Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-05-30
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 30 mai 1886 30 mai 1886
Description : 1886/05/30 (N5924). 1886/05/30 (N5924).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
Nc5924 — Dimanche 30 Yai 1886 iLe numé» t toc. — Départements s l^c* Il Prairial an94 —-N* 5924
ADMINISTRATION
18, RUE DE VALOIS, 48
ABONNEMENTS
5PARIS
ÎTroisinois 40 )>
Six mois. 20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
Sixmois. 22 J)
Adresser lettres et mandats
A M. ERNEST LEFÈVRE
^DMINISTRAIErRGÉKANX
ItÉDACTION"
S'adresser au Secrétaire ile la Réfaction
De 4 à 6 heures du soir
46, JtPE DE V.ALO:IS f 18
les manuscrits noninséres ne seront pas renoms
ANNONCES
3DT. Ch. IAGRANGE, CERF et Cu
6, p]aee de la Bourse, 6
LE BUDGET DES CULTES
La commission du budget avait, il y
a deux jours, décidé qu'elle ne passe-
rait pas à l'examen du budget des
cultes. — Hier, après avoir entendu
l'honorable M. Goblet, elle est revenue
sur sa décision. — La commission du
budget est probablement de l'avis de
ceux qui pensent qu'il faut se défier de
son premier mouvement parce que c'est
le bon.
La raison sur laquelle M. le ministre
des cultes s'est surtout appuyé pour
combattre la précédente résolution de
la commission est précisément celle
qui, à mon avis, faisait le mieux voir
qu'elle méritait d'être approuvée : —
Vous créez, a dit M. Goblet, un préjugé.
Jusqu'à C3 que la Chambre ait statué,
on croira dans le pays que le budget
des cultes est supprimé.
C'est justement parce que la com-
mission créait un préjugé que sa dé-
termination était bonne. — Jusqu'ici
tout le monde parlait de la séparation
des Eglises et de l'Etat, mais aucun de
ceux qu'elle pouvait atteindre n'en
avsit suffisamment peur. Tous se di-
saient que c'était là. un joli prétexte à
discours et à manifestations, mais qu'il
se passerait du temps avant qu'on en
arrivât aux réalités. Il semblait même
que, lorsqu'il s'agissait d'aborder sé-
rieusement le débat, trop de gens ne
cultivaient plus que l'art de fuir par la
tangente. - En refusant de statuer jus-
qu'à ce que la Chambre la mit en de-
meure, la commission forçait la main
aux hésitants, elle faisait un acte.
Je sais bien que, comme l'a dit M.
Goblet, il ne suffit pas de ne pas voter
le budget des cultes pour régler les
rapports des Eglises et de l'Etat. Qu'il
taille déterminer l'état de choses qui
succédera à la séparation, que ce soit
là une oeuvre difficile, qu'il y ait de
plus des dispositions transitoires à
prendre et des mesures d'humanité à
édicter pour assurer les moyens de ne
pas mourir de faim à ceux qui vivent
actuellement sur ces crédits-là, per-
sonne ne l'ignore et personne ne le
conteste. — Mais il faut bien, si l'on
veut aborder les questions, les aborder
par quelque bout. La commission pre-
nait le côté par où elle était compé-
tente. C'était à la Chambre de complé-
ter son œuvre. Quand on iait ce qu'on
peut, on fait ce qu'on doit, et la com-
mission faisait là tout ce qu'elle pou-
vait.
J'ajoute qu'elle ne faisait que ce
qu'elle « pouvait », je veux dire ce
qu'elle avait le droit de faire. On lui a
reproché d'empiéter sur le droit du
Parlement. — A ce compte-là, a-t-on
dit, la commission pourrait aussi bien
annuler, d'un trait de plume, tout
le budget de la guerre. — Par-
don. La commission n'annulait pas.
Quelle que fut la forme de sa résolu-
tion, ce n'était jamais qu'une propo-
sition soumise à la Chambre. C'est la
Chambre qui aurait statué.
11 est vrai qu'il y a une doctrine d'a-
près laquelle la Chambre elle-même
ne pourrait pas, par voie budgétaire,
supprimer un service créé par une loi.
Mais cette doctrine-là, ce sont les sé-
nateurs qui l'ont inventée à leur usage.
Si elle triomphait, le droit de refuser
l'impôt à un gouvernement dont on se
défierait disparaîtrait bien vite pour les
représentants de la nation. Autant,
tout de suite, instituer un système
d'inscription d'once comme celui qu'on
'l .i-C AAnriAiic mnni/»in!inv
CUllOOHO UlUiliVA^UUAf
Lé précédent vote de la commission
avait satisfait la démocratie. Celui
d'hier la fera rabattre de ses espérances.
Heureusement que, grâce à M. Henry
Maret, le mal a été en partie réparé.
Que demandait, au fond, M. le mi-
nistre des cultes? Que le débat, au lieu
d'être pris de biais par la suppression
des crédits, fut abordé de front par une
discussion parlementaire sur le principe
de la séparation. — Très bien, a dit
M. Henry Maret, la commission vient
de voler qu'elle ne refusait plus d'exa-
miner le budget; volons maintenant
que nous ne l'examinerons que quand
la Chambre se sera prononcée pour son
maintien.
Et cela a été voté. — Je dois avouer
que, tout de suite après, la même
commission a décidé que, si lesur le principe n'intervenait pas en
temps utile, elle examinerait les crédits
tout de même. Tant il est vrai qu'il est
difficile d'obtenir des décisions quel-
que peu conséquentes dans une réu-
nion où le déplacement d'une voix suffit
à déplacer la majorité.
- N'importe, ces deux séances, si im-
parfaite que soit leur conclusion, ont
fait faire un pas — un grand pas — à
la question. Un débat solennel est
maintenant inévitable. C'est aux amis
de la liberté de faire en sorte qu'il
vienne le plus tot possible et qu'il soit
efficace.
- ERNEST LEFÈVRE.
ii
COULISSES DES CHAMBRES
Les bureaux de la Chambre se réunis-
sent aujourd'hui pour nommer la com-
mission qui sera chargée d'examiner le
projet d'expulsion des princes déposé par
le gouvernement.
En prévision de cette importante nomi-
nation, divers groupes parlementaires se
sont réunis pour délibérer sur la conduite
à tenir.
La gauche radicale, après un long dé-
bat, a pris une décision que le procès-
verbal communiqué à la presse fait - con-
naître en ces termes :
« La gauche radicale s'est prononcée à
l'unanimité pour la reprise, à titre d'amen-
dement, de la proposition Floquet ayant
pour objet l'expulsion pure et simple des
prétendants par mesure législative. Elle a
décidé que cet amendement serait revêtu
de la signature de tous les membres de la
gauche radicale. »
L'union des gauches a longuement dé-
libéré mais elle n'a pris aucune résolution
ferme. La séance a été consacrée à un
échange d'observations et d'impressions.
Il est très difficile de préciser le sentiment
qui se dégage de cette délibération. Cer-
tai s membres comme MM. Jourdan,
Bizot de Fonte y , Horteur, Gerville-
Réache ont fait observer la contradiction
qu'il y avait dans le langage du gouver-
nement, il y a trois mois, et celui d'au-
jourd'hui. En mars dernier, il se décla-
rait suffisamment armé et aujourd'hui il
vient demander des armes contre les
princes ; il y a deux mois il déclarait qu'il
n'y avait pas de danger et il en signale
un aujourd hui.
D'autres, comme MM. Thomson, de
Sorinier, Turrel, ont dit que, le gouverne-
ment réclamant des armes nouvelles, il
fallait les 'lui accorder et que ce n'était
pas sur une question de cet ordre qu'il
fallait créer une crise ministérielle.
M. Duché, auteur de la proposition
d'expulsion obligatoire présentée à la
Chambre au mois de mars dernier et re-
jetée par elle, a déclaré qu'il repren Irait
cette proposition à titre d'amendement
au projet du gouvernement. Il considère
que la question des princes ne peut pas
être résolue par des demi-mesures, comme
celle du projet du gouvernement. Du
reste, s'il ne reprend pas son projet, il est
convaincu que l'extrême gauche le repren-
dra pour son compte.
