem-
blant demander grâce.
— Nous parlerons de cela plus tard!
dit-elle précipitamment;
— Non, non, tout de suite!. Pourquoi
attendre? reprit Rolland. Je possède, en
ce moment, toute ma raison. Jamais je
n'ai eu le cerveau plus clair. Il faut en
profiter 1. Qui sait, murmura-t-il presque
bas, si cela durera toujours, si la nuit et les
cauchemars qui la hantent ne reviendront
pas?
Un frisson glacé avait parcouru son
corps épuisé.
— Tais-toi ! Ne crains pas cela ! lui dit-
elle tendrement. Je suis là. Je les chas-
serai 1
Au même instant, Rochegrise apparut
devant lui.
Il ne fallait pas perdre l'occasion. Il
fallait enlever la victoire d'assaut et brus-
quement.
— Ah ! mon ami ! s'écria Rolland, en lui
tendant la main, merci l
- Vous voyez que j'ai tenu toutes mes
promesses 1 répliqua le baron. ,
— Oui, toutes, toutes! répondit le mal-
heureux. Et même au delà !
— Irène, ajouta-t-il, en s'adressant à sa
fille, regarde cet homme. C'est celui à
qui je dois le plus grand bonheur de
ma vie. je pourrais dire le seul! C'est
celui qui serait digne de me remplacer
auprès de toi. celui qui me remplacera
certainement un jour.
Irène était devenue très pâle et très
froide.
— Je le connais-, répondit-elle simple-
ment.
— C'est un grand cœur, poursuivit Rol-
land; un haut esprit. qui a compris que
son œuvre n'était pas achevée tant qu'il
lui resterait quelque chose à faire pour
nous, et qui, après la joie sans nom de me
rendre ma fille, me donne la joio de pou-
voir le remercier en assurant ton avenir,
en te donnant l'existence la plus brillante
et la plus enviable.
— Mon père, je ne désire qu'une chose :
rester près de toi, te consacrer mon exis-
tence, mettre à tes lèvres autant de sou-
rires, désormais, que tes yeux ont contenu
de larmes jadis 1
- Eh bien, mademoiselle. ma chère
enfant, votre père va vous en indiquer le
moyen lui-même, vous dire comment il
vous sera facile de couronner son bon-
heur, d'y ajouter même!.
Irène se tut.
Tout son corps se glaçait.
On allait lui demander encore le sacri-
fice suprême; on allait lui demander de
tuer celui qu'elle aimait.
— Oui. mon Irène adorée. Hector de
Rochegrise, le fils du baron, de mon
sauveur. t'aime. Vous vous con-
naissez. Un mariage unira nos deux fa-
milles. Nous n'en formerons qu'une.
Tu auras deux pères, et j'aurai deux
enfants!. Oh ! mon Dieu, mon Dieu, la
vie est donc bonne, la créature peut donc
vous bénir, parfois ! et vous tenez en ré-
serve pour ceux que vous avez frappés le
plus cruellement de ces réveils de bon-
heur, de ces retours de joie, qui effacent
toutes les douleurs passées, et font dire :
Je n'ai pas trop souffert.
Rolland, avec cette exaltation et cette
foi un peu enfantine qu'il devait à sa na-
ture d'artiste et à sa race slave avait, en
parlant ainsi, levé ses yeux pleins de lar-
mes de reconnaissance, comme on le fait
dans la prière. Une sorte d'extase parut
s'être emparée de lui.
Ses lèvres s'agitaient pour quelque orai-
son intime et fervente où son âme entière
était passée. On eût juré qu'il n'était plus
sur cette terre. :
Il allait y retomber 1
At MATTHEY,
(A suivre.1
l
- JfflMINISTRATIOlï X -
,$3, JOIE DE V ALOJS 1 la
ABONNEMENTS
TARIS
Tpeis mois 10 J)
Six mois. 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
six mois 21 4
Alresser lettres et mandats t
4M. ERNEST LEFÈVRE* î
, ,---'1
ADMINISTRATEUR GERANT V '1',
21 - -
REDACTION :
S'adresser au Secrétaire ae la Réfaction,
Deêcà 6 heures du soit*
18, HUE DE VALOIS t 18
les manuscrit non insérés ne seront pas rendus
ANNONCES
mr. Ch. IAGRANGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
LES DÉLÉGUÉS DE PARIS
La très honorable démission du com-
mandant Labordère donne à Paris un
sénateur à nommer. Le conseil muni-
cipal va donc avoir à choisir ses délé-
gués. Les autres fois, il n'avait droit
qu'à un, et, notons-le en passant, ce
conseil municipal, que ses ennemis
présentent comme absurdement nive-
leur et hostile à toutes les supériorités,
a toujours choisi Victor Hugo.
