Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-05-27
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 mai 1886 27 mai 1886
Description : 1886/05/27 (N5921). 1886/05/27 (N5921).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7539220p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
Ne 5921 Jeudi 27 Mal 1886
1
lie numéro s fOc. - Départements s 15» e.
8 Prairial an 9 4 Nd S921
AmUNISTRATION
18, RUE DE VALOIS, 18
ABONNEMENTS
- "PARIS I DÉPARTEMENTS -.
Trois mois. 10» Trois mois. 13 50
Sixmois. 20 » |Six mois. 27 »
Aibesser lettres et mandats
A M. ERNEST LEFÈVRE
ADMINISTRATEUR- GERAHÏ -
RÉDACTION
-. S'adresser au. Secréfaire de la Réfaction.
De 4 à 6 heures du soir
J.8, RUE DE VALOIS f 18
les manuscrits non insères ne seront pas renies
ANNONCES • •
M. Ch. IAGRANGE, CERF et ce
G, place de la Bourse, 6
UNE LEÇON ÉLECTORALE
Tout est relatif. Un mendiant reçoit
avec joie et reconnaissance le sou qui
ne causerait pas d'extase à M. de Roth-
schild. L'amour de don Guritan pour
dona Maria de Neubourg se contente
de satisfactions qui feraient dire à don
Juan comme à Casilda :
Oh! le pauvre héron! près-de l'eau qui le tente
Il se tient. Il attrape, après un jour d'attente,
Un bonjour, un bonsoir, souvent un mot bien sec,
Et s'en va tout joyeux, cette pâture au bec.
Ce n'est pas après un jour, c'est après
des années d'attente, que les réaction-
naires viennent d'attraper un député
dans Ille-et-Vilaine, et ils s'en vont
iout joyeux, M. Carron au bec.
Triomphe ! Sonnez, clairons ; battez,
tambours ! Allégresse sur les hauteurs
et dans les profondeurs! « Le parti ré-
publicain est vaincu î » psalmodie le
Monde. « C'est un véritable écrasement
pour les républicains! » insinue le
Français. Et ils en appellent aux chif-
fres.
Les chiffres leur donnent-ils raison
autant que ça? Voyons un peu.
Au 18 octobre, le premier candidat
de la liste réactionnaire avait eu 59,544
voix. Dimanche, M. Paul Carron en a
eu 57,455. Ponc, 2,089 de moins. Si
c'est un progrès, c'est un progrès à
reculons.
Oui, mais, si la réaction a perdu
2,089 voix, la République en a perdu
14,186. Car, au 18 octobre, le député
que M. Carron va remplacer, M. Le-
lièvre, avait été élu par 63,947 voix, et,
au 23 mai, le candidat républicain, M.
Louis Martin, n'en a réuni que 49,761.
Les journaux réactionnaires en con-
cluent qu'il y a 14,186 républicains de
moins en Ille-et-Vilaine aujourd'hui
qu'à la fin de l'année dernière, que la
République se meurt, que la Républi-
que est morte, que le comte de Paris
est Oscar. (Brillez pour lui les parfums
d'Arabie ;Oscar, Oscar va revenir !)
Le défaut de cette conclusion est de
pécher par la base. Les journaux réac-
tionnaires pourraient dire que la Répu-
blique a perdu et que la monarchie a
gagné, si leur candidat du 23 mai 1886
avait eu plus de voix que leur candidat
du 18 octobre 1885, si un certain nom-
bre d'électeurs avaient passé du can-
didat républicain au candidat monar-
chiste. Mais, au lieu d'avoir eu plus de
voix, leur candidat en a eu moins.
Donc, ils ne peuvent pas dire que la
monarchie a gagné. Peuvent-ils dire
au moins que la République a perdu ?
Pas davantage. Ils savent aussi bien
que nous pourquoi les 14,186 électeurs
qui avaient voté pour M. Lelièvre n'ont
pas voté pour M. Martin.
Il y a eu division des républicains.
La liste qui a passé en octobre était
une liste de conciliation. M. Lelièvre
y représentait l'élément radical. A sa
mort, l'idée vint naturellement de
choisir un radical pour le remplacer.
Le congrès des comités républicains
d'Ille-et-Vilaine, réuni à Rennes le 13
mai, choisit M. Martin. Mais les répu-
blicains dits opportunistes, les députés
survivants à leur tête, voulurent le
siège pour un des leurs. On le leur
refusa. De là, leur abstention.
N'ont-ils fait que s'abstenir? Un
journal qui les défend les croit capa-
bles d'avoir poussé le dépit jusqu'à vo-
ter pour M. Carron. Nous voulons es-
pérer que leur journal les calomnie.
C'est déjà bien assez qu'ils aient colla-
boré, en ne votant pas, à l'élection d'un
monarchiste.
Je ne m'exagère pas l'importance
d'un royaliste de plus ou de moins à la
Chambre. La majorité républicaine
n'en sera pas entamée. Mais c'est une
faute grave de fournir aux ennemis de
la République un prétexte de dire
qu'ils avancent et que nous reculons.
Au fond, la République est aussi so-
lide en Ille-et-Vilaine aujourd'hui
qu'elle l'était iLy a sept mois, quand
M. Lelièvre avait quatre mille voix de
plus que le candidat tête de liste de la
réaction; qu'elle l'était il y a trois mois,
quand M. Le Hérissé, se présentant
pour remplacer M. de la Riboisière,
n'avait pas même de concurrent. Pas
plus en mai qu'en février, les ennemis
de la République n'auraient osé affron-
ter la lutte, si les républicains ne s'é-
taient pas séparés et n'avaient pas tiré
les uns sur les autres. La réaction n'a
pas gagné la bataille : on la lui a
donnée.
Tâchons de ne plus lui en donner.
Ce n'est pas au lendemain des élections
générales où, grâce à leur déguisement
en vagues « conservateurs » et en dis-
simulant prudemment leur drapeau
dans le plus* profond de leur poche,
les monarchistes ont réussi à escamo-
ter une apparence d'avantage ; ce n'est
pas au jour où l'on s'effare d'une ré-
ception princière jusqu'à croire la Ré-
publique en péril si le gouvernement
n'expulse pas immédiatement et à ja-
mais le prétendant à l'invitation duquel
le corps diplomatique a eu soin de ne pas
se rendre ; ce n'est pas à ce moment qu'il
peut être sans inconvénient de procurer
à la réaction un semblant de victoire là
où.il serait si facile de remporter nous-
mêmes une victoire pour de bon. Les
républicains d'Ille-et-Vilaine qui se
sont abstenus parce ce qu'on trouvait
juste de remplacer un radical par un
radical ont droit aux remerciements de
M. Carron : ils trouveront bon que la
République n'y mêle pas les siens.
AUGUSTE VACQUERIE.
'————————— —————————
A LA CHAMBRE
Séance de rentrée. Dépôt de rapports
et de projets de loi. Un défilé de papiers
en liasse remis, l'un après l'autre, au
président, qui les fait disparaître derrière
lui. Un bourdonnement de phrases con-
fuses, hâtivement prononcées et que per-
sonne n'écoute. Les députés causent par
groupes. Grand échange de poignées de
main. On se retrouve; on renoue connais-
sance.
