Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-10-25
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 79956 Nombre total de vues : 79956
Description : 25 octobre 1885 25 octobre 1885
Description : 1885/10/25 (N5707). 1885/10/25 (N5707).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7539371b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
-«*6707— Dimanche 25 Octobre 1885 fce numéro: iOc. — Départements : 15 c. - - 'A;,: : 4 Brumaire an 94 - N. 5707
JfflMINISTBATIOH
5B, RUE DE VALOIS, la
-4m 0 Nxn- NT 3
VAîOS
T~îsm~is. 10 1)
Six EÏ02S 20 ))
DEPARTEMENTS1 ¡
Trois mois. 13 50
Siamois. 21 a
.AàJ:esscr lettres et mandats
A XL. ERNEST LEFÈVJRS
^fiJjSOSISXRAiETXS.tiEBAKÏ
LE fSmÈ lii - RAPPELu m Oh BIS111 £ 1
RÉDACTION >-,;
JS'a&esser au. Secrétaire ae la Réfaction
Jte&à6 heures du soir
18, mon DE VALOIS, 18
K&g manuscrit s non Insérés ae seroafpas rendus
ANNONCES
^T, Ch. XAGRANGE, CERF et ce
* ^»j>!ace de la. Bourse, 6
- LE PRÉFET ET LE MAIRE
Nous avons à Paris un maire et un
préfet dont les royalistes n'ont pas eu
à se plaindre cette semaine.
Il y a eu, l'autre jour, à la mairie du
huitième arrondissement, un mariage.
Voici en quels termes le maire, M.
Jfcschlin-Swartz, en a dressé l'acte :
« Acte de mariage de Son Altesse
Royale le prince Waldemar de Dane-
mark d'une part, et, d'autre part, Son
Altesse Royale- la princesse Marie-
Amélie -Françoise - Hélène d'Orléans,
fille mineure de Son Altesse Royale le
prince Robert-Philippe-Louis-Eugène-
Ferdinand d'Orléans, duc de Chartres,
colonel de cavalerie, et de Son Altesse
Royale la princesse Marie-Françoise-
Amélie d'Orléans, duchesse de Char-
tres. en présence de Son Altesse
Royale- le prince François-Ferdinand-
Philippe d'Orléans, prince de Joinville,
vice-amiral, et de Son Altesse Royale
le prince Henri-Eugène-Philippe-Louis
d'Orléans, duc d'Aumale, général de
division. »
Il est malheureux que le comte de
Paris n'ait pas assisté au mariage. M.
Kœchlin-Schwartz aurait été heureux
de constater la présence de « Sa Ma-
jesté Louis-Philippe II ».
Quelques-uns de nos confrères se
kont* étonnés qu'il y eût tant d'Altesses
Royales en République. Un des plus
spirituels entre les royalistes leur ré-
pond qu'ils sont des a imbécilles », des
« nos )t, des « malappris », des
« aboyeurs » et des « bateleurs de la
ÏoircM. C'est dur, mais il les console
aussitôt en leur demandant « pour-
quoi ils n'écrivent pas sur le mur
des palais déchus entre leurs mains :
, - « Défense de déposer des Altesses
Royales le long de ce mur », et en as-
similant ainsi les Altesses Royales aux
ordures.
La mairie qui a déposé l'acte susdit
le long de son mur à elle a été moins
fière. Un rédacteur du Voltaire est allé
pour voir le nez du maire. Ce nez était
absent. Personne ne s'étonnera que, le
lendemain de son haut fait, M. Kœchlin-
Swartz ait eu un voyage à faire.
C'est le second adjoint qui a reçu M.
Charly. fi a plaidé les circonstances
atténuantes.
- h Il est certain », a-t-il dit, « qu'il
ne peut y avoir d'Altesse Royale sous
la République française. » Mais ce
n'est pas à la légère que nous avons
- pris notre détermination. « Le roi et la
reiue de D memarck- désiraient ,vive-
ment qu'il fût constaté dans l'acte que
leur Ris se mariait à une princesse de
sang royal u, et, si nous avions refusé,
le mariage, au lieu de se faire à la
mairie, se serait fait à la légation de
Danemarck. Voilà pourquoi « nous
avons reconnu au duc de Chartres,
petit-fils de roi, et aux autres princes
d'Orléans, le titre d'Altesses Royales ».
Et puis, ne devions-nous pas rendre sa
politesse à un prince qui «faisait acte de
bon Français en insistant pour amener
sa fille devant de modestes serviteurs
de la République »?
D'où il suit que ce n'est pas sans se
rendre compte de ce qu'il faisait, que
c'est avec préméditation que le maire
du huitième arrondissement a « recon-
nu » à MM. d'Orléans la qualité d'Al-
tesses Royales. D'où il suit que les ser-
viteurs de la République sont de pe-
tites gens à qui un prince fait trop
d'honneur en daignant user do leurs
fonctions.
Nous le croyons bien, que le duc de
Chartres a insisté pour le mariage à
la mairie dans ces conditions : sa fille,
ses frères et lui « reconnus » Altesses
Royales dans un acte officiel!
Passons au préfet.
Nous avons publié hier les chiffres
définitifs du ballottage de la Seine.
Cette dernière édition a été précédée
de plusieurs autres, fort différent-e3
Les élus changeaient de place à chaque
minute. Les grenouilles des baro-
mètres montent et descendent moins
souvent en quatre mois qu'ils n'ont
grimpé et dégringolé en quatre
jours. Les nayires des foires où l'on a
tous les agréments du mal de mer ont
moins de roulis et de tangages que
n'en a eu de dimanche à jeudi le vais-
seau symbolique de la Ville.
Ceci peut ne signifier qu'une chose :
c'est que le bureau des longitudes fera
bien de ne pas emprunter pour ses ad-
ditions les arithméticiens de la préfec-
ture. Mais voici un point plus délicat.
Dans la première édition des chiffre8,
celle que tous les journaux de Paris
ont publiée lundi matin et qui devait
produire sur l'esprit public cette pre-
mière impression difficile à effacer, M.
Edouard Hervé avait 136,593 voix. Il
n'en avait eu au premier tour que
92,177. C'était donc 44,416 voix que la
réaction avait gagnées d'un scrutin à
l'autre. A Paris! - Vérification faite,
ce n'est pas 136,593 voix qu'a eues le
premier arrivé de la liste réactionnaire,
mais 110,921. La préfecture lui avait
fait cadeau de 25,673 voix.
Comment l'impossibilité que la réac-
tion eût gagné 44,416 voix à Paris n'a-
t-elle pas sauté aux yeux de M. Pou-
belle? Comment n'a-t-il pas fait re-
commencer l'addition avant d'envoyer
un pareil chiffre aux journaux? Com-
ment la vérification a-t-elle attendu
quatre jours?
Nous pensons que le ministre de
l'intérieur se fera ces questions, et que,
pour être monté du troisième rang au
premier, il ne croira pas devoir à
M. Poubelle de la. reconnaissance. ,-!
Nous pensons qu'en même temps
que qu préfet de la Seine il s'occupera
du maire du huitième arrondissement.
On a plusieurs fois demandé l'expul-
sion des princes; nous ne la demande-
rions, quant à nous, que le jour où ils
passeraient du désir à l'action. Mais,
si nous sommes pour qu'on leur laisse
la patrie tant qu'ils ne s'insurgeront
pas, nous ne sommes pas pour qu'on
laisse les mairies à ceux qui agenouil-
lent la République devant les pré-
tendants. -
- ; AUGUSTE VACQUEiVIE.
- m i ■ —>*'■■■ I,.. i ml ■ —
COULISSES DES CHAMBRES
La nouvelle Chambre contiendra une
plus forte proportion de conseillera gé-
néraux que la précédente qui, cependant,
en comprenait déjà un très grand nombre.
