Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-07-14
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 juillet 1885 14 juillet 1885
Description : 1885/07/14 (N5604). 1885/07/14 (N5604).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7539268h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
tt* 5604 Mardi 14 Juillet 1885 le numéro : lOo. — Départements s .S.. 28 Messidor an 93 — Ne 6804
ADMINISTEATIOIT
58, RUE DE VALOIS, lt
JLB ONNEMENTS
ÎPARIS
SRSïs&Ms. 10 y»
oikmois. 20 »
| BEPARTEMEOTCS^
Trois mois flSt
Sixmojs 22 a
JUresser lettres et mandais
A M. ERNEST LEFÈVBB J
aMINISTRA7EUIt.GÉlwœ
-- -. V
IŒDACTIOlf
S'a3resscr a«. Secrétaire de la Rédaction
De 6 à 6 heures du soir
48, JRXJE DE VAIOIS, 43
Ces manuscrits non insérés ne seront pas rendjd
ANNONCES
3W. Ch. IAGRANGE, CERF et C8
IIaoe de la Bourse, 6
Il STATUE DE VOLTAIRE
C'est demain qu'on inaugure la sta-
{t).e de Voltaire. Le jour où la Bastille
à croulé est bien choisi pour la glorifi-
cation de l'auteur du Dictionnaire philo-
sophique. « Ceci a tué cela. » Le livre a
lue l'édifice. Le papier a tué la pierre.
Voltaire est le premier vainqueur de la
Bastille.
J'ai encore dans l'oreille et dans l'es-
prit les paroles que Victor Hugo pro-
nonçait, il y a sept ans, au centenaire
àu mort immortel qui va revivre en
bronze :
- « Voltaire, ayant là sous les yeux
toutes ces forces réunies, la cour, la
iioblesse, la finance ; cette puissance
inconsciente, la multitude aveugle ;
cette effroyable magistrature, si lourde
aux sujets, si docile au maître, à ge-
noux sur le peuple devant le roi ; ce
clergé sinistrement mélangé d'hypo-
Brisie et de fanatisme ; Voltaire, seul,
déclara la guerre à cette coalition de
toutes les iniquités sociales, à ce monde
énorme et terrible, et il accepta la ba-
taille. Et quelle était son arme ? celle
qui a la légèreté du vent et la puissance
lié la foudre. Une plume. Avec cette
fcrme il a combattu, avec cette arme il
jà vaincu ».
Et Victor Hugo résume Voltaire en
ieux mots :
— « Il a été un grand esprit et un
immense cœur. »
C'est surtout d'avoir été un immense
éCèur que ses pires ennemis lui en
feulent. Comment les cléricaux lui
pardonneraient-ils d'avoir été l'adver-
saire des pénalités implacables, le défen-
deur de Calas et de Sirven, l'homme
Qui avait la fièvre à tous les anniver-
saires de la Saint-Barthélémy, celui qui,
~ur la condamnation de La Barre et
d'Etalonde, écrivait à d'Alembert : —
« Ce n'est plus le temps de plaisanter,
les bons mots ne conviennent plus aux
massacres. Quoi! des Busiris en robe
font périr dans les plus horribles sup-
plices des enfants de seize ans ! et la
nation le souffre ! A peine en parle-t-
¡On un moment; on court ensuite à
l'Opéra-Comique ! et la barbarie, deve-
nue plus insolente par notre silence,
égorgera demain qui elle voudra juri-
diquement. Ici Calas roué, là Sirven
pendu, plus loin un bâillon dans la
bouche d'un lieutenant-général; quinze
jours près, cinq jeunes genscondamnés
aux flammes pour des folies qui méri-
taient Saint-Lazare. Je le connais, ce
mufle de bœuf et ce cœur de tigre qui
mérite pour ses fureurs ce qu'il fait éprou-
ver à l'extravagance, et vous voulez pren-
dre le parti de rire ! il faudrait prendre
le parti de se venger. Ah! mon cher
ami, est-ce le temps de rire? Riait-on
en voyant chauffer le taureau de Phala-
ris? Je vous embrasse avec rage. Je
suis honteux d'être si sensible et si vif
à-mon âge. Je m'afflige des tremble-
ments de terre à Constantinople, tandis
que vous examinez gaiement combien
il faut de parties sulfureuses pour
renverser une ville dont les dimen-
sions sont données. Je plains les
gens dont on arrache la langue, tandis
que vous vous servez de la vôtre pour
dire .des choses très agréables et très
plaisantes. Je viens de voir dans la
Gazette de France un article du tonnerre
qui a pulvérisé une vieille femme, et le
tonnerre n'est pas tombé sur les juges
d'Abbeville; comment cela peut-il se
souffrir ? Monstres persécuteurs, qu'on
medonne seulement septou huit person-
nes que je puisse conduire, et je vous
exterminerai ÏH On conçoit que les cléri-
caux aient horreur d'un homme qui avait
cette rage d'humanité, qu'ils le pour-
suivent dans sa tombe, qu'ils l'éclabous-
sent de tout ce qu'ils ont de boue dans
leur encrier, qu'ils vident sur lui toutes
leurs ordures.
Leur grand prétexte pour déposer
leurs articles le long de Voltaire, c'est
qu'il a quelquefois aimé et acclamé les
ennemis de la France officielle et mo-
mentanée. Il ne les a jamais aimés que
pour mieux haïr les ennemis de l'hu-
manité, de la tolérance et du progrès.
Et, pour ceux qui regardent la France
comme la nation humaine par excel-
lence, c'est peut-être au moment où
Voltaire semblait être moins Français
qu'il l'a été davantage. Et puis, n'est-
ce pas beau, le patriotisme de ceux
dont le héros légendaire est Condé et
qui sont rentrés de l'émigration dans
les fourgons prussiens?
Mais il a insulté Jeanne d'Arc? C'est
encore une chose stupéfiante, les clé-
ricaux se faisant les protecteurs de
celle qui a dit : — Evêque, je meurs
par vous. Ah! si, demain, quand on
saluera la statue de Voltaire, la statue
de Jeanne d'Arc pouvait prendre la
parole, avec quelle indignation elle
leur crierait :
— Vous me protégez, vous ! Vous
me vengez, vous ! Je n'aurais à être
vengée que de vous ! Vengée par vous?
Et de qui? De Voltaire ! De celui qui a
dit que « j'aurais eu des autels dans
les temps héroïques où les hommes en
élevaient à leurs libérateurs ». Ah oui,
je sais, il a fait un poème pour rire,
non pas contre moi au fond, mais con-
tre la superstition, contre l'inquisition,
contre la crédulité aux dogmes qui
m'ont assassinée. Il m'a raillée, soit,
et cela vous paraît monstrueux à vous
qui n'avez fait que me brûler vive.
Voltaire a été l'ennemi de la justice
féroce, le belluaire de la magistrature
tigresse, le tueur du meurtre légal.
Voltaire, s'il avait été possible de
mon temps, m'aurait sauvée ! Et vous
croyez que, pour quelques mauvaises
plaisanteries, vous me ferez mécon-
naître la grandeur et la bonté du tueur
des superstitions qui m'ont tuée ! Et
vous croyez que je vous aiderai con-
tre le défenseur de Calas et de Sirven,
qui aurait été le mien ! Taisez-vous ! et
laissez-moi écouter l'hommage qu'on
fait si bien de rendre à l'homme excel-
lent par qui les prêtres ne brûleront
plus personne !
AUGUSTE VACQUERIE.
El Correo, de Madrid, dit qu'on com-
mente beaucoup le passage du discours
de M. Canovas, relatif à la santé du roi et
aux conséquences que produirait sa mort.
