Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-08-27
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 août 1885 27 août 1885
Description : 1885/08/27 (N5648). 1885/08/27 (N5648).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7539312g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
V £ ï® 5648 «—• Jeudi 27 Août 4885 Xe numéro : iOc. — départements s £ §► c* c". 10 Fructidor an 93 - N85648
- - J0)MINISTBAf I0K -
38, RUE DE VALOIS, la
ABONNEMENTS
IPAUIS
------
Trois mois. 10 »
Sikïnois. 20 »
DÉPARTEMENTS '7
Trois mois. 13 SO
Sismois. 22 4
- ~i
A dresser lettres et mftnSais , -
À M. ERNEST LEFÈVPiE : *
ADMMSTRATION GERANT i ( i
'0, ,..
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RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire ae la Rédaction
»c r£ à 6 heures du soif
18, ZUÎE DE VALOIS, 18
Xes manuscrits noninsérés ne serontjpas renias
ANNONCES
.31'&£. Cli. IAGRANGE, CERF et GO
6»j»!ace de la Bourse, 6
LE 4 OCTOBRE
- -
Quand on a dit un moment que le
gouvernement avait choisi le 16 août
pour la date des élections générales,
les journaux réactionnaires ont poussé
des cris d'indignation. On escamotait
le vote ! On surprenait le pays avant
qu'il ne fut préparé ! On le réveillait en
sursaut et on lui mettait le bulletin sur
'a gorge !
Et puis, c'était bête. La Chambre
actuelle ne finissait qu'au 14 octobre. Du
16 aoùt au 14 octobre il y a deux mois.
Il y aurait donc deux mois pendant les-
quels la France aurait deux Chambres
des députés. Laquelle serait la bonne?
Supposez un incident qui réclamerait
tintervention des représentants du
: pays, un fait extérieur ou intérieur, au
dehors une attaque des Chinois ou une
querelle d'Allemand, au dedans la dé-
mission (peu probable) ou la mort (peu
souhaitable) du président de la Répu-
blique, suppose la nécessité brusque de
convoquer la Chambre ou le Congrès,
quels seraient les députés qu'on appelle-
rait au palais Bourbon ou à Versailles?
Seraient-ce les députés dont le man-
dat expirera en octobre, mais vit jus-
que là, ou les députés qui n'existeraient
légalement que dans deux mois, mais
qui moralement seraient les vrais dé-
putés?
La lettre de la loi ferait appeler la
Chambre agonisante, soit : vous figu-
rez-vous l'autorité qu'aurait dans une
question grave, et d'où dépendrait
: peut-être l'avenir de la nation, une
; Shambre passée et trépassée, et où la
majorité pourrait être faite de black-
boulés ?
Ainsi parlaient les. journaux réac-
tionnaires, et cette fois il était difficile
Je dire qu'ils parlaient mal.
Le gouvernement de la République,
W supposant qu'il ait eu un instant l'idée
du 16 août, y a renoncé. Il a accordé
aux journaux réactionnaires plus qu'ils
ne demandaient. Ils disaient ; le 27
septembre ; il a dit : le 4 octobre.
Bu 4 octobre au 14, il n'y aura donc
iue dix jours pendant lesquels la
France aura deux Chambres des dépu-
tés. 11 n'y aura même pas dix jours, à
vrai dire ; il n'y aura pas un jour, il n'y
aura pas une minute. Car le 4 octobre
ne sera que le premier jour des élec-
tions. Or, avec les listes multiples aux-
quelles il faut s'attendre, le premier
scrutin ne donnera qu'un nombre in-
suffisant de résultats. Nous ne parlons
pas des listes réactionnaires. Si tous les
ttipublicains s'entendaient, la question
serait vite résolue, et le suffrage uni ver-
tpl se prononcerait du coup. Mais, sûrs
eo la victoire définitive, les républicains
*$.0 croiront pas commettre une impru-
eii se divisant au premier tour. De
ïàTVeaucoup de ballottages. Ce n'est donc
pas le 4 octobre que la future Chambre
sera réellement née, c'est le 19, — cinq
jours après que la présente Chambre
sera expirée. Non-seulement il n'y aura
pas coexistence, mais il y aura presque
solution de continuité. Il faudra y met-
tre quelque complaisance pour dire :
— La Chambre est morte, vive la
Chambre!
Le gouvernement ayant accordé à la
réaction plus qu'elle ne lui demandait,
vous vous figuriez peut-être qu'elle al-
lait lui en savoir gré, qu'elle allait l'en
remercier, qu'elle allait l'en féliciter.
Non, vous ne vous le figuriez pas, la
connaissant. En effet, je lis dans un de
ses journaux que, si le gouvernement
a reculé de près de deux mois la date
des élections, c'est que « l'organisa-
tion électorale républicaine n'était pas
prête ».
Oui, mais voiei qu'un journal répu-
blicain a blâmé le gouvernement d'un
ajournement si long. Alors : « Ah f ah !
messieurs les républicains, a ricané un
journal réactionnaire, il ne semble pas
que la résolution du gouvernement de
fixer les élections au 4 octobre ait cause
dans votre camp une vive satisfaction ;
il est évident que vous désiriez une
date plus rapprochée. » Voyons, jour-
nal réactionnaire, si les républicains
désiraient une date plus rapprochée,
c'est donc qu'ils étaient en mesure,
et ce n'est donc pas parce que l'orga-
nisation électorale républicaine n'é -
tait pas prête que le gouvernement
a rejeté si loin les élections. C'est
donc, d'abord, par loyauté envers
ses adversaires, qui pouvaient n'être
pas aussi prêts que les républicains.
C'çst donc, ensuite, pour qu'il n'y eût
pas cet inconvénient, que vous signa-
liez avec nous, d'un pays qui, entre
une Chambre à moitié morte et une
Chambre à moitié née, aurait eu deux
Chambres des députés et n'en aurait
pas eu une.
C'est a ce double point de vue que,
pour notre part, nous approuvons le
gouvernement d'avoir mis les. élections
à la dernière limite possible. Autre-
ment, il nous eût été profondément
égal qu'il les mît le 4 octobre, le 27 no-
vembre ou le 16 août. Le suffrage uni-
versel a prouvé, à toutes les élections
depuis quinze ans, qu'à quelque heure
qu'on le prenne, c'est toujours l'heure
de la République.
.AUGUSTE VAGQUERtB.
*' 1 "1 i i i. i.
Le ministre de la guerre a reçu du gé-
néral de Courcy des dépêches qui rendent
compte de l'état sanitaire au Tonkin.
La citaielle de Tahn-Hoa a été oc-
cupée sans combat par cinq cents hommes
d'infanterie de marine, à la tête desquels
marchaient le Tong-Doc de Tahn-Hoa.
Le général fait connaître que l'épidémie
cholérique est en voie décroissante.
Il existe un mieux sensible coïncidant
avec l'abaissement de la température.
L'épidémie est en décroissance à Hanoï
etàHaïphong. 200 hommes sont en traite-
ment. Les cas sont rares à Hanoï, à Chu,
et à Quang-Yen. Partout le moral des
troupes est excellent.
Les évacuations du Tonkin sont sus-
pendues jusqu'à nouvel ordre.
Le général de Courcy ajoute qu'il re-
tournera à Hué dans quelques jours.
WÉMIWIMMMMIll II -
- ,,', L'AGITATION EN ESPAGNE ",
Au conseil des ministres, tenu hier à Ma-
drid sous la présidence du roi, a été lue la
note adressée par l'Espagne au cabinet de
Berlin pour réclamer ses droits sur les
Carolines, droits méconnus par la notifi-
cation du protectorat que l'Allemagne
prétend exercer sur ces iles.