Exception faite de la Seine, où les dé-
putés ne conservent pas le mandat de
conseillers généraux, et des trois dépar-
tements algériens, il y a dans la Chambre
nouvelle 271 membres cumulant avec leur
mandat législatif celui de conseiller gé-
néral.
C'est donc près de la moitié de la Cham-
bre qui a été recrutée dans les assemblées
départementales.
Sur ces 271 députés conseillers géné-
raux, i60 sont républicains et 111 réac-
tionnaires. La proportion est un peu plus
forte eii faveur des réactionnaires que
dags la précédente Chambre. Cela tient à
ce que les nouvelles recrues «pte la droi"
de la Chambre a gagnées aux élections du
4 octobre ont été choisies de préférence
parmi les réactionnaires déjà investis du
mandat de conseillers généraux.
Il n'y a que le département du Var dont
aucun des députés ne soit conseiller gé-
néral. Tous les autres départements ont
au moins un député revêtu des deux man-
dats.
Dans les Hautes-Alpes et la Vienne,
tous les députés sont conseillers géné-
raux; dans plus de vingt départements,
presque tous les députés le sont égale-
ment.
Un certain nombre de membres de la
nouvelle Chambre sont unis par des liens
de parenté ou par des alliances. Nous
avons eu la curiosité d'en dresser la liste,
que nous croyons devoir reproduire :
Tout d'abord, il y a M. Cochery père
et M. Cochery fils, tous deux députés du
Loiret.
Il y a ensuite la catégorie des frères :
M. Benjamin RaspàH, député de la
Seine, et M. Camille Raspail, député du
Var, sout frères; il en est de même de
M. Félix Mathé, député de l'Allier, et de
1\1. Mathé, député de la Seine; de M. Henri
Chevreau, député bonapartiste de l'Ardp-
che, et de M. Léon Chevreau, député bo-
napartiste de l'Oise,
M. P. Casimir-Perier, député de la
Seine-Inférieure, est oncle de M. J. Casi-
mir-Perier. député de l'Aube.
M. Floquet, député de la Seine, est
oncle de M. Jules Ferry, député des Vos-
ges, et de M. Gobron, député des Ar-
dennes. Ces deux derniers sont en outre
cousins.
M. Floquet, député de la Seine,. est
cousin de M. Harispe, député réaction-
naire des Basses-Pyrénées.
M. Frédéric Passy, député de la Seine,
est cousin de M. Louis Passy, député ré-
actionnaire de l'Eure.
M. Lorois, député réactionnaire du Mor-
bihan, est cousin de M. Lorois, député
réactionnaire du Finistère.
M. Jacquemart, député des Ardennes,
est gendre de M. Boysset, député de
Saône-et-Loire.
M. de la Porte, député des Deux-Sèvres,
est gendre de M. Allain-Targé, député de
la Seine.
Enfin M. Renard, député réactionnaire
du Nord, est beau-frère de M. Levert, dé-
puté réactionnaire du Pas-de-Calais.
ïi y a aussi des rapports de parenté ou
d'alliance entre un certain nombre de dé-
putés et de sénateurs. Six députés, dont
trois républicains et trois réactionnaires,
sont fils de sénateurs, à savoir :
MM. Frédéric Humbert, député de Seine-
et-Marne, Sadi-Carnot, député de la Côte-
d'Or, et Paul Deschanel, député d'Eure-
et-Loir, sont fils de sénateurs républicains
inamovibles.
MM. Viellard-Migeon, député de Bel-
fort; Le Provost de Launay, député des
Côtes-du-Nord, et Roy de Loulay, député
de la Charente-Inférieure, sont fils de
sénateurs réactionnaires.
M. Waddinglon, député de la Seine-
Inférieure, est frère du sénateur de l!Aisne,
et M. Jules Develle, député de la Meuse,
est frère du sénateur de la Meuse.
M. Gobrori, député des Ardennes est
gendre de M. Scheurer-Kestner, sénateur
inamovible ; M. Bresson, député des Vos-
ges, est gendre de M. Kiener, sénateur
du même département.
Enfin M. de Soubeyran, député réac-
tionnaire de la Vienne, est beau-frère de
M. de Beauchamp, sénateur du même
département.
- La conférence monétaire qui, en se
séparant au mois d'août dernier, avait
fixé la reprise de ses travaux au mois
d'octobre, s'est réunie de nouveau deux fois,
au ministère des affaires étrangères, sous
la présidence de M. Duclerc.
Les délégués qui représentaient précé-
demment les gouvernements de France,
de Grèce, d'Italie et de Suisse ont pris
part à ces nouvelles réunions; la Grèce
y était en outre représentée par M. Vlasto,
mais la Belgique n'avait pas envoyé de
délégués.
Dans ces réunions, la conférence a
repris l'examen du projet41 de convention
élaboré dans sa précédente session, et a
soumis à une nouvelle discussion les
points qui avaient été alors réservés, no-
tamment la question du cours légal; au-
cune décision définitive n'a été prise et la
conférence s'est ajournée à lundi.
»
AVENTURES LOINTAINES
v 4
De toutes les questions qu'aura à
examiner la réunion plénière des
gauches et qu'aura à trancher la
Chambre, la première, par ordre d'im-
portance, est évidemment la question
des expéditions lointaines. On peut
ajouter que , dans presque tous les
programmes, c'est aussi celle qui tient
ie.premier rang; celle sur laquelle le
corps électoral, divisé sur d'autres
points, semble à peu près unanime. Cela
résulte, iuvinciblement, d'un dépouil-
lement, même sommaire, de toutes les
professions de foi.
Avant que la résolution à prendre
soit discutée, rappelons encore, une
fois pour toutes, que les monarchistes
qui font grand bruit de ces aventures,
qui en ont tiré grand profit aux élec-
tions, en ont été les inspirateurs.
C'est ce qui a été établi, en ces ter-
mes, par M. G. Perin, et sans soulever
la moindre contradiction, dans une
réunion électorale où les orateurs do
l'opposition avaient été invités et n'ont
pas osé prendre la parole ! >
Parlons de la guerre du Tonkin. C'est
l'Assemblée de Versailles, Assemblée monar-
chique, qui a fait ce legs funeste aux Cham-
bres républicaines qui lui succédèrent. C'est
une majorité de monarchistes qui a voté le
traité de 1874 d'où est sorlie la guerre ac-
tuelle, traité que j'ai combattu, moi, répu-
blicain, soutenu par la plupart des républi-
cains de l'Assemblée de Versailles, qui mal-
heureusement, vous le savez, étaient en mi-
norité. Et ce traité n'était-il pas la suite de
la politique inaugurée par l'empire en Indo-
Chine le jour où la France s'établit en Co-
chinchine, au hasard, sans trop savoir où on
allait, à la suite d'un amiral bonapartiste,
M. Rigault de Genouilly, agissant sans ordre
de son ministre, et obéissant, suivant l'ex..
pression d'un écrivain officiel, M. le vicomte
de Bazancourt, « à une heureuse inspiration »?
L'empire, qui avait bien des audaces, eut
quelque regret cependant de cette audacieuse
entreprise qu'il avait ratifiée à ses débuts et
après coup, et cinq ans après il fut très sé-
rieusement question d'abandonner cette co-
lonie que « l'heureuse inspiration » d'un
amiral agissant sans ordre nous avait donnée.
Si tn niait ce que j'avance, je publierais une
lettre qu'un diplomate de l'empire, M. le
baron Urenier, me fit l'honneur de m'adres-
ser en 1874, au lendemain du discours que
j'avais prononcé à l'Assemblée nationale.
Ainsi, l'origine de la guerre du Tonkin est
imputable à l'empire et à l'assemblée monar-
chique de Versailles. Si l'affaire avait bien
tourné, si l'expédition avait été facile, ils
auraient approuvé L'affaire a mal tour-
né, la « promenade militaire » est de-
venue une véritable guerre, les monar-
chistes la condamnent, et, s'imaginant qu'on
ne saura pas leur attribuer leur part de res-
ponsabilité, part bien plus lourde que celle
des républicains, ils s'arment du Tonkin,
pendant la lutte électorale, pour battre en
brèche la République.