Cette fois, ce n'est plus a un délégué
qu'il a droit, la loi nouvelle lui en
accorde trente. Qui choisira-t-il?
Les conseillers municipaux de pro-
vince prennent généralement leurs dé-
légués parmi eux1. Mais les couseillers
municipaux de Paris sont en même
temps conseillers généraux de la Seine
et, en cette qualité, électeurs sénato-
riaux. La délégation des conseillers
ferait double emploi.
On prête à quelques conseillers l'idée
de voter pour les candidats autonomis-
tes qui, aux dernières élections mu-
nicipales, sont restés sur le carreau.
Ce n'est pas nous qui trouverions
inaptes à faire des délégués ceux que
nous avons trouvés aptes à faire des
conseillers. Et nous les soutiendrons
aux prochaines élections municipales
comme aux précédentes. Mais dans le
cas présent, notre opinion est que leur
nomination serait une double faute.
On se souvient des protestations qu'a
soulevées plus d'une fois le Sénat en
« réparant les injustices du suffrage
universel » et en allant chercher ses ina-
movibles parmi les blackboulés. C'a
été une des choses qui ont le plus con.
tribué à tuer l'inamovibilité et à décon-
sidérer le Sénat. C'était, disait-on jus-
tement, faire du Luxembourg l'hôpital
des blessés électoraux, l'hôtel des inva-
lides de la politique. C'était insulter le
pays; c'était lui dire : — Tu es incapa-
ble de choisir; tu avais devant toi un
candidat doué de toutes les qualités qui
font le bon législateur, et tu en as pré-
féré un autre; heureusement que nous
sommes là pour corriger tes bêtises;
nous allons t'imposer celui dont tu n'as
pas voulu. Ah ! tu n'as pas voulu de
lui pour quatre ans? eh bien, tu le su-
biras à perpétuité. Et que ceci te serve
de leçon 1
La leçon que le Sénat donnait au suf-
frage universel en prenant ses inamo-
vibles dans les refusés des élections lé-
gislatives, le conseil municipal la don-
nerait en prenant ses délégués dans les
refusés des élections municipales.
Supposons que les réactionnaires
aiant la majorité au conseil et que,
maîtres du choix des trente délégués,
ils choisissent trente blackboulés des
élections passées : quels cris ne pousse-
raient pas ceux qui proposent de nom-
mer nos blackboulés à nous !
Et à quel moment ferions-nous cette
manifestation contre le suffrage uni-
versel?
------
1 Au lendemain du jour où nous ve-
nons de faire campagne pour le suffrage
universel. Quand nous avons failli le
faire entrer au Luxembourg même.
Quand nous reprochons violemment au
Sénat de lui avoir fermé sa porte.
Quand nous ne pardonnons pas à la
Chambre de s'être démentie, de n'a-
voir pas tenu bon et de n'avoir pas
accepté l'anéantissement de là loi
nouvelle et la démission du gouverne-
ment plutôt que de revenir sur le vole
qui faisait élire les sénateurs par le
même suffrage que les députés. C'est
au moment où nous glorifions le suf-
frage universel, où nous le déclarons le
seul suffrage républicain et la condition
absolue de la démocratie, que nous le
déclarerions inepte et stupide et que
nous lui administrerions une bonne
correction!
Et par qui ferions-nous corriger le
suffrage que nous trouvons excellent?
Par celui que nous trouvons détestalle.
Par celui qui a été conservé malgré
nous. Quel triomphe pour nos adver-
saires, et comme ils riraient de nous,
s'ils nous voyaient faire du petit suf-
frage la cour de cassation du grand !
