Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-06-05
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 05 juin 1886 05 juin 1886
Description : 1886/06/05 (N5930). 1886/06/05 (N5930).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7539229d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
m
"., IR, 5930 Samedi 5 Juin 1886 le numéros : 10c. — Départements : 15 c. ; 17 Prairial an94 5930
: ~T~INISTRA'npN' - :
^MnasTRATioir r,
; 18, HUE DÈ VALOIS , ? Í - 1 "!-
ABONNEMENTS
TARIS
Trois mois.. 10 »
Six mois 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
Six mois. 27 a
Adresser lettres et mandais
A M. ERNEST LEFÈVRE
ADMINISTRATEUR GÉRANT a
- - 7"
: - ,. "', 1
V
EEDACTIOK
; &i3tB8str m Secrétaire 'de 1% JUdaetiofe • • -.
: - - De £ à 6 heures du soir
18, RUE DE VALOIS, 18 -
les manuscrits non insérés ne seront pas rendus
ANNONCES
U. Ch. LAGRANGE, CERF et ce
6, place de la Bourse, 6
QUARANTE ANS APRÈS
"'-.", ,
ur de 1846, j'étais chez Victor
Hugo, qiû demeurait alors Place-
Royale, quand en lui annonça une dé-
putation des principaux fabricants de
Paris. Ils venaient le remercier de
deux choses : d'un discours qu'il avait
prononcé à la Chambre des pairs sur
les marques de fabrique et d'une lettre
qu'il leur avait écrite sur la fondation
d'un jury de récompenses pour les ou-
vriers.
Cette lettre demandait pourquoi l'ou-
vrier ne serait pas récompensé comme
le soldat :
« Un jour viendra où les pouvoirs
publics comprendront que, dans l'état
actuel de l'Europe et de la civilisation,
il doit y avoir et il va assimilation
parfaite entre le soldat et l'ouvrier. Le
soldat est l'ouvrier de la guerre, l'ou.
vrier est le soldat de la paix. Le -pre-
mier risque sa vie pour le pays dans sa
lutte avec l'étrange!'; le second donne
sa vie et l'use et la dépense au profit de
tous dans sa lutte avec la matière. Il y a
plus d'héroïsme dans le labeur du soldat,
lequel implique la discipline; il y a
plus d'intelligence dans le labeur de
l'ouvrier, lequel réclame la liberté;
mais tous les deux, l'ouvrier comme le
soldat, travaillent à la civilisation, l'un
en protégeant et en agrandissant le
territoire national, l'autre en le fé-
condant, en le cultivant, en le do-
tant de toutes les richesses de l'agri-
culture et de l'industrie. Le jour où
ces vérités seront admises, les mêmes
sollicitudes sociales, les mêmes récom-
penses soutiendront, encourageront et
- glorifieront le soldat et l'ouvrier. »
Dans son discours sur les marques
de fabrique, Vifrlor Hugo avait défendu
l'industrie loyale contre le commerce
frauduleux.
Un des membres de la députation
exprima chaleureusement la reconnais-
sance des fabricants. Victor Hugo leur
fit la réponse suivante, qne j'écrivis le
soir même et que je reproduis textuel-
lement :
« Une nouvelle ère s'ouvre, l'ère des
questions sociales. Le travail, le salaire,
l'éducation, la pénalité, la création des
richesses, la répartition des jouissances,
la dette du bien-être payée aux travail-
leurs par les gouvernants, payée à l'in-
dividu utile par la société équitable,
l'encouragement à toutes les aptitudes,
les grandes impulsions qui doivent ve-
nir de l'Etat, les grands efforts qui doi-
vent venir du peuple, voilà, messieurs,
les questions qui ont l'avenir désor-
mais. Heureuse la France le jour où
le" Chambres délaisseront absolument
les questions personnelles pour les
questions générales et les querelles
qui satisfont l'ambition de quelques-
uns pour les idées qui préparent l'ave-
nir de tous I Faisons pénétrer ces idées
dans les lois et dans les mœurs ; tour-
nons-nous vers le peuple, vers ce peu-
pie grave, calme, courageux et patient,
qui travaille et qui souffre ; et peu à
peu, par une série de réformes urgentes
et d'améliorations successi ves, faisons
sortir de son travail la richesse et de
sa souffrance le bien-être. Richesse
pour la France, c'est-à-dire grandeur
et puissance; bien-être pour le peuple,
c'est-à-dire moralité et raison ; c'est le
but, messieurs; c'est l'avenir ! »
Voilà quarante ans que Victor Hugo
disait cela — et notons en passant qu'il
le disait à des «conservateurs » et qu'il
y a peut-être un peu plus de courage à
prendre le parti des ouvriers, en mo-
narchie, devant les chefs de l'industrie
qu a 16 prendre, en République, dans
des réunicHS d'ouvriers.
Voilà quarante ans que Victor Hugo
déclarait que la grande question, la
question pressante, la question impé-
rieuse était la question des travailleurs.
Et quelle est la question qui aujourd 'hui
passionne et enfièvre la Chambre? La
question des princes.
Nous disions l'autre jour ce qu'a été
le congrès impérialiste. Le lendemain,
lareprésentationannuelle qu'organisent
les restes du bonapartisme à l'église
Saint-Augustin sous prétexte de pleu-
rer la mort de leur prince, a fait demi-
salle. Au moins tous les assistants
étaient-ils bonapartistes? - Pas moi!
s'indigne le baron Tristan Lambert.
« Je serai toujours profondément respec-
tueux du souvenir de ceux qui ne sont
plus, mais depuis la mort du prince
impérial, j'ai absolument et à jamais »
lâché l'empire. Le prince Napoléon
avait privé la représentation de sa pré-
sence, et le prince Victor, à la sortie,
s'est sagement esquivé par une porte
latérale. Voilà des princes et un parti
bien formidables, et il n'y a que l'ex-
pulsion qui puisse empêcher la Répu-
blique d'en mourir.
Ce n'est pas, quant à nous, du côté
des princes que nous nous tournons.
Ce n'est pas de leur côté que nous
voyons le danger- et le devoir; Il se-
rait peut-être temps en 1886 de passer
à la question qui était urgente en 1846.
AUGUSTE VACQUERIE.
Les ministres se sont réunis hier malin
en conseil de cabinet, au ministère des
affaires étrangères, sous la présidence de
M. de Freycinet.
Le ministre des affaires étrangères, le
ministre de l'intérieur et le garde des
sceaux ont rendu compte de l'entrevue
qu'ils ont eue mardi avec la commission
chargée d'examiner le projet relatif aux
princes. Ils en ont rapporté l'impression
qu'il existe de part et d'aulre un vif désir
d'entente. Le gouvernement n'a pas pu
délibérer sur aucun texte transactionnel,
puisqu'il n'est pas saisi officiellement des
propositions de la commission.
Le conseil s'est occupé de la discussion
des sucres qui doit commencer lundi de-
vant la Chambre; on a fait remarquer
qu'il existait un malentendu dans le rap-
port de la commission. Celle-ci n'est sai-
sie d'aucun projet émanant du gouverne-
ment. Elle n'a reçu que des renseigne-
ments préliminaires.
Les ministres des finances, de l'agricul-
ture et du commerce se sont mis d'ac-
cord sur les déclarations à faire au cours
de la discussion.
M. Sarrien a annoncé que 564 ouvriers
ont repris leur travail à Decazeville. A
Fourmies, l'accord paraît s'être établi en-
tre les ouvriers et les patrons.
