Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-11-11
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 novembre 1885 11 novembre 1885
Description : 1885/11/11 (N5724). 1885/11/11 (N5724).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7539388m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
,
5724 Mercredi- 1 t Novembre 1885 Xe numéro 8 lOc. — Pépwtemente « 15> c. 24 Brumaire an 94 - N- 5724
JfflMINISTEATIOir
58, RUE DE VALOIS, 19
ABONNEMENTS
ÎEJilUS -
Sfcoîs mois 40 v
Six mois. 20 s
DEPARTEMENTS
Trois mois.»« l'SO
Sis. moi s. 27 41
Adresser lettres et malais
A M. ERNEST IEPÈVB
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BEDACTION
rabesser au Secrétaire ile la Réfaction,
27e 4 à 6 heures du soir
18, HUE JXEi -VALOIS, 18
es manuscrits noninséres ne serontjjas-îea^
ANNONCES
W. Ch. IAGRANGE, CERF et C.
- ^^!ace de la Bourse, S
LE PARTI CATHODE
Que l'idée d'un « parti catholique »
ait été huée par les journaux du parti
royaliste, que M. de Mun n'ait, sur les
deux cents députés de la droite, recruté
que cinq adhérents (cinq illustres d'ail-
leurs, MM. Hillion, Roussin, Larère,
prince de Léon et vicomte de Belizal),
c'était déjà bien dur ; mais M. de Mun
pouvait se dire que l'opposition des
royalistes était de la concurrence. Le
parti royaliste est établi, il n'a pas be-
soin qu'on vienne ouvrir boutique en
face. Je conçois qu'en voyant le pieux
ex-cuirassierfaire son étalage et essayer
de lui soutirer ses pratiques, le Français,
la Gazette de France, le Moniteur, etc.,
se soient hâtés déferler: La maison
n'est pas au coin du quai !
Mais, disait l'ouvreur de la nouvelle
boutique, je ne suis pas un concur
rent, je suis un auxiliaire. L'autel
n'est-il pas le grand appui du trône ?
— Malheureusement, l'histoire est là
pour dire que le catholicisme a moins
de fois consolidé la royauté qu'il ne
l'a jetée par terre. La résistance de
Louis XVI au serment que la Consti-
tution exigeait des prêtres n'a pas été
une des moindres raisons de sa chute,
et, si l'on y regardait de près, on ver-
rait du bois de l'autel dans celui de son
échafaud. C'est pour avoir livré la
France au- clergé que Charles X a été
mis à la porte.
L'hostilité violente que M. de Mun
a trouvée chez tous les journaux du
comte de Paris s'explique donc parfai-
tement. Il est très logique que la Dé-
fense l'ait appelé « tirailleur) et l'ait
v sommé de renoncer à « une manœuvre
dont l'imprudence pourrait compro-
mettre le salut de l'armée ». Il est tout
à fait naturel que la Gazette de France
ait refusé de l'appeler « Gédéon » et
de croire que « Dieu lui eût envoyé un
ange pour l'avertir de sa vocation ».
On sait le mot du peintre Courbet à
nne mère dont le fils avait dessiné une
tête d'ange : - Ah! il connaît des an-
ges, votre petit? eh bien, dites-lui donc
de m'en montrer un, je n'en ai jamais
vu, ça me fera plaisir. La Gazette a
dit à M. de Mun : Montrez votre ange !
Victor Hugo disait d'un des peuples
qui nous sont voisins : « C'est un grand
peuple bète. » Il y a aussi de grands
peintres bêtes. Il n'est pas nécessaire
d'avoir vu des anges et il n'est pas
même nécessaire qu'il y en ait, pour en
faire des chefs-d'œuvre. Rembrandt
valait bien Courbet. Un. des anges de
Jésus aux Oliviers, d'Eugène Delacroix,
celui qui cache sa ligure dans ses
mains, est une des plus admirables
figures qu'il ait peintes. Mais j'accorde
à la feuille royaliste qu'il est au moins
invraisemblable que Dieu ait envoyé
un ange à un cuirassier.
": 1
ISi -J& de Mun n'avait eu contre1
lui que les journaux royalistes, il aurait
pu en prendre son parti. Mais voici
qu'il a contre lui les évêques 1
Celui que la presse de sacristie
nomme Mgr Thibaudin et qui signe
t Odon, l'évêque de Soissons et de
Laon, frappe M. de Mun au défaut de
la cuirasse : - « Les nouveaux promo-
teurs du prétendu parti catholique me
paraissent avoir peu compris ou bien
vite oublié les graves avertissements de
l'autorité catholique. » Le parti catho-
lique serait l'auxiliaire du parti roya-
liste? « Il n'est pas permis de rendre le
catholicisme solidaire de tel ou tel sys-
tême politique. C'est toujours le rabais-
ser et le diviser que d'en faire un parti.
L'équité, la prudence et la charité lui
défendent de creuser le fossé des
partis. » Et l'évêque conclut par ces
dures paroles : — « La dénomination
de parti catholique est donc mal
trouvée. Ceux qui arborent le draT
peau de ce prétendu parti ne l'ont pas
reçu de la main qui aurait seule le
droit de le donner. C'est un étendard
porté, je le veux bien, par des mains
pieuses et dévouées; mais il est permis
de se demander si ces mains sont suf-
fisamment intelligentes ou dociles. On
le trouvera sans doute sur le- chemin
de l'honneur, mais j'ai cru devoir con-
stater qu'il ne se déploie pas exacte-
ment sur le chemin de la vérité. » Si
ces mains sont suffisamment intelligentes.
Voilà qui est raide. M. le comte de
Mun avait peut-être le droit de ne pas
s'attendre à cette récompense que
l'Eglise, pour laquelle il travaillait, lui
dirait : Imbécille ! *
Ce qui est plus important que le dé-
sappointement de M. de Mun, c'est la
difficulté de trouver un terrain d'union
pour les droites. M. de Mun espérait en
avoir trouvé un : le catholicisme; et il
y avait donné rendez-vous à l'Eglise et
à la monarchie. Elles y sont venues
pour lui dire, la monarchie : Toi
Gédéon 1 où est ton ange? et l'Eglise :
Niais! Il va falloir chercher un autre
terrain. On le cherchera longtemps.
AUGUSTE VACQUBRIE.
LES REMAMIEMENiS HIŒILS
Le ministère s'est complété hier par
l'adjonction de deux nouveaux membres
en remplacement de MM. Pierre Legrand
et Hervé-Mangon, non réélus députés.
M. Gomot, député du Puy-de-Dôme, est
nommé ministre de l'agriculture, et M.
Dautresme, député de la Seine-Inférieure,
est nommé ministre du commerce.
Ces deux décrets paraîtront ce matin
même au Journal officiel.
Contrairement à l'idée primitive, il a été
.décidé qu'aucune note ne serait insérée
au Journal officiel pour annoncer que la
démission du ministère Brisson avait été
donnée, mais refusée par le président de la
République. :
Le maintien du ministère résulte du
seul fait qu'il se compiète.Lq Journal officiel
n'enregistrera donc que les deux décrets
contresignés par M. Brisson et pourvoyant
à la nomination de deux nouveaux mi-
nistres.
La combinaison primitive différait assez
sensiblement de celle qui vient de préva-
loir.
Le ministère de l'agriculture avait été
offert à M. Loubet, sénateur de la Drôme,
et celui du commerce à M. Gomot. Mais,
M. Loubet, malgré les instances faites au-
près de lui par M. Brisson, a décliné ab-
solument l'offre d'un portefeuille.
