Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1913-06-21
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344298410
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 juin 1913 21 juin 1913
Description : 1913/06/21 (N13270,A35). 1913/06/21 (N13270,A35).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7539794q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/10/2012
GIL BLAS — 3 •—* - , SAMEDI ai JUIN 1915
Les Contes de GIL BLAS ,;
Alfred ronDe
- Hortense, dit Mo Antoine Lard à
sa femme, Hortense, ton fris ronfle
yraiment trop fort.
— Mon fils 1 mon fils ! répondit Mme
Lard, mais, Antoine, c'est aussi le tien,
de fils i
M. Lard, qui n'en doutait point, ren-
dit, à ce propos, hommage aux vertus
conjugales de son épouse, et reprit :
— Cela n'empêche pas que ce gar-
çon ronfle trop ; ce n'est pas naturel,
il doit avoir quelque chose.
.En effet, les ronflements du, jeune Al-
fred Lard, à travers portes et cloisons,
s'entendaient jusque dans Ja chambre
paterneille.
— Ah ! mon Dieu ! s'écria Mme Lard',
soudain au comble de l'inquiétude, c'est
vrai ! Il est malade ! Je le remarquais
bien, depuis quelques jours, qu'il n'é-
tait pas dans son assiette. Qu'a-t-il, à
■présent'? Une maladie de la gorge ? Je
suis sûre qu'il a pris froid, hier. An-
toine. lève-toi, il faut tout de suite aller
chercher un médecin 1
M. Lard, qui se trouvait bien dans
-son lit, tenta de calmer cette mère iin-,
.pressionnable :
— Mais non, voyons, tu sais bien
qu'il ronfle comme ça depuis au moins
un mois. -
CYlais Mme Lard ne voulait rien en-
tendre. -M. Lard disait ça polir essayer
de la ras-surer. Or, lui-même venait de
le constater à l'instant, ces ronflements
n'étaient pas naturels.
— C'est qu'il s'est couché dans une
mauvaise position. Tiens, ge vais le ré.
veiller, tu verras qu'ensuite il ne ron-
flera plus.
A quoi- songeait M. Lard ? Réveiller
ainsi cet enfant en pleine nuit, au ris-
que de lui causer une frayeur mortelle !
Il savait, pourtant, combien. Alfred était
.impressionnable. Le pauvre petit qui
s'enferme à double tour chez lui, tant
il a teur dans l'obscurité !
— Cntendu ! faisait judicieusement
observer M. Lard, mais si l'on allait
chercher un médecin, il faudrait bien
réveiller le petit.
C'était juste. Mme Lard n'avait pas
pensé à cela. Mais, dès le lendemain,
sans faute, elle conduirait son fils chez
un spécialiste .des maladies de la gorge..
(M. Lard n'y voyait pas d'inconvé-
nients. Pour l'instant, il demandait seu-
lement qu'on le laissât dormir. Et,
égoïste comme tous les hommes, iil
tourna le dos et fut (bientôt plongé dans
de sommeil, tandis que Mme Lard, dé-
vorée d'inquiétude, voyait déjà sa pro-
géniture atteinte de tous les maux dont
île siège est dans la gorge.
C'est qu'Alfred Lard. dont on avait
tête récemment le seizième anniver-
saire, était bien J'enfant du monde en-
touré de la plus étroite sollicitude.
Depuis sa naissance, des soins de
k-lous les instants lui avaient été prodi-
gués. Un garçon venu au monde après
dix années d'union stérile, Mme Lard
l'avait littéralement couvé.
Ah ! ce n'est pas lui qu'enfant on eût
laissé sortir l'hiver en chaussettes et
te cou nu. De doubles bas de !laine et
un gros cacher-nez (protégeaient ses
jambes et son cou contre des atteintes
du froid. On ne l'avait point envoyé au
collège où les gamins sont violents et
souvent mal élevés ; un précepteur à
domicile lui avait épargné les promis-
cuités scolaires. Ses lectures étaient soi-
gneusement isurveiHées afin que son
imagination ne travaillât pas plus qu'el-
le ne le devait. Il n'avait jamais mis les
pieds dans la rue sans être accompagné,
et les quelques camarades qu'on lui
permettait de voir étaient tous des su-
jets exemplaires.
Mais, aussi, que de satisfactions il
donnait à sa tendre mère. Il était une
véritable fille pour la timidité, l'inno-
cence et la douceur des manières: Heu-
reusement, car Mme Lard, qui trem-
blait sans cesse pour lui, fût morte
d'inquiétude s'il avait été un de ces
garçons que .l'on ne peut tenir et qui
deviennent si vite des hommes.,
Au petit déjeuner du matin, Mme
Lard constata que l'enfant avait mau-
vaise mine. Si, si 1 elle ne s'y trompait
pas, ses yeux étaient cernés, ses traits
tirés, il était malade. Pour ronfler com-
me il le faisait Ja nuit, il fallait qu'il eût
du mal ; il ne voulait pas .l'avouer., mais.
la sagesse commandait d'aller consul-
ter un spécialiste des maladies de fia.'
gorge.
Le spécialiste des maladies ce la gor-
ge examina soigneusement le jeune:
Lard et ne découvrit chez lui rien d'a-,
normal.
— C'est curieux, klit cet Eomme. ide;
science, je ne remarque rien. Le jeune'
homme dort, sans doute, la bouche ou-
wetrte. Il faudrait qu'il s'habituât à res-
pirer par le nez. Il n'y a pas d'autre
remède à cette légère infirmité'.
Alifred Lard fut donc invité S s'ef-
forcer de respirer par les fosses nasa.
les. II devait s'y exercer durant la jour.
née' pour que sa respiration nocturne
continuât à s'effectuer normalement.
(Mais rien ny .fit, ses ronflements ne
cessèrent point.
— C'est intolérable, à la fin 1 gronda
une nuit M, Lard. On ne peut pas dor-
mir avec un bruit pareil. Tant pis ! je
vais le réveiller,
— Au nom du ciel ! Antoine, s'écria
Mme Lard, tu vas lui faire peur.
— Laisse donc ! A son âge, il faut
bien s'aguerrir un peu. D'ailleurs, je
vais simplement siffler devant sa porte,
il paraît que cela empêche les gens de
ronfler.
Mais il eut beau siffler ; non seule-
ment les ronflements d'Alfred conti-
nuèrent, mais encore leur sonorité in-
solite ifrappa M. Lard.
On eût dit qu'ils étaient accompagnés
d'un bruit régulier de crécelle.
M. Lard appela sa femme :
— Hortense ! viens, le petit a certai-
nement quelque chose.
Mme Lard. en chemise et en papil-
lotes, surgit, affolée. Elle constata le
bruit bizarre que faisait Alfred en ron-
flant.
- Mais il râle ! s'écria ila malheu-
reuse mère. Il faut :le réveiller.
Et elle se décida de frapper à la porte
du dormeur.
— Alfred ! -Alfred ! mon petit, n'aie
pas peur, c'est moi.
Alfred ronflait toujours.
Mme Lard frappa plus fort. M. Lard
lui-même ébranla la porte de vigoureux
coups de poings.
Le jeune Lard ronflait et ne répondait
pas.
— La cletf, vite ! Je crois que la clef
du salon ouvre sa chambre. Essayons !
Mon Dieu ! pourvu qu'il n'étouffe pas.
La cletf du salon n'entrait pas dans la
serrure, mais celle de la salle à manger
put en faire jouer le pêne.
M. et Mme Lard pénétrèrent chez
leur fils.
Alfred n'était pas dans sa chambre.
Mais, sur une table, le phonographe
qu'on lui avait offert pour ses étrennes
imitait consciencieusement, avec son
bruit régulier de crécelle, Jes ronfle-
ments humains.
- Fortuné Paillot.
Le Monde
Ambassades
- Les journaux anglais annoncent que sir
Francis Bertie, ambassadeur d'Angleterre en
France, ne rejoindra pas son poste après la
visite de M. Poincaré à Londres. Son suc-
cesseur, à Paris serait, dit-on, sir Maurice de
Bunsen.
— Rappelons que c'est aujourd'hui qu'a
lieu la garden-party de charité de l'ambassa-
de de Russie.
A Paris
- Tout particulièrement brillante la ré-
ception dansante donnée avant-hier par
Mme Edgard Stern.
Au hasard parmi les invités ;
Prince Antoine d'Orléans-Bragance. duchesse
de la Rochefoucauld, baron et baronne E. de
Waldner, prince et princesse d'Isenbourg-Birs-
tein, marquise di Rudini, princesse Pierre
d'Arenberg, M., Mme et Mite Edgar de Sinçay,
prince et princesse Ghika, Mme Henri de Sin-
çay, marquise et Mlle de Saint-Sauveur, prin-
cesse de la Tour-d'Auvergne, comte et comtesse
Stanislas de Castéja, prince et princesse Jean
de Broglie, comtesse et Mlle de la Forest-Di-
vonne, princesse Guy de Faucigny-Luclnge,
Mme et Mlle du Bos, marquise de Castéja, com-
tesse et Mlle R. de Pourtalès, Mme Achille
Fould, comtesse Pierre de Segonzac, M. et Mme
André Fould, comte et comtesse Bertrand d'Ara-
mon, Mme Rutherfurd-Stuyvesant, comte et
comtesse Paul d'Aramon, Mme J. Balli et Mlle
Balli, comte et comtesse de Saint-Sauveur,
M. et Mme Maurice Ephrussi, comtesse Gaston
de Montesquiou, Mme Edmond Porgès, comte
et comtesse Ludovic de Mieulle. vicotnte et vi-
comtesse de Kersaint, etc.
—' Aujourd'hui tour de valse chez Mme
Roger Hart et une heure de musique dans
la soirée chez Mme Rutherfurd Stuyvesant.
— La comtesse Jacques d'Aramon rece-
vra demain dimanche de 4 heures et demie
à 7 heures et le dimanche suivant 29 juin.