Le garde des sceaux a été autorisé à
déposer un projet tendant à élever de la
moitié aux trois quarts des extinctions le
nombre des décorations civiles à faire
chaque année dans la Légion d'honneur.
LA PEINE DE MORT
Il nous semble nécessaire de revenir
sur la proposition de loi relative à l'aboli-
tion de la peine de mort, déposée lundi
dernier, sur le bureau de la Chambre,
par M. Frébault, député de la Seine. En-
traîné par les rapidités de la politique
courante, nous avons dû nous contenter
de la mentionner en quelques lignes,
mais elle est de celles qui réclament plus
que de l'altension, et ce serait manquer à
nos obligations que de ne pas féliciter
hautement ceux qui en ont pris l'initiative.
A vrai dire, nous ne pensons pas que la
question provoque une longue discussion
au sein du Parlement Peut-être une cer-
taine opposition viendra-t-elle de droite ;
nous croyons inutile de s'en préoccuper
beaucoup, persuadés que la majorité ré-
publicaine s'unira tout entière pour réa-
liser Ci*t!-e réforme si longtemps attendue.
L'exposé dès motifs de la proposition
de loi fait connaître l'état dans lequel se
trouvent actuellement les aiacrî'ftes na.
tions de l'Europe par rapport à la peine
de mort. Abolie en droit en Toscane en
Portugal, en Hollande et dans les Princi-
pautés danubiennes, aboli en fait en Ita-
lie, en Belgique, en Prusse et en Saxe,
l'échafaud, sous toutes ses formes hideu-
ses, ici gibet, là guillotine, tend de plus en
plus à disparaître partout. L'inconcevable
mouvement de recul qui a fait à certains
pays, comme la Suisse, par exemple,
réinscrire la peine de mort dans leurs co-
des, n'a pas rendu plus fréquente l'appa-
rition des odieux engins de mort légale.
Il convient d'ajouter à cette liste les Etats
tels que le Danemark, la Suède, les
royaumes de Wurtemberg et de Bavière,
je grand-duché de Bade, où la peine de
mort n'est supprimée ni en droit ni en
fait, mais où les exécutions capitales sont
devenues de véritables raretés. Ce rapide
coup d'œil suffit à faire voir que la
France, avec ses quatre pierres « d'at-
tente », dessinées sur le pavé gris de la
Roquette, est réellement en retard.
- Oui, en retard; oui, arriérée; Si pénible
que soit cette constatation, il faut la faire
impitoyablement. Et la France est le pre-
mier peuple qui ait agité la question dans
ses Assemb ées délibérantes; le peuple,
qui, en i848, dans l'enthousiasme de la
révolution triomphanté, a décrété l'aboli-
tion de la peine de mort en matière poli-
tique!. De lui-même, le souvenir de
cette journée magnifique s'évoque. C'étail
le 25 février; Lamartine, entouré de tous
ses collègues, t'avança sur le perron de
l'Hôtel de Ville, que battaient les flots
écumeux de la foule en armes, toute
chaude encore du combat de la veille.
— Citoyens, dit-il, le gouvernement
provisoire a voulu vous apporter lui-même
le dernier des décrets qu'il vient de déli-
bérer et de signer dans celle mémorable
séance : l'abolition de la peine de mort en
matière politique. C'est le plus beau dé-
cret qui soit jamais sorti de la bouche
d'un peuple le lendemain de sa victoire.
C'est le caractère de la nation française
qui échappe en un cri spontané de l'âme
de son gouvernement.
Alors, un immense acclamation jaillit,
monta vers le ciel, creva les nuages
et, dispersée par le vent aux quatre
coins du territoire, y rencontra par-
tout des échos. Pourquoi la proposi-
tion faite aujourd'hui d'abolir la peine
de mort en matière de droit commun ne
soulèverait-elle pas les mêmes applaudis-
sements? Il s'agissait alors de soustraire
aux vengeances, aux représailles, qui?
Des hommes dont l'unique souci avait été
de substituer, quoi qu'il dût arriver, leur
propre fantaisie aux volontés populaires,
et qui. pour conserver une autorité: usur-
pée, n'avaient pas craint de provoquer
entre l'armée et le peuple une lutte fra-
tricide ; actuellement, les têtes en cause
sont celles de quelques misérables assas-
sins, bêtes féroces dont la mise hors d'état
de nuire s'impose, mais qui, il faut le
dire, si l'on se r tait attentivement les re-
plis de leurs obscures consciences, n'ap-
paraîtraient certes pas tous doués de res-
ponsabilité entière.
L'humanité parle à voix haute autant
pour ceux-ci que pour ceux-là. On se
trouve absolument dans la vérité morale
en affirmant que les uns sont aussi peu
intéressants que les autres. Mais il ne s'a-
git pas d'eux. Il s'agit de nous, de la na-
tion entière que souille le sang juridique-
ment versé, quelles que soient, d'ailleurs,
les veines d'où ce sang ait coulé. En réa-
lité, le nombre des criminels de droit
commun dont il est question d'épargner
la vie est peu considérable. Nous emprun-
tons encore cette statistique à la proposi-
tion de loi de M. Frébault : sur 100 indi-
vidus coupables d'attentats pouvant en-
traîner la peine capitale, 92 bénéficient
de la déclaration de circonstances atté-
nuantes faite par le jury, et des 8 con-
damnés, 5 sont graciés par le chef de
l'Etat. Trois seulement se couchent sur
la planche de la guillotine. Eh bien!
nous avous le droit de dire que ces trois
suffisent à déshonorer la civilisation qui
assiste, impas^ib e, à leur mort, et que
c'est là, au froftit de notre belle France,
le stigmate avilissant d'un reste de bar-
barie.
Aussi estimons-nous, ainsi que nous
l'assurions tout-à-l'heure, que la proposi-
tion d'abolition de la peine de mort ne
donner.? lieu, au moins dans les rangs de
la majorité républicaine, à aucune con-
troverse. On Dourra discuter les articles
2 et 3 relatifs£ l'emprisonnement cellu-
laire de six ou de ts ois années, précédant
la détention perpélt^0Ue> emprisonnement
que les auteurs de la proposition veulent
substituer à la peine de mort, celle des
travaux forcés à perpétuité étant jugée
par eux insuffisante, mais encore 0116
fois, l'article premier, contenant Js prin-
cire même de la loi, conçu en ces sin)',Qles
termes : — La peine de mort est abolie --
rencontrera, nous en avons la ferme con-
viction, chez tous les républicains qui
siègent au palais Bourbon la même cha-
leureuse adhésion.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
1
L'ASSURANCE OBLIGATOIRE
J'ai exposé dans un précédent article le
projet de MM. Jaurès, Marty et Dupuy
relatif aux caisses de secours et de retraite.
Il s'agit maintenant d'examiner avec eux
l'objection qu'il soulève.
La première objection qu'on lui adres-
sera (et les auteurs se la font très loyale-
ment à eux-mêmes) est celle-ci : L'Etat a-
t-il le droit d'intervenir ? Passe encore
pour les ouvriers mineurs qui sont soumis
à des risques particuliers et placés sous la
tutelle de l'Etat par le caractère même
des exploitations minières; mais pour les
autres est-ce que la responsabilité de
1 Etat est directement engagée ? Ne peu-
vent-ils par le seul jeu de l'offre et de la
demande obtenir des salaires qui leur
permettent d'assurer leur avenir? Pour-
,quoi substituer à l'initiative individuelle
l'action de rEtit qui, en contraignant les
volontés, les énerve et les paralyse ?