Le Tonkin, citoyens, n'est pas toute la poli-
tique coloniale, il n'en est qn'un chapitré.
Parlons de Madagascar. Ici encore, la
grosse part de responsabilité incombe aux
monarchistes. C'est M. deMnn, c'est M. l'évô-
que Freppel qui poussèrent à la guerre avec
une véritable furie. M. de Mun et M. Freppel,
ne sont pas, que je sache, des républicains.
E', derrière eux, marchent tous les monar-
chistes, qui, en juillet 1884, votent les cré-
dits, et qui, en juillet 1885, votent encore ou
s'abstiennent.Ouvrez YOffioielfet cherchez les
noms des monarchistes qui ont nettement,
courageusement condamné cette nouvelle
expédition lointaine, c'est-à-dire qui ont re-
fusé les crédits.
Cela doit mettre le gouvernemeut de
la République bien à son aise lorsqu'il
aura à décider si l'aventure doit finir
ou se continuer.
Maintenant, dans quelles conditions
poursuivons-nous, à l'heure actuelle,
cette belle politique coloniale dont, au
dire de M. Jules Ferry, nous n'avions
plus à recueillir que les fruits ? Ecou-
tons ici l'organe même de cette poli-
tique, l'apôtre infatigable de ces loin-
taines aventures, le temps. Hier, juste-
ment, ce journal publiait sur notre si-
tuation à Madagascar et dans l'Indo-
Chine des renseignements dont voici le
résumé :
le vous envoie le récit de la malheureuse
affaire de Farafate. Nos pertes y ont été
relativement minimes, mais nous avons dû
reculer devant les Hovas. Et Dieu sait quels
sujets d'orgueil ils en vont tirer l.
Que conclure de cette affaire de Farafate ?
C'est qu'au point de vue militaire les Hovas
ont fait de grands progrès, grâce à notre
inertie et au concours actif des Américains
et des Anglais qui leur ont fourni des armes
et des officiers. Nous renouvelons ici les mô-
mes fautes et continuons les mômes erre-
ments qui nous ont déjà coûté si cher sur
un autre point de notre empire coloaial. Nous
avons pour nous une organisation militaire
qui nous permet d'entrer ea campagne du
jour au lendemain, et, au lieu de profiter de
cet avantage énorme qui rendrait nos coups
irrésistibles si nous frappions tout de
suite, nous donnons aux barbares que
nous allons combattre deux ans, trois ans,
pour se préparer à la lutte et s'organiser à
leur tour à l'européenne. Il y a deux ans, il
n'y avait pas d'armée hova ; qu'on continue
à l'aguerrir par la sotte campagne que nous
faisons, et vous verrez qu'un jour elle sera
en état de jeter à la mer nos faibles effectifs.
Ce manque de décision que nous apportons
dans nos entreprises lointaines rend fort
malheureux ceux y sont mêlés. Nous som-
mes irrités et honteux. Qu'on évacue Mada-
gascar, c'est une politique, Qu'on aille à
Tananarive, c'en est une autre. Mais rester
sur les bords fiévreux de la mer, l'arme au
pied, uniquement pour faire l'éducation mili-
taire des sauvages que nous avons devant
nous, c'est de l'impéritie pure.
Soit ; tout est de la faute de l'amiral
Miot, et au Tonkin tout est de la faute
du général de Courcy.
Nous ne méconnaissons pas, dit le Temps,
les difficultés qu'avait à vaincre le général
de Courcy, mais nous regrettons la dispersion
de nos forces dans le royaume d'Annam au
moment où nous aurions besoin de frapper
un coup vigoureux au Tonkin pour débar-
rasser ce pays des bandes qui l'épuisent.
Alors, il y a donc encore des bandes
au Tonkin V Non seulement il y en a,
mais elles nous attaquent dans le Delta.
C'est le Temps qui l'avoue :
En certains points du Delta, les pirates re-
doublent d'audace jusqu'à attaquer des poste a
français sur le Song-KGÏ : ainsi le poste des
Bambous, entre Hong-Hien et Nam-Dinh, a
été l'objet de plusieurs agressions ; le mois
dernier, la station télégraphique a été sur le
point d'être enlevée. Inutile de dire que la
ligne télégraphique est coupée à chaque ias-
tant.
La situation est ainsi résumée : :
An Tonkin, la pacification ne progresse
pas; enAnnàm, désordre absolu ; en Cochin-
,chine, une situation qui demande beaucoup
de vigilance de la part de l'autorité militaire,
et nous sommes engagés dans une série d'o-
pérations divergentes, la plupart dans des
régions difficiles et presque inconnues.
Quand le moniteur de la politique
d'aventures parle ainsi, on peut l'en
croire : il n'exagère rien. Voilà donc
où nous en sommes après le sacrifice
de cinq cents millions ! Voilà où nous
a menés la politique des sages! Et ils
demandent à. continuer. Quelle est
donc la leçon qui pourra leur ouvrir,
les yeux? Ont-ils juré de perdre la
France par leur criminelle obstination?
A. GVULIBR.
.————————— —————————.
LA CONFÉRENCE DE CONSTANTINOPLE
..- Nous recevons les dépêches suivantes,
relatives à. la prochaine conférence de
Constantinople:
Constantinople, 22 octobre, soir.
La plupart des puissances ayant ac-
cepté la proposition de la Porte, pour la
réunion d'une conférence, celle-ci se réu-
nira à Constantinople, probablement le
26 octobre.
Constantinople, 22 octobre, soir.
La première séance de la conférence
pourrait avoir lieu après-demain si d'ici
là les ambassadeurs reçoivent leurs ins-
tructions.
Il est question d'adjoindre à Saïd-Pacha
pour représenter la Turquie à la confé-
rence, soit Artin-Effendi, sous-secrétaire
d'Etat aux affaires étrangères, soit Server-
Pacha, soit Aarifi-Pacha.
On croit dans les cercles diplomatiques
que trois ou quatre séances suffiront:
pour régler la question et que la situation
de la Turquie, après la conférence, sera
meilleure qu'avant les évènements de
Roumélie.
La circulaire de la Porte relative à la
réunion d'une conférence dit en .sub-
stance : v - : >
Vu la concentration des troupes heilènaa
et principalement des troupes serbes, et afiu
d'éviter l'effusion du sang, la Porte, faisant
appel au concours des puissances signataires -
du traité de Berlin, les prie de vouloir bien
inviter leurs ambassadeurs à Constantinople
à se réunir en conférence avec la participa-
tion de la Turquie pour régler les affaires d3
Roumélie conformément aux droits souve-
rains du sultan. Cette conférence ne pourra
se réunir qu'à la condition de s'occuper ex*
clusivement des affaires de Roumélie.
LA CONDAMNA TION DE RIEL
On se souvient que Louis Riel, l'éner;
gique insurgé du Canada, l'apôtre con-
vaincu et inébranlable des droits des mé-
tis, après une campagne traversée d'inci-
dents variés, a été fait prisonnier par les
troupes anglaises, déféré à un conseil de
guerre et condamné à mort. Son avocat,
après avoir plaidé d'abord l'aliénation
mentale, a interjeté appel devant le con-
seil privé de la reine, à Londres. Celui-ci
vient de décider qu'il n'y avait pas lieu
d'examiner la cause, c'est-à-dire que, si
aucune décision gracieuse n'internent
Louis Riel sera exécuté dans quelques
jours.