Plusieurs des vaincus des dernières
élections sont de nos amis, et nous es-
pérons pour eux une prochaine revan-
che, — mais par le suffrage universel.
Qu'ils en appellent de Philippe ivre à
Philippe à jeun, du suffrage universel
trompé au suffrage universel éclairé.
Mais ce n'est pas à des partisans du
suffrage universel de faire casser les
arrêts du suffrage universel par le suf-
frage restreint.
; AUGUSTE VACQUERIE.
i—■ —
COULISSES DES CHAMBRES.
Le ministre de l'instruction publique
vient de déposer, sur le bureau de la Cham-
bre, le projet de loi sur la caisse des éco-
les et des lycées et collèges, dont nous
avons déjà indiqué le but d'une manière
générale.
Aujourd'hui, nous pouvons donner des
renseignements plus détaillés sur ce projet
si important, qui ne comporte pas moins
d'un demi-mildard de dépenses pour les
trois ordres d'enseignement public : pri-
maire, secondaire et supérieur. C'est na-
turellement l'enseignement primaire qui
occupe la plus large part dans ce projet,
vu l'étendue des besoins auxquels il y a
lieu de satisfaire.
Jusqu'ici, on sait que c'est l'Etat qui se
chargeait d'avancer aux communes les
fonds nécessaires à la construction de
maisonsrd'éQole. La caisse créée dans ce
but et alimentée par l'Etat faisait le ser-
vice des emprunts contractés par les com-
munes, et en même temps celui des sub-
ventions que l'Etat accordait d'autre part
pour le même objet.
Désormais l'Etat se bornera à accorder
des subventions et se décharge complète-
ment du service des avances. Les com-
munes emprunteront directement à tel
établissement de crédit qu'il leur plaira,
Crédit foncier ou autre.
Le remboursement se ferait en quarante
années, mais l'exécution des travaux se
ferait en douze années. Le programme des
travaux restant à exécuter pour achever
notre outillage scolaire a été rigoureuse-
ment délimité d'avance.
L'enquête faite par le ministère de l'ins-
truction publique a révélé qu'il reste en-
core 24,000 communes, sur 36,000, où il
y a des écoles de hameau ou des écoles
primaires à construire pour recevoir tous
les enfants que la loi sur l'obligation force
à recevoir l'enseignement primaire.
D'autre part, se fondant sur l'expérience
des quatre dernières années, le ministère
de l'instruction publique a évalué d'avancé
le coût de ces écoles. Il a fixé à 12,000 fr.
la dépense pour la construction d'une
école de hameau, 15,000 pour une école
communale et 28,000 pour un groupe sco-
laire de deux classes, avec supplément de
12,000 francs par chaque classe en plus.
En partant de ces chiffres, on a trouvé
que la dépense totale s'élèverait à 391 mil-
lions dont moitié environ à la charge des
communes et moitié à la charge de
l'Etat.
En outre on prévoit, en dehors de cette
dépense, celle résultant de la construction
d'écoles facultatives telles qu'écoles pri-
maires supérieures et d'apprentissage.
Cette dépense est évaluée à 60 millions,
dont moitié pour les communes et moitié
pour l'Etat.
Le système que nous venons d'esquisser
se complète par des règles précises, d'a-
près lesquelles on fixera désormais la quo-
tité de la subvention de l'Etat aux com
munes. Jusqu'ici cette fixation était tant
soit peu arbitraire ; à l'avenir, il n'en sera
plus ainsi.
L'Etat se déterminera d'après un double
élément, : la richesse de la commune et
l'étendue de ses charges exceptionnelles.
La su vention comprendra deux portions :
l'une inversement proportionnelle au pro-
duit du centime communal, l'autre directe-
m nt proportion elle au nombre des cen-
times additionnels dont la commune est
imposée. De toute manière, la subvention
totale ne pou ra être supérieure à 80 010
ni inférieure à 15 uLO.
Un système analogue est appliqué à la
construction des établissements d'ensei-
gnement secondaire ou supérieur, qui sont
construits à frais communs par l'Etat d'un
côt , les villes ou les départements de
l'autre.