Lecture a été faite aussi de la réponse
du cabinet de Berlin, annonçant qu'il ne
refuse pas de discuter les droits de l'Es-
pagne sur les Carolines ; puis de la se-
conde protestation de l'Espagne contre
une nareille nrétention.
Le ministre des affaires étrangères a
annoncé ensuite que le gouvernement
allemand avait adressé à Madrid un télé-
gramme relatif à la protestation de l'Es-
pagne : l'Allemagne n'accorde pas d'im-
portance à un incident qui ne peut altérer
ses bonnes relations avec l'Espagne ; elle
considère les Carolines comme n'appar-
tenant à personne, car l'Espagne n'y a
établi aucun fonctionnaire; elle enverra
de plus amples explications par courrier.
Les journaux espagnols sont unanimes
à considérer le dernier télégramme de
Berlin comme un moyen de gagner du
temps en attendant qu'on sache si les Al-
lemands ont occupé les Carolines avant
l'arrivée des vaisseaux espagnols dans ces
parages.
L'Espagne est très décidée à ne pas
continuer les négociations si l'Allemagne,
dans le cas où elle occuperait d; jà les Ca-
rolines, n'en ordonne pas l'évacuation
immédiate, afin que l'Espagne les occupe
aussitôt.
Le gouvernement espagnol attendra la
note explicative de l'Allemagne, mais ne
négligera pas les préparatifs de résistance
pour soutenir ses droits.
Les journaux carlistes offrent cent mille
hommes; les libéraux en offrent autant.
Un marin catalan suggère l'idée de déli-
vrer des patentes aux bâtiments de long
cours, qui, dit-il, auraient bien vite dé-
truit le commerce maritime allemand.
Trois officiers de l'armée ont renvoyé à
Berlin leurs décorations allemandes.
Un officier en activité de service a pris
part à la récente manifestation ; il a
été, pour ce fait, mis aux arrêts de ri-
gutur.
Deniers heure
Voici le texte de la réponse télégraphi-
que de l'Allemagne à la protestation de
l'Espagne, suivant les informations de
l'agence Fabra.
Le ministre ?)lénipotentiaire d'Espagne d Deî,lin
au ministre des affairés étrangères à Madrit.
Le ministre des affaires étrangères me
communique ce qui suit :
« Berlin, 24 août.
» Lorsque le gouvernement de Sa Majesté
l'empereur consentit à donner suite aux ins-
tances réitérées des sujets allemands faisant
le commerce aux îles Carolines pour obtenir
le protectorat sur cet archipel, jamais il n'eut
l'intention de préjudicier aux droits anté-
rieurs.
» D'après les documents qu'a racueillis le
gouvernement allemand, il croit que les Ca-
rolines forment un territoire vacant; c'est
pourquoi il prit la résolution annoncée, et il
ne comprend pas que l'Espagne ait vu dans
cet acte une atteinte portée à sa souveraineté,
et, afin de prévenir jusqu'à l'apparence d'une
semblable intention, le gouverne lient alle-
mand a avisé préalablement le gouverne-
ment espagnol avant d'arborer son drapeau
aux Carolines.
» En même temps il offrit d'examiner la
question et donna ses ordres aux. bâtiments
allemands en vue d'éviter toute sorte dt) con-
flit avec les forces espagnoles.
» Le gouvernement demeure absolument
disposé à dé ibérer à l'égard des droits qu'in-
voque l'Espagne, en apportant dans cet exa-
men les sentiments d'amitié dus aux bons
rapports qUI ont toujours existé entre les
deux monarchies, rapports que le gouverne-
ment allemand désire vivement augmenter
et rendre plus intimes.
» Au cas éventuel où cet examen n'abou-
tifait pas à un résultat satisfaisant par un
accord mutuel, le gouvernement allemand
est disposé à faire appel aux bons offices
d'une puissance amie des deux pays. »
Le Times annonce que le marquis de
Salisbury, en quittant Londres, hier soir,
se montrait pleinement satisfait de l'état
dans lequel il laissait les négociations re-
latives à l'incident afghan.
Il dit que sauf quelques points de détail
peu importants, ayant trait au tracé
technique de la ligne de démarcation, on
peut considérer comme complète l'entente
sur cette question.
——————— ———————
ORDRE, CONTRE-ORDRE, DÉSORDRE
A chaque appel des réservistes, on a
pu constater, depuis quelques années
déjà, que cette opération s'accomplis-
sait avec une régularité très satisfai-
sante. Dans les corps, l'habillement et
l'armement des hommes ne prenaient
plus qu'un temps très court, une jour-
née à peine. D'autre part, les réservis-
tes Tépondaient, comme d'ailleurs c'é-
tait leur devoir strict, avec la plus
grande exactitude aux convocations
dont ils étaient l'objet. Les manquants
étaient en nombre absolument insigni-
fiant, ainsi que les retardataires.
Pour assurer la continuation d'une
régularité si désirable, si nécessaire, il
semble que rien ne devrait être né-
glige. Il semble surtout que l'autorité
militaire ne devrait jamais montrer la
moindre hésitation pour des ordres
qu'elle peut donner à loisir et après
avoir pesé toutes les considérations.
Aussi ne nous expliquons-nous pas
très bien comment, à la date si tardive
du 17 août, M. le ministre de la guerre
ait pu songer à modifier des ordres de
convocation donnés pour le 25 du même
mois et portés depuis quelque temps
déjà à la connaissance des intéressés
par voie d affiche. Dans cette circulaire
qui n'aura guère été reçue avant le 20
par les généraux auxquels elle est
adressée. M. le ministre s'exprime ainsi :
Les affiches de convocation étant posées, il
a Veil de les modifier ou d'en apposer
d'autres. Mais j'ippeile votre attention sur là
nécessité ce procéder de telle sorte qu'il ne
puisse en résulter, pour les réservistes inté-
ressés, aucuuii incertitude.
L'intention est bonne, mais ce que
demande M. le ministre est une pure
impossibilité. L'incertitude qu'il ne
veut pas voir se produire, c'est lui, ou
plutôt ce sont ses bureaux qui l'ont
rendue inévitable. Un contre-ordre, en
ces matières, est la chose la plus fâ-
cheuse du monde, précisément parce
que le contre-ordre montre l'indécision
où les résolutions les plus immuables
sont attendues.
Il y a autre chose. Les affiches sont
posées depuis plusieurs semaines et les
intéressés ont dû les tenir pour vala-
bles. Tous leurs arrangements de fa-
mille et d'affaires ont été pris en con-
séquence. On les appelait à partir du
25 août. C'était entendu. Maintenant,
pour certains d'entre eux, l'appel est
renvoyé du 21. octobre au 17 no-
vembre.
Peut-on soutenir sérieusement que
ces modifications in extremis ne puis-
sent pas porter de très graves préju-
dices? Personne ne réclame et per-
sonne n'a le droit de réclamer contre
les exigences, quelles qu'elles soient,
de la loi militaire. Mais, en somme,
ses charges nécessaires sont assez
lourdes pour Que les fantaisies ou les
maladresses de l'administration ne
viennent pas encore y ajouter.
Encore si l'intérêt général pouvait
profiter, d'une façon quelconque, de
ces procédés fâcheux? Si on pouvait
dire que les hommes soumis à l'appel
ont besoin de ces surprises, doivent
être soumis à ce régime d'incertitude ?