M. Jules Ferry a déclaré que, plusieurs
fois à la tribune , il avait affirmé que le
gouvernement était suffisamment armé.
Il persiste à le croire; néanmoins, si le
gouvernement réclama d'autres armes lé-
gales, il faut les lui donner.
Finalement, le groupe n'a émis aucun
vote; mais il semble que la majorité soit
résolue à voter le projet du gouverne-
ment, quelles qu'en soient les imperfec-
tions.
Toutefois, une importante fraction du
groupe suivra M. Duché et votera pour
l'expulsion obligatoire.
La droite s'est réunie également de son
côté.
Elle est naturellement opposée à tout
projet d'expulsion. Aussi sa délibératiou
n'avait-elle pour objet que d'examiner des
questions de tactique parlementaire et de
rechercher les moyens par lesquels elle
pourrait le mieux manifester son opposi-
tion.
Etle a décidé qu'elle présenterait dans
tous les bureaux des candidats opposés à
la proposition d'expulsion, qui proteste-
raient contre les mesures proposées et
soutiendraient le droit des princes à rési-
der sur le territoire français.
—o—
Dans la séance qu'elle a tenue hier, la
gauche radicale, après avoir discuté, la
question de l'expulsion des princes, a dé-
cidé de demander aux groupes de l'union
des gauches et de l'extrême gauche de
s'associer à elle pour faire une démarche
au gouvernement en vue d'insister en fa-
veur d'une prompte épuration des fone-
tions aires.
Le ministre de l'instruction publique et
des cultes s'est rendu hier à la commis-
sion pour faire connaître l'avis du gouver-
nement sur la décision par laquelle cette
commission a refusé de passer à l'examen
des articles du budget des cultes. Voici la
déclaration qu'a faite le ministre :
Si. Goblet, ministre des cultes. — Je ne
vous surprendrai pas en vous demandant de
ne pas maintenir votre décision de l'autre
jour. Les exploitions que j'ai à vous donner
ne sont pas nouvelles, et j'ai déjà eu souvent
l'occasion de les présenter à la Chambre.
Je considère que la suppression du budget
des cultes peut être une conséquence, mais
non un point de départ.
Il y a d'abord une raison de légalité géné-
raie. Des services publics ne doivent pas être
atteints par voie budgétaire. Il faut que le
Parlement soit d'abord saisi da principe
même de la suppression.
Pour le budget des cultes, il y a une consi-
dération plus grave : C'est un service public
qui est la conséquence d'un traité, et qui ne
peut disparaître que quand le traité disparaî-
tra. Nous avons le droit de dénoncer le traité,
mais non de supprimer le budget qui en est
la conséquence, tant que le traité subsiste.
Il y a des considérations de fait également
puissantes.
Si cette proposition de suppression a été
accueillie par la commission, c'est évidem-
ment pour poser L question de la séparation
de l'Eglise et de l'Etat. Ou sait que je ne suis
pns hostile à cette séparation, mais j'ai tou-
jours pensé que la séparation ne f ouvait pas
se faire ex abrupto. Il faut d'abord des mesures
de deux ordres.
En premier reu, il faut prendre des me-
sures pour proléger la liberté des consciences.
Si no is retirions aux cultes leurs ressources,
il iaudrait leur préparer les moyens d'exister,
c'est-à-dire la faculté de posséder ce qui serait
indispensable. Il faudrait faire pour les asso-
ciations r ligieuses quelque chose d'analogue
à ce qui a été fait pour les associations indus-
trielies.
Ensuite, il n'est pas possible de supprimer
des services publics sans laisser aux personnes
qui y o t pris placd les moyens de vivre.
Des mesures transitoires .à cet effet seraient
donc nécessaires. -
Donc la séparation ne peut pas être pro-
noncée sans que ces mesures préparatoires y
soiellt .i°intes, mais en outre elle n'aurait pas
pour conséquence la suppression immédiate
du bud et des cultes. Il ne di paraîtrait pas,
il ne s'eteindrait que p iit petit.
Ii- n'y aurait pa.; davantage écono ie dans
le système de M. Y^esGu or, puisqu'il remet-
trait les fondis de* cultes aux com nunes.
J'ajoute que vous n'uvez pas - besoin d'avoir
recours au refus d'examiner ce budget en
commission. Pourquoi ne pas sou uetire au
Parlement 1* que tioo de la séparation en
elle-même? Iî y a déjà d s proposit'ons sou-
mises à la Chambre. Qui empêche, pat' une
mi e à l'ordre du jour, d'ouvrir très proehii-
ni ment la discussion ? Le gouvernement ne
so g pas à fuir le débat. L~ jour où il
s'ouvrira, je suivrai la voie indiquée par la
déclaration du gouvernement. Nous avons dit
que la séparation était la soluti n inévitable,
mais qu'elle n'était pas eue re arrivée à ma-
turité, et qu'il n'y avait pas encore pour cl e
de majorité dans le ; ays ni me e dans la
Chambre. Nous pouvons nous tromper. La
Chambre nous le dira. S'il y avait une ma-
jor, té pour dire au gouvernement de pré par r
les lois accessoires dont je par lais, je n'éprou-
verais aucun embarras à les présenter. Mais
:; ous ne croyons pas que ce soit ce que
nous dirait -- la Chambre. AI-irs 1 pourquoi
refuser de faire le rapport sur le budget des
cultes ?
J'ajoute, quant aux réductions dont ce
budget p;:ut être l'objet que, tant que le Con-
cordat sera maintenu, >1 faut exiger du clergé
le respect du gouvern ment, il faut être très
ferme, mais il ne faut pa- faire des écono-
mies qui tromperaient l'opinion sur les vraies
intentions du Parlement.
En résumé, il faut commencer par faire
examiner la question de la séparation par la
Chambre. Si eUe se prononce contre la sépa-
ration, il faudra bien que la commission re-
vienne sur sa décision. -
Dès lors, à quoi bon, si l'on ne peut pas
arrivera la suppression du budget des cultes,
avoir l'air de la voter? Pour le pays, jusqu'au
vote de la Chambre, il y aurait comme ce sen-
timènt que le budget des cultes a disparu, et
d'une façon violente, puisque sa suppression
ne serait pas accompagnée des mesures tran-
sitoires nécessaires et cela au moment même
où nous allons consulter le p iys dans des
élections nouvelles.
M. EtÊesisac demande si M. le ministre,
dans toutes les parties de ses observations,
a parlé en son nom personnel ou au nom
du gouvernement.
M. Goblet répond que, personnelle-
ment, il a toujours été favorable à la sé-
paration, mais que, au nom du gouverne-
ment, il répète ce qu'a déjà dit la décla-
ration et ce qu'il vient d'affirmer à nou-
veau, c'est que, si cette solution doit un
jour s'imposer, il ne paraît pas qu'elle ait
dès aujourd'hui une majorité dans le pays
ni même dans la Chambre.
M. le ministre se retire alors, et, sans
débat, le vote est ouvert sur la question
de savoir si, revenant sur sa précédente
décision, la commission passera à l'exa-
men du budget des cultes.
Par i5 voix contre 13, la commission
décide dans le sens affirmatif.
M. Henry Maret demande alors que,
tout en respectant ce vote, il ne soit passé
à l'étude de ce budget que quand la ques-
tion du principe de la séparation ou de la
non séparation aura été tranchée par la
Chambre.
Cette motion est combattue par M.
Wilson, qui demande que l'étude des ar-
ticles soit entreprise, sauf à ajourner le
rapport jusqu'au vote du principe par la
Chambre.
M. prevet, auquel M. Wilson se ralJîe,
demande seulement que le budget des
cultes prenne sa place dans l'ordre des
travaux de la commission, sans rien pré-
juger pour l'époque. -
La motion de M. Maret, encore com-
battue par MM. Leguay et Sans-Leroy,
est appùyée par MM Yves Guyot, Ernest
Lefèvre, Thomson, Àndrieux, de Lanes-
san et rrhiera.