Cependant la droite présente un aspect
belliqueux. Elle semble agitée, houleuse.
Si l'occasion lui en est fournie, avec plai-
sir elle commencera le feu. Voici l'occa-
sion. Une des propositions dont la prise
en considération est demandée est celle
de MM. Paul Bert, Cantagrel et Tony Ré-
villon, ayant pour but d'assurer, à titre
de récompense nationale, des pensions
viagères aux survivants des blessés de fé-
vrier 1848 èt à leurs ascendants, veuves
et orphelins.
La droite envoie d abord M. des Rotours
à la tribune. Celui-ci affecte de prendre
la question par son côté purement finan-
cier. Il s'oppose, en ce moment où les
économies sont si nécessaires, à ce qu'on
grève le bugdet d'une dépense nouvelle.
Cela dit d'une façon très calme, très em-
pesée; mais ne vous fiez pas à cette modé-
ration, cela va changer bien vite. M. Mau-
rice Faure, rapporteur de la commission
qui a conclu à la prise en considération,
ramène la question sur son véritable ter-
rain ; il montre que l'opposition, venue de
droite, est essentiellement politique. Et
M. Legrand de Lecelles, député réaction-
naire, qui réplique, s'écrie en effet : « Ce,
que vous voulez faire, c'est donner une
prime à l'insurrection I »
Nous y voici. Nous savons de quoi il
retourne. A la bonne heure! Le tapage
commence. De longs bravos saluent l'ap-
parition à la tribuné de M. Madier-Mont-
jau. On connaît la grande éloquence du
vieux lutteur. Il s'indigne que l'on con-
teste à ceux qui ont combattu, à ceux qui
sont tombés en février 1848 pour fonder
la République, leur droit à l'indemnité.
On à souvent répété, dit-il,, que la France
était assez riche pour payer sa gloire, se
pourrait-il qu'elle ne fût pas assez riche
pour acquitter la lettre de change tirée
sur elle par tous ces soldats de la démo-
cratie? Aux applaudissements de la majo-
rité, il rappelle que ceux-là mêmes qui
veulent refuser à une poignée de vieillards
leur trop tardive récompense sont les
amis et serviteurs politiques des princes,
qui, au lendemain de nos grands désas-
tres, sont venus réclamer, non pas 40 mil-
lions, comme on l'a dit tout à l'heure,
mais 100 millions à la France amputée
de deux provinces et de 5 milliards,
meurtrie, râlante sous le pied du vain-
queur rapace.
Salves d'applaudissements ; ovation
faite à M. Madier-Montjau. M. de Cassa-
gnac lui succède. Il parle, avec haine, des
«insurgés de 1848 ». Les insurgés étaient
en Décembre 1 lui crie-t-on. M. ,de Cassa -
gnac répond : « —Je ne suis pas de cenx
qui reculent devant l'apologie du coup
d'Etat ! » Après quoi, il reproche à la
République de tendre toujours la main et
affirme que l'indemnité serait une insulte
à la France.
M. Tony Révillon, posément, avec sa
bonhomie habituelle , fait remarquer
qu'une loi, datée de mars 1848, a ac-
cordé aux blessés de Février l'indemnité
qu'il s'agit de distribuer aujourd'hui, et
que les événements seuls ont empêché
cette loi d'être appliquée, l'empire ayant
« succédé trop tôt » à la République.
Mais la question s'est visiblement dé-
placée. Les blessés de Février sont relé-
gués au deuxième plan; il s'agit des
princes, il s'agit des prétendants. L'inter-
vention de M. de la Rochefoucauld-Bisaccia
est d'ailleurs sigaificative, Après lui ,
M. des Roys prend la parole et, avec une
vigueur qui s'est parfois élevée jusqu'à
l'éloquence, il dit s'étonner de voir les légi-
timistes prendre la défense de ce roi Louis-
Philippe qui a chassé de France la branche
aîoée, qui s'est conduit de la manière
qu'on sait envers la duchesse de Berry
et qui, élevé au pouvoir par des barricades,
a été précipité par des barricades! La
majorité républicaine applaudit à tout
rompre. La droite, déconcertée, reste
muette.
La prise -en considération a été votée
par 336 voix contre 184.
Ç'a été le morceau à effet de la séance.
Intéressant surtout en ce qu'il montre
combien passionnées seront les discus-
sions qui vont sans doute, sous peu, s'en-
gager à propos de l'expulsion des princes.
Le reste de la séance n'a plus guère été
qu'une énumération. Le ministre de la
guerre a déposé le projet de loi de réor-
ganisation militaire et le ministre des tra-
vaux publics un projet de loi sur les mi-
nes. Le ministre du commerce a annoncé
pour jeudi le dépôt de son projet de loi
sur l'arbitrage. Par 279 voix contre 220,
la Chambre a refusé de prendre en con-
sidération une proposition de M. Carrett,
tendant à accorder une indemnité aux
conseillers généraux. Au contraire, la pro-
position de M. Sigismond Lacroix, relative à
l'organisation municipale de Paris a été
prise en considération, sans débats. Le
gouvernement, par l'organe de M. Ber-
nard, sous-secrétaire d'Etat à l'intérieur,
a simplement déclaré faire ses réserves
sur le fond. Une proposition de M. Du-
puis, de l'Aisne, tenant à empêcher les
candidats aux élections sénatoriales dont
une première élection aurait été annulée
pour cause d'inéligibilité de se présenter
avant un certain délai, a été repoussée
après une courte discussion. Enfin, en
l'absence de M. Baïhaut, ministre des tra-
vaux publics, il a été décidé que l'on fixe-
rait jeudi le jour de la discussion de l'in-
terpellation de MM. Michelin et Planteau
sur la grève de Decazeville.
L'ordre du jour appelait la première
délibération sur la proposition de loi,
retour du Sénat, ayant pour objet d'abro-
ger les dispositions relatives aux livrets
d'ouvriers. La précédente Chambre avait
purement et simplement supprimé le
livret; le Sénat s'est contenté de le rendre
facultatif. M. Lyonnais, député de la
Seine-Inférieure, a demandé à la Chambre
de persévérer dans ses premières inten-
tions. Il l'a fait en excellents termes, avec
compétence, en homme qui sait de quoi
il parle. La fin du discours, un peu long,
un peu touffu, mais excellent d'intention,
a dû être renvoyée à la prochaine séance.
Mais la question est de celles qui nous
intéressent par dessus toutes les autres ;
nous y reviendrons demain.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
Au Sénat, séance de quinze minutes.
M. Bozériàn a déposé une proposition de
loi tendant àfaire supporter les frais d'une
réélection rendue nécessaire par l'inéligi-
bilité d'un candidat par le candidat lui-
même, — proposition inspirée, comme
celle de M. Dupuis, à la Chambre,
par l'incident Scbline ; — après quoi
le président a annoncé la mort de deux
sénateurs : MM. Ilonnoré, de la Meuse, et
Ninard, de la Haute-Vienne, et réglé l'or-
dre du jour. Celui-ci ne comprend pas
moins de quatre interpellations de M. de
Gavardie, ce qui n'a pas été sans causer
une légère inquiétude, compréhensible, à
gauche. — L.-V. M.