M. Jaurès répond avec raison que l'abs-
tention systématique de l'Etat causerait
dans le monde du travail une imjnense
déception. Des engagements ont étC pris;
il s'agit de les tenir. Il ne faut pas que la
réserve de l'Etat soit qualifiée d'indiffé-
rence. Mais il y a plus; il est de toute
nécessité, dans la disposition actuelle des
esprits, que la sollicitude de la collectivité
serve de stimulant à l'inertie de l'individu.
1 II faut que la loi ait raison de l'insouciance
des ouvriers et de la cupidité des patrons.
On allègue certains pays où les patrons
ont associé leurs ouvriers à la caisse des
retraites. C'est fort bien de leur part;
mais n'est-il pas à craindre le plus souvent
que, le sacrifice forcé du patron étant
proportionnel au sacrifice volontaire de
l'ouvrier, l'employeur ne décourage l'é-
pargne de l'employé ?
L'autre objection est tirée de l'exemple
de l'Allemagne. Le Reichstag a voté der-
nièrement une loi sur les retraites obliga-
toires qui a été condamnée par les pro-
gressistes. Mais, entre le projet Jaurès et
la loi allemande, il n'y a qu'un point com-
mun, la retraite forcée. Encore, dans le
projet français, l'obligation est-elle su-
bordonnée au consentement des trois cin-
quièmes au moins des ouvriers d'une in-
dustrie donnée dans un canton. Les tra-
vailleurs souhaitent deux choses : d'une
part le bien-être, de l'autre la dignité,
l'indépendance économique. M. de Bis-
marck a cru qu'il suffisait de leur assurer
la première; voilà pourquoi il a exclu de
sa loi toute pensée d'affranchissement,
L'ouvrier allemand est assuré contre les
maladies et les accidents, mais il n'a pas
de livret individuel, et ses retenues ne lui
appartiennent pas en propre. Il devra
attendre l'invalidité, l'incapacité de tra-
vailler pour toucher la pension qui est sa
propriété. Enfin, la loi allemande ren-
ferme sa prévoyance dans chacune des
générations successives; elle empêche la
formation de ce capital collectif dont la
force grandissante peut devenir un jour
pour le travailleur l'instrument de son af-
franchissement définitif.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
4>
Note de l'agence Havas :
Le ministre des affaires étrangères n'a reçu
aucune nouvelle de Madagascar confirmant
les bruits inquiôtants répandus par quelques
journaux. Les derniers avis officiels, en date
du 6 mai, représentent, au contraire, la si-
tuation comme entièrement satisfaisante.
LA GRECE ET LES PUISSANCES
D'après une dépêche d'Athènes, du Stan-
dard le sTV/s ennt nueraieni d'envoyer
des troupes à îajr?ntlôr? et n'auraient
s troupes a
pas encore rendu Ws Pionniers grecs..
D'autre , Constanti-
D'autre part, une depêche constanti-
nople du même journal constate que,
dans les cercles officiels oîtC^ans, on a
éprouvé une Vive saiisfaction à i«2 non-
velle que les Grecs avaient remis la^$PS1~
tion fortifiée de Jygos aux mains dt*
commanda .t turc.
La dépêche déclare que tout danger de
conflit a désormais disparu.
Athènes, 3 juin.
Il devient de pins en plu- probable que le
blôcus sera prochainement levé.
Les journaux affirment que les arrange-
ments avec les Turcs vont être prochaine-
ment appliqués.
Athènes, 3 juin.
M. de Mouy est de retour à Athènes.
Les informations de Vienne et de Berlin
font espérer la prochaine levée du blocus.
«b
LES ON-DIT
L'àssemblée générale annuelle de la
Société libre des beaux-arts a eu lieu hier
soir.
M. Guillaume, membre de l'Institut,
président d'honneur, M. Mathieu-Meus-
nier, président effectif, et tous les anciens
membres du bureau ont été réélus.
***
Hier a commencé, au cours^la Reine,
la deuxième série de l'exposition canine
consacrée aux races étrangères.
r Cette seconde partie durera quatre jouft
et se terminera dimanche soir.
1 e .-
#
On annonce le prochain mariage de
notre confrère M. F licien Champsaur
avec Mlle Jeanne Chazotte, fille du re-
gretté colonel si vaillamment blessé dans
la guerre de 1870.
Les témoins de Mlle Jeanne Chazotte'
seront M. Auguste Vacquerie et M. Robe-
lin, grand-père de la mariée.
Les témoins de M. Félicien Champsaur
seront MM. Arsène Houssaye et Jules ClaJ
rfttie.
*
» S»
Hier a eu lieu, à la mairie du 7e arron;
dissement, le mariage de Mlle Perivier,
fille du premier président de la cour d'ap-
pel de Paris, avec M. Louis Sarlin.
Les témoins étaient : pour M. Sarlin/
M. Jules Grévy, président de la Républi-
que, et M. Daniel Wilson;
Pour Mlle Périvier : M. Loew, président'
de chambre à la cour de cassation, et M."
Antonin Périvier, l'un des gérants dù
Figaro.
Le même soir, chez M. Sarlin, rue de
Courcelles, un dîner de soixante couverts
réunissait les parents et les intimes des
deux familles.
Ce dîner était présidé par M. Grévy.
Parmi les convives : Mme Grévy, Mm&
Wilson, Mme Pelouz ; Mmes Pittié, Bour-
geois, Develle; MM. Antonin Périvier,
Wilson, Léon Renault, Chabrol, Fourne-
ret, Germot, Sarlande, etc., etc. A la
droite de Mme Sarlin se trouvait M. Ber-
nadou, qui va être fait cardinal dans le
prochain consistoire.
4r
& »
Nous avons parlé de l'incident qui s'est
produit à la réouverture du Salon, à l'oc-
casion de la médaille donnée au beau'
buste de M. Taillade.
L'auteur de ce buste écrit, à cette oc-
casion, à notre confrère le Masque de fer
la lettre suivante :
Mon cher Misque de fer,
Je ne voudrais pas que l'on donnât le
change sur mon action d'h er au Salon.
Un membre du ury m'a dit que c'étaitpour
me faire une mauvaise plaisanterie qu'on
m'avait donné une mention. 1
J'ai protesté contre les mauvais plaisants. ;
Je réfute cette phrase de votre journal :
« M. Deloye croyait mériter mieux. » Je n'y,
ai jamais pensé.
Je ne trouve pas que les médailles ajou-
tent au talent vous pouvez vous en convain-
cre par les bustes hors concours qui sont au
Salon.
Je suis, de vieille date, votre bien dévouéj
GUSTAVE BELOTE
'-"
- Dans la soirée d'hier jeudi, vers neuf
charg é s de voya-.;
heures, deux bateaux c~r~ de voya-
geurs se sont abordés près du pC^des
Saints-Pères.
y un des deux bateaux avant été sé-
rieusement endommagé par le choc, on
s'est empressé de le délester d'abord de:
ses passagers. L'opération a été faite en'
quatre minutes.
D s pompes à vapeur ont travaillé une
partie de la soirée à vider l'eau qui avait'
pénérré dans le bateau.
Il n'y aurait eu, nous dit-on, aucun ac-
cident de personne : on parle seulement
d'une dame qui s'est blessée à l'œil en
quittant le bateau.
stI\\ *
La commission des beaux-arts du con*:
seil municipal de Paris s'est rendue avant-
hier au Salon.
