Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1884-07-28
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 28 juillet 1884 28 juillet 1884
Description : 1884/07/28 (N5253). 1884/07/28 (N5253).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7540197c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
N. ra253 Lundi 28 Juillet 1884 le numéro : iOo. —vDépartements t 1S ©• il Thermidor an 92^» N« 5253
ADMINISTRATION
58, HUE DE VALOIS, a
ABONNEMENTS
ÏARIS
*ft!OÏS TROIS 10 )>
Sixmois».20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 1350;
Sixm01S Si à
-1~ 1
Adresser Mires et mandais
A M. ERNEST IiEFEVRB
^ianOSXBAXEÏÏB.'fiSBAHE
3
fm |§^^>J £ gg EâÉ&fëiiâlil EÉ^Spffi&inH
s £ REDACTION
f S'adresser au Secrétaire de la RélactittOh
-\ De 6 à 6 heures du soir
tA &&, RUE DE VAI.OIS, 1$
■ V3QÊ5 JELanuscrif S non insères ne seroufjpasrea&lâ!
ANNONCES
tttf. Ch. LAGRANGE, CERT et ce
H C, place de la Bourse, 6
ONEBRMBCMMMECSE
J'ai sous les yeux une brochure bien
èurieuse, et qu'on m'envoie bien à
propos au moment où les orléanistes
s'indignent qu'on ait vu dans le don
de leurs princes aux cholériques de
- Marseille et deToulon une simple ré-
clame politique. C'est une brochure de
Chateaubriand, intitulée : Courtes ex-
plications snr les 12,000 francs offerts
par madame la duchesse de Berry aux
indigents attaqués delà contagion.
Le 14 avril 1832 (le choléra était à
Paris), Chateaubriand écrivit au préfet
~e la Seine :
« Monsieur le comte,
» J'ai l'honneur de vous envoyer de
la part de S. A. R. Mme la duchesse de
Berry la somme de douze mille francs
pour être distribuée à la classe indi-
gente de la population de Paris atteinte
de la contagion. Le secours n'est sans
iloute pas proportionné au besoin, mais
c'est le denier de la veuve.
» Je suis, etc.
? CHATEAUBRIAND. »
Le comte de Bondy ne se trouva pas
il l'Hôtel de Ville lorsque la lettre et
)'argent lui furent portés. Le secré-
iaire général, qui ouvrit la lettre, ne
ec crut pas autorisé à recevoir l'argent.
l'rois jours après, Chateubriand reçut
îfi lettre suivante :
« Monsieur le vicomte,
» Je regrette de ne pouvoir accepter,
, eti nom de la ville de Paris, les 12,000
francs que vous m'avez fait l'honneur
jûe m'adresser. Dans l'origine des fonds
que vous offrez, on verrait, sous une
Menfaisance apparente, une combi-
naison politique contre laquelle la po-
pulation parisienne protesterait tout
entière par son refus.
» Le 16 avril 1832.
D Le préfet de la Seine.
» Comte DE BONDY. »
'Sous une bienfaisance apparente, une
tombinaison politique. Tiens! l'argent
foue les princes donnent aux cholé-
riques n'est donc de la bienfaisance
qu'en apparence, c'est de la politique
en réalité! C'est l'orléanisme qui le
prétend.
Il va sans dire que le représentant de
ia duchesse de Berry témoigna la même
indignation que témoignent aujourd'hui
les amis des princes d'Orléans. La rou-
teur lui monta au front en voyant dé-
naturer ainsi les intentions d'une pris-
cesse qui « se proposait uniquement
de donner un peu de pain et quel-
ques couvertures de laine à de pau-
vres mères qui n'avaient pour couvrir
leur nudité que le sein également nu
de leurs enfants affamés » l Etait-ce en
France que cela se passait? Qu'était-ce
que ces orléanistes « pour qui un acte
de charité se transformait en une con-
spiration »?
Non, il n'était pas vrai « que sous
une commisération apparente se cachât
une pensée politique »; non, « cette
pensée n'était point entrée dans le
cœur de madame la duchesse de Berry».
Mais, comme il n'était pas dans la na-
ture de Chateaubriand de mentir com-
plètement, l'accusation qu'il rejetait
pour sa princesse, il l'acceptait pour
lui, et il déclarait fièrement aue « sous
i
le rapport politique le don était de très
bonne guerre ».
Et il montrait déjà Henri V sur le
trône : —« Lorsque l'on sera convaincu
que les fameuses journées n'ont été
qu'une mystification pour tous les par-
tis, que chacun a été trompé, que per-
sonne n'appelait ce qui est maintenant,
qu'il est inutile de prolonger cet état de
fiction et de souffrances, alors on trou-
vera peut-être qu'Henri V est ce qu'il y
aurait de plus favorable à la fusion des
intérêts et des principes : n'emprunte-
t-on pas la main d'un enfant pour tirer
les billets gagnants dans la roue de la
fortune? » Il est sans doute très flatteur
pour la royauté d'être assimilée à la lo-
terie, mais il y a une petite différence :
c'est que l'enfant de la loterie tire pour
les autres, et que « l'enfant du miracle »
aurait commencé par s'attribuer le
gros lot.
Le grand-père du comte de Paris,
s'il lut la brochure de Chateaubriand,
ne fut pas persuadé que la politique
fût si étrangère à la mère du préten-
dant, et son préfet persista dans son
refus d' « une somme sortie des mêmes
caisses qui avaient fourni les fonds
pour la conspiration de la rue des
Prouvaires et pour les assassinats de la
chouannerie ».
Chateaubriand alors partagea les
douze mille francs entre les douze mai-
ries de Paris. Quatre mairies acceptè-
rent; mais bientôt, par ordre du préfet,
elles renvoyèrent l'argent. L'orléa-
nisme tut si exaspéré contre ce parti
qui croyait acheter la France avec douze
mille francs, que Chateaubriand re-
çut des lettres de menaces : « Je reçois
des lettres anonymes ; elles viennent
du juste-milieu ; l'écriture en est élé-
gante et fort soignée. On me menace de
la mort ; on me dit qu'on est plus fati-
gué de moi que du choléra-morbus ; on
m'annonce des libelles contre ma per-
sonne, etc., etc. Liberté pleine et en-
tière de presse, et même d'assassinat
sur moi pour ceux qui sont disposés à
user de ce moyen de publicité. »
Et l'orléanisme se plaint, quand on
le laisse distribuer toutes les sommes
qu'il veut, faire toute la propagande
qu'ii peut, et qu'on se contente de sou-
rire ! Sourire d'un acte de charité ?
Soupçonner les princes de couvrir
« d'une bienfaisance apparente une
combinaison politique » 1 Où sommes-
nous tombés? Ah ! ce n'est pas l'orléa-
nisme qui aurait jamais reçu de cette
façon un don aux malheureux ! Il les
recevait autrement, en effet. Il recra-
chait l'argent à la figure de la donatrice
et il menaçait de tuer le porteur.
AUGUSTE VACQUEME.
LA REVISION AU SÉNAT
L'écrevisse, victime d'un préjugé
vulgaire, passe pour n'avancer qu'à re-
culons. Le procédé de locomotion qu'on
attribue à tort à cet excellent animal
est en grande faveur au Luxembourg.