Selon le compte-rendu officiel de la
séance, M. Canovas aurait dit : a Le gou-
vernement croit qu'après la mort d'Al-
phonse XII la guerre civile éclaterait, en-
traînant avec elle la perte de l'unité et de
l'intégrité de la patrie, ainsi que la ruine
totale de ses intérêts. »
Nous nous étions laissé raconter qu'un
avantage de la monarchie sur la Répu-
blique, c'est que, grâce à l'hérédité, le pou-
voir n'est jamais vacant; de là la sécu-
rité, la stabilité et une foule d'autres
biens.
Et voici que le ministre d'une monar-
chie nous annonce que, lorsque le monar-
que meurt, tout craque.
Comme aveu, c'est plus franc que ras-
surant.
DISCOURS DE M. ACHARD
Pendant que le comité errant des
Babyloniens cherche des formules équi-
voques pour remplacer les programmes
qui l'embarrassent ; pendant qu'ou-
blieux des principes et soucieux seule-
ment des personnes, il ne voit dans la
grande consultation nationale qui va
s'ouvrir qu'un prétexte pour organiser
une société d'assurance mutuelle pour
la réélection de ses membres les plus
compromis; pendant qu'il livre volon-
tairement aux sénateurs, aux hommes
du suffrage restreint la direction du
suffrage universel, les manifestations
des esprits indépendants se multiplient
et les programmes des républicains qui
n'ont rien à cacher de leur pensée, qui
veulent loyalement en appeler au juge-
ment éclairé de leurs concitoyens, s of-
frent chaque jour aux commentaires,
aux critiques de leurs adversaires.
C'est seulement ainsi, c'est par cette
sincérité, cette franchise, c'est en s'ex-
pliquant à maintes reprises, longtemps
avant les élections, qu'on peut faire
honnêtement appel au pays. Un mani-
feste unique, solennel et tardif peut
convenir à ceux qui redoutent la dis-
cussion et la lumière, à ceux qui n'ont
que des fautes à confesser et des erreurs
à dissimuler. Ceux qui consultent le
suffrage universel sans la prétentiun de
lui dicter d'avance la réponse et avec le
respect de sa souveraineté ne sauraient
trop multiplier ces communications, ces
comptes-rendus, ces déclarations de
principes. -
11 faut donc féliciter l'honorable M.
Achard, appelé à présider les dernières
réunions de la gauche radicale, d'avoir
à nouveau formulé les aspirations de
ses amis en prenant possession de son
siège. La plupart des noms des mem-
bres de ce groupe figurent au bas du
programme récemment publié. Mais
cela ne veut pas dire que l'idéal réfor-
mateur des signataires soit borné aux
cinq ou six points spéciaux mentionnés
dans la déclaration. C'est, comme on
l'a déjà expliqué, un minimum com-
mun que peuvent accepter tous les ré-
publicains, rien de plus. De la part de
l'honorable M. Achard, dont les con-
victions démocratiques sont depuis
longtemps connues et éprouvées, cette
parole pouvait n'être pas utile ; mais
comme elle a été prononcée en pré-
sence et, en quelque sorte, au nom du
groupe, on peut admettre que, pour
les députés appartenant à la gauche ra-
dicale aussi bien que pour ceux qui
sont inscrits à l'extrême gauche, il ne
s'agit, comme le porte la déclaration,
que d'un simple minimum.
M. Achard, au terme d'une législa-
ture, a passé en revue ce qui avait été
fait ou plutôt ce qu'on aurait dû faire.
H a constaté, comme tout le monde, la
stérilité incroyable de cette majorité
prétendue réformatrice qui n'a su res-
ter fidèle qu'au nouveau dogme de la
stabilité ministérielle et qui, sous ce
prétexte, en est arrivée à la plus lamen-
table abdication.
Parlant de la nécessité de défendre la
République dans la prochaine lutte
électorale, M. Achard a constaté, non
sans raison, que cette tâche serait sur-
tout facile « à ceux qui, n'ayant en
rien participé aux fautes dont on se
prévaudra pour l'attaquer, auront le
droit d'afârmer que ces fautes sont
personnelles aux hommes d'Etat qui
les ont commises, et qu'elles ne sau-
raient être imputées à la forme, à l'es-
sence même du gouvernement. » C'est
à peu près ce que M. Pelletan redisait
hier à la Chambre, et ce que M. Clé-
menceau avait déjà établi avec beau-
coup de force dans l'un de ses discours.
Le péril est pour nous dans la conti-
nuation des abus de la monarchie,
dans la pratique de la politique monar-
chique.
En terminant son éloquente allocu-
tion, M. Achard s'est exprimé ainsi :
L'entente nouée à l'occasion des élections
entre des hommes de nuances différentes, ne
devra-t-elle pas être l'origine de relations plus
intimes et plus durables? J'espère, pour ma
part, qu'il en sera ainsi et que cette entente
aura été le point de départ de la constitution
du grand parti libéral démocratique, réunis-
sant tous les citoyens qui estiment que la
liberté est l'instrument par excellence du progrès
humain qui, lui-même, est inséparable des idées
de justice et d'humanité, et que la République
est la seule forme de gouvernement qui com-
porte le plein et entier exercice de la liberté.
Dans ce parti, chacun garderait le droit de
poursuivre l'idéal qui a toujours été le sien,
chacun à l'abri de la plus large tolérance, y
demeurerait ce qu'il est, avec ses habitudes
d'esprit et son tempérament. Quelle influence
n'aurait pas un parti constitué sur ces bases,
qui grouperait toutes les bonnes volontés et
tous Les dévouements, en vue de l'affermisse-
ment de nos institutions et de l'épanuuisse-
ment de la démocratie !
En attendant, mes chers collègues, prépa-
rons-nous aux élections avec le sentiment de
la gravité de l'acte que le pays va accomplir,
et avec la certitude qu'il ne sera rien fait qui
puisse empêcher le suffrage universel d'expri-
mer librement ses volontés ; nous en avons
pour garant la promesse qui nous a été faite,
que la consultation serait sincère et affran-
chie de toute pression administrativè, et
mieux que cette promesse, la loyauté' éprouvée
des hommes qui sont à ln. têtp. du gouvernement.
Nous savous que nous n'avons pas à redou-
ter le renouvellement de la surprise de 1881,
et que la date des élections ne sera fixée
qu'en nous laissant assez de marge avant l ouver-
ture de la période électorale, pour que nous puis-
sions avoir avec nos électeurs les relations
directes que comporte l'exercice de la souve-
raineté nationale, et sans lesquelles le nou-
veau mode de scrutin ne serait qu'une mysti-
cation pour le suffrage universel.
Comme l'honorable président de la
gauche radicale, nous croyons que la
République est la seule forme de gou-
vernement compatible avec le plein
exercice de la liberté. Nous ne compre-
nons donc pas ceux qui cherchent ail-
leurs les bases de ce gouvernement.
C'est là une des vérités qui ont été le
plus obscurcies, en ces dernières an-
nées, par mille sophismes ; c'est aussi
la notion qu'il faut s'efforcer de bien
mettre en lumière pendant la période
électorale. Cette période ne saurait
donc, comme le dit M. Achard, s'ouvrir
prématurément par une sorte de sur-
prise. Comme lui, nous sommes cer-
tains que la loyauté des hommes placés
à la tête du gouvernement donne à cet
égard toute garautie au suffrage uni-
versel. Il faut bien que les élec-
teurs aient le temps de rompre les
toiles d'araignées ourdies depuis si
longtemps autour d'eux ; il faut bien
que les intrigues sénatoriales soient
partout démasquées et déjouées puis-
que partout on les signale : dans i
l'Ariège, dans l'Aude, dans la Côte-
d'Or, dans l'Isère, dans l'Allier, dans
le Calvados, etc., etc. Il faut bien que
le suffrage universel ait le temps de
reconnaître les pièges du suffrage res-
treint et de tous ses caporaux. Il faut
bien qu'on ait le temps de faire justice,
au grand jour, des listes dressées dans
l'ombre par les prétendus électeurs de
droit 1
A. GAULIB&.,
Le Club Washington de Funchal (Ma-
dère) adresse à M. Auguste Vacquerie le
compte-rendu suivant de sa séance du
31 mai 1885, tenue « pour rendre le der-
nier hommage à Victor Hugo » :
Présidence de M. Alexandre-José Aires, pré-
sident.