Ne craignons pas de le dire, cette cxé..,
cution serait une honte , un véritable
Feuilleton du* EAPPEîi
DU 25 OCTOBRE
- — --Y,. jt. r.~
22
LA
PRINCESSE BELLADONE
ROMAN PARISIEN
PREMIÈRE PARTIE
téh SÉDUCTION
xn
Adèle de Sauey
- Suite -
Le déjeuner terminé, au moment où
l'on servait le café, Adèle se leva ainsi
qu'Adrienne, et toutes deux sortirent de
la salle pour gagner l'ombre et la fraî-
cheur des grands arbres, en laissant plus
de liberté aux hommes restés attablés.
- J'ai à te parler, avait dit Mme de
Sancy à sa sœur.
Celle-ci la regarda d'un petit air éton-
né, mais la suivit sans observation.
Dès que sa fille aînée se fut éloignée,
Reproduction interdite. —• Droit de traduc-
tion réservé.
Voir ie Happe/du 28
Gontran de Malvoix, de son côté, avait
fait signe à un homme grave, austère, so-
lennel et raide, en habit noir et cravate
blanche, qui dirigeait silencieusement le
service, surveillait les domestiques et se
tenait à portée du comte.
Cet homme, qu'on aurait pu prendre
pour un notaire ou un chef de division
de quelque administralion publique, n'é-
tait autre que maître Justin, premier va-
let de chambre.et confident de M. de Mal-
voix.
Maître Justin s'était rapproché du
comte.
- Vous viendrez me trouver dans mon
cabinet, dès que nous serons de retour au
château, lui dit Gontran. J'ai des ordres
à vous donner.
- Particuliers? demanda le valet de
chambre, imperturbable.
- Particuliers !
M. Justin s'inclina et reprit sa distance.
XIII
Où la baronne de Sancy se fait
confesseur
Les deux sœurs, en quittant le pavillon
rustique où nous aurons occasion de re-
tourner avant peu, et que nous décrirons
à ce moment; les deux sœurs s'étaient
dirigées vers une des allées qui formaient
carrefour à cet endroit.
Le soleil, arrivé à son zénith, rendait
l'ombre non seulement agréable, mais né-
çes§aicevçt de grands arbres s'étçjjdaat en
une sorte de berceau au-dessus de l'allée
où Adèle entraînait Adrienne, en faisaient
un ravissant lieu de promenade par cette
chaude journée d'automne.
Mme de Sancy et Mlle de Malvoix mar-
chèrent d'abord en silence ; chacune se
livrait évidemment à ses propres ré-
flexions, mais de nature non moins évi-
demment différente.
Adèle avait l'air grave et sérieux.
Adrienne avait l'air heureux.
Cependant, ce fut Adrienne à. qui le si-
lence pesa' la première, car elle s'écria
tout à coup, en s'arrêtant :
- On voit bien que tu n'as pas galopé
deux heures, ce matin.
-- Pourquoi cela ?
- Parce que tu sembles disposée à une
longue promenade, tandis que moi j'ai
une envie furieuse de m'asseoir sur cette
belle herbe si drue et de m'y reposer un
peu.
- Eh bien ! asseyons-nous, si tu le pré-
fères. D'ailleurs, nous n'en serons que
mieux pour causer.
- Tiens, c'est vrai I fit Adrienne en
glissant de côté les yeux sous ses longues
paupières, pour regarder sa sœur aînée
avec une expression à la fois inquiète et
mutine; tu as à me parler?
- Oui, ma petite chérie, et de choses
sérieuses.
- Tu m'effrayes, répliqua la jeune fille
en riant.
- Tant pis, car c'est de ta confiance
que j'ai besoin.
* - De ma confiance?
- Et de ton absolue sincérité, ajouta
Adèle en lui pressant doucement les deux
mains.
Adrienne rougit légèrement.
- Interroge-moi, alors, lui dit-elle.
Adèle se recueillit un instant.
- Tu connais notre père, fit-elle. C'est
le meilleur des hommes, un homme de
haut esprit, qui nous aime toutes les deux
de tout son cœur ; mais, en même temps,
c'est un homme du monde, resté jeune de
caractère, et qui, se fiant, avec raison, du
reste, aux principes d'honneur et de
fierté qui sont de tradition dans la mai-
son de Malvoix, comme à l'éducation sé-
vère que nous avons reçue près de notre
bonne mère.
La voix d'Adèle trembla un peu en pro-
nonçant ces dernières paroles.
- ne s'occupe de nous qu'autant
qu'un homme du monde et un homme de
son caractère peut s'occuper de jeunes
filles, telle que j'étais, il y a deux ans,
telle que tu es aujourd'hui.
- Sans doute, interrompit Adrienne,
un peu étonnée. Aussi papa est charmant
avec nous, avec moi, et ce m'est tou-
jours une fête de me retrouver auprès
de lui.
- Je le comprends et il mérite qu'il en
soit ainsi. Seulement, quand notre pauvre
mère mourut, il y a trois ans, bien que je
fusse encore toute jeune, sais-tu ce qu'elle
me d t dans son dernier entretien? Sais-tu
quelles furent les dernières paroles qu'elle
m'adressa? Les voici : « Veille sur ta sœur.
Moi partie, ce n'est pas un homme qui
peut voir et prévoir certaines choses. Tu
as toujours été d'une raison au-dessus de
ton âge, Adèle. Je remets le bonheur
d'Adrienne entre tes mains ». ,'.
— Eh bien ! s'écria Adrienne, en em-
brassant sa sœur au front, tu dois être
contente. car je suis très heureuse 1
Mme de Sancy lui rendit sa caresse, et
reprit î «
- Or, petite sœur, il y a, dans ton in-
térêt, un côté du caractère de notre père
sur lequel je dois appeler toute ton atten-
tion. Tu pourrais, un jour, t'y briser.
Mais un écueil signalé est, dit-on, un
écueil évité.
- Tu parles en paraboles, aujourd'hui.
Sois plus claire, si tu veux que je te com-
prenne. -
- Je vais être claire. Notre père a l'or-
gueil de sa race et de son nom, orgueil
qu'il ne montre point aux indifférents,
dans les rapports ordinaires de la vie,
mais qui a dirigé tous les actes importants
de son existence.
Il y eut un court silence.
Adrienne commençait à regarder sa
sœur avec une inquiétude marquée.
- Pourquoi me dis-tu cela? demanda-
t-elle?
- - Parce que, vivant loin de notre père,
tu pourrai l'ignorer ou ne pas y attacher
l'importance que cela mérite. Tu es un
peu légère. C'est de ton âge,.. je ne te
le reproche cas..: Mais voyant par exçgi-^
pie, avec quelle amabilité, quelle familia-f
rité sympathique notre père accueille Mi
Raoul Renaud, fils de simples paysans,
parvenu à une situation honorable. par
son travail et son mérite, tu pourrais
croire qu'aux yeux du comte de Malvoix,
il n'existe aucune différence entre BflJ
Raoul Renaud et les hôtes, tous appartea
nant à la noblesse, qu'il reçoit dans son
château.
- En effet, répliqua, avec une vivacité
ironique, Adrienne, devenue toute rouge,
il ne serait pas juste qu'il n'établît aucune
différence entre eux et lui. M. Raoul Re,
naud, au péril de sa vie, a sauvé la vie de
mon beau-frère, de ton mari. Nous som-
mes tous ses obligés, et nous serions des 4
ingrats, toi, notamment, ma chère Adèle,
si nous ne lui accordions pas une place..,
un peu à l'écart des autres. dans notre.
Elle chercha le mot.
- dans notre reconnaissance.
- Tu as parfaitement raison, répondi!
Adèle, sans relever le ton passionné avec
lequel venait de s'exprimer la jeune fille.
Aussi, moi personnellement, j'ai voué à
M. Raoul Renaud une gratitude que rien
n'éteindra. Le jour où il a sauvé mon
mari, il est devenu pour moi. cornrlit.
un frère, et mon affection lui restera.",
quoi qu'il arrive.