— Demain dimanche également réception
dans l'après-midi chez la baronne Edmond
de Rothschild dans sa villa de Boulogne.
— Mme Théodore Roosvelt est pour quel-
ques jours à Paris
- La soirée donnée avant-hier par M. et
Mme dp. Poliakoff a été tout particulièrement
brill --,nte. Les artistes russes inscrits- au pro-
gramme ont été tout particulièrement ap-
plaudis.
— Très élégante garden-party hier dans
l'après-midi chez Mme Henri Schneider
dans son bel hôtel du faubourg Saint-Hono-
rç J
5 — Le 26 juin, soirée de musique et de co-
médie chez Mme Louis Payen.
— « Cinq à sept » avant-hier chez M. et
Mme Paul Souday. On a beaucoup applaudi
Mme Laute-Brun, de l'Opéra, dans des mé-
lodies de Franck, Gabriel Fauré et Georges
Brun ; Mme Mathieu-Lutz, de l'Opéra.Comi-
que, ainsi que Mlles Eve Cladel et de Fleu-
rigny dans des poésies de la duchesse de
Rohan, de MM. Charles de Pomairols, Pier-
re de Bouchaud, Henri de Fleurigny et Au-
guste Dorchain.
Dans l'assistance :
Duchesse de Rohan, princesse Pascal de Bour-
bon, Mme Henri Germain, marquise de Bridieu,
princesse Lucien Murât, Mme Gibiel. comte et
comtesse de Scavenius-Lœwendal, M. et Mme
Ch. de Pomairols, Mme Pierre ct8 Fouquières,
duc de Montmorency, comtesse de Murât,
Mme Kiobb. marquise Scribot de Bons, Mme de
Lagrana. Mme du Tartre. M. Maurice Barrès,
Mme Peter Larson, Mme Stewart, baron et ba-
ronne de Saint-Cyr, M. et Mme Auguste Dor-
chain, etc.
— Le professeur et Mme Pierre Delbet
viennent de donner un élégant dîner suivi
d'une petite réception au cours de laquelle
on a beaucoup applaudi Mme Maggie Teyte.
- Le baron Guillaume, ministre de Bel-
gique, fait actuellement une cure à Vichy.
- Fernand Halphen est parti hier pour le
château de la Chapelle-en-Serval.
— La duchesse de la Trémoïlle douairière
et sa fille, la vicomtesse de la Rochefou-
cauld, sont réinstallés au château de Ser-
rant.
— La comtesse de Trédern a donné avant-
hier un bal très brillant dans son hôtel de la
place Vendôme. Elle était aidée dans ses de-
voirs de maîtresse de maison par ses filles,
la comtesse de Sesmaisons, la comtesse de
Beaumont et la vicomtesse de Trédern.
- De charmantes réceptions dansantes
ont été données ces jours derniers par Mme
Drake del Castillo., la vicomtesse Blin de
Bourdon, Mme Gérard Mallet.
— Des dîners très élégants bien qu'inti-
mes ont été donnés ces jours derniers par le
prince et la princesse Pierre d'Arenberg, par
le prince et la princesse Jean Ghika, par
Mme des Coutures, par Mme Henri Schnei-
der.
Mariages
— En l'église Notre-Dame d'Auteuil sera
célébré aujourd'hui le mariage de M. Jac-
ques Dehaut, ingénieur des arts et manufac-
tures, avec Mlle Gabrielle Pector, fille de
M. Désifé Pector, membre de la cour perma-
nente d'arbitrage de La Haye.
— M. Emile Mathis, fils de M. et Mme
Charles Mathis, épousera jeudi prochain à
Saint-Honoré d'Eylau Mlle Jeanne Boyer,
belle-fille et fille de M. Georges Bousquet,
conseiller d'Etat honoraire, et de Mme Geor-
ges Bousquet.
— Le pasteur Roberty a béni avant-hier,
dans l'intimité, à Taverny, le mariage de
M. Albert Réville avec Mlle Lucie Pariset,
fille de M. Camille Pariset, administrateur
du Temps, et de Mme Pariset.
Les témoins étaient pour le marié : M.
Paul Meyer, membre de l'Institut, directeur
de l'Ecole des Chartes, et M. Henri Bauer,
ses oncles; pour la mariée 1 M. Adrien Hé-
brardi, directeur du Temps, et M. Edmond
Pottier, de l'Institué son oncle.
Nécrologie
-- Le capitaine et la vicomtesse de Ver-
gnetti de Lamotte, née Courtès, viennent
d'avoir la douleur de perdre leurs deux fils:
âgés de 3 ans et de 18 mois.
Un service sera célébré ce matfn à onze
heures à Saint-François-Xavier.
— Mme Caroline Montigny-Rémaury, veu-
ve de M. Auguste de Serres-Wieczffinski,
sœur de Mme Ambroi-se Thomas, est décédée
26, rue Washington, à l'âge de 71 ans. Elle
était la mère de M. Maurice Montigny, pré-
fet de la Sarthe, et la belle-mère de M. Emi-
le Lafont, artiste statuaire. Les obsèques se-
ront célébrées aujourd'hui samedi, 'à dix heu-
res, en l'église Saint-Philippe du Roule, et
l'inhumation aura lieu au cimetière du Pè-,
re-Lachaise.
— On annonce la mort de M. George Dee-
ker, secrétaire du Syndicat national des
chefs ouvriers et ouvrières des magasins
centraux de la guerre, trésorier de la Fédéra-,
tion nationale des employés civils de la
guerre, décédé à l'âge de 46 ans.
- Les obsèques de Mlle Aubertin, la prési-
dente du Comité des dames de Metz pour l'en-
tretien des tombes des militaires français, ont'
eu lieu aujourd'hui en présence d'une affluen-
ce nombreuse, presque exclusivement compo-
sée d'habitants de Metz.
Gabriel de Tanville.
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- approvisionnement
avant le 30 .1
1
Notre enquête
sur le Tango
Voici les dernières lettres que nous avons
reçues et la dernière interview que nous avons
prîse.,
M. ANDRÉ BRULÉ
,': Mon cher ami.
C'est effrayant ! le Tango, je ne l'ai ja-
mais vu danser. Si, pourtant, dans La Se-
maine folle. en parodie. Alors cette danse
argentine garde pour moi l'attrait du mys-
tère. jr imagine des choses, des choses !.
Au îond, ce doit être beaucoup plus sim-
ple que je ne le pense. Il vaut peut-être
mieux que je demeure dans mon ignorance,
pour me pas avoir de désillusion.
Et puis, que les gens dansent donc com-
me il leur pialt, et ce qui leur plaît. Je sup-
pose que, dans les salons, les audaces du
Tango sont atténuées. Cela doit suffire.
Mais,, une danse nouvelle on n'en peut
janiais bien parler.
On pense à celle qui lui succédera dans
le goùt du public. Si vous le voulez bien,
nous reparlerons du Tango dans un an ou
deux.
André BRULE.
- M,., F.-T. MARINETTI
Le Tango, c'est l'exaspération de la
luxure en plein vent. Cette danse est dan-
gereuse pour une race forte, car la nuit:
suffit à là luxure et, à présent, on consa-
cre ses après-midi au Tango. C'est trop.
D'autre part, notre directeur 'a reçu de M.,
Georges Feydeau la lettre suivante qui remet;
au point l'interview qu'il avait donnée à notre
collaborateur.
M. Georges FEYDEAU
Mon cher Mortier,
Je suis très étonné de voir l'appréciation
que- me prête votre collaborateur sur le
Tango. Je me suis sans doute mal expri-
mé, car je vois qu'il n'a pas compris un
mot de ce que je lui ai dit.
Voici donc exactement ce que je pense
de votre danse à frottement :
Le Tango, comme tout geste qui provo-
que ou prépare à la perpétration de l'Es-
pèce, est sans doute, très louable, mais ce
n'est pas une raison pour qu'on s'y livre
en public. Et puisque le mariage a été
institué précisément pour ladite repro-
duction de l'Espèce, je trouve que, si Tan-
go il y a, il devrait être un aphrodisiaque
limité seulement au mari et à la femme.
Je sais très bien que le Tango légitime au-
rait vite fait de manquer de charmes et
qu'on lui préférera toujours le Tango adul-
térin pour femmes mariées et le Tango
naturel pour demoiselles. Comme dit l'au-
tre : « Tout homme a dans son cœur. »
et les femmes aussi.
Allez-y donc, messieurs, dames. Tango-
tez-vous, puisque vous y trouvez joie et
sensations ! Tangotez-vous bien, puisque le
monde tolère, et que grand bien vous
fasse ! iMoi je regarde.
A vous4
G. FEYDEAU.
D'autre part, nous recevons de l'Académie
'des maîtres de danse de Paris une copieuse
et éloquente notice qui nous prouve que ces
messieurs sont en même temps que des statis-
ticiens éprouvés de fins psychologues. Ils nous
apprennent que sur 12.276 professeurs connus
dans le monde entier, 6.000 environ enseignent
le tango suivant les règles. Puis ils se livrent
A des considérations d'un ordre très élevé et
d'une haute portée philosophique et sociale:
Les gestes du danseur sont le reflet de
son esprit. Ainsi, regardons danser une
personne intelligente et bien élevée ; nous
ne verrons en'elle (une fois son éducation
chorégraphique terminée) que des mouve-
ments bien coordonnés ; nous n'y rencon-
trerons pas ce relâchement des muscles
des membres inférieurs donnant des
flexions exagérées. Nous ne remarquerons
que des extensions et des flexions douces
et liées, des 'pas bien dessinés, des atti-
tudes correctes, et si ces mouvements et
attitudes harmonieuses -sont exécutés sur
une musique mélodieuse, nous serons alors
transportés vers un idéal artistique. Ins-
piration que nous pourrions vainement
chercher dans les mouvements provenant
d'un esprit frisant la vulgarité.