Assesseurs : MM. Antonio dos Santos Britto;
Candido Augusto Gomes.
La séance est ouverte à neuf heures et de-
mie du soir.
M. le président fait l'éloge de Victor Hugo,
le regretté patriote, l'illustre mort que tout le
monde pleurera toujours, le membre hono-
raire dont se glorifiait le Club Washington.
Il dit que cette association manquerait au
plus sacré de ses devoirs si elle ne venait pas,
devant le public républicain, devant le pays,
devant le monde entier, manifester la douleur
que lui cause la catastrophe qui vient d'as-
saillir l'humanité : la mort de Victor Hugo.
Ensuite, M. le docteur José de Castro dit
que la mort de Victor Hugo peut bien être
considérée comme le plus grand évènement
du siècle, puisque Victor Hugo, l'apôtre du
bien, le défenseur des opprimés, est le plus
grand génie, non pas du siècle, mais de toute
la vie du genre humain.
La parole est donnée ensuite à M. Augusto-
José Vieiro : — Quand le 27 février dernier,
cette même association était réunie- pour fêter
l'anniversaire de la naissance de Victor Hugo,
on était joyeux, parce que personne ne se
do utait que, de sitôt, la mort aurait la har-
diesse de commettre son plus grand crime :
l'assassinat de Victor Hugo. Nous étions si
habitués à le croire immortel que sa mort,
l'idée seule de ce malheur, atteignait pour
nous les proportions de l'impossible.
Sur la proposition de M. le docteur José de
Castro, l'assemblée décide, à l'unanimité des
voix, d'envoyer copie de ce procès-verbal au
noble représentant de la famille du grand
Victor Hugo.
La séance est close à onze heures.
Le secrétaire,
CANDIDO GOMES
Le président,
ALEXANDRE JOSE ALVES
JOSÉ-JOAQUIM MENDES, AUGUSTO-JOSÉ
VIEIRO, HENRIQUE GONCALVES, PEDRO-
CÉSAR DE DlUTTO, AZEVEDO BAIIOS,
JOAO-FRANCISCO PEVADOS SANTOS,
ABANUEL-ANASTACIO D'ORNELLAS, JOA-
QUIM-CANDIDO DE FREITAS, RICARDO
VIEIRO DE SOUZAS, JOAO-AUGUSTO
D'ANDRADE, JOAO-EDUARDO PESTANO,
MANOEL-JOSÉ DE FRBITAS, FRANCISCO-
GOJIES DA SILVA, HENRIQUE DE
FREITAS, ALFREDO-JULIO DA SILVA,
MANOEL DE SOUSA-HENRIQUEZ, JOSE-
VICENCE DE SOUSA, MANUEL-JOAO DA
SILVA, JULIO DA SILVA, MANOEL-
ALFREDO BAPTISTA, JOSÉ DE FREI-
TAS PESTANO, JOAO-AUGUSTA DE BAR-
ROS, JACINTHO-CÉSARPESTONIA, FRAN-
CIXO-NUNBS CORRÊO, LEANDRO-EUGH-
NIO DE FREITAS, JOAO DA SILVA,
FRANCISCO GOMES, CHRISTOVAO FER-
ftANDEZ, JOSE-ANTONIO FEISCEIRA,
JOAO-FIGUEIRA QIUNTAL, JOSÉ FRAN-
CISCO, ANTONIO-GOMES CAMARA, FRAN-
CISCO RODRIGUEZ, JACINTHO D'ORNEL-
LAS , AUGUSTO BORGE-OORRÉA DE
SAMPAIO , ANTONIO-MARIA-AZEVEDO
ALVES , AUGUSTO-FERNANDES-MAR-
QUES DIAS, J.-F. PENA 80S SANTOS,
ANGULO SANTOS, JOSÉ-GOMES HENRI-
QUES, AUGUSTO-C. FRINDAD, ClDODAO-
ALBINO D'ABREY, HENRIQUB-ORUIDO
ALEXANDRINO, SABINO-JOAQUIM RUIS,
ANTONIO DOS SANTOS-BRITTO, JOSÉ DE
CASTRO.
—————————— qb
Crise ministérielle en Espagne :
Une dépêche de Madrid, 12 juillet, nous
apporte la nouvelle suivante :
A la suite d'un long conseil de cabinet tenu
sous la présidence de M. Canovas, les minis-
tres de la marine et de l'intérieur ont «OOM
leur démission.
M. Canovas s'est rendu auprès du roi.
On ignore encore si d'autres ministres do&;
neront leur démission.
On télégraphie d'Alger, 12 juillet »
L'existence du phylloxera à Mansourah près
dé Tlemcen a été définitivement constatée.
On ignore comment il a été importé. f m
vignes atteintes occupent une superficie d'en-
viron dix hectares. Les taches apparaissent
par places de peu d'étendue.
Un arrêté portant déclaration d'infection
des vignes atteintes et fixant à un rayon de
deux kilomètres la zone de protection, a été
pris aussitôt par le gouverneur général, con-
formément à la loi du 21 mars 1883.
La destruction des vignes a été commencée
dès le 9 juillet ; la désinfection au moyen du
pétrole est activement menée, en attendant
que l'on reçoive du sulfure de carbone qui est
prochainement attendu.
L'autorité militaire a mis à la disposition
des opérateurs un certain nombre de soldati
pour garder les vignes contaminées et exé-
euter les travaux de désinfection.
Les investigations continuent en vue de
reconnaître si le phylloxera n'existe pas sur
d'autres points.
On espère que la promptitude et l'énergie
des mesures préservatrices permettront da
localiser le mal.
LES ON-DIT
Un décret rendu sur le rapport du mi-
nistre de l'instruction publique, en vertu
d'une délibération du conseil municipal
de Besançon, décide que le lycée de Be-
sançon prendra désormais le titre de « ly-
cée Victor Hugo ».
?
£ S*
M. Edmond Turquet est parti hier pour
Dieppe, où sa famille est installée.
On n'a pas oublié l'accident dont a éti
victime le sous-secrétaire d'Etat aux beaux-
arts. C'est pour s'en remettre entièrement
qu'il quitte momentanément Paris. Quel*
ques jours de repos achèveront une gu6-
rison dont se réjouiront, avec les nom-
breux amis de M. Turquet, tous ceux qui
s'intéressent aux beaux-arts.
»
8.
L'Académie des beaux-arts a entendu
dans sa dernière séance — il juillet —
les rapports des sections sur les envois de,
Rome actuellement exposés.
La section d'architecture a fait la pré-
sentation des candidats à la place vacante
de M. Ballu. Ils ont été classés dans l'or-
dre suivant: 1° M. Daumet; 2° M. Noiv
mant; 3° M. Ancelet; 40 M. Coquartz
5° M. Brune.
L'Académie a ajouté à la liste les
noms suivants : MM. Guadet, Pascal e~
Hénard.
L'élection aura lieu samedi prochain,
«
40
C'est aujourd'hui, lundi, à dix heures
du matin, ainsi que nous l'avons annoncé,
qu'aura lieu à la Salpêtrière l'inaugura-
tion du monument élevé à la mémoire du
docteur Pinel. Ce monument s'élève a a
milieu d'une pelouse mesurant 1 mètre 20
de largeur, entourée elle-même d'un gril-
lage de 90 centimètres de hauteur ; il est
dû à l'architecte Monjot de Daumartin.