Enfin le reliquat de l'ancienne caisse
des lycées sera re ris par l'Etat et affecté
à la construction ou le développement
des établissements supérieurs à la charge
de l'Etat seul.
—o—
Nous avons signalé hier le projet con-
sistant à voter immédiatement le budget
des recettes de 1885 et à renvoyer la dis-
cussion du budget des dépenses à lasession
ordinaire de janvier, afin de permettre aux
Chambres de se séparer à la fin de la se-
maine prochaine.
Ce projet n'a pas été examiné officielle-
ment ; il n'a fait que l'objet de conversa-
tions officieuses tant à la commission du
budget de la Chambre qu'à la commission
des finances du Sénat. L'initiative d'ail-
leurs doit en revenir exclusivement au
gouvernement et c'est ce matin même que
le conseil des ministres doit prendre une
résolution définitive à cet égard.
Si le gouvernement adopte le système,
il le proposera aujourd'hui à la Chambre.
Les recettes étant votées et la percep-
tion régulière de l'impôt assurée à partir
du 1er janvier, le ministre des finances
demanderait trois douzièmes provisoires
pour les dépenses. La seule difficulté pra-
tique que soulève cet expédient est de sa-
voir si l'on prendra pour base les évalua-
tions de dépenses de la commission du
budget ou le chiffre des crédits votés pour
1884.
La commission des finances du Sénat
voudrait, paraît-il, que pour ne préjuger
en rien les solutions qui seront adoptées
en 1885, on se limitât aux chiffres de 1884,
notamment en ce qui concerne le budget
des cultes.
La -question en est là; mais quelque
solution qu'on adopte définitivement, il
est désormais certain que, le budget de
i885 ne pourra pas être entièrement voté
par les Chambres avant le 31 décembre
prochain.
—o~
La commission des tarifs de douane,
qui a voté déjà un droit de 3 fr. sur les
blés, de 7 fr. sur les farines, de 1 fr. 50
sur les avoines et de 2 fr. sur les orges, a
décidé hier qu'elle n'appliquerait aucun
droit au maïs, au riz et aux graines oléa-
gineuses.
M. Graux va en conséquence rédiger
son rapport sur cette question et le dépo-
sera dans quelques jours sur le bureau de
la Chambre.
On sait que le rapport de M. Raoul
Duval, concluant au rejet de la surtaxe
sur les bestiaux, est déjà déposé.
+.
A LA CHAMBRE
Les quelques députés qui sont dans
la salle discutent ou sont censés discu-
ter le budget de la guerre.
• A cette occasion, on supprime la
gendarmerie mobile, comme un luxe
inutile et coûteux, et les aumôniers des
hôpitaux. C'est malgré le ministre que
cette dernière suppression a été pro-
noncée.
L'ordre du jour a appelé ensuite la
discussion du budget de la marine, sur
lequel M. Beauquier, député de Besan-
çon, a présenté des observations. M.
Beauquier réclame des économies sur
le personnel.
Le ministre a demandé à lui répondre.
mais le renvoi à aujourd'hui a été ré-
clamé. Quelques membres ont proposé
alors de fixer à une heure, au lieu de
deux heures, l'ouverture de la séance.
Une demande de scrutin a été présentée
sur cette question, et, grâce aux absents
qui n'en peuvent mais et qu'on a fait
voter avec entrain, il a été décidé, par
338 voix contre 174 qu'on siégerait à
une heure.
Ce scrutin donne 512 votants ; il
y avait environ i60 députés présents.
A. GAULIER.
Le ministre de la marine et des colonies
vient de recevoir les nouvelles suivantes
qui complètent le télégramme que nous
avons publié hier :
Zanzibar, H décembre.
Nous avons pr's, le 6 décembre, le second
fort au sud de Vohemar, à la suite d'une mar-
che de quinze heures, faite par une colonne
composée de 300 Européens et de 900 Anta-
kares.
Nous avons pris cinq canons. Deux cents
Hovas ont été tués sur la position.
De notre côté, nous avons eu quatre bles-
sés, dont un grièvement.
