Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1884-07-30
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 30 juillet 1884 30 juillet 1884
Description : 1884/07/30 (N5255). 1884/07/30 (N5255).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75401996
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
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N• 6255 — Mercredi 30 Juillet 4884 Le numéro: lOc. — Départements s ISc. 13 Sserraidor an92— N* 5255
JCMINISTBATIOir ; ',,:, :'. >' '-
? 48, RUE DE VALOIS, 13
ABONNEMENTS
ÏARIS
ITrois mois 10 »
six mois..20 h
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 43 SO
Six mois 22 o.
Adresser lettres et mandats il '.:-:' i x'
9 -
A M. ERNEST LEFEYRË "à
ADMINISTRATEUR GÉRANT r,.
< - •
• RÉDACTION :
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
De 4 à 6 heures du MM*
48, RUE DE VALOIS, 18
les manuscrits non insères ne seront pas rendis
ANNONCES
3Df. Ch. IAGRANGE, CERF et GO
- C, place de la. £ ourse, 6
= LI" DÊREVIWi&L1SAT10N
t.a situation parait enfin être deve-
f nUe claire, puisque nous avons été
! obligés d'inventel' de nouveaux mots et
de faire une addition au dictionnaire
pour l'expliquer. Il ne s'agit plus, en
effet, que de déconstitutionaliser sept
articles et de dérevisionaliser un hui-
tième article. Cela est bien net et bien
compréhensible pour tout le monde. Il
suffit, d'ailleurs, pour rendre la chose
, éclatante d'ajouter qu'après un désac-
cord léger entre la Chambre et le Sénat
sur la déconstitutionalisation de l'article
1er, la Chambre disant : Je voudrais que
r vous déconstitutionalisassiez ! et le
Sénat répondant : Pourquoi déconsti-
.tutionaliserais je, alors que je désirerais,
au contraire, que vous dérevisionali-
sassiez? -r- il suffit, dis-je, d'ajouter
que M. le président du conseil, ayant
-promis au Sénat de reparaître devant
; lui, fort de l'adhésion de la .Chambre,
n'a pas osé demander cette adhésion,
: et qu'il reviendra au milieu des pères
conscrits, fort d'une promesse qu'il
n'aura pas obtenue? Il est donc évident
que le Congrès se réunira.
Que voulez-vous? Cela est ainsi, et
S'il est vrai que la France ait conquis
le Tonkin, il est vrai aussi que la Chine
a conquis le Parlement. Qu'est-ce que
c'est que tout cela? Qu'est-ce que cela
veut dire? On a franchi les bornes du
gens commun. On incline vers la décon-
sidération; on dérive du côté de la
honte ! Quel rôle prétend-on faire jouer
au pouvoir législatif, Sénat ou Cham-
bre? Où les mène-t-on? Comment! voilà
une Assemblée à qui l'on fait voter une
résolution qui est la condamnation d'un
vote précédent et on lui demande main-
tenant un vote qui va être la condarn-
nation et le désaveu de celui qui
déjà désavouait et condamnait le pre-
mier? Elle a voté autrefois une revi-
sion intégrale ; on lui a fait voter une
revision restreinte et puis aujourd'hui
, On lui demandera de voter la suppres-
i sion de ce qu'il y avait de plus impor-
tant dans sa revision restreinte! Non!
C'est trop, en vérité! Il faut un peu
penser à l'étranger qui nous regarde et
qui s'étonne. Il faut penser à ce pauvre
corps diplomatique qui vient solennel-
lement entendre discuter, au lieu de la
',. Constitution, une loi sur le vinage !
- Voilà une autre Chambre à laquelle
on dit : « Je ne vous apporterai pas
•une loi décapitée de son article le plus
important. J'ai 280 voix à moi; comp-
tez sur elles », lorsque cette autre
Chambre constate le lendemain que les
'280 voix sont rebelles et qu'on est
obligé de décapiter la loi !
On veut une résolution parlemen-
taire à tout prix, cependant. Et que
fait-on ? Une réunion privée! On as-
semble deux groupes. Et on leur pro-
pose de voter quoi? Une suppression,
c'est-à-dire : Rien !
Que restera-t-il donc dans la revi-
sion? Quoi? la déconstitutionalisation
de la loi sénatoriale, la proclamation
de la République et les prières publi-
'ques?
Les prières publiques! Cela ne vaut
Bas la peine de déranger un député
pour l'envoyer à Versailles. La procla-
mation de la République ! Mais elle
existe la République ! Et c'est une idée
bizarre que de la proclamer après qua-
torze ans.
Quant à la déconstitutionalisation de
la loi sénatoriale, ce sera un malheur
public. C'est le droit donné a^ Sénat
seul de faire sa loi comme il l'entendra
et comme il le voudra* C'est le sacrifice
du suffrage universel au suffrage res-
treint; c'est la souveraineté nationale
livrée à une sorte d'oligarchie fabri-
quée artificiellement à l'aide de procé-
dés électoraux!
Et, en effet, est-il supposable que le
Sénat, maître de la loi qui règle son
élection, va se jeter dans les innova-
tions, qu'il va agrandir ses collèges,
qu'il va demander le suffrage universel?
Il aurait perdu la tête. Non, non, il res-
tera ce qu'il est. Il repoussera toutes les
propositions de la Chambre et, comme
l'a dit M. Léon Say dans un discours
d'une haute éloquence, d'ailleurs : « La
revision nous permet de faire notre loi,
j'en suis heureux. Nous ne ferons que
la loi que nous voudrons. »
< Voilà donc la revision qu'on nous
prépare ; elle est à la fois nulle et réac-
tionnaire. Elle soumet la Chambre au
Sénat, et, sauf cela, elle ne touche à
aucun point important. Elle supprime
tout ce qui a rapport à la question fi-
nancière 1 Il est vrai que tout ce qui
avait rapport à la question financière
était plus mauvais que le néant que
nous avons, et qu'on entend, dans les
couloirs, des dialogues de ce genre :
— Nous avons fait un bien grand pas
en avant aujourd'hui. — Et lequel? —
Nous sommes revenus au statu quo.
EDOUARD LOCKROV,
»
COULISSES DES CHAMBRES
La journée d'hier à la Chambre, comme
celle de samedi au Sénat, a eu le résultat
le plus imprévu. Au Sénat, contre toute
attente, on avait décidé l'ajournement,
pour permettre au gouvernement de con-
sulter la Chambre. Aussi s'attendait-on
hier à ce qu'une interpellation se produi-
sît pour permettre d'effectuer cette con-
sultation. Or, l'interpellation prévue n'a
pas eu lieu, et selon toutes probabilités
elle ne se produira pas ultérieurement.
La certitude d'un résultat défavorable a
fait abandonner ce moyen de consulta-
tion. Voici à la suite de quels incidents on
est arrivé à ce dénouement :
Hier matin il y a eu, au ministère des
affaires étrangères, une réunion à laquelle
assistaient, d'une part, M. Jules Ferry et
les principaux ministres, et de l'autre, les
chefs des groupes ministériels : MM. An-
tonin Proust, Sadi-Carnot, Devès, etc.
Dans cette réunion on a examiné la
situation créée par l'engagement pris au
Sénat par le président du conseil et les
moyens d'obtenir la consultation deman-
dée à la Chambre. On a été généralement
d'avis qu'une interpellation serait péril-
leuse en ce moment, le système de l'amen-
dement Berlet préconisé par le gouverne-
ment rencontrant de- vives résistances.
C'est après cette constatation qu'on a posé
le principe des solutions qui ont prévalu
dans les réunions de la majorité ministé-
rielle quelques heures plus tard et que
nous allons faire connaître.