- Tu vois bien 1
-Mais notre père.
A. wxtm*
~.j~~j
JfflMINISTBATIOH
5B, RUE DE VALOIS, la
-4m 0 Nxn- NT 3
VAîOS
T~îsm~is. 10 1)
Six EÏ02S 20 ))
DEPARTEMENTS1 ¡
Trois mois. 13 50
Siamois. 21 a
.AàJ:esscr lettres et mandats
A XL. ERNEST LEFÈVJRS
^fiJjSOSISXRAiETXS.tiEBAKÏ
LE fSmÈ lii - RAPPELu m Oh BIS111 £ 1
RÉDACTION >-,;
JS'a&esser au. Secrétaire ae la Réfaction
Jte&à6 heures du soir
18, mon DE VALOIS, 18
K&g manuscrit s non Insérés ae seroafpas rendus
ANNONCES
^T, Ch. XAGRANGE, CERF et ce
* ^»j>!ace de la. Bourse, 6
- LE PRÉFET ET LE MAIRE
Nous avons à Paris un maire et un
préfet dont les royalistes n'ont pas eu
à se plaindre cette semaine.
Il y a eu, l'autre jour, à la mairie du
huitième arrondissement, un mariage.
Voici en quels termes le maire, M.
Jfcschlin-Swartz, en a dressé l'acte :
« Acte de mariage de Son Altesse
Royale le prince Waldemar de Dane-
mark d'une part, et, d'autre part, Son
Altesse Royale- la princesse Marie-
Amélie -Françoise - Hélène d'Orléans,
fille mineure de Son Altesse Royale le
prince Robert-Philippe-Louis-Eugène-
Ferdinand d'Orléans, duc de Chartres,
colonel de cavalerie, et de Son Altesse
Royale la princesse Marie-Françoise-
Amélie d'Orléans, duchesse de Char-
tres. en présence de Son Altesse
Royale- le prince François-Ferdinand-
Philippe d'Orléans, prince de Joinville,
vice-amiral, et de Son Altesse Royale
le prince Henri-Eugène-Philippe-Louis
d'Orléans, duc d'Aumale, général de
division. »
Il est malheureux que le comte de
Paris n'ait pas assisté au mariage. M.
Kœchlin-Schwartz aurait été heureux
de constater la présence de « Sa Ma-
jesté Louis-Philippe II ».
Quelques-uns de nos confrères se
kont* étonnés qu'il y eût tant d'Altesses
Royales en République. Un des plus
spirituels entre les royalistes leur ré-
pond qu'ils sont des a imbécilles », des
« nos )t, des « malappris », des
« aboyeurs » et des « bateleurs de la
ÏoircM. C'est dur, mais il les console
aussitôt en leur demandant « pour-
quoi ils n'écrivent pas sur le mur
des palais déchus entre leurs mains :
, - « Défense de déposer des Altesses
Royales le long de ce mur », et en as-
similant ainsi les Altesses Royales aux
ordures.
La mairie qui a déposé l'acte susdit
le long de son mur à elle a été moins
fière. Un rédacteur du Voltaire est allé
pour voir le nez du maire. Ce nez était
absent. Personne ne s'étonnera que, le
lendemain de son haut fait, M. Kœchlin-
Swartz ait eu un voyage à faire.
C'est le second adjoint qui a reçu M.
Charly. fi a plaidé les circonstances
atténuantes.
- h Il est certain », a-t-il dit, « qu'il
ne peut y avoir d'Altesse Royale sous
la République française. » Mais ce
n'est pas à la légère que nous avons
- pris notre détermination. « Le roi et la
reiue de D memarck- désiraient ,vive-
ment qu'il fût constaté dans l'acte que
leur Ris se mariait à une princesse de
sang royal u, et, si nous avions refusé,
le mariage, au lieu de se faire à la
mairie, se serait fait à la légation de
Danemarck. Voilà pourquoi « nous
avons reconnu au duc de Chartres,
petit-fils de roi, et aux autres princes
d'Orléans, le titre d'Altesses Royales ».
Et puis, ne devions-nous pas rendre sa
politesse à un prince qui «faisait acte de
bon Français en insistant pour amener
sa fille devant de modestes serviteurs
de la République »?
D'où il suit que ce n'est pas sans se
rendre compte de ce qu'il faisait, que
c'est avec préméditation que le maire
du huitième arrondissement a « recon-
nu » à MM. d'Orléans la qualité d'Al-
tesses Royales. D'où il suit que les ser-
viteurs de la République sont de pe-
tites gens à qui un prince fait trop
d'honneur en daignant user do leurs
fonctions.
Nous le croyons bien, que le duc de
Chartres a insisté pour le mariage à
la mairie dans ces conditions : sa fille,
ses frères et lui « reconnus » Altesses
Royales dans un acte officiel!
Passons au préfet.
Nous avons publié hier les chiffres
définitifs du ballottage de la Seine.
Cette dernière édition a été précédée
de plusieurs autres, fort différent-e3
Les élus changeaient de place à chaque
minute. Les grenouilles des baro-
mètres montent et descendent moins
souvent en quatre mois qu'ils n'ont
grimpé et dégringolé en quatre
jours. Les nayires des foires où l'on a
tous les agréments du mal de mer ont
moins de roulis et de tangages que
n'en a eu de dimanche à jeudi le vais-
seau symbolique de la Ville.
Ceci peut ne signifier qu'une chose :
c'est que le bureau des longitudes fera
bien de ne pas emprunter pour ses ad-
ditions les arithméticiens de la préfec-
ture. Mais voici un point plus délicat.
Dans la première édition des chiffre8,
celle que tous les journaux de Paris
ont publiée lundi matin et qui devait
produire sur l'esprit public cette pre-
mière impression difficile à effacer, M.
Edouard Hervé avait 136,593 voix. Il
n'en avait eu au premier tour que
92,177. C'était donc 44,416 voix que la
réaction avait gagnées d'un scrutin à
l'autre. A Paris! - Vérification faite,
ce n'est pas 136,593 voix qu'a eues le
premier arrivé de la liste réactionnaire,
mais 110,921. La préfecture lui avait
fait cadeau de 25,673 voix.
Comment l'impossibilité que la réac-
tion eût gagné 44,416 voix à Paris n'a-
t-elle pas sauté aux yeux de M. Pou-
belle? Comment n'a-t-il pas fait re-
commencer l'addition avant d'envoyer
un pareil chiffre aux journaux? Com-
ment la vérification a-t-elle attendu
quatre jours?
Nous pensons que le ministre de
l'intérieur se fera ces questions, et que,
pour être monté du troisième rang au
premier, il ne croira pas devoir à
M. Poubelle de la. reconnaissance. ,-!
Nous pensons qu'en même temps
que qu préfet de la Seine il s'occupera
du maire du huitième arrondissement.
On a plusieurs fois demandé l'expul-
sion des princes; nous ne la demande-
rions, quant à nous, que le jour où ils
passeraient du désir à l'action. Mais,
si nous sommes pour qu'on leur laisse
la patrie tant qu'ils ne s'insurgeront
pas, nous ne sommes pas pour qu'on
laisse les mairies à ceux qui agenouil-
lent la République devant les pré-
tendants. -
- ; AUGUSTE VACQUEiVIE.
- m i ■ —>*'■■■ I,.. i ml ■ —
COULISSES DES CHAMBRES
La nouvelle Chambre contiendra une
plus forte proportion de conseillera gé-
néraux que la précédente qui, cependant,
en comprenait déjà un très grand nombre.
Exception faite de la Seine, où les dé-
putés ne conservent pas le mandat de
conseillers généraux, et des trois dépar-
tements algériens, il y a dans la Chambre
nouvelle 271 membres cumulant avec leur
mandat législatif celui de conseiller gé-
néral.
C'est donc près de la moitié de la Cham-
bre qui a été recrutée dans les assemblées
départementales.