Le Sénat, ayant un projet de loi à exa-
miner, n'a pas l'idée banale de com-
mencer par le premier article. Cet arti-
cle, en effet, porte « qu'il y a lieu de re-
viser la Constitution ». Après viennent
le détail et l'indication des points qu'il
convient de viser. La haute assemblée,
prévenue par le vigilant M. Le Royer,
s'est bien gardée de voter le premier
article. Au lieu de faire comme le bon
sens paraît l'indiquer, de déclarer la
revision nécessaire, puis de préciser les
articles à reviser, le Sénat marche à
reculons et dit : il faut supprimer ceci,
aiouter cela à la Constitution, et finale-
ment il se résignera peut-être à dire
qu'il faut la reviser.
La malice est plus grande qu'elle
n'en a l'air. La formule générale de
revision une fois votée, le Sénat sent
bien qu elle sera valable et que toutes
les arguties du monde n'empêcheront
pas qu'une revision ordonnée par les
deux Chambres ne doive avoir lieu,
dans un délai plus ou moins proche.
Aussi le Sénat ne vote pas encore la
revision. Il vote des articles qui sont
des non-sens, le premier ne les précé-
dant pas. Il vote, notamment, des cho-
ses comme celles-ci : « En ce qui
touche les prières publiques » ; en
ce qui touche tel paragraphe de tel
article. C'est tout et le Sénat, à qui
il est bien égal de voter des non-
sens, ne dit pas ce qu'il compte faire
de ces articles, ni ce qu'il y a de caché
sous cette formule : « en ce qui tou-
che ». Jusqu'à la dernière minute, par
mesure de précaution, la revision qu'on
est censé voter au Luxembourg restera
un sous-entendu. Ce mot obscène ne
fera son apparition que le dernier, avec
l'article 1er du projet, suivant la mode
faussement attribuée aux écrevisses et
qui n'appartient guère qu'aux législa-
teurs de ce temps, à ces politiques de-
venus chinois, à force de tonkineries.
C'est seulement un peu avant trois
heures que la séance a pu commencer,
car la commission a prolongé jusqu'à
ce moment une délibération qu'elle
avait sans doute trop tardivement ou-
verte. Le premier point qui ait donné
lieu à un débat est l'extraction de sept
articles de la loi constitutionnelle, arti-
cles qu'on remplace par une loi organi-
que et qui se rapportent à l'élection des
sénateurs.La revision, qui, dans le sys-
tème ministériel, prend des formes as-
sez bizarres, a ici le caractère d'une
opération chirurgicale ; on arrache,
mais on ne guérit pas.
Une des conséquences de ce procédé
brutal, c'est de réduire à nouveau les
droits déjà si restreints qu'on veut re-
connaître au Congrès. En effet, au lieu
d'examiner tout ce qu'il pourrait faire
dans la question, le Congrès votera, par
oui et par non, sur le maintien des ar-
ticles dans la Constitution. Les modifier
dépasse sa compétence. Un des deux ou
trois membres qui, au Luxembourg,
l'
composent l'extrême gauche, l'hotio-
rable M. iLâîlsrdère, a signalé tout ce
qu'un telsystemè1 a dHftUSÎlé'et d'iuad-
missible. Ml Labordère a fait observer, en
outre, qu'on allait bien vite sur la pente
des illégalités. Après avoir inventé la
théorie de la revision limitée, c'est-à-
dire du -souverain subordonné aux frac-
tions qui le composent, on ne craîiît
pas de faire accepter par les Chambres
séparées de véritables solutions dont
l'Assemblée nationale seule devrait
être saisie. C'est la confusion même et
M. Labordère a protesté contre cette
façon d'agir avec une sûreté de lan-
gage, un bonheur d'expressions que tout
le monde a remarqués. Il y avait long-
temps qu'au Luxembourg les prin-
cipes n'avaient été ainsi défendus.
A un autre point de vue et d'un autre
côté, on a posé à M. le président du
conseil, au sujet de l'extraction de ces
premiers articles, diverses questions
qui ont paru l'embarrasser. D'abord, à
la Chambre, M. Jules Ferry s'était laissé
aller à dire qu'on pourrait, dans le Con-
grès, au lieu de la suppression ou de la
non-suppression de ces articles, délibé-
rer sur le fond. M. Ferry avait été
jusqu'à concéder qu'on pourrait pro-
poser, pour l'élection du Sénat, le
suffrage universel. On pense si ces pa-
roles, soigneusement relues par M.
Buffet, ont satisfait et rassuré les au-
diteurs.
M. Ferry, en jetant par dessus bord
sa promesse de l'autre jour, s'en est
tiré, comme il a pu, et, devant la Cham-
bre, il aura à s'en expliquer de nouveau.
Une autre question, également posée
par M. Buffet, est restée sans réponse
précise, bien que l'importance en soit
très grande, bi le Congrès retire de la
Constitution les articles relatifs à l'é-
lection du Sénat, et si, avant le mois de
décembre, les deux Chambres n'ont pas
réussi à élaborer une loi nouvelle, que
fera-t-on? On a dit que l'ancien texte cons-
titutionnel subsistera ; c'est une er-
reur, car il est impossible d'admettre
que ce qui aura été annulé par le Con-
grès puisse revivre sans la décision
d'un nouveau Congrès. Il faudrait donc,
à Versailles, se borner à une extraction
conditionnelle, qui n'aurait de valeur
qu'autant qu'une loi nouvelle serait pro-
mulguée. ,
On en est arrivé ainsi à l'article 8,
que la Chambre a compris dans la re-
vision et que la commission sénatoriale
en veut écarter. Cet article, on le sait,
règle sommairement les attributions des
deux Chambres et donne aux députés
la priorité pour les lois de finances. On
avait toujours cru jusqu'à ce jour que
le principal objet d'une revision, même
modeste, serait de réduire, dans un
juste degré, les prétentions excessives
du Sénat, prétentions qui donnent lieu
à des conflits sans cesse répétés.
La revision apportée par M. Gam-
betta, au 14 novembre, avait précisé-
ment pour caractère d'assurer à la
Chambre le premier et le dernier mot.
M. Jules Ferry avait paru d'abord se
conformer aux mêmes principes; mais
les trop nombreuses concessions aux
caprices sénatoriaux, concessions arra-
chées à la Chambre par lo cabinet, ont
augmenté les exigences des Luxem-
bourgeois. M. Jules Ferry voulait forti-
fier le Sénat et non l'affaiblir. On l'a
pris au mot et, bien loin de consentir à
céder quelque chose de ses droits de
contrôle financier, le Sénat en est venu
à réclamer l'égalité parfaite avec les
élus du suffrage universel.
Ces prétentions, formulées dans di-
vers amendements, et soutenues d'ail-
leurs par la commission, n'ont pas
trouvé, au dernier moment, dans M.
Jules Ferry, l'adversaire énergique et
inflexible qu'on pouvait espérer. Et,
chose étrange, à mesure que M. le pré-
sident du conseil fléchissait et défen-
dait plus mollement les droits des élus
duoavs. les sénateurs dovenaient moins
traitables. En leur nom, et tandis que
M. Jules Ferry feignait de croire l'ac-
cord facile ou prêt à se faire, M. Léon
Say déclarait que cet accord était illu-
soire et que le Sénat n'avait rien à
céder. Voilà le prix de cette politique
de faiblesses et d abdications successives
qui n'aura servi qu'à humilier la Cham-
bre devant les élus du petit suffrage!
Très embarrassé d'ailleurs, et on le
comprend, M. le président du conseil a
fini par demander vingt-quatre heures
de répit pour consulter à la fois la Cham-
bre et la commission sénatoriale sur un
compromis imaginé par lui et qui main-
tient à peu peu près la balance égale.