Tout d'abord nous devons rappeler en
quoi consiste l'amendement Berlet sur
les droits financiers des Chambres, qui
n'est que la reproduction du système ima-
giné par le gouvernement.
Cet amendement propose de soumettre
à la revision le dernier paragraphe de l'ar-
ticle 8 de la loi du 24 février 1875, pour y
introduire une disposition ainsi conçue :
« Les suppressions et réductions de cré-
dits votées au cours de la discussion du
budget par l'une ou l'autre Chambre, de-
viennent définitives après uajus&fiûxide
délibération.
» Il est interdit de supprimer par voie
budgétaire les crédits attribués aux ser-
vices généraux de l'Etat, organisés et dotés
par des lois spéciales. »
- Les quatre groupes républicains de la
Chambre se sont réunis hier avant la
séance publique pour délibérer sur l'ac-
cueil qu'il convenait de faire à ce système,
au cas où le gouvernement croirait devoir
le soumettre à la Chambre. Voici le
compte-rendu de la délibération de ces
groupes.
La gauche radicale, après un court dé-
bat, a décidé de repousser l'amendement
Berlet : 1° parce qu'il serait inconstitu-
tionnel de faire voter par les Chambres
séparées des solutions réservées exclusi-
vement au Congrès; 20 parce que le sys-
tème proposé serait de nature à porter
atteinte aux prérogatives financières de
la Chambre.
Le bureau de la gauche radicale s'est
rendu au sein de l'extrême gauche qui
était réunie au même moment, et a fait
part à ce groupe des résolutions que nous
venons d'indiquer.
L'extrême gauche a déclaré qu'étant
données ses opinions bien connues, elle
adhérait sans réserve à la déclaration de
la gauche radicale.
L'union démocratique a entendu sur la
même question un long discours de M.
Ribot contre l'amendement Berlet. Voici
l'analyse de ce discours qui a déterminé
la résolution du groupe.
M. Ribot a constaté qu'en 1882 M. Gam-
betta voulait par son projet de revision
faire consacrer la prééminence de la
Chambre des députés en matière de finan-
ces, tandis qu'aujourd'hui on demande
non-seulement de reconnaître l'égalité de
droits et de situation des deux Chambres
en matière financière, mais encore de s'en-
gager d'avance à accepter toutes les ré-
ductions de crédits qu'il plaira au Sénat
d'imposer à la Chambre.
M. Ribot juge que cela est d'autant
plus grave qu'il peut arriver que les réduc-
tions votées par le Sénat portent précisé-
ment sur les dépenses qui caractérisent la
politique de la Chambre.
Dans la pratique cette prétendue règle
sera d'ailleurs sans efficacité, car si le
conflit devient sérieux, la Chambre qui se
sentira appuyée par l'opinion dans sa
résistance pour maintenir un crédit au
budget ne renverra pas le budget à l'autre
Chambre si elle n'est pas sûre d'obtenir
satisfaction. Le conflit, dans ce cas, loin
d'être évité, deviendra plus aigu.
Quant à la règle en vertu de laquelle on
ne pourrait pas supprimer par voie budgé-
taire un crédit nécessaire au fonctionne-
ment des services publics, elle est, suivant
M. Ribot, puérile et dangereuse.
Elle est puérile parce qu'elle peut être
éludée par des suppressions et dangereuse
parce qu'elle peut mettre le pouvoir exé-
cutif dans un embarras inextricable, dans
le cas par exemple où les deux Chambres
ne seraient pas d'accord sur le caractère
obligatoire ou facultatif de certains cré-
dits.
M. Ribot estime que le statu quo vaut
mieux que tous les systèmes proposés. Il a
indiqué toutefois que si l'on voulait abso-
lument empêcher les renvois alternatifs
du budget d'une Chambre à l'autre, il
suffirait d'inscrire dans le règlement du
Sénat une disposition portant qu'en ma-
tière financière, une proposition qui au-
rait été votée par le Sénat et rejetée par la
Chambre ne pourrait être reprise que sur
l'initiative du gouvernement.
Après ce discours, MM. Bernard-Laver-
gne, Charles Ferry, Bisseuil et plusieurs
autres membres ont présenté quelques ob-
servations, puis le groupe s'est prononcé
à la presque unanimité contre l'amende-
ment Berlet.
Le président, M. Sadi-Carnot, a alors
soulevé la question de savoir si le groupe
ne voudrait pas voter la revision sans l'ar-
ticle 8, c'est-à-dire limitée à la question
de la réforme électorale du Sénat, comme
le propose la commission sénatoriale.
MM. Jules Develle, Margaine, Langlois
ont appuyé cette idée. La réunion, sans
émettre de vote formel, s'est néanmoins
montrée disposée tout entière à voter une
revision ainsi restreinte, afin d'élargir la
base électorale de Sénat avant le renou-
vellement de janvier 1885.
Le groupe a décidé, sur l'invitation de
son président, de se réunir ce matin, à dix
heures, en assemblée plénière avec l'union
républicaine pour entendre les explica-
tions de M. Jules Ferry qui assistera à
cette réunion. -
—o—
L'union républicaine, sans prendre de
résolutions formelles, a abouti à des ré-
sultats analogues à ceux de l'union démo-
cratique. La discussion a été très courte.
MM. Rouvier et Allain-Targé se sont pro-
noncés contre l'amendement Berlet, qui a
été défendu par M. Thomson.
M. Rouvier, président de la commission
du budget, a déclaré notamment qu'il re-
poussait un système consistant à créer des
catégories de dépenses permanentes et
par suite d'impôts permanents, et par
suite à dessaisir la Chambre du droit de
voter annuellement l'impôt. M. Rouvier a
ajouté que, plutôt que d'accepter un pareil
système, il préférerait consentir à la revi-
sion sans l'article 8, c'est-à-dire restreinte
à la réforme électorale du Sénat.
M. Antonin Proust, président du groupe,
a insisté pour que le groupe examinât si
précisément il ne convenait pas de voter la
revision ainsi restreinte. Il a, en consé-
quence, convoqué le groupe pour la réu-
nion plénière à laquelle doit assister
l'union démocratique et dans laquelle,
comme nous l'avons dit plus haut, sera
entendu le président du conseil.
Il résulte des délibérations que nous
venons de rapporter que l'interpellation
primitivement projetée n'aura pas lieu.
On annonce, il est vrai, que M. Andrieux
compte en faire une pour son compte per-
sonnel; mais ce projet est sans liaison avec
celui qu'avait formé le gouvernement avec
le concours de ses amis.
Il est probable que dans l'assemblée
plénière de ce matin le gouvernement et
les deux groupes ministériels se mettront
d'accord pour consentir à l'abandon de
l'article 8 et à l'acceptation de la revision
limitée à la réforme électorale du Sénat.
Le président du conseil se rendra aujour-
d'hui à une heure à la commission sénato-
riale de la revision pour faire connaître
ces résolutions. Si celles-ci sont confor-
mes aux prévisions que nous venons d'é-
mettre, le Sénat votera probablement au-
jourd'hui le projet de revision, diminué
de l'article 8, et celui-ci sera rapporté de-
main à la Chambre. Au cas où celle-ci
l'adopterait, le Congrès aurait lieu dans
deux ou trois jours. -
db
A LA CHAMBRE
On arrive à la séance pour entendre
l'interpellation qui, suivant la promesse
faite au Sénat par M. Jules Ferry, doit
dissiper toutes les incertitudes. D'inter-
pellation, il n'y en a point. Quelque
audacieux que soit M. le président du
conseil, il paraît qu'il a reculé devant
les dispositions des groupes. Ceux-ci
répugnent à déposer entre ses mains
l'abdication qu'il a promis d'apporter
au Sénat. C'est partie remise.