Immédiatement après cette visite, qui
est la dernière, la commission décidera
sur les diverses acquisitions d'œuvres d'art
qui seront soumises à l'approbation du
conseil municipal.
Ces acquisitions seront relativement
m ins importantes que les années précé-
dentes, en raison du crédit limité dont le
budget municipal dispose.
o
& *
Hier matin, une délégation du conseil
municipal, composée d'une quinzaine de
ses membres, parmi lesquels MM. Dave-
neie, Robinet, Deschamps, Guichard, Vail-
lant, Cochin, Georges Berry, s'est rendue
Feuilleton du RAPPEL
DU 5 JUIN
64
LA MAITRESSE
DU GÉNÉRAL
CHAPITRE XVII
- Suite-:
Angèle continua son chemin, en pre-
nant le bras de Mme Berthelin.
— Eh bien ! lui demanda celle-ci, êtes-
vous contenle?
— Je ne me plains pas 1 répondit An-
gèle avec résignation.
Reproduction interdite.
Voir le Rappel du 27 mars au 4 juin.
Elle fit quelques pas en silence, puis
soupira :
- Ce ne serait pas un héros !
- Un héros! repartit Mme Berthelin
étonnée. Qu'avez-vous besoin d'un héros,
mon enfant?
Angèle secoua la tête. Elle ne se fût pas
expliquée avec une autre ; mais, à Mme
Berthelin, elle devait tout dire :
— Oh! je me comprends! murmura-
t-elle ; puis d'une voix profonde :
-. Son père en serait un 1
Mme Berthelin n'osa pas laisser échap-
per le cri prêt à partir de ses lèvres. Elle
savait bien qu'il était inutile de conseiller
Angèle.
Elle se contenta de reprendre, avec une
compassion maternelle :
— Ainsi, vous avez peur qu'il ne vous
aime pas?
— Oh ! c'est plus grave que cela ! re-
partit vivement Angèle ; j'ai peur de ne
pas parvenir à l'aimer.
Elle serra le bras de sa vieille amie
et avec une énergie ardente, elle ajouta :
— Est-ce que si je pouvais être certaine
de l'aimer, je ne serais pas certaine d'en
être aimée?
Sa poitrine haletait, ses yeux lançaient
des éclairs ; toute sa force,"tout son génie
féminin, toute sa grâce en même temps
s'embrasaient.
Mme Berthelin l'enlaça, l'attira à elle,
et câlinement, voilant son enthousiasme
sous sa maternité.
— Vous avez raison, mon enfant.
— Après tout, repartit Mlle de Guima-
raës, soulagée par sa fierté et avec une
bonne humeur presque sincère, je ne suis
peut-être pas faite pour aimer et pour
être aimée d'amour.
Elle regarda le ciel, le jardin prosaïque,
où ses rêves faisaient leur nid, etGontran
qui la suivait de très loin, n'osant hâter le
pas, de peur de la rejoindre ;
— Je suis peut-être consacrée seule-
ment à l'amitié. à l'amitié comme la
vôtre, ma bonne Berthelin, comme celle
de Gontran, comme celle. qui était mon
ambition et que j'ai dbnquise. Ah ! j'aurais
tort de me plaindre. L'amitié, c'est de
l'amour raisonnable, sans passion; c'est
ce qu'il y a de meilleur dans la vie ; le
cœur se fait avec cela de petites rentes
qui ne tarissent jamais. Cela vaut mieux
que l'orgueil de fortunes embarras-
santes.
Elle rêva quelques secondes, puis s'écria:
— Est-ce qu'il n'est pas bientôt l'heure
de me déguiser ?
— Je crois bien que si.
— C'est ce soir grande réception, et
puis il y a un grand dîner. Je dois me
faire belle. pour M. Cabezon. Gontran, la
voiture de la princesse! cria-t-elle en riant
et en courant vers la maison.
Le soir de cette journée de juin, qui
était le premier chapitre d'un roman un
peu trop concerté, Mlle de Guimaraës,
par besoin de s'étourdir, par espoir, par
impulsion de jeunesse, par malice peut-
être envers les convives de la comtesse,
fut plus belle, plus gaie que d'habitude.
El'e dépassa même imprudemment la
mesure avec Cabezon, et elle se sentait
si forte, qu'elle se moqua quelque peu
de lui à table, malgré les regards sup-
pliants du général, malgré les regards sé-
vères de la comtesse.
1 Le financier fit bonne contenance; mais
il avait la rage dans le cœur.
Il s'esquiva avant minuit, pour rejoindre
Lucien Beaugran à un rendez-vous, de-
venu maintenant une habitude quoti-
dienne. Dans l'esprit de Cabezon, l'heure
de l'échéance approchait. Il voulait avoir
tous ses débiteurs sous la main.
Il fut frappé aussi, cette nuit-là, de la
gaîté provocante qu'il découvrait dans
son jeune convive. On eût dit que c'était
r la même raison secrète de rire et de se
moquer.
Sans être devenu plus philosophe, Ca-
bezon avait augmenté, aiguisé un instinct
de jalousie que lui suggérait des révéla-
tions confuses :
— Est-ce qu'ils se seraient concertés
pour se jouer de moi? se demanda-t-il.
Lucien en effet était plein d'entrain, et
la gaîté lui soufflait un peu d'esprit. La
clé qu'il sentait, qu'il touchait dans sa
poche, qu'il eût voulu tirer, montrer, bran-
dir, le mettait en verve. Il se trouvait su-
périeurà tous ceux qui n'avaient pas,comme
lui, une sorte de bonne fortune étrange,
chevaleresque, platonique à cacher.
Le platonisme même de ce rendez-vous
l'enchantait, comme un apéritif nouveau.
L'innocence est une patrie natale que
les voluptueux évoquent complaisamment
pour s'en moquer et pour s'y reposer. Le
jeune débauché du second empire, fatigué
de ses vices, incapable de s'en débarrasser
était ravi de cette pastorale qui le mettait
au régime lacté, à la condition, bien en-
tendu, de ne pas pousser trop loin.
En s'asseyant au souper, entre des filles
et en face de Cabezon, il se disait :
-Ce n'est pas à lui qu'on donnerait la
clé d'un paradis pareil l ,!
Puis songeant au passe-partout de ces
nymphes, il avait un mouvement sincère
d'orgueil à l'idée qu'une honnête fille de
son monde, du monde de son grand-père,
se confiait si simplement à lui.
Ce qui ne l'empêchait pas de se dire,
malgré lui, que si Mlle de Guimaraës de-
venait plus tard Mme Cabezon, il se ferait
un titre de cette clef du jardin, pour ob-
tenir une clef de la chambre.
Tout en vacillant au souffle de ces idées
contradictoires, Lucien remuait dans sa
poche la clef de Passy, avec un désir fou,
non pas de la faire voir, mais de provo-
quer un petit bruit qui amenât une ques-
tion et qui l'obligeât à la montrer.
Le financier qui s'offusquait de ces airs
mystérieux, le poussait à jouer, et Lucien,
persuadé qu'il av.iit un talisman, un fé-
tiche, joua plus follement que d'habitude,
ce qui le fit perdre davantage.
— Vous êtes donc bien heureux en
amour? lui demanda une de ces dames
en lui empruntant quelques louis, ses
derniers.