Voilà donc la Chambre appelée à con-
sentir une nouvelle abdication. Et no-
tez que cette défaillance qu'on ose lui
demander ne garantit rien. Il n'est pas
sûr que le Sénat s'en contente et, de
plus, les conflits qu'on voulait éviter
subsistent dans le système du minis-
tère. La durée en sera seulement ré-
duite. 1
Il était difficile de refuser au cabinet
le répit qu'il sollicitait, mais que le Sé-
nat semblait peu disposé à lui accorder.
M. de Freycinet a fait comprendre à
ses collègues la convenance d'accor-
der ce court délai au bout duquel le mi-
nistre s'engageait à faire la lumière sur
la question et à apporter une solution
acceptable pour tous. La proposition
de M. de Freycinet consistant à ren-
voyer la discussion à mardi a donc été
adoptée.
A. GAULIBR.
COULISSES DES OMBRES
La discussion du Sénat sur la revision
nous réservait une nouvelle surprise. On
a vu par le compte-rendu de la séance
que le Sénat a renvoyé la suite de la dis-
cussion à mardi pour permettre à la com-
mission d'examiner le nouveau système
du gouvernement, et, avant toute chose,
à la Chambre d'exprimer son. sentiment
sur ce système.
Le gouvernement va donc provoquer
demain lundi la manifestation de l'opi-
nion de la Chambre, soit en consultant
les groupes parlementaires, soit plutôt en
se faisant interpeller, de manière à obtenir
un avis motivé dans un ordre du jour
d'après lequel le Sénat s'inspirerait pour
ses résolutions définitives.
-0-
Lors même que le Congrès ne se réuni-
rait pas, la session des Chambres ne pour-
rait pas être close avant la fin de la se-
maine dans laquelle nous entrons, et plus
probablement encore pas avant le 5 ou le
6 août.
La clôture ne dépend pas des Chambres
— qui ont dépassé le minimum légal de
leur session — mais du gouvernement,
qui doit la prononcer par décret. Or, le
gouvernement désire obtenir, avant les
vacances, le vote des Chambres sur un
certain nombre de questions dont la solu-
tion ne saurait Être retardée jusqu'à la
session d'hiver.
Il y a d'abord les crédits du Tonkin,
dont le Vote est urgent, et à propos des-
quels le gouvernement sera appelé à s'ex-
pliquer sur l'incident de Langson et l'issue
des négociations actuellement pendantes
au sujet de l'indemnité réclamée à la
Chine pour la violation du traité de Tien-
Tsin.
C'est le 1er août qu'expire le délai ac-
cordé à la Chine pour répondre à la de-
mande d'indemnité. A cette date la ques-
tion aura reçu une solution quelconque,
soit que la Chine cède à nos légitimes
réclamations, soit que nous soyons obli-
gés de recourir à l'emploi de la force pour
faire respecter nos droits.
Il y aura ensuite à faire voter parles
deux Chambres les quatre contributions
directes qui doivent être votées avant la
session d'août des conseils généraux.
Enfin le Sénat devra de son côté discu-
ter les crédits de Madagascar et la loi sur
les sucres déjà adoptés par la Chambre.
Ces diverses questions occuperont évidem-
ment une semaine entière de la Chambre.
—o—
La loi sur le divorce votée par les deux
Chambres sera promulguée vendredi pro-
chain au Journal officiel. Le gouverne-
ment a un délai d'un mois pour promul-
guer les lois ; mais il ne veut pas dans le
cas présent user de cette faculté afin de
ne pas retarder la réalisation de cette
réforme de notre législation civile. La
nouvelle loi sera exécutoire à dater du
jour de sa promulgation.
Le gouvernement, s'avançant dans la
voie de la protection où il est entré avec
la Chambre par la nouvelle législation sur
les sucres, va déposer à la Chambre un
projet de loi tendant à élever les droits
sur les bestiaux étrangers à leur entrée en
France. Ce projet élaboré par le ministre
de l'agriculture, a été approuvé hier par
le conseil des ministres. Il élève le droit.:
De 15 à 25 fr. sur les bœufs ;
De 8 fr. à 12 fr. sur les vaches et tau-
reaux ;
De 5 fr. à 8 fr. sur les bouvillons, tau-
rillons et genisses ;
De 1 fr. 50 à 4 fr. sur les veaux ;
De 2 fr. à 3 fr. sur les béliers, brebis et
moutons ;
De 0 fr. 50 à 1 fr. sur les agneaux, chè-
vres et chevreaux ; -
De 3 fr. à 6 fr. sur les porcs.
Tout le monde sait que, le jour de sa
naissance, le premier cri du ministère
clérical en Belgique a été un cri de colère
contre les écoles, et qu'il a résumé sa fu-
reur contre l'instruction et contre les
fruits qu'elle porte, dans un projet de
loi, supprimant le ministère de l'ins-
truction pubhque.
En même temps qu'il songeait à étein- -
dre l'instruction, le cléricalisme belge
méditait de ranimer l'influence des prê-
tres, de là un second projet destiné à réta-
blir les relations avec le Vatican, et à
réintroduire un nonce dans la bergerie
que garde Léopold II. ,
Les sections de la Chambre des députés
ont déjà été appelées à se prononcer sur
ces deux projets de loi ; le projet contre
l'instruction publique a été adopté par
quatre sections sur cinq ; mais le crédit
pour le rétablissement des relations avec
le Vatican n'a séduit qu'une section ; les
quatre autres ont renvoyé la chose pour
examen à la section centrale du budget ;
ce qui semble indiquer que ces quatre
sections désireraient un nonce qui ne leur
coûtât pas cher.
Mais, quand on vous l'offrirait pour
rien, bons Belges, vous apprendrez plus
tard qu'un nonce coûte toujours trop
cher.
.1 I lll.llll. I ■ I — Ul ■!
LA RÉFORME UNIVERSITAIRE
Quatre ans à peine se sont écoulés de-
puis l'introduction dans les lycées des
programmes de 1880 et il faut bien avouer
que les espérances qu'ils avaient fait nai-
tre sont quelque peu déçues. C'est à qui
dégagera sa responsabilité. Pas plus tard
♦
Feuilleton du RAPPEL
DU 28 JUILLET
18
LE
ROI DES MENDIANTS
PREMIÈRE PARTIS
LE FOU
"» 'J '-* ■' V
V - ,.
XIII
iLe Baea-Betlre. - {SultçJ
Jusqu'au dîner, le baron se montra au
bois, et fit des visites chez de hauts per-
sonnages et des gens riches, bien en vue,
artistes, banquiers, journalistes, naturels
de la chaussée d'Antin, du faubourg Saint-
Honoré ou du faubourg Saint-Germain.
Partout il fut reçu avec une grande dé-
férence et une sympathie marauée.
— Voilà le philanthrope ! lui disait-on
presque toujours, lorsqu'il entrait dans le
Ealon de réception.
Et, en effet, presque partout, il parlait
de quelque œuvre de bienfaisance, re-
commandant un ouvrier sans ouvrage,
une pauvre femme veuve et chargée d'en-
Reproduction interdite.
* oir le Rappel du 9 au 27 juillet*
fants, un malheureux quelconque, estro-
pié et hors d'état de gagner sa vie, artiste
sans talent et dans la détresse, professeur
au cachet, sans élèves et famélique, etc.
Le moyen de lui refuser?
