Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-07-08
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 juillet 1890 08 juillet 1890
Description : 1890/07/08 (N7424). 1890/07/08 (N7424).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7539446m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
* N5 7424 — Mardi 8 Juillet 1890
20 Messidor an;98 — N 7424 *
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION ¡
38, EUE DE VALOIS, la >
s'ADaSSSBa AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION
De 4 à 6 heures du soir
,. i';
Et de 9 heures tiu soir a niinuil
:
FHÀ MAMBSCRÏTS NON ll\îsinÉs m SEBOS* PAS fictif
ADJÆHfISTItA mm
18, pkue. DIK VA-L-bu, 18
Adresser lettres et marulBfg
a L'ADMINISTRATEUR-GÉRAN'îf
ANNONCES
AIM. Ch. LAGRANGE, CERF et ce
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
- 1. PARIS A
m sîSfi 2 m.
TTIBLS MOIS r, -
NX mois ***♦•<$'• *i|i orw
*JW AN .V. - 48-
Mflacteir en cfief : AUGUSTE YAGÛUERIE
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS. 2 FR.
TROIS MOIS. 6 —
;.f - -. ---
siii Il m
UN AN. 20 -
FRANCE ET RUSSIE
Une correspondance de Saint-Péters-
bourg donne au Soleil de s détailsintéres-
sants sur l'effet produit en Russie par
l'exécution, du major Panitza. Cet. effet a
été « une explosion de colère et d'indi-
gnation dans toutes les classes du peuple
russes. Le mort est entré déjà dans la
légende ; Panitza est un héros, un
martyr, un Jean Huss, un Skobeleff,
sic.
A qui 1 exaspération s en prend-elle :
A Stambouloff? On ne voit dans cet
te aventurier qui se trouve trop flatté de
jouer sur un théâtre de province le rôle
des grands traîtres de mélodrame »
qu'un « agent vulgaire des volontés de
l'Autriche ». — Au prince de Cobourg?
On ne daigne pas non plus haïr si bas;
on se borne à mépriser cet autre agent
de l'Autriche qui, « à la veille de l'exé-
cution, s'est enfui en se bouchant les
oreilles pour ne pas entendre le cri de
réprobation qui allait s'élever dans
toute la Bulgarie ». -- A l'Autriche,
alors? Pas même. L'Autriche « n'a été
que l'instrument docile de l'Angleterre
et de l'Allemagne ».
C'est donc contre l'Angleterre et con-
tre l'Allemagne que la Russie est exas-
pérée. Contre l'Allemagne surtout, ce
qui n'a rien qui nous soit désagréable.
Hair l'Allemagne, c'est aimer la
France. Le correspondant russe écrit :
- « Nous étions habitués à ne voir
que des ennemis en Europe. Aujour-
d'hui nous avons une amie, la France,
dont tout le monde ici souhaite la gloire,
la prospérité, la grandeur. Le nom de
la France est populaire jusqu'au fond
de nos provinces, jusque dans la cabane
du paysan. Nos journaux, aujourd'hui
très répandus, prêchent quotidienne-
ment l'alliance française. Les conserva-
teurs seuls se montraient jusqu'ici re-
belles à l'entraînement général; aujour-
d'hui, je puis vous le dire, toute la
Russie vous tend les bras. Quoi qu'il
arrive, comptez sur nous. » J;
Lord Palmerston disait autrefois du
Schleswig-Holstein : — « C'est une
allumette qui mettra le feu à l'Europe ».
Ce que le ministre anglais disait du
Schleswig-Holstein, les ministres russes
le disent de la Bulgarie. De là les deux
ukases qui viennent d'être signés par le
czar.
Ils ordonnent la construction immé-
diate de trois lignes ferrées, dont l'une
relierait la capitale à la frontière prus-
sienne et permettrait de concentrer ra-
pidement sur Varsovie ou devant Kœ-
lûgsberg les corps d'Helsingfors, de Pé-
tersbourg, de Dunabourg et de Vilna,
et dont les deux autres jetteraient à la
frontière autrichienne les corps d'O-
Aa&M, de Kieff, de Karkoff et de Mos-
cou.
Ce qui manque à la Russie, si forte
d'ailleurs, c'est la faculté de mobilisa-
tion immédiate. Ces trois lignes la lui
donneront.
Est-ce à dire qu'à Pétersbourg on
croit à la guerre imminente? Non, mais
il suffit qu'on la croie possible, sinon
inévitable, dans un temps donné, pour
qu'on s'y prépare activement. C'est un
exemple que nous devons suivre, Notre
marine, notamment, a grand besoin
qu'on se mette à l'œuvre et qu'on répare
ses avaries.
Nous sommes heureux de penser
que, le jour où la guerre recommen-
cerait, la France ne serait plus seule
comme en 1870, où elle a été abandon-
née par ceux-mêmes auxquels elle avait
rendu le plus de services, mais nous
serons encore plus heureux de penser
que la France ne serait pas désarmée
comme en 1870, qu'elle aurait des ca-
nons et des munitions, des soldats et
des généraux, et que, même seule, elle
suffirait.
AUGUSTE VACQUERIE.
CROIX ET MÉDAILLES
Les monarchico-cléricaux avaient fait
tapage de médailles militaires et de croix
qui vont être données à sept gendarmes à
l'occasion du i4 juillet.
Selon eux, ces gendarmes étaient de
ceux qui ont expulsé les sœurs de l'école
de Vicq, et c'était pour avoir « massacré»
une foule inoffensive qu'on les décorait !
D'abord, il a été prouvé que les gen-
darmes de Vicq n'avaient massacré, ni
blessé personne, et que la seule blessure
qu'il y eût eu était une égratignure qu'une
femme s'était faite en tombant sur un
fagot.
N'importe, s'écriait hier encore un jour-
nal réactionnaire, « il y avait à Vicq dix-
huit gendarmes, et sur ces dix-huit on en
décore sept »!
Autre « erreur », journal réactionnaire.
Des sept gendarmes décorés, deux seule-
ment - étaient à Vicq. -- u - -_u
Et ce n'est pas pour I affaire de Vicq
qu'on les décore. Ils étaient proposés et
classés dès décembre 1889, à la suite de
longs services ; un des deux compte vingt-
deux ans de service sous les drapeaux,
l'autre vingt-quatre ans et deux cam-
pagnes.
Soit, disent les monarchico-cléricaux.
Mais il ne fallait pas les décorer au lende-
main de Vicq.
Ah ! il fallait faire attendre à ces bra-
ves gens une récompense qu'ils avaient
méritée et qui leur était due? Pourquoi?
Parce qu'ils avaient obéi à leurs chefs,
parce qu'ils avaient fait respecter la loi ?
C'eût été prêcher l'indiscipline. On com-
prend que l'indiscipline de l'armée ne
déplaise pas aux monarchistes, qui ont
cohabité avec M. Boulanger ; mais on
comprend aussi que le gouvernement de
la République ne punisse pas les gens
d'avoir fait leur devoir.
■! ■ —«■—i m - I. n » ■■■■■III ■
LES SŒURS-BOSSES
Savez-vous. à quoi la Gàzette de France,
qui est un journal pieux, assimile les ins-
titutrices religieuses ?
A des bosses!
A propos des gendarmes décorés, la
Gazette déclare qu'il va s'établir dans la
gendarmerie une légende qui rappellera
celle du petit bossu du boulevard Mont-
martre.
« On n'avait, en passant, qu'à toucher sa
bosse, et l'on se rendait la fortune favo-
rable; l'effet était infaillible. » De même
cc les gendarmes n'ont qu'à toucher de la
pointe du sabre ou du poitrail de leurs
chevaux les sœurs de charité qui récla-
ment l'instruction chrétienne , et, tout
aussitôt, il leur tombe sur la poitrine quel-
que décoration ».