L'agriculture a alors été confiée à M.
Gomot et le commerce offert à M. Dau-
tresme qui l'a accepté dans la soirée d'hier.
Il avait été question — et nous avions
nous-mêmes signalé le projet dimanche-
de détacher les colonies de la marine pour
les rattacher aux affaires étrangères. Cette
combinaison aurait eu pour conséquence
le départ de l'amiral Galiber qui est op-
posé, on le sait, à la disjonction.
Mais on a jugé nécessaire d'ajourner la
réalisation de cette mesure jusqu'après
l'achèvement des opérations militaires. Le
ministre actuel de la marine reste par
suite en fonctions, et le remaniement du
ministère se borne aux deux portefeuilles
cités plus haut.
M. Gomot, le nouveau ministre de l'a-
griculture, est un ancien conseiller à la
cour de Riom. Il exerçait ses fonctions
lorsqu'il fut élu, en août 1881, député du
Puy-de-Dôme contre M. Rouher, l'ex-mi-
nistre de l'empire.
M. Gomot appartenait, danll'ancienne
Chambre, au groupe de l'union républi-
caine. Il a été rapporteur de la loi sur les
moyens de prévenir la récidive par la li-
bération conditionnelle. Il a été égale-
ment, dans les derniers jours de la précé-
dente Chambre, chargé comme rappor-
teur de combattre la prise en considéra-
tion des propositions de mise en accu-
sation.
M. Dautresme, le nouveau ministre du
commerce, est entré à la Chambre aux
élections du 20 février 1876. Il repré-
sente l'arrondissement d'Elbeuf. M. Dau-
tresme a été à plusieurs reprises membre
de la commission du budget et rappor-
teur du budget du commerce.
11 siégeait simultanément à l'Union ré-
publicaine et à la gauche radicale, à l'é-
poque où ce dernier groupe ne s'était pas
fermé. M. Dautresme est ancien élève de
l'Ecole polytechnique et a été dans sa
jeunesse compositeur de musique. Il a
fait un opéra qui dut être joué jadis au
Théâtre-Lyrique.
— o» ■ - ■ ■ ■ ■
LA RÉUNION DU GRAND-ORIENT
Hier soir a eu lieu au Grand-Orient la
réunion préparatoire dont nous avons
annoncé la convocation. Cent membres
environ y assistaient, parmi lesquels
la plupart des députés de Paris : MM. Er-
nest Lefèvre, Georges Perin, Clémenceau,
Yves Guyot, Henri Rochefort, Villeneuve,
de Hérédia, Brelay, Michelin, Dreyfus, etc.,
ainsi auo MM. Granet. Rivet. Nadaud.
Faure (Drôme), Camille Pelletan, Hub-
bard, Colfavru, Vergoin, Marmonier, Jau-
rès, Merillon, Wickersheimer, Madier de
Montjau, Crémieux, Jamais, Laguerre,
Bovier-Lapierre, Laur, etc.
La réunion était présidée par M. Loc-
kroy. Celui-ci, au début, a invité la réu-
nion à délibérer sur les choix à faire pour
la constitution du bureau provisoire de la
Chambre à la séance d'aujourd'hui.
Pour la présidence, le nom de M. Flo-
quet a été adopté sans même être mis en
discussion.
Pour l'un des deux sièges de vice-prési-
dents on a désigné M. Anatole de la
Forge.
Le nom de M. Spuller proposé pour ce
siège par certains membres appartenant à
la même nuance que le député de la
Côte-d'Or, a été eombattu par MM. Roche-
fort et Benjamin Raspail. Le nom de
rf; Paul Jiert a été mis également en
avant.
Enfin M. Hubbard a demandé qu'un
siège fut réservé à la droite.
Finalement aucune résolution n'a été
prise, sauf en ce qui concerne l'attribution
d'un siège à la droite, qui a été unanime-
ment repoussée.
On a abordé ensuite la discussion des
questions politiques qui doivent être sou-
mises à la réunion plénière. On a com-
mencé par la question coloniale.
MM. Georges Perin, Henri Rochefort,
Yves Guyot et Wickersheimer ont réclamé
l'évacuation du Tonkin.
MM. Rivet, de la Porte, Jullien et Paul
Bert ont également pris la parole sur cette
question, soit pour demander une liqui-
dation sans parti pris d'abandon, soit pour
réserver toute décision jusqu'après avis
du gouvernement.
La réunion s'est séparée sans prendre
de décision. Une nouvelle réunion prépa-
ratoire aura lieu ultérieurement.
COULISSES DES CHAMBRES
C'est aujourd'hui que s'ouvre la session
extraordinaire de 1885 et que la nouvelle
Chambre entre en fonctions. En raison
des indications erronées qui ont été don-
nées, nous croyons devoir faire connaître
d'avance le programme de cette première
séance.
A deux heures, le doyen d'âge, qui est.
— comme nous l'avons déjà dit — M.
Blanc, député de la Savoie, ouvrira la
séance par une courte alllocution. M.
Blanc se propose de faire appel à l'union
des républicains pour pratiquer une poli-
tique sagement progressive.
Il sera assisté des six plus jeunes mem-
bres comme secrétaires. Ces six membres
sont par rang d'âge :
M. Jaurès, né le 3 septembre 1839.
M. Laguerre, né le 25 juin 1858.
M. Gaudin, né le 23 juin 1858.
M. Hubbard, né le 22 mai 1858.
M. Crémieux, né le 15 décembre 1857.
M. Abbattucci, né le 2 novembre 1857.
MM. Jaurès, Laguerre, Hubbard et Cré-
mieux sont républicains ; MM. Gaudin et
Abbatucci sont bonapartistes.
A défaut de l'un d'entre eux, on pren-
drait parmi ceux qui viennent ensuite par
rang d'âge et qui sont MM. Pichon, Fré-
déric Humbert, Jamais et Leygues.
Le bureau d'âge une fois installé, on
procédera au tirage au sort des bureaux,
puis on élira, conformément au règle-
ment, un président et deux vice-présidents
provisoires.
Les deux élections auront lieu par scru-
tins séparés. L'élection du président du-
rera une heure et celle des vice-présidents
trois quarts d'heure. De sorte que, sui-
vant toutes probabilités, la séance sera
absorbée entièrement par ces opérations
électorales.
Pour la présidence on portera M. Flo-
quet, suivant l'usage d'après lequel le
président provisoire est celui qui doit
devenir ultérieurement président définitif.
Pour la vice-présidence, à la suite de
pourparlers qui ont eu lieu hier à la Cham-
bre, on semble résolu de porter M. Ana-
tole de la Forge et M. Spuller. Pour affir-
mer la concentration des forces républi-
caines, d'autres mettent en avant les
noms de MM. Georges Perin et Develle.
L'accord définitif se fera certainement au
début .de la séance. La question de la re-
présentation de la droite dans le bureau
ne se posera que lorsqu'on constituera le
bureau définitif.
Il s'agira alors de savoir si l'on donnera
un vice-président à la droite. A cet égard
la droite est très divisée; si certains mem-
bres demandent ce siège de vice-prési-
dent, d'autres, comme M. Paul de Cassa-
gnac, estiment qu'il est inutile pour la
minorité d'avoir un vice-président, et
qu'il serait préférable pour elle d'avoir
trois secrétaires et un questeur. Mais ja-
mais la majorité n'accordera de questeur
à la minorité.
Suivant toutes probabilités, la Chambre
ne siégera pas demain mercredi. Ce jour
sera réservé aux bureaux, qui se réuni-
ront pour commencer le travail de vérifi-
cation des pouvoirs.