D'où vient cette décadence du goût et de
la bonne tenue ? De l'intelligence et de l'é-
ducation de l'élève d'abord, mais bien aussi
du manque d'instruction des professeurs.
L'enseignement de la danse, sœur de da mi-
me et du geste, demande un ensemble de
connaissances approfondies, de "dessin, d'a-
natomie et de physiologie, que la majo-
rité des professeurs ignorent totalement au-
jourd'hui: C'est beaucoup à cela que nous
devons cette nuée de mauvais danseurs,
et nos couples dansants prêtent plutôt les
artistes à les caricaturer qu'ils ne les Ins-
pirent à de nobles lignes. La vraie raison,
c'est que l'enseignement est souvent mau-
vais.
Il est regrettable que les principes de nos
anciens maîtres, étminents professeurs et
anatomistes, ne soient pas observés et res-
pectés. L'on verrait alors des élèves bien
plantés, droits, plaçant leurs bras correc-
tement en leur donnant une tournure agréa-
ble, et faire des mouvements simples, sou-
ples- et sans contorsions. Un bon maître
de danse doit avoir fait tout jeune ses clas-
ses à l'Opéra, ou dans une Académie do
premier ordre. Contrairement, aujourd'hui.
beaucoup de professeurs ont commencé à
danser trop tard, ayant .passé leur jeu-
nesse dans des bureaux ou ateliers, ne
perfectionnant leur art par aucune connais-
sance artistique.
D'une lettre que nous adressent MM. Maurice
et Florence Walton qui furent, dans- une cer-
taine mesure, les introducteurs du tango en
Europe, nous détachons ce passage:
Le Tango est une danse parfaitement cor-
recte et belle. 11 est beaucoup de Parisiens,
et même des professeurs, qui pensent qu'ils
ne peuvent pas danser le Tango ; ils se
trompent. Je tiens à vous dire que, lors-
que ce pas est dansé convenablement, il
peut l'être devant tout le monde. Je l'ai moi-
même dansé devant le feu roi Edouard VII,
et cette année, devant les membres de la
plus haute société de Londres.
Faut-il l'avouer r. Après avoir, sur la grave
question du tango, consulté les personnalités
parisiennes les plus en vue, notre religion ne
nous paraît pas suffisamment éclairée. languis-
tes obstinés ou anlilanguistes convaincus ont
mis à défendre leur opinion tant de chaleur et
d âpreté que nous passions nous-mbnes. tour
à tour, par les sentiments contraires. Mais puis-
que nous devons terminer cette enquête et qu'à
la fin de toute enquête s'impose une conclu-
sion, marquons les points. établissons le bilan
En dehors des réponses des personnalités pa-.
risiennes que nous avons directement consul-
tées, nous avons reçu 317 lettres de lecteurs ou
d'abonnés. Il en est de fort intéressantes. et
nous regrettons de n'en pouvoir publier que
ces quelques extraits ;
Mme Madeleine Fréval nous écrit :
« Laissons donc cette danse à quelques vir-
tuoses du music-hall, et revenons au sage,
paisible et classique boston. »
— « Je vous avoue, nous dit la comtesse
de Barrère, que lorsque je vois mes pe-
tits-enfants prendre plaisir à ces distrac-
tions absurdes, je regrette amèrement le
temps de ma jeunesse. Vous ne lutterez
jamais assez contre le tango et le tobog-
gan. H
— « Dansons le Tango, écrit Mlle Ysèle
Daghmée, dansons le Tango si nous l'ai-
mons, dansons-le avec grâce, et laissons-
le critiquer par tous ceux qui n'ont aucune
idée de ce que c'est, et qui, ayant conscien-
ce qu'ils ne pourront jamais le bien dan-
ser, cacnent ainsi leur déception. t)
Mme- Léo Vennat raconte qu'une de ses
amies, qui appartient à la colonie russe de
Paris, s'écria : « Oh ! ce Tango ! Comme
c'est original et voluptueux ! Mais.
avouons qu'il n'y a que les Françaises pour
oser de telles danses et pour les danser si
bien ! Elles sont si piquantes 1 »
Nous avons classé les réponses en trois ca-
tégories : partisa-ns, ennemis, indécis. Les pre-
,miers sont aù nombre de 109, les seconds de
loi ; restent 47 correspondants peu fixés et tout
disposés, sans doute, à îe rallier à la maio-
rité.
Donc, si les artistes consultés sont en général
plutôt favorables à la danse en vogue, la clien-
tèle mondaine et artiste de Gil Blas lui est
hostile en majorité. Nous enregistrons en toute
impartialité ce verdict. Mais ne nous nâions
pas de condamner le tango. Souhaitons sim-
plement que ce divertissement venu des bouges
argentins perde son caractère un peu trop
hardi pour ne garder que son élégance, sa grâce
et tous les charmes que Paris lui a prêtés.
———————— ————————
Les Lettres
Psyché
Notre brillant collaborateur et ami Ga-
briel Mourey publie ces jours-ci, sous ce ti-
tre, un poème dramatique en trois actes qui,
par la façon dont y est renouvelé et élargi
le mythe de Psyché, par la beauté et la lim-
pidité de la forme et du rythme, nous pa-
raît appelé à un grand retentissement.
Nous sommes heureux de pouvoir offrir à
nos lecteurs la primeur d'une des scènes ca-
piiales de cette œuvre débordante de poésie
vraie et d'émotion humaine, celle où Psy-
ché, remontée des Enfers, est recueillie par
Pan dans sa grotte.
PAN
Hélas ! Hélas ! sur mon vieux front,
0 Psyché, la nuit s'amoncelle.
Il faudra vous hâter. sinon
Je ne serai plus là. la terre maternelle
M'aura -repris.
PSYCHÉ
Ne parle pas ainsi.
Tu es et tu seras toujours le dieu robuste
Aux pieds fermes, aux regards justes.
Le dieu bondissant et fécond
Des ruisseaux et des vents, des forêts et des
[monts.
PAN
Non, non ; je ne sens plus avec autant de force
Ni d'dan qu'autrefois
La vie en moi
Courir comme la sève au printemps sous l'é-
[corse.
Dans les muscles noueux et retors de mon torse
Et de mes membres je ne sens plus, pour les
[tendre,
Se répandre
La vibrante énergie et l'ardeur prompte et claire
De naguère.
Il ne circule plus à travers mes artères
Qu'un sang lourd qu'épaissit un étrange poison,
Et, regarde, à présent, sous sa rare toison,
Ma chair
Est sèche, a la couleur morte d'un vieux tison
Où ne flambe plus même une étincelle.
Cependant, là, derrière les cloisons
De ce crâne informe,
Ici, dans ce cœur, sous la langue énorme
Où il bat, a germé une force nouvelle.
Elle pousse, elle va fleurir, elle illumine
Déjà la formidable et obscure ruine
Du Dieu que je fus.
Et ne serai plus.
C'est toi. Psyché, qui as accompli ce prodige.
',' PSYCHÉ
Est-il possible ? Moi !
PAN
Toi, toi seule, te dis-je.
Parmi les mensonges touffus
Des apparences, je marchais lourd et confus.
Tu es venue 1
Psyché, je vis comme dans un vertige
Depuis le jour que je t'ai vue !
Songe: j'appartenais à tout, tout m'appartient
Maintenant ; je me vois maître de tout, je tiens
Entre mes mains le cœur brûlant du monde,
Et je connais la loi. profonde
De la vie innombrable.
Je suis capable maintenant dé tout apprendre,
Je suis capable
De tout comprendre,
Car en moi ,'.
t Habite la lumière et non plus hors de moi.
O ma Psyché, ces heures d'ivresse ineffable.
1 De révélation, je te les dois. -.;
Je te dois tout : tu m'as appris
Qu'il existe une force immortelle, l'Esprit,
Et que c'est l'Esprit qui anime la Matière.
Je t admire et je te bénis. oh ! laisse-moi
Baiser, tes frètes doigts
Qui m'ont ouvert -
Enfin les yeux au mystère de l'univers.
Gabriel MOUREY.
——— ———
L'affaire Kronprinz-Hauptmann. - M.
iMax .Reinhardt, l'imprésario connu, vient
d'acheter le matériel et les costumes dl
drame de Gerard Hauptmann interdit à
Breslau.
Il se propose d'en donner, en dépit du
kronprinz, des représentations, à Breslau.
L'affaire, qui d'ailleurs continue à pro-
voquer un bruit énorme, ne recevra donc
qu'une solution tardive.
Un anniversaire. — Le vendredi 4 juillet
prochain, la Société des Gens de Lettres cô<
iénrera le 75e anniversaire de sa fondation,
Cette commémoration sera présidée par M.,
Raymond Poincaré, assisté de M. Antonin
Dunost, de M. Paul Deschanel, de M. Louis
Barthou, des membres du gouvernement et
des dignitaires de l'Etat.
A deux heures et demie, cérémonie com-
mémorative au grand amphithéâtre de la
Sorbonne.
M. Georges Lecomte, préstdent de la So-
ciété, fera un discours ; M. Louis Barthou
et M. Raymond Poincaré prendront la pa-
role après luL
Un concert aura lieu ensuite, au cours
duquel M. Jean Richepin dira un poème
inédit dont il est l'auteur. Mlle Madeleine
Roch, M. Mounet-Sully, les chœurs de la
Société des Concerts du Conservatoire et
la Garde républicaine prêteront leur con-
cours.
A cinq heures et demie, la municipalité
recevra solennellement la Société des Gens
de Lettres à l'Hôtel de Ville.
A sept heures et demie, au Grand-Hôtel,:
banquet sous la présidence de M. Louis
Barthou, président du Conseil des minis-
tres, ministre de l'instruction publique, as-
sisté de M. Antonin Dùbost, président du
Sénat, et de M. Paul Desohanel, président
de la Chambre des députés et des membres
du gouvernement.
Ce banquet sera suivi d'une soirée ex-
ceptionnellement brillante, dont nous don-
nerons ultérieurement le programme.
A la mémoire de Léon Dierx. — Les
« Amis des Lettres et des Arts » consacrent
leur banquet mensuel à la glorification de
Léon Dierx. On se réunira au Café de Fleu-
rus (24, rue du Luxembourg), samedi soir
21 courant ; réunion publique à 9 heures.
Les obsèques de Léon Deubel. — Les
obsèques de Léon Deubel se ferontaujour..
d'hui samedi 21 juin, à 2 heures un quart.
On se réunira à la Morgue.
(Napoléon Ier amoureux. — Sous le titre
Tendresses impériales. on a réuni, avec une
,série de lettres à Joséphine, divers écrits
de l'empereur relatifs à l'amour et au ma-
riage.
Ces pages sont d'une lecture passion,
nante. Elles éclairent d'un jour nouveau la
grande figure de Bonaparte. Elles sont pré-
cédées d'une lettre-préface à Maurice Bar-
rés par Abel Gri.
L'éditeur Sansot a été heureusement ins-
piré en enrichissant de ce volume sa Nou-
velle Bibliothèque de variétés littéraires. a
1 fr. 60.
En l'honneur de François Fabié. — Les
étudiants ont donné, en leur Maison, une
fête en l'honneur du poète régionalisée
François Fabié, sous la présidence du
sculpteur Denys Puech, membre de l'Insti-
tut, assisté de M. Le Corbeiller, conseillée
municipal, et de M. Carsenac, président ds
la commission des fêtes.
Me Joseph Hild, avocat à la Cour, a reï
tracé la vie harmonieuse du poète de la-
Bonne Terre. Mounet-Sully a dit Jean le
Patre, et Silvain, les Genêts et le Sabotier;
Mmes Duluc, Jane Yrem, de Grandprey,
Andrée Bauer, Gotte et Mariner et M.
Laudner récitèrent des pièces de la Poésie
des Bêtes, de Par les vieux chemins et de
Vers la maison. M. Emile Albert fut accla.
mé dans l'admiralbe pièce : Savoir vieillir.
L'Echelle. - Un déjeuner cordial et lit-
téraire réunissait hier les membres de
l'Echelle en l'honneur de M. Louis Barthou,
président du Conseil, et de M. Dissesco,
ministre de l'Instruction publique dè Rou-
manie.
M. Barthou présidait ; il avait à sa droite
M Dissesco, à sa gauche M. Jacques Bou-
lenger. Les convives étaient MM. René
Boylesve, Frantz Funck-Brentano, Marcel
Boulenger, Albert-E. Sorel, André de Lor-
de, Pierre Sardou, Henri Chervet, Raymond
Lécuyer, Favier, Lamirault, Louis Madelin.
Gaston Chérau, Georges Claretie, François
Le Gris, Emile Henriot., Jérôme Tharaud,
Boulloche. Yeatman, docteurs Mouchet et
Boucheron.
Les Uns.
r ,
FILTRE
PASTEURISATEUR
IMALLIÉ
155, rue du Faubourg Poissonnière A
et dans les bonnes maisons d'article de ménage. *
La Galerie de CIL BLAS
he Moulage
(Suite et fin)
'Cette violence le sauva de la terreur
qui montait en lui, ardente, comme
d'un abîme. Il .pressa le pas et lorsqu'il
fut chez le mouleur, posa la tête en fa-
ce de lui, sans la regarder.
- Nom de Dieu 1 cria l'Italien.
- Je vous la vends, monsieur.
Le mouleur regarda le jeune homme.;
Paz considérait la pointe de ses sou-'
liers.
Alors il y eut un rapide échange de
paroles brèves, de chiffres. L'un et l'au-
tre voulaient en finir, yite 2
— Vendre ?
- Oui, combien ?
- Voyez.
— C'est à vous de voir,,
- Eh bien, cinquante.
Paz ne bougea pas, il iétait sans p,en-
ée.
> — Cinquante, m'entendez-ïous 2 fia
ne vaut pas illus,
- Donnez.
— Voilà,
- Merci.
Le Russe prit les cinquante francs et
s'en alla.
**#
En rentrant chez lui, Paz rangea les
cinq pièces de dix francs sur la chemi-
née. Elles se mirent aussitôt à danser
'sur le marbre, avec des tiiïtemeinte,
1 durs, par gambades folles. C'était son
i cauchemar qui .revenait.
— Allons, se dit-il, en pressant son
front, je ne mangerai pas encore ce
soir.
C'était Je 8 février. Il n'avait plus ae
pain et tenta de s'endormir.
Le 9 et Ile 10 furent des jours de fiè-
vre et de jeûne, mais le 11 au matin, ifl
se laissa couler de sa chambre à la rue,..
jpar la rampe de l'escalier.
— Bonjour, Pazziki, je viens de voir
tons père 1 lui cria BonvaJ en passant.
Le Russe empoigna son camarade au
ledUel, il était si horrible que l'autre eut
peur.
- IA'lî 1 vieux, je te demande pardon,
j'oubliais. Je voulais dire seulement,..
- Qu'est-ce ique tu vouilais dire ?.
e— Ne me serre pas comme ga, espè-
ce de brute I Le moulage, le fameux
moulage, eh bien ! je l'ai vu tout à
l'heure chez le patron,.
Ils se lâchèrent. flGejRusse demeura
seul au milieu du trottoir, debout, stu-1
IPéfaib, indigné. :
Le Ilendemain, comme il traversait le'
quartier, il s'arrêta devant le magasin i
de mouilages de la rue Racine, ét reçut;
comme la veille, en iplein, Je même;
soufflet d'horreur.
— Partout, donc l
(La tête de son père "était en faoe de i
lui, entourée de bibelots et de femmes
nues. L'une d'entre elles s'amusait- avec
un chat et lui tendait da ,pointe de ses
seins. Il y avait aussi la Rieuse, de
&fue:nne,wlerC!k, un Centaure bondis-
sant de joie qui écrasait du raisin, et
de petites figures d'enfants qui (tiraient
la ilangue. Au milieu de ces éolats de
rire, le crâne de Pavloski, pétri de
néant, farouche, énorme, dardait sur la
jeune-homme l'impression mortelle de
ses yeux éteints, de sa bouche murée,,
de son cœur meurtri. Le jeune hom.
me s'accrocha aux traverses de Ja bou-
tique.
— Ah ! partout. je le verrai donc:
partout !. ,
«=? Il .s'enfuii sur les quais. 'Au mo-
ment où il passait sur le pont Saiint-
■'Michel, il se buta contre un Italien.
- Moussou 1 Mousson 1 cria le bo-
hème. ..,
, Il protégeait de ses bras un angle d'e
parapet, tout couvert de statuettes.
Soudain, une nuée sanglante sauta
aux yeux de Paz ! Et pendant une
minute, il regarda fé.p.ouv,ant.able vi-
sion : la tête de son père, toute blanche,
enroulée dans un pan de barbe, comme
une tête de noyé.
..Alors il se rua en avant, et d'un oou,p
de poing sauvage balaya dans -la Seine
tout ce qui se trouvait sur fie paraipet !
- Oh ! fou ! mousou l'estudiante est
fou ! hurla l'Italien en colère.
Paz se retourna, d'un sursaut violent,
iil se rappela qu'il avait son argent..*!
Et après s'être fouHlé, il l'écrasa contre
le pont en brutale poignée d'or, et s'en-
( uÎit f.;
•** "i
Il rentra, de flair, lSIans chercher sa:
route, comme un chien. Il faisait nuit,
Il tui oombla-que tout son corps cra-
quait, se disiloquait, fondait en « bouilille
vsous ses ipas. Une fois couché contre
sa muraille, la tête en arrière,. sur da
HR«'.
.nuque, les cauchemars ide la honte le
;.f.esswisir,ent. Ce rêve -lui ordonnait la
réclusion, lui désignait la ville comme
une ennemie. Chaque boulevard, cha-
que avenue, chaque impasse, de heur-
tait de s,on épouvantail ! Toutes les de-
vantures, .toutes les vitrines .recélaient
; cette vision : Pavloski dressé contre
Paz, blême et hideux. Eit c'était le pè-
Íre qui le voulait ainsi, ipour qu'inces-
samment le remords flagellât le cœur
"du garçon. Tu as trahi Dieu 1 tu as
i vendu ton père !.
AloDS, il tendit les brars vers la fenê-
tre, se sentant seul, horriblement aban-
donné. Son père était partout, et de-
viendrait bientôt la proie de chacun.
'Cette tête, on la reproduirait sur d'au-
tres corps, et ce serait Je châtiment de
la fin que ces milliers d'effigies sans
nom roproduites à jamais 1
; Il regarda sa chambre en pleurant.
Rien qu'une selle de sculjpteur avec
lune poignée de teirre. Les murs étaient
! vides, sans (gravures. Il récita tout bas
cette .phrase, mélancolique, cette ré-
flexion d'enfant
— Iil n'y; a que moi qui n'ai rien.-
Cette penscée le calma un peu, eit le
lendemain, vers huit heures, il descen-
dit à lia, rue Racine*
Le marchand était dans sa boutique •
— Monsieur.
Paz leva la main a
, - Là.
Le marchand leva les yeux et suivit
le geste.
— Là !. ilà L., répétait le Russe.
icomme un fou.
— Parfaitement, c'est -le moulage.
Le marchand décrocha le masque et
:1e posa devant lui. :
— C'est deux francs.
Paz fouilla dans ses poches. Il en re-
tira un carnet et deux ou. trois ficelles.
Ses doigts idiots aullaient et venaient
sur la table.
— Eh bien ? fit le marchand.
Le jeune homme se fouilla une se-
conde fois, tira de son habit une croûte
de pain et la rangea sur la table, à côté
'du carnet et des ficelles.
Alors il y eut un silence ; les deux
hommes se regardèrent, l'un curieu*.
.'l'autre atterré.
Paz n'avait plus le sou.
Georges d'Esparbès.
Les Contes de GIL BLAS ,;
Alfred ronDe
- Hortense, dit Mo Antoine Lard à
sa femme, Hortense, ton fris ronfle
yraiment trop fort.
— Mon fils 1 mon fils ! répondit Mme
Lard, mais, Antoine, c'est aussi le tien,
de fils i
M. Lard, qui n'en doutait point, ren-
dit, à ce propos, hommage aux vertus
conjugales de son épouse, et reprit :
— Cela n'empêche pas que ce gar-
çon ronfle trop ; ce n'est pas naturel,
il doit avoir quelque chose.
.En effet, les ronflements du, jeune Al-
fred Lard, à travers portes et cloisons,
s'entendaient jusque dans Ja chambre
paterneille.
— Ah ! mon Dieu ! s'écria Mme Lard',
soudain au comble de l'inquiétude, c'est
vrai ! Il est malade ! Je le remarquais
bien, depuis quelques jours, qu'il n'é-
tait pas dans son assiette. Qu'a-t-il, à
■présent'? Une maladie de la gorge ? Je
suis sûre qu'il a pris froid, hier. An-
toine. lève-toi, il faut tout de suite aller
chercher un médecin 1
M. Lard, qui se trouvait bien dans
-son lit, tenta de calmer cette mère iin-,
.pressionnable :
— Mais non, voyons, tu sais bien
qu'il ronfle comme ça depuis au moins
un mois. -
CYlais Mme Lard ne voulait rien en-
tendre. -M. Lard disait ça polir essayer
de la ras-surer. Or, lui-même venait de
le constater à l'instant, ces ronflements
n'étaient pas naturels.
— C'est qu'il s'est couché dans une
mauvaise position. Tiens, ge vais le ré.
veiller, tu verras qu'ensuite il ne ron-
flera plus.
A quoi- songeait M. Lard ? Réveiller
ainsi cet enfant en pleine nuit, au ris-
que de lui causer une frayeur mortelle !
Il savait, pourtant, combien. Alfred était
.impressionnable. Le pauvre petit qui
s'enferme à double tour chez lui, tant
il a teur dans l'obscurité !
— Cntendu ! faisait judicieusement
observer M. Lard, mais si l'on allait
chercher un médecin, il faudrait bien
réveiller le petit.
C'était juste. Mme Lard n'avait pas
pensé à cela. Mais, dès le lendemain,
sans faute, elle conduirait son fils chez
un spécialiste .des maladies de la gorge..
(M. Lard n'y voyait pas d'inconvé-
nients. Pour l'instant, il demandait seu-
lement qu'on le laissât dormir. Et,
égoïste comme tous les hommes, iil
tourna le dos et fut (bientôt plongé dans
de sommeil, tandis que Mme Lard, dé-
vorée d'inquiétude, voyait déjà sa pro-
géniture atteinte de tous les maux dont
île siège est dans la gorge.
C'est qu'Alfred Lard. dont on avait
tête récemment le seizième anniver-
saire, était bien J'enfant du monde en-
touré de la plus étroite sollicitude.
Depuis sa naissance, des soins de
k-lous les instants lui avaient été prodi-
gués. Un garçon venu au monde après
dix années d'union stérile, Mme Lard
l'avait littéralement couvé.
Ah ! ce n'est pas lui qu'enfant on eût
laissé sortir l'hiver en chaussettes et
te cou nu. De doubles bas de !laine et
un gros cacher-nez (protégeaient ses
jambes et son cou contre des atteintes
du froid. On ne l'avait point envoyé au
collège où les gamins sont violents et
souvent mal élevés ; un précepteur à
domicile lui avait épargné les promis-
cuités scolaires. Ses lectures étaient soi-
gneusement isurveiHées afin que son
imagination ne travaillât pas plus qu'el-
le ne le devait. Il n'avait jamais mis les
pieds dans la rue sans être accompagné,
et les quelques camarades qu'on lui
permettait de voir étaient tous des su-
jets exemplaires.
Mais, aussi, que de satisfactions il
donnait à sa tendre mère. Il était une
véritable fille pour la timidité, l'inno-
cence et la douceur des manières: Heu-
reusement, car Mme Lard, qui trem-
blait sans cesse pour lui, fût morte
d'inquiétude s'il avait été un de ces
garçons que .l'on ne peut tenir et qui
deviennent si vite des hommes.,
Au petit déjeuner du matin, Mme
Lard constata que l'enfant avait mau-
vaise mine. Si, si 1 elle ne s'y trompait
pas, ses yeux étaient cernés, ses traits
tirés, il était malade. Pour ronfler com-
me il le faisait Ja nuit, il fallait qu'il eût
du mal ; il ne voulait pas .l'avouer., mais.
la sagesse commandait d'aller consul-
ter un spécialiste des maladies de fia.'
gorge.
Le spécialiste des maladies ce la gor-
ge examina soigneusement le jeune:
Lard et ne découvrit chez lui rien d'a-,
normal.
— C'est curieux, klit cet Eomme. ide;
science, je ne remarque rien. Le jeune'
homme dort, sans doute, la bouche ou-
wetrte. Il faudrait qu'il s'habituât à res-
pirer par le nez. Il n'y a pas d'autre
remède à cette légère infirmité'.
Alifred Lard fut donc invité S s'ef-
forcer de respirer par les fosses nasa.
les. II devait s'y exercer durant la jour.
née' pour que sa respiration nocturne
continuât à s'effectuer normalement.
(Mais rien ny .fit, ses ronflements ne
cessèrent point.
— C'est intolérable, à la fin 1 gronda
une nuit M, Lard. On ne peut pas dor-
mir avec un bruit pareil. Tant pis ! je
vais le réveiller,
— Au nom du ciel ! Antoine, s'écria
Mme Lard, tu vas lui faire peur.
— Laisse donc ! A son âge, il faut
bien s'aguerrir un peu. D'ailleurs, je
vais simplement siffler devant sa porte,
il paraît que cela empêche les gens de
ronfler.
Mais il eut beau siffler ; non seule-
ment les ronflements d'Alfred conti-
nuèrent, mais encore leur sonorité in-
solite ifrappa M. Lard.
On eût dit qu'ils étaient accompagnés
d'un bruit régulier de crécelle.
M. Lard appela sa femme :
— Hortense ! viens, le petit a certai-
nement quelque chose.
Mme Lard. en chemise et en papil-
lotes, surgit, affolée. Elle constata le
bruit bizarre que faisait Alfred en ron-
flant.
- Mais il râle ! s'écria ila malheu-
reuse mère. Il faut :le réveiller.
Et elle se décida de frapper à la porte
du dormeur.
— Alfred ! -Alfred ! mon petit, n'aie
pas peur, c'est moi.
Alfred ronflait toujours.
Mme Lard frappa plus fort. M. Lard
lui-même ébranla la porte de vigoureux
coups de poings.
Le jeune Lard ronflait et ne répondait
pas.
— La cletf, vite ! Je crois que la clef
du salon ouvre sa chambre. Essayons !
Mon Dieu ! pourvu qu'il n'étouffe pas.
La cletf du salon n'entrait pas dans la
serrure, mais celle de la salle à manger
put en faire jouer le pêne.
M. et Mme Lard pénétrèrent chez
leur fils.
Alfred n'était pas dans sa chambre.
Mais, sur une table, le phonographe
qu'on lui avait offert pour ses étrennes
imitait consciencieusement, avec son
bruit régulier de crécelle, Jes ronfle-
ments humains.
- Fortuné Paillot.
Le Monde
Ambassades
- Les journaux anglais annoncent que sir
Francis Bertie, ambassadeur d'Angleterre en
France, ne rejoindra pas son poste après la
visite de M. Poincaré à Londres. Son suc-
cesseur, à Paris serait, dit-on, sir Maurice de
Bunsen.
— Rappelons que c'est aujourd'hui qu'a
lieu la garden-party de charité de l'ambassa-
de de Russie.
A Paris
- Tout particulièrement brillante la ré-
ception dansante donnée avant-hier par
Mme Edgard Stern.
Au hasard parmi les invités ;
Prince Antoine d'Orléans-Bragance. duchesse
de la Rochefoucauld, baron et baronne E. de
Waldner, prince et princesse d'Isenbourg-Birs-
tein, marquise di Rudini, princesse Pierre
d'Arenberg, M., Mme et Mite Edgar de Sinçay,
prince et princesse Ghika, Mme Henri de Sin-
çay, marquise et Mlle de Saint-Sauveur, prin-
cesse de la Tour-d'Auvergne, comte et comtesse
Stanislas de Castéja, prince et princesse Jean
de Broglie, comtesse et Mlle de la Forest-Di-
vonne, princesse Guy de Faucigny-Luclnge,
Mme et Mlle du Bos, marquise de Castéja, com-
tesse et Mlle R. de Pourtalès, Mme Achille
Fould, comtesse Pierre de Segonzac, M. et Mme
André Fould, comte et comtesse Bertrand d'Ara-
mon, Mme Rutherfurd-Stuyvesant, comte et
comtesse Paul d'Aramon, Mme J. Balli et Mlle
Balli, comte et comtesse de Saint-Sauveur,
M. et Mme Maurice Ephrussi, comtesse Gaston
de Montesquiou, Mme Edmond Porgès, comte
et comtesse Ludovic de Mieulle. vicotnte et vi-
comtesse de Kersaint, etc.
—' Aujourd'hui tour de valse chez Mme
Roger Hart et une heure de musique dans
la soirée chez Mme Rutherfurd Stuyvesant.
— La comtesse Jacques d'Aramon rece-
vra demain dimanche de 4 heures et demie
à 7 heures et le dimanche suivant 29 juin.
— Demain dimanche également réception
dans l'après-midi chez la baronne Edmond
de Rothschild dans sa villa de Boulogne.
— Mme Théodore Roosvelt est pour quel-
ques jours à Paris
- La soirée donnée avant-hier par M. et
Mme dp. Poliakoff a été tout particulièrement
brill --,nte. Les artistes russes inscrits- au pro-
gramme ont été tout particulièrement ap-
plaudis.
— Très élégante garden-party hier dans
l'après-midi chez Mme Henri Schneider
dans son bel hôtel du faubourg Saint-Hono-
rç J
5 — Le 26 juin, soirée de musique et de co-
médie chez Mme Louis Payen.
— « Cinq à sept » avant-hier chez M. et
Mme Paul Souday. On a beaucoup applaudi
Mme Laute-Brun, de l'Opéra, dans des mé-
lodies de Franck, Gabriel Fauré et Georges
Brun ; Mme Mathieu-Lutz, de l'Opéra.Comi-
que, ainsi que Mlles Eve Cladel et de Fleu-
rigny dans des poésies de la duchesse de
Rohan, de MM. Charles de Pomairols, Pier-
re de Bouchaud, Henri de Fleurigny et Au-
guste Dorchain.
Dans l'assistance :
Duchesse de Rohan, princesse Pascal de Bour-
bon, Mme Henri Germain, marquise de Bridieu,
princesse Lucien Murât, Mme Gibiel. comte et
comtesse de Scavenius-Lœwendal, M. et Mme
Ch. de Pomairols, Mme Pierre ct8 Fouquières,
duc de Montmorency, comtesse de Murât,
Mme Kiobb. marquise Scribot de Bons, Mme de
Lagrana. Mme du Tartre. M. Maurice Barrès,
Mme Peter Larson, Mme Stewart, baron et ba-
ronne de Saint-Cyr, M. et Mme Auguste Dor-
chain, etc.
— Le professeur et Mme Pierre Delbet
viennent de donner un élégant dîner suivi
d'une petite réception au cours de laquelle
on a beaucoup applaudi Mme Maggie Teyte.
- Le baron Guillaume, ministre de Bel-
gique, fait actuellement une cure à Vichy.
- Fernand Halphen est parti hier pour le
château de la Chapelle-en-Serval.
— La duchesse de la Trémoïlle douairière
et sa fille, la vicomtesse de la Rochefou-
cauld, sont réinstallés au château de Ser-
rant.
— La comtesse de Trédern a donné avant-
hier un bal très brillant dans son hôtel de la
place Vendôme. Elle était aidée dans ses de-
voirs de maîtresse de maison par ses filles,
la comtesse de Sesmaisons, la comtesse de
Beaumont et la vicomtesse de Trédern.
- De charmantes réceptions dansantes
ont été données ces jours derniers par Mme
Drake del Castillo., la vicomtesse Blin de
Bourdon, Mme Gérard Mallet.
— Des dîners très élégants bien qu'inti-
mes ont été donnés ces jours derniers par le
prince et la princesse Pierre d'Arenberg, par
le prince et la princesse Jean Ghika, par
Mme des Coutures, par Mme Henri Schnei-
der.
Mariages
— En l'église Notre-Dame d'Auteuil sera
célébré aujourd'hui le mariage de M. Jac-
ques Dehaut, ingénieur des arts et manufac-
tures, avec Mlle Gabrielle Pector, fille de
M. Désifé Pector, membre de la cour perma-
nente d'arbitrage de La Haye.
— M. Emile Mathis, fils de M. et Mme
Charles Mathis, épousera jeudi prochain à
Saint-Honoré d'Eylau Mlle Jeanne Boyer,
belle-fille et fille de M. Georges Bousquet,
conseiller d'Etat honoraire, et de Mme Geor-
ges Bousquet.
— Le pasteur Roberty a béni avant-hier,
dans l'intimité, à Taverny, le mariage de
M. Albert Réville avec Mlle Lucie Pariset,
fille de M. Camille Pariset, administrateur
du Temps, et de Mme Pariset.
Les témoins étaient pour le marié : M.
Paul Meyer, membre de l'Institut, directeur
de l'Ecole des Chartes, et M. Henri Bauer,
ses oncles; pour la mariée 1 M. Adrien Hé-
brardi, directeur du Temps, et M. Edmond
Pottier, de l'Institué son oncle.
Nécrologie
-- Le capitaine et la vicomtesse de Ver-
gnetti de Lamotte, née Courtès, viennent
d'avoir la douleur de perdre leurs deux fils:
âgés de 3 ans et de 18 mois.
Un service sera célébré ce matfn à onze
heures à Saint-François-Xavier.
— Mme Caroline Montigny-Rémaury, veu-
ve de M. Auguste de Serres-Wieczffinski,
sœur de Mme Ambroi-se Thomas, est décédée
26, rue Washington, à l'âge de 71 ans. Elle
était la mère de M. Maurice Montigny, pré-
fet de la Sarthe, et la belle-mère de M. Emi-
le Lafont, artiste statuaire. Les obsèques se-
ront célébrées aujourd'hui samedi, 'à dix heu-
res, en l'église Saint-Philippe du Roule, et
l'inhumation aura lieu au cimetière du Pè-,
re-Lachaise.
— On annonce la mort de M. George Dee-
ker, secrétaire du Syndicat national des
chefs ouvriers et ouvrières des magasins
centraux de la guerre, trésorier de la Fédéra-,
tion nationale des employés civils de la
guerre, décédé à l'âge de 46 ans.
- Les obsèques de Mlle Aubertin, la prési-
dente du Comité des dames de Metz pour l'en-
tretien des tombes des militaires français, ont'
eu lieu aujourd'hui en présence d'une affluen-
ce nombreuse, presque exclusivement compo-
sée d'habitants de Metz.
Gabriel de Tanville.
PRIX d'eTe
BERNOT
pour bénéficier des Prix
de JUIN
faites votre i-
- approvisionnement
avant le 30 .1
1
Notre enquête
sur le Tango
Voici les dernières lettres que nous avons
reçues et la dernière interview que nous avons
prîse.,
M. ANDRÉ BRULÉ
,': Mon cher ami.
C'est effrayant ! le Tango, je ne l'ai ja-
mais vu danser. Si, pourtant, dans La Se-
maine folle. en parodie. Alors cette danse
argentine garde pour moi l'attrait du mys-
tère. jr imagine des choses, des choses !.
Au îond, ce doit être beaucoup plus sim-
ple que je ne le pense. Il vaut peut-être
mieux que je demeure dans mon ignorance,
pour me pas avoir de désillusion.
Et puis, que les gens dansent donc com-
me il leur pialt, et ce qui leur plaît. Je sup-
pose que, dans les salons, les audaces du
Tango sont atténuées. Cela doit suffire.
Mais,, une danse nouvelle on n'en peut
janiais bien parler.
On pense à celle qui lui succédera dans
le goùt du public. Si vous le voulez bien,
nous reparlerons du Tango dans un an ou
deux.
André BRULE.
- M,., F.-T. MARINETTI
Le Tango, c'est l'exaspération de la
luxure en plein vent. Cette danse est dan-
gereuse pour une race forte, car la nuit:
suffit à là luxure et, à présent, on consa-
cre ses après-midi au Tango. C'est trop.
D'autre part, notre directeur 'a reçu de M.,
Georges Feydeau la lettre suivante qui remet;
au point l'interview qu'il avait donnée à notre
collaborateur.
M. Georges FEYDEAU
Mon cher Mortier,
Je suis très étonné de voir l'appréciation
que- me prête votre collaborateur sur le
Tango. Je me suis sans doute mal expri-
mé, car je vois qu'il n'a pas compris un
mot de ce que je lui ai dit.
Voici donc exactement ce que je pense
de votre danse à frottement :
Le Tango, comme tout geste qui provo-
que ou prépare à la perpétration de l'Es-
pèce, est sans doute, très louable, mais ce
n'est pas une raison pour qu'on s'y livre
en public. Et puisque le mariage a été
institué précisément pour ladite repro-
duction de l'Espèce, je trouve que, si Tan-
go il y a, il devrait être un aphrodisiaque
limité seulement au mari et à la femme.
Je sais très bien que le Tango légitime au-
rait vite fait de manquer de charmes et
qu'on lui préférera toujours le Tango adul-
térin pour femmes mariées et le Tango
naturel pour demoiselles. Comme dit l'au-
tre : « Tout homme a dans son cœur. »
et les femmes aussi.
Allez-y donc, messieurs, dames. Tango-
tez-vous, puisque vous y trouvez joie et
sensations ! Tangotez-vous bien, puisque le
monde tolère, et que grand bien vous
fasse ! iMoi je regarde.
A vous4
G. FEYDEAU.
D'autre part, nous recevons de l'Académie
'des maîtres de danse de Paris une copieuse
et éloquente notice qui nous prouve que ces
messieurs sont en même temps que des statis-
ticiens éprouvés de fins psychologues. Ils nous
apprennent que sur 12.276 professeurs connus
dans le monde entier, 6.000 environ enseignent
le tango suivant les règles. Puis ils se livrent
A des considérations d'un ordre très élevé et
d'une haute portée philosophique et sociale:
Les gestes du danseur sont le reflet de
son esprit. Ainsi, regardons danser une
personne intelligente et bien élevée ; nous
ne verrons en'elle (une fois son éducation
chorégraphique terminée) que des mouve-
ments bien coordonnés ; nous n'y rencon-
trerons pas ce relâchement des muscles
des membres inférieurs donnant des
flexions exagérées. Nous ne remarquerons
que des extensions et des flexions douces
et liées, des 'pas bien dessinés, des atti-
tudes correctes, et si ces mouvements et
attitudes harmonieuses -sont exécutés sur
une musique mélodieuse, nous serons alors
transportés vers un idéal artistique. Ins-
piration que nous pourrions vainement
chercher dans les mouvements provenant
d'un esprit frisant la vulgarité.
D'où vient cette décadence du goût et de
la bonne tenue ? De l'intelligence et de l'é-
ducation de l'élève d'abord, mais bien aussi
du manque d'instruction des professeurs.
L'enseignement de la danse, sœur de da mi-
me et du geste, demande un ensemble de
connaissances approfondies, de "dessin, d'a-
natomie et de physiologie, que la majo-
rité des professeurs ignorent totalement au-
jourd'hui: C'est beaucoup à cela que nous
devons cette nuée de mauvais danseurs,
et nos couples dansants prêtent plutôt les
artistes à les caricaturer qu'ils ne les Ins-
pirent à de nobles lignes. La vraie raison,
c'est que l'enseignement est souvent mau-
vais.
Il est regrettable que les principes de nos
anciens maîtres, étminents professeurs et
anatomistes, ne soient pas observés et res-
pectés. L'on verrait alors des élèves bien
plantés, droits, plaçant leurs bras correc-
tement en leur donnant une tournure agréa-
ble, et faire des mouvements simples, sou-
ples- et sans contorsions. Un bon maître
de danse doit avoir fait tout jeune ses clas-
ses à l'Opéra, ou dans une Académie do
premier ordre. Contrairement, aujourd'hui.
beaucoup de professeurs ont commencé à
danser trop tard, ayant .passé leur jeu-
nesse dans des bureaux ou ateliers, ne
perfectionnant leur art par aucune connais-
sance artistique.
D'une lettre que nous adressent MM. Maurice
et Florence Walton qui furent, dans- une cer-
taine mesure, les introducteurs du tango en
Europe, nous détachons ce passage:
Le Tango est une danse parfaitement cor-
recte et belle. 11 est beaucoup de Parisiens,
et même des professeurs, qui pensent qu'ils
ne peuvent pas danser le Tango ; ils se
trompent. Je tiens à vous dire que, lors-
que ce pas est dansé convenablement, il
peut l'être devant tout le monde. Je l'ai moi-
même dansé devant le feu roi Edouard VII,
et cette année, devant les membres de la
plus haute société de Londres.
Faut-il l'avouer r. Après avoir, sur la grave
question du tango, consulté les personnalités
parisiennes les plus en vue, notre religion ne
nous paraît pas suffisamment éclairée. languis-
tes obstinés ou anlilanguistes convaincus ont
mis à défendre leur opinion tant de chaleur et
d âpreté que nous passions nous-mbnes. tour
à tour, par les sentiments contraires. Mais puis-
que nous devons terminer cette enquête et qu'à
la fin de toute enquête s'impose une conclu-
sion, marquons les points. établissons le bilan
En dehors des réponses des personnalités pa-.
risiennes que nous avons directement consul-
tées, nous avons reçu 317 lettres de lecteurs ou
d'abonnés. Il en est de fort intéressantes. et
nous regrettons de n'en pouvoir publier que
ces quelques extraits ;
Mme Madeleine Fréval nous écrit :
« Laissons donc cette danse à quelques vir-
tuoses du music-hall, et revenons au sage,
paisible et classique boston. »
— « Je vous avoue, nous dit la comtesse
de Barrère, que lorsque je vois mes pe-
tits-enfants prendre plaisir à ces distrac-
tions absurdes, je regrette amèrement le
temps de ma jeunesse. Vous ne lutterez
jamais assez contre le tango et le tobog-
gan. H
— « Dansons le Tango, écrit Mlle Ysèle
Daghmée, dansons le Tango si nous l'ai-
mons, dansons-le avec grâce, et laissons-
le critiquer par tous ceux qui n'ont aucune
idée de ce que c'est, et qui, ayant conscien-
ce qu'ils ne pourront jamais le bien dan-
ser, cacnent ainsi leur déception. t)
Mme- Léo Vennat raconte qu'une de ses
amies, qui appartient à la colonie russe de
Paris, s'écria : « Oh ! ce Tango ! Comme
c'est original et voluptueux ! Mais.
avouons qu'il n'y a que les Françaises pour
oser de telles danses et pour les danser si
bien ! Elles sont si piquantes 1 »
Nous avons classé les réponses en trois ca-
tégories : partisa-ns, ennemis, indécis. Les pre-
,miers sont aù nombre de 109, les seconds de
loi ; restent 47 correspondants peu fixés et tout
disposés, sans doute, à îe rallier à la maio-
rité.
Donc, si les artistes consultés sont en général
plutôt favorables à la danse en vogue, la clien-
tèle mondaine et artiste de Gil Blas lui est
hostile en majorité. Nous enregistrons en toute
impartialité ce verdict. Mais ne nous nâions
pas de condamner le tango. Souhaitons sim-
plement que ce divertissement venu des bouges
argentins perde son caractère un peu trop
hardi pour ne garder que son élégance, sa grâce
et tous les charmes que Paris lui a prêtés.
———————— ————————
Les Lettres
Psyché
Notre brillant collaborateur et ami Ga-
briel Mourey publie ces jours-ci, sous ce ti-
tre, un poème dramatique en trois actes qui,
par la façon dont y est renouvelé et élargi
le mythe de Psyché, par la beauté et la lim-
pidité de la forme et du rythme, nous pa-
raît appelé à un grand retentissement.
Nous sommes heureux de pouvoir offrir à
nos lecteurs la primeur d'une des scènes ca-
piiales de cette œuvre débordante de poésie
vraie et d'émotion humaine, celle où Psy-
ché, remontée des Enfers, est recueillie par
Pan dans sa grotte.
PAN
Hélas ! Hélas ! sur mon vieux front,
0 Psyché, la nuit s'amoncelle.
Il faudra vous hâter. sinon
Je ne serai plus là. la terre maternelle
M'aura -repris.
PSYCHÉ
Ne parle pas ainsi.
Tu es et tu seras toujours le dieu robuste
Aux pieds fermes, aux regards justes.
Le dieu bondissant et fécond
Des ruisseaux et des vents, des forêts et des
[monts.
PAN
Non, non ; je ne sens plus avec autant de force
Ni d'dan qu'autrefois
La vie en moi
Courir comme la sève au printemps sous l'é-
[corse.
Dans les muscles noueux et retors de mon torse
Et de mes membres je ne sens plus, pour les
[tendre,
Se répandre
La vibrante énergie et l'ardeur prompte et claire
De naguère.
Il ne circule plus à travers mes artères
Qu'un sang lourd qu'épaissit un étrange poison,
Et, regarde, à présent, sous sa rare toison,
Ma chair
Est sèche, a la couleur morte d'un vieux tison
Où ne flambe plus même une étincelle.
Cependant, là, derrière les cloisons
De ce crâne informe,
Ici, dans ce cœur, sous la langue énorme
Où il bat, a germé une force nouvelle.
Elle pousse, elle va fleurir, elle illumine
Déjà la formidable et obscure ruine
Du Dieu que je fus.
Et ne serai plus.
C'est toi. Psyché, qui as accompli ce prodige.
',' PSYCHÉ
Est-il possible ? Moi !
PAN
Toi, toi seule, te dis-je.
Parmi les mensonges touffus
Des apparences, je marchais lourd et confus.
Tu es venue 1
Psyché, je vis comme dans un vertige
Depuis le jour que je t'ai vue !
Songe: j'appartenais à tout, tout m'appartient
Maintenant ; je me vois maître de tout, je tiens
Entre mes mains le cœur brûlant du monde,
Et je connais la loi. profonde
De la vie innombrable.
Je suis capable maintenant dé tout apprendre,
Je suis capable
De tout comprendre,
Car en moi ,'.
t Habite la lumière et non plus hors de moi.
O ma Psyché, ces heures d'ivresse ineffable.
1 De révélation, je te les dois. -.;
Je te dois tout : tu m'as appris
Qu'il existe une force immortelle, l'Esprit,
Et que c'est l'Esprit qui anime la Matière.
Je t admire et je te bénis. oh ! laisse-moi
Baiser, tes frètes doigts
Qui m'ont ouvert -
Enfin les yeux au mystère de l'univers.
Gabriel MOUREY.
——— ———
L'affaire Kronprinz-Hauptmann. - M.
iMax .Reinhardt, l'imprésario connu, vient
d'acheter le matériel et les costumes dl
drame de Gerard Hauptmann interdit à
Breslau.
Il se propose d'en donner, en dépit du
kronprinz, des représentations, à Breslau.
L'affaire, qui d'ailleurs continue à pro-
voquer un bruit énorme, ne recevra donc
qu'une solution tardive.
Un anniversaire. — Le vendredi 4 juillet
prochain, la Société des Gens de Lettres cô<
iénrera le 75e anniversaire de sa fondation,
Cette commémoration sera présidée par M.,
Raymond Poincaré, assisté de M. Antonin
Dunost, de M. Paul Deschanel, de M. Louis
Barthou, des membres du gouvernement et
des dignitaires de l'Etat.
A deux heures et demie, cérémonie com-
mémorative au grand amphithéâtre de la
Sorbonne.
M. Georges Lecomte, préstdent de la So-
ciété, fera un discours ; M. Louis Barthou
et M. Raymond Poincaré prendront la pa-
role après luL
Un concert aura lieu ensuite, au cours
duquel M. Jean Richepin dira un poème
inédit dont il est l'auteur. Mlle Madeleine
Roch, M. Mounet-Sully, les chœurs de la
Société des Concerts du Conservatoire et
la Garde républicaine prêteront leur con-
cours.
A cinq heures et demie, la municipalité
recevra solennellement la Société des Gens
de Lettres à l'Hôtel de Ville.
A sept heures et demie, au Grand-Hôtel,:
banquet sous la présidence de M. Louis
Barthou, président du Conseil des minis-
tres, ministre de l'instruction publique, as-
sisté de M. Antonin Dùbost, président du
Sénat, et de M. Paul Desohanel, président
de la Chambre des députés et des membres
du gouvernement.
Ce banquet sera suivi d'une soirée ex-
ceptionnellement brillante, dont nous don-
nerons ultérieurement le programme.
A la mémoire de Léon Dierx. — Les
« Amis des Lettres et des Arts » consacrent
leur banquet mensuel à la glorification de
Léon Dierx. On se réunira au Café de Fleu-
rus (24, rue du Luxembourg), samedi soir
21 courant ; réunion publique à 9 heures.
Les obsèques de Léon Deubel. — Les
obsèques de Léon Deubel se ferontaujour..
d'hui samedi 21 juin, à 2 heures un quart.
On se réunira à la Morgue.
(Napoléon Ier amoureux. — Sous le titre
Tendresses impériales. on a réuni, avec une
,série de lettres à Joséphine, divers écrits
de l'empereur relatifs à l'amour et au ma-
riage.
Ces pages sont d'une lecture passion,
nante. Elles éclairent d'un jour nouveau la
grande figure de Bonaparte. Elles sont pré-
cédées d'une lettre-préface à Maurice Bar-
rés par Abel Gri.
L'éditeur Sansot a été heureusement ins-
piré en enrichissant de ce volume sa Nou-
velle Bibliothèque de variétés littéraires. a
1 fr. 60.
En l'honneur de François Fabié. — Les
étudiants ont donné, en leur Maison, une
fête en l'honneur du poète régionalisée
François Fabié, sous la présidence du
sculpteur Denys Puech, membre de l'Insti-
tut, assisté de M. Le Corbeiller, conseillée
municipal, et de M. Carsenac, président ds
la commission des fêtes.
Me Joseph Hild, avocat à la Cour, a reï
tracé la vie harmonieuse du poète de la-
Bonne Terre. Mounet-Sully a dit Jean le
Patre, et Silvain, les Genêts et le Sabotier;
Mmes Duluc, Jane Yrem, de Grandprey,
Andrée Bauer, Gotte et Mariner et M.
Laudner récitèrent des pièces de la Poésie
des Bêtes, de Par les vieux chemins et de
Vers la maison. M. Emile Albert fut accla.
mé dans l'admiralbe pièce : Savoir vieillir.
L'Echelle. - Un déjeuner cordial et lit-
téraire réunissait hier les membres de
l'Echelle en l'honneur de M. Louis Barthou,
président du Conseil, et de M. Dissesco,
ministre de l'Instruction publique dè Rou-
manie.
M. Barthou présidait ; il avait à sa droite
M Dissesco, à sa gauche M. Jacques Bou-
lenger. Les convives étaient MM. René
Boylesve, Frantz Funck-Brentano, Marcel
Boulenger, Albert-E. Sorel, André de Lor-
de, Pierre Sardou, Henri Chervet, Raymond
Lécuyer, Favier, Lamirault, Louis Madelin.
Gaston Chérau, Georges Claretie, François
Le Gris, Emile Henriot., Jérôme Tharaud,
Boulloche. Yeatman, docteurs Mouchet et
Boucheron.
Les Uns.
r ,
FILTRE
PASTEURISATEUR
IMALLIÉ
155, rue du Faubourg Poissonnière A
et dans les bonnes maisons d'article de ménage. *
La Galerie de CIL BLAS
he Moulage
(Suite et fin)
'Cette violence le sauva de la terreur
qui montait en lui, ardente, comme
d'un abîme. Il .pressa le pas et lorsqu'il
fut chez le mouleur, posa la tête en fa-
ce de lui, sans la regarder.
- Nom de Dieu 1 cria l'Italien.
- Je vous la vends, monsieur.
Le mouleur regarda le jeune homme.;
Paz considérait la pointe de ses sou-'
liers.
Alors il y eut un rapide échange de
paroles brèves, de chiffres. L'un et l'au-
tre voulaient en finir, yite 2
— Vendre ?
- Oui, combien ?
- Voyez.
— C'est à vous de voir,,
- Eh bien, cinquante.
Paz ne bougea pas, il iétait sans p,en-
ée.
> — Cinquante, m'entendez-ïous 2 fia
ne vaut pas illus,
- Donnez.
— Voilà,
- Merci.
Le Russe prit les cinquante francs et
s'en alla.
**#
En rentrant chez lui, Paz rangea les
cinq pièces de dix francs sur la chemi-
née. Elles se mirent aussitôt à danser
'sur le marbre, avec des tiiïtemeinte,
1 durs, par gambades folles. C'était son
i cauchemar qui .revenait.
— Allons, se dit-il, en pressant son
front, je ne mangerai pas encore ce
soir.
C'était Je 8 février. Il n'avait plus ae
pain et tenta de s'endormir.
Le 9 et Ile 10 furent des jours de fiè-
vre et de jeûne, mais le 11 au matin, ifl
se laissa couler de sa chambre à la rue,..
jpar la rampe de l'escalier.
— Bonjour, Pazziki, je viens de voir
tons père 1 lui cria BonvaJ en passant.
Le Russe empoigna son camarade au
ledUel, il était si horrible que l'autre eut
peur.
- IA'lî 1 vieux, je te demande pardon,
j'oubliais. Je voulais dire seulement,..
- Qu'est-ce ique tu vouilais dire ?.
e— Ne me serre pas comme ga, espè-
ce de brute I Le moulage, le fameux
moulage, eh bien ! je l'ai vu tout à
l'heure chez le patron,.
Ils se lâchèrent. flGejRusse demeura
seul au milieu du trottoir, debout, stu-1
IPéfaib, indigné. :
Le Ilendemain, comme il traversait le'
quartier, il s'arrêta devant le magasin i
de mouilages de la rue Racine, ét reçut;
comme la veille, en iplein, Je même;
soufflet d'horreur.
— Partout, donc l
(La tête de son père "était en faoe de i
lui, entourée de bibelots et de femmes
nues. L'une d'entre elles s'amusait- avec
un chat et lui tendait da ,pointe de ses
seins. Il y avait aussi la Rieuse, de
&fue:nne,wlerC!k, un Centaure bondis-
sant de joie qui écrasait du raisin, et
de petites figures d'enfants qui (tiraient
la ilangue. Au milieu de ces éolats de
rire, le crâne de Pavloski, pétri de
néant, farouche, énorme, dardait sur la
jeune-homme l'impression mortelle de
ses yeux éteints, de sa bouche murée,,
de son cœur meurtri. Le jeune hom.
me s'accrocha aux traverses de Ja bou-
tique.
— Ah ! partout. je le verrai donc:
partout !. ,
«=? Il .s'enfuii sur les quais. 'Au mo-
ment où il passait sur le pont Saiint-
■'Michel, il se buta contre un Italien.
- Moussou 1 Mousson 1 cria le bo-
hème. ..,
, Il protégeait de ses bras un angle d'e
parapet, tout couvert de statuettes.
Soudain, une nuée sanglante sauta
aux yeux de Paz ! Et pendant une
minute, il regarda fé.p.ouv,ant.able vi-
sion : la tête de son père, toute blanche,
enroulée dans un pan de barbe, comme
une tête de noyé.
..Alors il se rua en avant, et d'un oou,p
de poing sauvage balaya dans -la Seine
tout ce qui se trouvait sur fie paraipet !
- Oh ! fou ! mousou l'estudiante est
fou ! hurla l'Italien en colère.
Paz se retourna, d'un sursaut violent,
iil se rappela qu'il avait son argent..*!
Et après s'être fouHlé, il l'écrasa contre
le pont en brutale poignée d'or, et s'en-
( uÎit f.;
•** "i
Il rentra, de flair, lSIans chercher sa:
route, comme un chien. Il faisait nuit,
Il tui oombla-que tout son corps cra-
quait, se disiloquait, fondait en « bouilille
vsous ses ipas. Une fois couché contre
sa muraille, la tête en arrière,. sur da
HR«'.
.nuque, les cauchemars ide la honte le
;.f.esswisir,ent. Ce rêve -lui ordonnait la
réclusion, lui désignait la ville comme
une ennemie. Chaque boulevard, cha-
que avenue, chaque impasse, de heur-
tait de s,on épouvantail ! Toutes les de-
vantures, .toutes les vitrines .recélaient
; cette vision : Pavloski dressé contre
Paz, blême et hideux. Eit c'était le pè-
Íre qui le voulait ainsi, ipour qu'inces-
samment le remords flagellât le cœur
"du garçon. Tu as trahi Dieu 1 tu as
i vendu ton père !.
AloDS, il tendit les brars vers la fenê-
tre, se sentant seul, horriblement aban-
donné. Son père était partout, et de-
viendrait bientôt la proie de chacun.
'Cette tête, on la reproduirait sur d'au-
tres corps, et ce serait Je châtiment de
la fin que ces milliers d'effigies sans
nom roproduites à jamais 1
; Il regarda sa chambre en pleurant.
Rien qu'une selle de sculjpteur avec
lune poignée de teirre. Les murs étaient
! vides, sans (gravures. Il récita tout bas
cette .phrase, mélancolique, cette ré-
flexion d'enfant
— Iil n'y; a que moi qui n'ai rien.-
Cette penscée le calma un peu, eit le
lendemain, vers huit heures, il descen-
dit à lia, rue Racine*
Le marchand était dans sa boutique •
— Monsieur.
Paz leva la main a
, - Là.
Le marchand leva les yeux et suivit
le geste.
— Là !. ilà L., répétait le Russe.
icomme un fou.
— Parfaitement, c'est -le moulage.
Le marchand décrocha le masque et
:1e posa devant lui. :
— C'est deux francs.
Paz fouilla dans ses poches. Il en re-
tira un carnet et deux ou. trois ficelles.
Ses doigts idiots aullaient et venaient
sur la table.
— Eh bien ? fit le marchand.
Le jeune homme se fouilla une se-
conde fois, tira de son habit une croûte
de pain et la rangea sur la table, à côté
'du carnet et des ficelles.
Alors il y eut un silence ; les deux
hommes se regardèrent, l'un curieu*.
.'l'autre atterré.
Paz n'avait plus le sou.
Georges d'Esparbès.
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