- Peut-être 1 répondit-il avec fatuités
LOUIS ULBAGtf.
(A sMWé.1
"., IR, 5930 Samedi 5 Juin 1886 le numéros : 10c. — Départements : 15 c. ; 17 Prairial an94 5930
: ~T~INISTRA'npN' - :
^MnasTRATioir r,
; 18, HUE DÈ VALOIS , ? Í - 1 "!-
ABONNEMENTS
TARIS
Trois mois.. 10 »
Six mois 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
Six mois. 27 a
Adresser lettres et mandais
A M. ERNEST LEFÈVRE
ADMINISTRATEUR GÉRANT a
- - 7"
: - ,. "', 1
V
EEDACTIOK
; &i3tB8str m Secrétaire 'de 1% JUdaetiofe • • -.
: - - De £ à 6 heures du soir
18, RUE DE VALOIS, 18 -
les manuscrits non insérés ne seront pas rendus
ANNONCES
U. Ch. LAGRANGE, CERF et ce
6, place de la Bourse, 6
QUARANTE ANS APRÈS
"'-.", ,
ur de 1846, j'étais chez Victor
Hugo, qiû demeurait alors Place-
Royale, quand en lui annonça une dé-
putation des principaux fabricants de
Paris. Ils venaient le remercier de
deux choses : d'un discours qu'il avait
prononcé à la Chambre des pairs sur
les marques de fabrique et d'une lettre
qu'il leur avait écrite sur la fondation
d'un jury de récompenses pour les ou-
vriers.
Cette lettre demandait pourquoi l'ou-
vrier ne serait pas récompensé comme
le soldat :
« Un jour viendra où les pouvoirs
publics comprendront que, dans l'état
actuel de l'Europe et de la civilisation,
il doit y avoir et il va assimilation
parfaite entre le soldat et l'ouvrier. Le
soldat est l'ouvrier de la guerre, l'ou.
vrier est le soldat de la paix. Le -pre-
mier risque sa vie pour le pays dans sa
lutte avec l'étrange!'; le second donne
sa vie et l'use et la dépense au profit de
tous dans sa lutte avec la matière. Il y a
plus d'héroïsme dans le labeur du soldat,
lequel implique la discipline; il y a
plus d'intelligence dans le labeur de
l'ouvrier, lequel réclame la liberté;
mais tous les deux, l'ouvrier comme le
soldat, travaillent à la civilisation, l'un
en protégeant et en agrandissant le
territoire national, l'autre en le fé-
condant, en le cultivant, en le do-
tant de toutes les richesses de l'agri-
culture et de l'industrie. Le jour où
ces vérités seront admises, les mêmes
sollicitudes sociales, les mêmes récom-
penses soutiendront, encourageront et
- glorifieront le soldat et l'ouvrier. »
Dans son discours sur les marques
de fabrique, Vifrlor Hugo avait défendu
l'industrie loyale contre le commerce
frauduleux.
Un des membres de la députation
exprima chaleureusement la reconnais-
sance des fabricants. Victor Hugo leur
fit la réponse suivante, qne j'écrivis le
soir même et que je reproduis textuel-
lement :
« Une nouvelle ère s'ouvre, l'ère des
questions sociales. Le travail, le salaire,
l'éducation, la pénalité, la création des
richesses, la répartition des jouissances,
la dette du bien-être payée aux travail-
leurs par les gouvernants, payée à l'in-
dividu utile par la société équitable,
l'encouragement à toutes les aptitudes,
les grandes impulsions qui doivent ve-
nir de l'Etat, les grands efforts qui doi-
vent venir du peuple, voilà, messieurs,
les questions qui ont l'avenir désor-
mais. Heureuse la France le jour où
le" Chambres délaisseront absolument
les questions personnelles pour les
questions générales et les querelles
qui satisfont l'ambition de quelques-
uns pour les idées qui préparent l'ave-
nir de tous I Faisons pénétrer ces idées
dans les lois et dans les mœurs ; tour-
nons-nous vers le peuple, vers ce peu-
pie grave, calme, courageux et patient,
qui travaille et qui souffre ; et peu à
peu, par une série de réformes urgentes
et d'améliorations successi ves, faisons
sortir de son travail la richesse et de
sa souffrance le bien-être. Richesse
pour la France, c'est-à-dire grandeur
et puissance; bien-être pour le peuple,
c'est-à-dire moralité et raison ; c'est le
but, messieurs; c'est l'avenir ! »
Voilà quarante ans que Victor Hugo
disait cela — et notons en passant qu'il
le disait à des «conservateurs » et qu'il
y a peut-être un peu plus de courage à
prendre le parti des ouvriers, en mo-
narchie, devant les chefs de l'industrie
qu a 16 prendre, en République, dans
des réunicHS d'ouvriers.
Voilà quarante ans que Victor Hugo
déclarait que la grande question, la
question pressante, la question impé-
rieuse était la question des travailleurs.
Et quelle est la question qui aujourd 'hui
passionne et enfièvre la Chambre? La
question des princes.
Nous disions l'autre jour ce qu'a été
le congrès impérialiste. Le lendemain,
lareprésentationannuelle qu'organisent
les restes du bonapartisme à l'église
Saint-Augustin sous prétexte de pleu-
rer la mort de leur prince, a fait demi-
salle. Au moins tous les assistants
étaient-ils bonapartistes? - Pas moi!
s'indigne le baron Tristan Lambert.
« Je serai toujours profondément respec-
tueux du souvenir de ceux qui ne sont
plus, mais depuis la mort du prince
impérial, j'ai absolument et à jamais »
lâché l'empire. Le prince Napoléon
avait privé la représentation de sa pré-
sence, et le prince Victor, à la sortie,
s'est sagement esquivé par une porte
latérale. Voilà des princes et un parti
bien formidables, et il n'y a que l'ex-
pulsion qui puisse empêcher la Répu-
blique d'en mourir.
Ce n'est pas, quant à nous, du côté
des princes que nous nous tournons.
Ce n'est pas de leur côté que nous
voyons le danger- et le devoir; Il se-
rait peut-être temps en 1886 de passer
à la question qui était urgente en 1846.
AUGUSTE VACQUERIE.
Les ministres se sont réunis hier malin
en conseil de cabinet, au ministère des
affaires étrangères, sous la présidence de
M. de Freycinet.
Le ministre des affaires étrangères, le
ministre de l'intérieur et le garde des
sceaux ont rendu compte de l'entrevue
qu'ils ont eue mardi avec la commission
chargée d'examiner le projet relatif aux
princes. Ils en ont rapporté l'impression
qu'il existe de part et d'aulre un vif désir
d'entente. Le gouvernement n'a pas pu
délibérer sur aucun texte transactionnel,
puisqu'il n'est pas saisi officiellement des
propositions de la commission.
Le conseil s'est occupé de la discussion
des sucres qui doit commencer lundi de-
vant la Chambre; on a fait remarquer
qu'il existait un malentendu dans le rap-
port de la commission. Celle-ci n'est sai-
sie d'aucun projet émanant du gouverne-
ment. Elle n'a reçu que des renseigne-
ments préliminaires.
Les ministres des finances, de l'agricul-
ture et du commerce se sont mis d'ac-
cord sur les déclarations à faire au cours
de la discussion.
M. Sarrien a annoncé que 564 ouvriers
ont repris leur travail à Decazeville. A
Fourmies, l'accord paraît s'être établi en-
tre les ouvriers et les patrons.