Suivant les prescriptions du règlement,
la questure a réparti les dossiers d'élec-
tions entre les onze bureaux par ordre al-
phabétique et en lots à peu près égaux.
Voici comment cette répartition s'est
faite :
1er bureau. - De l'Ain à l'Aude : 53 élec-
tions.
28 bureau. — De l'Aveyron à la Corse :
53 élections.
3° bureau. — De la Côte-d'Or à l'Eure-
et-Loir : 47 élections.
4e bureau. — Du Finistère à l'Ille-et-
Vilaine : 54 élections.
5° bureau. — De l'Indre à la Loire-In-
férieure : 56 élections.
69 bureau. — Du Loiret à Meurthe-et-
Moselle : 55 élections.
7* bureau. — De la Meuse à l'Orne :
50 élections.
8° bureau. — Du Pas-de-Calais à la
Haute-Saône : 52 élections.
9° bureau. — De Saône-et-Loire à la
Seine : 62 élections.
10e bureau. — De la Seine-Inférieure au
Var : 45 élections.
lie bureau. — De Vaucluse à l'Yonne,
Algérie et colonies : 49 élections.
Le nombre des élections non contestées
est assez grand pour qu'on puisse en une
séance valider plus de la moitié de la
Chambre et permettre à celle-ci de se
constituer pour l'élection de son bureau
définitif.
Les élections de droite sont pour la plu-
part l'objet de nombreuses protestations.
La vérification de ces élections sera donc
reportée jusqu'après la validation des
élections non contestées. Il faudra exami-
ner les protestations en sous-commission
d'abord et dans les bureaux ensuite pour
arrêter les conclusions à soumettre à la
Chambre.
- Dans chaque bureau, en effet, on devra
nommer une sous-commission de cinq
membres par chaque département pour
faire l'examen préalable du dossier de
l'élection et proposer des conclusions. Le
bureau adopte ces conclusions ou en
substitue d'autres à celles de sa sous-com-
mission et les soumet ensuite à la Cham-
bre qui juge sans appel. Aux termes de
la loi la Chambre est en effet souveraine
en ce qui concerne la vérification des
pouvoirs de ses membres.
-- -0-
M. Floquet, après son élection comme
président provisoire, prendra possession
du fauteuil aujourd'hui même. Mais il
n'adressera d'allocution à la Chambre
qu'après son élection comme président
définitif.
-0-
Tant que la Chambre ne sera pas con-
stituée, elle ne pourra pas délibérer ni
recevoir de dépôt de projets ou proposi-
tions. Le gouvernement ne fera sa décla-
ration, très probablement, que lundi pro-
chain 16 novembre.
Il importe de rappeler que les députés
non validés ne peuvent déposer aucune
proposition jusqu'à ce que leur admission
définitive soit prononcée, mais ils ont le
droit de prendre part à tous les voles. Il
n'y a que les députés dont l'élection est
soumise à une enquête qui sont privés du
droit de voter jusqu'à ce qu'il ait été défi-
nitivement statué sur leur sort.
Pour la première fois, depuis les élec-
tions, le palais Bourbon présentait hier
une vive animation. La plupart des nou-
veaux élus venaient reconnaître leurs pla-
ces; les sortants réélus venaient s'assurer
que leurs anciennes places leur avaient
été conservées.
La physionomie de la salle des séances
va se trouver notablement modifiée. D'une
part, le tiers de la salle sera occupé par
la droite qui, avant, n'en garnissait qu'un
sixième. En eutre, à gauche, il y a 150
nouveaux membres qui, dispersés parmi
les anciens réélus, changent absolument
le caractère de la majorité. Enfin, le nom.
bre des membres de la Chambre se trourt
augmenté de 27, de sorte que, pour trou-
ver des sièges pour les nouveaux membres,
il a fallu utiliser les moindres recoins de
la salle des séances. Encore n'a-t-on pu
créer que 578 sièges sur 584 qui seraient
nécessaires. Mais il importe de remarquer
que les ministres députés, siégeant au
banc du gouvernement, n'ont pas besoin
de places spéciales comme députés, ce
qui fait que l'aménagement actuel sera
rigoureusement suffisant.
—'—————— ————-—.
On assure que, dans la conférence de
samedi, à Constantinople, les plénipoten-
tiaires se sont bornés à un échange de
vues générales sur la question de Rou-
mélie. Il aurait été question un instant
de prendre le statu quo anie comme base
des délibérations, mais, sur l'observation
de quelques ambassadeurs, il a été re-
connu préférable de ne pas circonscrire
autant le débat.
On suppose cependant que le rétablisse-
ment du statu quo ante sortira des déci-
sions de la conférence. Quant aux mesures
coercitives, il y a lieu de croire, par suite
des réserves faites par quelques puissances,
qu'elles ne seront pas soumises à l'exa-
men des plénipotentiaires.
■i 1 1
LA VOIE TORTUEUSE
Au lendemain des élections et dans
la joie d'un triomphe inespéré, M. le
comte de Mun a cru pouvoir montreï
la coalition réactionnaire sous son as-
pect véritable et proposer à la France le
rétablissement du gouvernement des
curés. Ce n'est pas seulement la légis-,
lation de 1850 que le fondateur du parti
catholique voulait remettre en vigueur,
c'est celle de 1814, et c'est au nom des
prétendus droits de l'Eglise qu'il vou.
lait supprimer les droits de l'homme.
Le promoteur de la nouvelle Ligue
disait tout haut ce que ses amis POU.,
sent tout bas.
Dans un parti condamné à dissimu*
1er toutes ses aspirations, c'est le crime
le plus irrémissible qu'on puisse com-
mettre.
Aussi, les eveques, les journaux clé.
ricaux ont-ils blâmé, sans hésiter, la -
tentative du comte de Mun. Mettre eu
scène un parti catholique ; laisser voir
au pays, qu'en croyant voter pour des
conservateurs, il avait voté pour les
destructeurs du code civil, pour la su-
prématie de l'Eglise dans toutes nos
affaires, quelle imprudence ! De Rome
même, de Rome, dont M. de Mun avait
cru pouvoir invoquer l'autorité, l'ad-
monestation est venue, paternelle,
mais ne souffrant pas de réplique.
M. de Mun n'a pas réplique et il s'est
soumis, comme le prouve la lettre sui-
vante, adressée aux journaux religieux :
Paris, le 9 novembre 18SU.
Monsieur le rédacteur en chet,
Afin de ne pas soulever une division entre
les catholiques, je renonce au projet d'orga-
nisation que j'avais annoncé par wa lettre au
vicomte de Bélizal.
Veuillez agréer, monsieur le rédacteur en
chef, l'assurance de mes sentiments les plua
distingués.
, A. DE MM
Ni les feuilles réactionnaires de Pa-
ris, ni l'organe officieux du Vatican ne
peuvent rien demander de plus à M. le
comte de Mun. Mais les uns et les au-
tres se tromperaient lourdement s'ils
croyaient pouvoir faire oublier le cri
de guerre poussé contre la société mo-
derne par l'organisateur des cercles
catholiques.
Si la nouvelle tentative de M. de Mun
l a été désavouée, si le drapeau des nou<
Feuilleton du RAPPEL
DU 11 NOVEMBRE
39
LA
PRINCESSE BELLADONE
ROMAN PARISIEN
DEUXIÈME PARTIE
LE SERMENT D'EMMA
t
Ménagerie
- Ce n'est guère qu'après le 1er janvier
qu'à Paris recommencent les réceptions
de l'hiver.