Aujourd'hui, on talonne de nouveau.
les députés et ce n'est pas nous, bien
entendu, qui croyons pouvoir répondre
de leur fermeté. Il paraît cependant
que, n'osant pas leur demander de re-
noncer à leurs droits par un vote for-
mel, on se contentera, provisoirement,
de retirer de la Constitution le fameux
article 8 relatif aux attributions des
deux Chambres. Ne pouvant pas s'en-
tendre, on ne dira rien du toutl
Comme le Rappel le prévoyait si juste-
ment hier, la Constitution, comme les
professions de foi dé M. Prudhomme,
tend à n'être plus qu'une feuille de pa-
pier blanc.
On fait bien remarquer que M. le
président du conseil,. dans la séance
même de samedi, a repoussé bien loin
de lui, avec la plus noble indignation,
l'idée de réduire l'œuvre du Gdagrès à
la revision d'un seul article, à la revi-
sion des prières publiques. Ce serait là,
- disait M. Ferry, un « spectacle ridi-
cule H. On nous permettra, pour une
fois, d'être absolument de l'avis de M.
le président du conseil et de saisir au
vol, dans la succession si rapide de ses
opinions, celle que nous venons de rap-
peler, pour l'applaudir sincèrement.
Ces brusques variations d'opinion
par lesquelles le cabinet cherche peut-
être à dérouter le monde parlementaire
ne lui seront-elles jamais fatales? nous
ne savons. Mais il est certain que, pour
les députés qui prennent au sérieux
l'une quelconque des opinions succes-
sives de M. Jules Ferry, elles ne sont
pas sans inconvénient. On racontait en
effet que l'un des membres les plus
estimés de la Chambre, le loyal M. Fa-
bre, délégué par M. le ministre de l'in-
struction publique pour présider, dans
l'Aveyron, une distribution de prix,
était précisément parti de Paris après
avoir entendu le dernier discours de
M. Jules Ferry sur l'article 8. Dans
ce discours, on s'en souvient, M. le
plaident du conseil avait affirmé à
la Chambre que le Congrès se pro-
noncerait en toute liberté sur la loi
électorale sénatoriale, et qu'on pour-
rait même y proposer le suffrage uni-
versel. Comme beaucoup de ses collè-
gues, M. Fabre estimait que l'on pou-
vait beaucoup attendre d'un débat
sur ce point, et, fort satisfait des décla-
rations qu'il venait d'entendre, il crut
ne pouvoir mieux faire que de les com-
muniquer à ses électeurs, au milieu
desquels il allait se trouver.
La distribution des prix finie, l'ho-
norable député, dans deux réunions suc-
cessives, a expliqué, au milieu des ap-
plaudissements, les avantages du proj et
soumis aux Chambres, et notamment
l'énorme importance de la réforme de
la loi électorale du Sénat, réforme pou-
vant aller jusqu'au suffrage universel.
M. Fabre, en commentant éloquem-
ment le discours du ministre, a donc
eu un très grand succès, un si grand
succès qu'il s'en est peu fallu que ses
électeurs ne lui donnassent mandat
impératif de développer au Congrès un
amendement tendant à soumettre la
Chambre luxembourgeoise au droit
commun en matière électorale. Quelle
u'a pas été la surprise de M. Fa-
bre, - en arrivant au palais Bourbon,
d'apprendre qu'au moment même où
il faisait applaudir dans l'Aveyron
la déclaration de M. Jules Ferry, ce-
lui-ci, au Sénat, se ralliant à une opi-
nion « successive», sinon contraire,
promettait de réclamer la question
préalable et Tle dénoncer" aux sévé-
rités de M. Le Royer quiconque ose-
rait parler des articles 1 à 7 autre-
ment que pour n'en rien dire ! L'hono-
rable M. Fabre n'en voulait pas croire
ses oreilles. Lui, le délégué du minis-
tre, se voyant tout à coup menacé par
les foudres de M. Le Royer! Lui parti
sur un discours qui disait blanc et re-
venant sur un discours disant noir! Qui
pourrait s'y retrouver? M. Fabre a cru
d'abord à une mystification, à une mau-
vaise farce de quelques amis ; il a fallu
lui lire le Journal officiel. En vérité,
quant un ministre passe par ces succes-
sions d'opinion, il devrait bien télégra-
phier, sans retard, dans le moindre
canton, afin que personne ne soit ex-
posé, en s'absentant vingt-quatre heu-
res, à de pareilles mésaventures.
Pendant qu'on racontait ces choses
dans les couloirs et que M. Fabre lui-
même riait du succès peu mérité qu'il
avait fait au cabinet, on votait, en
séance, la clôture de la discussion gé-
nérale sur le vinage. M. Hérisson et
M. Labuze étaient les seuls membres
du gouvernement présents à leur banc.
La Chambre a paru trouver que d'au-
tres ministres auraient pu se trouver à
la séance. : -
A. GADLIER.
-———————— —————.
Le Sénat, comme intermède à la revi-
sion, a voté le projet sur les sucres, sans
modification. M. Léon Say a déclaré qu'il
n'attendait rien de ce projet, que M. de
Saint-Vallier a défendu.
A propos de cet honorable membre, on
sait que c'est le premier qui ait poussé le
cri d'alarme sur les souffrances de l'agri-
culture dans la France en général, et en
particulier dans le département de l'Aisne.
D'après M. de Saint-Vallïer, les campagnes
de l'Aisne sont sans culture, les fermes
sont abandonnées, et nous avons déjà fait
remarquer que c'était là, pour les pauvres
diables et même pour d'autres, une excel-
lente occasion de devenir propriétaires : il
n'y a qu'à se baisser, ou plutôt il n'y a
qu'à entrer dans ces fermes abandonnées
au premier occupant.
Il paraît que le gouvernement, un peu
ému (et on le serait à moins) des affirma-
tions du sénateur de l'Aisne, a envoyé
dans ce département cinq inspecteurs
chargés de lui faire des rapports. Ces rap-
porté ont été faits et remis, à ce qu'on as-
sure, à M. Méline, ministre de l'agricul-
ture. Est-ce la conclusion de ces impor-
tants documents qui vient de décider M.
Méline à imposer la viande, déjà si chère ;;
pour le pauvre et même pour les bourses
moyennes? Nous en doutons, car, si nos
renseignements sont exacts-, il résulte des
rapports des inspecteurs que les assertions
de M. de Saint-Vallier sur l'état de l'agri-
culture sont empreintes de la plus grande
exagération.
Du reste, si nous étions dans l'erreur,
M. Méline aurait un moyen bien simple de
triompher. Qu'il publie les rapports en
question, au lieu de les tenir sous le bois-
seau. — A. G.
♦
STATISTIQUE OUINQUENNlLE
Un des grands services que la Répu-
blique rend à la France, c'est la multi-
plication des écoles. Nos fin.ances souf-
frent un peu en ce moment de la hâte'
qu'elle y a mise ; on a fait « la mariée
trop belle »; il suffisait de donner, on a
prodigué. Mais quand avec de l'écono-.
mie on aura bouché les trous, quand
les frais de première installation seront
payés-, quel admirable outillage aura la
France pour le grand travail du siècle :
l'enseignement !
Le ministre de l'instruction publique
vient de publier une statistique qui
montre le progrès accompli par l'en-
seignement primaire en cinq ans, de
1877 à 1882.
En 1877, la France avait 71,757 éco-
les primaires; en 1882, elle en avait
75,633. Trois mille huit cent soixante-
seize de plus.