Je ne sais pas jusqu'à quel point le
clergé sera reconnaissant à la Gazette de
traiter ses sœurs de bosses et son ensei-
gnement de difformité.
i i *
LA RECHERCHE nE li PATERNITÉ
Si je vous disais que je ne suis pas
quelque peu raillé pour la proposition
que j'ai faite, vous ne me croiriez pas. Il
est impossible que, dans ce vieux pays
gaulois et frondeur, on touche à ces sor-
tes de questions sans qu'un sourire de
faune erre aussitôt sur les lèvres des
hommes. Et, de fait, quelques chroni-
queurs se livrent joyeusement à « la bla-
gue » ; d'antres se contentent de la laisser
lire entre les lignes. Au fond, pour beau-
coup, ce projet sur la paternité est quel-
que peu ridicule, en même temps qu'an-
ti-national.
Anti-national? parfaitement! Vouloir
donner un père à l'enfant, c'est briser
avec la vieille tradition de notre gauloi-
serie proverbiale, c'est déchoir! C'est
supprimer « la seule chose qui soit gaie
dans la vie! Adieu les baisers, les folles
amours ! Adieu les propos charmeurs des
Clitandres et des Cydalises !»
Et adieu la belle humeur de nos pères
qui, loin d'en pleurer, aimaient fort à rire
des fillettes renversées sur l'herbette et
dont le tablier devient court !
J'ai dit déjà que les anciennes coutumes
de nos provinces autorisaient la recherche
de la paternité; il n'en est pas moins vrai
qu'en effet nos pères ne se privaient pas
de railler les malheurs des filles, comme
les mésaventures conjugales; ils se gaus-
saient volontiers de toutes les infortunes
d'amour.
Eh bien, ce n'est pas moi qui suis res-
ponsable, car il y a longtemps, ce me
semble, qu'on a changé sous ce rapport
notre caractère national, et à vrai dire je
n'en suis point fâché. Il y a longtemps
qu'on ne chansonne plus les filles sé-
duites.
A quoi cela tient-il? Au grand souffle
de la Révolution qui a passé, apportant
avec lui des sentiments inconnus de jus-
tice et de responsabilité. Les filles sé-
duites ne font plus rire, comme autrefois,
parce qu'elles sont devenues tragiques;
parce que Fanchette abandonnée, au lieu
d'essuyer coquettement ses larmes avec
le coin de son tablier, va acheter une fiole
de vitriol.
Enfin c'est peut-être parce que nous re-
gardons plus vers les faibles et les souf-
frants et que notre fraternité se penche
avec plus d'amour sur les douleurs so-
ciales, que nous avons un peu moins de
cette légèreté et de cette belle humeur de
nos aïeux.
Mais est-ce que des républicains et des
démocrates devraient nous le reprocher?
1 IF
00
En même temps qu'on m'accuse d'at-
tenter au caractère de notre race qui
exige, paraît-il, que l'homme soit vert-
galant et irresponsable, l'une des objec-
tions qu'on me fait, dans les journaux,
à la Chambre, dans les rues, quand je
rencontre un ami, c'est celle-ci : « Trou-
vez donc le père de J'enfant quand il y a
eu nombre de collaborateurs. »
Je voudrais bien qu'on ne prit pas tout
à fait pour de purs imbéciles ceux qui
avec moi réclament la responsabilité de
l'homme.
Le mot : « recherche » de la paternité
est malheureux, et je trouve qu'il nuit
beaucoup à la cause, parce qu'au fond, si
je demande la constatation de la pater-
nité, c'est précisément et surtout pour le
cas où elle est pour ainsi dire flagrante,
où elle saute aux yeux, où elle est cer-
taine autant que la paternité peut l'être,
et où il est presque inutile de la « recher-
cher », parce qu'elle est évidente et toute
trouvée.
C'est dire en premier lieu qu'il n'est
pas, qu'il ne peut pas être question des
remmes galantes. Celles qui font de
l'amour métier et marchandise ne peuvent
certes pas être admises à l'action en re-
cherche de paternité.
Il est évident que la multiplicité des
unions de passage rend la paternité im-
possible à découvrir. Quel est celui des
nombreux collaborateurs qui pourrait être
chargé de la responsabilité ?
Nous connaissons tous le mot cynique-
ment spirituel d'une fille à qui on deman-
dait quel était le père de son enfant. Elle
répondait en riant : Quand on s'assied sur
un fagot d'épines, connaît-on celle qui
vous a piquée ? -
Il est donc bien entendu que nous ne
voulons pas découvrir une aiguille dans
une botte de foin, et que nous établissons
comme premier principe que l'on ne peut
admettre à l'action en recherche de pater-
nité la fille qui fait trafic de ses charmes.
La femme ne sera point recevable si sit
merelrix.
Mais quand un homme prend une vierge,
ou quand on se trouve en face d'un concu-
binat qui est comme une sorte de mariage
en dehors des formes légales, est-ce que
le père n'est pas plus que probable? —
« Voyons, demande M. Sarcey, est-ce
qu'il y a un de nous qui n'ait pas connu
dix faux ménages où les pères sont par-
faitement authentiques? La loi leurpermet
aujourd'hui, si la femme ne leur plaît
plus, non-seulement de l'abandonner, elle
qui n'aurait pas à se plaindre puisqu'elle
a consenti un contrat révocable, mais de
planter là les enfants qui n'ont rien con-
senti du tout, et de dire : Moi, je ne suis
pas le père ! On ne peut pas prouver que
je sois le père! Mais tout le prouve ! Et
que de fois n'avons-nous pas lu dans les
comptes-rendus de la police correction-
nelle, la semonce adressée par le prési-
dent à l'un de ces misérables qui, voyant
leur- maîtresse près de devenir mère,
l'avaient lâchée, si bien que la malheu-
reuse avait tué de ses mains un enfant
sans père : — C'est vous, disait le magis-
trat-, c'est vous qui devriez être sur ce
banc ! Autant en emportait le vent ! »
Eh bien, c'est pour ces cas où la pater-
nité est indéniable, c'est pour les cas où
on a affaire, non point à des femmes ga-
lantes, mais à celles qui, aimant en dehors
des formes légales, ont gardé néanmoins
de la moralité, de la fidélité, que nous
voulons établir la responsabilité de
l'homme ; c'est dans ces cas, auxquels
songent tous les esprits impartiaux et
équitables, que nous voulons donner une
garantie à la femme, assurer le droit de
l'enfant, et faire porter au père la part
naturelle des charges qu'imposera venue
d'un enfant.
Il ne faut plus que dans l'amour
l'homme n'ait qu'un droit de plaisir, la
femme un devoir de souffrances ; il faut"
que le code répète aux hommes ce ":.que
leur dit la conscience.
GUSTAVE RIVET.
L'EMPRUNT DE LA COCHINCHINE
Une dépêche reçue hier par l'adminis-
tration des colonies annonce que le con-
seil colonial, à la majorité de 10 voix sur
12, a voté un emprunt de 60 millions
amortissable en trente ans, sous la ré-
serve formelle que la subvention payée
par le budget local au budget du protec-
torat de l'Annam et du Tonkin serait ré-
duite de 11 millions à 5 millions et demi.
Les conseillers indigènes ont voté
contre.
Cette dépêche confirme les informations
que nous avons données il y a quelque
temps.
jailli.»!».—
LIRE PLUS LOIN:
Donner da jeu au cerveau.
La Fête d'Ivry.
L'Affaire Eyraud.
Les SSomaments dn Champ de
Bars: Chez M. Georges Farey.
Nés feuilletons (8* page): Le Mar-
qui. de ViUelDer.