Sur ces 271 députés conseillers géné-
raux, i60 sont républicains et 111 réac-
tionnaires. La proportion est un peu plus
forte eii faveur des réactionnaires que
dags la précédente Chambre. Cela tient à
ce que les nouvelles recrues «pte la droi"
de la Chambre a gagnées aux élections du
4 octobre ont été choisies de préférence
parmi les réactionnaires déjà investis du
mandat de conseillers généraux.
Il n'y a que le département du Var dont
aucun des députés ne soit conseiller gé-
néral. Tous les autres départements ont
au moins un député revêtu des deux man-
dats.
Dans les Hautes-Alpes et la Vienne,
tous les députés sont conseillers géné-
raux; dans plus de vingt départements,
presque tous les députés le sont égale-
ment.
Un certain nombre de membres de la
nouvelle Chambre sont unis par des liens
de parenté ou par des alliances. Nous
avons eu la curiosité d'en dresser la liste,
que nous croyons devoir reproduire :
Tout d'abord, il y a M. Cochery père
et M. Cochery fils, tous deux députés du
Loiret.
Il y a ensuite la catégorie des frères :
M. Benjamin RaspàH, député de la
Seine, et M. Camille Raspail, député du
Var, sout frères; il en est de même de
M. Félix Mathé, député de l'Allier, et de
1\1. Mathé, député de la Seine; de M. Henri
Chevreau, député bonapartiste de l'Ardp-
che, et de M. Léon Chevreau, député bo-
napartiste de l'Oise,
M. P. Casimir-Perier, député de la
Seine-Inférieure, est oncle de M. J. Casi-
mir-Perier. député de l'Aube.
M. Floquet, député de la Seine, est
oncle de M. Jules Ferry, député des Vos-
ges, et de M. Gobron, député des Ar-
dennes. Ces deux derniers sont en outre
cousins.
M. Floquet, député de la Seine,. est
cousin de M. Harispe, député réaction-
naire des Basses-Pyrénées.
M. Frédéric Passy, député de la Seine,
est cousin de M. Louis Passy, député ré-
actionnaire de l'Eure.
M. Lorois, député réactionnaire du Mor-
bihan, est cousin de M. Lorois, député
réactionnaire du Finistère.
M. Jacquemart, député des Ardennes,
est gendre de M. Boysset, député de
Saône-et-Loire.
M. de la Porte, député des Deux-Sèvres,
est gendre de M. Allain-Targé, député de
la Seine.
Enfin M. Renard, député réactionnaire
du Nord, est beau-frère de M. Levert, dé-
puté réactionnaire du Pas-de-Calais.
ïi y a aussi des rapports de parenté ou
d'alliance entre un certain nombre de dé-
putés et de sénateurs. Six députés, dont
trois républicains et trois réactionnaires,
sont fils de sénateurs, à savoir :
MM. Frédéric Humbert, député de Seine-
et-Marne, Sadi-Carnot, député de la Côte-
d'Or, et Paul Deschanel, député d'Eure-
et-Loir, sont fils de sénateurs républicains
inamovibles.
MM. Viellard-Migeon, député de Bel-
fort; Le Provost de Launay, député des
Côtes-du-Nord, et Roy de Loulay, député
de la Charente-Inférieure, sont fils de
sénateurs réactionnaires.
M. Waddinglon, député de la Seine-
Inférieure, est frère du sénateur de l!Aisne,
et M. Jules Develle, député de la Meuse,
est frère du sénateur de la Meuse.
M. Gobrori, député des Ardennes est
gendre de M. Scheurer-Kestner, sénateur
inamovible ; M. Bresson, député des Vos-
ges, est gendre de M. Kiener, sénateur
du même département.
Enfin M. de Soubeyran, député réac-
tionnaire de la Vienne, est beau-frère de
M. de Beauchamp, sénateur du même
département.
- La conférence monétaire qui, en se
séparant au mois d'août dernier, avait
fixé la reprise de ses travaux au mois
d'octobre, s'est réunie de nouveau deux fois,
au ministère des affaires étrangères, sous
la présidence de M. Duclerc.
Les délégués qui représentaient précé-
demment les gouvernements de France,
de Grèce, d'Italie et de Suisse ont pris
part à ces nouvelles réunions; la Grèce
y était en outre représentée par M. Vlasto,
mais la Belgique n'avait pas envoyé de
délégués.
Dans ces réunions, la conférence a
repris l'examen du projet41 de convention
élaboré dans sa précédente session, et a
soumis à une nouvelle discussion les
points qui avaient été alors réservés, no-
tamment la question du cours légal; au-
cune décision définitive n'a été prise et la
conférence s'est ajournée à lundi.
»
AVENTURES LOINTAINES
v 4
De toutes les questions qu'aura à
examiner la réunion plénière des
gauches et qu'aura à trancher la
Chambre, la première, par ordre d'im-
portance, est évidemment la question
des expéditions lointaines. On peut
ajouter que , dans presque tous les
programmes, c'est aussi celle qui tient
ie.premier rang; celle sur laquelle le
corps électoral, divisé sur d'autres
points, semble à peu près unanime. Cela
résulte, iuvinciblement, d'un dépouil-
lement, même sommaire, de toutes les
professions de foi.
Avant que la résolution à prendre
soit discutée, rappelons encore, une
fois pour toutes, que les monarchistes
qui font grand bruit de ces aventures,
qui en ont tiré grand profit aux élec-
tions, en ont été les inspirateurs.
C'est ce qui a été établi, en ces ter-
mes, par M. G. Perin, et sans soulever
la moindre contradiction, dans une
réunion électorale où les orateurs do
l'opposition avaient été invités et n'ont
pas osé prendre la parole ! >
Parlons de la guerre du Tonkin. C'est
l'Assemblée de Versailles, Assemblée monar-
chique, qui a fait ce legs funeste aux Cham-
bres républicaines qui lui succédèrent. C'est
une majorité de monarchistes qui a voté le
traité de 1874 d'où est sorlie la guerre ac-
tuelle, traité que j'ai combattu, moi, répu-
blicain, soutenu par la plupart des républi-
cains de l'Assemblée de Versailles, qui mal-
heureusement, vous le savez, étaient en mi-
norité. Et ce traité n'était-il pas la suite de
la politique inaugurée par l'empire en Indo-
Chine le jour où la France s'établit en Co-
chinchine, au hasard, sans trop savoir où on
allait, à la suite d'un amiral bonapartiste,
M. Rigault de Genouilly, agissant sans ordre
de son ministre, et obéissant, suivant l'ex..
pression d'un écrivain officiel, M. le vicomte
de Bazancourt, « à une heureuse inspiration »?
L'empire, qui avait bien des audaces, eut
quelque regret cependant de cette audacieuse
entreprise qu'il avait ratifiée à ses débuts et
après coup, et cinq ans après il fut très sé-
rieusement question d'abandonner cette co-
lonie que « l'heureuse inspiration » d'un
amiral agissant sans ordre nous avait donnée.
Si tn niait ce que j'avance, je publierais une
lettre qu'un diplomate de l'empire, M. le
baron Urenier, me fit l'honneur de m'adres-
ser en 1874, au lendemain du discours que
j'avais prononcé à l'Assemblée nationale.
Ainsi, l'origine de la guerre du Tonkin est
imputable à l'empire et à l'assemblée monar-
chique de Versailles. Si l'affaire avait bien
tourné, si l'expédition avait été facile, ils
auraient approuvé L'affaire a mal tour-
né, la « promenade militaire » est de-
venue une véritable guerre, les monar-
chistes la condamnent, et, s'imaginant qu'on
ne saura pas leur attribuer leur part de res-
ponsabilité, part bien plus lourde que celle
des républicains, ils s'arment du Tonkin,
pendant la lutte électorale, pour battre en
brèche la République.