Or, on était au 6 janvier, - jour des
Rois.
Il pouv?..ii; être onze heures du soir. Le
vent froid du nord soufflait, balayant
Vâvenue des Champs-Elysées et les voies
Reproduction interdite. — Droit de traduc-
tion réservé.
Voir le RajpjpeZ du 28 septembre au 10 no-
Yembre.
immenses qui lui font comme une cou-,
ronne de rayons, là-haut, près de l'Arc de
Triomphe.
Rien de plus désert, par un pareil temps
et à pareille heure, que ce quartier, où il
faut des foules pour jeter, l'animation et
la vie.
Cependant, à l'enfrée de l'avenue de
Friedland, à droite, quand on se dirige
vers le faubourg Saint-Honoré, un va-et-
vient de voitures, s'arrêtant quelques mi-
nutes devant la porte cochère, large ou-
verte, d'un petit hôtel coquet, en bordure
sur la voie publique, et repartant après
avoir déposé leur contenu d'hommes et
de femmes recouverts de fourrures, an-
nonçait qu'il y avait là, ce 6 janvier, une
réception joyeuse.
Une fois qu'on avait pénétré dans le
vestibule, vaste, bien chauffé, garni de
fleurs et d'arbustes, ardemment éclairé et
transformé pour la circonstance en ves-
tiaire, on gravissait un escalier monumen-
tal, garni sur les murs de tapisseries des
Gobelins, de tableaux, signés la plupart
de noms connus, et des différents bibe-
lots, plus ou moins rares, plus ou moins
curieux, à la mode chez les gens à la
mode eux-mêmes.
Arrivé sur le palier du premier, on se
trouvait en face de deux portes à deux
battants, garnies de tentures relevées de
chaque côté et qui laissaient apercevoir
un premier salon de proportions impo-
santes, où s'ouvraient au fond,, à droite et
à gauche, d'autres portes donnant entrée
dans trois autres pièces de proportion
plus petites, quoique vastes encore.
Tout cela était plein déjà d'une foule
nombreuse et assez bruyante, dans la-
quelle les habits noirs formaient visible-
ment la majorité.
Les femmes, néanmoins, n'y man-
quaient point, en riches toilettes de bal
et coyvertes d'une quantité de diamants,
qui eût pu faire croire qu'il s'agissait de
quelque exposition internationale, don
les organisateurs auraient jugé, en gens
habiles, qu'il y avait tout avantage à
remplacer, pour leur exhibition, les froi-
des et banales vitrines, par des bras
blancs, des épaules rondes et des cous
flexibles.
Parmi ces femmes, il y en avait de
toutes jeunes, il y en avait de plus faites,
il y en avait de mûres, mais pas une qui
fût réellement ou franchement vieilles.
Quant aux hommes, ils appartenaient à
tous les âges, depuis le gommeux éreinté
qui semble faire parade de son anémie
dans ses vêtements étriqués, jusqu'au
vieillard dont les yeux éteints, sous des
paupières flasques, les trais tirés et flétris
de momie grimaçante pour un moment
galvanisée, racontent toute une longue
vie employée à faire la fête.
Cependant, il ne manquait pas là, non
plus, d'hommes dans la force de l'âge et
de l'intelligence, distingués, appartenant
évidemment aux classes aristocratiques
de la société, mêlés à des représentants
de la banque et de, la haute finance et à
un certain nombre d'artistes et d'écri-
vains.
Mais ce qui frappait particulièrement
dans cette réunion, c'est le cosmopoli-
tisme qui y avait présidé.
Les étrangers y abondaient, Anglais,
Russes, Allemand;, Roumains, Espagnols
de Cuba et de l'Amérique du Sud, Portu-
gais du Brésil, jusqu'aux fils basanés
'Haïti ; tout cela parlant plus ou moins
malle français, avec les accents les plus
divers, apportant à leur suite la gourme,
la pesanteur, la solennité ou la vivacité
de leur patrie d'origine.
En cherchant, nous retouverions même
plusieurs de nos anciennes connaissances :
le docteur Bonenfant, Raoul Renaud, et un
certain Raoul de Lernez, que nous avons
entrevu, une belle nuit, empruntant deux
mille francs à la princesse Belladone.
C'est que la soirée était offerte par Lu-
cie D., qui, après la princesse Belladone,
tenait lelfautdu trottoir de la grande
courtisanerie parisienne.
Cette Lucie D., déjà un peu sur le re-
tour, — car les filles ont cela de commun
avec les acteurs et les artistes qu'elles ne
gagnent beaacoup d'argent et qu'elles
n'ont les honneurs de la vedette et de la
vogue qu'alors que l'âge les a atteintes,
— cette Lucie D. était d'origine fla-
mande.
Forte et plantureuse, très blonde, avec
de gros yeux très bleus et très saillants,
l'abondance de ses chairs blanches rappe-
lait et prouvait, même avec excès, qu'elle
était de cette race où Rubens a pris ses
types. ,
D'esprit point, de bagout à peine, mais
fort prisée de certains amateurs et
pourvue de ce génie du commerce qui a
fait la gloire et la réputation des hauts
négociants d'Anvers et d'Amsterdam.
Jamais de turlutainesi faisant toujours
honneur à sa signature, en vertu de ce
principe que, dans tous les métiers, celui
d'horizontale comme les autres, ce qu'il y
a encore de plus habile c'est une certaine
probité.
Aussi n'avait-elle point soulevé de
grands scandales, ni occasionné de cri-
mes trop retentissants. Personne ne s'é-
tait brûlé la cervelle pour elle.
Seulement les petits ruisseaux, à la
longue, font les grossos rivières, et la for-
tune de Lucie était fort considérable, sans
atteindre au chiffre de celle de la prin-
cesse Belladone.
— Du diable, si je sais pourquoi vous
m'avez amené ici, disait Raoul Renaud au
docteur Bonenfant.
Tous deux s'étaient retirés dans une
pièce assez éloignée du salon principal,
sobrement décorée, éclairée avec modé-
ration, et qu'on avait réservée à l'usage
des fumeurs.
Des divans bas en garnissaient les côtés,
et le docteur Bonenfant, à demi-couche
sur l'un de ces divans, semblait savourer
avec satisfaction un excellent londrès.
Raoul se tenait debout devant lui, son
claque sous le bras, l'air un peu triste et
fort ennuyé. -
— Mon cher ami, répondit' le docteur,
je t'ai amené ici, pour te distraire, et je
vois que je n'y ai guère réussi.
1 — Cela prouve que l'ordonnance ne
valait rien, ou que ton diagnostic n'avait
pas le sens commun.
— Pas le moins du monde. Diagnostic
excellent. Tu es mélancolique., depuis
quelque temps, préoccupé ; tantôt gai,
rarement, et pour peu de temps, sans sa-
voir pourquoi et avec excès ; tantôt, le
plus souvent et pour de longues penoaes,
triste, sombre, toujours absorbé, que tu
aies l'air de rire ou qne tu aies envie de
pleurer. En un mot, tous les symptômes
qu'on remarque chez les petites pension-,
naires amoureuses de leur cousin. Donc,'
tu es amoureux. Donc, mon diagnostic
est justeffet j'ai mis le doigt sur la lésion*
elle est au cœur.
— Amoureux, moi!. Et de qui? rd"
pliqua Raoul, impatienté et rougissant. -
De qui?. Si je voulais ch'erchêr.£
peut-être le saurais-je aussi.