U — éu M
LE JUGEMENT DE LA 9e CHAMBRE
L'opinion publique a trouvé excessif le
jugement de la 9° chambre qui condamne
à trois ans de prison six réfugiés russes.
En admettant que l'accusation ait été
prouvée, il n'y aurait eu qu'une intention
d'attentat, et il n'était pas à notre con-
naissance qu'en justice française l'inten-
tion fût réputée pour le fait.
Trois ans de prison pour une intention,
il est difficile de ne pas trouver cela
exorbitant.
Mais il y a le recours en appel et nous
espérons bien que la peine sera au moins
diminuée.
♦ 'T
ÉLECTION SÉNATORIALE
DU 6 JUILLET 1890
Savoie
, Votants : 650
MM. Charles Forest, rép..*.*-^.- 358voix
Jean Millioz, rép..».«w!&; 267
Di vers. î &.. 25
II. Charles Forest est élu
ELECTIONS LÉGISLATIVES
DU 6 JUILLET
Hérault
(1M circonscription de Béziers)
Inscrits: 25.561 1 Votants: 12.673
MM.Mas, rép. 4.46Dvoix
Bernard, rép.,;vw 3.126
Bisset, rép.•••.«• 2.133
Fournier, boul.. ri. 2.854
Il y a ballottage
Vosges
(pe circonscription de Saint-Dié)
Inscrits: 14.497 1 Votants: 13.056
MM. le général Tricoche, rép. 7.078voix
Picot, boui. 5.757
M. le général Tricoche est élu
U FETE DES TUILERIES
Hier matin, dans toutes les rues avoisinant le
jardin des Tuileries, ce n'était que sonneries
de clairons, bruits de pas cadencés, de com-
mandements : « Par file à gauche ! » « Par file
à droite ! » « Arche ! » et les Parisiens à moitié
endormis qui mettaient le nez à la fenêtre
voyaient fjèreiient défiler les petits soldats de
plus tard, en leurs uniformes aux couleurs
vives et bariolées. Ils étaient charmants à voir
tous ces jeunes gens portant crânement le
fusil sur l'épaule tout comme de vieux bris-
cards et marchant en files droites, les distances
réglementaires exactement conservées, ainsi
que des soldats rompus à tous les exercices de
la parade.
Tous ces gymnastes et tireurs qui compo-
sent nos sociétés d'instruction militaire, solides
et bien campés sur des jarrets qui promettent
pour l'avenir, se rendaient au Jardin des Tui-
leries pour le 3e concours national annuel de
gymnastique et d'instruction militaire.
Il était six heures. Chaque société va établir
ses tentes près du fanion indicateur qui lui
assigne sa place respective.
A sept heures, le canon Pro Patria rclen lit, le
concours est ouvert, les exercices commen-
cent : canne, boxe, chausson, bâton, assou-à'
plissements, etc. Chacun s'en donne 1 i:-
mieux mieux et travaille avec une ardeur sans
égale.
Le long de la terrasse des Feuillants tr i>
grandes tribunes avaient été élevées. Ces tri-
bunes étaient occupées par le jury, compos*
d'officiers et de sous-officiers de l'armée, ue
moniteurs et de professeurs de gymnastique
et présidé par M. le commandant de l'école
de Joinville-Ie-Pont. Nous y avons égalemenî
remarqué MM. Emile Richard, président dn
conseil municipal; Edmond Dolfus, président
de l'Union et Merlin, sénateur.
En face de la tribune présidentielle on avait
élevé une estrade du haut de laquelle M. Adoux
dirigeait les mouvements. Ce qu'il y a de vrai-
ment curieux et d'admirable c'est la régularité
et l'ensemble avec lesquels tous les mouve-
ments sont faits. L'éloge de toute cette vail,
lante et solide jeunesse n'est plus à faire, ce
que nous avons simplement à mentionner,,
c'est que chaque fois qu'on les voit, on les
retrouve toujours aussi forts, aussi souples,
aussi adroits.
Les exercices ont duré jusqu'à midi et gym-
nastes, jurés et invités sont allés prendre à
table un repos bien gagné.
L'Union des sociétés avait offert, à l'hôtel
Continental, un banquet où se sont réunis le
jury, les organisateurs et les représentants de
la presse. Il y avait environ 210 couverts.
A la table d'honneur avaient pris place MM.
Dolfus, le général Jeanningros, commandant
les bataillons scolaires ; Merlin, sénateur du
Nord; Richard, président du conseil muni-
cipal ; Barrai, secrétaire général de l'Unionr
etc., etc.
L'heure des toasts arrivée, M. Dolfus a pri?
la parole en buvant à l'armée, à la presse,
aux membres du jury.
Le général Jeanningros a répondu ensuite à
M. Dotfus et M. Richard a terminé la série
des toasts.
A deux heures, on est revenu au jardin
pour reprendre les exercices et assister au
défilé des sociétés devant le président de la
République.
A deux heures et demie, M. Carnot est
arrivé, accompagné du commandant Chamoin
et du capitaine de vaisseau de Maigret.
Toutes les sociétés de gymnastique, placées
par sections da douze files au maximum, défi-
lent devant lui en groupes ainsi composés :
fer groupe : Entants des écoles et pupilles
des sociétés.
2e groupe : Sociétés de gymnastique indé-
pendantes de l'Union.
3e groupe : Sociétés de gymnastique de l'U.
nion.
4' groupe : Sociétés en armes indépendantes
de l'Union.
5"1 groupe : Le drapeau de l'Union et sa
garde, le bataillon scolaire de l'Union en co-
lonne.
Ces exercices terminés, M. Dolfus a pris la
paro'e.
M. Carnot lui a répondu en ces termes:
« Notre présence ici est une preuve de l'im-
portance que le gouvernement attache à votre
œuvre.
» Nous avons tenu à vous remercier et en
même temps à encourager vos efforts pour
préparer une jeunesse robuste et fière, capable
d'affronter le danger.
» Je suis heureux de vous féliciter de votre
succès et de vous apporter mes sympathies
pour votre œuvre et ceux qui la soutiennent. »
Après cette allocution, M. Carnot remet les
palmes d'officier d'académie à MM. Bedion
(Jean), président de la société l'Avant-Garde,
du 17e arrondissement ;
Ducarouge, président de la société des Francs-
tireurs des Batignolles ;
Tranchard, organisateur du concours.
Puis il est procédé à la distribution des ré-
compenses.
Voici la liste des sociétés lauréates :
Prix d'honneur (offertpar M. Dollfus).¡- Pro
Patria du 20e arrondissement.
Instruction militaire, — Division d'excel*^
lence : ter prix, la Française de CRchy ; 2'r
prix, la Défense de Limoges ; 3e prix, les Tou-
ristes lyonnais (section parisiénnê).
Ecole de compagnie: 1er prix, Pro Patria i
2e prix Liberté du 11* arrondissement et Espé-
rance du 19e arrondissement; 30 prix, Tou-
ristes lyonnais.
Feuilleton, du RAPPEL
DU 8 JUILLET
i
m
L'HOMME
AU FRONT FENDU
DEUXIÈME PARTIE
&'HjÈfeIT £ EBE DES PÊNAîSOYA
X! - ;
m. eià'ev&l ! à elaév&H !
- Suite -
-=- Monseigneur, il me semble que vous
.ordez un temps précieux, dit la petite
,-QÎX nette et sèche de Jallyfer.
Cette froide parole fit diversion, le mar-
nuis se retourna et regarda le docteur d'un
tir interrogateur.
— Si j'ai bien compris, continua Jal-
fyfer, grâce à la couardise impardonnable
d" ce moine, Manrique sait où est l'en-
'ani. Qu'il se soit rendu immédiatement
"U iiou indiqué, cela ne fait pas de doute.
est-ce, frère Angel ?.î. Ah! vous pouvez
Reproduction interdite.