Le Tonkin, citoyens, n'est pas toute la poli-
tique coloniale, il n'en est qn'un chapitré.
Parlons de Madagascar. Ici encore, la
grosse part de responsabilité incombe aux
monarchistes. C'est M. deMnn, c'est M. l'évô-
que Freppel qui poussèrent à la guerre avec
une véritable furie. M. de Mun et M. Freppel,
ne sont pas, que je sache, des républicains.
E', derrière eux, marchent tous les monar-
chistes, qui, en juillet 1884, votent les cré-
dits, et qui, en juillet 1885, votent encore ou
s'abstiennent.Ouvrez YOffioielfet cherchez les
noms des monarchistes qui ont nettement,
courageusement condamné cette nouvelle
expédition lointaine, c'est-à-dire qui ont re-
fusé les crédits.
Cela doit mettre le gouvernemeut de
la République bien à son aise lorsqu'il
aura à décider si l'aventure doit finir
ou se continuer.
Maintenant, dans quelles conditions
poursuivons-nous, à l'heure actuelle,
cette belle politique coloniale dont, au
dire de M. Jules Ferry, nous n'avions
plus à recueillir que les fruits ? Ecou-
tons ici l'organe même de cette poli-
tique, l'apôtre infatigable de ces loin-
taines aventures, le temps. Hier, juste-
ment, ce journal publiait sur notre si-
tuation à Madagascar et dans l'Indo-
Chine des renseignements dont voici le
résumé :
le vous envoie le récit de la malheureuse
affaire de Farafate. Nos pertes y ont été
relativement minimes, mais nous avons dû
reculer devant les Hovas. Et Dieu sait quels
sujets d'orgueil ils en vont tirer l.
Que conclure de cette affaire de Farafate ?
C'est qu'au point de vue militaire les Hovas
ont fait de grands progrès, grâce à notre
inertie et au concours actif des Américains
et des Anglais qui leur ont fourni des armes
et des officiers. Nous renouvelons ici les mô-
mes fautes et continuons les mômes erre-
ments qui nous ont déjà coûté si cher sur
un autre point de notre empire coloaial. Nous
avons pour nous une organisation militaire
qui nous permet d'entrer ea campagne du
jour au lendemain, et, au lieu de profiter de
cet avantage énorme qui rendrait nos coups
irrésistibles si nous frappions tout de
suite, nous donnons aux barbares que
nous allons combattre deux ans, trois ans,
pour se préparer à la lutte et s'organiser à
leur tour à l'européenne. Il y a deux ans, il
n'y avait pas d'armée hova ; qu'on continue
à l'aguerrir par la sotte campagne que nous
faisons, et vous verrez qu'un jour elle sera
en état de jeter à la mer nos faibles effectifs.
Ce manque de décision que nous apportons
dans nos entreprises lointaines rend fort
malheureux ceux y sont mêlés. Nous som-
mes irrités et honteux. Qu'on évacue Mada-
gascar, c'est une politique, Qu'on aille à
Tananarive, c'en est une autre. Mais rester
sur les bords fiévreux de la mer, l'arme au
pied, uniquement pour faire l'éducation mili-
taire des sauvages que nous avons devant
nous, c'est de l'impéritie pure.
Soit ; tout est de la faute de l'amiral
Miot, et au Tonkin tout est de la faute
du général de Courcy.
Nous ne méconnaissons pas, dit le Temps,
les difficultés qu'avait à vaincre le général
de Courcy, mais nous regrettons la dispersion
de nos forces dans le royaume d'Annam au
moment où nous aurions besoin de frapper
un coup vigoureux au Tonkin pour débar-
rasser ce pays des bandes qui l'épuisent.
Alors, il y a donc encore des bandes
au Tonkin V Non seulement il y en a,
mais elles nous attaquent dans le Delta.
C'est le Temps qui l'avoue :
En certains points du Delta, les pirates re-
doublent d'audace jusqu'à attaquer des poste a
français sur le Song-KGÏ : ainsi le poste des
Bambous, entre Hong-Hien et Nam-Dinh, a
été l'objet de plusieurs agressions ; le mois
dernier, la station télégraphique a été sur le
point d'être enlevée. Inutile de dire que la
ligne télégraphique est coupée à chaque ias-
tant.
La situation est ainsi résumée : :
An Tonkin, la pacification ne progresse
pas; enAnnàm, désordre absolu ; en Cochin-
,chine, une situation qui demande beaucoup
de vigilance de la part de l'autorité militaire,
et nous sommes engagés dans une série d'o-
pérations divergentes, la plupart dans des
régions difficiles et presque inconnues.
Quand le moniteur de la politique
d'aventures parle ainsi, on peut l'en
croire : il n'exagère rien. Voilà donc
où nous en sommes après le sacrifice
de cinq cents millions ! Voilà où nous
a menés la politique des sages! Et ils
demandent à. continuer. Quelle est
donc la leçon qui pourra leur ouvrir,
les yeux? Ont-ils juré de perdre la
France par leur criminelle obstination?
A. GVULIBR.
.————————— —————————.
LA CONFÉRENCE DE CONSTANTINOPLE
..- Nous recevons les dépêches suivantes,
relatives à. la prochaine conférence de
Constantinople:
Constantinople, 22 octobre, soir.
La plupart des puissances ayant ac-
cepté la proposition de la Porte, pour la
réunion d'une conférence, celle-ci se réu-
nira à Constantinople, probablement le
26 octobre.
Constantinople, 22 octobre, soir.
La première séance de la conférence
pourrait avoir lieu après-demain si d'ici
là les ambassadeurs reçoivent leurs ins-
tructions.
Il est question d'adjoindre à Saïd-Pacha
pour représenter la Turquie à la confé-
rence, soit Artin-Effendi, sous-secrétaire
d'Etat aux affaires étrangères, soit Server-
Pacha, soit Aarifi-Pacha.
On croit dans les cercles diplomatiques
que trois ou quatre séances suffiront:
pour régler la question et que la situation
de la Turquie, après la conférence, sera
meilleure qu'avant les évènements de
Roumélie.
La circulaire de la Porte relative à la
réunion d'une conférence dit en .sub-
stance : v - : >
Vu la concentration des troupes heilènaa
et principalement des troupes serbes, et afiu
d'éviter l'effusion du sang, la Porte, faisant
appel au concours des puissances signataires -
du traité de Berlin, les prie de vouloir bien
inviter leurs ambassadeurs à Constantinople
à se réunir en conférence avec la participa-
tion de la Turquie pour régler les affaires d3
Roumélie conformément aux droits souve-
rains du sultan. Cette conférence ne pourra
se réunir qu'à la condition de s'occuper ex*
clusivement des affaires de Roumélie.
LA CONDAMNA TION DE RIEL
On se souvient que Louis Riel, l'éner;
gique insurgé du Canada, l'apôtre con-
vaincu et inébranlable des droits des mé-
tis, après une campagne traversée d'inci-
dents variés, a été fait prisonnier par les
troupes anglaises, déféré à un conseil de
guerre et condamné à mort. Son avocat,
après avoir plaidé d'abord l'aliénation
mentale, a interjeté appel devant le con-
seil privé de la reine, à Londres. Celui-ci
vient de décider qu'il n'y avait pas lieu
d'examiner la cause, c'est-à-dire que, si
aucune décision gracieuse n'internent
Louis Riel sera exécuté dans quelques
jours.
Ne craignons pas de le dire, cette cxé..,
cution serait une honte , un véritable
Feuilleton du* EAPPEîi
DU 25 OCTOBRE
- — --Y,. jt. r.~
22
LA
PRINCESSE BELLADONE
ROMAN PARISIEN
PREMIÈRE PARTIE
téh SÉDUCTION
xn
Adèle de Sauey
- Suite -
Le déjeuner terminé, au moment où
l'on servait le café, Adèle se leva ainsi
qu'Adrienne, et toutes deux sortirent de
la salle pour gagner l'ombre et la fraî-
cheur des grands arbres, en laissant plus
de liberté aux hommes restés attablés.