Le sculpteur Ludovic Durand a symbo-
lisé l'idée qui se rattache au souvenir da
Pinel. Le groupe principal comprend deux
figures et représente le grand docteur te-
nant dans sa main droite des fers brisés ;
à ses pieds est une jeune fille aliénée
dont les yeux se lèvent vers son bienfai-
teur. Les bras de cette jeune fille ont con.
servé l'attitude de l'enchaînement. Le
torse est souple èt gracieux. La folle ra-
masse des fleurs qu'elle semble vouloir
donner à Pinel.
Après la remise de la statue par M. Da-
gonet, médecin en chef de l'asile Sainte.
Anne, président de la Société psychologi-
que, un déjeuner aura lieu à l'hospice da
la Salpêtrière.
Assisteront à la cérémonie : MM. Allain;
Peuilleton du RAPPEL
DU i4 JUILLET
l .fI! ,.Ai:: ——
LA BANDE
DES
C0PU RCHICS
ItOMÂN PARISIEN
[
Lee cepurehles. - (Sulto)
a^Âh 1 mes enfants, dit la brave femme,
S'est gentil d'avoir pensé à moi ; il faut
boire à ma santé.
— Tiens, s'écria Coqsigno, messieurs ;
la mère Bonbail va nous payer quelque
chose.
— Ça va joliment la changer.
- Croyez que je vais vous payer à boire,
jlit Mme Bonbail, et buvez de l'eau I Le
Reproduction interdite.
Voir le Rappel du (3 juillet.
beau mérite que vous buviez à ma santé,
si je payais les bouteilles. Je vous aiderai
seulement à les vider, ainsi que M. Bon-
bail, mon mari. Hé 1 Bonbail, monte du
vin bouché, du caehet vert, pour tous ces
messieurs.
— Comment, pour tous? firent les
clients.
— Je veux dire une bouteille pour cha-
que table. Oh ! je ne veux pas vous in-
duire en dépense, mes enfants.
- Pas mal, dit Guibolmar, il y a ici
quinze tables et le cachet vert est à trois
francs, ce qui donne déjà quarante-cinq
francs, et comme la bouteille cachet vert
se retrouvera sur la note de chaque client,
la mère Bonbail aura gagné quatre cents
francs dans sa journée, pour sa fête.
— Oh 1 mon fils, dit Mme Bonbail, com-
ment oses-tu dire de pareilles infamies i
— Au moins, dit Guibolmar, le bœuf
aux choux est-il meilleur? Allons, le bœuf
aux choux du grand Corneille, mère Bon-
bail, et deux sous de pain.
— Vive Astasie Bonbail! s'écria une
voix fraîche.
— Tiens, c'est Amelinal
— Vive Astasie Bonbail ! répéta Amelina
en brandissant un énorme bouquet.
— Ah ! ma fille, merci, dit Mme Bon-
bail. Tu as dû joliment trimer pour gagner
un bouquet si magnifique. Mâtin! il y en
a des fleurs t Enfin. nous sommes au mois
de mai. Assieds-toi, je te paie à dé-
jeuner.
— Ici, Amelina, par ici, assieds-toi, là,
là, auprès de nous, s'écria-t-on de diverses
tables.
— Avec les Copurchics, dit Amelina en
se plaçant à côté de Maillochon.
Amelina était née au Petit-Montrouge
qui dispute à Montmartre le privilège de
la production des jolies Parisiennes. Elle
était blonde comme les blés et avait des
yeux de pervenche. Son nez fin et re-
troussé sur une petite bouche aussi re-
troussée que le nez prenait toujours de
petits airs gaillards.
- Cette Amelina, dit Coqsigno, elle a
un teint de lys et de roses t Et elle est
faite comme la Vénus turque.
— Qu'est-ce que c'est que ça, la Vénus
turque ?
— C'est la Vénus qu'Ali pige.
— A la porte l
— Maman Bonbail, cria Guibolmar, des
rognons et deux sous de pain.
— Ah 1 je reconnais Guibolmar, dit
Amelina. Vous mangez toujours dix sous
de pain à votre déjecner?
— Et autant à mon dîner. C'est la faute
des portions du père Bonbail qui sont trop
petites.
— Vingt sous de pain par jour! Vous
devez ruiner votre famille.
— Bonne fête & Astasie Bonbail, gargo-
tière de premier acabit, cria un nouvel
arrivant.
— Ah r voilà Bernard.
— Et Titine Laribouille (
— Avec un commissionnaire.
Le commissionnaire portait deux énor-
mes hortensias.
— Pour toi, dit Titine Laribouille à Mme
Bonbail.
— Ohl merci, ma fille, dit la gargotière
en l'embrassant. C'est ça qui va orner
mon comptoir I Assieds-toi, je t'offre à
manger comme à Amelina.
— Elle est ici, Amelina? Ah 1 tiens, com-
ment allez-vous? dit Titine Laribouille en
tendant sa main à la blonde fille.
— On ne vous voit plus, Titine.
— on l moi, vous savez, j ai passé 1 eau
et je ne repique dans le quartier que les
jours où je sens un besoin absolu de rire,
ou encore les jours de sortie de mon petit
normalien.
— Tu l'aimes donc toujours, ton nor-
malien ? demanda Pictonnez.
— Toujours.
— Femme fidèle 1
- Pourquoi pas? Ils sont si crétins sur
la rive droite !
Titine Laribouille était de Nîmes ;
brune, les yeux pétillants, grasse et fort
petite. Elle était camarade avec les Go»
purchics, mais elle ne tutoyait que Pic-
tonnez de Barbafoin.
— Fais-moi une place, Pictonnez, dit-
elle, je vais m'asseoir à côté de toi.
- Je te fais cette place avec félicité.
- Félicité? Elle est ici? demanda Ame-
lina.
- Tu n'as pas compris.
- Tu n'habites pourtant pas la rive
droite, dit Titine.
Amelina était jolie, mais elle n'avait
certainement pas un esprit développé
outre mesure. Bah I l'esprit n'était pas ce
qu'on lui demandait; on aimait mieux la
voir que lui parler. Ses grands yeux
étaient ravissants et sa peau si douce au
toucher qu'on en avait des frissons fris-
sonnants jusqu'à la troisième capucine de
la moëlle épinière.
Aussi, à cause d'elle, Guibolmar était
jaloux de Maillochon. Et, par malheur, ce
Maillochon de Lavaloir se penchait tou-
jours de manière à intercepter le rayon
visuel allant des yeux de Guibolmar à
ceux d'Amelina, et réciproquement.
— Mère Bonbail, s'écria Guibolmar, une
confiture et deux sous de pain.
— Voilà les dix sous de pain de Gui-
bolmar!
— Après? dit Guibolmar, je les paie.
Et ce n'est pas ça qui me rend heureux,
par si je ne les payais pas je serais plus
riche.- Ah 1 si j'avais un million à dépenser
tous les huit iours au lieu des auatrCl.
cents malheureux francs que le facteur me
transmet mensuellement!.
— Tu ne mangerais que truffes, ananas
et rôties à la croustade avec quarante
sous de pain !
— Non, dit Guibolmar. Je donnerais t
Maillochon ce qu'il me demanderait pour
ôter son vilain museau des devants char-
mants d'Amelina, et j'offrirais à celle-ci
des robes lamées d'argent et d'or et bro-
dées de perles pour qu'elle me restât
fidèle une semaine.
— Quelle prétention 1 s'écria Titine.
Mais Maillochon se leva :
— Amelina, dit-il, m'aimes-tu?
f - En voilà une question 1
.- Ah I mon pauvre Maillochon, dit Ti*
tine Laribouille, tu en es encore à deman-
der ça aux femmes 1
- M'aimes-tu, Amelina? redemanda
Maillochon.
— Certainement répondit Amelina.
— Alors, lève-toi.'
Amelina se leva, et Maîiù?0*1®" c*.1411*
geant son couvert de place lui div »
- Va t'asseoir près de Guibolmar. ®
toi, Guibolmar, ajouta-t-il, je te permâit
t'autorise et te somme de faire la cour à
Amelina. Soyez heureux, enfants, c'est
moi qui vous b6nis.