La priorité, demandée par M. Gerville-
Réache pour la proposition de M. Prevet,
est repoussée par 14 voix contre 12.
La proposition de M. Henry Maret est
alors adoptée par i6 voix contre 14.
Enfin la commission, sur la proposition
de M. Thiers, décide, par 14 voix contre
43, que si la Chambre ne prenait pas une
résolution en temps utile, le budget des
cultes serait examiné par la commission.
—o—
Le ministre des travaux publics s'est
rendu hier à la commission des chemins
de fer et a fait connaître que le conseil
général des ponts et chaussées, avait dans
sa séance du 24 mai dernier, émis un avis
favorable au projet de chemin de fer mé-
tropolitain, qu'il a déposé sur le bureau
de la Chambre.
M. Baïliaut a ajouté qu'il était en né-
gociations avec le conseil municipal de
Paris, auquel il a demandé le concours
pécuniaire de la ville pour l'exécution du
Métropolitain. La commission mixte du
conseil municipal et du conseil général
est favorable en principe à une partici-
pation de la viile à la garantie d'intérêt,
moyennant l'exécution d'une nouvelle
ligne au cœur de Paris. Mais le ministre
a dit qu'il ne pourrait fournir d'explica-
tions sur ce point que lorsque le conseil
municipal aurait prib sa décision.
—— - ■■■ ■ ■
Extrait d'un journal royaliste :
« L'exil des princes est une mesure
inique, révoltante, monstrueuse. C'est la
dégradation du gouvernement vis à vis de
l'Europe. C'est l'histoire nationale souf-
fletée. »
La royauté de 1815 a expulsé les Bona-
partes. La royauté de 1830 a expulsé les
Bonapartes et les Bourbons. La royauté,
d'après le journal royaliste, a donc com-
mis un acte monstrueux, s'est donc dé-
gradée vis à vis de l'Europe, a donc souf-
fleté l'histoire nationale.
Extrait d'un journal impérialiste :
« Les princes de la Royauté, descen-
dants des souverains qui créèrent la
France, ces princes sont traités comme
des étrangers; les petits-fils de Louis XIV
ou de Henri IV ne seront plus chez eux
sur cette terre où. »
L'empire a fermé la France aux petits-
fils de Louis XI v ou de Henri IV. Napo-
léon-premier ne s'est pas borné à les exi-
ler; si l'un d'eux s'approchait seulement
de la frontière, il l'empoignait dans un
guet-apens et le fusillait. Napoléon-der-
nier ne se contentait pas de proscrire les
princes d'Orléans, il confisquait leurs
biens.
C'est pourquoi les gémissements et les
fureurs des royalistes et des impérialistes
nous font bien rire. On ne fait qu'appli-
quer à leurs princes la loi de leurs pro-
pres régimes. C'est le cas du pate,'e lege-n
quam ipse fecisti.
Nous disons cela pour montrer le gro-
tesque des indignations réactionnaires,
non pour approuver la loi d'expulsion.
Justement parce qu'elle est une loi de
l'empire et de la royauté, elle ne devrait
pas être une loi de la République.
A. V.
LE SUFFRAGE UNIVEHSEL EN BELGIQUE
Le bourgmestre de Bruxelles, M. Buis,
vient d'interdire la manifestation en fa-
veur du suffrage universel annoncée pour
le 13 juin prochain. Cettt manifestation
devait être toute pacifique et les organi-
sateurs avaient pris, à cet égard, des en-
gagements formels, mais l'ampleur de la
démonstration, le nombre des manifes-
tants, évalué d'avance à 80 ou 1ÔJ,000,
n'ont pas laissé cependant d'inspirer de
vives inquiétudes. « Il ne m'a pas été
démontré, écrit M. Buis au secrétaire du
conseil général du parti ouvrier belge,
que les organisateurs de la manifestation
auraient assez d'empire sur les masses
populaires qu'ils comptent lancer vers la
capitale pour éviter tout désordre, ni que
leurs intentions pacifiques soient parta-
gées par tous les participants M.
Evidemment, ces appréhensions sont
compréhensibles, mais ne faut-il pas être
plus naïf que nature pour croire mainte-
nant la tranquillité publique exempte de
tous périls ? Les organisateurs renonce-
ront d'autant moins à la manifestation
projetée que la lettre de M. Buis contient,
en même temps, un incroyable aveu de
faiblesse : « Il est de mon devoir de ne
pas laisser prendre à ces manifestations
des proportions qui ne soient pas en rap-
port avec les forces dont je dispose pour
assurer la sécurité publique. » En moins
de mots : l'autorité a peur d'être débor -
dée — et le dit Si elle voulait engager les
manifestante à venir en très grand nombre
à Bruxelles, le 43 juin, elle ne pourrait s'y
prendre autrement.
Quand un pouvoir en est à commettre
de telles maladresses, on peut certifier
que lui-même arrive à concevoir des dou-
tes sur sa propre solidité Ce sont là symp-
tômes non équivoques de ce désiquilibre-
ment moral qui devient vite de l'affole-
ment. En réalité, la situation, en Belgi-
que est grave. Certes, il n'existe aucun
rapport direct entre l'agitation entretenue
par le parti socialiste en faveur du suf-
frage universel et les troubles récents qui
ont ensanglanté les bassins houillers de
Charleroi et de Mons, mais il y a au
moins connexité. En tout cas, que les
socialistes aient décliné la responsabilité
des scènes lamentables dont ces bassins
ont été le théâtre, soit; mais ils n'en
cherchent pas moins, aujourd'hui, à faire
converger sur un même but tous les
efforts, toutes les aspirations des masses
ouvrières ; à prendre en un mot la direc-
tion de tous les mouvements qui pour-
ront se produire. Et, pour s'en convaincre,
il suffit de feuilleter ce Catéchisme du
peuple, cette petite brochure qui, dans
ces derniers temps, a été répandue à pro-
fusion dans tous les centres miniers et
dont chaque charbonnier, dit-on, possède
un exemplaire.
« — Qui es-tu? — Je suis un esclave.
- L'esclave existe-t-il dans tous les pays?
— Non. La République française, la Ré-
publique suisse, la République des Etats-
Unis et d'autres encore ne sont composées
que d'hommes libres. Tous les citoyens
font les lois et tous s'y soumettent. - Que
faut-il donc pour faire d'un esclave un
homme libre? Il faut lui donner le droit
de vote, c'est-à-dire le suffrage universel.
- Par qui, esclave, es-tu gouverné? —
Par trente mille privilégiés. — Comment
obtiendras-tu le suffrage universel? — En
allant, do tous les coins de la Belgique, le
demander à Bruxelles. — A quand le ren-
dez-vous? — Le 13 juin prochain, le jour
de la Pentecôte, tous les Borains iront à
Bruxelles. Ils y arriveront à pied et y trou-
veront vingt-cinq mille Gantois, vingt mille
Liégeois, vingt mille ouvriers du Centre
et de Charleroi. Tous les ouvriers y seront
réunis; le peuple entier y sera, et le gou-
vernement nous donnera le suffrage uni-
versel aux cris de : Vive le peuple! vive la
liberté! »
Ainsi s'exprime le Catéchisme du peup e,
c'est en ces termes que les socialistes s'a-
dressent au peuple; ce qui nous fait dire
que la situation est grave. S'il s'agissait
d'un appel à la violence, d'excitations au
meurtre, à l'incendie, au pillage, éche-
vins, bourgmestres et ministres pourraient
regarder avec calme l'avenir, de sembla-
bles provocations n'étant jamais que l'œu-
vre d'une minorité furibonde maîtrisable;
mais il s'agit d'autre chose, il s'agit des
droits du peuple et de la liberté; un peuple
est bien fort quand il réclame ses droits,
quand il se soulève au nom de la liberté.
Il nous semble donc que le premier ma-
gistrat de Bruxelles est mal venu, surtout
après la confession faite de son impuis-
sance, à déclarer qu'usant des pouvoirs
que lui donnent l'article 19 de la Consti-
tution et l'article 94 de la loi communale,
il prendra telles mesures qu'il jugera
utiles. » Quelles mesures? Qu'on y prenne
garde ! Toute grande manifestation, même
annoncée comme ne devant pas sortir des
bornes de la légalité, est un nuage chargé
de tonnerres; qu'une étincelle jaillisse et le
ciel s'embrase. Que le roi Léopold songe
au boulevard des Capucines. La foule qui
s'y pressait dans la soirée du 23 février 1848
n'était point altérée de révolution; elle
voulait la réforme ; elle croyait l'avoir ; on
illuminait; Guizot était par terre; le roi
avait fait appeler le comte Molé; il a suffi
d'un ordre mal interprété, d'un moment
d'affolement, d'une décharge couchant
sur le soi cinquante-deux victimes : le
lendemain, comme l'a dit Victor Hugo,
un fiacre emportait dans l'exil la royauté
de Louis-Philippe.
De tels souvenirs sont bons à mettre
sous les yeux des hommes d'Etat qui,
mûris dans leurs cabinets, ignorants des
grands frissons qui secouent les foules,
sont parfois trop disposés à la confiance.
L'avertissement ne sera sans doute pas
entendu. Du moins avons-nous fait en-
tendre notre voix et rempli notre devoir.
Pour n'avoir pas voulu soumettre leurs
désirs aux volontés populaires, bien des
rois, depuis un siècle, ont dû prendre la
route de l'exil, en laissant derrière eux
les morceaux de leur trône brisé; ils
s'enfuyaient, poursuivis par l'exécration
publique, les mains teintes du sang de
ceux qui n'étaient plus leurs sujets ; que
ceux qui demain p-ut-étre so,,- trouveront
dans la même situation songent — il en
est temps encore— aux lourdes, terribles
responsabilités suspendues sur leur tête.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
-
PARIS EN ALGÉRIE
C'est des dernières années du règne de
Louis-Philippe que date l'idée d'utiliser
l'Algérie comme colonie de peuplement
pour tou tes les catégories d'enfants pau-
vres, assistés, orphelins, enfants recueillis
dans les établissements pénitentiaires, en
vertu de l'article 66 du Code pénal, et
même les enfants condamnés en vertu de
l'article 67, et aussi ceux qui composent
ce qu'on appelle maintenant les « mora-
lement abandonnés ».
Depuis d'autres idées ont triomphé; il a
paru infiniment plus simple et plus utile
de laisser l'enfant dans la famille de la
nourrice à qui il a été confié et qui dans
la plupart des cas s'est attachée à lui.
Mais à côté des 45,000 enfants secourus
ainsi, il en existe d'autres qui, soit parce
qu'ils ont été abandonnés à un âge trop
avancé, soit parce que leurs parents nour-
riciers sont morts ou tombés dans la mi-
sère, n'ont pas eu la chance de se créer
un foyer et sont pour ainsi dire deux fois
abandonnés. C'est pour ces enfants que
le département de la Seine a eu l'idée de
•v "l » fc. 1 u Z. • -
recourir a 1 al gene.
Le 12 novembre 1882, le docteur Thu-
lié, rapporteur du service des enfants as-
sistés, formulait le programme suivant :
4° Les enfants seront choisis parmi les
gaiçons et les filles de douze ans, afin
qu'ils soient assez jeunes pour s'acclima-
ter, assez âgés pour pouvoir travailler. Ils
seront envoyés dans une école profes-
sionnelle où, en outre de l'enseignement
agricole, ils apprendront un état se rat-
tachant à l'agriculture, forgeron, tonne-
lier, etc.;
2" L'enfant doit être certain, non-seu-
lement de trouv-r une occupation ma-
nuelle à sa sortie de l'école, mais encore
de devenir propriétaire. Dès son départ
de France, il aura droit à une conces.
sion; -
3° Les propriétés concédées aux jeunes
colons devront être voisines les unes des
autres, afin qu'ils puissent s'eutr'aider.
Une commission fut nommée et trois
membres, MM. Curé, Yves Guyot et
Brueyre, délégués pour aller étudier le.
problème sur place. Cette première délé-
gation fut bientôt suivie d'une seconde;:
enfin le gouvernement, après avoir enten-
du l'administration algérienne et le dépar-
tement de la Seine, a déposé un projet:
qui, tout en tenant compte des idées de<
M. Thulié, les a adaptées aux exigences du;
moment.
L'article i er porte qu'une concession dB<:
3,267 hectares de terrains domaniaux dis-
ponibles, situés dans les départements'
d'Alger et de Constantine, sera atti-ibuéa'
à titre gratuit au département de la Seine, j
soit pour l'établissement d'une école pro-i
fessionnelle d'agriculture et d'horticul-
ture, destinée aux enfants assistés de ca
dernier département, soit au lotissement
entre d'anciens élèves de cette école.
L'adoption du projet aurait de nom-
breux avantages. D'abord, il assurera à
ces enfants poursuivis depuis leur nais-
sance par des fatalités multiples, aban-
donnés d'abord de leur famille naturelle,
puis de leur famille d'adoption, une si-
tuation qui peut devenir prospère pour
quelques-uns, et qui sera en tout cas suf-
fisante pour les autres: En outre, il pourra
oŒrir un utile exemple aux autres dépar-
tements. Quand on songe que, d'après le
dénombrement de 188i, il n'y a en Al-
gérie que 195,000 Français contre 189,000
Espagnols, Italiens et Maltais, on ne doit
pas négliger ce moyen aussi simple que
sûr de renforcer la population française
algérienne eL d'établir vers nos colonies
africaines un large courant d'émigration.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
L'abondance des matières nous
oblige à remettre à demain la suito
de notre feuilleton
LA
MAITRESSE DU GÉNÉRAL
PAR
LOUIS ULBACH
LES MÉDAILLES D'SONNEUR DU SALON
Hier matin, à neuf heures, a eu lieu, au
Salon, sous la présidence de M. Guil-
laume, le vote de la médaille d'honneur
pour la section de sculpture. Les opéra-
tions du jury ont duré jusqu'à onze heures
et demie, et trois tours de scrutin ont été
nécessaires.
Premier tour
Votants. 60
Majorité., 31
Bulletins blancs. 6
Nuls. 2
MM. Chaplain 9 vois
Scbœnewerk tI. 9
8
Longepied. 7
Peynot. 7
MM. Lanson, 4; Aizelin. 3; Gain, 2;
Dubois, 4 ; Leroux, 1; Franceschi, 4.
Deuxième tour
Vot.ants. 59
Majorité 30
Bulletins blancs. 4
Nuls. 2
MM. fkhcenewerk. 13 voix
Longepied 13
Mercié. 12
MM. Chaplain, 5; Peynot, 4; Lanson, 2;
Oliva, 1; Aizelin, t; Delorme, 1 ; Fran-
ceschi, 4.
Troisième tour
Votants. 57
Majorité. 29
Bulletins biancs. 3
MM. Schœnewerk. 17 voix
Longepied 43
Mercié 11
MM. Chaplain, 5; L-mson, 2; Aizelin, 2}
Peynot, 2 ; Lefèvre, 1 ; Franceschi, 1. 1
La médaille d'honneur doit être votée
par tous les artistes sculpteurs, graveurs
en médailles et sur pierres fines hors con-
cours, exposants ou non, et le jury de la
section, réunis en assemblée plénière sous
la présidence du président du jury. Elle
ne doit donner lieu qu'à trois tours de
scrutin et n'est décernée qu'à la majorité
des suffrages exprimés.
La majorité n'ayant pas été atteinte, la
médaille d'honneur, cette année, n'a pas
été décernée.
Le vote pour la médaille d'honneur de
la section de peinture a commencé à deux
heures. M.Bouguereau prosidaitle scrutin.
Les artistes "récompensés, médailles et
mentions, pouvaient seuls prendre part
au scrutin. Au premier tour, la majorité
absolue était nécessaire; au second tour,
le quart des votants suffisait.
Les artistes qui n'étaient pas d'avis do
ADMINISTRATION
18, RUE DE VALOIS, 48
ABONNEMENTS
5PARIS
ÎTroisinois 40 )>
Six mois. 20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 13 50
Sixmois. 22 J)
Adresser lettres et mandats
A M. ERNEST LEFÈVRE
^DMINISTRAIErRGÉKANX
ItÉDACTION"
S'adresser au Secrétaire ile la Réfaction
De 4 à 6 heures du soir
46, JtPE DE V.ALO:IS f 18
les manuscrits noninséres ne seront pas renoms
ANNONCES
3DT. Ch. IAGRANGE, CERF et Cu
6, p]aee de la Bourse, 6
LE BUDGET DES CULTES
La commission du budget avait, il y
a deux jours, décidé qu'elle ne passe-
rait pas à l'examen du budget des
cultes. — Hier, après avoir entendu
l'honorable M. Goblet, elle est revenue
sur sa décision. — La commission du
budget est probablement de l'avis de
ceux qui pensent qu'il faut se défier de
son premier mouvement parce que c'est
le bon.
La raison sur laquelle M. le ministre
des cultes s'est surtout appuyé pour
combattre la précédente résolution de
la commission est précisément celle
qui, à mon avis, faisait le mieux voir
qu'elle méritait d'être approuvée : —
Vous créez, a dit M. Goblet, un préjugé.
Jusqu'à C3 que la Chambre ait statué,
on croira dans le pays que le budget
des cultes est supprimé.
C'est justement parce que la com-
mission créait un préjugé que sa dé-
termination était bonne. — Jusqu'ici
tout le monde parlait de la séparation
des Eglises et de l'Etat, mais aucun de
ceux qu'elle pouvait atteindre n'en
avsit suffisamment peur. Tous se di-
saient que c'était là. un joli prétexte à
discours et à manifestations, mais qu'il
se passerait du temps avant qu'on en
arrivât aux réalités. Il semblait même
que, lorsqu'il s'agissait d'aborder sé-
rieusement le débat, trop de gens ne
cultivaient plus que l'art de fuir par la
tangente. - En refusant de statuer jus-
qu'à ce que la Chambre la mit en de-
meure, la commission forçait la main
aux hésitants, elle faisait un acte.
Je sais bien que, comme l'a dit M.
Goblet, il ne suffit pas de ne pas voter
le budget des cultes pour régler les
rapports des Eglises et de l'Etat. Qu'il
taille déterminer l'état de choses qui
succédera à la séparation, que ce soit
là une oeuvre difficile, qu'il y ait de
plus des dispositions transitoires à
prendre et des mesures d'humanité à
édicter pour assurer les moyens de ne
pas mourir de faim à ceux qui vivent
actuellement sur ces crédits-là, per-
sonne ne l'ignore et personne ne le
conteste. — Mais il faut bien, si l'on
veut aborder les questions, les aborder
par quelque bout. La commission pre-
nait le côté par où elle était compé-
tente. C'était à la Chambre de complé-
ter son œuvre. Quand on iait ce qu'on
peut, on fait ce qu'on doit, et la com-
mission faisait là tout ce qu'elle pou-
vait.
J'ajoute qu'elle ne faisait que ce
qu'elle « pouvait », je veux dire ce
qu'elle avait le droit de faire. On lui a
reproché d'empiéter sur le droit du
Parlement. — A ce compte-là, a-t-on
dit, la commission pourrait aussi bien
annuler, d'un trait de plume, tout
le budget de la guerre. — Par-
don. La commission n'annulait pas.
Quelle que fut la forme de sa résolu-
tion, ce n'était jamais qu'une propo-
sition soumise à la Chambre. C'est la
Chambre qui aurait statué.
11 est vrai qu'il y a une doctrine d'a-
près laquelle la Chambre elle-même
ne pourrait pas, par voie budgétaire,
supprimer un service créé par une loi.
Mais cette doctrine-là, ce sont les sé-
nateurs qui l'ont inventée à leur usage.
Si elle triomphait, le droit de refuser
l'impôt à un gouvernement dont on se
défierait disparaîtrait bien vite pour les
représentants de la nation. Autant,
tout de suite, instituer un système
d'inscription d'once comme celui qu'on
'l .i-C AAnriAiic mnni/»in!inv
CUllOOHO UlUiliVA^UUAf
Lé précédent vote de la commission
avait satisfait la démocratie. Celui
d'hier la fera rabattre de ses espérances.
Heureusement que, grâce à M. Henry
Maret, le mal a été en partie réparé.
Que demandait, au fond, M. le mi-
nistre des cultes? Que le débat, au lieu
d'être pris de biais par la suppression
des crédits, fut abordé de front par une
discussion parlementaire sur le principe
de la séparation. — Très bien, a dit
M. Henry Maret, la commission vient
de voler qu'elle ne refusait plus d'exa-
miner le budget; volons maintenant
que nous ne l'examinerons que quand
la Chambre se sera prononcée pour son
maintien.
Et cela a été voté. — Je dois avouer
que, tout de suite après, la même
commission a décidé que, si le
temps utile, elle examinerait les crédits
tout de même. Tant il est vrai qu'il est
difficile d'obtenir des décisions quel-
que peu conséquentes dans une réu-
nion où le déplacement d'une voix suffit
à déplacer la majorité.
- N'importe, ces deux séances, si im-
parfaite que soit leur conclusion, ont
fait faire un pas — un grand pas — à
la question. Un débat solennel est
maintenant inévitable. C'est aux amis
de la liberté de faire en sorte qu'il
vienne le plus tot possible et qu'il soit
efficace.
- ERNEST LEFÈVRE.
ii
COULISSES DES CHAMBRES
Les bureaux de la Chambre se réunis-
sent aujourd'hui pour nommer la com-
mission qui sera chargée d'examiner le
projet d'expulsion des princes déposé par
le gouvernement.
En prévision de cette importante nomi-
nation, divers groupes parlementaires se
sont réunis pour délibérer sur la conduite
à tenir.
La gauche radicale, après un long dé-
bat, a pris une décision que le procès-
verbal communiqué à la presse fait - con-
naître en ces termes :
« La gauche radicale s'est prononcée à
l'unanimité pour la reprise, à titre d'amen-
dement, de la proposition Floquet ayant
pour objet l'expulsion pure et simple des
prétendants par mesure législative. Elle a
décidé que cet amendement serait revêtu
de la signature de tous les membres de la
gauche radicale. »
L'union des gauches a longuement dé-
libéré mais elle n'a pris aucune résolution
ferme. La séance a été consacrée à un
échange d'observations et d'impressions.
Il est très difficile de préciser le sentiment
qui se dégage de cette délibération. Cer-
tai s membres comme MM. Jourdan,
Bizot de Fonte y , Horteur, Gerville-
Réache ont fait observer la contradiction
qu'il y avait dans le langage du gouver-
nement, il y a trois mois, et celui d'au-
jourd'hui. En mars dernier, il se décla-
rait suffisamment armé et aujourd'hui il
vient demander des armes contre les
princes ; il y a deux mois il déclarait qu'il
n'y avait pas de danger et il en signale
un aujourd hui.
D'autres, comme MM. Thomson, de
Sorinier, Turrel, ont dit que, le gouverne-
ment réclamant des armes nouvelles, il
fallait les 'lui accorder et que ce n'était
pas sur une question de cet ordre qu'il
fallait créer une crise ministérielle.
M. Duché, auteur de la proposition
d'expulsion obligatoire présentée à la
Chambre au mois de mars dernier et re-
jetée par elle, a déclaré qu'il repren Irait
cette proposition à titre d'amendement
au projet du gouvernement. Il considère
que la question des princes ne peut pas
être résolue par des demi-mesures, comme
celle du projet du gouvernement. Du
reste, s'il ne reprend pas son projet, il est
convaincu que l'extrême gauche le repren-
dra pour son compte.
M. Jules Ferry a déclaré que, plusieurs
fois à la tribune , il avait affirmé que le
gouvernement était suffisamment armé.
Il persiste à le croire; néanmoins, si le
gouvernement réclama d'autres armes lé-
gales, il faut les lui donner.
Finalement, le groupe n'a émis aucun
vote; mais il semble que la majorité soit
résolue à voter le projet du gouverne-
ment, quelles qu'en soient les imperfec-
tions.
Toutefois, une importante fraction du
groupe suivra M. Duché et votera pour
l'expulsion obligatoire.
La droite s'est réunie également de son
côté.
Elle est naturellement opposée à tout
projet d'expulsion. Aussi sa délibératiou
n'avait-elle pour objet que d'examiner des
questions de tactique parlementaire et de
rechercher les moyens par lesquels elle
pourrait le mieux manifester son opposi-
tion.
Etle a décidé qu'elle présenterait dans
tous les bureaux des candidats opposés à
la proposition d'expulsion, qui proteste-
raient contre les mesures proposées et
soutiendraient le droit des princes à rési-
der sur le territoire français.
—o—
Dans la séance qu'elle a tenue hier, la
gauche radicale, après avoir discuté, la
question de l'expulsion des princes, a dé-
cidé de demander aux groupes de l'union
des gauches et de l'extrême gauche de
s'associer à elle pour faire une démarche
au gouvernement en vue d'insister en fa-
veur d'une prompte épuration des fone-
tions aires.
Le ministre de l'instruction publique et
des cultes s'est rendu hier à la commis-
sion pour faire connaître l'avis du gouver-
nement sur la décision par laquelle cette
commission a refusé de passer à l'examen
des articles du budget des cultes. Voici la
déclaration qu'a faite le ministre :
Si. Goblet, ministre des cultes. — Je ne
vous surprendrai pas en vous demandant de
ne pas maintenir votre décision de l'autre
jour. Les exploitions que j'ai à vous donner
ne sont pas nouvelles, et j'ai déjà eu souvent
l'occasion de les présenter à la Chambre.
Je considère que la suppression du budget
des cultes peut être une conséquence, mais
non un point de départ.
Il y a d'abord une raison de légalité géné-
raie. Des services publics ne doivent pas être
atteints par voie budgétaire. Il faut que le
Parlement soit d'abord saisi da principe
même de la suppression.
Pour le budget des cultes, il y a une consi-
dération plus grave : C'est un service public
qui est la conséquence d'un traité, et qui ne
peut disparaître que quand le traité disparaî-
tra. Nous avons le droit de dénoncer le traité,
mais non de supprimer le budget qui en est
la conséquence, tant que le traité subsiste.
Il y a des considérations de fait également
puissantes.
Si cette proposition de suppression a été
accueillie par la commission, c'est évidem-
ment pour poser L question de la séparation
de l'Eglise et de l'Etat. Ou sait que je ne suis
pns hostile à cette séparation, mais j'ai tou-
jours pensé que la séparation ne f ouvait pas
se faire ex abrupto. Il faut d'abord des mesures
de deux ordres.
En premier reu, il faut prendre des me-
sures pour proléger la liberté des consciences.
Si no is retirions aux cultes leurs ressources,
il iaudrait leur préparer les moyens d'exister,
c'est-à-dire la faculté de posséder ce qui serait
indispensable. Il faudrait faire pour les asso-
ciations r ligieuses quelque chose d'analogue
à ce qui a été fait pour les associations indus-
trielies.
Ensuite, il n'est pas possible de supprimer
des services publics sans laisser aux personnes
qui y o t pris placd les moyens de vivre.
Des mesures transitoires .à cet effet seraient
donc nécessaires. -
Donc la séparation ne peut pas être pro-
noncée sans que ces mesures préparatoires y
soiellt .i°intes, mais en outre elle n'aurait pas
pour conséquence la suppression immédiate
du bud et des cultes. Il ne di paraîtrait pas,
il ne s'eteindrait que p iit petit.
Ii- n'y aurait pa.; davantage écono ie dans
le système de M. Y^esGu or, puisqu'il remet-
trait les fondis de* cultes aux com nunes.
J'ajoute que vous n'uvez pas - besoin d'avoir
recours au refus d'examiner ce budget en
commission. Pourquoi ne pas sou uetire au
Parlement 1* que tioo de la séparation en
elle-même? Iî y a déjà d s proposit'ons sou-
mises à la Chambre. Qui empêche, pat' une
mi e à l'ordre du jour, d'ouvrir très proehii-
ni ment la discussion ? Le gouvernement ne
so g pas à fuir le débat. L~ jour où il
s'ouvrira, je suivrai la voie indiquée par la
déclaration du gouvernement. Nous avons dit
que la séparation était la soluti n inévitable,
mais qu'elle n'était pas eue re arrivée à ma-
turité, et qu'il n'y avait pas encore pour cl e
de majorité dans le ; ays ni me e dans la
Chambre. Nous pouvons nous tromper. La
Chambre nous le dira. S'il y avait une ma-
jor, té pour dire au gouvernement de pré par r
les lois accessoires dont je par lais, je n'éprou-
verais aucun embarras à les présenter. Mais
:; ous ne croyons pas que ce soit ce que
nous dirait -- la Chambre. AI-irs 1 pourquoi
refuser de faire le rapport sur le budget des
cultes ?
J'ajoute, quant aux réductions dont ce
budget p;:ut être l'objet que, tant que le Con-
cordat sera maintenu, >1 faut exiger du clergé
le respect du gouvern ment, il faut être très
ferme, mais il ne faut pa- faire des écono-
mies qui tromperaient l'opinion sur les vraies
intentions du Parlement.
En résumé, il faut commencer par faire
examiner la question de la séparation par la
Chambre. Si eUe se prononce contre la sépa-
ration, il faudra bien que la commission re-
vienne sur sa décision. -
Dès lors, à quoi bon, si l'on ne peut pas
arrivera la suppression du budget des cultes,
avoir l'air de la voter? Pour le pays, jusqu'au
vote de la Chambre, il y aurait comme ce sen-
timènt que le budget des cultes a disparu, et
d'une façon violente, puisque sa suppression
ne serait pas accompagnée des mesures tran-
sitoires nécessaires et cela au moment même
où nous allons consulter le p iys dans des
élections nouvelles.
M. EtÊesisac demande si M. le ministre,
dans toutes les parties de ses observations,
a parlé en son nom personnel ou au nom
du gouvernement.
M. Goblet répond que, personnelle-
ment, il a toujours été favorable à la sé-
paration, mais que, au nom du gouverne-
ment, il répète ce qu'a déjà dit la décla-
ration et ce qu'il vient d'affirmer à nou-
veau, c'est que, si cette solution doit un
jour s'imposer, il ne paraît pas qu'elle ait
dès aujourd'hui une majorité dans le pays
ni même dans la Chambre.
M. le ministre se retire alors, et, sans
débat, le vote est ouvert sur la question
de savoir si, revenant sur sa précédente
décision, la commission passera à l'exa-
men du budget des cultes.
Par i5 voix contre 13, la commission
décide dans le sens affirmatif.
M. Henry Maret demande alors que,
tout en respectant ce vote, il ne soit passé
à l'étude de ce budget que quand la ques-
tion du principe de la séparation ou de la
non séparation aura été tranchée par la
Chambre.
Cette motion est combattue par M.
Wilson, qui demande que l'étude des ar-
ticles soit entreprise, sauf à ajourner le
rapport jusqu'au vote du principe par la
Chambre.
M. prevet, auquel M. Wilson se ralJîe,
demande seulement que le budget des
cultes prenne sa place dans l'ordre des
travaux de la commission, sans rien pré-
juger pour l'époque. -
La motion de M. Maret, encore com-
battue par MM. Leguay et Sans-Leroy,
est appùyée par MM Yves Guyot, Ernest
Lefèvre, Thomson, Àndrieux, de Lanes-
san et rrhiera.