Le garde des sceaux a été autorisé à
déposer un projet tendant à élever de la
moitié aux trois quarts des extinctions le
nombre des décorations civiles à faire
chaque année dans la Légion d'honneur.
LA PEINE DE MORT
Il nous semble nécessaire de revenir
sur la proposition de loi relative à l'aboli-
tion de la peine de mort, déposée lundi
dernier, sur le bureau de la Chambre,
par M. Frébault, député de la Seine. En-
traîné par les rapidités de la politique
courante, nous avons dû nous contenter
de la mentionner en quelques lignes,
mais elle est de celles qui réclament plus
que de l'altension, et ce serait manquer à
nos obligations que de ne pas féliciter
hautement ceux qui en ont pris l'initiative.
A vrai dire, nous ne pensons pas que la
question provoque une longue discussion
au sein du Parlement Peut-être une cer-
taine opposition viendra-t-elle de droite ;
nous croyons inutile de s'en préoccuper
beaucoup, persuadés que la majorité ré-
publicaine s'unira tout entière pour réa-
liser Ci*t!-e réforme si longtemps attendue.
L'exposé dès motifs de la proposition
de loi fait connaître l'état dans lequel se
trouvent actuellement les aiacrî'ftes na.
tions de l'Europe par rapport à la peine
de mort. Abolie en droit en Toscane en
Portugal, en Hollande et dans les Princi-
pautés danubiennes, aboli en fait en Ita-
lie, en Belgique, en Prusse et en Saxe,
l'échafaud, sous toutes ses formes hideu-
ses, ici gibet, là guillotine, tend de plus en
plus à disparaître partout. L'inconcevable
mouvement de recul qui a fait à certains
pays, comme la Suisse, par exemple,
réinscrire la peine de mort dans leurs co-
des, n'a pas rendu plus fréquente l'appa-
rition des odieux engins de mort légale.
Il convient d'ajouter à cette liste les Etats
tels que le Danemark, la Suède, les
royaumes de Wurtemberg et de Bavière,
je grand-duché de Bade, où la peine de
mort n'est supprimée ni en droit ni en
fait, mais où les exécutions capitales sont
devenues de véritables raretés. Ce rapide
coup d'œil suffit à faire voir que la
France, avec ses quatre pierres « d'at-
tente », dessinées sur le pavé gris de la
Roquette, est réellement en retard.
- Oui, en retard; oui, arriérée; Si pénible
que soit cette constatation, il faut la faire
impitoyablement. Et la France est le pre-
mier peuple qui ait agité la question dans
ses Assemb ées délibérantes; le peuple,
qui, en i848, dans l'enthousiasme de la
révolution triomphanté, a décrété l'aboli-
tion de la peine de mort en matière poli-
tique!. De lui-même, le souvenir de
cette journée magnifique s'évoque. C'étail
le 25 février; Lamartine, entouré de tous
ses collègues, t'avança sur le perron de
l'Hôtel de Ville, que battaient les flots
écumeux de la foule en armes, toute
chaude encore du combat de la veille.
— Citoyens, dit-il, le gouvernement
provisoire a voulu vous apporter lui-même
le dernier des décrets qu'il vient de déli-
bérer et de signer dans celle mémorable
séance : l'abolition de la peine de mort en
matière politique. C'est le plus beau dé-
cret qui soit jamais sorti de la bouche
d'un peuple le lendemain de sa victoire.
C'est le caractère de la nation française
qui échappe en un cri spontané de l'âme
de son gouvernement.
Alors, un immense acclamation jaillit,
monta vers le ciel, creva les nuages
et, dispersée par le vent aux quatre
coins du territoire, y rencontra par-
tout des échos. Pourquoi la proposi-
tion faite aujourd'hui d'abolir la peine
de mort en matière de droit commun ne
soulèverait-elle pas les mêmes applaudis-
sements? Il s'agissait alors de soustraire
aux vengeances, aux représailles, qui?
Des hommes dont l'unique souci avait été
de substituer, quoi qu'il dût arriver, leur
propre fantaisie aux volontés populaires,
et qui. pour conserver une autorité: usur-
pée, n'avaient pas craint de provoquer
entre l'armée et le peuple une lutte fra-
tricide ; actuellement, les têtes en cause
sont celles de quelques misérables assas-
sins, bêtes féroces dont la mise hors d'état
de nuire s'impose, mais qui, il faut le
dire, si l'on se r tait attentivement les re-
plis de leurs obscures consciences, n'ap-
paraîtraient certes pas tous doués de res-
ponsabilité entière.
L'humanité parle à voix haute autant
pour ceux-ci que pour ceux-là. On se
trouve absolument dans la vérité morale
en affirmant que les uns sont aussi peu
intéressants que les autres. Mais il ne s'a-
git pas d'eux. Il s'agit de nous, de la na-
tion entière que souille le sang juridique-
ment versé, quelles que soient, d'ailleurs,
les veines d'où ce sang ait coulé. En réa-
lité, le nombre des criminels de droit
commun dont il est question d'épargner
la vie est peu considérable. Nous emprun-
tons encore cette statistique à la proposi-
tion de loi de M. Frébault : sur 100 indi-
vidus coupables d'attentats pouvant en-
traîner la peine capitale, 92 bénéficient
de la déclaration de circonstances atté-
nuantes faite par le jury, et des 8 con-
damnés, 5 sont graciés par le chef de
l'Etat. Trois seulement se couchent sur
la planche de la guillotine. Eh bien!
nous avous le droit de dire que ces trois
suffisent à déshonorer la civilisation qui
assiste, impas^ib e, à leur mort, et que
c'est là, au froftit de notre belle France,
le stigmate avilissant d'un reste de bar-
barie.
Aussi estimons-nous, ainsi que nous
l'assurions tout-à-l'heure, que la proposi-
tion d'abolition de la peine de mort ne
donner.? lieu, au moins dans les rangs de
la majorité républicaine, à aucune con-
troverse. On Dourra discuter les articles
2 et 3 relatifs£ l'emprisonnement cellu-
laire de six ou de ts ois années, précédant
la détention perpélt^0Ue> emprisonnement
que les auteurs de la proposition veulent
substituer à la peine de mort, celle des
travaux forcés à perpétuité étant jugée
par eux insuffisante, mais encore 0116
fois, l'article premier, contenant Js prin-
cire même de la loi, conçu en ces sin)',Qles
termes : — La peine de mort est abolie --
rencontrera, nous en avons la ferme con-
viction, chez tous les républicains qui
siègent au palais Bourbon la même cha-
leureuse adhésion.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
1
L'ASSURANCE OBLIGATOIRE
J'ai exposé dans un précédent article le
projet de MM. Jaurès, Marty et Dupuy
relatif aux caisses de secours et de retraite.
Il s'agit maintenant d'examiner avec eux
l'objection qu'il soulève.
La première objection qu'on lui adres-
sera (et les auteurs se la font très loyale-
ment à eux-mêmes) est celle-ci : L'Etat a-
t-il le droit d'intervenir ? Passe encore
pour les ouvriers mineurs qui sont soumis
à des risques particuliers et placés sous la
tutelle de l'Etat par le caractère même
des exploitations minières; mais pour les
autres est-ce que la responsabilité de
1 Etat est directement engagée ? Ne peu-
vent-ils par le seul jeu de l'offre et de la
demande obtenir des salaires qui leur
permettent d'assurer leur avenir? Pour-
,quoi substituer à l'initiative individuelle
l'action de rEtit qui, en contraignant les
volontés, les énerve et les paralyse ?