LES DOUZIÈMES
Il fut un temps où la Chambre commen-
çait la discussion du budget en été. Les
membres de la commission se conten-
taient alors de trois ou quatre mois pour
se rendre compte des ressources du pays,
des crédits à ouvrir, des économies à opé-
rer. Il y a aujourd'hui sept ans que la ma-
jorité actuelle est aux affaires; elle a eu
tout le temps de se faire une opinion sur
les réformes à introduire dans les diverses
administrations. N'empêche que la dis-
cussion recule chaque année davantage.
On allègue pour excuse que le budget est
plus difficile à boucler maintenant qu'il y
a quatre ans. Cela est incontestable, mais
raison de plus pour ne pas s'y prendre au
dernier moment.
Les années précédentes, l'affaire s'est
réglée tant bien que mal ; les discussions
ont été écourtées, étriquées, mais on est
arrivé avant le 1er janvier. Cette fois, de
l'aveu de tout le monde, il est inutile d'y
songer. Il faudrait pour cela faire les bou-
chées doubles, tenir séance matin et soir,
le dimanche et les jours fériés, en un mot
déployer un zèle qui n'est pas dans les
habitudes de nos législateurs.
Ce parti a si peu de chances de triom-
pher qu'un grand nombre de députés par-
lent de s'en aller en vacances. Le Rappel
a enregistré le bruit qui assigne le 19 ou
le 20 décembre comme terme à la session,
afin de permettre aux trente députés qui
désirent changer de Chambre de prendre
part à la lutte électorale.
Comment se tirer d'affaire sans recou-
rir aux douzièmes? Voilà la question.
Les douzièmes sont impopulaires. A
tort ou à raison, le pays y voit le signe
d'une situation mal définie, d'un manque
de stabilité, et ce n'est pas précisément à
la veille des élections générales qu'il con-
vient de fournir aux adversaires de la Ré-
publique un argument dont ils se servi-
ront avec la bonne foi oui les distingue.
M. Jules Roche croii avoir trouvé une
combinaison qui permettrait de se dispen-
ser de cet expédient. Le ministre des fi-
nances serait autorisé à mandater les dé-
penses sur les chiffres proposés par la
commission du budget, réserve faite des
modifications que ces chiffres pourraient
recevoir dans une discussion ultérieure.
Autrement dit, on aurait des douzièmes
pour les dépenses, mais on n'en aurait pas
pour les recettes. Il n'y aurait que demi-
mal.
A supposer que cette mesure trouve
dans le pays l'accueil sur lequel M. Jules
Roche paraît compter, elle aurait au point
de vue financier un grave inconvénient,
celui de faire perdre au Trésor, pendant
lés deux ou trois mois qui s'écouleront
jusqu'au vote du buiget des recettes, le
bénéfice des ressources nouvelles créées
par le projet de budget de 18S5.
En présence de toutes ces difficultés, on
voit combien la minorité était fondée à de-
mander, l'automne dernier, une prompte
convocation du Parlement. On s'est obs-
tiné à réunir les Chambres au dernier mo-
ment. Le résultat, c'est que les crédits
pour le Tonkin ont été discutés alors qu'ils
étaient depuis longtemps dépensés, qu il
s'en est fallu de cinq quarts d'heure que
la loi sénatoriale ne pût être promulguée,
enfin que c'est en 1885 que sera voté le
budget de i885.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
Le khédive a reçu hier la visite des
agents de l'Allemagne et de la Russie. Ces
deux diplomates ont expliqué q .e leurs
gouvernements avaient jusqu'à présent
négligé de nommer des administrateurs
de la caisse de la Dette, mais que leur né-
gligence ne saurait avoir pour résultat de
leur enlever un droit, et qu'ils comptaient
désormais user de ce droit.
Le khédive a fait la réponse d'un
homme qui aimerait mieux parler d'autre
chose. Il s'est retranché derrière ses minis-
tres qu'il a besoin de consulter, l'Egypte,
a-t-il prétendu, « étant un pays constitu-
tionne. » j il a ensuite fait remarquer que
1 administration de la ca sse de la Dette
« n'est qu'un point particulier » ; ce qu'il
faut surtout, c'est considérer l'ensemble,
c'est-à-dire en un mot, daigner enfin jeter
un coup d'œil sur les propositions anglaises
relatives à la dette, propositions sur les-
quelles les cabinets européens se montrent
bien peu pressés de donner leur avis. — Si
le khédive ne s'est pas exprimé exacte-
ment en ces termes, ça y a ressemblé.