- J'ai à te parler, avait dit Mme de
Sancy à sa sœur.
Celle-ci la regarda d'un petit air éton-
né, mais la suivit sans observation.
Dès que sa fille aînée se fut éloignée,
Reproduction interdite. —• Droit de traduc-
tion réservé.
Voir ie Happe/du 28
Gontran de Malvoix, de son côté, avait
fait signe à un homme grave, austère, so-
lennel et raide, en habit noir et cravate
blanche, qui dirigeait silencieusement le
service, surveillait les domestiques et se
tenait à portée du comte.
Cet homme, qu'on aurait pu prendre
pour un notaire ou un chef de division
de quelque administralion publique, n'é-
tait autre que maître Justin, premier va-
let de chambre.et confident de M. de Mal-
voix.
Maître Justin s'était rapproché du
comte.
- Vous viendrez me trouver dans mon
cabinet, dès que nous serons de retour au
château, lui dit Gontran. J'ai des ordres
à vous donner.
- Particuliers? demanda le valet de
chambre, imperturbable.
- Particuliers !
M. Justin s'inclina et reprit sa distance.
XIII
Où la baronne de Sancy se fait
confesseur
Les deux sœurs, en quittant le pavillon
rustique où nous aurons occasion de re-
tourner avant peu, et que nous décrirons
à ce moment; les deux sœurs s'étaient
dirigées vers une des allées qui formaient
carrefour à cet endroit.
Le soleil, arrivé à son zénith, rendait
l'ombre non seulement agréable, mais né-
çes§aicevçt de grands arbres s'étçjjdaat en
une sorte de berceau au-dessus de l'allée
où Adèle entraînait Adrienne, en faisaient
un ravissant lieu de promenade par cette
chaude journée d'automne.
Mme de Sancy et Mlle de Malvoix mar-
chèrent d'abord en silence ; chacune se
livrait évidemment à ses propres ré-
flexions, mais de nature non moins évi-
demment différente.
Adèle avait l'air grave et sérieux.
Adrienne avait l'air heureux.
Cependant, ce fut Adrienne à. qui le si-
lence pesa' la première, car elle s'écria
tout à coup, en s'arrêtant :
- On voit bien que tu n'as pas galopé
deux heures, ce matin.
-- Pourquoi cela ?
- Parce que tu sembles disposée à une
longue promenade, tandis que moi j'ai
une envie furieuse de m'asseoir sur cette
belle herbe si drue et de m'y reposer un
peu.
- Eh bien ! asseyons-nous, si tu le pré-
fères. D'ailleurs, nous n'en serons que
mieux pour causer.
- Tiens, c'est vrai I fit Adrienne en
glissant de côté les yeux sous ses longues
paupières, pour regarder sa sœur aînée
avec une expression à la fois inquiète et
mutine; tu as à me parler?
- Oui, ma petite chérie, et de choses
sérieuses.
- Tu m'effrayes, répliqua la jeune fille
en riant.
- Tant pis, car c'est de ta confiance
que j'ai besoin.
* - De ma confiance?
- Et de ton absolue sincérité, ajouta
Adèle en lui pressant doucement les deux
mains.
Adrienne rougit légèrement.
- Interroge-moi, alors, lui dit-elle.
Adèle se recueillit un instant.
- Tu connais notre père, fit-elle. C'est
le meilleur des hommes, un homme de
haut esprit, qui nous aime toutes les deux
de tout son cœur ; mais, en même temps,
c'est un homme du monde, resté jeune de
caractère, et qui, se fiant, avec raison, du
reste, aux principes d'honneur et de
fierté qui sont de tradition dans la mai-
son de Malvoix, comme à l'éducation sé-
vère que nous avons reçue près de notre
bonne mère.
La voix d'Adèle trembla un peu en pro-
nonçant ces dernières paroles.
- ne s'occupe de nous qu'autant
qu'un homme du monde et un homme de
son caractère peut s'occuper de jeunes
filles, telle que j'étais, il y a deux ans,
telle que tu es aujourd'hui.
- Sans doute, interrompit Adrienne,
un peu étonnée. Aussi papa est charmant
avec nous, avec moi, et ce m'est tou-
jours une fête de me retrouver auprès
de lui.
- Je le comprends et il mérite qu'il en
soit ainsi. Seulement, quand notre pauvre
mère mourut, il y a trois ans, bien que je
fusse encore toute jeune, sais-tu ce qu'elle
me d t dans son dernier entretien? Sais-tu
quelles furent les dernières paroles qu'elle
m'adressa? Les voici : « Veille sur ta sœur.
Moi partie, ce n'est pas un homme qui
peut voir et prévoir certaines choses. Tu
as toujours été d'une raison au-dessus de
ton âge, Adèle. Je remets le bonheur
d'Adrienne entre tes mains ». ,'.
— Eh bien ! s'écria Adrienne, en em-
brassant sa sœur au front, tu dois être
contente. car je suis très heureuse 1
Mme de Sancy lui rendit sa caresse, et
reprit î «
- Or, petite sœur, il y a, dans ton in-
térêt, un côté du caractère de notre père
sur lequel je dois appeler toute ton atten-
tion. Tu pourrais, un jour, t'y briser.
Mais un écueil signalé est, dit-on, un
écueil évité.
- Tu parles en paraboles, aujourd'hui.
Sois plus claire, si tu veux que je te com-
prenne. -
- Je vais être claire. Notre père a l'or-
gueil de sa race et de son nom, orgueil
qu'il ne montre point aux indifférents,
dans les rapports ordinaires de la vie,
mais qui a dirigé tous les actes importants
de son existence.
Il y eut un court silence.
Adrienne commençait à regarder sa
sœur avec une inquiétude marquée.
- Pourquoi me dis-tu cela? demanda-
t-elle?
- - Parce que, vivant loin de notre père,
tu pourrai l'ignorer ou ne pas y attacher
l'importance que cela mérite. Tu es un
peu légère. C'est de ton âge,.. je ne te
le reproche cas..: Mais voyant par exçgi-^
pie, avec quelle amabilité, quelle familia-f
rité sympathique notre père accueille Mi
Raoul Renaud, fils de simples paysans,
parvenu à une situation honorable. par
son travail et son mérite, tu pourrais
croire qu'aux yeux du comte de Malvoix,
il n'existe aucune différence entre BflJ
Raoul Renaud et les hôtes, tous appartea
nant à la noblesse, qu'il reçoit dans son
château.
- En effet, répliqua, avec une vivacité
ironique, Adrienne, devenue toute rouge,
il ne serait pas juste qu'il n'établît aucune
différence entre eux et lui. M. Raoul Re,
naud, au péril de sa vie, a sauvé la vie de
mon beau-frère, de ton mari. Nous som-
mes tous ses obligés, et nous serions des 4
ingrats, toi, notamment, ma chère Adèle,
si nous ne lui accordions pas une place..,
un peu à l'écart des autres. dans notre.
Elle chercha le mot.
- dans notre reconnaissance.
- Tu as parfaitement raison, répondi!
Adèle, sans relever le ton passionné avec
lequel venait de s'exprimer la jeune fille.
Aussi, moi personnellement, j'ai voué à
M. Raoul Renaud une gratitude que rien
n'éteindra. Le jour où il a sauvé mon
mari, il est devenu pour moi. cornrlit.
un frère, et mon affection lui restera.",
quoi qu'il arrive.
- Tu vois bien 1
-Mais notre père.
A. wxtm*
~.j~~j
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.38%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.38%.
- Collections numériques similaires Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
- Auteurs similaires
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7539371b/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7539371b/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7539371b/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7539371b/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7539371b
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7539371b
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7539371b/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest