Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-11-19
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 novembre 1890 19 novembre 1890
Description : 1890/11/19 (N7558). 1890/11/19 (N7558).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75395800
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
N° 7558 — Mercredi 19 Novembre 1890
£ 9 Brumaire an 99 - N° 7558
CINQ centiînes té nttmêra
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18, RUE DE VALOIS, 18 ":. ,;,
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De 4 à 0 heures du soir
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ADMINISTRATION
18, RUE DE VALOIS, ~C~
Adresser lettres et muadmit,
a L'administrattb^B-GÉWJS^
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MM. th. LAGRANGE. cÊÎr et (M,'
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PARIS
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TKO!SMO!S. 5 -
six mois,..,.,,..** 0 ra,
UN AN ta -
Rédacteur en chef : AUGUSTE YÀGQUERIE
ABONNEMENTS -1 ----.;1
DEPARTEMENTS -
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TROIS MOIS. 6 -
six mois.TTh.i.ï il rmi
UN AN. 20 —
: MMM fleClignanconrî
On savait que, vu le nombre des
candidats, l'élection de Clignancourt ne
donnerait pas de résultat définitif au
premier tour de scrutin. Ce n'en a pas
moins été une bonne journée.
Le 22 septembre 1889,M. Joffrin avait
eu 5,500 voix. Hier, rien que les quatre
premiers de la liste antiboulangiste,
MM. Lissagaray (2,045), Lavy (2,343),
Longuet (1.443) et Dejeante (1,069), en
'Ont réuni 6,600. soit 1,100 de plus.
Au 22 septembre, M. Boulanger avait
eu 8,000 voix. Hier, le candidat bou-
langiste, le docteur Lunel, en a eu 720.
Soit 7,280 de moins.
Oh! mais ce ne sont pas les voix du
docteur Lunel qu'il faut compter aux
boulangistes, ce sont les abstentions.
Ils nous en avaient prévenus, toutes les
abstentions leur appartiennent, -ceux
qui n'ont pas voté ont voté pour eux.
C'est l'application du mot de Bilboquet
à la politique : « Cette malle doit être
à nous. »
Clignancourt a 18,713 inscrits ; il n'y
a eu que 10,133 notants. Donc, 8,580
n'ont pas voté. Cette malle, pardon, ces
'8,580 doivent être à nous, disent les
boulangistes.
Et ils s'écrient : — 8,580 abstentions,
c'est plus que notre général n'a eu de
voix l'année dernière. Donc, non seule-
ment il n'a pas perdu de voix, mais il
en a gagné. Plus que jamais Clignan-
court est notre propriété !
D'abord, ils négligent un léger détail:
c'est que, l'année dernière, sur 18,743
votants, il n'y a eu que 14,973 volants ;
donc il y a eu 3,770 électeurs qui n'ont
pas voté, et qui en ne votant pas ne
faisaient pas acte de boulangisme puis-
que M. Boulanger était candidat. C'est
donc 3,770 à retrancher des 8,580 abs-
tentions actuelles. Reste 4,810.
Jhn accordant au boulangisme que
ces 4,810 doivent lui être comptés, M.
Boulanger, qui, au 22 septembre 1889,
a eu 8,000 voix, au lieu d'en gagner, en
aurait donc perdu 3,190, c'est-à-dire un
peu moins de la moitié.
Et depuis l'élection législative du
22 septembre 1889, nous avons eu
l'élection municipale du 4 mai 1890.
Alors, il y avait un candidat boulan-
giste, il y en avait même deux, deux
médecins (le boulangisme avait beau-
coup de médecins, pas trop, étant déjà
si malade), le docteur Susini et le doc-
teur Lunel. Ça n'a pas empêché que,
sur 18,795 inscrits, Clignancourt n'a
fourni que 12,229 votants. Il y a donc
eu 6,566 abstentions. Il y en a eu di-
manche 8,580,c'est-à-dire 2,014 de plus.
On compterait ces 2,014 voix au bou-
langisme, que M. Boulanger, sur ses
8,000 voix de l'année dernière, en au-
l'ait donc perdu 6,000, c'est-à-dire les
trois quarts.
Mais à qui les palefreniers du cheval
noir feront-ils accroire que c'est à l'a-
mour pour leur quadrupède qu'il faut
atlribuer ce qu'il y a eu dimanche d'abs-
tentions en sus des abstentions habi-
tuelles? N'est-il pas évident qu'un cer-
tain nombre d'électeurs, certains que
le premier tour ne donnerait pas de
succès définitif, se sont réservés pour
le second et ont profité du temps ex-
ceptionnellement doux qu'il a fait di-
manche pour aller respirer l'air hors de
Paris? Ils ont eu tort, c'est certain,mais
les beaux dimanches sont si rares en cette
saison, c'était peut-être le dernier, ils
n'ont pas eu le courage de le sacrifier,
ils répareront cela au ballottage.
A dimanche prochain donc, et que
cette fois il y ait moins d'abstentions
non seulement que la dernière fois,
mais moins que les fois précédentes :
que, si le beau temps invite les électeurs
à se promener, ils se promènent du
côté des lieux de vote ; et, si les répu-
blicains, comme c'est leur devoir, con-
centrent leurs voix sur un seul nom,
Clignancourt pourra dire à la Répu-
blique que c'est lui qui a porté le der-
nier coup à l'ennemi.
AUGUSTE VACQUERÏE.
COULISSES DES CHAMBRES
,!, LE VOTE DU BUDGET
Les prévisions que nous formulions il y
a deux jours au sujet de l'époque à la-
quelle le budget sera définitivement voté,
se confirment de plus en plus. Il paraît
certain que la semaine dans laquelle nous
entrons suffira pour achever la discussion
des dépenses et que la semaine suivante
sera consacrée aux recettes. Peut-être, en
raison de l'importance des questions sou-
levées par le budget des recettes faudra-t-
il une ou deux séances de plus que la se-
maine pour mener ce débat à terme. Mais
de toutes manières, on peut considérer
comme certain que le Sénat sera saisi à
son tour du budget de 1891 dans les deux
ou trois premiers jours de décembre pro-
chain.
En ce qui la concerne la commission du
budget fera tous ses efforts pour que ce
résultat puisse être atteint. Elle va de-
mander à la Chambre de renoncer cette
semaine à ses deux congés hebdomadaires
du mercredi et du vendredi afin de ne pas
interrompre la délibération eh cours.
En outre, si quelque question étrangère
au budget était soulevée, elle en demande-
rait l'ajournement jusqu'après le vote du
budget. En particulier elle s'est prononcée
contre toute velléité d'introduire dans le
débat sur le budget lia question des modi-
fications à apporter au régime des sucres.
Les députés des départements sucriers
mènent depuis quelques jours une campa-
gne extrêmement active à l'effet d'arriver
à faire modifier la législation existante-sur
les sucres sous prétexte que la récolte de
la betterave aurait donné des résultats peu
favorables.
Après avoir bénéficié pendant cinq ans
des avantages considérables qui leur ont
été accordés par la loi de 1884, ils osent
demander l'abrogation des mesures récen-
tes que le gouvernement a fait voter récem-
ment dans le but de limiter la perte sans
cesse croissante que le Trésor éprouvait
sur les sucres.
Pour essayer d'atteindre leur but, ils
vont jusqu'à menacer de ne pas voter les
dispositions essentielles du budget de 1891
si on ne leur donne pas satisfaction.
Mais la commission du budget résiste
énergiquement à ces injustifiables préten-
tions et elle s'opposéra absolument à ce
que la discussion du budget soit inter-
rompue à un moment quelconque pour
ouvrir un débat sur les sucres.
Nous pouvons ajouter que le gouverne-
ment est dans le même état d'esprit. Il
fait cause commune avec la commission
et l'appuiera devant la Chambre si les
députés des départements sucriers persis-
tent à vouloir troubler la discussion en
cours.
X
LE P £ ÈT DE LA BANQUE DE FRANCE
L'inévitable M. Laur recommence la
série de ses interpellations. Aujourd'hui il
doit en déposer une relative au prêt de 75
millions d'or que la Banque de France
vient de faire à la Banque d'Angleterre.