M. Jaurès répond avec raison que l'abs-
tention systématique de l'Etat causerait
dans le monde du travail une imjnense
déception. Des engagements ont étC pris;
il s'agit de les tenir. Il ne faut pas que la
réserve de l'Etat soit qualifiée d'indiffé-
rence. Mais il y a plus; il est de toute
nécessité, dans la disposition actuelle des
esprits, que la sollicitude de la collectivité
serve de stimulant à l'inertie de l'individu.
1 II faut que la loi ait raison de l'insouciance
des ouvriers et de la cupidité des patrons.
On allègue certains pays où les patrons
ont associé leurs ouvriers à la caisse des
retraites. C'est fort bien de leur part;
mais n'est-il pas à craindre le plus souvent
que, le sacrifice forcé du patron étant
proportionnel au sacrifice volontaire de
l'ouvrier, l'employeur ne décourage l'é-
pargne de l'employé ?
L'autre objection est tirée de l'exemple
de l'Allemagne. Le Reichstag a voté der-
nièrement une loi sur les retraites obliga-
toires qui a été condamnée par les pro-
gressistes. Mais, entre le projet Jaurès et
la loi allemande, il n'y a qu'un point com-
mun, la retraite forcée. Encore, dans le
projet français, l'obligation est-elle su-
bordonnée au consentement des trois cin-
quièmes au moins des ouvriers d'une in-
dustrie donnée dans un canton. Les tra-
vailleurs souhaitent deux choses : d'une
part le bien-être, de l'autre la dignité,
l'indépendance économique. M. de Bis-
marck a cru qu'il suffisait de leur assurer
la première; voilà pourquoi il a exclu de
sa loi toute pensée d'affranchissement,
L'ouvrier allemand est assuré contre les
maladies et les accidents, mais il n'a pas
de livret individuel, et ses retenues ne lui
appartiennent pas en propre. Il devra
attendre l'invalidité, l'incapacité de tra-
vailler pour toucher la pension qui est sa
propriété. Enfin, la loi allemande ren-
ferme sa prévoyance dans chacune des
générations successives; elle empêche la
formation de ce capital collectif dont la
force grandissante peut devenir un jour
pour le travailleur l'instrument de son af-
franchissement définitif.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
4>
Note de l'agence Havas :
Le ministre des affaires étrangères n'a reçu
aucune nouvelle de Madagascar confirmant
les bruits inquiôtants répandus par quelques
journaux. Les derniers avis officiels, en date
du 6 mai, représentent, au contraire, la si-
tuation comme entièrement satisfaisante.
LA GRECE ET LES PUISSANCES
D'après une dépêche d'Athènes, du Stan-
dard le sTV/s ennt nueraieni d'envoyer
des troupes à îajr?ntlôr? et n'auraient
s troupes a
pas encore rendu Ws Pionniers grecs..
D'autre , Constanti-
D'autre part, une depêche constanti-
nople du même journal constate que,
dans les cercles officiels oîtC^ans, on a
éprouvé une Vive saiisfaction à i«2 non-
velle que les Grecs avaient remis la^$PS1~
tion fortifiée de Jygos aux mains dt*
commanda .t turc.
La dépêche déclare que tout danger de
conflit a désormais disparu.
Athènes, 3 juin.
Il devient de pins en plu- probable que le
blôcus sera prochainement levé.
Les journaux affirment que les arrange-
ments avec les Turcs vont être prochaine-
ment appliqués.
Athènes, 3 juin.
M. de Mouy est de retour à Athènes.
Les informations de Vienne et de Berlin
font espérer la prochaine levée du blocus.
«b
LES ON-DIT
L'àssemblée générale annuelle de la
Société libre des beaux-arts a eu lieu hier
soir.
M. Guillaume, membre de l'Institut,
président d'honneur, M. Mathieu-Meus-
nier, président effectif, et tous les anciens
membres du bureau ont été réélus.
***
Hier a commencé, au cours^la Reine,
la deuxième série de l'exposition canine
consacrée aux races étrangères.
r Cette seconde partie durera quatre jouft
et se terminera dimanche soir.
1 e .-
#
On annonce le prochain mariage de
notre confrère M. F licien Champsaur
avec Mlle Jeanne Chazotte, fille du re-
gretté colonel si vaillamment blessé dans
la guerre de 1870.
Les témoins de Mlle Jeanne Chazotte'
seront M. Auguste Vacquerie et M. Robe-
lin, grand-père de la mariée.
Les témoins de M. Félicien Champsaur
seront MM. Arsène Houssaye et Jules ClaJ
rfttie.
*
» S»
Hier a eu lieu, à la mairie du 7e arron;
dissement, le mariage de Mlle Perivier,
fille du premier président de la cour d'ap-
pel de Paris, avec M. Louis Sarlin.
Les témoins étaient : pour M. Sarlin/
M. Jules Grévy, président de la Républi-
que, et M. Daniel Wilson;
Pour Mlle Périvier : M. Loew, président'
de chambre à la cour de cassation, et M."
Antonin Périvier, l'un des gérants dù
Figaro.
Le même soir, chez M. Sarlin, rue de
Courcelles, un dîner de soixante couverts
réunissait les parents et les intimes des
deux familles.
Ce dîner était présidé par M. Grévy.
Parmi les convives : Mme Grévy, Mm&
Wilson, Mme Pelouz ; Mmes Pittié, Bour-
geois, Develle; MM. Antonin Périvier,
Wilson, Léon Renault, Chabrol, Fourne-
ret, Germot, Sarlande, etc., etc. A la
droite de Mme Sarlin se trouvait M. Ber-
nadou, qui va être fait cardinal dans le
prochain consistoire.
4r
& »
Nous avons parlé de l'incident qui s'est
produit à la réouverture du Salon, à l'oc-
casion de la médaille donnée au beau'
buste de M. Taillade.
L'auteur de ce buste écrit, à cette oc-
casion, à notre confrère le Masque de fer
la lettre suivante :
Mon cher Misque de fer,
Je ne voudrais pas que l'on donnât le
change sur mon action d'h er au Salon.
Un membre du ury m'a dit que c'étaitpour
me faire une mauvaise plaisanterie qu'on
m'avait donné une mention. 1
J'ai protesté contre les mauvais plaisants. ;
Je réfute cette phrase de votre journal :
« M. Deloye croyait mériter mieux. » Je n'y,
ai jamais pensé.
Je ne trouve pas que les médailles ajou-
tent au talent vous pouvez vous en convain-
cre par les bustes hors concours qui sont au
Salon.
Je suis, de vieille date, votre bien dévouéj
GUSTAVE BELOTE
'-"
- Dans la soirée d'hier jeudi, vers neuf
charg é s de voya-.;
heures, deux bateaux c~r~ de voya-
geurs se sont abordés près du pC^des
Saints-Pères.
y un des deux bateaux avant été sé-
rieusement endommagé par le choc, on
s'est empressé de le délester d'abord de:
ses passagers. L'opération a été faite en'
quatre minutes.
D s pompes à vapeur ont travaillé une
partie de la soirée à vider l'eau qui avait'
pénérré dans le bateau.
Il n'y aurait eu, nous dit-on, aucun ac-
cident de personne : on parle seulement
d'une dame qui s'est blessée à l'œil en
quittant le bateau.
stI\\ *
La commission des beaux-arts du con*:
seil municipal de Paris s'est rendue avant-
hier au Salon.