.oïF le Rappel âa 26 mal M* 7 jniUet. -.
parler, maintenant, puisque le secret n'en
est plus un.
— Au village indien, derrière la ville,
soupira le moine, chez la vieille Manoëla.
— Bon! Eh bien, ne pourrait-on, en
faisant diligence, rattraper ce Manrique
et ses complices et leur reprendre l'en-
fant?.
— Tu as raison ! s'écria le marquis. Oui !
oui! vite!.
Au moment de sortir, il se retourna
vers frère Angel.
- Quant à toi, dit-il, tu ne perdras rien
pour attendre, sois tranquille. Mais j'ai
pour le moment autre chose à faire que
de te châtier.
Il se précipita dehors et, se trouvant au
milieu deS- nègres qui se tenaient curieu-
sement aux écoutes, il cria :
— A moi ! vous tous ! Qu'on me selle
un cheval! Que dans cinq minutes il soit
à la porte du palais 1 A cheval, tous!
Qu'on prenne les pistolets et les carabines l
Vite!
A la voix puissante du mâitrev tous se
dispersèrent pour exécuter ses* ordres. Le
marquis se dirigea à grands pas vers le
palais.
— Oh ! mil, sîB dtïsis&iil tarate ï je le
rattraperai ~t iiH~~e~ luii sSiit tombe
entre mes mà'ar.;?. -
Il gravit rapidmamt, les degrés,, (tutr..
dans ses appartements, jeta sur ses épaules
un grand manteau, enfonça sur ses che-
veux blancs un chapeau à larges bords,
et, ouvrant une armoire, on tira de longs
pistolets qu'il passa à sa ceinture, après
s'être assuré qu'ils étaient chargés.
— Puisse cftte balle lui crever le cœur!
murmura-t-il sourdement.
Mais soudain le son d'une voix derrière
lui le fit se retourner.
Rafaële. d'une pâleur de cire dans ses
vêtements blancs, se tenait appuyée au
chambranle de la porte.
De chez elle, elle avait entendu le bruit
des allées et venues précipitées; elle avait,
de sa fenêtre, vu les esclaves s'assembler
avec les chevaux devant la porte du pa-
lais ; elle avait aperçu les armes dans les
mains, et, sans savoir, une sorte de pres-
sentiment s'était emparé d'elle, une sourde
et vague inquiétude l'avait mordue au
cœur; défaillante, se soutenant à peine,
elle s'était traînée jusque chez le mar-
quis.
- Mon père! dit elle.
— Ah! ah 1 c'est vous! s'écria-t-il en
éclatant d'un rire sauvage! Vous arrivez
bien ! Souhaitez-moi bonne chance !
Où allez-vous, mon père? demanda
Rafaële tremblante, tant le rire du mar-
quis était sinistre.
— Où je vais? Je cours avec tout mon
monde à la poursuite de votre amant !
Ah! ah! je vais lui donner la chasse, et
vous le tuer, tenez, avec ceci !
Il ouvrit son manteau, montra les pis-
tolots. Rafaële poussa un cri terrible.
- Grand Dieu! mon pèze 1 le tuer! le
tuer!
— Vous verrez! dit-il. Allons! faites-
moi place. Je ne veux pas que le scélérat
m'échappe.
Elle barra te porte de ses deus bras
étendus-: ,¿..
- Mon père, ayez pitié! vous ne vou-
drez pas souiller vos mains de ce meur-
tre!. Ecoutez-moi!
— Infâme! cria-t-il, ne vois-tu pas que
tes supplications sont une nouvelle of-
fense à l'honneur de notre nom!
Il la saisit rudement par le poignet,
elle essaya de résister, de lui disputer le
passage, mais elle était bien faible, lui
robuste encore. Les genoux de Rafaële
plièrent ; brutalement il la renversa, et,
poussant un râle sourd, elle tomba sur le
parquet, inanimée.
Lui,enjamba le corps gisant et,sans plus
s'occuper de sa fille, descendit l'escalier,
arriva comme une tempête dans la cour
d'honneur où étaient réunis une trentaine
de serviteurs, blancs et nègres, presque
tous déjà en selle et la carabine en ban-
doulière.
— A cheval ! à cheval ! cria le marquis.
Et lui-même sauta sur la bête qu'on
lui amenait; puis il cria encore : - Sui-
vez-moi !
Il enfonça ses éperons dans les flancs
de st monture qui, après s'être cabrée et
avoir lancé deux ou trois ruades, partit
à fond de train. Sur la route, derrière
le maître, se précipitèrent les serviteurs,
galop effréné, cavalcade fantastique qui
disparut en quelques minutes dans la
poussière du chemin.
XII
La b~~Me
ManriqUe, suivi de ses troîs compâ*
gnons, Pedro, Roxo et Pepiya, avait mis
longtemps à parvenir au village du Haut-
Plateau où. d'après les indications four-
nies, bien à contre cœur, par frère Angel,
il devait trouver son enfant.
Fugitifs, mis à prix, les esclaves re-
belles avaient dû s'imposer un long détour
pour ne pas s'exposer à une rencontre qui
eût déjoué leurs projets.
La nuit tombait quand ils arrivèrent en
vue du village. Quelques misérables
huttes sur un plateau âpre et dénudé.
Manrique ordonna une halte.
- Arrêtons-nous un instant, dit-il, et
prenons nos dispositions.
— Le moine, fit Pedro, a dit: chez la
vieille Manoëla, dans la, dernière maison
du village.
- Oui, répondit Manrique, mais le
Haut-Plateau SP. compose de maisons iso-
lées, assez éloignées les unes des autres !
il faudrait, autant que possible ne pas
perdre un temps précieux à errer de porte
en porte, et surtout prendre garde de ne
pas éveiller l'attention.
— Comment faire? demanda Roxo?
Voici la nuit tout à fait venue ; les recher-
ches ne seront pas faciles.
— Alerte! dit tout à coup Pépiya.
- Qu'y a-t-il? 1
— Un homme, là, sur le chemin.
C'était un travailleur des champs, qui
revenait chez lui la journée finie; un
homme âgé qui marchait, courbé, l'épaule
pliée sous un hoyau.
— Peut-être ce brave homme nous don-
nera-t-il le renseignement que nous vou:
lqpe, dit rapidement Manrique. Avance-toi
vers lui, toi, Pédro, et questionne-le. Val
Pédro sortit du fourré où les quatre
amis se tenaient tapis et bientôt il fut à
quelques pas du paysan.
— Holà ! hé ! que voulez-vous ? s'écria
l'homme en s'arrêtant court et en esquis-
sant un geste de défiance.
, - Pardon, maître, dit humblement
Pédro. Je ne suis qu'un pauvre esclave,
vieux et fatigué, et c'est bien de la har-
diesse à moi de vous arrêter ainsi. Je
voudrais vous demander mon chemin ,
maître. *
— Parle.
— Je suis chargé d'un message pour
une personne qui habite le Haut-Plateau,
mais je ne sais où trouver sa maison.
— Le nom de cette personne ?
— La vieille Manoëla ; la connaissez.
vous, maître ?
— Si je la connais? pardieu, oui! Mais f
que peux-tu lui vouloir à la vieille Ma.
noëla?
— J'ai une lettre à lui donner d» la part
de mon maître, le révérend frère Angel -
Bobo.
— Ah ! fit le paysan, si tu viens de la i
part de frère Angel, c'est différent. On l'a
vu bien des fois par ici, le saint homme.
Tiens, la vieille Manoëla habite, avec une
servante, cette petite maison que tu vois
là-bas, derrière cette plantation.
— Merci, maître. ,'.