Le député boulangiste a libellé son in-
terpellation d'une manière générale. Il de-
mande au ministre des finances « quelles
mesures il compte prendre pour empêcher
le drainage de l'or français par les marchés
étrangers en déconfiture
M. Houvier ne serait pas élÕigné d'ac-
cepter la discussion immédiate de l'inter-
pellation, afin d'avoir l'occasion d'indiquer
le véritable caractère de la mesure prise
par la Banque de France et les consé-
quences qu'elle doit avoir pour le mar-
ché français.
A ce propos, la droite s'est réunie hier
et a approuvé le prêt fait par la Banque de
France. Elle a chargé M. de Lanjuinais
d'intervenir dans la discussion de l'inter-
pellation pour faire connaître son avis.
.——————————— ————————————
STANLEY ET BARTTELOT
On nous écrit de Londres, à la date du
17 novembre:
Le Daily Chvonicle croit savoir qu'il est enfin
sérieusement question d'appeler les tribunaux
à faire la lumière sur les scandales du camp de
Yambouya. Des jurisconsultes auraient été
pries de donner leur avis relativement à la lé-
g.ilité 'd'une action judiciaire contre MM. Troup,
Ward et Bonny. ,
L'accusation serait basée sur la mise à mort
du soldat soudanais Burgari, dont on a raconté
les, tortures infligées par le major Barttelot, et
qui finalement a été fusillé en vertu d'un juge-
ment de conseil de guerre.
On dénierait précisément le caractère juri-
dique à cette cour martiale dont MM. Troup,
Ward et Boiiny sont les seuls membres survi-
vants.
Le Times qui continue la publication des do-
cuments que lui a remis M. Stanley, donne
aujourd'hui la première, partie du journal de
l'arrière-garde commandée par le major Bartte-
lot. Il ne s'y trouve, aucun fait nouveau de
quelque importance.
Le Times a publié, en outre, un document
qui porte la signature du serviteur zanzibariste
de Stanley et relate encore une fois la scène de
cannibalisme de Riba-Riba.
Cette version ne diffère de celle qui a déjà
été donnée qu'en ce que Jameson aurait agi
d'une façon plus odieuse encore qu'on ne l'a-
vait dit. C'est lui qui aurait saisi par le poi-
gnet la petite fille qu'on lui amenait et qui
l'aurait traînée, jetée aux cannibales; et l'acte
avait bien sa gravité, même aux yeux des Afri-
cains, puisque Tippoo-Tib, après l'avoir appris,
aurait, pendant deux jours, refusé de voir Ja-
meson.
Les journaux de Londres publient la rétrac-
tation signée par Assad Farran du récit qu'il
avait fait lui-même de l'affaire. C'était un des
membres du comité Emin, M. Burdett-Coutts
(né Ashmead-Bartlett et qui a pris le nom de
sa femme, la richissime lady Burdett-Coutts,
septuagénaire quand il l'épousa), qui avait
mandé devant lui Assad et l'avait obligé à dé-
clarer que toute cette affaire était de pure in-
vention. Or, à cette époque, M. Burdett-Coutts
et son comité avaient déjà entre les mains
l'aveu de Jameson lui-même. On trouve extra-
ordinaire, dès lors, qu'ils aient arraché à Assad
Farran la rétractation d'un fait qu'ils savaien
pertinemment être vrai. Et la presse les invit(
à s'en expliquer.
LIRE PLUS LOIN:
La Jalousie: Les Rivales, double
empoisonnement.
Un Prêtre récidiviste.
Le Crime de BoUon.
Nos feuilletons (3'p«t £ c): Le Com,
bat de la vie.
"■■iiiiuiiuS g BBSBB E W li n ni .uuiuj
CHRONIQUE DU JOUR
MALECHANCE ANGLAISE
L'Angleterre a la guigne en ce moment.
Les désastres maritimes y accompagnent
les naufrages financiers, en même temps
que l'opinion se trouve fortement secouée
par les révélations produites sur les agis-
sements des lieutenants de Stanley dans
les ténèbres de l'Afrique.
La suspension de paiements de la grande
et célèbre maison Baring frères, tient à des
can £ î«» financières générales. On l'a attri-
buée à des accidents, à des hasards de
spéculation. Il est fort probable que cette
déconfiture provient d'une situation d'en-
semble désavantageuse pour l'empire bri-
tannique. L'Anglais est gros mangeur. Son
avidité ne connaît pas de bornes. Il en-
gloutit les millions à sa portée avec la viva-
cité qu'il met à faire disparaître les tran-
ches de roastbeef sur la table du lunch. A
fors d'absorber ainsi, l'indigestion sur-
vient. Il y a eu trop de tendance dans la
haute finance anglaise à monopoliser et à
accaparer tous les capitaux, tous les com-
mercès, toutes les productions du globe
pour qu'il n'y ait pas eu à la fin engorge-
pour
ment. A force de vouloir tout gober, l'An-
glais n'a plus pris la peine de discerner la
valeurides nrorceaux qu'il happait. Il a fini
par se gorger d'une foule de choses lourdes
qui aujourd'hui l'étouffent. La maison
Baring frères a certainement été victime
de son insatiable avidité et de sa prompti-
tude à se jeter sur toute affaire, sur toute,
nation passant à sa portée. Le mal de
ventre punit le vorace.Gula punit Gulax, a i
dit le sage Tholomyès. Les milliards sont
parfois impossibles à digérer.
La maison Baring, une véritable dynastie
de princes-marchands, et qui a plusieurs
de ses membres à la Chambre des lords, a
failli entraîner dans son désastre, aujour-
d'hui d'ailleurs en partie conjuré, la puis-
sante Banque d'Angleterre. C'est grâce à
l'intervention de la Banque de France que
la Banque de la Cité a pu secourir la mai-
son Baririg et préserver toute la place de
Londres et les autres marchés britanniques
d'une formidable catastrophe.
La Banque de France a avancé 75 mil-
lions en or pour trois mois à la Banque
d'Angleterre à 3 0/0 d'intérêt. Ce prêt est
de nature à servir les intérêts commer-
ciaux français ; il a empêché la banque an-
glaise d'élever son escompte, ce qui aurait
amené l'élévation du nôtre et eût amené
par répercussion une baisse fâcheuse sur
la rente, au-moment où l'on va préparer
l'emprunt. Il y a eu là en outre une affir-
mation pratique et i juste de la solidarité
financière internationale. Naturellement
l'orgueil britannique souffre de ce se-
cours. Mais il n'en a pas moins été solli-
cité et accordé. Le monde entier saura
bientôt que la Banque de France a aidé à
se maintenir son orgueilleuse rivale, et ce
fait n'est pas peu propre à maintenir le
crédit de la France et à relever notre pres-
tige financier sur le globe.
Cette solidarité dans les naufrages finan-
ciers n'est-elle pas la même que celle qui
doit se pratiquer dans les désastres de
mer? Il est certain que si des marins
français eussent été à proximité de l'écueil
où s'est perdu le navire anglais le Serpent,
ils n'eussent pas hésité une seconde à
porter secours, au péril de leur vie, à ces
frères de Neptune en danger.
A propos du naufrage encore mal expli-
qué de ce navire, un détail est surtout
intéressant et navrant à signaler. Trente-
six victimes ont été recueillies. Trois ma-
rins seulement ont survécu. Au moment
où le navire a touché, le capitaine a com-
mandé à l'équipage de se suspendre aux
agrès. Ces malheureux n'ont pu éviter la
mort affreuse du déchirement contre les
brisants, mâchoires de requins formida-
bles. Les trois survivants n'ont pas ré-
chappé par hasard. Ils avaient reçu l'ordre
d'armer le canot de sauvetage et, pour ce
service, s'étaient munis de ceintures in-
submersibles réglementaires. C'est grâce à
! ces appareils qu'ils ont pu échapper à la
fureur des lames et gagner la terre.
On se demande comment il se fait que
tous les marins, dans toutes les marines
du monde, n'aient pas à leur disposition
de ces ceintures de salut. Il n'y en avait
certainement à bord du Serpent que juste
le nombre nécessaire à l'équipage du
canot. Ces appareils devraient faire partie
du sac du matelot, et dans les moments de
danger, comme aux jours de combat, ces
hommes devraient en être revêtus. Ce ne
serait pas une grosse dépense, et les équi-
pages seraient ainsi préservés. Les nau-
frages ne se produisent généralement
que près des côtes ou dans les parages de
,rochers. La ceinture permettrait de lutter
contre la lame et d'atteindre ou la terre ou
l'écueil. Comment n'a-t-on pas rendu
déjà l'emploi de ces appareils obligatoire,
non seulement à bord des navires de l'Etat,
mais encore sur tout bateau, même cabo-
teur, même fluvial?
On sait que, par une bizarrerie corpo-
rative, explicable d'ailleurs, les matelots
ne savent pas toujours nager. Les marins
nageurs sont souvent ceux qui proviennent
des villes du centre : tous les Parisiens qui
sont dans là marine savent nager.
Mais, puisque les marins ne savent pas
toujours nager, il serait bon de les pour-
voir d'une de ces ceintures insubmersibles
qui ont sauvé la vie aux trois matelots pri-
vilégiés du Serpent et qui eussent préservé
sans doute le plus grand nombre des
trente-six victimes auxquelles seront ren-
dus les honneurs funèbres.
GRIF.
A LA CHAMBRE
On a commencé, hier, par adopter sans
aucune modification le budget de la
csysse des invalides de la marine et celui
de l'Algérie. Il nous suffira de dire que Les
quelques amendements présentés ont été
écartés après une discussion dont il serait
abusif de rendre compte. Au contraire, sur
le service des postes et télégraphes, un
débat intéressant s'est engagé.
Mais il était déjà tard et encore beaucoup
de temps a-t-il été pris par d'inutiles dis-
cours de MM. Le Gavrian et des Hotours.
On s'est mis à écouter quand, vers quatre
heures et demie, M. de Lanessan est monté
à là tribune. Avec la clarté, la précision
qui lui sont propres, M. de Lanessan a
exposé la question. *
L'administration des postes et des télé-
graphes est, on le sait, extrêmement pros-
père et florissante. Ses recettes ne cessent
de progresser dans de considérables pro-
portions. Cependant, et cela en raison du
très louable désir d'économies dont sont
animés ceux qui ont le souci et la charge.
des 'affaires publiques, les crédits consa-
crés au fonctionnement de cette importante
administration, au lieu d'avoir été majorés
en même temps que ses divers services se
développaient et prenaient de l'extension,
; s
sont restés stationnaires, même ont été"
légèrement réduits.
Qu'en est-il résulté? D'abord que les
agents inférieurs des postes et des télé-
graphes se trouvent dans une situation
lamentable, indigne, et qui s'est empirée.
encore dans ces derniers temps, l'augmen-
tation de leurs misérables traitements étant
devenue beaucoup plus lente. Et puis que
les-améliorations reconnues nécessaires,
indispensables, urgentes, dans le service
des postes et des télégraphes ne peuvent
être réalisées. La création de 1,800 nou-
veaux bureaux de poste est réclamée; on
en crée péniblement quelque chose comme
25 par an. Nous en avons, en France, beau-
coup moins qu'en Allemagne, par exem-
ple, et qu'en Suisse. A Londres, il v a ;\00
bureaux ; à Paris, il y en a 97. Aussi le
télégramme qui met trente minutes à par-
courir Londres, met deux heures à a^ler 4
d'une rue de Paris à une autre.
Comment remédier à un tel état de cho-
ses? quel procédé employer pour mettre.
l'administration des postes en état de réa-
liser les progrès et les réformes qu'on ré-
clame et qu'on' attend d'elle? Augmenter
purement et simplement les crédits qui lui
sont alloués tous les ans au budget ? Lui
constituer une sorte d'autonomie en fai-
sant de ses recettes et dépenses un budget
annexe? M. de Lanessan a proposé un troi-
sième moyen consistant à accorder chaque
année, et pendant un certain nombre
d'années, à l'administration des postes, le
vingtième de ses bénéfices, à charge pour
elle, bien entendu, de consacrer cette sorte
de prime à l'amélioration de l'outillage, à.
l'augmentation du personnel, aux réfor-i
mes, en un mot.
Le ministre des finances s'est énergique-
ment élevé contre cette motion, et, après
lui, M. Burdeau a déclaré que la commis-
sion du budget, disposée à examiner cha-
que demande de relèvements de crédits
sur les divers chapitres des postes et des-
télégraphes, repoussait le système de M.
de Lanessan. Celui-ci a fait un dernier
effort. M. Jules Roche, ministre du com-
merce, est intervenu, disant avoir estimées
trop modérées les critiques contre l'admi-
nistration des postes, constatant qu'au,
point de vue postal la France occupe 1&
onzième rangten Europe, et concluant à la
nécessité d'améliorations considéfrables.,
Mais il a combattu le système de M. de La-
nessan et celui-ci a fini par retirer son,
amendement. M. Mir en avait déposé Ulli;
autre, demandant celui-là, avec pureté et
simplicité, 2 millions et demi d'augmenta-^
tion pour les postes. Cet amendement a
été renvoyé à la commission du'budget,
ce qui a interrompu la discussion. ¿.
On voulait s'en aller — il était sàx heu-:---
res un quart - Il. -Fl'oquet a fait honte aux;
députés de leur paresse et, à force d'éner-
gie, a fini par obtenir d'eux qu'ils consen-.*
tissent au moins à amorcer le budget desc
travaux publics. Alors un boulangiste, M.
Marius Martin, est monté à la tribune.
C'est un monsieur grand et maigre, à lon-<
gue barbe noire, et le crâne si nu, si Poli
si luisant, qu'autoucher, évidemment, dans,
l'ombre, on le prendrait pour un œuf
d'autruche. Le possesseur de cette remar-
quable caïvitie a présenté quelques consi-
dérations générales, sans intérêt. Il ne:
paraît pa^appelé à briller comme orateur.
Après son discours, il est resté juste assez
de monde dans aa salle pour prononcer 1&
renvoi à aujourd'hui.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
! i ■ ■ n ■-
DEMISSION DE M. RÉTÎES. ;
Nous recevons la communication suivante
« Le groupe d'études sociales du quartier
Saint-Fargeau, qui a soutenu la candidature
de M. Rêties, ayant reçu le mandat, dans une
Feuilleton du RAPPEL
DU 19 NOVEMBRE
23 ——
LE
CA RIT AINE JEAN
< PREMIÈRE PARTIE
UA DÉPÊCHE FATALE
XIV
Les suidetf
- Suite -
<
Slfmy avait affecté trois pièces à ram-
bulance. Dans chacune dix lits de fer,
couverts de draps d'une blancheur imma-
tulée attendaient les blessés. Au dehors
des fenêtres, des stores-éventails pouvant
être mis en mouvement de l'intérieur et,
destinés à donner aux malades un peu de
fraîcheur, indiquaient avec quelle sollici-
tude l'Anglais avait procédé à l'installa
tion du petit hôpital.
Sir Sherry était un homme précieux
dans la guerre de ruses que Tyoulet avait
entreprise; ne négligeant aucun détail, il
jouait le personnagè qu'il avait pris avec
une perfection faite pour tromper les plus
soupçonneux.
La première, salle était vide ; il la tra-
versa, suivant le passage laissé libre entre
Reproduction interdite.
Voir le Rappel du 27 octobre au 18 novembre.
les deux rangées de lits. Dans la seconde, il
aperçut le docteur Lopez assis auprès du
blessé endormi. Le médecin lisait ; mais
sa lecture ne le passionnait pas, sans doute,
car il bâillait à se décrocher la mâchoire.
A la vue de Sherry, il se leva vivement et
sur un signe rentra avec lui dans la pièce
voisine.
— As-tu préparé la bouteille de vin
blanc ? demanda Sherry.
Lopez inclina la tête.
— Tu es sûr de son effet?
— Absolument sûr, je l'ai expérimenté.
— Tu sais que le moment est décisif. La
colonne expéditionnaire ne doit pas trou-
ver de guides. Ces soldats se battent comme
des enragés, il ne faut donc négliger au-
cune chance de succès.
Le docteur se mit à rire.
— Doutez-vous de mon savoir?
— Non.
— Ou de mon dévouement? ,
— Pas davantage.
— Alors, tenez pour certain que si vos
convives absorbent un verre du vin que je
leur ai préparé, ils seront sâisis de la plus
irrésistible griserie. Au bout de trois
heures, ils dormiront d'un sommeil que
rien ne pourra interrompre jusqu'à demain.
Sherry eut l'air satisfait, mais il fit une
dernière objection :
— Le goût du vin n'est pas troublé par
le mélange ?
— Il est simplement accentué. Je lui
donne du bouquet. Ma petite drogue, du
reste, n'a rien de mystérieux; elle se com-
pose simplement d'un extrait concentré
de pavot et d'alcool aromatisé.
— Et cela sufGra? demanda l'Anglais
avec inquiétude. x
Lopez, comme choqué parle doute con-
tenu dans cette interrogation, répondit froi-
dement :
— Vous âvez dû vous apercevoir que je
suis bon médecin, bien que je ne travaille
pas toujours pour la santé des clients que
vous me confiez.
— Tu as raison, et je te crois, fit l'An-
glais.Est-ce avec ce breuvage que tu avais
endormi ta femme en Espagne, — tu te
rappelles, — avant de la tuer!
Le visage du docteur se décolora à ces
terribles paroles, mais il devint livide lors-
que l'Anglais continua :
- Tu sais prduire le sommeil sans
laisser de traces ; mais tu ne sais pas don-
ner la mort. Ce qui a été fâcheux pour toi.
Car si tu maniais le poison aussi bien que
le soporifique, au lieu d'aller au préside de
Ceuta, d'où je t'ai tiré, tu aurais hérité
d'une grande fortune.
Puis, brusquement, il tendit la main a
Lopez écrasé.
— Allons, lui dit-il, ne faisons pas de
dignité blessée. Nous avons besoin l'un de
l'autre. La fortune est au bout de notre
association. Ne la compromettons pas par
un faux amour-propre, pardonnable tout
au plus chez de petites gens.
Le médecin, dompté, serra la main de
l'espion, et celui-ci, aussi tranquille que
s'il venait de parler de choses indifférentes,
rejoignit Cobbler qui, pendant ce temps,
avait entamé avec Lanegat une intermina-
ble discussion sur la situation commer-
ciale du Tonkin.
— Messieurs, fit Sherry en entrant, je
demandais pardon à vô de m'être absenté
si longtemps; j'étais allé m'assurer de l'é-
tat de mon blessé. I! s'embarquait demain.
— Ah! répondit Lanegat, en ne'vous'
voyant pas, milord, j'étais certain que
vous étiez dans un endroit où il y avait du
bien à faire.
L'Anglais, ainsi qu'un homme modeste
qui écarte la louange, prit la chose en
riant :
— Le bien qu'il y a à faire Ici, reprit-il,
était de diner à l'heure. Passons dans la
salle à manger.
Et suivi de ses convives, il entra dans
une pièce spacieuse, dont le vitrail, large-
ment ouvert en ce moment, donnait sur
un jardin plein d'ombre et de fraîcheur.
C'était le plein air avec tout le confort raf-
finé de l'intérieur.
La cuisine était délicate, la chère exquise,
la gaieté des estomacs satisfaits plana bientôt
sur le quatuor.
Guérin lui-même, réchauffé par un ex-
cellent bordeaux, s'animait. Les yeux
brillants, une légère rougeur aux pom-
mettes, il tenait tête à sir Sherry.
— Ah ! fit soudain l'Anglais, je tenais
à vous faire goûter un certain vin blanc
que j'avais reçu de Grèce. Il est excéllent,
à ce qu'on me dit.
Sur un signe, un domestique était sorti.
Il rentra presque aussitôt avec deux bou-
teilles longues dans lesquelles un vin
jaune brillait comme de l'or on fusion.
Les deux flacons étaient c'achetés de
rouge, mais en regardant avec attention,
on découvrait que la cire de l'un était un
peu plus pâle que celle de l'autre.
Ce fut cette bouteille que l'Anglais plaça
entre les deux négociants, tandis qu'il con-
servait l'autre pour Cobbler et pour lui.
7 Une fiole pour deux, dit-il afin d'expli-
quer ce partage, coûtait pas trop pour faire
à soi une opinion. D'autres suivront d'ail-
leurs, si vous êtes contents;
- - Lanegat s'inclina et, en signe d'âdltéslonj
: .4
il prit le flacon, remplit le verre de Guérin
puis le sien, et, élevant le fin cristal taillé
où tremblait l'ambre limpide :
— Au succès de l'expédition contre
Tyoulet !
Les Anglais sourirent, et, après avoir
trinqué, vidèrent jusqu'à la dernière goutte
le contenu de leurs verres.
Les futurs guides de l'armée avaient bu
également.
— C'est fait! murmùïaShePry à l'oreille
de Cobbler.
Cependant Lanegat faisait claquer ses
lèvres. l
— Ce vin est délicieux, dit-il; seulement
il a un arrière-goût très léger que je ne
m'explique pas.
— Un goût de terroir, repartit vivement
l'Anglais, je l'ai remarqué.
— Peut-être. Oh! ce n'est pas désagréa-
ble; c'est une étrangeté, voilà tout, et, si
vous doutez de ma sincérité, voilà pour
vous donner confiance.
Joignant le geste à la parole, ^remplis-
sait de nouveau son verre. Guérin s'em-
pressa de tendre le sien.
Les Anglais ne restèrent pas en arrière,
si bien que leur flacon se trouva vidé en
même temps que celui de leurs convives.
Seulement, ils étaient restés calmes;
tandis que les négociants commençaient
déjà à divaguer.
— Oui, messieurs, s'exclama Lanegat en
continuant une conversation commencée
en rêve, la vengeance sera complète. Je les
vois déjà tous exterminés. Tous, sauf la
fille de Tyoulet et de l'impératrice du Ma-
roc. Et voici pourquoi : c'est qu'elle res-
semble à une italienne. Eh bien! je l'é-
pouse, je deviens roi d'Annam, vassal des
Français, et j'ai d'es enfants nègres.
- Qu'est-ce que tu dis ? hasarda Guérin^
chez qui le trouble produit par le vin fre-
laté se traduisait par une prononciation
pâteuse, des enfants nègres ? une Anflaoo.
mite et un FrançaiS'! :
— Tu ne comprends rien au croisement
des races, répondit son compagnon s'ani-
mant, les premiers habitants du globe
étaient blancs, consulte les Ecritures ; eh
bien, ils ont des. descendants noirs. Je re*
commence la série ; donc c'est clair.
La discussion continua, de plus en plu!
embrouillée. Bientôt Lanegat et Guérin
parlèrent en même temps, de choses dif-
férentes, s'adressant à un auditoire imagi-
naire ; puis leur exaltation tomba peu à
peu, ils commencèrent à bredouiller.
A ce moment, les Anglais, qui avaient
assisté silencieux et souriants à cette
scène, se levèrent. Sherry pressa le bouton
du timbre de service. Deux domestiques
entrèrent.
- Vous reconduirez ces messieurs, op"
donna-t-il en montrant ses convives.
Les domestiques aidèrent aussitôt Bih
negat et Guérin à se lever. Comme ahuris,
ils se laissaient faire, tournant des yeux
hébétés vers l'Anglais.
— Il se fait tard, poursuivit Sherry, fa,
nuit est venue et je vous renvoie pour
que vous soyez prêts au petit jour à partir
en chasse. >
— La chasse?. ah oui, 4a chasseTrépë*
tèrent-ils comme inconscient.
Et ils se laissèrent entraîner par-ieè
domestiques au bras desquels ils s'accro-% £
chaient pour assurer leur équilibre devenu, Té'
subitement très instable.
PACiwrwôx. 4
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£ 9 Brumaire an 99 - N° 7558
CINQ centiînes té nttmêra
RÉDACTION ; ,
18, RUE DE VALOIS, 18 ":. ,;,
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:5'ADRBSSBR AU SECRÉTAIRE DE LA V.téSïîSfr,
De 4 à 0 heures du soir
Et de _-
Et dç 9 hçwçs 4u soir à minuit
^l*S MANPSdBITS NOX INSÉRÉS NE SEROXT P '.lf UftflftÇS
ADMINISTRATION
18, RUE DE VALOIS, ~C~
Adresser lettres et muadmit,
a L'administrattb^B-GÉWJS^
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ANNONCES r N
MM. th. LAGRANGE. cÊÎr et (M,'
-
ABONNEMENTS
PARIS
CNMOIS,.2 FB,
TKO!SMO!S. 5 -
six mois,..,.,,..** 0 ra,
UN AN ta -
Rédacteur en chef : AUGUSTE YÀGQUERIE
ABONNEMENTS -1 ----.;1
DEPARTEMENTS -
PN *OIS 2 Fa.
TROIS MOIS. 6 -
six mois.TTh.i.ï il rmi
UN AN. 20 —
: MMM fleClignanconrî
On savait que, vu le nombre des
candidats, l'élection de Clignancourt ne
donnerait pas de résultat définitif au
premier tour de scrutin. Ce n'en a pas
moins été une bonne journée.
Le 22 septembre 1889,M. Joffrin avait
eu 5,500 voix. Hier, rien que les quatre
premiers de la liste antiboulangiste,
MM. Lissagaray (2,045), Lavy (2,343),
Longuet (1.443) et Dejeante (1,069), en
'Ont réuni 6,600. soit 1,100 de plus.
Au 22 septembre, M. Boulanger avait
eu 8,000 voix. Hier, le candidat bou-
langiste, le docteur Lunel, en a eu 720.
Soit 7,280 de moins.
Oh! mais ce ne sont pas les voix du
docteur Lunel qu'il faut compter aux
boulangistes, ce sont les abstentions.
Ils nous en avaient prévenus, toutes les
abstentions leur appartiennent, -ceux
qui n'ont pas voté ont voté pour eux.
C'est l'application du mot de Bilboquet
à la politique : « Cette malle doit être
à nous. »
Clignancourt a 18,713 inscrits ; il n'y
a eu que 10,133 notants. Donc, 8,580
n'ont pas voté. Cette malle, pardon, ces
'8,580 doivent être à nous, disent les
boulangistes.
Et ils s'écrient : — 8,580 abstentions,
c'est plus que notre général n'a eu de
voix l'année dernière. Donc, non seule-
ment il n'a pas perdu de voix, mais il
en a gagné. Plus que jamais Clignan-
court est notre propriété !
D'abord, ils négligent un léger détail:
c'est que, l'année dernière, sur 18,743
votants, il n'y a eu que 14,973 volants ;
donc il y a eu 3,770 électeurs qui n'ont
pas voté, et qui en ne votant pas ne
faisaient pas acte de boulangisme puis-
que M. Boulanger était candidat. C'est
donc 3,770 à retrancher des 8,580 abs-
tentions actuelles. Reste 4,810.
Jhn accordant au boulangisme que
ces 4,810 doivent lui être comptés, M.
Boulanger, qui, au 22 septembre 1889,
a eu 8,000 voix, au lieu d'en gagner, en
aurait donc perdu 3,190, c'est-à-dire un
peu moins de la moitié.
Et depuis l'élection législative du
22 septembre 1889, nous avons eu
l'élection municipale du 4 mai 1890.
Alors, il y avait un candidat boulan-
giste, il y en avait même deux, deux
médecins (le boulangisme avait beau-
coup de médecins, pas trop, étant déjà
si malade), le docteur Susini et le doc-
teur Lunel. Ça n'a pas empêché que,
sur 18,795 inscrits, Clignancourt n'a
fourni que 12,229 votants. Il y a donc
eu 6,566 abstentions. Il y en a eu di-
manche 8,580,c'est-à-dire 2,014 de plus.
On compterait ces 2,014 voix au bou-
langisme, que M. Boulanger, sur ses
8,000 voix de l'année dernière, en au-
l'ait donc perdu 6,000, c'est-à-dire les
trois quarts.
Mais à qui les palefreniers du cheval
noir feront-ils accroire que c'est à l'a-
mour pour leur quadrupède qu'il faut
atlribuer ce qu'il y a eu dimanche d'abs-
tentions en sus des abstentions habi-
tuelles? N'est-il pas évident qu'un cer-
tain nombre d'électeurs, certains que
le premier tour ne donnerait pas de
succès définitif, se sont réservés pour
le second et ont profité du temps ex-
ceptionnellement doux qu'il a fait di-
manche pour aller respirer l'air hors de
Paris? Ils ont eu tort, c'est certain,mais
les beaux dimanches sont si rares en cette
saison, c'était peut-être le dernier, ils
n'ont pas eu le courage de le sacrifier,
ils répareront cela au ballottage.
A dimanche prochain donc, et que
cette fois il y ait moins d'abstentions
non seulement que la dernière fois,
mais moins que les fois précédentes :
que, si le beau temps invite les électeurs
à se promener, ils se promènent du
côté des lieux de vote ; et, si les répu-
blicains, comme c'est leur devoir, con-
centrent leurs voix sur un seul nom,
Clignancourt pourra dire à la Répu-
blique que c'est lui qui a porté le der-
nier coup à l'ennemi.
AUGUSTE VACQUERÏE.
COULISSES DES CHAMBRES
,!, LE VOTE DU BUDGET
Les prévisions que nous formulions il y
a deux jours au sujet de l'époque à la-
quelle le budget sera définitivement voté,
se confirment de plus en plus. Il paraît
certain que la semaine dans laquelle nous
entrons suffira pour achever la discussion
des dépenses et que la semaine suivante
sera consacrée aux recettes. Peut-être, en
raison de l'importance des questions sou-
levées par le budget des recettes faudra-t-
il une ou deux séances de plus que la se-
maine pour mener ce débat à terme. Mais
de toutes manières, on peut considérer
comme certain que le Sénat sera saisi à
son tour du budget de 1891 dans les deux
ou trois premiers jours de décembre pro-
chain.
En ce qui la concerne la commission du
budget fera tous ses efforts pour que ce
résultat puisse être atteint. Elle va de-
mander à la Chambre de renoncer cette
semaine à ses deux congés hebdomadaires
du mercredi et du vendredi afin de ne pas
interrompre la délibération eh cours.
En outre, si quelque question étrangère
au budget était soulevée, elle en demande-
rait l'ajournement jusqu'après le vote du
budget. En particulier elle s'est prononcée
contre toute velléité d'introduire dans le
débat sur le budget lia question des modi-
fications à apporter au régime des sucres.
Les députés des départements sucriers
mènent depuis quelques jours une campa-
gne extrêmement active à l'effet d'arriver
à faire modifier la législation existante-sur
les sucres sous prétexte que la récolte de
la betterave aurait donné des résultats peu
favorables.
Après avoir bénéficié pendant cinq ans
des avantages considérables qui leur ont
été accordés par la loi de 1884, ils osent
demander l'abrogation des mesures récen-
tes que le gouvernement a fait voter récem-
ment dans le but de limiter la perte sans
cesse croissante que le Trésor éprouvait
sur les sucres.
Pour essayer d'atteindre leur but, ils
vont jusqu'à menacer de ne pas voter les
dispositions essentielles du budget de 1891
si on ne leur donne pas satisfaction.
Mais la commission du budget résiste
énergiquement à ces injustifiables préten-
tions et elle s'opposéra absolument à ce
que la discussion du budget soit inter-
rompue à un moment quelconque pour
ouvrir un débat sur les sucres.
Nous pouvons ajouter que le gouverne-
ment est dans le même état d'esprit. Il
fait cause commune avec la commission
et l'appuiera devant la Chambre si les
députés des départements sucriers persis-
tent à vouloir troubler la discussion en
cours.