——————— 4».
Le ministre de la guerre s'est rendu
hier à Rambouillet pour visiter l'Ecole
militaire préparatoire de cette ville.
Il était accompagné des généraux Ri-
chard, directeur du génie, et de Saint-
Mars, directeur de l'infanterie, du com-
mandant Peigaé. chef de cabinet au mi-
nistère de la guerre.
Le général Boulanger a été reçu à la
gare de Rambouillet par le général Rai-
son, commandant le département de
Seine-et-Oise, assisté du lieutenant-colo-
nel et des officiers du 18e régiment de
chasseurs à cheval. Le sous-préfet, le
maire et le conseil municipal s'y trou-
vaient également.
Après avoir remercié les autorités ci-
viles de leurs paroles de bienvenue, le
ministre s'est rendu à l'école, où le per-
sonnel et les élèves lui ont été présentés
par le commandant Collin.
Le général Boulanger a adressé à tous
des félicitations et a constaté que l'Ecole
de Rambouillet pouvait servir de modèle
aux écoles militaires préparatoires en
voie de formation.
l -
Les ministres se sont réunis hier matin,
à l'Elysée, sous la présidence de M. Jules
Grévy.
M. de Freycinet a rendu compte de la
situation en Orient. Les incidents qui se
sont produits à la frontière ont été, a dit
le ministre, le résultat d'un malentendu.
Le Journal officiel grec publie un décret de
démobilisation.
Le ministre de l'intérieur a annoncé la
reprise des travaux à la Motte d'Aveillans.
Les incidents qui ont troublé cette com-
mune ont pris fin. La situation continue
de s'améliorer à Decazeville.
COULISSES DES CHAMBRES
Contrairement à l'attente générale, le
gouvernement n'a pas saisi la Chambre,
hier, d'un projet de loi relatif à l'expul-
sion des princes.
Le conseil des ministres a longuement
délibéré hier matin; mais il n'a pu encore
aboutir à une résolution définitive. Il a
remis à sa réunion prochaine pour sta-
tuer; et l'on pense - quoique cela ne
puisse plus désormais être considéré
comme certain — qu'il sera en mesure de
déposer son projet demain jeudi.
-o-
Le ministre des travaux publics a dé-
posé hier sur le bureau de la Chambre
son projet de loi d'ensemble sur les mi-
nes. Comme nous l'avions déjà indiqué,
ce projet abroge toutes les lois antérieures
sur la matière et y substitue une loi uni-
que dont toutes les parties sont inspirées
par le même esprit et coordonnées, et
forment un véritable code des mines.
Nous sommes en mesure de faire con-
naître les principales innovations que ren-
ferme ce projet.
Tout d'abord le projet supprime abso-
lument l'arbitraire administratlf en ma-
tière de concession de mines. Il proclame
le principe que la mine appartient à l'in-
venteur, et en conséquence il donne un
droit de priorité à celui qui l'a découverte,
tandis que la législation actuelle attribue
la préférence au possesseur de la surface
du sol. Les ouvriers constitués en syn-
dicat et qui offriraient des garanties suffi-
santes pour l'exploitation pourraient ainsi,
s'ils avaient découvert une mine, en ob-
tenir la concession.
Le projet modifie sensiblement le sys-
tème des redevances à l'Etat. Actuelle-
ment, les concessionnaires de mines
payent à l'Etat un droit composé de deux
parties, l'une fixe, l'autre variable.
La partie fixe est de 10 centimes par
hectare ; la partie variable est de cinq
pour cent du produit net.
Le projet augmente la partie fixe et
dimininue la partie variable. La partie
variable est fixée à 3 0|0 du produit net.
La partie fixe est graduée suivant une
progression croissante, en raison de la
surface de la mine. La redevance est de
10 centimes par hectare, pour les super-
ficies de 1 à 100 hectares ; au delà, elle
s'élève à 1, 2, 3 fr., etc., suivant l'éten-
due de la surface de la mine.
L'objet de ces dispositions est d'éviter
le trop grand développement des mines
en surface et par suite de multiplier les
sièges d'exploitation.
Des dispositions ont été introduites
dans le projet pour créer des cas de dé-
chéance qui n'étaient pas prévus par la
législation actuelle.
Ainsi le projet ajoute aux cas de dé-
chéance déjà existants celui de non-
payement de travaux imposés d'offlcè par
l'Etat et celui de non-exploitation ou
d'abandon des mines.
Enfin, un article nouveau porte que,
lorsque l'exploitation se trouve suspendue
ou diminuée sans cause reconnue légi-
time, l'Etat peut poursuivre la déchéance.
Des modifications assez nombreuses
sont apportées également à la procédure
des instances en déchéance. La délai ac-
tuel de cinq mois est réduit à deux
mois. -
En outre, la campagnie dont la dé-
chéance a été prononcée ne peut pas se
présenter à la nouvelle adjudication.
Le projet consacre le principe de. l'ar-
bitrage pour le règlement des conflits
entre les compagnies et les ouvriers. Il
contient, en,effet, une disposition par la-
quelle les ingénieurs de l'Etat sont auto-
risés, en cas d'arbitres légalement choisis, -
à fournir à ceux-ci tous les renseigne-
ments qui leur seront demandés.
Le projet supprima les minières qui
sont intermédiaires entre les terrains ap-
partenant aux propriétaires du sol et les
mines concessibles par l'Etat.
Ajoutons que des dispositions transi-
toires assurent l'application des règles
nouvelles posées par le projet aux conces-
sions actuelles. -
-0-
On a distribué hier aux députés, comme
nous l'avions fait prévoir, le rapport de
M. Sans-Leroy sur les propositions rela-
tives au régime des sucres; mais, con-
trairement à l'attente générale, le gouver-
nement a décidé de demander à là Cham-
bre l'ajournement de la discussion des
conclusions de ce rapport jusqu'à la ses-
sion de l'automne prochain. Le gouverne-
ment estime qu'en raison du nombre, de
la complexité et de la gravité des ques-
tions soulevées par le rapport de la com-
mission des sucres, il y a impossibilité
matérielle d'avoir une discussion appro-
fondie dans les deux Chambres au cours
de la session actuelle, qui est nécessaire- -
ment limitée au 14 juillet prochain.
Toutefois, comme la surtaxe de 7 francs,
appliquée aux sucres européens étran-
gers à leur entrée en France par la loi du
29 juillet 1884, prend fin le 31 août pro-
chain, le gouvernement demandera aux
Chambres de voter la prorogation de
cette surtaxe pour deux nouvelles années"
comme le propose d'ailleurs la commis-
sion de la Chambre dans les conclusion*.
du rapport de M. Sans-Leroy.
Toutes les modifications permanentes h
la loi du 29 juillet 1884 proposées par la
commission seraient réservées pour la.
discussion de l'hiver prochain.
La commission des sucres se réunira co4
matin à la Chambre pour examiner lai
motion du gouvernement.