Mais c'est le contraire qui est vrai,
puisque les réservistes se rendent à
leurs corps respectifs avec la ponctua-
lité la plus parfaite. C'est donc sans
bénéfice aucun que l'autorité militaire
montre ces hésitations. Bien plus, elle
rappelle ainsi des erreurs d'un autre
temps qu'on croyait ne plus devoir se
reproduire. Elle diminue la confiance
des subordonnés, qui ne peuvent man-
ui ne peuvent man-
quer de comme ter d'une manière fâ-
cheuse des tergiversations inexplicables
en temps de paix. Nous espérons, pour
notre compte, n'avoir plus à les si-
gnaler.
A. G tULIBR.
LA REPUBLIQUE ET LA RE ICTION
M. Ribot a prononcé plusieurs distours
dans le Pas-de-Calais depuis que la pé-
riode électorale est moralement ouverte.
Dans presque tous, il a développé cette
idée que les partis réactionnaires, au lieu
de se complaire dans d'impossibles espé-
rances, feraient beaucoup mieux d'adhé-
rer à la République et de lui apporter le
concours de leur expérience et de leur in-
fluence.
Il est permis de se demander si la France
gagnerait beaucoup à la réalisation de ce
vœu. Supposons qu'un beau jour les fac-
tions monarchiques, découragées de tant
d'échecs, écœurées de l'inaction de leurs
prétendants, jettent le manche après la
cognée et fassent en grand ce que MM.
Dugué de la Fauconnerie, Robert Mitchell
ont fait jadis isolément. D'abord, cette
adhésion serait-elle bien sincère? Au len-
demain de chaque révolution, les vieu\
partis ont crié: Vive la République! Ce
qui ne les a nullement empêchés de faire
ou de laisser faire le coup d'Etat, sous la
seconde République, et le Vingt-quatre-
Mai sous la troisième.
A supposer que M. Paul de Cassagnac
fasse à jamais son deuil de celui des trois
ou quatre empires qui lui tient particu-
lièrement au cœur, à supposer que M.
d'Andigné lâche don Jaime, et M. Bocher
le comte de Paris, quel profit, je vous le
demande, en résulterait-il pour nos insti-
tutions? Notre armée en sera-t-elle plus
forte? l'impôt en sera-t-il mieux assis? Si
encore cet antagonisme principal, cette
opposition portant sur la forme même du
gouvernement privait la nation de lu-
mières, de talents exceptionnels! Mais il
ne semble pas que ce soit le cas. De ce
qu'est un parti dans la minorité, on peut
conclure ce qu'il ferait une fois au pou-
voir. Or, si ce qu'on répète de tous les
côtés est exact, s'il est vrai que nous man-
quions d'hommes, cette disette se fait
principalement sentir sur les bancs de
l'opposition. Exceptez une douzaine de
vieux routiers parlementaires qui ont des
connaissances et l'expérience des affaires,
l'état-major réactionnaire ne sait pas le
premier mot de ce dont il parle. Il attaque
à tort et à travers, passant à côté des ob-
jections véritables, ressassant indéfiniment
de vieux sophismes qui font pitié. Il se-
rait malséant ici de citer des noms pro-
pres; ils viendraient en foule sous la
plume ; on n'aurait presque que l'embar-
ras du choix.
Par contre, que d'inconvénients directs,
immédiats, dériveraient de cette adhésion
verbale? N'y a-t-il pas dans notre Répu<
blique assez d'éléments réactionnaires,
assez d'institutions qui sont un legs du
passé'? On se plaint chaque jour que la
République tarde tant à produire toutes
ses conséquences; que serait-ce si elle
embarrassait encore sa marche des impe-
dimenta des anciens partis? Il en est un
peu de la politique comme de la guerre;
les armées les plus nombreuses ne sont
pas toujours les meilleures. Mieux vaut
souvent une petite phalange d'hommes
décidés et sachant ce qu'ils veulent
qu'une masse confuse où chacun tire de
son côté.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
Les Obsèques de l'amiral Courbet
- t-
On nous télégraphie des Salins d'Hyènes,
25 août, que le Bayard a mouillé eu rade
lundi soir, à neuf heures et demie. Il est,
placé à droite de l'escadre, ayant à sdn,
côté le Colbert et la Dévastation, et à deux
milles de terre environ.
Hier matin, à huit heures, les navires
ont mis pavillon en berne.
On a passé la journée à faire les prépa.
ratifs à bord du Bayard pour le service
funèbre, qui est définitivement fixé à ce
matin mercredi.
A cinq heures trente du matin, les cou.
leurs seront hissées et les vergues en pan-
tenne.
- A sept heures trente, les compagnies de
débarquement de l'escadre, avec les mu-
siques du Colbert et de la Dévastation,
iront à terre.
Le corps de l'amiral est placé dans son
cabinet de travail, à gauche, à la place de
son bureau; il est posé à terre et recouvert
de draperies tricolores.
A droite de l'entrée, on voit deux cou-
ronnes en fleurs, avec nœuds en soie vio"
lette; les fleurs sont passées. Ces deux
couronnes sont celles di-s colonies fran-
çaises de Shanghaï, de Mahé et des Sey-
chelles.
Le gros canon que pointa lui-même
l'amiral Courbet a été poussé un peu à
droite, pour donner plus d'espace.
Contre ce canon, on a placé les cou.
ronnes offert s par la marine de Bône,
par les officiers de cette garnison,
ainsi que par les dames de charité de la
ville.
Il y a sur le cercueil quelques cou-
ronnes superbes, offertes par la colonie
française de Suez, par celles du Caire,
d'Ismaïlia et de Port-Saïd.
De chaque côté de la bière, une rangés
de chandeliers.
Les couronnes offertes par les équipages
des navires de l'escadre ont dû arriver dans
la soirée ; celles du Bayard, de la Triom-
phante, du Dugua-f-lrouin sont apportées
par un ancien aide-de-camp de l'amiral,
M. Ravel.
La couronne du Bayard, commandée à
Marsei.le, mesure 1 m. 60. La première
garniture est en ft.mrs et en perles, cou-
pées par des filigranes d'or et d'argent.
Des feuilles de laurier et de chêne en or
et en argent entourent un magnifique
bouquet de roses en biscuit. Autour de
ce bouquet, les noms de Thuan-An, Son-
Tay, Fou-Tcheou, Kélung, Shepoo, Pes-
cadores, se détachent en lettres d'or. En
haut on lit : Le Bayard à son Amiral; en.
bas, deux initiales : A. C.
C'est à la même place où se trouve le
cercueil que le corps de l'amiral Courbet
iut placé sur un tapis pour le défilé de
l'équipage avant la mise en cercueil.
Le colonel Poulard, du 1er régiment de
hussards, est arrivé pour recevoir le corps
de l'amiral, au nom de Mme Cornet-
Courbet. Il l'accompagnera à Paris et à
Abbeville.
, (Dernièl'es dépêches)
Salins d'Hyères, 25 août.
A onze heures et demie, l'amiral Duperré,
avec son état-major, se rendit à bord, où il
fut reçu et accompagné jusqu'à la chambre
mortuaire par les commandants de Maigret
et parrayon.
Feuilleton du RAPPEL,
DC 27 ÂOOT
*~ •—i t-I— --- - Kurrffîr
42
LA BANDE
DES
COPURCHICS
ROMAN PARISIEN
XII
Les ComarcliEcs ,,"It(e.t
leurs lwttcs
( Suite)
:.¡;,;; Ce vin est vraiment bon, dit Pein-
tprIure. ii me rappelle la chanson du
ïfOupier :
« Bois de l'eau rougie » est le seul refrain
De mes officiers, le conseii me touche.