EDGAR MONTEIU
lA guWre.l
ADMINISTEATIOIT
58, RUE DE VALOIS, lt
JLB ONNEMENTS
ÎPARIS
SRSïs&Ms. 10 y»
oikmois. 20 »
| BEPARTEMEOTCS^
Trois mois flSt
Sixmojs 22 a
JUresser lettres et mandais
A M. ERNEST LEFÈVBB J
aMINISTRA7EUIt.GÉlwœ
-- -. V
IŒDACTIOlf
S'a3resscr a«. Secrétaire de la Rédaction
De 6 à 6 heures du soir
48, JRXJE DE VAIOIS, 43
Ces manuscrits non insérés ne seront pas rendjd
ANNONCES
3W. Ch. IAGRANGE, CERF et C8
IIaoe de la Bourse, 6
Il STATUE DE VOLTAIRE
C'est demain qu'on inaugure la sta-
{t).e de Voltaire. Le jour où la Bastille
à croulé est bien choisi pour la glorifi-
cation de l'auteur du Dictionnaire philo-
sophique. « Ceci a tué cela. » Le livre a
lue l'édifice. Le papier a tué la pierre.
Voltaire est le premier vainqueur de la
Bastille.
J'ai encore dans l'oreille et dans l'es-
prit les paroles que Victor Hugo pro-
nonçait, il y a sept ans, au centenaire
àu mort immortel qui va revivre en
bronze :
- « Voltaire, ayant là sous les yeux
toutes ces forces réunies, la cour, la
iioblesse, la finance ; cette puissance
inconsciente, la multitude aveugle ;
cette effroyable magistrature, si lourde
aux sujets, si docile au maître, à ge-
noux sur le peuple devant le roi ; ce
clergé sinistrement mélangé d'hypo-
Brisie et de fanatisme ; Voltaire, seul,
déclara la guerre à cette coalition de
toutes les iniquités sociales, à ce monde
énorme et terrible, et il accepta la ba-
taille. Et quelle était son arme ? celle
qui a la légèreté du vent et la puissance
lié la foudre. Une plume. Avec cette
fcrme il a combattu, avec cette arme il
jà vaincu ».
Et Victor Hugo résume Voltaire en
ieux mots :
— « Il a été un grand esprit et un
immense cœur. »
C'est surtout d'avoir été un immense
éCèur que ses pires ennemis lui en
feulent. Comment les cléricaux lui
pardonneraient-ils d'avoir été l'adver-
saire des pénalités implacables, le défen-
deur de Calas et de Sirven, l'homme
Qui avait la fièvre à tous les anniver-
saires de la Saint-Barthélémy, celui qui,
~ur la condamnation de La Barre et
d'Etalonde, écrivait à d'Alembert : —
« Ce n'est plus le temps de plaisanter,
les bons mots ne conviennent plus aux
massacres. Quoi! des Busiris en robe
font périr dans les plus horribles sup-
plices des enfants de seize ans ! et la
nation le souffre ! A peine en parle-t-
¡On un moment; on court ensuite à
l'Opéra-Comique ! et la barbarie, deve-
nue plus insolente par notre silence,
égorgera demain qui elle voudra juri-
diquement. Ici Calas roué, là Sirven
pendu, plus loin un bâillon dans la
bouche d'un lieutenant-général; quinze
jours près, cinq jeunes genscondamnés
aux flammes pour des folies qui méri-
taient Saint-Lazare. Je le connais, ce
mufle de bœuf et ce cœur de tigre qui
mérite pour ses fureurs ce qu'il fait éprou-
ver à l'extravagance, et vous voulez pren-
dre le parti de rire ! il faudrait prendre
le parti de se venger. Ah! mon cher
ami, est-ce le temps de rire? Riait-on
en voyant chauffer le taureau de Phala-
ris? Je vous embrasse avec rage. Je
suis honteux d'être si sensible et si vif
à-mon âge. Je m'afflige des tremble-
ments de terre à Constantinople, tandis
que vous examinez gaiement combien
il faut de parties sulfureuses pour
renverser une ville dont les dimen-
sions sont données. Je plains les
gens dont on arrache la langue, tandis
que vous vous servez de la vôtre pour
dire .des choses très agréables et très
plaisantes. Je viens de voir dans la
Gazette de France un article du tonnerre
qui a pulvérisé une vieille femme, et le
tonnerre n'est pas tombé sur les juges
d'Abbeville; comment cela peut-il se
souffrir ? Monstres persécuteurs, qu'on
medonne seulement septou huit person-
nes que je puisse conduire, et je vous
exterminerai ÏH On conçoit que les cléri-
caux aient horreur d'un homme qui avait
cette rage d'humanité, qu'ils le pour-
suivent dans sa tombe, qu'ils l'éclabous-
sent de tout ce qu'ils ont de boue dans
leur encrier, qu'ils vident sur lui toutes
leurs ordures.
Leur grand prétexte pour déposer
leurs articles le long de Voltaire, c'est
qu'il a quelquefois aimé et acclamé les
ennemis de la France officielle et mo-
mentanée. Il ne les a jamais aimés que
pour mieux haïr les ennemis de l'hu-
manité, de la tolérance et du progrès.
Et, pour ceux qui regardent la France
comme la nation humaine par excel-
lence, c'est peut-être au moment où
Voltaire semblait être moins Français
qu'il l'a été davantage. Et puis, n'est-
ce pas beau, le patriotisme de ceux
dont le héros légendaire est Condé et
qui sont rentrés de l'émigration dans
les fourgons prussiens?
Mais il a insulté Jeanne d'Arc? C'est
encore une chose stupéfiante, les clé-
ricaux se faisant les protecteurs de
celle qui a dit : — Evêque, je meurs
par vous. Ah! si, demain, quand on
saluera la statue de Voltaire, la statue
de Jeanne d'Arc pouvait prendre la
parole, avec quelle indignation elle
leur crierait :
— Vous me protégez, vous ! Vous
me vengez, vous ! Je n'aurais à être
vengée que de vous ! Vengée par vous?
Et de qui? De Voltaire ! De celui qui a
dit que « j'aurais eu des autels dans
les temps héroïques où les hommes en
élevaient à leurs libérateurs ». Ah oui,
je sais, il a fait un poème pour rire,
non pas contre moi au fond, mais con-
tre la superstition, contre l'inquisition,
contre la crédulité aux dogmes qui
m'ont assassinée. Il m'a raillée, soit,
et cela vous paraît monstrueux à vous
qui n'avez fait que me brûler vive.
Voltaire a été l'ennemi de la justice
féroce, le belluaire de la magistrature
tigresse, le tueur du meurtre légal.
Voltaire, s'il avait été possible de
mon temps, m'aurait sauvée ! Et vous
croyez que, pour quelques mauvaises
plaisanteries, vous me ferez mécon-
naître la grandeur et la bonté du tueur
des superstitions qui m'ont tuée ! Et
vous croyez que je vous aiderai con-
tre le défenseur de Calas et de Sirven,
qui aurait été le mien ! Taisez-vous ! et
laissez-moi écouter l'hommage qu'on
fait si bien de rendre à l'homme excel-
lent par qui les prêtres ne brûleront
plus personne !
AUGUSTE VACQUERIE.
El Correo, de Madrid, dit qu'on com-
mente beaucoup le passage du discours
de M. Canovas, relatif à la santé du roi et
aux conséquences que produirait sa mort.
Selon le compte-rendu officiel de la
séance, M. Canovas aurait dit : a Le gou-
vernement croit qu'après la mort d'Al-
phonse XII la guerre civile éclaterait, en-
traînant avec elle la perte de l'unité et de
l'intégrité de la patrie, ainsi que la ruine
totale de ses intérêts. »
Nous nous étions laissé raconter qu'un
avantage de la monarchie sur la Répu-
blique, c'est que, grâce à l'hérédité, le pou-
voir n'est jamais vacant; de là la sécu-
rité, la stabilité et une foule d'autres
biens.