Ajoutons que le gouvernement a pris,!
en conseil des ministres, une décision)
analogue en ce qui concerne la questions
des droits sur les céréales.
On sait que la Chambre est saisie, de*1
puis son origine même, de diverses pro-
positions émanées de l'initiative parle-
mentaire et ayant pour objet de relever4
les droits sur les céréales étrangères déjà!
imposées à leur entrée en France et ki
frapper de droits celles qui ne sont pas*
*
encore imposées.
Les rapports sur les diverses proposi-j
tions sont prêts et la discussion pourrait
avoir lieu prochainement ; mais le gouver- !
nement estime que ce débat ne peut pas.'
venir utilement au cours de la session ae-j
tuelle dont la durée est très bornée, et iH
demandera le renvoi, comme pour la;
question des sucres, à la session de l'au-;
tomne prochain.
L3 ministre de la marine vient de dé.' ,
poser à laf Chambre un projet de loi ayant,
pour objet d'ouvrir un crédit supplémen-
taire de 4,879,969 francs, s'appliquante
pour une part à l'entretien, pendant le,,
second semestre de cette année, à deS¡
bâtiments et des troupes à rappeler de;
Madagascar, et pour l'entretien, pendant"
les trois trimestres de 1886, des navire?
qui seront maintenus à Madagascar.
On sait qu'avant la conclusion du traita
de paix avec les Hovas, les Chambres,
avaient alloué un crédit de 3,832,000 fr.!
Ce crédit a été absorbé.
L'exposé des motifs du projet de loi
donne quelques détails sur les mesures
déjà prises ou à prendre par suite de la
conclusion du traité avec les Hovas.
Indépendamment des forces navales
qu'elle aura à entretenir dans l'Océan in-
dien, la marine devra fournir une escorte
à notre résident général à Tananarive,
ainsi que les troupes nécessaires pour
l'occupation provisoire de Tamatave, jus-
qu'au parfait payement de l'indemnité
Feuilleton du RAPPEL
DU 27 MAI
56
LA MAITRESSE
DU GÉNÉRAL
CHAPITRE XVI
- SuHe"-;
Beaugran regarda de côté son ami
Galimard, qui était en tiers dans le dé-
jeuner.
- Si on vous prenait au mot? dit le
philosophe à Lucien, en posant résolu-
ment son couteau à côté de son assiette,
et en remuant sa serviette, comme pour
la jeter là et courir. ■
':' -
Reproduction interdite.
Voir le Bappel du 27 mars au 26 mal.
Lucien, surpris, lui demanda avec la
satisfaction d'avoir troublé ce Timon dif-
ficile à troubler :
— Vous auriez le moyen de me substi-
tuer au prince de Winsse'ein?
— Non, dit Beaugran avec gaieté, mais
le cœur serré par l'angoisse. Seulement,
nous connaissons une jeune fille qui fait
mieux que cela, en cachette, qui est aussi
jolie que Mlle de Champeaux-Soulaine;
qui peut faire écarteler un brevet sur Un
blason ; qui est presque aussi riche ; dont
personne ne soupçonne le dévouement et
qui, après avoir été silffoquée de vos fa-
deurs, va respirer l'air dans une maison
d'école, pour s'y purifier et enseigne à
lire à des petites filles, pour se reposer
des inepties que votre génération lui dé-
bite.
Lucien abasourdi, regarda alternative-
ment son père et le philosophe, pour bien
s'assurer qu'on ne se moquait pas de
lui : , -
- Vraiment! murmura-t-il. Est-ce que
je la connais, cette jeune fllle-là ?
- Oui.
- Son nom I
- Tu le répéterais ; c'est un secret.
- Un secret que vous connaissez?
- Un secret que nous âvcjas surpris.
— Mais enfin, son père, sa mère n'ont
pu résister à la tentation de se vanter d'un
pareil phénomène?
— Elle n'a plus de père. Sa mère ignore
sa vocation.
Lucien sauta sur sa chaise :
- Comment fait-elle, alors?
- Tu as lu Cendrillon? Mais au rebours
du conte, c'est chez elle qu'elle brille, et,
dans la journée, quand on la croit occu-
pée de visites, d'emplettes, elle court vê-
tir une robe de sous-maîtresse et faire la
classe à des enfants ! Ah ! s'il y avait un
prince assez charmant pour la mériter et
la voir dans cette fonction !. Ce qui ne
n'empêche pas que le soir, en grande toi-
lette, Cendrillon, rendue à son devoir mon-
dain, vous offre du suere pour votre thé,
ou se laisse inviter à un de vos cotillons.
— Oh ! moi ! je ne danse plus ; alors je
ne la connais pas.
— Tu prends de la tisane ?
— Et elle est jo'ie ?
- Plus que jolie, très belle.
— Et elle est riche ?
- Très riche.
- Quelle bonne histoire ! Son nom?
- Je te le répète, tu le trahirais.
- Mais toi, papa, comment l'as-tu ap-
pris ?
— Galimard te racontera cela , s'il
veut.
— Eh bien, monsieur Galimard, serez-
vous aussi discret que papa?
- Est-ce que je sais si vous êtes capa-
ble de tenir un serment ! répliqua le mi-
santhrope, avec une brutalité joviale.
Lucien rougit, mais il étendit la main.
— S'il ne faut que cela!.. je jure.
— Sur quoi? demanda Galimard.
— Sur ce que vous voudrez.
— Eh bien, choisissez vous-même.
- Dame 1 je n'ai pas là les évangiles.
Galimard lui mit le doigt sur la poi-
trine :
— Et là, qu'avez-vous ?
Lucien rougit encore; mais la rudesse
de Galimard le flattait; c'était la première
fois qu'il le traitait-en homme.
Ce secret qui exigeait un grand ser-
ment piquait sa curiosité.Les yeux de son
père, caressants et interrogateurs, le
mettaient au défi :
— Monsieur Galimard, répliqua-t-il,
avec une solennité qu'il n'avait jamais
eue, et du ton qu'aurait pris le général,
son grand'père, pour prêter serment à
l'empereur, je vous jure, sur mon hon-
neur, que je suis digne de recevoir cette
confidence et que je ne la révélerai à per-
sonne.
— Sur votre honneur? demanda Gali-
mard d'une façon légèrement dubitative.
- Sans doiîte ! reprit Lucien en homme
véritable, sur mon donneur dont personne
ne peut douter. Aimez..;'Pus mieux que je
jure sur l'honneur de mon pèf-p? sur celui
de mon.
— Le vôtre me suffit, interrompit Gali-
mard, tout ensemble légèrement alarmé
de l'abondance des cautions qu'on lui of-
frait et touché de la manière dont elles
lui étaient offertes.
Le vieil ami avait une sorte d'autorité
magistrale en parlant ainsi, et, au fond
de sa rudesse, une émotion généreuse qui
impressionna Lucien.
Il était impossible d'imàginer une pré-
paration plus heureuse et plus habile que
celle qui était fournie par le hasard, pour
l'essai extravagant à tenter.
La vie justifie toutes les invraisem-
blances.