Suresne, Argentcui], couiez; et soudain
L'eau, rien qu'à vous voir, me vient à la bouche.
C'est là sans gîter
Le jus du raisin
Mettre en vrai troupier
De l'eau dans son via.
Le vrai, le pur troupier
jamais de l'art d aimer n'a connu la syntaxe,
----';¡\i8I.
Reproduction interdite.
,':Qjr le Rappetdu 13 juillet bu$6 aèftf,
L'amour est une taxe
Qu'il ue veut point payer ,
Mais le vin, le vin, le via,
Le jus divin,
ÎSais le vin, le vin, le via, sera toujours
Du vrai troupier les seuls amours.
— Bravo ! bravo 1 cria-t-on des diverses
tonnelles de l'établissement.
— ïl y a de la troupe, dit Coqsigno.
— Je crois qu'il est inutile de prendre
de la décoction de chicorée? dit Pic-
tonnez,
— Personne n'en éprouve le besoin.
-l'tous remplacerons le café par un
petit verre.
- Nous boirons notre tttàzag en ren-
trant à Paris.
- Allons prendre le chemin de fer.
;- - En avant, dit Coqsigno.
ta Nuit fient accrocher sou voile
r Aux arbres do chemin,
L'Amour lève la toile.
Nous rentrons au pays lâtia,
Et la main dans la main1-
nous fixons une étoile,
C'est l'étoile de la gaieté
Qui sourit à notre jeunesse.
AU l mieux vaut bonheur que rieîiçsîç.
Kous narguons notre pauvreté.
Je suis lasse
Il m'embrasse,
Salut mon cher petit lit,
L'Amour garde
La mansarde
Et bénisse notre nid!
comme chante VEtudiante de 4e Beau.
- C'est gentil, cette chansoîi me
t'apprendfas, dit Nichoanette.
— Non, dit Coqsigno, parce que tu n'es
pas cette étudiante-là.
En rentrant à Paris, Peinturlure dit :
— Si nous allions dans un beuglant ?
— C'est une idée, dit Maillochon, on
peut passer sa soirée
Au caf, caf, car, au café-concert.
Prenons un bon café sur le boule-
vard. Nous irons ensuite au Vert-Galant.
Le Vert-Galant était alors dans toute
sa gloire. C'était le beuglant de la rue de
la Contrescarpe-Dauphine qui se trans-
portait pendant la belle saison sur le terre-
plein du Pont-Neuf où l'air était constam-
ment frais, au point que nombre de gens
s'en revenaient avec un refrain et un
rhumatisme. Mais on avait les bains du
Pont-Neuf à côté de soi pour réagir au
besoin et on pouvait se passer l'envie
d'aller jusqu'à la Samaritaine en voyant
s'y déshabiller les personnes plus ou moins
charmantes qui oubliaient de tirer leur
rideau.
Les pauvres femmes qui étaient pbli-
gées d'exposer leurs épaules nues sur la
scène du Vert-Galant grelottaient, et c'é-
tait pour ça, selon les probabilités les
plus grandes, qu'elles avaient des chats
dans le gosier auxquels elles ne présen-
taient sûrement jamais de souris, car ils
ne voulaient pas sortir.
-
Les hommes, ce n'était pas des chats
qu'ils avaient de posés sur les cordes vo-
cales, c'était4e? litres.
Mais avec les zimboumboum des cym-
bales, trombones, grosse caisse et autres
forts instruments de Sax mêlés à ceux de
Crémone, et eu égard aux déhanchements
des femmes et des clarinettes et aux con-
torsions des hommes, on ne faisait pas at-
tention à leur degré de rogommation, et
on applaudissait de bon cœur. Ils ne de-
vaient pas rouler sur l'or, ces braves
gens-là, et on. ne pouvait pas leur en vou-
loir pour une petite consolation, fût-elle
renouvelée plusieurs fois par jour. Il y
avait d'ailleurs une femme qui imitait
Thérésa à s'y méprendre, et une autre qui
n'était pas désagréable à voir eu pifferaro,
chantant:
Vi va l'ltatia
La macaronada,
Viva la tomata,
Viva la fromaga,
Evviva la libertaî
sur l'air de l'Hymne de Garibaldi que le
gouvernement ne permettait pas de chan..
ter, de peur d'éveiller dans l'esprit des
foules des idées d'émancipation on ne
peut plus préjudiciables à la cause de l'or-
dre.
En sortant de ce concert, Pictonnez
éprouva la velléité de boire u\ne chope, ce
qui s'exécuta en chœur au Maza.rin; mais
les Copurchics étaient fatigués, et *3 gen-
tille Nichonnette dormait sur l'épaule
Coqsigno.
Toutefois, Maillochon se leva le premier,
et il alla fouiller dans les chambres de ses
camarades et leur enlever leurs bottes,
malgré leurs cris de protestation et de
désespoir, ce qui fit que Maillochon eut
dans sa chambre seize paires de bottes,
depuis les neuves jusqu'aux tournées,
aux éculées et percées.
Et comme il entendait crier sous ses
fenêtres : « Avez-vous de vieux chapeaux,
des habits à vendre? » il héla le sale indi-
vidu qui s'annonçait ainsi, et qui était
connu dans le Latium pour prêter à la
petite semaine, acheter les vieux habits
dans la journée et vendre des cannes le
soir sur le boulevard et dans les cafés.
- Père David, dit Maillochon, tu vois
toutes ces bottes?
— Hélas I que n'en voilà, mon amii ! dit
David avec un accent allemand prononcé.
— C'est à toi, si tu m'en donnes leur
poids d'or.
— Leur poids d'or ? Vous savez le cuir
n'est pas cher ! Il baisse, le cuir, il baisse I
Si les ouvriers étaient raisonnables, on
aurait la chaussure pour rien.
— Oili, mais les ouvriers se conduisent
comme des fous, ia chaussure est très
chère.
— Qu'est-ce que vous voulez que je
vende ça ? Elle a été remontée celle-là.
- Oui, mais pas les autres.
- Il n'y a que les tiges, et encore [ Et
puis, c'est pas des tiges à mettre dessous
le pantalon, c'est pas commode de dé-
faite. ^1 si c'était des bottes à mettre
dessous lC pantalon, j'en donnerais plus
cher.
— Tu sais, père David, ne te fiche pas
de moi, hein?
— Voyez, c'est percé. Il n'y a pas 1.
dire non, c'est percé, monsieur.
— Mais, vieux grigou,-en voici qui sont
neuves.
— Vous appelez ça neuf?
— Certainement, et des bottes de qua-
tre-vingts francs chez Delail.
— Quatrevingts francs ! quatrevingts
francs, des bottes 1 et le cuir baisse tElles
ne sont pas neuves pour ça. Le talon a
tourné, et le contrefort s'en ressent. Qui
est-ce qui pourrait être amateur de ces
bottes? Car ce n'est pas le tout d'acheter,
il faut vendre, et on ne vend rien, ça ne
va pas. Les grandes maisons de confec-
tion nous ruinent. Enfin, tenez, parce que
c'est vous.
Le père David prit une bourse en cuir,
d'ancien système et d'un usage ancien, et
il sortit une pièce d'or.
— Tenez, parce que c'est vous, voici
vingt francs, mais c'est cher !