En 1877, il y avait 110,709 institu-
teurs et institutrices primaires; en
1882, il y en avait lâ £ ,966. Quatorze
mille deux cent cinquante-six de plus.
Dans ces cinq ans, le nombre des
élèves inscrits a monté de 4,716,933 à
5,341,211, non compris les 644,384 en- x
fants qui sont dans les écoles mater-
nelles. Différence en plus : un million
deux cent soixante-huit mille six cent
soixante.
« Et la mer montait toujours ! » di-
sait Frédérick-Lemaître dans un vieux
mélodrame. On peut dire de l'instruc-
Feuilleton du RAPPEL
DU 30 JUILLET
.,;,
, „
20
LE
fiOl DES MENDIANTS
ÏKIHIÈRE PARTIS
, LE FOU
XIV !1
Le père Gigogne. — (Suite)
, ^'est à la table d'hôte de l'avenante
r. euvô que se nourrissaient les chefs des
vingt arrondissements; — et chaque se-
maine, à jour fixe, au bruit du timbre
pressé par le « patron », ils se réunis-
saient, afin de rendre leurs comptes au
chef suprême, dans la pièce souterraine
où nous avons laissé le baron de Roche-
grise les attendant.
Ce que nous devons ajouter, c'est que
ces chefs de section et la Savonnette qui
Reproduction interdite.
Voir le Rappel du 9 tu £ 9 juiUetj - 1. -1
avait, autrefois, avant ses malheurs, dirigé
un des arrondissements de Paris, connais-
saient seuls la véritable personnalité du
roi des mendiants.
Pour les autres, le père Gigogne restait
un personnage mystérieux et tout puis-
sant qu'ils n'avaient jamais vu, dans de
rares occasions, que vêtu de la vaste
houppelande, complètement défiguré par
un habile maquillage, et armé de son re-
doutable gourdin.
Quant à ceux qui possédaient son secret,
le baron était fort tranquille, les ayant
tous choisis, un à un, parmi ceux qui
avaient à càcher quelque crime, dont la
révélation les eût envoyés, pour le moins,
en Nouvelle-Calédonie ou dans les maisons
centrales.
C'est par là qu'il les tenait, ainsi que la
Savonnette, n'ayant qu'un mot à dire pour
es livrer à la justice.
C'était sa protection qui les couvrait et
les garantissait.
D'eux, il n'avait à .craindre ni indiscré-
tion, ni résistanèe.
Cette protection s^te^tlait, d'ailleurs,
à tous ceux qui, de près OU de loin, tra-
vaillaient sous ses ordres.
Non-seulement il leur assurait un b~en-
être inconnu avant lui, mais que de fois
il les avait sauvés de la prison, ou des ga-
lères, en leur procurant à temps les moyens
de fuir à l'étranger ou d'endosser une
3»
-
nouvelle personnalité, bien qu'il fût très
sévère, en général, pour ceux qui com-
mettaient des actes extra-légaux et dange-
reux, et qu'il en sacrifiât un, de temps
en temps, pour l'exemple, ainsi qu'il avait
fait, comme on a pu le voir, avec cette
brebis galeuse de la Savonnette!
Mais Rochegrise tirait de cette vaste
association d'autres avantages et d'autres
profits.
Par ses hommes, il enserrait Paris dans
les mailles souples d'une véritable police
secrète qui le renseignait sur les agisse-
ments des uns et des autres.
Que de mystères intimes, que de fai-
blesses cachées, que de vices honteux il
connaissait ainsi !
De combien de gens, et des plus hauts
placés, ne tenait-il pas l'honneur, la for-
tune, la position, entre ses mains I
De là aussi une source de revenus, -
qu'il se réservait pour lui seul — et une
puissance incalculable qui faisait que tant
de gens n'osaient et ne pouvaient rien lui
refuser.
Nous ferons, d'ailleurs, observer que
nous n'inventons pas, que cette associa-
tion a existé, et qu'il nous a été donné
d'en connaître tous les détails, dont nous
ne citons sommairement que ceux relatifs
a uptre récit.
En titrant dans l'association, chaque
membre rèc^ait une petite médaille sem-
blable à celle qui se trouvait décrite dans
l'article de journal relatant l'assassinat du
malheureux exécuteur testamentaire de
Paul Lelong; ce qui lui permettait, au
besoin, de se faire reconnaître des frères
et amis, et empêchait les conflits nui-
sibles.
Cinq minutes après que Rochegrise
avait pressé sur le timbre qui communi-
quait avec l'hôtel garni de Mme veuve
Carrier, la salle souterraine était occupée
par les vingt chefs de section, plus la Sa-
vonnette, — complètement transformé et
défiguré, grâce aux soins de l'hôtesse, et
que le « patron » voulait faire reconnaître
de ses agents de confiance.
Nous passerons sur les détails de la
séance.
Chacun y rendit ses comptes, reçut ses
ordrès particuliers, comme à l'habitude.
Mais làVc&jt pas l'intérêt de la réu-
nion.
Quand tout parut terfïtiSé, le père Gigo-
gne se leva.
— Communication importante, dit-^de
sa voix sèche et brève de commande..
ment. Prenez noie des deux noms sui-
vants.
Les chefs de section s'installèrent, sans
mot dire, à leurs bureaux respectifs, et
s'apprêtèrent à écrire.
— ROLAND nODZINSKI, dicla le « pa-
tron, — d'origine -p()lfJRaise. peintre, sans
fortune, habitait, il y a vingt ans, rue
Saint-Jacques. — Disparu depuis cette
époque. — En retrouver la trace.
Rochegrise attendit une minute.
— C'est fait, patron ! — dirent vingt
voix.
— Bien. — Maintenant : IRÈNE BODZINS-
ki, sa fille naturelle, reconnue par lui, née
en 1860, élevée en nourrice, on ne sait où,
mère inconnue. — Disparue depuis vingt
ans également. — En retrouver la trace.
— C'est fait t-redirent les vingt voix, au
bout d'une minute. ,',
- Cette recherche est très importante,
reprit Loys de Rochegrise. Il faut savoir
ce que sont devenus le père et la fille à
tout prix ; s'ils sont morts ou vivants, et,
dans ce cas, ce qu'ils font ; où ils habitent,
leur position sociale et de fortune.
— On s'y mettra dès demain, dit un des
hommes en se levant et qui n'était autre
que le Professeur que nous avons vu à
l'œuvre.
— Il faut que tout le monde s'y emploie,
poursuivit le roi des mendiants, avec une
extrême activité et une extrême discré-
La recherche sera peut-être longue
et difficile. Mais je veux, vous entendez,
je veux qu on les retrouve ou qu'on sache
ie veu: ou - les retrouve ou qu'on sache
ce qu'ils sont -1 eveiius. Il /au(Lra fouiller
Paris de fond en @ coi-nble ., et, si Paris garde
son secret, on visitera i* 4 province, voire
même l'étranger. -
- On fera son possible, répliqua le
Barbier.
— Et au moindre indice qu'on me le
signale à l'instant même, à quelque heure
que ce soit de jour ou de nuit.
— Comment?
— En prévenant Mme Carrier. Elle saura
m'avertir. Vous m'avez compris. Mainte-
nant, filez. Et ne nous refroidissons pas.
Je ne suis pas très content. La manche
(mendicité) a donné moins cette semaine.
A bon entendeur, salut! Allez t
Les hommes s'inclinèrent et sortirent ea
silence.
Rochegrise, resté seul, alluma la lan-
terne sourde, éteignit le gaz, regagna la
garde-robe, y reprit ses vêtements ordi-
naires et remonta jusqu'au petit payillon
d'où il était sorti.
A minuit, le noble baron réintégrait ses
appartements et se livrait aux soins de
son valet de chambre, qui le déshabil-
lait.