Reste à savoir si les cabinets se croiront
obligés pour cela de mettre plus de hâte
dans leur étude de la circulaire britan-
nique.
En attendant, le Foreign-Office doit
commencer à se dire que l'Egypte est plus
facile à prendre qu'à digérer : les repré.
sentants de toutes les puissances euro-
péennes ont, parait-il, reçu l'ordre d ap-
puyer au Caire la demande des agents de
la Russie et de l'Allemagne, et cette una-
nimité ne présage rien de bon pour l'ave-
nir des propositions anglaises ; les jour-
naux de Londres ont beau dire qu'il leur
est « indifférent » que la Dette ait six
commissaires européens au lieu de quatre,
il faut bien convenir que, si deux puis-
sances continentales, appuyées par toutes
les autres, montrent inopinément un si
grand désir de s'assurer des sièges dans le
conseil d'administration de la Dette, c'est
qu'elles ont l'intention de tirer parti de
la nouvelle position qu'elles revendiquent,
et que la possession de ces deux sièges
n'est point un détail aussi « indifférent »
que le veut bien supposer la presse de
Londres.
On croit que les ministres égyptiens au-
ront reçu, d'ici à dimanche prochain, les
instructions du cabinet anglais et qu'ils
seront en mesure de répondre aux de-
mandes des agents de la Russie et de
I Allemagne ; on ajoute que leur réponse
ne sera guère que la répétition du petit
discours plus ou moins improvisé par le
khédive. Nous verrons ensuite si tout sera
fini par là. C'est, à dire le vrai, infiniment
peu probable.
LES ON-DIT
Je ne sais quel mauvais plaisant s'était
amusé à faire courir le bruit dans les
journaux que le concours pour la décora-
tion de la mairie de Courbevoie, reconnu
insuffisant, était à recommencer.
Cette fausse nouvelle nous avait d'autant
plus surpris que ce concours, dont nous
avons rendu compte dans le Rappel du 9
décembre, nous avait semblé remarqua-
ble..
La vérité est que le jury chargé de la
juger, composé du préfet le la Seine, pré-
sident, et de MM. Alphand, Kaempfen,
Collin, Delhomme, Jobbé-Duval, Bougue-
reau, Humbert, Puvis de Chavannes, avec
M. Armand Renaud comme secrétaire, a
choisi hier matin les trois artistes appelés
à prendre part au second degré du con-
cours.
Ce sont, par ordre alphabétique : MM.
Chartran, Delahaye et Picard, Séon.
La production des cartons exécutés par
les artistes devant avoir lieu dans un délai
de deux mois, il sera procédé au juge-
ment définitif vers le 15 février prochain.
De plus, le jury, en raison de l'impor-
tance du concours, a cru devoir mention-
ner les artistes dont les noms suivent par
ordre alphabétique :
MM. Boureau et Braconnot ; Brown (Le-
wis), Debon, Delance, Heill, Jobbé-Duval
fils, Lafon (François), Laurent (Ernest),
Ravant, Royer (Lionel), Vimont.
Dans notre compte-rendu, nous avions -
distingué neuf projets, en tête desquels
nous mettions celui de M. Chartran.
Sur ce nombre, le jury en a choisi
huit : ceux de MM. Chartran, Delahaye et
Picard, pour le concours du second degré,
et, comme reconnus dignes d'être men-
tionnés, les projets de MM. Delance, La-
fon, Lewis Brown, Heill, Jobbé-Ûuval et
Lionel Rover.
w ?
CO
Hier matin, dès neuf heures, le salon du
petit hôtel qu'habitait Bastien-Lepage, 12,
rue Legnndre, avait été tranformé en
chapelle ardente, et bientôt le sol dispa-
raissait sous un amas de bouquets et de
couronnes.
Un grand nombre d'amis et d'artistes
sont venus rendre un dernier hommage
au peintre regretté.