— Vingt francs pour une paire ?
— Pour les seize, mon bon monsieur,
pour les seize I
EDGAR MONTEILt
tA outvrîl
- - J0)MINISTBAf I0K -
38, RUE DE VALOIS, la
ABONNEMENTS
IPAUIS
------
Trois mois. 10 »
Sikïnois. 20 »
DÉPARTEMENTS '7
Trois mois. 13 SO
Sismois. 22 4
- ~i
A dresser lettres et mftnSais , -
À M. ERNEST LEFÈVPiE : *
ADMMSTRATION GERANT i ( i
'0, ,..
-'
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire ae la Rédaction
»c r£ à 6 heures du soif
18, ZUÎE DE VALOIS, 18
Xes manuscrits noninsérés ne serontjpas renias
ANNONCES
.31'&£. Cli. IAGRANGE, CERF et GO
6»j»!ace de la Bourse, 6
LE 4 OCTOBRE
- -
Quand on a dit un moment que le
gouvernement avait choisi le 16 août
pour la date des élections générales,
les journaux réactionnaires ont poussé
des cris d'indignation. On escamotait
le vote ! On surprenait le pays avant
qu'il ne fut préparé ! On le réveillait en
sursaut et on lui mettait le bulletin sur
'a gorge !
Et puis, c'était bête. La Chambre
actuelle ne finissait qu'au 14 octobre. Du
16 aoùt au 14 octobre il y a deux mois.
Il y aurait donc deux mois pendant les-
quels la France aurait deux Chambres
des députés. Laquelle serait la bonne?
Supposez un incident qui réclamerait
tintervention des représentants du
: pays, un fait extérieur ou intérieur, au
dehors une attaque des Chinois ou une
querelle d'Allemand, au dedans la dé-
mission (peu probable) ou la mort (peu
souhaitable) du président de la Répu-
blique, suppose la nécessité brusque de
convoquer la Chambre ou le Congrès,
quels seraient les députés qu'on appelle-
rait au palais Bourbon ou à Versailles?
Seraient-ce les députés dont le man-
dat expirera en octobre, mais vit jus-
que là, ou les députés qui n'existeraient
légalement que dans deux mois, mais
qui moralement seraient les vrais dé-
putés?
La lettre de la loi ferait appeler la
Chambre agonisante, soit : vous figu-
rez-vous l'autorité qu'aurait dans une
question grave, et d'où dépendrait
: peut-être l'avenir de la nation, une
; Shambre passée et trépassée, et où la
majorité pourrait être faite de black-
boulés ?
Ainsi parlaient les. journaux réac-
tionnaires, et cette fois il était difficile
Je dire qu'ils parlaient mal.
Le gouvernement de la République,
W supposant qu'il ait eu un instant l'idée
du 16 août, y a renoncé. Il a accordé
aux journaux réactionnaires plus qu'ils
ne demandaient. Ils disaient ; le 27
septembre ; il a dit : le 4 octobre.
Bu 4 octobre au 14, il n'y aura donc
iue dix jours pendant lesquels la
France aura deux Chambres des dépu-
tés. 11 n'y aura même pas dix jours, à
vrai dire ; il n'y aura pas un jour, il n'y
aura pas une minute. Car le 4 octobre
ne sera que le premier jour des élec-
tions. Or, avec les listes multiples aux-
quelles il faut s'attendre, le premier
scrutin ne donnera qu'un nombre in-
suffisant de résultats. Nous ne parlons
pas des listes réactionnaires. Si tous les
ttipublicains s'entendaient, la question
serait vite résolue, et le suffrage uni ver-
tpl se prononcerait du coup. Mais, sûrs
eo la victoire définitive, les républicains
*$.0 croiront pas commettre une impru-
eii se divisant au premier tour. De
ïàTVeaucoup de ballottages. Ce n'est donc
pas le 4 octobre que la future Chambre
sera réellement née, c'est le 19, — cinq
jours après que la présente Chambre
sera expirée. Non-seulement il n'y aura
pas coexistence, mais il y aura presque
solution de continuité. Il faudra y met-
tre quelque complaisance pour dire :
— La Chambre est morte, vive la
Chambre!
Le gouvernement ayant accordé à la
réaction plus qu'elle ne lui demandait,
vous vous figuriez peut-être qu'elle al-
lait lui en savoir gré, qu'elle allait l'en
remercier, qu'elle allait l'en féliciter.
Non, vous ne vous le figuriez pas, la
connaissant. En effet, je lis dans un de
ses journaux que, si le gouvernement
a reculé de près de deux mois la date
des élections, c'est que « l'organisa-
tion électorale républicaine n'était pas
prête ».
Oui, mais voiei qu'un journal répu-
blicain a blâmé le gouvernement d'un
ajournement si long. Alors : « Ah f ah !
messieurs les républicains, a ricané un
journal réactionnaire, il ne semble pas
que la résolution du gouvernement de
fixer les élections au 4 octobre ait cause
dans votre camp une vive satisfaction ;
il est évident que vous désiriez une
date plus rapprochée. » Voyons, jour-
nal réactionnaire, si les républicains
désiraient une date plus rapprochée,
c'est donc qu'ils étaient en mesure,
et ce n'est donc pas parce que l'orga-
nisation électorale républicaine n'é -
tait pas prête que le gouvernement
a rejeté si loin les élections. C'est
donc, d'abord, par loyauté envers
ses adversaires, qui pouvaient n'être
pas aussi prêts que les républicains.
C'çst donc, ensuite, pour qu'il n'y eût
pas cet inconvénient, que vous signa-
liez avec nous, d'un pays qui, entre
une Chambre à moitié morte et une
Chambre à moitié née, aurait eu deux
Chambres des députés et n'en aurait
pas eu une.
C'est a ce double point de vue que,
pour notre part, nous approuvons le
gouvernement d'avoir mis les. élections
à la dernière limite possible. Autre-
ment, il nous eût été profondément
égal qu'il les mît le 4 octobre, le 27 no-
vembre ou le 16 août. Le suffrage uni-
versel a prouvé, à toutes les élections
depuis quinze ans, qu'à quelque heure
qu'on le prenne, c'est toujours l'heure
de la République.
.AUGUSTE VAGQUERtB.
*' 1 "1 i i i. i.
Le ministre de la guerre a reçu du gé-
néral de Courcy des dépêches qui rendent
compte de l'état sanitaire au Tonkin.
La citaielle de Tahn-Hoa a été oc-
cupée sans combat par cinq cents hommes
d'infanterie de marine, à la tête desquels
marchaient le Tong-Doc de Tahn-Hoa.
Le général fait connaître que l'épidémie
cholérique est en voie décroissante.
Il existe un mieux sensible coïncidant
avec l'abaissement de la température.
L'épidémie est en décroissance à Hanoï
etàHaïphong. 200 hommes sont en traite-
ment. Les cas sont rares à Hanoï, à Chu,
et à Quang-Yen. Partout le moral des
troupes est excellent.
Les évacuations du Tonkin sont sus-
pendues jusqu'à nouvel ordre.
Le général de Courcy ajoute qu'il re-
tournera à Hué dans quelques jours.
WÉMIWIMMMMIll II -
- ,,', L'AGITATION EN ESPAGNE ",
Au conseil des ministres, tenu hier à Ma-
drid sous la présidence du roi, a été lue la
note adressée par l'Espagne au cabinet de
Berlin pour réclamer ses droits sur les
Carolines, droits méconnus par la notifi-
cation du protectorat que l'Allemagne
prétend exercer sur ces iles.