Lui-même s'inscrivait toujours pour de
fortes sommes, ne ménageait son temps
ni sa peine pas plus que sa bourse, alors
qu'il s'agissait d'organiser une vente de
charité, ou un bal de bienfaisance, ou une
représentation à bénéfice.
Hector avait raison.
Son père était véritablement un « petit
manteau bleu »,
Après sa tournée, le baron rentra, dîna
seul et, la nuit venue, sortit, mais pour
descendre au jardin, où il fit quelques
tours.
Ce jardin, que nous avons seulement
mentionné, était assez vaste, fort bien en-
tretenu, très ombreux.
Vers le fond, entouré de buissons et de
- -
quelques gros arbres de haute futaie, s'é-
levait un petit pavillon, ne contenant
qu'une seule pièce octogone, dont les pa-
rois étaient couvertes de riches tentures,
ainsi que le parquet.
Le baron affectionnait ce petit endroit
retiré, tout à fait à l'abri des bruits et des
rumeurs de la ville; -très frais en été,
parfaitement chauffé, en hiver, par un ca-
lorifère invisible qui se trouvait placé
dans un sous-sol assez profond.
Là, le baron passait souvent ses soi-
rées.
Parfois même, il y couchait, sur une
sorte de petit lit-canapé.
C'était là qu'il aimait à se recueillir, et,
dès qu'il y avait pénétré, qu'il s'y était en-
fermé, nul de ses serviteurs n'eût osé l'y
déranger.
— C'est un moyen, — disait-il en riant,
que j'ai trouvé d'être dehors, sans oouger
de chez soi.
Quand je suis là, ajoutait-il, j'ignore
aussi complètement ce qui se passe à
l'hôtel que si j'étais à vingt lieues, et je
n'ai point la fatigue ou l'ennui d'être, pour
cela, obligé de m'habiller et de fuir au
loin, ou chez des amis, ou des étrangers.
Tout homme sérieux, continuait-il,
devrait avoir un endroit pareil, où il puisse
se recueillir, n'appartenir qu'à lui-même,
penser, rêver, sans entendre même les
coups de sonnette des visiteurs que les
laquais mettent à la porte ou dont ils
vous présentent les cartes.
Je suis trop philanthrope, concluait-il,
d'un air bonhomme, pour n'avoir pas
mes moments de misanthropie.
Donc, ce soir-là, le baron gagna son
buen-retiro habituel, où il s'enferma.
La pièce unique dont se composait le
pavillon était meublée fort simplement.
Une bibliothèque garnie de quelques li-
vres de choix et sérieut; une table ronde,
sous une suspension accrochée au pla-
fond ; un lit-canapé, quelques fauteuils,
des tapis, des tentures en formaient toute
la décoration.
Une fois seul, le baron s'y promena de
long en large, lentement, pendant près
d'une heure.
Puis, ayant regardé sa montre, il alla à
la bibliothèque, appuya le doigt sur quel-
que ressort invisible connu de lui seul,
«
La bibliothèque parut se détacher de la
muraille et glissa sur elle-même sans bruit,
montrant dans la muraille une ouverture
suffisante pour le passage d'un homme.
Au ras du sol, on apercevait le commen-
cement d'un escalier étroit et tournant,
qui descendait, noyé d'ombre épaisse.
Rochegrise mit le pied sur la pre-
mière marche, saisit, sur une tablette, à
portée de sa main et fixée dans l'intérieur
de la cavité, une lanterne sourde, l'alluma,
descendit encore une marche, appuya la
main, à sa droite: contre une pierre, et la
bibliothèque reprit sa place, cachant l'ou-
verture.
Le baron tenant la lanterne, dont la lu-
mière vive éclairait suffisamment l'étroit
escalier en colimaçon, continua sa des-
cente.
Une fraîcheur de cave venait jusqu'à
lui, et, en effet, au bout de vingt mar-
ches, il se trouva dans une sorte de ca-
TTAOii OCOÛ7 miM fT>atrnT>Ca n in il r- âtfAin.
ILUU » A 3 4* "u.,,,,,.&.fiJ..!'.I' .,.,"
dre une porte assez solide et renforcée de
clous à grosse tête et de plaques de fer.
Il l'ouvrit à l'aide d'une petite clef, pres-
que microscopique, passa le seuil, la re-
ferma derrière lui, très soigneusement, et
suivit un assez long couloir, où l'humidité
suintait le long des murailles couvertes
d'une sorte de moisissure.
Il arriva enfin devant une nouvelle porte,
semblable à la précédente, qu'il ouvrit
avec la même clef, et pénétra dans une
pièce obscure, fort petite, dont les parois
étaient garnies de tous côtés de vastes
porte-manteaux.
Il y avait là, pendue en ordre, à des
patères, des vêtements de toute espèce,
mais en loques, misérables, plus ou moins
souillés, racontant tous les drames de la
misère, en représentant tous les échelons
descendants.
Dans un coin se dressait une toilette
garnie de tous ses accessoires, semblable
à celle d'un acteur, et surmontée d'une
glace immense, qui reproduisait en pied
celui qui se mettait en face.
De chaque côté, un bec de gaz.
De Rochegrise y mit le feu.
Une grande clarté remplit le caveau.
Alors, quittant ses vêtements élégants
d'homme du monde, en moins d'une demi-
heure il fut transformé et apparut tel que
nous avons sommairement décrit le père
Gigogne dans le premier chapitre de ce récit.
Houppelande, perruque, barbe, gourdin,
rides profondes, teint bistré, rien n'y man-
quait.
Son meilleur ami ne l'eût point re-
connu.
Ceci fait, il se dirigea vers un angle de
la garde-robe, écarta quelques guenilles,
découvrit une troisième porte, l'ouvrit
£ insi qu'il avait fait des précédentes, et se
trouvé" là? où nous allons le suivre.
Le baron de Rochegrise venait de péné-
trer dans une vaste pièce à plafond voûté,
qui avait dû serVfr autrefois à usage de cave.
Pour la transforma on en avait recou-
vert les murailles humées de panneaux
de chêne.
De la voûte descendait un lusize en cui-
vre, éclairé au gaz, tout allumé, éb' qui
projetait une vive clarté et une chalétl:
lourde). dans ce lieu souterraine résaait
un profond silence, car aucun bruit du
dehors n'y pénétrait.
Appliqués au long des murs, à distance
égale, des bureaux de bois blanc, au nom-
bre de vingt, couverts de papier,plumes et
encre, ayant chacun un solide tiroir.
Au centre, une table ronde, ornée d'un
large tapis vert, ayant également tout ce
qu'il fallait pour écrire, et une sonnette, à
la droite d'un fauteuil de cuir.
Dans un angle, un énorme coffre-fort
tô'jt en fer, scellé à la muraille.
La pièce, Quoique paraissant préparée
pour une prochains réception, était abso-
lument vide.
Le baron de Rochegrise, après Ul1 rapide
coup d'œil jeté autour de lui, pour s'S5$u-
rer que tout était à sa guise, traversa te"
caveau, fit glisser un des panneaux de
chêne qui garnissaient les murs et dé-
couvrit une porte, qu'il ouvrit avec la
même clef dont il se servait depuis la
commencement de ce voyage souterrain.
Au delà de la porte apparut une faible
lueur, un peu tremblante sous quelque
brusque courant d'air.
Ceci fait, il avança la main vers un bou.
ton de cuivre placé près de la porte et y
appuya le doigt, fortement, à trois re-
prises différentes.
Trois fois l'écho affaibli d'un timbre
puissant vint jusqu aux créâtes au oaron.
Alors, il retourna s'asseoif devant la
table ronde qui occupait le milieu de la
pièce, et attendit,
h. MATTflEY,
- - SA suimà
ADMINISTRATION
58, HUE DE VALOIS, a
ABONNEMENTS
ÏARIS
*ft!OÏS TROIS 10 )>
Sixmois».20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 1350;
Sixm01S Si à
-1~ 1
Adresser Mires et mandais
A M. ERNEST IiEFEVRB
^ianOSXBAXEÏÏB.'fiSBAHE
3
fm |§^^>J £ gg EâÉ&fëiiâlil EÉ^Spffi&inH
s £ REDACTION
f S'adresser au Secrétaire de la RélactittOh
-\ De 6 à 6 heures du soir
tA &&, RUE DE VAI.OIS, 1$
■ V3QÊ5 JELanuscrif S non insères ne seroufjpasrea&lâ!
ANNONCES
tttf. Ch. LAGRANGE, CERT et ce
H C, place de la Bourse, 6
ONEBRMBCMMMECSE
J'ai sous les yeux une brochure bien
èurieuse, et qu'on m'envoie bien à
propos au moment où les orléanistes
s'indignent qu'on ait vu dans le don
de leurs princes aux cholériques de
- Marseille et deToulon une simple ré-
clame politique. C'est une brochure de
Chateaubriand, intitulée : Courtes ex-
plications snr les 12,000 francs offerts
par madame la duchesse de Berry aux
indigents attaqués delà contagion.
Le 14 avril 1832 (le choléra était à
Paris), Chateaubriand écrivit au préfet
~e la Seine :
« Monsieur le comte,
» J'ai l'honneur de vous envoyer de
la part de S. A. R. Mme la duchesse de
Berry la somme de douze mille francs
pour être distribuée à la classe indi-
gente de la population de Paris atteinte
de la contagion. Le secours n'est sans
iloute pas proportionné au besoin, mais
c'est le denier de la veuve.
» Je suis, etc.
? CHATEAUBRIAND. »
Le comte de Bondy ne se trouva pas
il l'Hôtel de Ville lorsque la lettre et
)'argent lui furent portés. Le secré-
iaire général, qui ouvrit la lettre, ne
ec crut pas autorisé à recevoir l'argent.
l'rois jours après, Chateubriand reçut
îfi lettre suivante :
« Monsieur le vicomte,
» Je regrette de ne pouvoir accepter,
, eti nom de la ville de Paris, les 12,000
francs que vous m'avez fait l'honneur
jûe m'adresser. Dans l'origine des fonds
que vous offrez, on verrait, sous une
Menfaisance apparente, une combi-
naison politique contre laquelle la po-
pulation parisienne protesterait tout
entière par son refus.
» Le 16 avril 1832.
D Le préfet de la Seine.
» Comte DE BONDY. »
'Sous une bienfaisance apparente, une
tombinaison politique. Tiens! l'argent
foue les princes donnent aux cholé-
riques n'est donc de la bienfaisance
qu'en apparence, c'est de la politique
en réalité! C'est l'orléanisme qui le
prétend.
Il va sans dire que le représentant de
ia duchesse de Berry témoigna la même
indignation que témoignent aujourd'hui
les amis des princes d'Orléans. La rou-
teur lui monta au front en voyant dé-
naturer ainsi les intentions d'une pris-
cesse qui « se proposait uniquement
de donner un peu de pain et quel-
ques couvertures de laine à de pau-
vres mères qui n'avaient pour couvrir
leur nudité que le sein également nu
de leurs enfants affamés » l Etait-ce en
France que cela se passait? Qu'était-ce
que ces orléanistes « pour qui un acte
de charité se transformait en une con-
spiration »?
Non, il n'était pas vrai « que sous
une commisération apparente se cachât
une pensée politique »; non, « cette
pensée n'était point entrée dans le
cœur de madame la duchesse de Berry».
Mais, comme il n'était pas dans la na-
ture de Chateaubriand de mentir com-
plètement, l'accusation qu'il rejetait
pour sa princesse, il l'acceptait pour
lui, et il déclarait fièrement aue « sous
i
le rapport politique le don était de très
bonne guerre ».
Et il montrait déjà Henri V sur le
trône : —« Lorsque l'on sera convaincu
que les fameuses journées n'ont été
qu'une mystification pour tous les par-
tis, que chacun a été trompé, que per-
sonne n'appelait ce qui est maintenant,
qu'il est inutile de prolonger cet état de
fiction et de souffrances, alors on trou-
vera peut-être qu'Henri V est ce qu'il y
aurait de plus favorable à la fusion des
intérêts et des principes : n'emprunte-
t-on pas la main d'un enfant pour tirer
les billets gagnants dans la roue de la
fortune? » Il est sans doute très flatteur
pour la royauté d'être assimilée à la lo-
terie, mais il y a une petite différence :
c'est que l'enfant de la loterie tire pour
les autres, et que « l'enfant du miracle »
aurait commencé par s'attribuer le
gros lot.
Le grand-père du comte de Paris,
s'il lut la brochure de Chateaubriand,
ne fut pas persuadé que la politique
fût si étrangère à la mère du préten-
dant, et son préfet persista dans son
refus d' « une somme sortie des mêmes
caisses qui avaient fourni les fonds
pour la conspiration de la rue des
Prouvaires et pour les assassinats de la
chouannerie ».
Chateaubriand alors partagea les
douze mille francs entre les douze mai-
ries de Paris. Quatre mairies acceptè-
rent; mais bientôt, par ordre du préfet,
elles renvoyèrent l'argent. L'orléa-
nisme tut si exaspéré contre ce parti
qui croyait acheter la France avec douze
mille francs, que Chateaubriand re-
çut des lettres de menaces : « Je reçois
des lettres anonymes ; elles viennent
du juste-milieu ; l'écriture en est élé-
gante et fort soignée. On me menace de
la mort ; on me dit qu'on est plus fati-
gué de moi que du choléra-morbus ; on
m'annonce des libelles contre ma per-
sonne, etc., etc. Liberté pleine et en-
tière de presse, et même d'assassinat
sur moi pour ceux qui sont disposés à
user de ce moyen de publicité. »
Et l'orléanisme se plaint, quand on
le laisse distribuer toutes les sommes
qu'il veut, faire toute la propagande
qu'ii peut, et qu'on se contente de sou-
rire ! Sourire d'un acte de charité ?
Soupçonner les princes de couvrir
« d'une bienfaisance apparente une
combinaison politique » 1 Où sommes-
nous tombés? Ah ! ce n'est pas l'orléa-
nisme qui aurait jamais reçu de cette
façon un don aux malheureux ! Il les
recevait autrement, en effet. Il recra-
chait l'argent à la figure de la donatrice
et il menaçait de tuer le porteur.
AUGUSTE VACQUEME.
LA REVISION AU SÉNAT
L'écrevisse, victime d'un préjugé
vulgaire, passe pour n'avancer qu'à re-
culons. Le procédé de locomotion qu'on
attribue à tort à cet excellent animal
est en grande faveur au Luxembourg.
Le Sénat, ayant un projet de loi à exa-
miner, n'a pas l'idée banale de com-
mencer par le premier article. Cet arti-
cle, en effet, porte « qu'il y a lieu de re-
viser la Constitution ». Après viennent
le détail et l'indication des points qu'il
convient de viser. La haute assemblée,
prévenue par le vigilant M. Le Royer,
s'est bien gardée de voter le premier
article. Au lieu de faire comme le bon
sens paraît l'indiquer, de déclarer la
revision nécessaire, puis de préciser les
articles à reviser, le Sénat marche à
reculons et dit : il faut supprimer ceci,
aiouter cela à la Constitution, et finale-
ment il se résignera peut-être à dire
qu'il faut la reviser.