J
Murmurant entre ses dents une romance i'
sans paroles, le gaysan s'éloigna.;
moyTFERHEm ,t
(4 œsr«>
20 Messidor an;98 — N 7424 *
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION ¡
38, EUE DE VALOIS, la >
s'ADaSSSBa AU SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION
De 4 à 6 heures du soir
,. i';
Et de 9 heures tiu soir a niinuil
:
FHÀ MAMBSCRÏTS NON ll\îsinÉs m SEBOS* PAS fictif
ADJÆHfISTItA mm
18, pkue. DIK VA-L-bu, 18
Adresser lettres et marulBfg
a L'ADMINISTRATEUR-GÉRAN'îf
ANNONCES
AIM. Ch. LAGRANGE, CERF et ce
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
- 1. PARIS A
m sîSfi 2 m.
TTIBLS MOIS r, -
NX mois ***♦•<$'• *i|i orw
*JW AN .V. - 48-
Mflacteir en cfief : AUGUSTE YAGÛUERIE
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS. 2 FR.
TROIS MOIS. 6 —
;.f - -. ---
siii Il m
UN AN. 20 -
FRANCE ET RUSSIE
Une correspondance de Saint-Péters-
bourg donne au Soleil de s détailsintéres-
sants sur l'effet produit en Russie par
l'exécution, du major Panitza. Cet. effet a
été « une explosion de colère et d'indi-
gnation dans toutes les classes du peuple
russes. Le mort est entré déjà dans la
légende ; Panitza est un héros, un
martyr, un Jean Huss, un Skobeleff,
sic.
A qui 1 exaspération s en prend-elle :
A Stambouloff? On ne voit dans cet
te aventurier qui se trouve trop flatté de
jouer sur un théâtre de province le rôle
des grands traîtres de mélodrame »
qu'un « agent vulgaire des volontés de
l'Autriche ». — Au prince de Cobourg?
On ne daigne pas non plus haïr si bas;
on se borne à mépriser cet autre agent
de l'Autriche qui, « à la veille de l'exé-
cution, s'est enfui en se bouchant les
oreilles pour ne pas entendre le cri de
réprobation qui allait s'élever dans
toute la Bulgarie ». -- A l'Autriche,
alors? Pas même. L'Autriche « n'a été
que l'instrument docile de l'Angleterre
et de l'Allemagne ».
C'est donc contre l'Angleterre et con-
tre l'Allemagne que la Russie est exas-
pérée. Contre l'Allemagne surtout, ce
qui n'a rien qui nous soit désagréable.
Hair l'Allemagne, c'est aimer la
France. Le correspondant russe écrit :
- « Nous étions habitués à ne voir
que des ennemis en Europe. Aujour-
d'hui nous avons une amie, la France,
dont tout le monde ici souhaite la gloire,
la prospérité, la grandeur. Le nom de
la France est populaire jusqu'au fond
de nos provinces, jusque dans la cabane
du paysan. Nos journaux, aujourd'hui
très répandus, prêchent quotidienne-
ment l'alliance française. Les conserva-
teurs seuls se montraient jusqu'ici re-
belles à l'entraînement général; aujour-
d'hui, je puis vous le dire, toute la
Russie vous tend les bras. Quoi qu'il
arrive, comptez sur nous. » J;
Lord Palmerston disait autrefois du
Schleswig-Holstein : — « C'est une
allumette qui mettra le feu à l'Europe ».
Ce que le ministre anglais disait du
Schleswig-Holstein, les ministres russes
le disent de la Bulgarie. De là les deux
ukases qui viennent d'être signés par le
czar.
Ils ordonnent la construction immé-
diate de trois lignes ferrées, dont l'une
relierait la capitale à la frontière prus-
sienne et permettrait de concentrer ra-
pidement sur Varsovie ou devant Kœ-
lûgsberg les corps d'Helsingfors, de Pé-
tersbourg, de Dunabourg et de Vilna,
et dont les deux autres jetteraient à la
frontière autrichienne les corps d'O-
Aa&M, de Kieff, de Karkoff et de Mos-
cou.
Ce qui manque à la Russie, si forte
d'ailleurs, c'est la faculté de mobilisa-
tion immédiate. Ces trois lignes la lui
donneront.
Est-ce à dire qu'à Pétersbourg on
croit à la guerre imminente? Non, mais
il suffit qu'on la croie possible, sinon
inévitable, dans un temps donné, pour
qu'on s'y prépare activement. C'est un
exemple que nous devons suivre, Notre
marine, notamment, a grand besoin
qu'on se mette à l'œuvre et qu'on répare
ses avaries.
Nous sommes heureux de penser
que, le jour où la guerre recommen-
cerait, la France ne serait plus seule
comme en 1870, où elle a été abandon-
née par ceux-mêmes auxquels elle avait
rendu le plus de services, mais nous
serons encore plus heureux de penser
que la France ne serait pas désarmée
comme en 1870, qu'elle aurait des ca-
nons et des munitions, des soldats et
des généraux, et que, même seule, elle
suffirait.
AUGUSTE VACQUERIE.
CROIX ET MÉDAILLES
Les monarchico-cléricaux avaient fait
tapage de médailles militaires et de croix
qui vont être données à sept gendarmes à
l'occasion du i4 juillet.
Selon eux, ces gendarmes étaient de
ceux qui ont expulsé les sœurs de l'école
de Vicq, et c'était pour avoir « massacré»
une foule inoffensive qu'on les décorait !
D'abord, il a été prouvé que les gen-
darmes de Vicq n'avaient massacré, ni
blessé personne, et que la seule blessure
qu'il y eût eu était une égratignure qu'une
femme s'était faite en tombant sur un
fagot.
N'importe, s'écriait hier encore un jour-
nal réactionnaire, « il y avait à Vicq dix-
huit gendarmes, et sur ces dix-huit on en
décore sept »!
Autre « erreur », journal réactionnaire.
Des sept gendarmes décorés, deux seule-
ment - étaient à Vicq. -- u - -_u
Et ce n'est pas pour I affaire de Vicq
qu'on les décore. Ils étaient proposés et
classés dès décembre 1889, à la suite de
longs services ; un des deux compte vingt-
deux ans de service sous les drapeaux,
l'autre vingt-quatre ans et deux cam-
pagnes.
Soit, disent les monarchico-cléricaux.
Mais il ne fallait pas les décorer au lende-
main de Vicq.
Ah ! il fallait faire attendre à ces bra-
ves gens une récompense qu'ils avaient
méritée et qui leur était due? Pourquoi?
Parce qu'ils avaient obéi à leurs chefs,
parce qu'ils avaient fait respecter la loi ?
C'eût été prêcher l'indiscipline. On com-
prend que l'indiscipline de l'armée ne
déplaise pas aux monarchistes, qui ont
cohabité avec M. Boulanger ; mais on
comprend aussi que le gouvernement de
la République ne punisse pas les gens
d'avoir fait leur devoir.
■! ■ —«■—i m - I. n » ■■■■■III ■
LES SŒURS-BOSSES
Savez-vous. à quoi la Gàzette de France,
qui est un journal pieux, assimile les ins-
titutrices religieuses ?
A des bosses!
A propos des gendarmes décorés, la
Gazette déclare qu'il va s'établir dans la
gendarmerie une légende qui rappellera
celle du petit bossu du boulevard Mont-
martre.
« On n'avait, en passant, qu'à toucher sa
bosse, et l'on se rendait la fortune favo-
rable; l'effet était infaillible. » De même
cc les gendarmes n'ont qu'à toucher de la
pointe du sabre ou du poitrail de leurs
chevaux les sœurs de charité qui récla-
ment l'instruction chrétienne , et, tout
aussitôt, il leur tombe sur la poitrine quel-
que décoration ».