4, MATTflEY.
(A suivre»).
- 1
N• 6255 — Mercredi 30 Juillet 4884 Le numéro: lOc. — Départements s ISc. 13 Sserraidor an92— N* 5255
JCMINISTBATIOir ; ',,:, :'. >' '-
? 48, RUE DE VALOIS, 13
ABONNEMENTS
ÏARIS
ITrois mois 10 »
six mois..20 h
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 43 SO
Six mois 22 o.
Adresser lettres et mandats il '.:-:' i x'
9 -
A M. ERNEST LEFEYRË "à
ADMINISTRATEUR GÉRANT r,.
< - •
• RÉDACTION :
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
De 4 à 6 heures du MM*
48, RUE DE VALOIS, 18
les manuscrits non insères ne seront pas rendis
ANNONCES
3Df. Ch. IAGRANGE, CERF et GO
- C, place de la. £ ourse, 6
= LI" DÊREVIWi&L1SAT10N
t.a situation parait enfin être deve-
f nUe claire, puisque nous avons été
! obligés d'inventel' de nouveaux mots et
de faire une addition au dictionnaire
pour l'expliquer. Il ne s'agit plus, en
effet, que de déconstitutionaliser sept
articles et de dérevisionaliser un hui-
tième article. Cela est bien net et bien
compréhensible pour tout le monde. Il
suffit, d'ailleurs, pour rendre la chose
, éclatante d'ajouter qu'après un désac-
cord léger entre la Chambre et le Sénat
sur la déconstitutionalisation de l'article
1er, la Chambre disant : Je voudrais que
r vous déconstitutionalisassiez ! et le
Sénat répondant : Pourquoi déconsti-
.tutionaliserais je, alors que je désirerais,
au contraire, que vous dérevisionali-
sassiez? -r- il suffit, dis-je, d'ajouter
que M. le président du conseil, ayant
-promis au Sénat de reparaître devant
; lui, fort de l'adhésion de la .Chambre,
n'a pas osé demander cette adhésion,
: et qu'il reviendra au milieu des pères
conscrits, fort d'une promesse qu'il
n'aura pas obtenue? Il est donc évident
que le Congrès se réunira.
Que voulez-vous? Cela est ainsi, et
S'il est vrai que la France ait conquis
le Tonkin, il est vrai aussi que la Chine
a conquis le Parlement. Qu'est-ce que
c'est que tout cela? Qu'est-ce que cela
veut dire? On a franchi les bornes du
gens commun. On incline vers la décon-
sidération; on dérive du côté de la
honte ! Quel rôle prétend-on faire jouer
au pouvoir législatif, Sénat ou Cham-
bre? Où les mène-t-on? Comment! voilà
une Assemblée à qui l'on fait voter une
résolution qui est la condamnation d'un
vote précédent et on lui demande main-
tenant un vote qui va être la condarn-
nation et le désaveu de celui qui
déjà désavouait et condamnait le pre-
mier? Elle a voté autrefois une revi-
sion intégrale ; on lui a fait voter une
revision restreinte et puis aujourd'hui
, On lui demandera de voter la suppres-
i sion de ce qu'il y avait de plus impor-
tant dans sa revision restreinte! Non!
C'est trop, en vérité! Il faut un peu
penser à l'étranger qui nous regarde et
qui s'étonne. Il faut penser à ce pauvre
corps diplomatique qui vient solennel-
lement entendre discuter, au lieu de la
',. Constitution, une loi sur le vinage !
- Voilà une autre Chambre à laquelle
on dit : « Je ne vous apporterai pas
•une loi décapitée de son article le plus
important. J'ai 280 voix à moi; comp-
tez sur elles », lorsque cette autre
Chambre constate le lendemain que les
'280 voix sont rebelles et qu'on est
obligé de décapiter la loi !
On veut une résolution parlemen-
taire à tout prix, cependant. Et que
fait-on ? Une réunion privée! On as-
semble deux groupes. Et on leur pro-
pose de voter quoi? Une suppression,
c'est-à-dire : Rien !
Que restera-t-il donc dans la revi-
sion? Quoi? la déconstitutionalisation
de la loi sénatoriale, la proclamation
de la République et les prières publi-
'ques?
Les prières publiques! Cela ne vaut
Bas la peine de déranger un député
pour l'envoyer à Versailles. La procla-
mation de la République ! Mais elle
existe la République ! Et c'est une idée
bizarre que de la proclamer après qua-
torze ans.
Quant à la déconstitutionalisation de
la loi sénatoriale, ce sera un malheur
public. C'est le droit donné a^ Sénat
seul de faire sa loi comme il l'entendra
et comme il le voudra* C'est le sacrifice
du suffrage universel au suffrage res-
treint; c'est la souveraineté nationale
livrée à une sorte d'oligarchie fabri-
quée artificiellement à l'aide de procé-
dés électoraux!
Et, en effet, est-il supposable que le
Sénat, maître de la loi qui règle son
élection, va se jeter dans les innova-
tions, qu'il va agrandir ses collèges,
qu'il va demander le suffrage universel?
Il aurait perdu la tête. Non, non, il res-
tera ce qu'il est. Il repoussera toutes les
propositions de la Chambre et, comme
l'a dit M. Léon Say dans un discours
d'une haute éloquence, d'ailleurs : « La
revision nous permet de faire notre loi,
j'en suis heureux. Nous ne ferons que
la loi que nous voudrons. »
< Voilà donc la revision qu'on nous
prépare ; elle est à la fois nulle et réac-
tionnaire. Elle soumet la Chambre au
Sénat, et, sauf cela, elle ne touche à
aucun point important. Elle supprime
tout ce qui a rapport à la question fi-
nancière 1 Il est vrai que tout ce qui
avait rapport à la question financière
était plus mauvais que le néant que
nous avons, et qu'on entend, dans les
couloirs, des dialogues de ce genre :
— Nous avons fait un bien grand pas
en avant aujourd'hui. — Et lequel? —
Nous sommes revenus au statu quo.
EDOUARD LOCKROV,
»
COULISSES DES CHAMBRES
La journée d'hier à la Chambre, comme
celle de samedi au Sénat, a eu le résultat
le plus imprévu. Au Sénat, contre toute
attente, on avait décidé l'ajournement,
pour permettre au gouvernement de con-
sulter la Chambre. Aussi s'attendait-on
hier à ce qu'une interpellation se produi-
sît pour permettre d'effectuer cette con-
sultation. Or, l'interpellation prévue n'a
pas eu lieu, et selon toutes probabilités
elle ne se produira pas ultérieurement.
La certitude d'un résultat défavorable a
fait abandonner ce moyen de consulta-
tion. Voici à la suite de quels incidents on
est arrivé à ce dénouement :
Hier matin il y a eu, au ministère des
affaires étrangères, une réunion à laquelle
assistaient, d'une part, M. Jules Ferry et
les principaux ministres, et de l'autre, les
chefs des groupes ministériels : MM. An-
tonin Proust, Sadi-Carnot, Devès, etc.
Dans cette réunion on a examiné la
situation créée par l'engagement pris au
Sénat par le président du conseil et les
moyens d'obtenir la consultation deman-
dée à la Chambre. On a été généralement
d'avis qu'une interpellation serait péril-
leuse en ce moment, le système de l'amen-
dement Berlet préconisé par le gouverne-
ment rencontrant de- vives résistances.
C'est après cette constatation qu'on a posé
le principe des solutions qui ont prévalu
dans les réunions de la majorité ministé-
rielle quelques heures plus tard et que
nous allons faire connaître.