Et voici que le ministre d'une monar-
chie nous annonce que, lorsque le monar-
que meurt, tout craque.
Comme aveu, c'est plus franc que ras-
surant.
DISCOURS DE M. ACHARD
Pendant que le comité errant des
Babyloniens cherche des formules équi-
voques pour remplacer les programmes
qui l'embarrassent ; pendant qu'ou-
blieux des principes et soucieux seule-
ment des personnes, il ne voit dans la
grande consultation nationale qui va
s'ouvrir qu'un prétexte pour organiser
une société d'assurance mutuelle pour
la réélection de ses membres les plus
compromis; pendant qu'il livre volon-
tairement aux sénateurs, aux hommes
du suffrage restreint la direction du
suffrage universel, les manifestations
des esprits indépendants se multiplient
et les programmes des républicains qui
n'ont rien à cacher de leur pensée, qui
veulent loyalement en appeler au juge-
ment éclairé de leurs concitoyens, s of-
frent chaque jour aux commentaires,
aux critiques de leurs adversaires.
C'est seulement ainsi, c'est par cette
sincérité, cette franchise, c'est en s'ex-
pliquant à maintes reprises, longtemps
avant les élections, qu'on peut faire
honnêtement appel au pays. Un mani-
feste unique, solennel et tardif peut
convenir à ceux qui redoutent la dis-
cussion et la lumière, à ceux qui n'ont
que des fautes à confesser et des erreurs
à dissimuler. Ceux qui consultent le
suffrage universel sans la prétentiun de
lui dicter d'avance la réponse et avec le
respect de sa souveraineté ne sauraient
trop multiplier ces communications, ces
comptes-rendus, ces déclarations de
principes. -
11 faut donc féliciter l'honorable M.
Achard, appelé à présider les dernières
réunions de la gauche radicale, d'avoir
à nouveau formulé les aspirations de
ses amis en prenant possession de son
siège. La plupart des noms des mem-
bres de ce groupe figurent au bas du
programme récemment publié. Mais
cela ne veut pas dire que l'idéal réfor-
mateur des signataires soit borné aux
cinq ou six points spéciaux mentionnés
dans la déclaration. C'est, comme on
l'a déjà expliqué, un minimum com-
mun que peuvent accepter tous les ré-
publicains, rien de plus. De la part de
l'honorable M. Achard, dont les con-
victions démocratiques sont depuis
longtemps connues et éprouvées, cette
parole pouvait n'être pas utile ; mais
comme elle a été prononcée en pré-
sence et, en quelque sorte, au nom du
groupe, on peut admettre que, pour
les députés appartenant à la gauche ra-
dicale aussi bien que pour ceux qui
sont inscrits à l'extrême gauche, il ne
s'agit, comme le porte la déclaration,
que d'un simple minimum.
M. Achard, au terme d'une législa-
ture, a passé en revue ce qui avait été
fait ou plutôt ce qu'on aurait dû faire.
H a constaté, comme tout le monde, la
stérilité incroyable de cette majorité
prétendue réformatrice qui n'a su res-
ter fidèle qu'au nouveau dogme de la
stabilité ministérielle et qui, sous ce
prétexte, en est arrivée à la plus lamen-
table abdication.
Parlant de la nécessité de défendre la
République dans la prochaine lutte
électorale, M. Achard a constaté, non
sans raison, que cette tâche serait sur-
tout facile « à ceux qui, n'ayant en
rien participé aux fautes dont on se
prévaudra pour l'attaquer, auront le
droit d'afârmer que ces fautes sont
personnelles aux hommes d'Etat qui
les ont commises, et qu'elles ne sau-
raient être imputées à la forme, à l'es-
sence même du gouvernement. » C'est
à peu près ce que M. Pelletan redisait
hier à la Chambre, et ce que M. Clé-
menceau avait déjà établi avec beau-
coup de force dans l'un de ses discours.
Le péril est pour nous dans la conti-
nuation des abus de la monarchie,
dans la pratique de la politique monar-
chique.
En terminant son éloquente allocu-
tion, M. Achard s'est exprimé ainsi :
L'entente nouée à l'occasion des élections
entre des hommes de nuances différentes, ne
devra-t-elle pas être l'origine de relations plus
intimes et plus durables? J'espère, pour ma
part, qu'il en sera ainsi et que cette entente
aura été le point de départ de la constitution
du grand parti libéral démocratique, réunis-
sant tous les citoyens qui estiment que la
liberté est l'instrument par excellence du progrès
humain qui, lui-même, est inséparable des idées
de justice et d'humanité, et que la République
est la seule forme de gouvernement qui com-
porte le plein et entier exercice de la liberté.
Dans ce parti, chacun garderait le droit de
poursuivre l'idéal qui a toujours été le sien,
chacun à l'abri de la plus large tolérance, y
demeurerait ce qu'il est, avec ses habitudes
d'esprit et son tempérament. Quelle influence
n'aurait pas un parti constitué sur ces bases,
qui grouperait toutes les bonnes volontés et
tous Les dévouements, en vue de l'affermisse-
ment de nos institutions et de l'épanuuisse-
ment de la démocratie !
En attendant, mes chers collègues, prépa-
rons-nous aux élections avec le sentiment de
la gravité de l'acte que le pays va accomplir,
et avec la certitude qu'il ne sera rien fait qui
puisse empêcher le suffrage universel d'expri-
mer librement ses volontés ; nous en avons
pour garant la promesse qui nous a été faite,
que la consultation serait sincère et affran-
chie de toute pression administrativè, et
mieux que cette promesse, la loyauté' éprouvée
des hommes qui sont à ln. têtp. du gouvernement.
Nous savous que nous n'avons pas à redou-
ter le renouvellement de la surprise de 1881,
et que la date des élections ne sera fixée
qu'en nous laissant assez de marge avant l ouver-
ture de la période électorale, pour que nous puis-
sions avoir avec nos électeurs les relations
directes que comporte l'exercice de la souve-
raineté nationale, et sans lesquelles le nou-
veau mode de scrutin ne serait qu'une mysti-
cation pour le suffrage universel.
Comme l'honorable président de la
gauche radicale, nous croyons que la
République est la seule forme de gou-
vernement compatible avec le plein
exercice de la liberté. Nous ne compre-
nons donc pas ceux qui cherchent ail-
leurs les bases de ce gouvernement.
C'est là une des vérités qui ont été le
plus obscurcies, en ces dernières an-
nées, par mille sophismes ; c'est aussi
la notion qu'il faut s'efforcer de bien
mettre en lumière pendant la période
électorale. Cette période ne saurait
donc, comme le dit M. Achard, s'ouvrir
prématurément par une sorte de sur-
prise. Comme lui, nous sommes cer-
tains que la loyauté des hommes placés
à la tête du gouvernement donne à cet
égard toute garautie au suffrage uni-
versel. Il faut bien que les élec-
teurs aient le temps de rompre les
toiles d'araignées ourdies depuis si
longtemps autour d'eux ; il faut bien
que les intrigues sénatoriales soient
partout démasquées et déjouées puis-
que partout on les signale : dans i
l'Ariège, dans l'Aude, dans la Côte-
d'Or, dans l'Isère, dans l'Allier, dans
le Calvados, etc., etc. Il faut bien que
le suffrage universel ait le temps de
reconnaître les pièges du suffrage res-
treint et de tous ses caporaux. Il faut
bien qu'on ait le temps de faire justice,
au grand jour, des listes dressées dans
l'ombre par les prétendus électeurs de
droit 1
A. GAULIB&.,
Le Club Washington de Funchal (Ma-
dère) adresse à M. Auguste Vacquerie le
compte-rendu suivant de sa séance du
31 mai 1885, tenue « pour rendre le der-
nier hommage à Victor Hugo » :
Présidence de M. Alexandre-José Aires, pré-
sident.