Ci.ons : MM. Georges Clairin, Mathieu
Meusnier, auteur du médailon pla cé sur le
monument de Martin Bernard, Carolus
Duran, Feyen-Perriu, Dargent, Berne Bel-
lecour, A. Dreyfus, Albert Wolff, Georges
Mazens, Romanoff, Munkacsy, Bougue-
reau, Cabanel, Meissonier, Jules Val idier,
Aimé Millet, Déroulède, Andrieux, Bou-
douresque, les frères Coquelin, Antonin
Proust, Turquet, le colonel Lichtenstein.
Castagnary, Caiileteau, Dubuffe, l'archi-
prêtre D. Wassiliefï, Ed. Goudchaux, Mmes
Marie Heilbronn, Worms.
Les honneurs militaires — Bastien-Le-
page était chevalier de la Légion d'hon-
neur — ont été rendus par un détache-
ment du 28e de ligne.
Le deuil était conduit par M. Emile
Bastien-Lepage, frère du défunt.
Le corbillard, surchargé de fleurs, était
entouré par six membres de l'Association
des artistes, et derrière marchaient les
élèves et les garçons de l'Ecole des beaux-
arts.
Le corps, transporté à la gare de l'Est,
est parti hier soir, à neuf heures, pour
être inhumé à Damvilliers,
Feuilleton du RAPPEL
DU i4 DÉCEMBRE
,."-,*:,, .,,- ',-
148
LE
ROI DES MENDIANTS
co
DEUXIÈME PARTI.
- LA MËBE 1
XLII
le Père. — (Suite)
Roïland reprit, ça changeant de ton :
— Vois-tu. te n'ai jamais connu la
douceur d'un foyer. Ma mère mourut en
me mettant au monde ; mon père, quand
je n'étais encore qu'un enfant, fut tué
dans une insurrection contre les Russes.
Des étrangers ont eu soin de moi. et
c'est sur la terre étrangère que j'ai pous-
sé, privé de la chaleur, des caresses de la
famille. J'ai vécu seul ! Aujourd'hui, je
Reproduction interdite. ",'
voir le Rappel du 9 juillet au 13 décembre.
suis. j'étais seul avant. Toi! et c'est tout,
ma fille chérie; mais c'est assez, si tu
m'aimes, comme tu viens de le dire, pour
tous ceux dont je n'ai jamais connu l'af-
fection !
— C'est pour ce'a que je suis venue et
que je reste, mon père!
— Mais que ce sera triste pour toit
— Comment?
— A ton âge, cette vie froide près d'un
malade. car je sens combien je suis usé,
vieux avant l'âge.
- Je te rendrai la jeunesse !
— Et moi, que te. donnerai-je en
échange?
— La joie de te voir heureux. de t'en-
tendre bénir l'existence.
— Je voudrais pourtant, moi aussi, te
donner du bonheur. Il me semble.
Il cherchait avec effort un vague souve-
nir qui ne revenait pas.
- Il me semble, répéta-t-il, qu'il y a un
moyen. que j'avais aussi une bonne nou-
velle à t'apprendre.
— Une bonne nouvelle ?
- Ah ! oui, oui, c'est cela]. J'y suis !.
Je retrouve !. j'étais un ingrat 1
Irène le regardait avec étonnement, ne
sachant où il voulait en venir.
Rochegrise dressa l'oreille et pencha la
tête-
Lui, [il devinait de quoi Rolland allait
parler ?
— Un ingrat ! dit encore Rodzinski ;
quelqu'un avant toi s'est occupé de moi,
m'a donné des preuves de sympathie,
d'amitié. que dis-je? d'un dévouement
fraternel !
— Ah! fit Irène qui ne songeait même
pas que cela pût avoir trait au baron.
— Oui, un homme. Alors que tout
était fini pour moi, il m'a ouvert les portes
du cachot où j'agonisais, furieux et déses-
péré. Il m'a rendu la liberté, le grand
air. Il m'a rendu la raison. C'est encore
à lui que je dois d'avoir retrouvé ma
fille.
Rolland serra son enfant contre sa poi-
trine, la couvrant de ces baisers paternels
dont ses lèvres ne pouvaient se rassasier.
— A cet homme, je dois tout!. Mais
je puis m'acquitter envers lui. m'acquit-
ter en faisant également ton bonheur 1
Rochegrise quitta doucement la place
qu'il occupait dans l'ombre, pour se rap-
procher du groupe formé par le père et la
fille.