Immédiatement après cette visite, qui
est la dernière, la commission décidera
sur les diverses acquisitions d'œuvres d'art
qui seront soumises à l'approbation du
conseil municipal.
Ces acquisitions seront relativement
m ins importantes que les années précé-
dentes, en raison du crédit limité dont le
budget municipal dispose.
o
& *
Hier matin, une délégation du conseil
municipal, composée d'une quinzaine de
ses membres, parmi lesquels MM. Dave-
neie, Robinet, Deschamps, Guichard, Vail-
lant, Cochin, Georges Berry, s'est rendue
Feuilleton du RAPPEL
DU 5 JUIN
64
LA MAITRESSE
DU GÉNÉRAL
CHAPITRE XVII
- Suite-:
Angèle continua son chemin, en pre-
nant le bras de Mme Berthelin.
— Eh bien ! lui demanda celle-ci, êtes-
vous contenle?
— Je ne me plains pas 1 répondit An-
gèle avec résignation.
Reproduction interdite.
Voir le Rappel du 27 mars au 4 juin.
Elle fit quelques pas en silence, puis
soupira :
- Ce ne serait pas un héros !
- Un héros! repartit Mme Berthelin
étonnée. Qu'avez-vous besoin d'un héros,
mon enfant?
Angèle secoua la tête. Elle ne se fût pas
expliquée avec une autre ; mais, à Mme
Berthelin, elle devait tout dire :
— Oh! je me comprends! murmura-
t-elle ; puis d'une voix profonde :
-. Son père en serait un 1
Mme Berthelin n'osa pas laisser échap-
per le cri prêt à partir de ses lèvres. Elle
savait bien qu'il était inutile de conseiller
Angèle.
Elle se contenta de reprendre, avec une
compassion maternelle :
— Ainsi, vous avez peur qu'il ne vous
aime pas?
— Oh ! c'est plus grave que cela ! re-
partit vivement Angèle ; j'ai peur de ne
pas parvenir à l'aimer.
Elle serra le bras de sa vieille amie
et avec une énergie ardente, elle ajouta :
— Est-ce que si je pouvais être certaine
de l'aimer, je ne serais pas certaine d'en
être aimée?
Sa poitrine haletait, ses yeux lançaient
des éclairs ; toute sa force,"tout son génie
féminin, toute sa grâce en même temps
s'embrasaient.
Mme Berthelin l'enlaça, l'attira à elle,
et câlinement, voilant son enthousiasme
sous sa maternité.
— Vous avez raison, mon enfant.
— Après tout, repartit Mlle de Guima-
raës, soulagée par sa fierté et avec une
bonne humeur presque sincère, je ne suis
peut-être pas faite pour aimer et pour
être aimée d'amour.
Elle regarda le ciel, le jardin prosaïque,
où ses rêves faisaient leur nid, etGontran
qui la suivait de très loin, n'osant hâter le
pas, de peur de la rejoindre ;
— Je suis peut-être consacrée seule-
ment à l'amitié. à l'amitié comme la
vôtre, ma bonne Berthelin, comme celle
de Gontran, comme celle. qui était mon
ambition et que j'ai dbnquise. Ah ! j'aurais
tort de me plaindre. L'amitié, c'est de
l'amour raisonnable, sans passion; c'est
ce qu'il y a de meilleur dans la vie ; le
cœur se fait avec cela de petites rentes
qui ne tarissent jamais. Cela vaut mieux
que l'orgueil de fortunes embarras-
santes.
Elle rêva quelques secondes, puis s'écria:
— Est-ce qu'il n'est pas bientôt l'heure
de me déguiser ?
— Je crois bien que si.
— C'est ce soir grande réception, et
puis il y a un grand dîner. Je dois me
faire belle. pour M. Cabezon. Gontran, la
voiture de la princesse! cria-t-elle en riant
et en courant vers la maison.
Le soir de cette journée de juin, qui
était le premier chapitre d'un roman un
peu trop concerté, Mlle de Guimaraës,
par besoin de s'étourdir, par espoir, par
impulsion de jeunesse, par malice peut-
être envers les convives de la comtesse,
fut plus belle, plus gaie que d'habitude.
El'e dépassa même imprudemment la
mesure avec Cabezon, et elle se sentait
si forte, qu'elle se moqua quelque peu
de lui à table, malgré les regards sup-
pliants du général, malgré les regards sé-
vères de la comtesse.
1 Le financier fit bonne contenance; mais
il avait la rage dans le cœur.
Il s'esquiva avant minuit, pour rejoindre
Lucien Beaugran à un rendez-vous, de-
venu maintenant une habitude quoti-
dienne. Dans l'esprit de Cabezon, l'heure
de l'échéance approchait. Il voulait avoir
tous ses débiteurs sous la main.
Il fut frappé aussi, cette nuit-là, de la
gaîté provocante qu'il découvrait dans
son jeune convive. On eût dit que c'était
r la même raison secrète de rire et de se
moquer.
Sans être devenu plus philosophe, Ca-
bezon avait augmenté, aiguisé un instinct
de jalousie que lui suggérait des révéla-
tions confuses :
— Est-ce qu'ils se seraient concertés
pour se jouer de moi? se demanda-t-il.
Lucien en effet était plein d'entrain, et
la gaîté lui soufflait un peu d'esprit. La
clé qu'il sentait, qu'il touchait dans sa
poche, qu'il eût voulu tirer, montrer, bran-
dir, le mettait en verve. Il se trouvait su-
périeurà tous ceux qui n'avaient pas,comme
lui, une sorte de bonne fortune étrange,
chevaleresque, platonique à cacher.
Le platonisme même de ce rendez-vous
l'enchantait, comme un apéritif nouveau.
L'innocence est une patrie natale que
les voluptueux évoquent complaisamment
pour s'en moquer et pour s'y reposer. Le
jeune débauché du second empire, fatigué
de ses vices, incapable de s'en débarrasser
était ravi de cette pastorale qui le mettait
au régime lacté, à la condition, bien en-
tendu, de ne pas pousser trop loin.
En s'asseyant au souper, entre des filles
et en face de Cabezon, il se disait :
-Ce n'est pas à lui qu'on donnerait la
clé d'un paradis pareil l ,!
Puis songeant au passe-partout de ces
nymphes, il avait un mouvement sincère
d'orgueil à l'idée qu'une honnête fille de
son monde, du monde de son grand-père,
se confiait si simplement à lui.
Ce qui ne l'empêchait pas de se dire,
malgré lui, que si Mlle de Guimaraës de-
venait plus tard Mme Cabezon, il se ferait
un titre de cette clef du jardin, pour ob-
tenir une clef de la chambre.
Tout en vacillant au souffle de ces idées
contradictoires, Lucien remuait dans sa
poche la clef de Passy, avec un désir fou,
non pas de la faire voir, mais de provo-
quer un petit bruit qui amenât une ques-
tion et qui l'obligeât à la montrer.
Le financier qui s'offusquait de ces airs
mystérieux, le poussait à jouer, et Lucien,
persuadé qu'il av.iit un talisman, un fé-
tiche, joua plus follement que d'habitude,
ce qui le fit perdre davantage.
— Vous êtes donc bien heureux en
amour? lui demanda une de ces dames
en lui empruntant quelques louis, ses
derniers.
- Peut-être 1 répondit-il avec fatuités
LOUIS ULBAGtf.
(A sMWé.1
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