Assesseurs : MM. Antonio dos Santos Britto;
Candido Augusto Gomes.
La séance est ouverte à neuf heures et de-
mie du soir.
M. le président fait l'éloge de Victor Hugo,
le regretté patriote, l'illustre mort que tout le
monde pleurera toujours, le membre hono-
raire dont se glorifiait le Club Washington.
Il dit que cette association manquerait au
plus sacré de ses devoirs si elle ne venait pas,
devant le public républicain, devant le pays,
devant le monde entier, manifester la douleur
que lui cause la catastrophe qui vient d'as-
saillir l'humanité : la mort de Victor Hugo.
Ensuite, M. le docteur José de Castro dit
que la mort de Victor Hugo peut bien être
considérée comme le plus grand évènement
du siècle, puisque Victor Hugo, l'apôtre du
bien, le défenseur des opprimés, est le plus
grand génie, non pas du siècle, mais de toute
la vie du genre humain.
La parole est donnée ensuite à M. Augusto-
José Vieiro : — Quand le 27 février dernier,
cette même association était réunie- pour fêter
l'anniversaire de la naissance de Victor Hugo,
on était joyeux, parce que personne ne se
do utait que, de sitôt, la mort aurait la har-
diesse de commettre son plus grand crime :
l'assassinat de Victor Hugo. Nous étions si
habitués à le croire immortel que sa mort,
l'idée seule de ce malheur, atteignait pour
nous les proportions de l'impossible.
Sur la proposition de M. le docteur José de
Castro, l'assemblée décide, à l'unanimité des
voix, d'envoyer copie de ce procès-verbal au
noble représentant de la famille du grand
Victor Hugo.
La séance est close à onze heures.
Le secrétaire,
CANDIDO GOMES
Le président,
ALEXANDRE JOSE ALVES
JOSÉ-JOAQUIM MENDES, AUGUSTO-JOSÉ
VIEIRO, HENRIQUE GONCALVES, PEDRO-
CÉSAR DE DlUTTO, AZEVEDO BAIIOS,
JOAO-FRANCISCO PEVADOS SANTOS,
ABANUEL-ANASTACIO D'ORNELLAS, JOA-
QUIM-CANDIDO DE FREITAS, RICARDO
VIEIRO DE SOUZAS, JOAO-AUGUSTO
D'ANDRADE, JOAO-EDUARDO PESTANO,
MANOEL-JOSÉ DE FRBITAS, FRANCISCO-
GOJIES DA SILVA, HENRIQUE DE
FREITAS, ALFREDO-JULIO DA SILVA,
MANOEL DE SOUSA-HENRIQUEZ, JOSE-
VICENCE DE SOUSA, MANUEL-JOAO DA
SILVA, JULIO DA SILVA, MANOEL-
ALFREDO BAPTISTA, JOSÉ DE FREI-
TAS PESTANO, JOAO-AUGUSTA DE BAR-
ROS, JACINTHO-CÉSARPESTONIA, FRAN-
CIXO-NUNBS CORRÊO, LEANDRO-EUGH-
NIO DE FREITAS, JOAO DA SILVA,
FRANCISCO GOMES, CHRISTOVAO FER-
ftANDEZ, JOSE-ANTONIO FEISCEIRA,
JOAO-FIGUEIRA QIUNTAL, JOSÉ FRAN-
CISCO, ANTONIO-GOMES CAMARA, FRAN-
CISCO RODRIGUEZ, JACINTHO D'ORNEL-
LAS , AUGUSTO BORGE-OORRÉA DE
SAMPAIO , ANTONIO-MARIA-AZEVEDO
ALVES , AUGUSTO-FERNANDES-MAR-
QUES DIAS, J.-F. PENA 80S SANTOS,
ANGULO SANTOS, JOSÉ-GOMES HENRI-
QUES, AUGUSTO-C. FRINDAD, ClDODAO-
ALBINO D'ABREY, HENRIQUB-ORUIDO
ALEXANDRINO, SABINO-JOAQUIM RUIS,
ANTONIO DOS SANTOS-BRITTO, JOSÉ DE
CASTRO.
—————————— qb
Crise ministérielle en Espagne :
Une dépêche de Madrid, 12 juillet, nous
apporte la nouvelle suivante :
A la suite d'un long conseil de cabinet tenu
sous la présidence de M. Canovas, les minis-
tres de la marine et de l'intérieur ont «OOM
leur démission.
M. Canovas s'est rendu auprès du roi.
On ignore encore si d'autres ministres do&;
neront leur démission.
On télégraphie d'Alger, 12 juillet »
L'existence du phylloxera à Mansourah près
dé Tlemcen a été définitivement constatée.
On ignore comment il a été importé. f m
vignes atteintes occupent une superficie d'en-
viron dix hectares. Les taches apparaissent
par places de peu d'étendue.
Un arrêté portant déclaration d'infection
des vignes atteintes et fixant à un rayon de
deux kilomètres la zone de protection, a été
pris aussitôt par le gouverneur général, con-
formément à la loi du 21 mars 1883.
La destruction des vignes a été commencée
dès le 9 juillet ; la désinfection au moyen du
pétrole est activement menée, en attendant
que l'on reçoive du sulfure de carbone qui est
prochainement attendu.
L'autorité militaire a mis à la disposition
des opérateurs un certain nombre de soldati
pour garder les vignes contaminées et exé-
euter les travaux de désinfection.
Les investigations continuent en vue de
reconnaître si le phylloxera n'existe pas sur
d'autres points.
On espère que la promptitude et l'énergie
des mesures préservatrices permettront da
localiser le mal.
LES ON-DIT
Un décret rendu sur le rapport du mi-
nistre de l'instruction publique, en vertu
d'une délibération du conseil municipal
de Besançon, décide que le lycée de Be-
sançon prendra désormais le titre de « ly-
cée Victor Hugo ».
?
£ S*
M. Edmond Turquet est parti hier pour
Dieppe, où sa famille est installée.
On n'a pas oublié l'accident dont a éti
victime le sous-secrétaire d'Etat aux beaux-
arts. C'est pour s'en remettre entièrement
qu'il quitte momentanément Paris. Quel*
ques jours de repos achèveront une gu6-
rison dont se réjouiront, avec les nom-
breux amis de M. Turquet, tous ceux qui
s'intéressent aux beaux-arts.
»
8.
L'Académie des beaux-arts a entendu
dans sa dernière séance — il juillet —
les rapports des sections sur les envois de,
Rome actuellement exposés.
La section d'architecture a fait la pré-
sentation des candidats à la place vacante
de M. Ballu. Ils ont été classés dans l'or-
dre suivant: 1° M. Daumet; 2° M. Noiv
mant; 3° M. Ancelet; 40 M. Coquartz
5° M. Brune.
L'Académie a ajouté à la liste les
noms suivants : MM. Guadet, Pascal e~
Hénard.
L'élection aura lieu samedi prochain,
«
40
C'est aujourd'hui, lundi, à dix heures
du matin, ainsi que nous l'avons annoncé,
qu'aura lieu à la Salpêtrière l'inaugura-
tion du monument élevé à la mémoire du
docteur Pinel. Ce monument s'élève a a
milieu d'une pelouse mesurant 1 mètre 20
de largeur, entourée elle-même d'un gril-
lage de 90 centimètres de hauteur ; il est
dû à l'architecte Monjot de Daumartin.
Le sculpteur Ludovic Durand a symbo-
lisé l'idée qui se rattache au souvenir da
Pinel. Le groupe principal comprend deux
figures et représente le grand docteur te-
nant dans sa main droite des fers brisés ;
à ses pieds est une jeune fille aliénée
dont les yeux se lèvent vers son bienfai-
teur. Les bras de cette jeune fille ont con.
servé l'attitude de l'enchaînement. Le
torse est souple èt gracieux. La folle ra-
masse des fleurs qu'elle semble vouloir
donner à Pinel.