A. MATTHEY.
-: (A suivre.) , -- .:
5724 Mercredi- 1 t Novembre 1885 Xe numéro 8 lOc. — Pépwtemente « 15> c. 24 Brumaire an 94 - N- 5724
JfflMINISTEATIOir
58, RUE DE VALOIS, 19
ABONNEMENTS
ÎEJilUS -
Sfcoîs mois 40 v
Six mois. 20 s
DEPARTEMENTS
Trois mois.»« l'SO
Sis. moi s. 27 41
Adresser lettres et malais
A M. ERNEST IEPÈVB
4^C3IimSTBAIE'0Il- GEKAN2
- H—M»» _■■■
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BEDACTION
rabesser au Secrétaire ile la Réfaction,
27e 4 à 6 heures du soir
18, HUE JXEi -VALOIS, 18
es manuscrits noninséres ne serontjjas-îea^
ANNONCES
W. Ch. IAGRANGE, CERF et C.
- ^^!ace de la Bourse, S
LE PARTI CATHODE
Que l'idée d'un « parti catholique »
ait été huée par les journaux du parti
royaliste, que M. de Mun n'ait, sur les
deux cents députés de la droite, recruté
que cinq adhérents (cinq illustres d'ail-
leurs, MM. Hillion, Roussin, Larère,
prince de Léon et vicomte de Belizal),
c'était déjà bien dur ; mais M. de Mun
pouvait se dire que l'opposition des
royalistes était de la concurrence. Le
parti royaliste est établi, il n'a pas be-
soin qu'on vienne ouvrir boutique en
face. Je conçois qu'en voyant le pieux
ex-cuirassierfaire son étalage et essayer
de lui soutirer ses pratiques, le Français,
la Gazette de France, le Moniteur, etc.,
se soient hâtés déferler: La maison
n'est pas au coin du quai !
Mais, disait l'ouvreur de la nouvelle
boutique, je ne suis pas un concur
rent, je suis un auxiliaire. L'autel
n'est-il pas le grand appui du trône ?
— Malheureusement, l'histoire est là
pour dire que le catholicisme a moins
de fois consolidé la royauté qu'il ne
l'a jetée par terre. La résistance de
Louis XVI au serment que la Consti-
tution exigeait des prêtres n'a pas été
une des moindres raisons de sa chute,
et, si l'on y regardait de près, on ver-
rait du bois de l'autel dans celui de son
échafaud. C'est pour avoir livré la
France au- clergé que Charles X a été
mis à la porte.
L'hostilité violente que M. de Mun
a trouvée chez tous les journaux du
comte de Paris s'explique donc parfai-
tement. Il est très logique que la Dé-
fense l'ait appelé « tirailleur) et l'ait
v sommé de renoncer à « une manœuvre
dont l'imprudence pourrait compro-
mettre le salut de l'armée ». Il est tout
à fait naturel que la Gazette de France
ait refusé de l'appeler « Gédéon » et
de croire que « Dieu lui eût envoyé un
ange pour l'avertir de sa vocation ».
On sait le mot du peintre Courbet à
nne mère dont le fils avait dessiné une
tête d'ange : - Ah! il connaît des an-
ges, votre petit? eh bien, dites-lui donc
de m'en montrer un, je n'en ai jamais
vu, ça me fera plaisir. La Gazette a
dit à M. de Mun : Montrez votre ange !
Victor Hugo disait d'un des peuples
qui nous sont voisins : « C'est un grand
peuple bète. » Il y a aussi de grands
peintres bêtes. Il n'est pas nécessaire
d'avoir vu des anges et il n'est pas
même nécessaire qu'il y en ait, pour en
faire des chefs-d'œuvre. Rembrandt
valait bien Courbet. Un. des anges de
Jésus aux Oliviers, d'Eugène Delacroix,
celui qui cache sa ligure dans ses
mains, est une des plus admirables
figures qu'il ait peintes. Mais j'accorde
à la feuille royaliste qu'il est au moins
invraisemblable que Dieu ait envoyé
un ange à un cuirassier.
": 1
ISi -J& de Mun n'avait eu contre1
lui que les journaux royalistes, il aurait
pu en prendre son parti. Mais voici
qu'il a contre lui les évêques 1
Celui que la presse de sacristie
nomme Mgr Thibaudin et qui signe
t Odon, l'évêque de Soissons et de
Laon, frappe M. de Mun au défaut de
la cuirasse : - « Les nouveaux promo-
teurs du prétendu parti catholique me
paraissent avoir peu compris ou bien
vite oublié les graves avertissements de
l'autorité catholique. » Le parti catho-
lique serait l'auxiliaire du parti roya-
liste? « Il n'est pas permis de rendre le
catholicisme solidaire de tel ou tel sys-
tême politique. C'est toujours le rabais-
ser et le diviser que d'en faire un parti.
L'équité, la prudence et la charité lui
défendent de creuser le fossé des
partis. » Et l'évêque conclut par ces
dures paroles : — « La dénomination
de parti catholique est donc mal
trouvée. Ceux qui arborent le draT
peau de ce prétendu parti ne l'ont pas
reçu de la main qui aurait seule le
droit de le donner. C'est un étendard
porté, je le veux bien, par des mains
pieuses et dévouées; mais il est permis
de se demander si ces mains sont suf-
fisamment intelligentes ou dociles. On
le trouvera sans doute sur le- chemin
de l'honneur, mais j'ai cru devoir con-
stater qu'il ne se déploie pas exacte-
ment sur le chemin de la vérité. » Si
ces mains sont suffisamment intelligentes.
Voilà qui est raide. M. le comte de
Mun avait peut-être le droit de ne pas
s'attendre à cette récompense que
l'Eglise, pour laquelle il travaillait, lui
dirait : Imbécille ! *
Ce qui est plus important que le dé-
sappointement de M. de Mun, c'est la
difficulté de trouver un terrain d'union
pour les droites. M. de Mun espérait en
avoir trouvé un : le catholicisme; et il
y avait donné rendez-vous à l'Eglise et
à la monarchie. Elles y sont venues
pour lui dire, la monarchie : Toi
Gédéon 1 où est ton ange? et l'Eglise :
Niais! Il va falloir chercher un autre
terrain. On le cherchera longtemps.
AUGUSTE VACQUBRIE.
LES REMAMIEMENiS HIŒILS
Le ministère s'est complété hier par
l'adjonction de deux nouveaux membres
en remplacement de MM. Pierre Legrand
et Hervé-Mangon, non réélus députés.
M. Gomot, député du Puy-de-Dôme, est
nommé ministre de l'agriculture, et M.
Dautresme, député de la Seine-Inférieure,
est nommé ministre du commerce.
Ces deux décrets paraîtront ce matin
même au Journal officiel.
Contrairement à l'idée primitive, il a été
.décidé qu'aucune note ne serait insérée
au Journal officiel pour annoncer que la
démission du ministère Brisson avait été
donnée, mais refusée par le président de la
République. :
Le maintien du ministère résulte du
seul fait qu'il se compiète.Lq Journal officiel
n'enregistrera donc que les deux décrets
contresignés par M. Brisson et pourvoyant
à la nomination de deux nouveaux mi-
nistres.
La combinaison primitive différait assez
sensiblement de celle qui vient de préva-
loir.
Le ministère de l'agriculture avait été
offert à M. Loubet, sénateur de la Drôme,
et celui du commerce à M. Gomot. Mais,
M. Loubet, malgré les instances faites au-
près de lui par M. Brisson, a décliné ab-
solument l'offre d'un portefeuille.