Lecture a été faite aussi de la réponse
du cabinet de Berlin, annonçant qu'il ne
refuse pas de discuter les droits de l'Es-
pagne sur les Carolines ; puis de la se-
conde protestation de l'Espagne contre
une nareille nrétention.
Le ministre des affaires étrangères a
annoncé ensuite que le gouvernement
allemand avait adressé à Madrid un télé-
gramme relatif à la protestation de l'Es-
pagne : l'Allemagne n'accorde pas d'im-
portance à un incident qui ne peut altérer
ses bonnes relations avec l'Espagne ; elle
considère les Carolines comme n'appar-
tenant à personne, car l'Espagne n'y a
établi aucun fonctionnaire; elle enverra
de plus amples explications par courrier.
Les journaux espagnols sont unanimes
à considérer le dernier télégramme de
Berlin comme un moyen de gagner du
temps en attendant qu'on sache si les Al-
lemands ont occupé les Carolines avant
l'arrivée des vaisseaux espagnols dans ces
parages.
L'Espagne est très décidée à ne pas
continuer les négociations si l'Allemagne,
dans le cas où elle occuperait d; jà les Ca-
rolines, n'en ordonne pas l'évacuation
immédiate, afin que l'Espagne les occupe
aussitôt.
Le gouvernement espagnol attendra la
note explicative de l'Allemagne, mais ne
négligera pas les préparatifs de résistance
pour soutenir ses droits.
Les journaux carlistes offrent cent mille
hommes; les libéraux en offrent autant.
Un marin catalan suggère l'idée de déli-
vrer des patentes aux bâtiments de long
cours, qui, dit-il, auraient bien vite dé-
truit le commerce maritime allemand.
Trois officiers de l'armée ont renvoyé à
Berlin leurs décorations allemandes.
Un officier en activité de service a pris
part à la récente manifestation ; il a
été, pour ce fait, mis aux arrêts de ri-
gutur.
Deniers heure
Voici le texte de la réponse télégraphi-
que de l'Allemagne à la protestation de
l'Espagne, suivant les informations de
l'agence Fabra.
Le ministre ?)lénipotentiaire d'Espagne d Deî,lin
au ministre des affairés étrangères à Madrit.
Le ministre des affaires étrangères me
communique ce qui suit :
« Berlin, 24 août.
» Lorsque le gouvernement de Sa Majesté
l'empereur consentit à donner suite aux ins-
tances réitérées des sujets allemands faisant
le commerce aux îles Carolines pour obtenir
le protectorat sur cet archipel, jamais il n'eut
l'intention de préjudicier aux droits anté-
rieurs.
» D'après les documents qu'a racueillis le
gouvernement allemand, il croit que les Ca-
rolines forment un territoire vacant; c'est
pourquoi il prit la résolution annoncée, et il
ne comprend pas que l'Espagne ait vu dans
cet acte une atteinte portée à sa souveraineté,
et, afin de prévenir jusqu'à l'apparence d'une
semblable intention, le gouverne lient alle-
mand a avisé préalablement le gouverne-
ment espagnol avant d'arborer son drapeau
aux Carolines.
» En même temps il offrit d'examiner la
question et donna ses ordres aux. bâtiments
allemands en vue d'éviter toute sorte dt) con-
flit avec les forces espagnoles.
» Le gouvernement demeure absolument
disposé à dé ibérer à l'égard des droits qu'in-
voque l'Espagne, en apportant dans cet exa-
men les sentiments d'amitié dus aux bons
rapports qUI ont toujours existé entre les
deux monarchies, rapports que le gouverne-
ment allemand désire vivement augmenter
et rendre plus intimes.
» Au cas éventuel où cet examen n'abou-
tifait pas à un résultat satisfaisant par un
accord mutuel, le gouvernement allemand
est disposé à faire appel aux bons offices
d'une puissance amie des deux pays. »
Le Times annonce que le marquis de
Salisbury, en quittant Londres, hier soir,
se montrait pleinement satisfait de l'état
dans lequel il laissait les négociations re-
latives à l'incident afghan.
Il dit que sauf quelques points de détail
peu importants, ayant trait au tracé
technique de la ligne de démarcation, on
peut considérer comme complète l'entente
sur cette question.
——————— ———————
ORDRE, CONTRE-ORDRE, DÉSORDRE
A chaque appel des réservistes, on a
pu constater, depuis quelques années
déjà, que cette opération s'accomplis-
sait avec une régularité très satisfai-
sante. Dans les corps, l'habillement et
l'armement des hommes ne prenaient
plus qu'un temps très court, une jour-
née à peine. D'autre part, les réservis-
tes Tépondaient, comme d'ailleurs c'é-
tait leur devoir strict, avec la plus
grande exactitude aux convocations
dont ils étaient l'objet. Les manquants
étaient en nombre absolument insigni-
fiant, ainsi que les retardataires.
Pour assurer la continuation d'une
régularité si désirable, si nécessaire, il
semble que rien ne devrait être né-
glige. Il semble surtout que l'autorité
militaire ne devrait jamais montrer la
moindre hésitation pour des ordres
qu'elle peut donner à loisir et après
avoir pesé toutes les considérations.
Aussi ne nous expliquons-nous pas
très bien comment, à la date si tardive
du 17 août, M. le ministre de la guerre
ait pu songer à modifier des ordres de
convocation donnés pour le 25 du même
mois et portés depuis quelque temps
déjà à la connaissance des intéressés
par voie d affiche. Dans cette circulaire
qui n'aura guère été reçue avant le 20
par les généraux auxquels elle est
adressée. M. le ministre s'exprime ainsi :
Les affiches de convocation étant posées, il
a Veil de les modifier ou d'en apposer
d'autres. Mais j'ippeile votre attention sur là
nécessité ce procéder de telle sorte qu'il ne
puisse en résulter, pour les réservistes inté-
ressés, aucuuii incertitude.
L'intention est bonne, mais ce que
demande M. le ministre est une pure
impossibilité. L'incertitude qu'il ne
veut pas voir se produire, c'est lui, ou
plutôt ce sont ses bureaux qui l'ont
rendue inévitable. Un contre-ordre, en
ces matières, est la chose la plus fâ-
cheuse du monde, précisément parce
que le contre-ordre montre l'indécision
où les résolutions les plus immuables
sont attendues.
Il y a autre chose. Les affiches sont
posées depuis plusieurs semaines et les
intéressés ont dû les tenir pour vala-
bles. Tous leurs arrangements de fa-
mille et d'affaires ont été pris en con-
séquence. On les appelait à partir du
25 août. C'était entendu. Maintenant,
pour certains d'entre eux, l'appel est
renvoyé du 21. octobre au 17 no-
vembre.
Peut-on soutenir sérieusement que
ces modifications in extremis ne puis-
sent pas porter de très graves préju-
dices? Personne ne réclame et per-
sonne n'a le droit de réclamer contre
les exigences, quelles qu'elles soient,
de la loi militaire. Mais, en somme,
ses charges nécessaires sont assez
lourdes pour Que les fantaisies ou les
maladresses de l'administration ne
viennent pas encore y ajouter.
Encore si l'intérêt général pouvait
profiter, d'une façon quelconque, de
ces procédés fâcheux? Si on pouvait
dire que les hommes soumis à l'appel
ont besoin de ces surprises, doivent
être soumis à ce régime d'incertitude ?