La priorité, demandée par M. Gerville-
Réache pour la proposition de M. Prevet,
est repoussée par 14 voix contre 12.
La proposition de M. Henry Maret est
alors adoptée par i6 voix contre 14.
Enfin la commission, sur la proposition
de M. Thiers, décide, par 14 voix contre
43, que si la Chambre ne prenait pas une
résolution en temps utile, le budget des
cultes serait examiné par la commission.
—o—
Le ministre des travaux publics s'est
rendu hier à la commission des chemins
de fer et a fait connaître que le conseil
général des ponts et chaussées, avait dans
sa séance du 24 mai dernier, émis un avis
favorable au projet de chemin de fer mé-
tropolitain, qu'il a déposé sur le bureau
de la Chambre.
M. Baïliaut a ajouté qu'il était en né-
gociations avec le conseil municipal de
Paris, auquel il a demandé le concours
pécuniaire de la ville pour l'exécution du
Métropolitain. La commission mixte du
conseil municipal et du conseil général
est favorable en principe à une partici-
pation de la viile à la garantie d'intérêt,
moyennant l'exécution d'une nouvelle
ligne au cœur de Paris. Mais le ministre
a dit qu'il ne pourrait fournir d'explica-
tions sur ce point que lorsque le conseil
municipal aurait prib sa décision.
—— - ■■■ ■ ■
Extrait d'un journal royaliste :
« L'exil des princes est une mesure
inique, révoltante, monstrueuse. C'est la
dégradation du gouvernement vis à vis de
l'Europe. C'est l'histoire nationale souf-
fletée. »
La royauté de 1815 a expulsé les Bona-
partes. La royauté de 1830 a expulsé les
Bonapartes et les Bourbons. La royauté,
d'après le journal royaliste, a donc com-
mis un acte monstrueux, s'est donc dé-
gradée vis à vis de l'Europe, a donc souf-
fleté l'histoire nationale.
Extrait d'un journal impérialiste :
« Les princes de la Royauté, descen-
dants des souverains qui créèrent la
France, ces princes sont traités comme
des étrangers; les petits-fils de Louis XIV
ou de Henri IV ne seront plus chez eux
sur cette terre où. »
L'empire a fermé la France aux petits-
fils de Louis XI v ou de Henri IV. Napo-
léon-premier ne s'est pas borné à les exi-
ler; si l'un d'eux s'approchait seulement
de la frontière, il l'empoignait dans un
guet-apens et le fusillait. Napoléon-der-
nier ne se contentait pas de proscrire les
princes d'Orléans, il confisquait leurs
biens.
C'est pourquoi les gémissements et les
fureurs des royalistes et des impérialistes
nous font bien rire. On ne fait qu'appli-
quer à leurs princes la loi de leurs pro-
pres régimes. C'est le cas du pate,'e lege-n
quam ipse fecisti.
Nous disons cela pour montrer le gro-
tesque des indignations réactionnaires,
non pour approuver la loi d'expulsion.
Justement parce qu'elle est une loi de
l'empire et de la royauté, elle ne devrait
pas être une loi de la République.
A. V.
LE SUFFRAGE UNIVEHSEL EN BELGIQUE
Le bourgmestre de Bruxelles, M. Buis,
vient d'interdire la manifestation en fa-
veur du suffrage universel annoncée pour
le 13 juin prochain. Cettt manifestation
devait être toute pacifique et les organi-
sateurs avaient pris, à cet égard, des en-
gagements formels, mais l'ampleur de la
démonstration, le nombre des manifes-
tants, évalué d'avance à 80 ou 1ÔJ,000,
n'ont pas laissé cependant d'inspirer de
vives inquiétudes. « Il ne m'a pas été
démontré, écrit M. Buis au secrétaire du
conseil général du parti ouvrier belge,
que les organisateurs de la manifestation
auraient assez d'empire sur les masses
populaires qu'ils comptent lancer vers la
capitale pour éviter tout désordre, ni que
leurs intentions pacifiques soient parta-
gées par tous les participants M.
Evidemment, ces appréhensions sont
compréhensibles, mais ne faut-il pas être
plus naïf que nature pour croire mainte-
nant la tranquillité publique exempte de
tous périls ? Les organisateurs renonce-
ront d'autant moins à la manifestation
projetée que la lettre de M. Buis contient,
en même temps, un incroyable aveu de
faiblesse : « Il est de mon devoir de ne
pas laisser prendre à ces manifestations
des proportions qui ne soient pas en rap-
port avec les forces dont je dispose pour
assurer la sécurité publique. » En moins
de mots : l'autorité a peur d'être débor -
dée — et le dit Si elle voulait engager les
manifestante à venir en très grand nombre
à Bruxelles, le 43 juin, elle ne pourrait s'y
prendre autrement.
Quand un pouvoir en est à commettre
de telles maladresses, on peut certifier
que lui-même arrive à concevoir des dou-
tes sur sa propre solidité Ce sont là symp-
tômes non équivoques de ce désiquilibre-
ment moral qui devient vite de l'affole-
ment. En réalité, la situation, en Belgi-
que est grave. Certes, il n'existe aucun
rapport direct entre l'agitation entretenue
par le parti socialiste en faveur du suf-
frage universel et les troubles récents qui
ont ensanglanté les bassins houillers de
Charleroi et de Mons, mais il y a au
moins connexité. En tout cas, que les
socialistes aient décliné la responsabilité
des scènes lamentables dont ces bassins
ont été le théâtre, soit; mais ils n'en
cherchent pas moins, aujourd'hui, à faire
converger sur un même but tous les
efforts, toutes les aspirations des masses
ouvrières ; à prendre en un mot la direc-
tion de tous les mouvements qui pour-
ront se produire. Et, pour s'en convaincre,
il suffit de feuilleter ce Catéchisme du
peuple, cette petite brochure qui, dans
ces derniers temps, a été répandue à pro-
fusion dans tous les centres miniers et
dont chaque charbonnier, dit-on, possède
un exemplaire.
« — Qui es-tu? — Je suis un esclave.
- L'esclave existe-t-il dans tous les pays?
— Non. La République française, la Ré-
publique suisse, la République des Etats-
Unis et d'autres encore ne sont composées
que d'hommes libres. Tous les citoyens
font les lois et tous s'y soumettent. - Que
faut-il donc pour faire d'un esclave un
homme libre? Il faut lui donner le droit
de vote, c'est-à-dire le suffrage universel.
- Par qui, esclave, es-tu gouverné? —
Par trente mille privilégiés. — Comment
obtiendras-tu le suffrage universel? — En
allant, do tous les coins de la Belgique, le
demander à Bruxelles. — A quand le ren-
dez-vous? — Le 13 juin prochain, le jour
de la Pentecôte, tous les Borains iront à
Bruxelles. Ils y arriveront à pied et y trou-
veront vingt-cinq mille Gantois, vingt mille
Liégeois, vingt mille ouvriers du Centre
et de Charleroi. Tous les ouvriers y seront
réunis; le peuple entier y sera, et le gou-
vernement nous donnera le suffrage uni-
versel aux cris de : Vive le peuple! vive la
liberté! »
Ainsi s'exprime le Catéchisme du peup e,
c'est en ces termes que les socialistes s'a-
dressent au peuple; ce qui nous fait dire
que la situation est grave. S'il s'agissait
d'un appel à la violence, d'excitations au
meurtre, à l'incendie, au pillage, éche-
vins, bourgmestres et ministres pourraient
regarder avec calme l'avenir, de sembla-
bles provocations n'étant jamais que l'œu-
vre d'une minorité furibonde maîtrisable;
mais il s'agit d'autre chose, il s'agit des
droits du peuple et de la liberté; un peuple
est bien fort quand il réclame ses droits,
quand il se soulève au nom de la liberté.