Tout d'abord nous devons rappeler en
quoi consiste l'amendement Berlet sur
les droits financiers des Chambres, qui
n'est que la reproduction du système ima-
giné par le gouvernement.
Cet amendement propose de soumettre
à la revision le dernier paragraphe de l'ar-
ticle 8 de la loi du 24 février 1875, pour y
introduire une disposition ainsi conçue :
« Les suppressions et réductions de cré-
dits votées au cours de la discussion du
budget par l'une ou l'autre Chambre, de-
viennent définitives après uajus&fiûxide
délibération.
» Il est interdit de supprimer par voie
budgétaire les crédits attribués aux ser-
vices généraux de l'Etat, organisés et dotés
par des lois spéciales. »
- Les quatre groupes républicains de la
Chambre se sont réunis hier avant la
séance publique pour délibérer sur l'ac-
cueil qu'il convenait de faire à ce système,
au cas où le gouvernement croirait devoir
le soumettre à la Chambre. Voici le
compte-rendu de la délibération de ces
groupes.
La gauche radicale, après un court dé-
bat, a décidé de repousser l'amendement
Berlet : 1° parce qu'il serait inconstitu-
tionnel de faire voter par les Chambres
séparées des solutions réservées exclusi-
vement au Congrès; 20 parce que le sys-
tème proposé serait de nature à porter
atteinte aux prérogatives financières de
la Chambre.
Le bureau de la gauche radicale s'est
rendu au sein de l'extrême gauche qui
était réunie au même moment, et a fait
part à ce groupe des résolutions que nous
venons d'indiquer.
L'extrême gauche a déclaré qu'étant
données ses opinions bien connues, elle
adhérait sans réserve à la déclaration de
la gauche radicale.
L'union démocratique a entendu sur la
même question un long discours de M.
Ribot contre l'amendement Berlet. Voici
l'analyse de ce discours qui a déterminé
la résolution du groupe.
M. Ribot a constaté qu'en 1882 M. Gam-
betta voulait par son projet de revision
faire consacrer la prééminence de la
Chambre des députés en matière de finan-
ces, tandis qu'aujourd'hui on demande
non-seulement de reconnaître l'égalité de
droits et de situation des deux Chambres
en matière financière, mais encore de s'en-
gager d'avance à accepter toutes les ré-
ductions de crédits qu'il plaira au Sénat
d'imposer à la Chambre.
M. Ribot juge que cela est d'autant
plus grave qu'il peut arriver que les réduc-
tions votées par le Sénat portent précisé-
ment sur les dépenses qui caractérisent la
politique de la Chambre.
Dans la pratique cette prétendue règle
sera d'ailleurs sans efficacité, car si le
conflit devient sérieux, la Chambre qui se
sentira appuyée par l'opinion dans sa
résistance pour maintenir un crédit au
budget ne renverra pas le budget à l'autre
Chambre si elle n'est pas sûre d'obtenir
satisfaction. Le conflit, dans ce cas, loin
d'être évité, deviendra plus aigu.
Quant à la règle en vertu de laquelle on
ne pourrait pas supprimer par voie budgé-
taire un crédit nécessaire au fonctionne-
ment des services publics, elle est, suivant
M. Ribot, puérile et dangereuse.
Elle est puérile parce qu'elle peut être
éludée par des suppressions et dangereuse
parce qu'elle peut mettre le pouvoir exé-
cutif dans un embarras inextricable, dans
le cas par exemple où les deux Chambres
ne seraient pas d'accord sur le caractère
obligatoire ou facultatif de certains cré-
dits.
M. Ribot estime que le statu quo vaut
mieux que tous les systèmes proposés. Il a
indiqué toutefois que si l'on voulait abso-
lument empêcher les renvois alternatifs
du budget d'une Chambre à l'autre, il
suffirait d'inscrire dans le règlement du
Sénat une disposition portant qu'en ma-
tière financière, une proposition qui au-
rait été votée par le Sénat et rejetée par la
Chambre ne pourrait être reprise que sur
l'initiative du gouvernement.
Après ce discours, MM. Bernard-Laver-
gne, Charles Ferry, Bisseuil et plusieurs
autres membres ont présenté quelques ob-
servations, puis le groupe s'est prononcé
à la presque unanimité contre l'amende-
ment Berlet.
Le président, M. Sadi-Carnot, a alors
soulevé la question de savoir si le groupe
ne voudrait pas voter la revision sans l'ar-
ticle 8, c'est-à-dire limitée à la question
de la réforme électorale du Sénat, comme
le propose la commission sénatoriale.
MM. Jules Develle, Margaine, Langlois
ont appuyé cette idée. La réunion, sans
émettre de vote formel, s'est néanmoins
montrée disposée tout entière à voter une
revision ainsi restreinte, afin d'élargir la
base électorale de Sénat avant le renou-
vellement de janvier 1885.
Le groupe a décidé, sur l'invitation de
son président, de se réunir ce matin, à dix
heures, en assemblée plénière avec l'union
républicaine pour entendre les explica-
tions de M. Jules Ferry qui assistera à
cette réunion. -
—o—
L'union républicaine, sans prendre de
résolutions formelles, a abouti à des ré-
sultats analogues à ceux de l'union démo-
cratique. La discussion a été très courte.
MM. Rouvier et Allain-Targé se sont pro-
noncés contre l'amendement Berlet, qui a
été défendu par M. Thomson.
M. Rouvier, président de la commission
du budget, a déclaré notamment qu'il re-
poussait un système consistant à créer des
catégories de dépenses permanentes et
par suite d'impôts permanents, et par
suite à dessaisir la Chambre du droit de
voter annuellement l'impôt. M. Rouvier a
ajouté que, plutôt que d'accepter un pareil
système, il préférerait consentir à la revi-
sion sans l'article 8, c'est-à-dire restreinte
à la réforme électorale du Sénat.
M. Antonin Proust, président du groupe,
a insisté pour que le groupe examinât si
précisément il ne convenait pas de voter la
revision ainsi restreinte. Il a, en consé-
quence, convoqué le groupe pour la réu-
nion plénière à laquelle doit assister
l'union démocratique et dans laquelle,
comme nous l'avons dit plus haut, sera
entendu le président du conseil.
Il résulte des délibérations que nous
venons de rapporter que l'interpellation
primitivement projetée n'aura pas lieu.
On annonce, il est vrai, que M. Andrieux
compte en faire une pour son compte per-
sonnel; mais ce projet est sans liaison avec
celui qu'avait formé le gouvernement avec
le concours de ses amis.
Il est probable que dans l'assemblée
plénière de ce matin le gouvernement et
les deux groupes ministériels se mettront
d'accord pour consentir à l'abandon de
l'article 8 et à l'acceptation de la revision
limitée à la réforme électorale du Sénat.
Le président du conseil se rendra aujour-
d'hui à une heure à la commission sénato-
riale de la revision pour faire connaître
ces résolutions. Si celles-ci sont confor-
mes aux prévisions que nous venons d'é-
mettre, le Sénat votera probablement au-
jourd'hui le projet de revision, diminué
de l'article 8, et celui-ci sera rapporté de-
main à la Chambre. Au cas où celle-ci
l'adopterait, le Congrès aurait lieu dans
deux ou trois jours. -
db
A LA CHAMBRE
On arrive à la séance pour entendre
l'interpellation qui, suivant la promesse
faite au Sénat par M. Jules Ferry, doit
dissiper toutes les incertitudes. D'inter-
pellation, il n'y en a point. Quelque
audacieux que soit M. le président du
conseil, il paraît qu'il a reculé devant
les dispositions des groupes. Ceux-ci
répugnent à déposer entre ses mains
l'abdication qu'il a promis d'apporter
au Sénat. C'est partie remise.