Après la remise de la statue par M. Da-
gonet, médecin en chef de l'asile Sainte.
Anne, président de la Société psychologi-
que, un déjeuner aura lieu à l'hospice da
la Salpêtrière.
Assisteront à la cérémonie : MM. Allain;
Peuilleton du RAPPEL
DU i4 JUILLET
l .fI! ,.Ai:: ——
LA BANDE
DES
C0PU RCHICS
ItOMÂN PARISIEN
[
Lee cepurehles. - (Sulto)
a^Âh 1 mes enfants, dit la brave femme,
S'est gentil d'avoir pensé à moi ; il faut
boire à ma santé.
— Tiens, s'écria Coqsigno, messieurs ;
la mère Bonbail va nous payer quelque
chose.
— Ça va joliment la changer.
- Croyez que je vais vous payer à boire,
jlit Mme Bonbail, et buvez de l'eau I Le
Reproduction interdite.
Voir le Rappel du (3 juillet.
beau mérite que vous buviez à ma santé,
si je payais les bouteilles. Je vous aiderai
seulement à les vider, ainsi que M. Bon-
bail, mon mari. Hé 1 Bonbail, monte du
vin bouché, du caehet vert, pour tous ces
messieurs.
— Comment, pour tous? firent les
clients.
— Je veux dire une bouteille pour cha-
que table. Oh ! je ne veux pas vous in-
duire en dépense, mes enfants.
- Pas mal, dit Guibolmar, il y a ici
quinze tables et le cachet vert est à trois
francs, ce qui donne déjà quarante-cinq
francs, et comme la bouteille cachet vert
se retrouvera sur la note de chaque client,
la mère Bonbail aura gagné quatre cents
francs dans sa journée, pour sa fête.
— Oh 1 mon fils, dit Mme Bonbail, com-
ment oses-tu dire de pareilles infamies i
— Au moins, dit Guibolmar, le bœuf
aux choux est-il meilleur? Allons, le bœuf
aux choux du grand Corneille, mère Bon-
bail, et deux sous de pain.
— Vive Astasie Bonbail! s'écria une
voix fraîche.
— Tiens, c'est Amelinal
— Vive Astasie Bonbail ! répéta Amelina
en brandissant un énorme bouquet.
— Ah ! ma fille, merci, dit Mme Bon-
bail. Tu as dû joliment trimer pour gagner
un bouquet si magnifique. Mâtin! il y en
a des fleurs t Enfin. nous sommes au mois
de mai. Assieds-toi, je te paie à dé-
jeuner.
— Ici, Amelina, par ici, assieds-toi, là,
là, auprès de nous, s'écria-t-on de diverses
tables.
— Avec les Copurchics, dit Amelina en
se plaçant à côté de Maillochon.
Amelina était née au Petit-Montrouge
qui dispute à Montmartre le privilège de
la production des jolies Parisiennes. Elle
était blonde comme les blés et avait des
yeux de pervenche. Son nez fin et re-
troussé sur une petite bouche aussi re-
troussée que le nez prenait toujours de
petits airs gaillards.
- Cette Amelina, dit Coqsigno, elle a
un teint de lys et de roses t Et elle est
faite comme la Vénus turque.
— Qu'est-ce que c'est que ça, la Vénus
turque ?
— C'est la Vénus qu'Ali pige.
— A la porte l
— Maman Bonbail, cria Guibolmar, des
rognons et deux sous de pain.
— Ah 1 je reconnais Guibolmar, dit
Amelina. Vous mangez toujours dix sous
de pain à votre déjecner?
— Et autant à mon dîner. C'est la faute
des portions du père Bonbail qui sont trop
petites.
— Vingt sous de pain par jour! Vous
devez ruiner votre famille.
— Bonne fête & Astasie Bonbail, gargo-
tière de premier acabit, cria un nouvel
arrivant.
— Ah r voilà Bernard.
— Et Titine Laribouille (
— Avec un commissionnaire.
Le commissionnaire portait deux énor-
mes hortensias.
— Pour toi, dit Titine Laribouille à Mme
Bonbail.
— Ohl merci, ma fille, dit la gargotière
en l'embrassant. C'est ça qui va orner
mon comptoir I Assieds-toi, je t'offre à
manger comme à Amelina.
— Elle est ici, Amelina? Ah 1 tiens, com-
ment allez-vous? dit Titine Laribouille en
tendant sa main à la blonde fille.
— On ne vous voit plus, Titine.
— on l moi, vous savez, j ai passé 1 eau
et je ne repique dans le quartier que les
jours où je sens un besoin absolu de rire,
ou encore les jours de sortie de mon petit
normalien.
— Tu l'aimes donc toujours, ton nor-
malien ? demanda Pictonnez.
— Toujours.
— Femme fidèle 1
- Pourquoi pas? Ils sont si crétins sur
la rive droite !
Titine Laribouille était de Nîmes ;
brune, les yeux pétillants, grasse et fort
petite. Elle était camarade avec les Go»
purchics, mais elle ne tutoyait que Pic-
tonnez de Barbafoin.
— Fais-moi une place, Pictonnez, dit-
elle, je vais m'asseoir à côté de toi.
- Je te fais cette place avec félicité.
- Félicité? Elle est ici? demanda Ame-
lina.
- Tu n'as pas compris.
- Tu n'habites pourtant pas la rive
droite, dit Titine.
Amelina était jolie, mais elle n'avait
certainement pas un esprit développé
outre mesure. Bah I l'esprit n'était pas ce
qu'on lui demandait; on aimait mieux la
voir que lui parler. Ses grands yeux
étaient ravissants et sa peau si douce au
toucher qu'on en avait des frissons fris-
sonnants jusqu'à la troisième capucine de
la moëlle épinière.
Aussi, à cause d'elle, Guibolmar était
jaloux de Maillochon. Et, par malheur, ce
Maillochon de Lavaloir se penchait tou-
jours de manière à intercepter le rayon
visuel allant des yeux de Guibolmar à
ceux d'Amelina, et réciproquement.
— Mère Bonbail, s'écria Guibolmar, une
confiture et deux sous de pain.
— Voilà les dix sous de pain de Gui-
bolmar!
— Après? dit Guibolmar, je les paie.
Et ce n'est pas ça qui me rend heureux,
par si je ne les payais pas je serais plus
riche.- Ah 1 si j'avais un million à dépenser
tous les huit iours au lieu des auatrCl.
cents malheureux francs que le facteur me
transmet mensuellement!.
— Tu ne mangerais que truffes, ananas
et rôties à la croustade avec quarante
sous de pain !
— Non, dit Guibolmar. Je donnerais t
Maillochon ce qu'il me demanderait pour
ôter son vilain museau des devants char-
mants d'Amelina, et j'offrirais à celle-ci
des robes lamées d'argent et d'or et bro-
dées de perles pour qu'elle me restât
fidèle une semaine.
— Quelle prétention 1 s'écria Titine.
Mais Maillochon se leva :
— Amelina, dit-il, m'aimes-tu?
f - En voilà une question 1
.- Ah I mon pauvre Maillochon, dit Ti*
tine Laribouille, tu en es encore à deman-
der ça aux femmes 1
- M'aimes-tu, Amelina? redemanda
Maillochon.
— Certainement répondit Amelina.
— Alors, lève-toi.'
Amelina se leva, et Maîiù?0*1®" c*.1411*
geant son couvert de place lui div »
- Va t'asseoir près de Guibolmar. ®
toi, Guibolmar, ajouta-t-il, je te permâit
t'autorise et te somme de faire la cour à
Amelina. Soyez heureux, enfants, c'est
moi qui vous b6nis.
EDGAR MONTEIU
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