Je ne sais pas jusqu'à quel point le
clergé sera reconnaissant à la Gazette de
traiter ses sœurs de bosses et son ensei-
gnement de difformité.
i i *
LA RECHERCHE nE li PATERNITÉ
Si je vous disais que je ne suis pas
quelque peu raillé pour la proposition
que j'ai faite, vous ne me croiriez pas. Il
est impossible que, dans ce vieux pays
gaulois et frondeur, on touche à ces sor-
tes de questions sans qu'un sourire de
faune erre aussitôt sur les lèvres des
hommes. Et, de fait, quelques chroni-
queurs se livrent joyeusement à « la bla-
gue » ; d'antres se contentent de la laisser
lire entre les lignes. Au fond, pour beau-
coup, ce projet sur la paternité est quel-
que peu ridicule, en même temps qu'an-
ti-national.
Anti-national? parfaitement! Vouloir
donner un père à l'enfant, c'est briser
avec la vieille tradition de notre gauloi-
serie proverbiale, c'est déchoir! C'est
supprimer « la seule chose qui soit gaie
dans la vie! Adieu les baisers, les folles
amours ! Adieu les propos charmeurs des
Clitandres et des Cydalises !»
Et adieu la belle humeur de nos pères
qui, loin d'en pleurer, aimaient fort à rire
des fillettes renversées sur l'herbette et
dont le tablier devient court !
J'ai dit déjà que les anciennes coutumes
de nos provinces autorisaient la recherche
de la paternité; il n'en est pas moins vrai
qu'en effet nos pères ne se privaient pas
de railler les malheurs des filles, comme
les mésaventures conjugales; ils se gaus-
saient volontiers de toutes les infortunes
d'amour.
Eh bien, ce n'est pas moi qui suis res-
ponsable, car il y a longtemps, ce me
semble, qu'on a changé sous ce rapport
notre caractère national, et à vrai dire je
n'en suis point fâché. Il y a longtemps
qu'on ne chansonne plus les filles sé-
duites.
A quoi cela tient-il? Au grand souffle
de la Révolution qui a passé, apportant
avec lui des sentiments inconnus de jus-
tice et de responsabilité. Les filles sé-
duites ne font plus rire, comme autrefois,
parce qu'elles sont devenues tragiques;
parce que Fanchette abandonnée, au lieu
d'essuyer coquettement ses larmes avec
le coin de son tablier, va acheter une fiole
de vitriol.
Enfin c'est peut-être parce que nous re-
gardons plus vers les faibles et les souf-
frants et que notre fraternité se penche
avec plus d'amour sur les douleurs so-
ciales, que nous avons un peu moins de
cette légèreté et de cette belle humeur de
nos aïeux.
Mais est-ce que des républicains et des
démocrates devraient nous le reprocher?
1 IF
00
En même temps qu'on m'accuse d'at-
tenter au caractère de notre race qui
exige, paraît-il, que l'homme soit vert-
galant et irresponsable, l'une des objec-
tions qu'on me fait, dans les journaux,
à la Chambre, dans les rues, quand je
rencontre un ami, c'est celle-ci : « Trou-
vez donc le père de J'enfant quand il y a
eu nombre de collaborateurs. »
Je voudrais bien qu'on ne prit pas tout
à fait pour de purs imbéciles ceux qui
avec moi réclament la responsabilité de
l'homme.
Le mot : « recherche » de la paternité
est malheureux, et je trouve qu'il nuit
beaucoup à la cause, parce qu'au fond, si
je demande la constatation de la pater-
nité, c'est précisément et surtout pour le
cas où elle est pour ainsi dire flagrante,
où elle saute aux yeux, où elle est cer-
taine autant que la paternité peut l'être,
et où il est presque inutile de la « recher-
cher », parce qu'elle est évidente et toute
trouvée.
C'est dire en premier lieu qu'il n'est
pas, qu'il ne peut pas être question des
remmes galantes. Celles qui font de
l'amour métier et marchandise ne peuvent
certes pas être admises à l'action en re-
cherche de paternité.
Il est évident que la multiplicité des
unions de passage rend la paternité im-
possible à découvrir. Quel est celui des
nombreux collaborateurs qui pourrait être
chargé de la responsabilité ?
Nous connaissons tous le mot cynique-
ment spirituel d'une fille à qui on deman-
dait quel était le père de son enfant. Elle
répondait en riant : Quand on s'assied sur
un fagot d'épines, connaît-on celle qui
vous a piquée ? -
Il est donc bien entendu que nous ne
voulons pas découvrir une aiguille dans
une botte de foin, et que nous établissons
comme premier principe que l'on ne peut
admettre à l'action en recherche de pater-
nité la fille qui fait trafic de ses charmes.
La femme ne sera point recevable si sit
merelrix.
Mais quand un homme prend une vierge,
ou quand on se trouve en face d'un concu-
binat qui est comme une sorte de mariage
en dehors des formes légales, est-ce que
le père n'est pas plus que probable? —
« Voyons, demande M. Sarcey, est-ce
qu'il y a un de nous qui n'ait pas connu
dix faux ménages où les pères sont par-
faitement authentiques? La loi leurpermet
aujourd'hui, si la femme ne leur plaît
plus, non-seulement de l'abandonner, elle
qui n'aurait pas à se plaindre puisqu'elle
a consenti un contrat révocable, mais de
planter là les enfants qui n'ont rien con-
senti du tout, et de dire : Moi, je ne suis
pas le père ! On ne peut pas prouver que
je sois le père! Mais tout le prouve ! Et
que de fois n'avons-nous pas lu dans les
comptes-rendus de la police correction-
nelle, la semonce adressée par le prési-
dent à l'un de ces misérables qui, voyant
leur- maîtresse près de devenir mère,
l'avaient lâchée, si bien que la malheu-
reuse avait tué de ses mains un enfant
sans père : — C'est vous, disait le magis-
trat-, c'est vous qui devriez être sur ce
banc ! Autant en emportait le vent ! »
Eh bien, c'est pour ces cas où la pater-
nité est indéniable, c'est pour les cas où
on a affaire, non point à des femmes ga-
lantes, mais à celles qui, aimant en dehors
des formes légales, ont gardé néanmoins
de la moralité, de la fidélité, que nous
voulons établir la responsabilité de
l'homme ; c'est dans ces cas, auxquels
songent tous les esprits impartiaux et
équitables, que nous voulons donner une
garantie à la femme, assurer le droit de
l'enfant, et faire porter au père la part
naturelle des charges qu'imposera venue
d'un enfant.
Il ne faut plus que dans l'amour
l'homme n'ait qu'un droit de plaisir, la
femme un devoir de souffrances ; il faut"
que le code répète aux hommes ce ":.que
leur dit la conscience.
GUSTAVE RIVET.
L'EMPRUNT DE LA COCHINCHINE
Une dépêche reçue hier par l'adminis-
tration des colonies annonce que le con-
seil colonial, à la majorité de 10 voix sur
12, a voté un emprunt de 60 millions
amortissable en trente ans, sous la ré-
serve formelle que la subvention payée
par le budget local au budget du protec-
torat de l'Annam et du Tonkin serait ré-
duite de 11 millions à 5 millions et demi.
Les conseillers indigènes ont voté
contre.
Cette dépêche confirme les informations
que nous avons données il y a quelque
temps.
jailli.»!».—
LIRE PLUS LOIN:
Donner da jeu au cerveau.
La Fête d'Ivry.
L'Affaire Eyraud.
Les SSomaments dn Champ de
Bars: Chez M. Georges Farey.
Nés feuilletons (8* page): Le Mar-
qui. de ViUelDer.