Beaugran laissait parler Galimard. Il
n'eût pas osé poser à son fils les condi-
tions que le bourru s'était permises.
— Cherchez parmi les belles jeunes
filles que vous connaissez, continua ie
philosophe, qui s'amusait de l'embarras
de Lucien.
- Oh 1 je n'ai pas le temps de chercher;
je ne trouverais pas.
- Je le crois; vous ne songeriez pas à
Mlle de Guimaraës.
— Angèle I s'écria Lucien avec un rire
épanou; et interrompu par la stupeur,
Angèle 1
- Elle-mémé, U-';t Beaugran d'un ton
sérieux.
— Angèle! Oh! si vous do m'affirmiez
pas, tous les deux, un fait aussi invrai-
semblable!.
— Veux-tu en être témoin?
- Comment ?,
— Comme nouc l'avons vu nous-mêmes.
Mlle de Guimaraès nous a pardonné d'a-
voir surpris son secret. Elle nous par-
donnera de lui avoir donné un troisième
confident.
— '-.~em~t6pétait Lucien en hochant
la „ete. Il ajouta :
— C'est une idée qui lui est venue par
Mme Berthelin.
— C'est une idée, en tout cas, qui sa-f
tisfait sa raison, sa conscience. »
— Quand irons-nous la surprendre?
— Tantôt, si tu le veux.
— Je veux bien..
Le déjeuner était fini. Lucien se leva
d'un bond, dans une agitation extraordi-
naire-
— AngvJe! Comme elle trompait son
monde ; avec ses airs d'impératrice !.
- Qui donc, dans le monde, était diguo
d'apprendre la vérité?
— C'est vrai, répartit Lucien aVêdTUtt
accent de franchise, très brave et très
gai, nous étions trop idiots (
— Embrasse-moi pour ce mot-là, dit
Beaugran avec effusion.
LOUIS ULDACU,
(u4 suwre.)
1
lie numéro s fOc. - Départements s 15» e.
8 Prairial an 9 4 Nd S921
AmUNISTRATION
18, RUE DE VALOIS, 18
ABONNEMENTS
- "PARIS I DÉPARTEMENTS -.
Trois mois. 10» Trois mois. 13 50
Sixmois. 20 » |Six mois. 27 »
Aibesser lettres et mandats
A M. ERNEST LEFÈVRE
ADMINISTRATEUR- GERAHÏ -
RÉDACTION
-. S'adresser au. Secréfaire de la Réfaction.
De 4 à 6 heures du soir
J.8, RUE DE VALOIS f 18
les manuscrits non insères ne seront pas renies
ANNONCES • •
M. Ch. IAGRANGE, CERF et ce
G, place de la Bourse, 6
UNE LEÇON ÉLECTORALE
Tout est relatif. Un mendiant reçoit
avec joie et reconnaissance le sou qui
ne causerait pas d'extase à M. de Roth-
schild. L'amour de don Guritan pour
dona Maria de Neubourg se contente
de satisfactions qui feraient dire à don
Juan comme à Casilda :
Oh! le pauvre héron! près-de l'eau qui le tente
Il se tient. Il attrape, après un jour d'attente,
Un bonjour, un bonsoir, souvent un mot bien sec,
Et s'en va tout joyeux, cette pâture au bec.
Ce n'est pas après un jour, c'est après
des années d'attente, que les réaction-
naires viennent d'attraper un député
dans Ille-et-Vilaine, et ils s'en vont
iout joyeux, M. Carron au bec.
Triomphe ! Sonnez, clairons ; battez,
tambours ! Allégresse sur les hauteurs
et dans les profondeurs! « Le parti ré-
publicain est vaincu î » psalmodie le
Monde. « C'est un véritable écrasement
pour les républicains! » insinue le
Français. Et ils en appellent aux chif-
fres.
Les chiffres leur donnent-ils raison
autant que ça? Voyons un peu.
Au 18 octobre, le premier candidat
de la liste réactionnaire avait eu 59,544
voix. Dimanche, M. Paul Carron en a
eu 57,455. Ponc, 2,089 de moins. Si
c'est un progrès, c'est un progrès à
reculons.
Oui, mais, si la réaction a perdu
2,089 voix, la République en a perdu
14,186. Car, au 18 octobre, le député
que M. Carron va remplacer, M. Le-
lièvre, avait été élu par 63,947 voix, et,
au 23 mai, le candidat républicain, M.
Louis Martin, n'en a réuni que 49,761.
Les journaux réactionnaires en con-
cluent qu'il y a 14,186 républicains de
moins en Ille-et-Vilaine aujourd'hui
qu'à la fin de l'année dernière, que la
République se meurt, que la Républi-
que est morte, que le comte de Paris
est Oscar. (Brillez pour lui les parfums
d'Arabie ;Oscar, Oscar va revenir !)
Le défaut de cette conclusion est de
pécher par la base. Les journaux réac-
tionnaires pourraient dire que la Répu-
blique a perdu et que la monarchie a
gagné, si leur candidat du 23 mai 1886
avait eu plus de voix que leur candidat
du 18 octobre 1885, si un certain nom-
bre d'électeurs avaient passé du can-
didat républicain au candidat monar-
chiste. Mais, au lieu d'avoir eu plus de
voix, leur candidat en a eu moins.
Donc, ils ne peuvent pas dire que la
monarchie a gagné. Peuvent-ils dire
au moins que la République a perdu ?
Pas davantage. Ils savent aussi bien
que nous pourquoi les 14,186 électeurs
qui avaient voté pour M. Lelièvre n'ont
pas voté pour M. Martin.
Il y a eu division des républicains.
La liste qui a passé en octobre était
une liste de conciliation. M. Lelièvre
y représentait l'élément radical. A sa
mort, l'idée vint naturellement de
choisir un radical pour le remplacer.
Le congrès des comités républicains
d'Ille-et-Vilaine, réuni à Rennes le 13
mai, choisit M. Martin. Mais les répu-
blicains dits opportunistes, les députés
survivants à leur tête, voulurent le
siège pour un des leurs. On le leur
refusa. De là, leur abstention.
N'ont-ils fait que s'abstenir? Un
journal qui les défend les croit capa-
bles d'avoir poussé le dépit jusqu'à vo-
ter pour M. Carron. Nous voulons es-
pérer que leur journal les calomnie.
C'est déjà bien assez qu'ils aient colla-
boré, en ne votant pas, à l'élection d'un
monarchiste.
Je ne m'exagère pas l'importance
d'un royaliste de plus ou de moins à la
Chambre. La majorité républicaine
n'en sera pas entamée. Mais c'est une
faute grave de fournir aux ennemis de
la République un prétexte de dire
qu'ils avancent et que nous reculons.
Au fond, la République est aussi so-
lide en Ille-et-Vilaine aujourd'hui
qu'elle l'était iLy a sept mois, quand
M. Lelièvre avait quatre mille voix de
plus que le candidat tête de liste de la
réaction; qu'elle l'était il y a trois mois,
quand M. Le Hérissé, se présentant
pour remplacer M. de la Riboisière,
n'avait pas même de concurrent. Pas
plus en mai qu'en février, les ennemis
de la République n'auraient osé affron-
ter la lutte, si les républicains ne s'é-
taient pas séparés et n'avaient pas tiré
les uns sur les autres. La réaction n'a
pas gagné la bataille : on la lui a
donnée.