Aujourd'hui, on talonne de nouveau.
les députés et ce n'est pas nous, bien
entendu, qui croyons pouvoir répondre
de leur fermeté. Il paraît cependant
que, n'osant pas leur demander de re-
noncer à leurs droits par un vote for-
mel, on se contentera, provisoirement,
de retirer de la Constitution le fameux
article 8 relatif aux attributions des
deux Chambres. Ne pouvant pas s'en-
tendre, on ne dira rien du toutl
Comme le Rappel le prévoyait si juste-
ment hier, la Constitution, comme les
professions de foi dé M. Prudhomme,
tend à n'être plus qu'une feuille de pa-
pier blanc.
On fait bien remarquer que M. le
président du conseil,. dans la séance
même de samedi, a repoussé bien loin
de lui, avec la plus noble indignation,
l'idée de réduire l'œuvre du Gdagrès à
la revision d'un seul article, à la revi-
sion des prières publiques. Ce serait là,
- disait M. Ferry, un « spectacle ridi-
cule H. On nous permettra, pour une
fois, d'être absolument de l'avis de M.
le président du conseil et de saisir au
vol, dans la succession si rapide de ses
opinions, celle que nous venons de rap-
peler, pour l'applaudir sincèrement.
Ces brusques variations d'opinion
par lesquelles le cabinet cherche peut-
être à dérouter le monde parlementaire
ne lui seront-elles jamais fatales? nous
ne savons. Mais il est certain que, pour
les députés qui prennent au sérieux
l'une quelconque des opinions succes-
sives de M. Jules Ferry, elles ne sont
pas sans inconvénient. On racontait en
effet que l'un des membres les plus
estimés de la Chambre, le loyal M. Fa-
bre, délégué par M. le ministre de l'in-
struction publique pour présider, dans
l'Aveyron, une distribution de prix,
était précisément parti de Paris après
avoir entendu le dernier discours de
M. Jules Ferry sur l'article 8. Dans
ce discours, on s'en souvient, M. le
plaident du conseil avait affirmé à
la Chambre que le Congrès se pro-
noncerait en toute liberté sur la loi
électorale sénatoriale, et qu'on pour-
rait même y proposer le suffrage uni-
versel. Comme beaucoup de ses collè-
gues, M. Fabre estimait que l'on pou-
vait beaucoup attendre d'un débat
sur ce point, et, fort satisfait des décla-
rations qu'il venait d'entendre, il crut
ne pouvoir mieux faire que de les com-
muniquer à ses électeurs, au milieu
desquels il allait se trouver.
La distribution des prix finie, l'ho-
norable député, dans deux réunions suc-
cessives, a expliqué, au milieu des ap-
plaudissements, les avantages du proj et
soumis aux Chambres, et notamment
l'énorme importance de la réforme de
la loi électorale du Sénat, réforme pou-
vant aller jusqu'au suffrage universel.
M. Fabre, en commentant éloquem-
ment le discours du ministre, a donc
eu un très grand succès, un si grand
succès qu'il s'en est peu fallu que ses
électeurs ne lui donnassent mandat
impératif de développer au Congrès un
amendement tendant à soumettre la
Chambre luxembourgeoise au droit
commun en matière électorale. Quelle
u'a pas été la surprise de M. Fa-
bre, - en arrivant au palais Bourbon,
d'apprendre qu'au moment même où
il faisait applaudir dans l'Aveyron
la déclaration de M. Jules Ferry, ce-
lui-ci, au Sénat, se ralliant à une opi-
nion « successive», sinon contraire,
promettait de réclamer la question
préalable et Tle dénoncer" aux sévé-
rités de M. Le Royer quiconque ose-
rait parler des articles 1 à 7 autre-
ment que pour n'en rien dire ! L'hono-
rable M. Fabre n'en voulait pas croire
ses oreilles. Lui, le délégué du minis-
tre, se voyant tout à coup menacé par
les foudres de M. Le Royer! Lui parti
sur un discours qui disait blanc et re-
venant sur un discours disant noir! Qui
pourrait s'y retrouver? M. Fabre a cru
d'abord à une mystification, à une mau-
vaise farce de quelques amis ; il a fallu
lui lire le Journal officiel. En vérité,
quant un ministre passe par ces succes-
sions d'opinion, il devrait bien télégra-
phier, sans retard, dans le moindre
canton, afin que personne ne soit ex-
posé, en s'absentant vingt-quatre heu-
res, à de pareilles mésaventures.
Pendant qu'on racontait ces choses
dans les couloirs et que M. Fabre lui-
même riait du succès peu mérité qu'il
avait fait au cabinet, on votait, en
séance, la clôture de la discussion gé-
nérale sur le vinage. M. Hérisson et
M. Labuze étaient les seuls membres
du gouvernement présents à leur banc.
La Chambre a paru trouver que d'au-
tres ministres auraient pu se trouver à
la séance. : -
A. GADLIER.
-———————— —————.
Le Sénat, comme intermède à la revi-
sion, a voté le projet sur les sucres, sans
modification. M. Léon Say a déclaré qu'il
n'attendait rien de ce projet, que M. de
Saint-Vallier a défendu.
A propos de cet honorable membre, on
sait que c'est le premier qui ait poussé le
cri d'alarme sur les souffrances de l'agri-
culture dans la France en général, et en
particulier dans le département de l'Aisne.
D'après M. de Saint-Vallïer, les campagnes
de l'Aisne sont sans culture, les fermes
sont abandonnées, et nous avons déjà fait
remarquer que c'était là, pour les pauvres
diables et même pour d'autres, une excel-
lente occasion de devenir propriétaires : il
n'y a qu'à se baisser, ou plutôt il n'y a
qu'à entrer dans ces fermes abandonnées
au premier occupant.
Il paraît que le gouvernement, un peu
ému (et on le serait à moins) des affirma-
tions du sénateur de l'Aisne, a envoyé
dans ce département cinq inspecteurs
chargés de lui faire des rapports. Ces rap-
porté ont été faits et remis, à ce qu'on as-
sure, à M. Méline, ministre de l'agricul-
ture. Est-ce la conclusion de ces impor-
tants documents qui vient de décider M.
Méline à imposer la viande, déjà si chère ;;
pour le pauvre et même pour les bourses
moyennes? Nous en doutons, car, si nos
renseignements sont exacts-, il résulte des
rapports des inspecteurs que les assertions
de M. de Saint-Vallier sur l'état de l'agri-
culture sont empreintes de la plus grande
exagération.
Du reste, si nous étions dans l'erreur,
M. Méline aurait un moyen bien simple de
triompher. Qu'il publie les rapports en
question, au lieu de les tenir sous le bois-
seau. — A. G.
♦
STATISTIQUE OUINQUENNlLE
Un des grands services que la Répu-
blique rend à la France, c'est la multi-
plication des écoles. Nos fin.ances souf-
frent un peu en ce moment de la hâte'
qu'elle y a mise ; on a fait « la mariée
trop belle »; il suffisait de donner, on a
prodigué. Mais quand avec de l'écono-.
mie on aura bouché les trous, quand
les frais de première installation seront
payés-, quel admirable outillage aura la
France pour le grand travail du siècle :
l'enseignement !
Le ministre de l'instruction publique
vient de publier une statistique qui
montre le progrès accompli par l'en-
seignement primaire en cinq ans, de
1877 à 1882.
En 1877, la France avait 71,757 éco-
les primaires; en 1882, elle en avait
75,633. Trois mille huit cent soixante-
seize de plus.
En 1877, il y avait 110,709 institu-
teurs et institutrices primaires; en
1882, il y en avait lâ £ ,966. Quatorze
mille deux cent cinquante-six de plus.