Mais c'est le contraire qui est vrai,
puisque les réservistes se rendent à
leurs corps respectifs avec la ponctua-
lité la plus parfaite. C'est donc sans
bénéfice aucun que l'autorité militaire
montre ces hésitations. Bien plus, elle
rappelle ainsi des erreurs d'un autre
temps qu'on croyait ne plus devoir se
reproduire. Elle diminue la confiance
des subordonnés, qui ne peuvent man-
ui ne peuvent man-
quer de comme ter d'une manière fâ-
cheuse des tergiversations inexplicables
en temps de paix. Nous espérons, pour
notre compte, n'avoir plus à les si-
gnaler.
A. G tULIBR.
LA REPUBLIQUE ET LA RE ICTION
M. Ribot a prononcé plusieurs distours
dans le Pas-de-Calais depuis que la pé-
riode électorale est moralement ouverte.
Dans presque tous, il a développé cette
idée que les partis réactionnaires, au lieu
de se complaire dans d'impossibles espé-
rances, feraient beaucoup mieux d'adhé-
rer à la République et de lui apporter le
concours de leur expérience et de leur in-
fluence.
Il est permis de se demander si la France
gagnerait beaucoup à la réalisation de ce
vœu. Supposons qu'un beau jour les fac-
tions monarchiques, découragées de tant
d'échecs, écœurées de l'inaction de leurs
prétendants, jettent le manche après la
cognée et fassent en grand ce que MM.
Dugué de la Fauconnerie, Robert Mitchell
ont fait jadis isolément. D'abord, cette
adhésion serait-elle bien sincère? Au len-
demain de chaque révolution, les vieu\
partis ont crié: Vive la République! Ce
qui ne les a nullement empêchés de faire
ou de laisser faire le coup d'Etat, sous la
seconde République, et le Vingt-quatre-
Mai sous la troisième.
A supposer que M. Paul de Cassagnac
fasse à jamais son deuil de celui des trois
ou quatre empires qui lui tient particu-
lièrement au cœur, à supposer que M.
d'Andigné lâche don Jaime, et M. Bocher
le comte de Paris, quel profit, je vous le
demande, en résulterait-il pour nos insti-
tutions? Notre armée en sera-t-elle plus
forte? l'impôt en sera-t-il mieux assis? Si
encore cet antagonisme principal, cette
opposition portant sur la forme même du
gouvernement privait la nation de lu-
mières, de talents exceptionnels! Mais il
ne semble pas que ce soit le cas. De ce
qu'est un parti dans la minorité, on peut
conclure ce qu'il ferait une fois au pou-
voir. Or, si ce qu'on répète de tous les
côtés est exact, s'il est vrai que nous man-
quions d'hommes, cette disette se fait
principalement sentir sur les bancs de
l'opposition. Exceptez une douzaine de
vieux routiers parlementaires qui ont des
connaissances et l'expérience des affaires,
l'état-major réactionnaire ne sait pas le
premier mot de ce dont il parle. Il attaque
à tort et à travers, passant à côté des ob-
jections véritables, ressassant indéfiniment
de vieux sophismes qui font pitié. Il se-
rait malséant ici de citer des noms pro-
pres; ils viendraient en foule sous la
plume ; on n'aurait presque que l'embar-
ras du choix.
Par contre, que d'inconvénients directs,
immédiats, dériveraient de cette adhésion
verbale? N'y a-t-il pas dans notre Répu<
blique assez d'éléments réactionnaires,
assez d'institutions qui sont un legs du
passé'? On se plaint chaque jour que la
République tarde tant à produire toutes
ses conséquences; que serait-ce si elle
embarrassait encore sa marche des impe-
dimenta des anciens partis? Il en est un
peu de la politique comme de la guerre;
les armées les plus nombreuses ne sont
pas toujours les meilleures. Mieux vaut
souvent une petite phalange d'hommes
décidés et sachant ce qu'ils veulent
qu'une masse confuse où chacun tire de
son côté.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
Les Obsèques de l'amiral Courbet
- t-
On nous télégraphie des Salins d'Hyènes,
25 août, que le Bayard a mouillé eu rade
lundi soir, à neuf heures et demie. Il est,
placé à droite de l'escadre, ayant à sdn,
côté le Colbert et la Dévastation, et à deux
milles de terre environ.
Hier matin, à huit heures, les navires
ont mis pavillon en berne.
On a passé la journée à faire les prépa.
ratifs à bord du Bayard pour le service
funèbre, qui est définitivement fixé à ce
matin mercredi.
A cinq heures trente du matin, les cou.
leurs seront hissées et les vergues en pan-
tenne.
- A sept heures trente, les compagnies de
débarquement de l'escadre, avec les mu-
siques du Colbert et de la Dévastation,
iront à terre.
Le corps de l'amiral est placé dans son
cabinet de travail, à gauche, à la place de
son bureau; il est posé à terre et recouvert
de draperies tricolores.
A droite de l'entrée, on voit deux cou-
ronnes en fleurs, avec nœuds en soie vio"
lette; les fleurs sont passées. Ces deux
couronnes sont celles di-s colonies fran-
çaises de Shanghaï, de Mahé et des Sey-
chelles.
Le gros canon que pointa lui-même
l'amiral Courbet a été poussé un peu à
droite, pour donner plus d'espace.
Contre ce canon, on a placé les cou.
ronnes offert s par la marine de Bône,
par les officiers de cette garnison,
ainsi que par les dames de charité de la
ville.
Il y a sur le cercueil quelques cou-
ronnes superbes, offertes par la colonie
française de Suez, par celles du Caire,
d'Ismaïlia et de Port-Saïd.
De chaque côté de la bière, une rangés
de chandeliers.
Les couronnes offertes par les équipages
des navires de l'escadre ont dû arriver dans
la soirée ; celles du Bayard, de la Triom-
phante, du Dugua-f-lrouin sont apportées
par un ancien aide-de-camp de l'amiral,
M. Ravel.
La couronne du Bayard, commandée à
Marsei.le, mesure 1 m. 60. La première
garniture est en ft.mrs et en perles, cou-
pées par des filigranes d'or et d'argent.
Des feuilles de laurier et de chêne en or
et en argent entourent un magnifique
bouquet de roses en biscuit. Autour de
ce bouquet, les noms de Thuan-An, Son-
Tay, Fou-Tcheou, Kélung, Shepoo, Pes-
cadores, se détachent en lettres d'or. En
haut on lit : Le Bayard à son Amiral; en.
bas, deux initiales : A. C.
C'est à la même place où se trouve le
cercueil que le corps de l'amiral Courbet
iut placé sur un tapis pour le défilé de
l'équipage avant la mise en cercueil.
Le colonel Poulard, du 1er régiment de
hussards, est arrivé pour recevoir le corps
de l'amiral, au nom de Mme Cornet-
Courbet. Il l'accompagnera à Paris et à
Abbeville.
, (Dernièl'es dépêches)
Salins d'Hyères, 25 août.
A onze heures et demie, l'amiral Duperré,
avec son état-major, se rendit à bord, où il
fut reçu et accompagné jusqu'à la chambre
mortuaire par les commandants de Maigret
et parrayon.
Feuilleton du RAPPEL,
DC 27 ÂOOT
*~ •—i t-I— --- - Kurrffîr
42
LA BANDE
DES
COPURCHICS
ROMAN PARISIEN
XII
Les ComarcliEcs ,,"It(e.t
leurs lwttcs
( Suite)
:.¡;,;; Ce vin est vraiment bon, dit Pein-
tprIure. ii me rappelle la chanson du
ïfOupier :
« Bois de l'eau rougie » est le seul refrain
De mes officiers, le conseii me touche.