La malice est plus grande qu'elle
n'en a l'air. La formule générale de
revision une fois votée, le Sénat sent
bien qu elle sera valable et que toutes
les arguties du monde n'empêcheront
pas qu'une revision ordonnée par les
deux Chambres ne doive avoir lieu,
dans un délai plus ou moins proche.
Aussi le Sénat ne vote pas encore la
revision. Il vote des articles qui sont
des non-sens, le premier ne les précé-
dant pas. Il vote, notamment, des cho-
ses comme celles-ci : « En ce qui
touche les prières publiques » ; en
ce qui touche tel paragraphe de tel
article. C'est tout et le Sénat, à qui
il est bien égal de voter des non-
sens, ne dit pas ce qu'il compte faire
de ces articles, ni ce qu'il y a de caché
sous cette formule : « en ce qui tou-
che ». Jusqu'à la dernière minute, par
mesure de précaution, la revision qu'on
est censé voter au Luxembourg restera
un sous-entendu. Ce mot obscène ne
fera son apparition que le dernier, avec
l'article 1er du projet, suivant la mode
faussement attribuée aux écrevisses et
qui n'appartient guère qu'aux législa-
teurs de ce temps, à ces politiques de-
venus chinois, à force de tonkineries.
C'est seulement un peu avant trois
heures que la séance a pu commencer,
car la commission a prolongé jusqu'à
ce moment une délibération qu'elle
avait sans doute trop tardivement ou-
verte. Le premier point qui ait donné
lieu à un débat est l'extraction de sept
articles de la loi constitutionnelle, arti-
cles qu'on remplace par une loi organi-
que et qui se rapportent à l'élection des
sénateurs.La revision, qui, dans le sys-
tème ministériel, prend des formes as-
sez bizarres, a ici le caractère d'une
opération chirurgicale ; on arrache,
mais on ne guérit pas.
Une des conséquences de ce procédé
brutal, c'est de réduire à nouveau les
droits déjà si restreints qu'on veut re-
connaître au Congrès. En effet, au lieu
d'examiner tout ce qu'il pourrait faire
dans la question, le Congrès votera, par
oui et par non, sur le maintien des ar-
ticles dans la Constitution. Les modifier
dépasse sa compétence. Un des deux ou
trois membres qui, au Luxembourg,
l'
composent l'extrême gauche, l'hotio-
rable M. iLâîlsrdère, a signalé tout ce
qu'un telsystemè1 a dHftUSÎlé'et d'iuad-
missible. Ml Labordère a fait observer, en
outre, qu'on allait bien vite sur la pente
des illégalités. Après avoir inventé la
théorie de la revision limitée, c'est-à-
dire du -souverain subordonné aux frac-
tions qui le composent, on ne craîiît
pas de faire accepter par les Chambres
séparées de véritables solutions dont
l'Assemblée nationale seule devrait
être saisie. C'est la confusion même et
M. Labordère a protesté contre cette
façon d'agir avec une sûreté de lan-
gage, un bonheur d'expressions que tout
le monde a remarqués. Il y avait long-
temps qu'au Luxembourg les prin-
cipes n'avaient été ainsi défendus.
A un autre point de vue et d'un autre
côté, on a posé à M. le président du
conseil, au sujet de l'extraction de ces
premiers articles, diverses questions
qui ont paru l'embarrasser. D'abord, à
la Chambre, M. Jules Ferry s'était laissé
aller à dire qu'on pourrait, dans le Con-
grès, au lieu de la suppression ou de la
non-suppression de ces articles, délibé-
rer sur le fond. M. Ferry avait été
jusqu'à concéder qu'on pourrait pro-
poser, pour l'élection du Sénat, le
suffrage universel. On pense si ces pa-
roles, soigneusement relues par M.
Buffet, ont satisfait et rassuré les au-
diteurs.
M. Ferry, en jetant par dessus bord
sa promesse de l'autre jour, s'en est
tiré, comme il a pu, et, devant la Cham-
bre, il aura à s'en expliquer de nouveau.
Une autre question, également posée
par M. Buffet, est restée sans réponse
précise, bien que l'importance en soit
très grande, bi le Congrès retire de la
Constitution les articles relatifs à l'é-
lection du Sénat, et si, avant le mois de
décembre, les deux Chambres n'ont pas
réussi à élaborer une loi nouvelle, que
fera-t-on? On a dit que l'ancien texte cons-
titutionnel subsistera ; c'est une er-
reur, car il est impossible d'admettre
que ce qui aura été annulé par le Con-
grès puisse revivre sans la décision
d'un nouveau Congrès. Il faudrait donc,
à Versailles, se borner à une extraction
conditionnelle, qui n'aurait de valeur
qu'autant qu'une loi nouvelle serait pro-
mulguée. ,
On en est arrivé ainsi à l'article 8,
que la Chambre a compris dans la re-
vision et que la commission sénatoriale
en veut écarter. Cet article, on le sait,
règle sommairement les attributions des
deux Chambres et donne aux députés
la priorité pour les lois de finances. On
avait toujours cru jusqu'à ce jour que
le principal objet d'une revision, même
modeste, serait de réduire, dans un
juste degré, les prétentions excessives
du Sénat, prétentions qui donnent lieu
à des conflits sans cesse répétés.
La revision apportée par M. Gam-
betta, au 14 novembre, avait précisé-
ment pour caractère d'assurer à la
Chambre le premier et le dernier mot.
M. Jules Ferry avait paru d'abord se
conformer aux mêmes principes; mais
les trop nombreuses concessions aux
caprices sénatoriaux, concessions arra-
chées à la Chambre par lo cabinet, ont
augmenté les exigences des Luxem-
bourgeois. M. Jules Ferry voulait forti-
fier le Sénat et non l'affaiblir. On l'a
pris au mot et, bien loin de consentir à
céder quelque chose de ses droits de
contrôle financier, le Sénat en est venu
à réclamer l'égalité parfaite avec les
élus du suffrage universel.
Ces prétentions, formulées dans di-
vers amendements, et soutenues d'ail-
leurs par la commission, n'ont pas
trouvé, au dernier moment, dans M.
Jules Ferry, l'adversaire énergique et
inflexible qu'on pouvait espérer. Et,
chose étrange, à mesure que M. le pré-
sident du conseil fléchissait et défen-
dait plus mollement les droits des élus
duoavs. les sénateurs dovenaient moins
traitables. En leur nom, et tandis que
M. Jules Ferry feignait de croire l'ac-
cord facile ou prêt à se faire, M. Léon
Say déclarait que cet accord était illu-
soire et que le Sénat n'avait rien à
céder. Voilà le prix de cette politique
de faiblesses et d abdications successives
qui n'aura servi qu'à humilier la Cham-
bre devant les élus du petit suffrage!
Très embarrassé d'ailleurs, et on le
comprend, M. le président du conseil a
fini par demander vingt-quatre heures
de répit pour consulter à la fois la Cham-
bre et la commission sénatoriale sur un
compromis imaginé par lui et qui main-
tient à peu peu près la balance égale.
Voilà donc la Chambre appelée à con-
sentir une nouvelle abdication. Et no-
tez que cette défaillance qu'on ose lui
demander ne garantit rien. Il n'est pas
sûr que le Sénat s'en contente et, de
plus, les conflits qu'on voulait éviter
subsistent dans le système du minis-
tère. La durée en sera seulement ré-
duite. 1
Il était difficile de refuser au cabinet
le répit qu'il sollicitait, mais que le Sé-
nat semblait peu disposé à lui accorder.
M. de Freycinet a fait comprendre à
ses collègues la convenance d'accor-
der ce court délai au bout duquel le mi-
nistre s'engageait à faire la lumière sur
la question et à apporter une solution
acceptable pour tous. La proposition
de M. de Freycinet consistant à ren-
voyer la discussion à mardi a donc été
adoptée.
A. GAULIBR.
COULISSES DES OMBRES
La discussion du Sénat sur la revision
nous réservait une nouvelle surprise. On
a vu par le compte-rendu de la séance
que le Sénat a renvoyé la suite de la dis-
cussion à mardi pour permettre à la com-
mission d'examiner le nouveau système
du gouvernement, et, avant toute chose,
à la Chambre d'exprimer son. sentiment
sur ce système.
Le gouvernement va donc provoquer
demain lundi la manifestation de l'opi-
nion de la Chambre, soit en consultant
les groupes parlementaires, soit plutôt en
se faisant interpeller, de manière à obtenir
un avis motivé dans un ordre du jour
d'après lequel le Sénat s'inspirerait pour
ses résolutions définitives.
-0-
Lors même que le Congrès ne se réuni-
rait pas, la session des Chambres ne pour-
rait pas être close avant la fin de la se-
maine dans laquelle nous entrons, et plus
probablement encore pas avant le 5 ou le
6 août.
La clôture ne dépend pas des Chambres
— qui ont dépassé le minimum légal de
leur session — mais du gouvernement,
qui doit la prononcer par décret. Or, le
gouvernement désire obtenir, avant les
vacances, le vote des Chambres sur un
certain nombre de questions dont la solu-
tion ne saurait Être retardée jusqu'à la
session d'hiver.
Il y a d'abord les crédits du Tonkin,
dont le Vote est urgent, et à propos des-
quels le gouvernement sera appelé à s'ex-
pliquer sur l'incident de Langson et l'issue
des négociations actuellement pendantes
au sujet de l'indemnité réclamée à la
Chine pour la violation du traité de Tien-
Tsin.
C'est le 1er août qu'expire le délai ac-
cordé à la Chine pour répondre à la de-
mande d'indemnité. A cette date la ques-
tion aura reçu une solution quelconque,
soit que la Chine cède à nos légitimes
réclamations, soit que nous soyons obli-
gés de recourir à l'emploi de la force pour
faire respecter nos droits.
Il y aura ensuite à faire voter parles
deux Chambres les quatre contributions
directes qui doivent être votées avant la
session d'août des conseils généraux.
Enfin le Sénat devra de son côté discu-
ter les crédits de Madagascar et la loi sur
les sucres déjà adoptés par la Chambre.
Ces diverses questions occuperont évidem-
ment une semaine entière de la Chambre.
—o—
La loi sur le divorce votée par les deux
Chambres sera promulguée vendredi pro-
chain au Journal officiel. Le gouverne-
ment a un délai d'un mois pour promul-
guer les lois ; mais il ne veut pas dans le
cas présent user de cette faculté afin de
ne pas retarder la réalisation de cette
réforme de notre législation civile. La
nouvelle loi sera exécutoire à dater du
jour de sa promulgation.
Le gouvernement, s'avançant dans la
voie de la protection où il est entré avec
la Chambre par la nouvelle législation sur
les sucres, va déposer à la Chambre un
projet de loi tendant à élever les droits
sur les bestiaux étrangers à leur entrée en
France. Ce projet élaboré par le ministre
de l'agriculture, a été approuvé hier par
le conseil des ministres. Il élève le droit.:
De 15 à 25 fr. sur les bœufs ;
De 8 fr. à 12 fr. sur les vaches et tau-
reaux ;
De 5 fr. à 8 fr. sur les bouvillons, tau-
rillons et genisses ;
De 1 fr. 50 à 4 fr. sur les veaux ;
De 2 fr. à 3 fr. sur les béliers, brebis et
moutons ;
De 0 fr. 50 à 1 fr. sur les agneaux, chè-
vres et chevreaux ; -
De 3 fr. à 6 fr. sur les porcs.
Tout le monde sait que, le jour de sa
naissance, le premier cri du ministère
clérical en Belgique a été un cri de colère
contre les écoles, et qu'il a résumé sa fu-
reur contre l'instruction et contre les
fruits qu'elle porte, dans un projet de
loi, supprimant le ministère de l'ins-
truction pubhque.
En même temps qu'il songeait à étein- -
dre l'instruction, le cléricalisme belge
méditait de ranimer l'influence des prê-
tres, de là un second projet destiné à réta-
blir les relations avec le Vatican, et à
réintroduire un nonce dans la bergerie
que garde Léopold II. ,
Les sections de la Chambre des députés
ont déjà été appelées à se prononcer sur
ces deux projets de loi ; le projet contre
l'instruction publique a été adopté par
quatre sections sur cinq ; mais le crédit
pour le rétablissement des relations avec
le Vatican n'a séduit qu'une section ; les
quatre autres ont renvoyé la chose pour
examen à la section centrale du budget ;
ce qui semble indiquer que ces quatre
sections désireraient un nonce qui ne leur
coûtât pas cher.
Mais, quand on vous l'offrirait pour
rien, bons Belges, vous apprendrez plus
tard qu'un nonce coûte toujours trop
cher.
.1 I lll.llll. I ■ I — Ul ■!
LA RÉFORME UNIVERSITAIRE
Quatre ans à peine se sont écoulés de-
puis l'introduction dans les lycées des
programmes de 1880 et il faut bien avouer
que les espérances qu'ils avaient fait nai-
tre sont quelque peu déçues. C'est à qui
dégagera sa responsabilité. Pas plus tard
♦
Feuilleton du RAPPEL
DU 28 JUILLET
18
LE
ROI DES MENDIANTS
PREMIÈRE PARTIS
LE FOU
"» 'J '-* ■' V
V - ,.
XIII
iLe Baea-Betlre. - {SultçJ
Jusqu'au dîner, le baron se montra au
bois, et fit des visites chez de hauts per-
sonnages et des gens riches, bien en vue,
artistes, banquiers, journalistes, naturels
de la chaussée d'Antin, du faubourg Saint-
Honoré ou du faubourg Saint-Germain.
Partout il fut reçu avec une grande dé-
férence et une sympathie marauée.
— Voilà le philanthrope ! lui disait-on
presque toujours, lorsqu'il entrait dans le
Ealon de réception.
Et, en effet, presque partout, il parlait
de quelque œuvre de bienfaisance, re-
commandant un ouvrier sans ouvrage,
une pauvre femme veuve et chargée d'en-
Reproduction interdite.
* oir le Rappel du 9 au 27 juillet*
fants, un malheureux quelconque, estro-
pié et hors d'état de gagner sa vie, artiste
sans talent et dans la détresse, professeur
au cachet, sans élèves et famélique, etc.
Le moyen de lui refuser?
Lui-même s'inscrivait toujours pour de
fortes sommes, ne ménageait son temps
ni sa peine pas plus que sa bourse, alors
qu'il s'agissait d'organiser une vente de
charité, ou un bal de bienfaisance, ou une
représentation à bénéfice.