Tâchons de ne plus lui en donner.
Ce n'est pas au lendemain des élections
générales où, grâce à leur déguisement
en vagues « conservateurs » et en dis-
simulant prudemment leur drapeau
dans le plus* profond de leur poche,
les monarchistes ont réussi à escamo-
ter une apparence d'avantage ; ce n'est
pas au jour où l'on s'effare d'une ré-
ception princière jusqu'à croire la Ré-
publique en péril si le gouvernement
n'expulse pas immédiatement et à ja-
mais le prétendant à l'invitation duquel
le corps diplomatique a eu soin de ne pas
se rendre ; ce n'est pas à ce moment qu'il
peut être sans inconvénient de procurer
à la réaction un semblant de victoire là
où.il serait si facile de remporter nous-
mêmes une victoire pour de bon. Les
républicains d'Ille-et-Vilaine qui se
sont abstenus parce ce qu'on trouvait
juste de remplacer un radical par un
radical ont droit aux remerciements de
M. Carron : ils trouveront bon que la
République n'y mêle pas les siens.
AUGUSTE VACQUERIE.
'————————— —————————
A LA CHAMBRE
Séance de rentrée. Dépôt de rapports
et de projets de loi. Un défilé de papiers
en liasse remis, l'un après l'autre, au
président, qui les fait disparaître derrière
lui. Un bourdonnement de phrases con-
fuses, hâtivement prononcées et que per-
sonne n'écoute. Les députés causent par
groupes. Grand échange de poignées de
main. On se retrouve; on renoue connais-
sance.
Cependant la droite présente un aspect
belliqueux. Elle semble agitée, houleuse.
Si l'occasion lui en est fournie, avec plai-
sir elle commencera le feu. Voici l'occa-
sion. Une des propositions dont la prise
en considération est demandée est celle
de MM. Paul Bert, Cantagrel et Tony Ré-
villon, ayant pour but d'assurer, à titre
de récompense nationale, des pensions
viagères aux survivants des blessés de fé-
vrier 1848 èt à leurs ascendants, veuves
et orphelins.
La droite envoie d abord M. des Rotours
à la tribune. Celui-ci affecte de prendre
la question par son côté purement finan-
cier. Il s'oppose, en ce moment où les
économies sont si nécessaires, à ce qu'on
grève le bugdet d'une dépense nouvelle.
Cela dit d'une façon très calme, très em-
pesée; mais ne vous fiez pas à cette modé-
ration, cela va changer bien vite. M. Mau-
rice Faure, rapporteur de la commission
qui a conclu à la prise en considération,
ramène la question sur son véritable ter-
rain ; il montre que l'opposition, venue de
droite, est essentiellement politique. Et
M. Legrand de Lecelles, député réaction-
naire, qui réplique, s'écrie en effet : « Ce,
que vous voulez faire, c'est donner une
prime à l'insurrection I »
Nous y voici. Nous savons de quoi il
retourne. A la bonne heure! Le tapage
commence. De longs bravos saluent l'ap-
parition à la tribuné de M. Madier-Mont-
jau. On connaît la grande éloquence du
vieux lutteur. Il s'indigne que l'on con-
teste à ceux qui ont combattu, à ceux qui
sont tombés en février 1848 pour fonder
la République, leur droit à l'indemnité.
On à souvent répété, dit-il,, que la France
était assez riche pour payer sa gloire, se
pourrait-il qu'elle ne fût pas assez riche
pour acquitter la lettre de change tirée
sur elle par tous ces soldats de la démo-
cratie? Aux applaudissements de la majo-
rité, il rappelle que ceux-là mêmes qui
veulent refuser à une poignée de vieillards
leur trop tardive récompense sont les
amis et serviteurs politiques des princes,
qui, au lendemain de nos grands désas-
tres, sont venus réclamer, non pas 40 mil-
lions, comme on l'a dit tout à l'heure,
mais 100 millions à la France amputée
de deux provinces et de 5 milliards,
meurtrie, râlante sous le pied du vain-
queur rapace.
Salves d'applaudissements ; ovation
faite à M. Madier-Montjau. M. de Cassa-
gnac lui succède. Il parle, avec haine, des
«insurgés de 1848 ». Les insurgés étaient
en Décembre 1 lui crie-t-on. M. ,de Cassa -
gnac répond : « —Je ne suis pas de cenx
qui reculent devant l'apologie du coup
d'Etat ! » Après quoi, il reproche à la
République de tendre toujours la main et
affirme que l'indemnité serait une insulte
à la France.
M. Tony Révillon, posément, avec sa
bonhomie habituelle , fait remarquer
qu'une loi, datée de mars 1848, a ac-
cordé aux blessés de Février l'indemnité
qu'il s'agit de distribuer aujourd'hui, et
que les événements seuls ont empêché
cette loi d'être appliquée, l'empire ayant
« succédé trop tôt » à la République.
Mais la question s'est visiblement dé-
placée. Les blessés de Février sont relé-
gués au deuxième plan; il s'agit des
princes, il s'agit des prétendants. L'inter-
vention de M. de la Rochefoucauld-Bisaccia
est d'ailleurs sigaificative, Après lui ,
M. des Roys prend la parole et, avec une
vigueur qui s'est parfois élevée jusqu'à
l'éloquence, il dit s'étonner de voir les légi-
timistes prendre la défense de ce roi Louis-
Philippe qui a chassé de France la branche
aîoée, qui s'est conduit de la manière
qu'on sait envers la duchesse de Berry
et qui, élevé au pouvoir par des barricades,
a été précipité par des barricades! La
majorité républicaine applaudit à tout
rompre. La droite, déconcertée, reste
muette.
La prise -en considération a été votée
par 336 voix contre 184.
Ç'a été le morceau à effet de la séance.
Intéressant surtout en ce qu'il montre
combien passionnées seront les discus-
sions qui vont sans doute, sous peu, s'en-
gager à propos de l'expulsion des princes.
Le reste de la séance n'a plus guère été
qu'une énumération. Le ministre de la
guerre a déposé le projet de loi de réor-
ganisation militaire et le ministre des tra-
vaux publics un projet de loi sur les mi-
nes. Le ministre du commerce a annoncé
pour jeudi le dépôt de son projet de loi
sur l'arbitrage. Par 279 voix contre 220,
la Chambre a refusé de prendre en con-
sidération une proposition de M. Carrett,
tendant à accorder une indemnité aux
conseillers généraux. Au contraire, la pro-
position de M. Sigismond Lacroix, relative à
l'organisation municipale de Paris a été
prise en considération, sans débats. Le
gouvernement, par l'organe de M. Ber-
nard, sous-secrétaire d'Etat à l'intérieur,
a simplement déclaré faire ses réserves
sur le fond. Une proposition de M. Du-
puis, de l'Aisne, tenant à empêcher les
candidats aux élections sénatoriales dont
une première élection aurait été annulée
pour cause d'inéligibilité de se présenter
avant un certain délai, a été repoussée
après une courte discussion. Enfin, en
l'absence de M. Baïhaut, ministre des tra-
vaux publics, il a été décidé que l'on fixe-
rait jeudi le jour de la discussion de l'in-
terpellation de MM. Michelin et Planteau
sur la grève de Decazeville.