L'agriculture a alors été confiée à M.
Gomot et le commerce offert à M. Dau-
tresme qui l'a accepté dans la soirée d'hier.
Il avait été question — et nous avions
nous-mêmes signalé le projet dimanche-
de détacher les colonies de la marine pour
les rattacher aux affaires étrangères. Cette
combinaison aurait eu pour conséquence
le départ de l'amiral Galiber qui est op-
posé, on le sait, à la disjonction.
Mais on a jugé nécessaire d'ajourner la
réalisation de cette mesure jusqu'après
l'achèvement des opérations militaires. Le
ministre actuel de la marine reste par
suite en fonctions, et le remaniement du
ministère se borne aux deux portefeuilles
cités plus haut.
M. Gomot, le nouveau ministre de l'a-
griculture, est un ancien conseiller à la
cour de Riom. Il exerçait ses fonctions
lorsqu'il fut élu, en août 1881, député du
Puy-de-Dôme contre M. Rouher, l'ex-mi-
nistre de l'empire.
M. Gomot appartenait, danll'ancienne
Chambre, au groupe de l'union républi-
caine. Il a été rapporteur de la loi sur les
moyens de prévenir la récidive par la li-
bération conditionnelle. Il a été égale-
ment, dans les derniers jours de la précé-
dente Chambre, chargé comme rappor-
teur de combattre la prise en considéra-
tion des propositions de mise en accu-
sation.
M. Dautresme, le nouveau ministre du
commerce, est entré à la Chambre aux
élections du 20 février 1876. Il repré-
sente l'arrondissement d'Elbeuf. M. Dau-
tresme a été à plusieurs reprises membre
de la commission du budget et rappor-
teur du budget du commerce.
11 siégeait simultanément à l'Union ré-
publicaine et à la gauche radicale, à l'é-
poque où ce dernier groupe ne s'était pas
fermé. M. Dautresme est ancien élève de
l'Ecole polytechnique et a été dans sa
jeunesse compositeur de musique. Il a
fait un opéra qui dut être joué jadis au
Théâtre-Lyrique.
— o» ■ - ■ ■ ■ ■
LA RÉUNION DU GRAND-ORIENT
Hier soir a eu lieu au Grand-Orient la
réunion préparatoire dont nous avons
annoncé la convocation. Cent membres
environ y assistaient, parmi lesquels
la plupart des députés de Paris : MM. Er-
nest Lefèvre, Georges Perin, Clémenceau,
Yves Guyot, Henri Rochefort, Villeneuve,
de Hérédia, Brelay, Michelin, Dreyfus, etc.,
ainsi auo MM. Granet. Rivet. Nadaud.
Faure (Drôme), Camille Pelletan, Hub-
bard, Colfavru, Vergoin, Marmonier, Jau-
rès, Merillon, Wickersheimer, Madier de
Montjau, Crémieux, Jamais, Laguerre,
Bovier-Lapierre, Laur, etc.
La réunion était présidée par M. Loc-
kroy. Celui-ci, au début, a invité la réu-
nion à délibérer sur les choix à faire pour
la constitution du bureau provisoire de la
Chambre à la séance d'aujourd'hui.
Pour la présidence, le nom de M. Flo-
quet a été adopté sans même être mis en
discussion.
Pour l'un des deux sièges de vice-prési-
dents on a désigné M. Anatole de la
Forge.
Le nom de M. Spuller proposé pour ce
siège par certains membres appartenant à
la même nuance que le député de la
Côte-d'Or, a été eombattu par MM. Roche-
fort et Benjamin Raspail. Le nom de
rf; Paul Jiert a été mis également en
avant.
Enfin M. Hubbard a demandé qu'un
siège fut réservé à la droite.
Finalement aucune résolution n'a été
prise, sauf en ce qui concerne l'attribution
d'un siège à la droite, qui a été unanime-
ment repoussée.
On a abordé ensuite la discussion des
questions politiques qui doivent être sou-
mises à la réunion plénière. On a com-
mencé par la question coloniale.
MM. Georges Perin, Henri Rochefort,
Yves Guyot et Wickersheimer ont réclamé
l'évacuation du Tonkin.
MM. Rivet, de la Porte, Jullien et Paul
Bert ont également pris la parole sur cette
question, soit pour demander une liqui-
dation sans parti pris d'abandon, soit pour
réserver toute décision jusqu'après avis
du gouvernement.
La réunion s'est séparée sans prendre
de décision. Une nouvelle réunion prépa-
ratoire aura lieu ultérieurement.
COULISSES DES CHAMBRES
C'est aujourd'hui que s'ouvre la session
extraordinaire de 1885 et que la nouvelle
Chambre entre en fonctions. En raison
des indications erronées qui ont été don-
nées, nous croyons devoir faire connaître
d'avance le programme de cette première
séance.
A deux heures, le doyen d'âge, qui est.
— comme nous l'avons déjà dit — M.
Blanc, député de la Savoie, ouvrira la
séance par une courte alllocution. M.
Blanc se propose de faire appel à l'union
des républicains pour pratiquer une poli-
tique sagement progressive.
Il sera assisté des six plus jeunes mem-
bres comme secrétaires. Ces six membres
sont par rang d'âge :
M. Jaurès, né le 3 septembre 1839.
M. Laguerre, né le 25 juin 1858.
M. Gaudin, né le 23 juin 1858.
M. Hubbard, né le 22 mai 1858.
M. Crémieux, né le 15 décembre 1857.
M. Abbattucci, né le 2 novembre 1857.
MM. Jaurès, Laguerre, Hubbard et Cré-
mieux sont républicains ; MM. Gaudin et
Abbatucci sont bonapartistes.
A défaut de l'un d'entre eux, on pren-
drait parmi ceux qui viennent ensuite par
rang d'âge et qui sont MM. Pichon, Fré-
déric Humbert, Jamais et Leygues.
Le bureau d'âge une fois installé, on
procédera au tirage au sort des bureaux,
puis on élira, conformément au règle-
ment, un président et deux vice-présidents
provisoires.
Les deux élections auront lieu par scru-
tins séparés. L'élection du président du-
rera une heure et celle des vice-présidents
trois quarts d'heure. De sorte que, sui-
vant toutes probabilités, la séance sera
absorbée entièrement par ces opérations
électorales.
Pour la présidence on portera M. Flo-
quet, suivant l'usage d'après lequel le
président provisoire est celui qui doit
devenir ultérieurement président définitif.
Pour la vice-présidence, à la suite de
pourparlers qui ont eu lieu hier à la Cham-
bre, on semble résolu de porter M. Ana-
tole de la Forge et M. Spuller. Pour affir-
mer la concentration des forces républi-
caines, d'autres mettent en avant les
noms de MM. Georges Perin et Develle.
L'accord définitif se fera certainement au
début .de la séance. La question de la re-
présentation de la droite dans le bureau
ne se posera que lorsqu'on constituera le
bureau définitif.
Il s'agira alors de savoir si l'on donnera
un vice-président à la droite. A cet égard
la droite est très divisée; si certains mem-
bres demandent ce siège de vice-prési-
dent, d'autres, comme M. Paul de Cassa-
gnac, estiment qu'il est inutile pour la
minorité d'avoir un vice-président, et
qu'il serait préférable pour elle d'avoir
trois secrétaires et un questeur. Mais ja-
mais la majorité n'accordera de questeur
à la minorité.
Suivant toutes probabilités, la Chambre
ne siégera pas demain mercredi. Ce jour
sera réservé aux bureaux, qui se réuni-
ront pour commencer le travail de vérifi-
cation des pouvoirs.