Il nous semble donc que le premier ma-
gistrat de Bruxelles est mal venu, surtout
après la confession faite de son impuis-
sance, à déclarer qu'usant des pouvoirs
que lui donnent l'article 19 de la Consti-
tution et l'article 94 de la loi communale,
il prendra telles mesures qu'il jugera
utiles. » Quelles mesures? Qu'on y prenne
garde ! Toute grande manifestation, même
annoncée comme ne devant pas sortir des
bornes de la légalité, est un nuage chargé
de tonnerres; qu'une étincelle jaillisse et le
ciel s'embrase. Que le roi Léopold songe
au boulevard des Capucines. La foule qui
s'y pressait dans la soirée du 23 février 1848
n'était point altérée de révolution; elle
voulait la réforme ; elle croyait l'avoir ; on
illuminait; Guizot était par terre; le roi
avait fait appeler le comte Molé; il a suffi
d'un ordre mal interprété, d'un moment
d'affolement, d'une décharge couchant
sur le soi cinquante-deux victimes : le
lendemain, comme l'a dit Victor Hugo,
un fiacre emportait dans l'exil la royauté
de Louis-Philippe.
De tels souvenirs sont bons à mettre
sous les yeux des hommes d'Etat qui,
mûris dans leurs cabinets, ignorants des
grands frissons qui secouent les foules,
sont parfois trop disposés à la confiance.
L'avertissement ne sera sans doute pas
entendu. Du moins avons-nous fait en-
tendre notre voix et rempli notre devoir.
Pour n'avoir pas voulu soumettre leurs
désirs aux volontés populaires, bien des
rois, depuis un siècle, ont dû prendre la
route de l'exil, en laissant derrière eux
les morceaux de leur trône brisé; ils
s'enfuyaient, poursuivis par l'exécration
publique, les mains teintes du sang de
ceux qui n'étaient plus leurs sujets ; que
ceux qui demain p-ut-étre so,,- trouveront
dans la même situation songent — il en
est temps encore— aux lourdes, terribles
responsabilités suspendues sur leur tête.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
-
PARIS EN ALGÉRIE
C'est des dernières années du règne de
Louis-Philippe que date l'idée d'utiliser
l'Algérie comme colonie de peuplement
pour tou tes les catégories d'enfants pau-
vres, assistés, orphelins, enfants recueillis
dans les établissements pénitentiaires, en
vertu de l'article 66 du Code pénal, et
même les enfants condamnés en vertu de
l'article 67, et aussi ceux qui composent
ce qu'on appelle maintenant les « mora-
lement abandonnés ».
Depuis d'autres idées ont triomphé; il a
paru infiniment plus simple et plus utile
de laisser l'enfant dans la famille de la
nourrice à qui il a été confié et qui dans
la plupart des cas s'est attachée à lui.
Mais à côté des 45,000 enfants secourus
ainsi, il en existe d'autres qui, soit parce
qu'ils ont été abandonnés à un âge trop
avancé, soit parce que leurs parents nour-
riciers sont morts ou tombés dans la mi-
sère, n'ont pas eu la chance de se créer
un foyer et sont pour ainsi dire deux fois
abandonnés. C'est pour ces enfants que
le département de la Seine a eu l'idée de
•v "l » fc. 1 u Z. • -
recourir a 1 al gene.
Le 12 novembre 1882, le docteur Thu-
lié, rapporteur du service des enfants as-
sistés, formulait le programme suivant :
4° Les enfants seront choisis parmi les
gaiçons et les filles de douze ans, afin
qu'ils soient assez jeunes pour s'acclima-
ter, assez âgés pour pouvoir travailler. Ils
seront envoyés dans une école profes-
sionnelle où, en outre de l'enseignement
agricole, ils apprendront un état se rat-
tachant à l'agriculture, forgeron, tonne-
lier, etc.;
2" L'enfant doit être certain, non-seu-
lement de trouv-r une occupation ma-
nuelle à sa sortie de l'école, mais encore
de devenir propriétaire. Dès son départ
de France, il aura droit à une conces.
sion; -
3° Les propriétés concédées aux jeunes
colons devront être voisines les unes des
autres, afin qu'ils puissent s'eutr'aider.
Une commission fut nommée et trois
membres, MM. Curé, Yves Guyot et
Brueyre, délégués pour aller étudier le.
problème sur place. Cette première délé-
gation fut bientôt suivie d'une seconde;:
enfin le gouvernement, après avoir enten-
du l'administration algérienne et le dépar-
tement de la Seine, a déposé un projet:
qui, tout en tenant compte des idées de<
M. Thulié, les a adaptées aux exigences du;
moment.
L'article i er porte qu'une concession dB<:
3,267 hectares de terrains domaniaux dis-
ponibles, situés dans les départements'
d'Alger et de Constantine, sera atti-ibuéa'
à titre gratuit au département de la Seine, j
soit pour l'établissement d'une école pro-i
fessionnelle d'agriculture et d'horticul-
ture, destinée aux enfants assistés de ca
dernier département, soit au lotissement
entre d'anciens élèves de cette école.
L'adoption du projet aurait de nom-
breux avantages. D'abord, il assurera à
ces enfants poursuivis depuis leur nais-
sance par des fatalités multiples, aban-
donnés d'abord de leur famille naturelle,
puis de leur famille d'adoption, une si-
tuation qui peut devenir prospère pour
quelques-uns, et qui sera en tout cas suf-
fisante pour les autres: En outre, il pourra
oŒrir un utile exemple aux autres dépar-
tements. Quand on songe que, d'après le
dénombrement de 188i, il n'y a en Al-
gérie que 195,000 Français contre 189,000
Espagnols, Italiens et Maltais, on ne doit
pas négliger ce moyen aussi simple que
sûr de renforcer la population française
algérienne eL d'établir vers nos colonies
africaines un large courant d'émigration.
FRÉDÉRIC MONTARGIS.
L'abondance des matières nous
oblige à remettre à demain la suito
de notre feuilleton
LA
MAITRESSE DU GÉNÉRAL
PAR
LOUIS ULBACH
LES MÉDAILLES D'SONNEUR DU SALON
Hier matin, à neuf heures, a eu lieu, au
Salon, sous la présidence de M. Guil-
laume, le vote de la médaille d'honneur
pour la section de sculpture. Les opéra-
tions du jury ont duré jusqu'à onze heures
et demie, et trois tours de scrutin ont été
nécessaires.
Premier tour
Votants. 60
Majorité., 31
Bulletins blancs. 6
Nuls. 2
MM. Chaplain 9 vois
Scbœnewerk tI. 9
8
Longepied. 7
Peynot. 7
MM. Lanson, 4; Aizelin. 3; Gain, 2;
Dubois, 4 ; Leroux, 1; Franceschi, 4.
Deuxième tour
Vot.ants. 59
Majorité 30
Bulletins blancs. 4
Nuls. 2
MM. fkhcenewerk. 13 voix
Longepied 13
Mercié. 12
MM. Chaplain, 5; Peynot, 4; Lanson, 2;
Oliva, 1; Aizelin, t; Delorme, 1 ; Fran-
ceschi, 4.
Troisième tour
Votants. 57
Majorité. 29
Bulletins biancs. 3
MM. Schœnewerk. 17 voix
Longepied 43
Mercié 11
MM. Chaplain, 5; L-mson, 2; Aizelin, 2}
Peynot, 2 ; Lefèvre, 1 ; Franceschi, 1. 1
La médaille d'honneur doit être votée
par tous les artistes sculpteurs, graveurs
en médailles et sur pierres fines hors con-
cours, exposants ou non, et le jury de la
section, réunis en assemblée plénière sous
la présidence du président du jury. Elle
ne doit donner lieu qu'à trois tours de
scrutin et n'est décernée qu'à la majorité
des suffrages exprimés.
La majorité n'ayant pas été atteinte, la
médaille d'honneur, cette année, n'a pas
été décernée.
Le vote pour la médaille d'honneur de
la section de peinture a commencé à deux
heures. M.Bouguereau prosidaitle scrutin.
Les artistes "récompensés, médailles et
mentions, pouvaient seuls prendre part
au scrutin. Au premier tour, la majorité
absolue était nécessaire; au second tour,
le quart des votants suffisait.
Les artistes qui n'étaient pas d'avis do
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