Suresne, Argentcui], couiez; et soudain
L'eau, rien qu'à vous voir, me vient à la bouche.
C'est là sans gîter
Le jus du raisin
Mettre en vrai troupier
De l'eau dans son via.
Le vrai, le pur troupier
jamais de l'art d aimer n'a connu la syntaxe,
----';¡\i8I.
Reproduction interdite.
,':Qjr le Rappetdu 13 juillet bu$6 aèftf,
L'amour est une taxe
Qu'il ue veut point payer ,
Mais le vin, le vin, le via,
Le jus divin,
ÎSais le vin, le vin, le via, sera toujours
Du vrai troupier les seuls amours.
— Bravo ! bravo 1 cria-t-on des diverses
tonnelles de l'établissement.
— ïl y a de la troupe, dit Coqsigno.
— Je crois qu'il est inutile de prendre
de la décoction de chicorée? dit Pic-
tonnez,
— Personne n'en éprouve le besoin.
-l'tous remplacerons le café par un
petit verre.
- Nous boirons notre tttàzag en ren-
trant à Paris.
- Allons prendre le chemin de fer.
;- - En avant, dit Coqsigno.
ta Nuit fient accrocher sou voile
r Aux arbres do chemin,
L'Amour lève la toile.
Nous rentrons au pays lâtia,
Et la main dans la main1-
nous fixons une étoile,
C'est l'étoile de la gaieté
Qui sourit à notre jeunesse.
AU l mieux vaut bonheur que rieîiçsîç.
Kous narguons notre pauvreté.
Je suis lasse
Il m'embrasse,
Salut mon cher petit lit,
L'Amour garde
La mansarde
Et bénisse notre nid!
comme chante VEtudiante de 4e Beau.
- C'est gentil, cette chansoîi me
t'apprendfas, dit Nichoanette.
— Non, dit Coqsigno, parce que tu n'es
pas cette étudiante-là.
En rentrant à Paris, Peinturlure dit :
— Si nous allions dans un beuglant ?
— C'est une idée, dit Maillochon, on
peut passer sa soirée
Au caf, caf, car, au café-concert.
Prenons un bon café sur le boule-
vard. Nous irons ensuite au Vert-Galant.
Le Vert-Galant était alors dans toute
sa gloire. C'était le beuglant de la rue de
la Contrescarpe-Dauphine qui se trans-
portait pendant la belle saison sur le terre-
plein du Pont-Neuf où l'air était constam-
ment frais, au point que nombre de gens
s'en revenaient avec un refrain et un
rhumatisme. Mais on avait les bains du
Pont-Neuf à côté de soi pour réagir au
besoin et on pouvait se passer l'envie
d'aller jusqu'à la Samaritaine en voyant
s'y déshabiller les personnes plus ou moins
charmantes qui oubliaient de tirer leur
rideau.
Les pauvres femmes qui étaient pbli-
gées d'exposer leurs épaules nues sur la
scène du Vert-Galant grelottaient, et c'é-
tait pour ça, selon les probabilités les
plus grandes, qu'elles avaient des chats
dans le gosier auxquels elles ne présen-
taient sûrement jamais de souris, car ils
ne voulaient pas sortir.
-
Les hommes, ce n'était pas des chats
qu'ils avaient de posés sur les cordes vo-
cales, c'était4e? litres.
Mais avec les zimboumboum des cym-
bales, trombones, grosse caisse et autres
forts instruments de Sax mêlés à ceux de
Crémone, et eu égard aux déhanchements
des femmes et des clarinettes et aux con-
torsions des hommes, on ne faisait pas at-
tention à leur degré de rogommation, et
on applaudissait de bon cœur. Ils ne de-
vaient pas rouler sur l'or, ces braves
gens-là, et on. ne pouvait pas leur en vou-
loir pour une petite consolation, fût-elle
renouvelée plusieurs fois par jour. Il y
avait d'ailleurs une femme qui imitait
Thérésa à s'y méprendre, et une autre qui
n'était pas désagréable à voir eu pifferaro,
chantant:
Vi va l'ltatia
La macaronada,
Viva la tomata,
Viva la fromaga,
Evviva la libertaî
sur l'air de l'Hymne de Garibaldi que le
gouvernement ne permettait pas de chan..
ter, de peur d'éveiller dans l'esprit des
foules des idées d'émancipation on ne
peut plus préjudiciables à la cause de l'or-
dre.
En sortant de ce concert, Pictonnez
éprouva la velléité de boire u\ne chope, ce
qui s'exécuta en chœur au Maza.rin; mais
les Copurchics étaient fatigués, et *3 gen-
tille Nichonnette dormait sur l'épaule
Coqsigno.
Toutefois, Maillochon se leva le premier,
et il alla fouiller dans les chambres de ses
camarades et leur enlever leurs bottes,
malgré leurs cris de protestation et de
désespoir, ce qui fit que Maillochon eut
dans sa chambre seize paires de bottes,
depuis les neuves jusqu'aux tournées,
aux éculées et percées.
Et comme il entendait crier sous ses
fenêtres : « Avez-vous de vieux chapeaux,
des habits à vendre? » il héla le sale indi-
vidu qui s'annonçait ainsi, et qui était
connu dans le Latium pour prêter à la
petite semaine, acheter les vieux habits
dans la journée et vendre des cannes le
soir sur le boulevard et dans les cafés.
- Père David, dit Maillochon, tu vois
toutes ces bottes?
— Hélas I que n'en voilà, mon amii ! dit
David avec un accent allemand prononcé.
— C'est à toi, si tu m'en donnes leur
poids d'or.
— Leur poids d'or ? Vous savez le cuir
n'est pas cher ! Il baisse, le cuir, il baisse I
Si les ouvriers étaient raisonnables, on
aurait la chaussure pour rien.
— Oili, mais les ouvriers se conduisent
comme des fous, ia chaussure est très
chère.
— Qu'est-ce que vous voulez que je
vende ça ? Elle a été remontée celle-là.
- Oui, mais pas les autres.
- Il n'y a que les tiges, et encore [ Et
puis, c'est pas des tiges à mettre dessous
le pantalon, c'est pas commode de dé-
faite. ^1 si c'était des bottes à mettre
dessous lC pantalon, j'en donnerais plus
cher.
— Tu sais, père David, ne te fiche pas
de moi, hein?
— Voyez, c'est percé. Il n'y a pas 1.
dire non, c'est percé, monsieur.
— Mais, vieux grigou,-en voici qui sont
neuves.
— Vous appelez ça neuf?
— Certainement, et des bottes de qua-
tre-vingts francs chez Delail.
— Quatrevingts francs ! quatrevingts
francs, des bottes 1 et le cuir baisse tElles
ne sont pas neuves pour ça. Le talon a
tourné, et le contrefort s'en ressent. Qui
est-ce qui pourrait être amateur de ces
bottes? Car ce n'est pas le tout d'acheter,
il faut vendre, et on ne vend rien, ça ne
va pas. Les grandes maisons de confec-
tion nous ruinent. Enfin, tenez, parce que
c'est vous.
Le père David prit une bourse en cuir,
d'ancien système et d'un usage ancien, et
il sortit une pièce d'or.
— Tenez, parce que c'est vous, voici
vingt francs, mais c'est cher !
— Vingt francs pour une paire ?
— Pour les seize, mon bon monsieur,
pour les seize I
EDGAR MONTEILt
tA outvrîl
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