X
LE P £ ÈT DE LA BANQUE DE FRANCE
L'inévitable M. Laur recommence la
série de ses interpellations. Aujourd'hui il
doit en déposer une relative au prêt de 75
millions d'or que la Banque de France
vient de faire à la Banque d'Angleterre.
Le député boulangiste a libellé son in-
terpellation d'une manière générale. Il de-
mande au ministre des finances « quelles
mesures il compte prendre pour empêcher
le drainage de l'or français par les marchés
étrangers en déconfiture
M. Houvier ne serait pas élÕigné d'ac-
cepter la discussion immédiate de l'inter-
pellation, afin d'avoir l'occasion d'indiquer
le véritable caractère de la mesure prise
par la Banque de France et les consé-
quences qu'elle doit avoir pour le mar-
ché français.
A ce propos, la droite s'est réunie hier
et a approuvé le prêt fait par la Banque de
France. Elle a chargé M. de Lanjuinais
d'intervenir dans la discussion de l'inter-
pellation pour faire connaître son avis.
.——————————— ————————————
STANLEY ET BARTTELOT
On nous écrit de Londres, à la date du
17 novembre:
Le Daily Chvonicle croit savoir qu'il est enfin
sérieusement question d'appeler les tribunaux
à faire la lumière sur les scandales du camp de
Yambouya. Des jurisconsultes auraient été
pries de donner leur avis relativement à la lé-
g.ilité 'd'une action judiciaire contre MM. Troup,
Ward et Bonny. ,
L'accusation serait basée sur la mise à mort
du soldat soudanais Burgari, dont on a raconté
les, tortures infligées par le major Barttelot, et
qui finalement a été fusillé en vertu d'un juge-
ment de conseil de guerre.
On dénierait précisément le caractère juri-
dique à cette cour martiale dont MM. Troup,
Ward et Boiiny sont les seuls membres survi-
vants.
Le Times qui continue la publication des do-
cuments que lui a remis M. Stanley, donne
aujourd'hui la première, partie du journal de
l'arrière-garde commandée par le major Bartte-
lot. Il ne s'y trouve, aucun fait nouveau de
quelque importance.
Le Times a publié, en outre, un document
qui porte la signature du serviteur zanzibariste
de Stanley et relate encore une fois la scène de
cannibalisme de Riba-Riba.
Cette version ne diffère de celle qui a déjà
été donnée qu'en ce que Jameson aurait agi
d'une façon plus odieuse encore qu'on ne l'a-
vait dit. C'est lui qui aurait saisi par le poi-
gnet la petite fille qu'on lui amenait et qui
l'aurait traînée, jetée aux cannibales; et l'acte
avait bien sa gravité, même aux yeux des Afri-
cains, puisque Tippoo-Tib, après l'avoir appris,
aurait, pendant deux jours, refusé de voir Ja-
meson.
Les journaux de Londres publient la rétrac-
tation signée par Assad Farran du récit qu'il
avait fait lui-même de l'affaire. C'était un des
membres du comité Emin, M. Burdett-Coutts
(né Ashmead-Bartlett et qui a pris le nom de
sa femme, la richissime lady Burdett-Coutts,
septuagénaire quand il l'épousa), qui avait
mandé devant lui Assad et l'avait obligé à dé-
clarer que toute cette affaire était de pure in-
vention. Or, à cette époque, M. Burdett-Coutts
et son comité avaient déjà entre les mains
l'aveu de Jameson lui-même. On trouve extra-
ordinaire, dès lors, qu'ils aient arraché à Assad
Farran la rétractation d'un fait qu'ils savaien
pertinemment être vrai. Et la presse les invit(
à s'en expliquer.
LIRE PLUS LOIN:
La Jalousie: Les Rivales, double
empoisonnement.
Un Prêtre récidiviste.
Le Crime de BoUon.
Nos feuilletons (3'p«t £ c): Le Com,
bat de la vie.
"■■iiiiuiiuS g BBSBB E W li n ni .uuiuj
CHRONIQUE DU JOUR
MALECHANCE ANGLAISE
L'Angleterre a la guigne en ce moment.
Les désastres maritimes y accompagnent
les naufrages financiers, en même temps
que l'opinion se trouve fortement secouée
par les révélations produites sur les agis-
sements des lieutenants de Stanley dans
les ténèbres de l'Afrique.
La suspension de paiements de la grande
et célèbre maison Baring frères, tient à des
can £ î«» financières générales. On l'a attri-
buée à des accidents, à des hasards de
spéculation. Il est fort probable que cette
déconfiture provient d'une situation d'en-
semble désavantageuse pour l'empire bri-
tannique. L'Anglais est gros mangeur. Son
avidité ne connaît pas de bornes. Il en-
gloutit les millions à sa portée avec la viva-
cité qu'il met à faire disparaître les tran-
ches de roastbeef sur la table du lunch. A
fors d'absorber ainsi, l'indigestion sur-
vient. Il y a eu trop de tendance dans la
haute finance anglaise à monopoliser et à
accaparer tous les capitaux, tous les com-
mercès, toutes les productions du globe
pour qu'il n'y ait pas eu à la fin engorge-
pour
ment. A force de vouloir tout gober, l'An-
glais n'a plus pris la peine de discerner la
valeurides nrorceaux qu'il happait. Il a fini
par se gorger d'une foule de choses lourdes
qui aujourd'hui l'étouffent. La maison
Baring frères a certainement été victime
de son insatiable avidité et de sa prompti-
tude à se jeter sur toute affaire, sur toute,
nation passant à sa portée. Le mal de
ventre punit le vorace.Gula punit Gulax, a i
dit le sage Tholomyès. Les milliards sont
parfois impossibles à digérer.
La maison Baring, une véritable dynastie
de princes-marchands, et qui a plusieurs
de ses membres à la Chambre des lords, a
failli entraîner dans son désastre, aujour-
d'hui d'ailleurs en partie conjuré, la puis-
sante Banque d'Angleterre. C'est grâce à
l'intervention de la Banque de France que
la Banque de la Cité a pu secourir la mai-
son Baririg et préserver toute la place de
Londres et les autres marchés britanniques
d'une formidable catastrophe.
La Banque de France a avancé 75 mil-
lions en or pour trois mois à la Banque
d'Angleterre à 3 0/0 d'intérêt. Ce prêt est
de nature à servir les intérêts commer-
ciaux français ; il a empêché la banque an-
glaise d'élever son escompte, ce qui aurait
amené l'élévation du nôtre et eût amené
par répercussion une baisse fâcheuse sur
la rente, au-moment où l'on va préparer
l'emprunt. Il y a eu là en outre une affir-
mation pratique et i juste de la solidarité
financière internationale. Naturellement
l'orgueil britannique souffre de ce se-
cours. Mais il n'en a pas moins été solli-
cité et accordé. Le monde entier saura
bientôt que la Banque de France a aidé à
se maintenir son orgueilleuse rivale, et ce
fait n'est pas peu propre à maintenir le
crédit de la France et à relever notre pres-
tige financier sur le globe.
Cette solidarité dans les naufrages finan-
ciers n'est-elle pas la même que celle qui
doit se pratiquer dans les désastres de
mer? Il est certain que si des marins
français eussent été à proximité de l'écueil
où s'est perdu le navire anglais le Serpent,
ils n'eussent pas hésité une seconde à
porter secours, au péril de leur vie, à ces
frères de Neptune en danger.
A propos du naufrage encore mal expli-
qué de ce navire, un détail est surtout
intéressant et navrant à signaler. Trente-
six victimes ont été recueillies. Trois ma-
rins seulement ont survécu. Au moment
où le navire a touché, le capitaine a com-
mandé à l'équipage de se suspendre aux
agrès. Ces malheureux n'ont pu éviter la
mort affreuse du déchirement contre les
brisants, mâchoires de requins formida-
bles. Les trois survivants n'ont pas ré-
chappé par hasard. Ils avaient reçu l'ordre
d'armer le canot de sauvetage et, pour ce
service, s'étaient munis de ceintures in-
submersibles réglementaires. C'est grâce à
! ces appareils qu'ils ont pu échapper à la
fureur des lames et gagner la terre.