Hector avait raison.
Son père était véritablement un « petit
manteau bleu »,
Après sa tournée, le baron rentra, dîna
seul et, la nuit venue, sortit, mais pour
descendre au jardin, où il fit quelques
tours.
Ce jardin, que nous avons seulement
mentionné, était assez vaste, fort bien en-
tretenu, très ombreux.
Vers le fond, entouré de buissons et de
- -
quelques gros arbres de haute futaie, s'é-
levait un petit pavillon, ne contenant
qu'une seule pièce octogone, dont les pa-
rois étaient couvertes de riches tentures,
ainsi que le parquet.
Le baron affectionnait ce petit endroit
retiré, tout à fait à l'abri des bruits et des
rumeurs de la ville; -très frais en été,
parfaitement chauffé, en hiver, par un ca-
lorifère invisible qui se trouvait placé
dans un sous-sol assez profond.
Là, le baron passait souvent ses soi-
rées.
Parfois même, il y couchait, sur une
sorte de petit lit-canapé.
C'était là qu'il aimait à se recueillir, et,
dès qu'il y avait pénétré, qu'il s'y était en-
fermé, nul de ses serviteurs n'eût osé l'y
déranger.
— C'est un moyen, — disait-il en riant,
que j'ai trouvé d'être dehors, sans oouger
de chez soi.
Quand je suis là, ajoutait-il, j'ignore
aussi complètement ce qui se passe à
l'hôtel que si j'étais à vingt lieues, et je
n'ai point la fatigue ou l'ennui d'être, pour
cela, obligé de m'habiller et de fuir au
loin, ou chez des amis, ou des étrangers.
Tout homme sérieux, continuait-il,
devrait avoir un endroit pareil, où il puisse
se recueillir, n'appartenir qu'à lui-même,
penser, rêver, sans entendre même les
coups de sonnette des visiteurs que les
laquais mettent à la porte ou dont ils
vous présentent les cartes.
Je suis trop philanthrope, concluait-il,
d'un air bonhomme, pour n'avoir pas
mes moments de misanthropie.
Donc, ce soir-là, le baron gagna son
buen-retiro habituel, où il s'enferma.
La pièce unique dont se composait le
pavillon était meublée fort simplement.
Une bibliothèque garnie de quelques li-
vres de choix et sérieut; une table ronde,
sous une suspension accrochée au pla-
fond ; un lit-canapé, quelques fauteuils,
des tapis, des tentures en formaient toute
la décoration.
Une fois seul, le baron s'y promena de
long en large, lentement, pendant près
d'une heure.
Puis, ayant regardé sa montre, il alla à
la bibliothèque, appuya le doigt sur quel-
que ressort invisible connu de lui seul,
«
La bibliothèque parut se détacher de la
muraille et glissa sur elle-même sans bruit,
montrant dans la muraille une ouverture
suffisante pour le passage d'un homme.
Au ras du sol, on apercevait le commen-
cement d'un escalier étroit et tournant,
qui descendait, noyé d'ombre épaisse.
Rochegrise mit le pied sur la pre-
mière marche, saisit, sur une tablette, à
portée de sa main et fixée dans l'intérieur
de la cavité, une lanterne sourde, l'alluma,
descendit encore une marche, appuya la
main, à sa droite: contre une pierre, et la
bibliothèque reprit sa place, cachant l'ou-
verture.
Le baron tenant la lanterne, dont la lu-
mière vive éclairait suffisamment l'étroit
escalier en colimaçon, continua sa des-
cente.
Une fraîcheur de cave venait jusqu'à
lui, et, en effet, au bout de vingt mar-
ches, il se trouva dans une sorte de ca-
TTAOii OCOÛ7 miM fT>atrnT>Ca n in il r- âtfAin.
ILUU » A 3 4* "u.,,,,,.&.fiJ..!'.I' .,.,"
dre une porte assez solide et renforcée de
clous à grosse tête et de plaques de fer.
Il l'ouvrit à l'aide d'une petite clef, pres-
que microscopique, passa le seuil, la re-
ferma derrière lui, très soigneusement, et
suivit un assez long couloir, où l'humidité
suintait le long des murailles couvertes
d'une sorte de moisissure.
Il arriva enfin devant une nouvelle porte,
semblable à la précédente, qu'il ouvrit
avec la même clef, et pénétra dans une
pièce obscure, fort petite, dont les parois
étaient garnies de tous côtés de vastes
porte-manteaux.
Il y avait là, pendue en ordre, à des
patères, des vêtements de toute espèce,
mais en loques, misérables, plus ou moins
souillés, racontant tous les drames de la
misère, en représentant tous les échelons
descendants.
Dans un coin se dressait une toilette
garnie de tous ses accessoires, semblable
à celle d'un acteur, et surmontée d'une
glace immense, qui reproduisait en pied
celui qui se mettait en face.
De chaque côté, un bec de gaz.
De Rochegrise y mit le feu.
Une grande clarté remplit le caveau.
Alors, quittant ses vêtements élégants
d'homme du monde, en moins d'une demi-
heure il fut transformé et apparut tel que
nous avons sommairement décrit le père
Gigogne dans le premier chapitre de ce récit.
Houppelande, perruque, barbe, gourdin,
rides profondes, teint bistré, rien n'y man-
quait.
Son meilleur ami ne l'eût point re-
connu.
Ceci fait, il se dirigea vers un angle de
la garde-robe, écarta quelques guenilles,
découvrit une troisième porte, l'ouvrit
£ insi qu'il avait fait des précédentes, et se
trouvé" là? où nous allons le suivre.
Le baron de Rochegrise venait de péné-
trer dans une vaste pièce à plafond voûté,
qui avait dû serVfr autrefois à usage de cave.
Pour la transforma on en avait recou-
vert les murailles humées de panneaux
de chêne.
De la voûte descendait un lusize en cui-
vre, éclairé au gaz, tout allumé, éb' qui
projetait une vive clarté et une chalétl:
lourde). dans ce lieu souterraine résaait
un profond silence, car aucun bruit du
dehors n'y pénétrait.
Appliqués au long des murs, à distance
égale, des bureaux de bois blanc, au nom-
bre de vingt, couverts de papier,plumes et
encre, ayant chacun un solide tiroir.
Au centre, une table ronde, ornée d'un
large tapis vert, ayant également tout ce
qu'il fallait pour écrire, et une sonnette, à
la droite d'un fauteuil de cuir.
Dans un angle, un énorme coffre-fort
tô'jt en fer, scellé à la muraille.
La pièce, Quoique paraissant préparée
pour une prochains réception, était abso-
lument vide.
Le baron de Rochegrise, après Ul1 rapide
coup d'œil jeté autour de lui, pour s'S5$u-
rer que tout était à sa guise, traversa te"
caveau, fit glisser un des panneaux de
chêne qui garnissaient les murs et dé-
couvrit une porte, qu'il ouvrit avec la
même clef dont il se servait depuis la
commencement de ce voyage souterrain.
Au delà de la porte apparut une faible
lueur, un peu tremblante sous quelque
brusque courant d'air.
Ceci fait, il avança la main vers un bou.
ton de cuivre placé près de la porte et y
appuya le doigt, fortement, à trois re-
prises différentes.
Trois fois l'écho affaibli d'un timbre
puissant vint jusqu aux créâtes au oaron.
Alors, il retourna s'asseoif devant la
table ronde qui occupait le milieu de la
pièce, et attendit,
h. MATTflEY,
- - SA suimà
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