Rolland, qui lui tournait le dos, ab-
sorbé d'ailleurs par la violence de ses sen-
sations, ne le remarqua pas.
Irène, qui craignait de comprendre, l'a-
perçut, au contraire.
T ours deux regards se croisèrent.
Celui du baron, impérieux, lui disant :
— Songez à votre mère.
Celui de la jeune fille, hésitant et sem-
blant demander grâce.
— Nous parlerons de cela plus tard!
dit-elle précipitamment;
— Non, non, tout de suite!. Pourquoi
attendre? reprit Rolland. Je possède, en
ce moment, toute ma raison. Jamais je
n'ai eu le cerveau plus clair. Il faut en
profiter 1. Qui sait, murmura-t-il presque
bas, si cela durera toujours, si la nuit et les
cauchemars qui la hantent ne reviendront
pas?
Un frisson glacé avait parcouru son
corps épuisé.
— Tais-toi ! Ne crains pas cela ! lui dit-
elle tendrement. Je suis là. Je les chas-
serai 1
Au même instant, Rochegrise apparut
devant lui.
Il ne fallait pas perdre l'occasion. Il
fallait enlever la victoire d'assaut et brus-
quement.
— Ah ! mon ami ! s'écria Rolland, en lui
tendant la main, merci l
- Vous voyez que j'ai tenu toutes mes
promesses 1 répliqua le baron. ,
— Oui, toutes, toutes! répondit le mal-
heureux. Et même au delà !
— Irène, ajouta-t-il, en s'adressant à sa
fille, regarde cet homme. C'est celui à
qui je dois le plus grand bonheur de
ma vie. je pourrais dire le seul! C'est
celui qui serait digne de me remplacer
auprès de toi. celui qui me remplacera
certainement un jour.
Irène était devenue très pâle et très
froide.
— Je le connais-, répondit-elle simple-
ment.
— C'est un grand cœur, poursuivit Rol-
land; un haut esprit. qui a compris que
son œuvre n'était pas achevée tant qu'il
lui resterait quelque chose à faire pour
nous, et qui, après la joie sans nom de me
rendre ma fille, me donne la joio de pou-
voir le remercier en assurant ton avenir,
en te donnant l'existence la plus brillante
et la plus enviable.
— Mon père, je ne désire qu'une chose :
rester près de toi, te consacrer mon exis-
tence, mettre à tes lèvres autant de sou-
rires, désormais, que tes yeux ont contenu
de larmes jadis 1
- Eh bien, mademoiselle. ma chère
enfant, votre père va vous en indiquer le
moyen lui-même, vous dire comment il
vous sera facile de couronner son bon-
heur, d'y ajouter même!.
Irène se tut.
Tout son corps se glaçait.
On allait lui demander encore le sacri-
fice suprême; on allait lui demander de
tuer celui qu'elle aimait.
— Oui. mon Irène adorée. Hector de
Rochegrise, le fils du baron, de mon
sauveur. t'aime. Vous vous con-
naissez. Un mariage unira nos deux fa-
milles. Nous n'en formerons qu'une.
Tu auras deux pères, et j'aurai deux
enfants!. Oh ! mon Dieu, mon Dieu, la
vie est donc bonne, la créature peut donc
vous bénir, parfois ! et vous tenez en ré-
serve pour ceux que vous avez frappés le
plus cruellement de ces réveils de bon-
heur, de ces retours de joie, qui effacent
toutes les douleurs passées, et font dire :
Je n'ai pas trop souffert.
Rolland, avec cette exaltation et cette
foi un peu enfantine qu'il devait à sa na-
ture d'artiste et à sa race slave avait, en
parlant ainsi, levé ses yeux pleins de lar-
mes de reconnaissance, comme on le fait
dans la prière. Une sorte d'extase parut
s'être emparée de lui.
Ses lèvres s'agitaient pour quelque orai-
son intime et fervente où son âme entière
était passée. On eût juré qu'il n'était plus
sur cette terre. :
Il allait y retomber 1
At MATTHEY,
(A suivre.1
l
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