L'ordre du jour appelait la première
délibération sur la proposition de loi,
retour du Sénat, ayant pour objet d'abro-
ger les dispositions relatives aux livrets
d'ouvriers. La précédente Chambre avait
purement et simplement supprimé le
livret; le Sénat s'est contenté de le rendre
facultatif. M. Lyonnais, député de la
Seine-Inférieure, a demandé à la Chambre
de persévérer dans ses premières inten-
tions. Il l'a fait en excellents termes, avec
compétence, en homme qui sait de quoi
il parle. La fin du discours, un peu long,
un peu touffu, mais excellent d'intention,
a dû être renvoyée à la prochaine séance.
Mais la question est de celles qui nous
intéressent par dessus toutes les autres ;
nous y reviendrons demain.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
Au Sénat, séance de quinze minutes.
M. Bozériàn a déposé une proposition de
loi tendant àfaire supporter les frais d'une
réélection rendue nécessaire par l'inéligi-
bilité d'un candidat par le candidat lui-
même, — proposition inspirée, comme
celle de M. Dupuis, à la Chambre,
par l'incident Scbline ; — après quoi
le président a annoncé la mort de deux
sénateurs : MM. Ilonnoré, de la Meuse, et
Ninard, de la Haute-Vienne, et réglé l'or-
dre du jour. Celui-ci ne comprend pas
moins de quatre interpellations de M. de
Gavardie, ce qui n'a pas été sans causer
une légère inquiétude, compréhensible, à
gauche. — L.-V. M.
——————— 4».
Le ministre de la guerre s'est rendu
hier à Rambouillet pour visiter l'Ecole
militaire préparatoire de cette ville.
Il était accompagné des généraux Ri-
chard, directeur du génie, et de Saint-
Mars, directeur de l'infanterie, du com-
mandant Peigaé. chef de cabinet au mi-
nistère de la guerre.
Le général Boulanger a été reçu à la
gare de Rambouillet par le général Rai-
son, commandant le département de
Seine-et-Oise, assisté du lieutenant-colo-
nel et des officiers du 18e régiment de
chasseurs à cheval. Le sous-préfet, le
maire et le conseil municipal s'y trou-
vaient également.
Après avoir remercié les autorités ci-
viles de leurs paroles de bienvenue, le
ministre s'est rendu à l'école, où le per-
sonnel et les élèves lui ont été présentés
par le commandant Collin.
Le général Boulanger a adressé à tous
des félicitations et a constaté que l'Ecole
de Rambouillet pouvait servir de modèle
aux écoles militaires préparatoires en
voie de formation.
l -
Les ministres se sont réunis hier matin,
à l'Elysée, sous la présidence de M. Jules
Grévy.
M. de Freycinet a rendu compte de la
situation en Orient. Les incidents qui se
sont produits à la frontière ont été, a dit
le ministre, le résultat d'un malentendu.
Le Journal officiel grec publie un décret de
démobilisation.
Le ministre de l'intérieur a annoncé la
reprise des travaux à la Motte d'Aveillans.
Les incidents qui ont troublé cette com-
mune ont pris fin. La situation continue
de s'améliorer à Decazeville.
COULISSES DES CHAMBRES
Contrairement à l'attente générale, le
gouvernement n'a pas saisi la Chambre,
hier, d'un projet de loi relatif à l'expul-
sion des princes.
Le conseil des ministres a longuement
délibéré hier matin; mais il n'a pu encore
aboutir à une résolution définitive. Il a
remis à sa réunion prochaine pour sta-
tuer; et l'on pense - quoique cela ne
puisse plus désormais être considéré
comme certain — qu'il sera en mesure de
déposer son projet demain jeudi.
-o-
Le ministre des travaux publics a dé-
posé hier sur le bureau de la Chambre
son projet de loi d'ensemble sur les mi-
nes. Comme nous l'avions déjà indiqué,
ce projet abroge toutes les lois antérieures
sur la matière et y substitue une loi uni-
que dont toutes les parties sont inspirées
par le même esprit et coordonnées, et
forment un véritable code des mines.
Nous sommes en mesure de faire con-
naître les principales innovations que ren-
ferme ce projet.
Tout d'abord le projet supprime abso-
lument l'arbitraire administratlf en ma-
tière de concession de mines. Il proclame
le principe que la mine appartient à l'in-
venteur, et en conséquence il donne un
droit de priorité à celui qui l'a découverte,
tandis que la législation actuelle attribue
la préférence au possesseur de la surface
du sol. Les ouvriers constitués en syn-
dicat et qui offriraient des garanties suffi-
santes pour l'exploitation pourraient ainsi,
s'ils avaient découvert une mine, en ob-
tenir la concession.
Le projet modifie sensiblement le sys-
tème des redevances à l'Etat. Actuelle-
ment, les concessionnaires de mines
payent à l'Etat un droit composé de deux
parties, l'une fixe, l'autre variable.
La partie fixe est de 10 centimes par
hectare ; la partie variable est de cinq
pour cent du produit net.
Le projet augmente la partie fixe et
dimininue la partie variable. La partie
variable est fixée à 3 0|0 du produit net.
La partie fixe est graduée suivant une
progression croissante, en raison de la
surface de la mine. La redevance est de
10 centimes par hectare, pour les super-
ficies de 1 à 100 hectares ; au delà, elle
s'élève à 1, 2, 3 fr., etc., suivant l'éten-
due de la surface de la mine.
L'objet de ces dispositions est d'éviter
le trop grand développement des mines
en surface et par suite de multiplier les
sièges d'exploitation.
Des dispositions ont été introduites
dans le projet pour créer des cas de dé-
chéance qui n'étaient pas prévus par la
législation actuelle.
Ainsi le projet ajoute aux cas de dé-
chéance déjà existants celui de non-
payement de travaux imposés d'offlcè par
l'Etat et celui de non-exploitation ou
d'abandon des mines.
Enfin, un article nouveau porte que,
lorsque l'exploitation se trouve suspendue
ou diminuée sans cause reconnue légi-
time, l'Etat peut poursuivre la déchéance.
Des modifications assez nombreuses
sont apportées également à la procédure
des instances en déchéance. La délai ac-
tuel de cinq mois est réduit à deux
mois. -
En outre, la campagnie dont la dé-
chéance a été prononcée ne peut pas se
présenter à la nouvelle adjudication.
Le projet consacre le principe de. l'ar-
bitrage pour le règlement des conflits
entre les compagnies et les ouvriers. Il
contient, en,effet, une disposition par la-
quelle les ingénieurs de l'Etat sont auto-
risés, en cas d'arbitres légalement choisis, -
à fournir à ceux-ci tous les renseigne-
ments qui leur seront demandés.