Suivant les prescriptions du règlement,
la questure a réparti les dossiers d'élec-
tions entre les onze bureaux par ordre al-
phabétique et en lots à peu près égaux.
Voici comment cette répartition s'est
faite :
1er bureau. - De l'Ain à l'Aude : 53 élec-
tions.
28 bureau. — De l'Aveyron à la Corse :
53 élections.
3° bureau. — De la Côte-d'Or à l'Eure-
et-Loir : 47 élections.
4e bureau. — Du Finistère à l'Ille-et-
Vilaine : 54 élections.
5° bureau. — De l'Indre à la Loire-In-
férieure : 56 élections.
69 bureau. — Du Loiret à Meurthe-et-
Moselle : 55 élections.
7* bureau. — De la Meuse à l'Orne :
50 élections.
8° bureau. — Du Pas-de-Calais à la
Haute-Saône : 52 élections.
9° bureau. — De Saône-et-Loire à la
Seine : 62 élections.
10e bureau. — De la Seine-Inférieure au
Var : 45 élections.
lie bureau. — De Vaucluse à l'Yonne,
Algérie et colonies : 49 élections.
Le nombre des élections non contestées
est assez grand pour qu'on puisse en une
séance valider plus de la moitié de la
Chambre et permettre à celle-ci de se
constituer pour l'élection de son bureau
définitif.
Les élections de droite sont pour la plu-
part l'objet de nombreuses protestations.
La vérification de ces élections sera donc
reportée jusqu'après la validation des
élections non contestées. Il faudra exami-
ner les protestations en sous-commission
d'abord et dans les bureaux ensuite pour
arrêter les conclusions à soumettre à la
Chambre.
- Dans chaque bureau, en effet, on devra
nommer une sous-commission de cinq
membres par chaque département pour
faire l'examen préalable du dossier de
l'élection et proposer des conclusions. Le
bureau adopte ces conclusions ou en
substitue d'autres à celles de sa sous-com-
mission et les soumet ensuite à la Cham-
bre qui juge sans appel. Aux termes de
la loi la Chambre est en effet souveraine
en ce qui concerne la vérification des
pouvoirs de ses membres.
-- -0-
M. Floquet, après son élection comme
président provisoire, prendra possession
du fauteuil aujourd'hui même. Mais il
n'adressera d'allocution à la Chambre
qu'après son élection comme président
définitif.
-0-
Tant que la Chambre ne sera pas con-
stituée, elle ne pourra pas délibérer ni
recevoir de dépôt de projets ou proposi-
tions. Le gouvernement ne fera sa décla-
ration, très probablement, que lundi pro-
chain 16 novembre.
Il importe de rappeler que les députés
non validés ne peuvent déposer aucune
proposition jusqu'à ce que leur admission
définitive soit prononcée, mais ils ont le
droit de prendre part à tous les voles. Il
n'y a que les députés dont l'élection est
soumise à une enquête qui sont privés du
droit de voter jusqu'à ce qu'il ait été défi-
nitivement statué sur leur sort.
Pour la première fois, depuis les élec-
tions, le palais Bourbon présentait hier
une vive animation. La plupart des nou-
veaux élus venaient reconnaître leurs pla-
ces; les sortants réélus venaient s'assurer
que leurs anciennes places leur avaient
été conservées.
La physionomie de la salle des séances
va se trouver notablement modifiée. D'une
part, le tiers de la salle sera occupé par
la droite qui, avant, n'en garnissait qu'un
sixième. En eutre, à gauche, il y a 150
nouveaux membres qui, dispersés parmi
les anciens réélus, changent absolument
le caractère de la majorité. Enfin, le nom.
bre des membres de la Chambre se trourt
augmenté de 27, de sorte que, pour trou-
ver des sièges pour les nouveaux membres,
il a fallu utiliser les moindres recoins de
la salle des séances. Encore n'a-t-on pu
créer que 578 sièges sur 584 qui seraient
nécessaires. Mais il importe de remarquer
que les ministres députés, siégeant au
banc du gouvernement, n'ont pas besoin
de places spéciales comme députés, ce
qui fait que l'aménagement actuel sera
rigoureusement suffisant.
—'—————— ————-—.
On assure que, dans la conférence de
samedi, à Constantinople, les plénipoten-
tiaires se sont bornés à un échange de
vues générales sur la question de Rou-
mélie. Il aurait été question un instant
de prendre le statu quo anie comme base
des délibérations, mais, sur l'observation
de quelques ambassadeurs, il a été re-
connu préférable de ne pas circonscrire
autant le débat.
On suppose cependant que le rétablisse-
ment du statu quo ante sortira des déci-
sions de la conférence. Quant aux mesures
coercitives, il y a lieu de croire, par suite
des réserves faites par quelques puissances,
qu'elles ne seront pas soumises à l'exa-
men des plénipotentiaires.
■i 1 1
LA VOIE TORTUEUSE
Au lendemain des élections et dans
la joie d'un triomphe inespéré, M. le
comte de Mun a cru pouvoir montreï
la coalition réactionnaire sous son as-
pect véritable et proposer à la France le
rétablissement du gouvernement des
curés. Ce n'est pas seulement la légis-,
lation de 1850 que le fondateur du parti
catholique voulait remettre en vigueur,
c'est celle de 1814, et c'est au nom des
prétendus droits de l'Eglise qu'il vou.
lait supprimer les droits de l'homme.
Le promoteur de la nouvelle Ligue
disait tout haut ce que ses amis POU.,
sent tout bas.
Dans un parti condamné à dissimu*
1er toutes ses aspirations, c'est le crime
le plus irrémissible qu'on puisse com-
mettre.
Aussi, les eveques, les journaux clé.
ricaux ont-ils blâmé, sans hésiter, la -
tentative du comte de Mun. Mettre eu
scène un parti catholique ; laisser voir
au pays, qu'en croyant voter pour des
conservateurs, il avait voté pour les
destructeurs du code civil, pour la su-
prématie de l'Eglise dans toutes nos
affaires, quelle imprudence ! De Rome
même, de Rome, dont M. de Mun avait
cru pouvoir invoquer l'autorité, l'ad-
monestation est venue, paternelle,
mais ne souffrant pas de réplique.
M. de Mun n'a pas réplique et il s'est
soumis, comme le prouve la lettre sui-
vante, adressée aux journaux religieux :
Paris, le 9 novembre 18SU.
Monsieur le rédacteur en chet,
Afin de ne pas soulever une division entre
les catholiques, je renonce au projet d'orga-
nisation que j'avais annoncé par wa lettre au
vicomte de Bélizal.
Veuillez agréer, monsieur le rédacteur en
chef, l'assurance de mes sentiments les plua
distingués.
, A. DE MM
Ni les feuilles réactionnaires de Pa-
ris, ni l'organe officieux du Vatican ne
peuvent rien demander de plus à M. le
comte de Mun. Mais les uns et les au-
tres se tromperaient lourdement s'ils
croyaient pouvoir faire oublier le cri
de guerre poussé contre la société mo-
derne par l'organisateur des cercles
catholiques.
Si la nouvelle tentative de M. de Mun
l a été désavouée, si le drapeau des nou<
Feuilleton du RAPPEL
DU 11 NOVEMBRE
39
LA
PRINCESSE BELLADONE
ROMAN PARISIEN
DEUXIÈME PARTIE
LE SERMENT D'EMMA
t
Ménagerie
- Ce n'est guère qu'après le 1er janvier
qu'à Paris recommencent les réceptions
de l'hiver.