On se demande comment il se fait que
tous les marins, dans toutes les marines
du monde, n'aient pas à leur disposition
de ces ceintures de salut. Il n'y en avait
certainement à bord du Serpent que juste
le nombre nécessaire à l'équipage du
canot. Ces appareils devraient faire partie
du sac du matelot, et dans les moments de
danger, comme aux jours de combat, ces
hommes devraient en être revêtus. Ce ne
serait pas une grosse dépense, et les équi-
pages seraient ainsi préservés. Les nau-
frages ne se produisent généralement
que près des côtes ou dans les parages de
,rochers. La ceinture permettrait de lutter
contre la lame et d'atteindre ou la terre ou
l'écueil. Comment n'a-t-on pas rendu
déjà l'emploi de ces appareils obligatoire,
non seulement à bord des navires de l'Etat,
mais encore sur tout bateau, même cabo-
teur, même fluvial?
On sait que, par une bizarrerie corpo-
rative, explicable d'ailleurs, les matelots
ne savent pas toujours nager. Les marins
nageurs sont souvent ceux qui proviennent
des villes du centre : tous les Parisiens qui
sont dans là marine savent nager.
Mais, puisque les marins ne savent pas
toujours nager, il serait bon de les pour-
voir d'une de ces ceintures insubmersibles
qui ont sauvé la vie aux trois matelots pri-
vilégiés du Serpent et qui eussent préservé
sans doute le plus grand nombre des
trente-six victimes auxquelles seront ren-
dus les honneurs funèbres.
GRIF.
A LA CHAMBRE
On a commencé, hier, par adopter sans
aucune modification le budget de la
csysse des invalides de la marine et celui
de l'Algérie. Il nous suffira de dire que Les
quelques amendements présentés ont été
écartés après une discussion dont il serait
abusif de rendre compte. Au contraire, sur
le service des postes et télégraphes, un
débat intéressant s'est engagé.
Mais il était déjà tard et encore beaucoup
de temps a-t-il été pris par d'inutiles dis-
cours de MM. Le Gavrian et des Hotours.
On s'est mis à écouter quand, vers quatre
heures et demie, M. de Lanessan est monté
à là tribune. Avec la clarté, la précision
qui lui sont propres, M. de Lanessan a
exposé la question. *
L'administration des postes et des télé-
graphes est, on le sait, extrêmement pros-
père et florissante. Ses recettes ne cessent
de progresser dans de considérables pro-
portions. Cependant, et cela en raison du
très louable désir d'économies dont sont
animés ceux qui ont le souci et la charge.
des 'affaires publiques, les crédits consa-
crés au fonctionnement de cette importante
administration, au lieu d'avoir été majorés
en même temps que ses divers services se
développaient et prenaient de l'extension,
; s
sont restés stationnaires, même ont été"
légèrement réduits.
Qu'en est-il résulté? D'abord que les
agents inférieurs des postes et des télé-
graphes se trouvent dans une situation
lamentable, indigne, et qui s'est empirée.
encore dans ces derniers temps, l'augmen-
tation de leurs misérables traitements étant
devenue beaucoup plus lente. Et puis que
les-améliorations reconnues nécessaires,
indispensables, urgentes, dans le service
des postes et des télégraphes ne peuvent
être réalisées. La création de 1,800 nou-
veaux bureaux de poste est réclamée; on
en crée péniblement quelque chose comme
25 par an. Nous en avons, en France, beau-
coup moins qu'en Allemagne, par exem-
ple, et qu'en Suisse. A Londres, il v a ;\00
bureaux ; à Paris, il y en a 97. Aussi le
télégramme qui met trente minutes à par-
courir Londres, met deux heures à a^ler 4
d'une rue de Paris à une autre.
Comment remédier à un tel état de cho-
ses? quel procédé employer pour mettre.
l'administration des postes en état de réa-
liser les progrès et les réformes qu'on ré-
clame et qu'on' attend d'elle? Augmenter
purement et simplement les crédits qui lui
sont alloués tous les ans au budget ? Lui
constituer une sorte d'autonomie en fai-
sant de ses recettes et dépenses un budget
annexe? M. de Lanessan a proposé un troi-
sième moyen consistant à accorder chaque
année, et pendant un certain nombre
d'années, à l'administration des postes, le
vingtième de ses bénéfices, à charge pour
elle, bien entendu, de consacrer cette sorte
de prime à l'amélioration de l'outillage, à.
l'augmentation du personnel, aux réfor-i
mes, en un mot.
Le ministre des finances s'est énergique-
ment élevé contre cette motion, et, après
lui, M. Burdeau a déclaré que la commis-
sion du budget, disposée à examiner cha-
que demande de relèvements de crédits
sur les divers chapitres des postes et des-
télégraphes, repoussait le système de M.
de Lanessan. Celui-ci a fait un dernier
effort. M. Jules Roche, ministre du com-
merce, est intervenu, disant avoir estimées
trop modérées les critiques contre l'admi-
nistration des postes, constatant qu'au,
point de vue postal la France occupe 1&
onzième rangten Europe, et concluant à la
nécessité d'améliorations considéfrables.,
Mais il a combattu le système de M. de La-
nessan et celui-ci a fini par retirer son,
amendement. M. Mir en avait déposé Ulli;
autre, demandant celui-là, avec pureté et
simplicité, 2 millions et demi d'augmenta-^
tion pour les postes. Cet amendement a
été renvoyé à la commission du'budget,
ce qui a interrompu la discussion. ¿.
On voulait s'en aller — il était sàx heu-:---
res un quart - Il. -Fl'oquet a fait honte aux;
députés de leur paresse et, à force d'éner-
gie, a fini par obtenir d'eux qu'ils consen-.*
tissent au moins à amorcer le budget desc
travaux publics. Alors un boulangiste, M.
Marius Martin, est monté à la tribune.
C'est un monsieur grand et maigre, à lon-<
gue barbe noire, et le crâne si nu, si Poli
si luisant, qu'autoucher, évidemment, dans,
l'ombre, on le prendrait pour un œuf
d'autruche. Le possesseur de cette remar-
quable caïvitie a présenté quelques consi-
dérations générales, sans intérêt. Il ne:
paraît pa^appelé à briller comme orateur.
Après son discours, il est resté juste assez
de monde dans aa salle pour prononcer 1&
renvoi à aujourd'hui.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
! i ■ ■ n ■-
DEMISSION DE M. RÉTÎES. ;
Nous recevons la communication suivante
« Le groupe d'études sociales du quartier
Saint-Fargeau, qui a soutenu la candidature
de M. Rêties, ayant reçu le mandat, dans une
Feuilleton du RAPPEL
DU 19 NOVEMBRE
23 ——
LE
CA RIT AINE JEAN
< PREMIÈRE PARTIE
UA DÉPÊCHE FATALE
XIV
Les suidetf
- Suite -
<
Slfmy avait affecté trois pièces à ram-
bulance. Dans chacune dix lits de fer,
couverts de draps d'une blancheur imma-
tulée attendaient les blessés. Au dehors
des fenêtres, des stores-éventails pouvant
être mis en mouvement de l'intérieur et,
destinés à donner aux malades un peu de
fraîcheur, indiquaient avec quelle sollici-
tude l'Anglais avait procédé à l'installa
tion du petit hôpital.
Sir Sherry était un homme précieux
dans la guerre de ruses que Tyoulet avait
entreprise; ne négligeant aucun détail, il
jouait le personnagè qu'il avait pris avec
une perfection faite pour tromper les plus
soupçonneux.
La première, salle était vide ; il la tra-
versa, suivant le passage laissé libre entre
Reproduction interdite.
Voir le Rappel du 27 octobre au 18 novembre.
les deux rangées de lits. Dans la seconde, il
aperçut le docteur Lopez assis auprès du
blessé endormi. Le médecin lisait ; mais
sa lecture ne le passionnait pas, sans doute,
car il bâillait à se décrocher la mâchoire.
A la vue de Sherry, il se leva vivement et
sur un signe rentra avec lui dans la pièce
voisine.
— As-tu préparé la bouteille de vin
blanc ? demanda Sherry.
Lopez inclina la tête.
— Tu es sûr de son effet?