U — éu M
LE JUGEMENT DE LA 9e CHAMBRE
L'opinion publique a trouvé excessif le
jugement de la 9° chambre qui condamne
à trois ans de prison six réfugiés russes.
En admettant que l'accusation ait été
prouvée, il n'y aurait eu qu'une intention
d'attentat, et il n'était pas à notre con-
naissance qu'en justice française l'inten-
tion fût réputée pour le fait.
Trois ans de prison pour une intention,
il est difficile de ne pas trouver cela
exorbitant.
Mais il y a le recours en appel et nous
espérons bien que la peine sera au moins
diminuée.
♦ 'T
ÉLECTION SÉNATORIALE
DU 6 JUILLET 1890
Savoie
, Votants : 650
MM. Charles Forest, rép..*.*-^.- 358voix
Jean Millioz, rép..».«w!&; 267
Di vers. î &.. 25
II. Charles Forest est élu
ELECTIONS LÉGISLATIVES
DU 6 JUILLET
Hérault
(1M circonscription de Béziers)
Inscrits: 25.561 1 Votants: 12.673
MM.Mas, rép. 4.46Dvoix
Bernard, rép.,;vw 3.126
Bisset, rép.•••.«• 2.133
Fournier, boul.. ri. 2.854
Il y a ballottage
Vosges
(pe circonscription de Saint-Dié)
Inscrits: 14.497 1 Votants: 13.056
MM. le général Tricoche, rép. 7.078voix
Picot, boui. 5.757
M. le général Tricoche est élu
U FETE DES TUILERIES
Hier matin, dans toutes les rues avoisinant le
jardin des Tuileries, ce n'était que sonneries
de clairons, bruits de pas cadencés, de com-
mandements : « Par file à gauche ! » « Par file
à droite ! » « Arche ! » et les Parisiens à moitié
endormis qui mettaient le nez à la fenêtre
voyaient fjèreiient défiler les petits soldats de
plus tard, en leurs uniformes aux couleurs
vives et bariolées. Ils étaient charmants à voir
tous ces jeunes gens portant crânement le
fusil sur l'épaule tout comme de vieux bris-
cards et marchant en files droites, les distances
réglementaires exactement conservées, ainsi
que des soldats rompus à tous les exercices de
la parade.
Tous ces gymnastes et tireurs qui compo-
sent nos sociétés d'instruction militaire, solides
et bien campés sur des jarrets qui promettent
pour l'avenir, se rendaient au Jardin des Tui-
leries pour le 3e concours national annuel de
gymnastique et d'instruction militaire.
Il était six heures. Chaque société va établir
ses tentes près du fanion indicateur qui lui
assigne sa place respective.
A sept heures, le canon Pro Patria rclen lit, le
concours est ouvert, les exercices commen-
cent : canne, boxe, chausson, bâton, assou-à'
plissements, etc. Chacun s'en donne 1 i:-
mieux mieux et travaille avec une ardeur sans
égale.
Le long de la terrasse des Feuillants tr i>
grandes tribunes avaient été élevées. Ces tri-
bunes étaient occupées par le jury, compos*
d'officiers et de sous-officiers de l'armée, ue
moniteurs et de professeurs de gymnastique
et présidé par M. le commandant de l'école
de Joinville-Ie-Pont. Nous y avons égalemenî
remarqué MM. Emile Richard, président dn
conseil municipal; Edmond Dolfus, président
de l'Union et Merlin, sénateur.
En face de la tribune présidentielle on avait
élevé une estrade du haut de laquelle M. Adoux
dirigeait les mouvements. Ce qu'il y a de vrai-
ment curieux et d'admirable c'est la régularité
et l'ensemble avec lesquels tous les mouve-
ments sont faits. L'éloge de toute cette vail,
lante et solide jeunesse n'est plus à faire, ce
que nous avons simplement à mentionner,,
c'est que chaque fois qu'on les voit, on les
retrouve toujours aussi forts, aussi souples,
aussi adroits.
Les exercices ont duré jusqu'à midi et gym-
nastes, jurés et invités sont allés prendre à
table un repos bien gagné.
L'Union des sociétés avait offert, à l'hôtel
Continental, un banquet où se sont réunis le
jury, les organisateurs et les représentants de
la presse. Il y avait environ 210 couverts.
A la table d'honneur avaient pris place MM.
Dolfus, le général Jeanningros, commandant
les bataillons scolaires ; Merlin, sénateur du
Nord; Richard, président du conseil muni-
cipal ; Barrai, secrétaire général de l'Unionr
etc., etc.
L'heure des toasts arrivée, M. Dolfus a pri?
la parole en buvant à l'armée, à la presse,
aux membres du jury.
Le général Jeanningros a répondu ensuite à
M. Dotfus et M. Richard a terminé la série
des toasts.
A deux heures, on est revenu au jardin
pour reprendre les exercices et assister au
défilé des sociétés devant le président de la
République.
A deux heures et demie, M. Carnot est
arrivé, accompagné du commandant Chamoin
et du capitaine de vaisseau de Maigret.
Toutes les sociétés de gymnastique, placées
par sections da douze files au maximum, défi-
lent devant lui en groupes ainsi composés :
fer groupe : Entants des écoles et pupilles
des sociétés.
2e groupe : Sociétés de gymnastique indé-
pendantes de l'Union.
3e groupe : Sociétés de gymnastique de l'U.
nion.
4' groupe : Sociétés en armes indépendantes
de l'Union.
5"1 groupe : Le drapeau de l'Union et sa
garde, le bataillon scolaire de l'Union en co-
lonne.
Ces exercices terminés, M. Dolfus a pris la
paro'e.
M. Carnot lui a répondu en ces termes:
« Notre présence ici est une preuve de l'im-
portance que le gouvernement attache à votre
œuvre.
» Nous avons tenu à vous remercier et en
même temps à encourager vos efforts pour
préparer une jeunesse robuste et fière, capable
d'affronter le danger.
» Je suis heureux de vous féliciter de votre
succès et de vous apporter mes sympathies
pour votre œuvre et ceux qui la soutiennent. »
Après cette allocution, M. Carnot remet les
palmes d'officier d'académie à MM. Bedion
(Jean), président de la société l'Avant-Garde,
du 17e arrondissement ;
Ducarouge, président de la société des Francs-
tireurs des Batignolles ;
Tranchard, organisateur du concours.
Puis il est procédé à la distribution des ré-
compenses.
Voici la liste des sociétés lauréates :
Prix d'honneur (offertpar M. Dollfus).¡- Pro
Patria du 20e arrondissement.
Instruction militaire, — Division d'excel*^
lence : ter prix, la Française de CRchy ; 2'r
prix, la Défense de Limoges ; 3e prix, les Tou-
ristes lyonnais (section parisiénnê).
Ecole de compagnie: 1er prix, Pro Patria i
2e prix Liberté du 11* arrondissement et Espé-
rance du 19e arrondissement; 30 prix, Tou-
ristes lyonnais.
Feuilleton, du RAPPEL
DU 8 JUILLET
i
m
L'HOMME
AU FRONT FENDU
DEUXIÈME PARTIE
&'HjÈfeIT £ EBE DES PÊNAîSOYA
X! - ;
m. eià'ev&l ! à elaév&H !
- Suite -
-=- Monseigneur, il me semble que vous
.ordez un temps précieux, dit la petite
,-QÎX nette et sèche de Jallyfer.
Cette froide parole fit diversion, le mar-
nuis se retourna et regarda le docteur d'un
tir interrogateur.
— Si j'ai bien compris, continua Jal-
fyfer, grâce à la couardise impardonnable
d" ce moine, Manrique sait où est l'en-
'ani. Qu'il se soit rendu immédiatement
"U iiou indiqué, cela ne fait pas de doute.
est-ce, frère Angel ?.î. Ah! vous pouvez
Reproduction interdite.