Or, on était au 6 janvier, - jour des
Rois.
Il pouv?..ii; être onze heures du soir. Le
vent froid du nord soufflait, balayant
Vâvenue des Champs-Elysées et les voies
Reproduction interdite. — Droit de traduc-
tion réservé.
Voir le RajpjpeZ du 28 septembre au 10 no-
Yembre.
immenses qui lui font comme une cou-,
ronne de rayons, là-haut, près de l'Arc de
Triomphe.
Rien de plus désert, par un pareil temps
et à pareille heure, que ce quartier, où il
faut des foules pour jeter, l'animation et
la vie.
Cependant, à l'enfrée de l'avenue de
Friedland, à droite, quand on se dirige
vers le faubourg Saint-Honoré, un va-et-
vient de voitures, s'arrêtant quelques mi-
nutes devant la porte cochère, large ou-
verte, d'un petit hôtel coquet, en bordure
sur la voie publique, et repartant après
avoir déposé leur contenu d'hommes et
de femmes recouverts de fourrures, an-
nonçait qu'il y avait là, ce 6 janvier, une
réception joyeuse.
Une fois qu'on avait pénétré dans le
vestibule, vaste, bien chauffé, garni de
fleurs et d'arbustes, ardemment éclairé et
transformé pour la circonstance en ves-
tiaire, on gravissait un escalier monumen-
tal, garni sur les murs de tapisseries des
Gobelins, de tableaux, signés la plupart
de noms connus, et des différents bibe-
lots, plus ou moins rares, plus ou moins
curieux, à la mode chez les gens à la
mode eux-mêmes.
Arrivé sur le palier du premier, on se
trouvait en face de deux portes à deux
battants, garnies de tentures relevées de
chaque côté et qui laissaient apercevoir
un premier salon de proportions impo-
santes, où s'ouvraient au fond,, à droite et
à gauche, d'autres portes donnant entrée
dans trois autres pièces de proportion
plus petites, quoique vastes encore.
Tout cela était plein déjà d'une foule
nombreuse et assez bruyante, dans la-
quelle les habits noirs formaient visible-
ment la majorité.
Les femmes, néanmoins, n'y man-
quaient point, en riches toilettes de bal
et coyvertes d'une quantité de diamants,
qui eût pu faire croire qu'il s'agissait de
quelque exposition internationale, don
les organisateurs auraient jugé, en gens
habiles, qu'il y avait tout avantage à
remplacer, pour leur exhibition, les froi-
des et banales vitrines, par des bras
blancs, des épaules rondes et des cous
flexibles.
Parmi ces femmes, il y en avait de
toutes jeunes, il y en avait de plus faites,
il y en avait de mûres, mais pas une qui
fût réellement ou franchement vieilles.
Quant aux hommes, ils appartenaient à
tous les âges, depuis le gommeux éreinté
qui semble faire parade de son anémie
dans ses vêtements étriqués, jusqu'au
vieillard dont les yeux éteints, sous des
paupières flasques, les trais tirés et flétris
de momie grimaçante pour un moment
galvanisée, racontent toute une longue
vie employée à faire la fête.
Cependant, il ne manquait pas là, non
plus, d'hommes dans la force de l'âge et
de l'intelligence, distingués, appartenant
évidemment aux classes aristocratiques
de la société, mêlés à des représentants
de la banque et de, la haute finance et à
un certain nombre d'artistes et d'écri-
vains.
Mais ce qui frappait particulièrement
dans cette réunion, c'est le cosmopoli-
tisme qui y avait présidé.
Les étrangers y abondaient, Anglais,
Russes, Allemand;, Roumains, Espagnols
de Cuba et de l'Amérique du Sud, Portu-
gais du Brésil, jusqu'aux fils basanés
'Haïti ; tout cela parlant plus ou moins
malle français, avec les accents les plus
divers, apportant à leur suite la gourme,
la pesanteur, la solennité ou la vivacité
de leur patrie d'origine.
En cherchant, nous retouverions même
plusieurs de nos anciennes connaissances :
le docteur Bonenfant, Raoul Renaud, et un
certain Raoul de Lernez, que nous avons
entrevu, une belle nuit, empruntant deux
mille francs à la princesse Belladone.
C'est que la soirée était offerte par Lu-
cie D., qui, après la princesse Belladone,
tenait lelfautdu trottoir de la grande
courtisanerie parisienne.
Cette Lucie D., déjà un peu sur le re-
tour, — car les filles ont cela de commun
avec les acteurs et les artistes qu'elles ne
gagnent beaacoup d'argent et qu'elles
n'ont les honneurs de la vedette et de la
vogue qu'alors que l'âge les a atteintes,
— cette Lucie D. était d'origine fla-
mande.
Forte et plantureuse, très blonde, avec
de gros yeux très bleus et très saillants,
l'abondance de ses chairs blanches rappe-
lait et prouvait, même avec excès, qu'elle
était de cette race où Rubens a pris ses
types. ,
D'esprit point, de bagout à peine, mais
fort prisée de certains amateurs et
pourvue de ce génie du commerce qui a
fait la gloire et la réputation des hauts
négociants d'Anvers et d'Amsterdam.
Jamais de turlutainesi faisant toujours
honneur à sa signature, en vertu de ce
principe que, dans tous les métiers, celui
d'horizontale comme les autres, ce qu'il y
a encore de plus habile c'est une certaine
probité.
Aussi n'avait-elle point soulevé de
grands scandales, ni occasionné de cri-
mes trop retentissants. Personne ne s'é-
tait brûlé la cervelle pour elle.
Seulement les petits ruisseaux, à la
longue, font les grossos rivières, et la for-
tune de Lucie était fort considérable, sans
atteindre au chiffre de celle de la prin-
cesse Belladone.
— Du diable, si je sais pourquoi vous
m'avez amené ici, disait Raoul Renaud au
docteur Bonenfant.
Tous deux s'étaient retirés dans une
pièce assez éloignée du salon principal,
sobrement décorée, éclairée avec modé-
ration, et qu'on avait réservée à l'usage
des fumeurs.
Des divans bas en garnissaient les côtés,
et le docteur Bonenfant, à demi-couche
sur l'un de ces divans, semblait savourer
avec satisfaction un excellent londrès.
Raoul se tenait debout devant lui, son
claque sous le bras, l'air un peu triste et
fort ennuyé. -
— Mon cher ami, répondit' le docteur,
je t'ai amené ici, pour te distraire, et je
vois que je n'y ai guère réussi.
1 — Cela prouve que l'ordonnance ne
valait rien, ou que ton diagnostic n'avait
pas le sens commun.
— Pas le moins du monde. Diagnostic
excellent. Tu es mélancolique., depuis
quelque temps, préoccupé ; tantôt gai,
rarement, et pour peu de temps, sans sa-
voir pourquoi et avec excès ; tantôt, le
plus souvent et pour de longues penoaes,
triste, sombre, toujours absorbé, que tu
aies l'air de rire ou qne tu aies envie de
pleurer. En un mot, tous les symptômes
qu'on remarque chez les petites pension-,
naires amoureuses de leur cousin. Donc,'
tu es amoureux. Donc, mon diagnostic
est justeffet j'ai mis le doigt sur la lésion*
elle est au cœur.
— Amoureux, moi!. Et de qui? rd"
pliqua Raoul, impatienté et rougissant. -
De qui?. Si je voulais ch'erchêr.£
peut-être le saurais-je aussi.
A. MATTHEY.
-: (A suivre.) , -- .:
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