— Absolument sûr, je l'ai expérimenté.
— Tu sais que le moment est décisif. La
colonne expéditionnaire ne doit pas trou-
ver de guides. Ces soldats se battent comme
des enragés, il ne faut donc négliger au-
cune chance de succès.
Le docteur se mit à rire.
— Doutez-vous de mon savoir?
— Non.
— Ou de mon dévouement? ,
— Pas davantage.
— Alors, tenez pour certain que si vos
convives absorbent un verre du vin que je
leur ai préparé, ils seront sâisis de la plus
irrésistible griserie. Au bout de trois
heures, ils dormiront d'un sommeil que
rien ne pourra interrompre jusqu'à demain.
Sherry eut l'air satisfait, mais il fit une
dernière objection :
— Le goût du vin n'est pas troublé par
le mélange ?
— Il est simplement accentué. Je lui
donne du bouquet. Ma petite drogue, du
reste, n'a rien de mystérieux; elle se com-
pose simplement d'un extrait concentré
de pavot et d'alcool aromatisé.
— Et cela sufGra? demanda l'Anglais
avec inquiétude. x
Lopez, comme choqué parle doute con-
tenu dans cette interrogation, répondit froi-
dement :
— Vous âvez dû vous apercevoir que je
suis bon médecin, bien que je ne travaille
pas toujours pour la santé des clients que
vous me confiez.
— Tu as raison, et je te crois, fit l'An-
glais.Est-ce avec ce breuvage que tu avais
endormi ta femme en Espagne, — tu te
rappelles, — avant de la tuer!
Le visage du docteur se décolora à ces
terribles paroles, mais il devint livide lors-
que l'Anglais continua :
- Tu sais prduire le sommeil sans
laisser de traces ; mais tu ne sais pas don-
ner la mort. Ce qui a été fâcheux pour toi.
Car si tu maniais le poison aussi bien que
le soporifique, au lieu d'aller au préside de
Ceuta, d'où je t'ai tiré, tu aurais hérité
d'une grande fortune.
Puis, brusquement, il tendit la main a
Lopez écrasé.
— Allons, lui dit-il, ne faisons pas de
dignité blessée. Nous avons besoin l'un de
l'autre. La fortune est au bout de notre
association. Ne la compromettons pas par
un faux amour-propre, pardonnable tout
au plus chez de petites gens.
Le médecin, dompté, serra la main de
l'espion, et celui-ci, aussi tranquille que
s'il venait de parler de choses indifférentes,
rejoignit Cobbler qui, pendant ce temps,
avait entamé avec Lanegat une intermina-
ble discussion sur la situation commer-
ciale du Tonkin.
— Messieurs, fit Sherry en entrant, je
demandais pardon à vô de m'être absenté
si longtemps; j'étais allé m'assurer de l'é-
tat de mon blessé. I! s'embarquait demain.
— Ah! répondit Lanegat, en ne'vous'
voyant pas, milord, j'étais certain que
vous étiez dans un endroit où il y avait du
bien à faire.
L'Anglais, ainsi qu'un homme modeste
qui écarte la louange, prit la chose en
riant :
— Le bien qu'il y a à faire Ici, reprit-il,
était de diner à l'heure. Passons dans la
salle à manger.
Et suivi de ses convives, il entra dans
une pièce spacieuse, dont le vitrail, large-
ment ouvert en ce moment, donnait sur
un jardin plein d'ombre et de fraîcheur.
C'était le plein air avec tout le confort raf-
finé de l'intérieur.
La cuisine était délicate, la chère exquise,
la gaieté des estomacs satisfaits plana bientôt
sur le quatuor.
Guérin lui-même, réchauffé par un ex-
cellent bordeaux, s'animait. Les yeux
brillants, une légère rougeur aux pom-
mettes, il tenait tête à sir Sherry.
— Ah ! fit soudain l'Anglais, je tenais
à vous faire goûter un certain vin blanc
que j'avais reçu de Grèce. Il est excéllent,
à ce qu'on me dit.
Sur un signe, un domestique était sorti.
Il rentra presque aussitôt avec deux bou-
teilles longues dans lesquelles un vin
jaune brillait comme de l'or on fusion.
Les deux flacons étaient c'achetés de
rouge, mais en regardant avec attention,
on découvrait que la cire de l'un était un
peu plus pâle que celle de l'autre.
Ce fut cette bouteille que l'Anglais plaça
entre les deux négociants, tandis qu'il con-
servait l'autre pour Cobbler et pour lui.
7 Une fiole pour deux, dit-il afin d'expli-
quer ce partage, coûtait pas trop pour faire
à soi une opinion. D'autres suivront d'ail-
leurs, si vous êtes contents;
- - Lanegat s'inclina et, en signe d'âdltéslonj
: .4
il prit le flacon, remplit le verre de Guérin
puis le sien, et, élevant le fin cristal taillé
où tremblait l'ambre limpide :
— Au succès de l'expédition contre
Tyoulet !
Les Anglais sourirent, et, après avoir
trinqué, vidèrent jusqu'à la dernière goutte
le contenu de leurs verres.
Les futurs guides de l'armée avaient bu
également.
— C'est fait! murmùïaShePry à l'oreille
de Cobbler.
Cependant Lanegat faisait claquer ses
lèvres. l
— Ce vin est délicieux, dit-il; seulement
il a un arrière-goût très léger que je ne
m'explique pas.
— Un goût de terroir, repartit vivement
l'Anglais, je l'ai remarqué.
— Peut-être. Oh! ce n'est pas désagréa-
ble; c'est une étrangeté, voilà tout, et, si
vous doutez de ma sincérité, voilà pour
vous donner confiance.
Joignant le geste à la parole, ^remplis-
sait de nouveau son verre. Guérin s'em-
pressa de tendre le sien.
Les Anglais ne restèrent pas en arrière,
si bien que leur flacon se trouva vidé en
même temps que celui de leurs convives.
Seulement, ils étaient restés calmes;
tandis que les négociants commençaient
déjà à divaguer.
— Oui, messieurs, s'exclama Lanegat en
continuant une conversation commencée
en rêve, la vengeance sera complète. Je les
vois déjà tous exterminés. Tous, sauf la
fille de Tyoulet et de l'impératrice du Ma-
roc. Et voici pourquoi : c'est qu'elle res-
semble à une italienne. Eh bien! je l'é-
pouse, je deviens roi d'Annam, vassal des
Français, et j'ai d'es enfants nègres.
- Qu'est-ce que tu dis ? hasarda Guérin^
chez qui le trouble produit par le vin fre-
laté se traduisait par une prononciation
pâteuse, des enfants nègres ? une Anflaoo.
mite et un FrançaiS'! :
— Tu ne comprends rien au croisement
des races, répondit son compagnon s'ani-
mant, les premiers habitants du globe
étaient blancs, consulte les Ecritures ; eh
bien, ils ont des. descendants noirs. Je re*
commence la série ; donc c'est clair.
La discussion continua, de plus en plu!
embrouillée. Bientôt Lanegat et Guérin
parlèrent en même temps, de choses dif-
férentes, s'adressant à un auditoire imagi-
naire ; puis leur exaltation tomba peu à
peu, ils commencèrent à bredouiller.
A ce moment, les Anglais, qui avaient
assisté silencieux et souriants à cette
scène, se levèrent. Sherry pressa le bouton
du timbre de service. Deux domestiques
entrèrent.
- Vous reconduirez ces messieurs, op"
donna-t-il en montrant ses convives.
Les domestiques aidèrent aussitôt Bih
negat et Guérin à se lever. Comme ahuris,
ils se laissaient faire, tournant des yeux
hébétés vers l'Anglais.
— Il se fait tard, poursuivit Sherry, fa,
nuit est venue et je vous renvoie pour
que vous soyez prêts au petit jour à partir
en chasse. >
— La chasse?. ah oui, 4a chasseTrépë*
tèrent-ils comme inconscient.
Et ils se laissèrent entraîner par-ieè
domestiques au bras desquels ils s'accro-% £
chaient pour assurer leur équilibre devenu, Té'
subitement très instable.
PACiwrwôx. 4
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