.oïF le Rappel âa 26 mal M* 7 jniUet. -.
parler, maintenant, puisque le secret n'en
est plus un.
— Au village indien, derrière la ville,
soupira le moine, chez la vieille Manoëla.
— Bon! Eh bien, ne pourrait-on, en
faisant diligence, rattraper ce Manrique
et ses complices et leur reprendre l'en-
fant?.
— Tu as raison ! s'écria le marquis. Oui !
oui! vite!.
Au moment de sortir, il se retourna
vers frère Angel.
- Quant à toi, dit-il, tu ne perdras rien
pour attendre, sois tranquille. Mais j'ai
pour le moment autre chose à faire que
de te châtier.
Il se précipita dehors et, se trouvant au
milieu deS- nègres qui se tenaient curieu-
sement aux écoutes, il cria :
— A moi ! vous tous ! Qu'on me selle
un cheval! Que dans cinq minutes il soit
à la porte du palais 1 A cheval, tous!
Qu'on prenne les pistolets et les carabines l
Vite!
A la voix puissante du mâitrev tous se
dispersèrent pour exécuter ses* ordres. Le
marquis se dirigea à grands pas vers le
palais.
— Oh ! mil, sîB dtïsis&iil tarate ï je le
rattraperai ~t iiH~~e~ luii sSiit tombe
entre mes mà'ar.;?. -
Il gravit rapidmamt, les degrés,, (tutr..
dans ses appartements, jeta sur ses épaules
un grand manteau, enfonça sur ses che-
veux blancs un chapeau à larges bords,
et, ouvrant une armoire, on tira de longs
pistolets qu'il passa à sa ceinture, après
s'être assuré qu'ils étaient chargés.
— Puisse cftte balle lui crever le cœur!
murmura-t-il sourdement.
Mais soudain le son d'une voix derrière
lui le fit se retourner.
Rafaële. d'une pâleur de cire dans ses
vêtements blancs, se tenait appuyée au
chambranle de la porte.
De chez elle, elle avait entendu le bruit
des allées et venues précipitées; elle avait,
de sa fenêtre, vu les esclaves s'assembler
avec les chevaux devant la porte du pa-
lais ; elle avait aperçu les armes dans les
mains, et, sans savoir, une sorte de pres-
sentiment s'était emparé d'elle, une sourde
et vague inquiétude l'avait mordue au
cœur; défaillante, se soutenant à peine,
elle s'était traînée jusque chez le mar-
quis.
- Mon père! dit elle.
— Ah! ah 1 c'est vous! s'écria-t-il en
éclatant d'un rire sauvage! Vous arrivez
bien ! Souhaitez-moi bonne chance !
Où allez-vous, mon père? demanda
Rafaële tremblante, tant le rire du mar-
quis était sinistre.
— Où je vais? Je cours avec tout mon
monde à la poursuite de votre amant !
Ah! ah! je vais lui donner la chasse, et
vous le tuer, tenez, avec ceci !
Il ouvrit son manteau, montra les pis-
tolots. Rafaële poussa un cri terrible.
- Grand Dieu! mon pèze 1 le tuer! le
tuer!
— Vous verrez! dit-il. Allons! faites-
moi place. Je ne veux pas que le scélérat
m'échappe.
Elle barra te porte de ses deus bras
étendus-: ,¿..
- Mon père, ayez pitié! vous ne vou-
drez pas souiller vos mains de ce meur-
tre!. Ecoutez-moi!
— Infâme! cria-t-il, ne vois-tu pas que
tes supplications sont une nouvelle of-
fense à l'honneur de notre nom!
Il la saisit rudement par le poignet,
elle essaya de résister, de lui disputer le
passage, mais elle était bien faible, lui
robuste encore. Les genoux de Rafaële
plièrent ; brutalement il la renversa, et,
poussant un râle sourd, elle tomba sur le
parquet, inanimée.
Lui,enjamba le corps gisant et,sans plus
s'occuper de sa fille, descendit l'escalier,
arriva comme une tempête dans la cour
d'honneur où étaient réunis une trentaine
de serviteurs, blancs et nègres, presque
tous déjà en selle et la carabine en ban-
doulière.
— A cheval ! à cheval ! cria le marquis.
Et lui-même sauta sur la bête qu'on
lui amenait; puis il cria encore : - Sui-
vez-moi !
Il enfonça ses éperons dans les flancs
de st monture qui, après s'être cabrée et
avoir lancé deux ou trois ruades, partit
à fond de train. Sur la route, derrière
le maître, se précipitèrent les serviteurs,
galop effréné, cavalcade fantastique qui
disparut en quelques minutes dans la
poussière du chemin.
XII
La b~~Me
ManriqUe, suivi de ses troîs compâ*
gnons, Pedro, Roxo et Pepiya, avait mis
longtemps à parvenir au village du Haut-
Plateau où. d'après les indications four-
nies, bien à contre cœur, par frère Angel,
il devait trouver son enfant.
Fugitifs, mis à prix, les esclaves re-
belles avaient dû s'imposer un long détour
pour ne pas s'exposer à une rencontre qui
eût déjoué leurs projets.
La nuit tombait quand ils arrivèrent en
vue du village. Quelques misérables
huttes sur un plateau âpre et dénudé.
Manrique ordonna une halte.
- Arrêtons-nous un instant, dit-il, et
prenons nos dispositions.
— Le moine, fit Pedro, a dit: chez la
vieille Manoëla, dans la, dernière maison
du village.
- Oui, répondit Manrique, mais le
Haut-Plateau SP. compose de maisons iso-
lées, assez éloignées les unes des autres !
il faudrait, autant que possible ne pas
perdre un temps précieux à errer de porte
en porte, et surtout prendre garde de ne
pas éveiller l'attention.
— Comment faire? demanda Roxo?
Voici la nuit tout à fait venue ; les recher-
ches ne seront pas faciles.
— Alerte! dit tout à coup Pépiya.
- Qu'y a-t-il? 1
— Un homme, là, sur le chemin.
C'était un travailleur des champs, qui
revenait chez lui la journée finie; un
homme âgé qui marchait, courbé, l'épaule
pliée sous un hoyau.
— Peut-être ce brave homme nous don-
nera-t-il le renseignement que nous vou:
lqpe, dit rapidement Manrique. Avance-toi
vers lui, toi, Pédro, et questionne-le. Val
Pédro sortit du fourré où les quatre
amis se tenaient tapis et bientôt il fut à
quelques pas du paysan.
— Holà ! hé ! que voulez-vous ? s'écria
l'homme en s'arrêtant court et en esquis-
sant un geste de défiance.
, - Pardon, maître, dit humblement
Pédro. Je ne suis qu'un pauvre esclave,
vieux et fatigué, et c'est bien de la har-
diesse à moi de vous arrêter ainsi. Je
voudrais vous demander mon chemin ,
maître. *
— Parle.
— Je suis chargé d'un message pour
une personne qui habite le Haut-Plateau,
mais je ne sais où trouver sa maison.
— Le nom de cette personne ?
— La vieille Manoëla ; la connaissez.
vous, maître ?
— Si je la connais? pardieu, oui! Mais f
que peux-tu lui vouloir à la vieille Ma.
noëla?
— J'ai une lettre à lui donner d» la part
de mon maître, le révérend frère Angel -
Bobo.
— Ah ! fit le paysan, si tu viens de la i
part de frère Angel, c'est différent. On l'a
vu bien des fois par ici, le saint homme.
Tiens, la vieille Manoëla habite, avec une
servante, cette petite maison que tu vois
là-bas, derrière cette plantation.
— Merci, maître. ,'.
J
Murmurant entre ses dents une romance i'
sans paroles, le gaysan s'éloigna.;
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