Dans ces cinq ans, le nombre des
élèves inscrits a monté de 4,716,933 à
5,341,211, non compris les 644,384 en- x
fants qui sont dans les écoles mater-
nelles. Différence en plus : un million
deux cent soixante-huit mille six cent
soixante.
« Et la mer montait toujours ! » di-
sait Frédérick-Lemaître dans un vieux
mélodrame. On peut dire de l'instruc-
Feuilleton du RAPPEL
DU 30 JUILLET
.,;,
, „
20
LE
fiOl DES MENDIANTS
ÏKIHIÈRE PARTIS
, LE FOU
XIV !1
Le père Gigogne. — (Suite)
, ^'est à la table d'hôte de l'avenante
r. euvô que se nourrissaient les chefs des
vingt arrondissements; — et chaque se-
maine, à jour fixe, au bruit du timbre
pressé par le « patron », ils se réunis-
saient, afin de rendre leurs comptes au
chef suprême, dans la pièce souterraine
où nous avons laissé le baron de Roche-
grise les attendant.
Ce que nous devons ajouter, c'est que
ces chefs de section et la Savonnette qui
Reproduction interdite.
Voir le Rappel du 9 tu £ 9 juiUetj - 1. -1
avait, autrefois, avant ses malheurs, dirigé
un des arrondissements de Paris, connais-
saient seuls la véritable personnalité du
roi des mendiants.
Pour les autres, le père Gigogne restait
un personnage mystérieux et tout puis-
sant qu'ils n'avaient jamais vu, dans de
rares occasions, que vêtu de la vaste
houppelande, complètement défiguré par
un habile maquillage, et armé de son re-
doutable gourdin.
Quant à ceux qui possédaient son secret,
le baron était fort tranquille, les ayant
tous choisis, un à un, parmi ceux qui
avaient à càcher quelque crime, dont la
révélation les eût envoyés, pour le moins,
en Nouvelle-Calédonie ou dans les maisons
centrales.
C'est par là qu'il les tenait, ainsi que la
Savonnette, n'ayant qu'un mot à dire pour
es livrer à la justice.
C'était sa protection qui les couvrait et
les garantissait.
D'eux, il n'avait à .craindre ni indiscré-
tion, ni résistanèe.
Cette protection s^te^tlait, d'ailleurs,
à tous ceux qui, de près OU de loin, tra-
vaillaient sous ses ordres.
Non-seulement il leur assurait un b~en-
être inconnu avant lui, mais que de fois
il les avait sauvés de la prison, ou des ga-
lères, en leur procurant à temps les moyens
de fuir à l'étranger ou d'endosser une
3»
-
nouvelle personnalité, bien qu'il fût très
sévère, en général, pour ceux qui com-
mettaient des actes extra-légaux et dange-
reux, et qu'il en sacrifiât un, de temps
en temps, pour l'exemple, ainsi qu'il avait
fait, comme on a pu le voir, avec cette
brebis galeuse de la Savonnette!
Mais Rochegrise tirait de cette vaste
association d'autres avantages et d'autres
profits.
Par ses hommes, il enserrait Paris dans
les mailles souples d'une véritable police
secrète qui le renseignait sur les agisse-
ments des uns et des autres.
Que de mystères intimes, que de fai-
blesses cachées, que de vices honteux il
connaissait ainsi !
De combien de gens, et des plus hauts
placés, ne tenait-il pas l'honneur, la for-
tune, la position, entre ses mains I
De là aussi une source de revenus, -
qu'il se réservait pour lui seul — et une
puissance incalculable qui faisait que tant
de gens n'osaient et ne pouvaient rien lui
refuser.
Nous ferons, d'ailleurs, observer que
nous n'inventons pas, que cette associa-
tion a existé, et qu'il nous a été donné
d'en connaître tous les détails, dont nous
ne citons sommairement que ceux relatifs
a uptre récit.
En titrant dans l'association, chaque
membre rèc^ait une petite médaille sem-
blable à celle qui se trouvait décrite dans
l'article de journal relatant l'assassinat du
malheureux exécuteur testamentaire de
Paul Lelong; ce qui lui permettait, au
besoin, de se faire reconnaître des frères
et amis, et empêchait les conflits nui-
sibles.
Cinq minutes après que Rochegrise
avait pressé sur le timbre qui communi-
quait avec l'hôtel garni de Mme veuve
Carrier, la salle souterraine était occupée
par les vingt chefs de section, plus la Sa-
vonnette, — complètement transformé et
défiguré, grâce aux soins de l'hôtesse, et
que le « patron » voulait faire reconnaître
de ses agents de confiance.
Nous passerons sur les détails de la
séance.
Chacun y rendit ses comptes, reçut ses
ordrès particuliers, comme à l'habitude.
Mais làVc&jt pas l'intérêt de la réu-
nion.
Quand tout parut terfïtiSé, le père Gigo-
gne se leva.
— Communication importante, dit-^de
sa voix sèche et brève de commande..
ment. Prenez noie des deux noms sui-
vants.
Les chefs de section s'installèrent, sans
mot dire, à leurs bureaux respectifs, et
s'apprêtèrent à écrire.
— ROLAND nODZINSKI, dicla le « pa-
tron, — d'origine -p()lfJRaise. peintre, sans
fortune, habitait, il y a vingt ans, rue
Saint-Jacques. — Disparu depuis cette
époque. — En retrouver la trace.
Rochegrise attendit une minute.
— C'est fait, patron ! — dirent vingt
voix.
— Bien. — Maintenant : IRÈNE BODZINS-
ki, sa fille naturelle, reconnue par lui, née
en 1860, élevée en nourrice, on ne sait où,
mère inconnue. — Disparue depuis vingt
ans également. — En retrouver la trace.
— C'est fait t-redirent les vingt voix, au
bout d'une minute. ,',
- Cette recherche est très importante,
reprit Loys de Rochegrise. Il faut savoir
ce que sont devenus le père et la fille à
tout prix ; s'ils sont morts ou vivants, et,
dans ce cas, ce qu'ils font ; où ils habitent,
leur position sociale et de fortune.
— On s'y mettra dès demain, dit un des
hommes en se levant et qui n'était autre
que le Professeur que nous avons vu à
l'œuvre.
— Il faut que tout le monde s'y emploie,
poursuivit le roi des mendiants, avec une
extrême activité et une extrême discré-
La recherche sera peut-être longue
et difficile. Mais je veux, vous entendez,
je veux qu on les retrouve ou qu'on sache
ie veu: ou - les retrouve ou qu'on sache
ce qu'ils sont -1 eveiius. Il /au(Lra fouiller
Paris de fond en @ coi-nble ., et, si Paris garde
son secret, on visitera i* 4 province, voire
même l'étranger. -
- On fera son possible, répliqua le
Barbier.
— Et au moindre indice qu'on me le
signale à l'instant même, à quelque heure
que ce soit de jour ou de nuit.
— Comment?
— En prévenant Mme Carrier. Elle saura
m'avertir. Vous m'avez compris. Mainte-
nant, filez. Et ne nous refroidissons pas.
Je ne suis pas très content. La manche
(mendicité) a donné moins cette semaine.
A bon entendeur, salut! Allez t
Les hommes s'inclinèrent et sortirent ea
silence.
Rochegrise, resté seul, alluma la lan-
terne sourde, éteignit le gaz, regagna la
garde-robe, y reprit ses vêtements ordi-
naires et remonta jusqu'au petit payillon
d'où il était sorti.
A minuit, le noble baron réintégrait ses
appartements et se livrait aux soins de
son valet de chambre, qui le déshabil-
lait.
4, MATTflEY.
(A suivre»).
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