Le projet supprima les minières qui
sont intermédiaires entre les terrains ap-
partenant aux propriétaires du sol et les
mines concessibles par l'Etat.
Ajoutons que des dispositions transi-
toires assurent l'application des règles
nouvelles posées par le projet aux conces-
sions actuelles. -
-0-
On a distribué hier aux députés, comme
nous l'avions fait prévoir, le rapport de
M. Sans-Leroy sur les propositions rela-
tives au régime des sucres; mais, con-
trairement à l'attente générale, le gouver-
nement a décidé de demander à là Cham-
bre l'ajournement de la discussion des
conclusions de ce rapport jusqu'à la ses-
sion de l'automne prochain. Le gouverne-
ment estime qu'en raison du nombre, de
la complexité et de la gravité des ques-
tions soulevées par le rapport de la com-
mission des sucres, il y a impossibilité
matérielle d'avoir une discussion appro-
fondie dans les deux Chambres au cours
de la session actuelle, qui est nécessaire- -
ment limitée au 14 juillet prochain.
Toutefois, comme la surtaxe de 7 francs,
appliquée aux sucres européens étran-
gers à leur entrée en France par la loi du
29 juillet 1884, prend fin le 31 août pro-
chain, le gouvernement demandera aux
Chambres de voter la prorogation de
cette surtaxe pour deux nouvelles années"
comme le propose d'ailleurs la commis-
sion de la Chambre dans les conclusion*.
du rapport de M. Sans-Leroy.
Toutes les modifications permanentes h
la loi du 29 juillet 1884 proposées par la
commission seraient réservées pour la.
discussion de l'hiver prochain.
La commission des sucres se réunira co4
matin à la Chambre pour examiner lai
motion du gouvernement.
Ajoutons que le gouvernement a pris,!
en conseil des ministres, une décision)
analogue en ce qui concerne la questions
des droits sur les céréales.
On sait que la Chambre est saisie, de*1
puis son origine même, de diverses pro-
positions émanées de l'initiative parle-
mentaire et ayant pour objet de relever4
les droits sur les céréales étrangères déjà!
imposées à leur entrée en France et ki
frapper de droits celles qui ne sont pas*
*
encore imposées.
Les rapports sur les diverses proposi-j
tions sont prêts et la discussion pourrait
avoir lieu prochainement ; mais le gouver- !
nement estime que ce débat ne peut pas.'
venir utilement au cours de la session ae-j
tuelle dont la durée est très bornée, et iH
demandera le renvoi, comme pour la;
question des sucres, à la session de l'au-;
tomne prochain.
L3 ministre de la marine vient de dé.' ,
poser à laf Chambre un projet de loi ayant,
pour objet d'ouvrir un crédit supplémen-
taire de 4,879,969 francs, s'appliquante
pour une part à l'entretien, pendant le,,
second semestre de cette année, à deS¡
bâtiments et des troupes à rappeler de;
Madagascar, et pour l'entretien, pendant"
les trois trimestres de 1886, des navire?
qui seront maintenus à Madagascar.
On sait qu'avant la conclusion du traita
de paix avec les Hovas, les Chambres,
avaient alloué un crédit de 3,832,000 fr.!
Ce crédit a été absorbé.
L'exposé des motifs du projet de loi
donne quelques détails sur les mesures
déjà prises ou à prendre par suite de la
conclusion du traité avec les Hovas.
Indépendamment des forces navales
qu'elle aura à entretenir dans l'Océan in-
dien, la marine devra fournir une escorte
à notre résident général à Tananarive,
ainsi que les troupes nécessaires pour
l'occupation provisoire de Tamatave, jus-
qu'au parfait payement de l'indemnité
Feuilleton du RAPPEL
DU 27 MAI
56
LA MAITRESSE
DU GÉNÉRAL
CHAPITRE XVI
- SuHe"-;
Beaugran regarda de côté son ami
Galimard, qui était en tiers dans le dé-
jeuner.
- Si on vous prenait au mot? dit le
philosophe à Lucien, en posant résolu-
ment son couteau à côté de son assiette,
et en remuant sa serviette, comme pour
la jeter là et courir. ■
':' -
Reproduction interdite.
Voir le Bappel du 27 mars au 26 mal.
Lucien, surpris, lui demanda avec la
satisfaction d'avoir troublé ce Timon dif-
ficile à troubler :
— Vous auriez le moyen de me substi-
tuer au prince de Winsse'ein?
— Non, dit Beaugran avec gaieté, mais
le cœur serré par l'angoisse. Seulement,
nous connaissons une jeune fille qui fait
mieux que cela, en cachette, qui est aussi
jolie que Mlle de Champeaux-Soulaine;
qui peut faire écarteler un brevet sur Un
blason ; qui est presque aussi riche ; dont
personne ne soupçonne le dévouement et
qui, après avoir été silffoquée de vos fa-
deurs, va respirer l'air dans une maison
d'école, pour s'y purifier et enseigne à
lire à des petites filles, pour se reposer
des inepties que votre génération lui dé-
bite.
Lucien abasourdi, regarda alternative-
ment son père et le philosophe, pour bien
s'assurer qu'on ne se moquait pas de
lui : , -
- Vraiment! murmura-t-il. Est-ce que
je la connais, cette jeune fllle-là ?
- Oui.
- Son nom I
- Tu le répéterais ; c'est un secret.
- Un secret que vous connaissez?
- Un secret que nous âvcjas surpris.
— Mais enfin, son père, sa mère n'ont
pu résister à la tentation de se vanter d'un
pareil phénomène?
— Elle n'a plus de père. Sa mère ignore
sa vocation.
Lucien sauta sur sa chaise :
- Comment fait-elle, alors?
- Tu as lu Cendrillon? Mais au rebours
du conte, c'est chez elle qu'elle brille, et,
dans la journée, quand on la croit occu-
pée de visites, d'emplettes, elle court vê-
tir une robe de sous-maîtresse et faire la
classe à des enfants ! Ah ! s'il y avait un
prince assez charmant pour la mériter et
la voir dans cette fonction !. Ce qui ne
n'empêche pas que le soir, en grande toi-
lette, Cendrillon, rendue à son devoir mon-
dain, vous offre du suere pour votre thé,
ou se laisse inviter à un de vos cotillons.
— Oh ! moi ! je ne danse plus ; alors je
ne la connais pas.
— Tu prends de la tisane ?
— Et elle est jo'ie ?
- Plus que jolie, très belle.
— Et elle est riche ?
- Très riche.
- Quelle bonne histoire ! Son nom?
- Je te le répète, tu le trahirais.
- Mais toi, papa, comment l'as-tu ap-
pris ?
— Galimard te racontera cela , s'il
veut.
— Eh bien, monsieur Galimard, serez-
vous aussi discret que papa?
- Est-ce que je sais si vous êtes capa-
ble de tenir un serment ! répliqua le mi-
santhrope, avec une brutalité joviale.
Lucien rougit, mais il étendit la main.
— S'il ne faut que cela!.. je jure.
— Sur quoi? demanda Galimard.
— Sur ce que vous voudrez.
— Eh bien, choisissez vous-même.
- Dame 1 je n'ai pas là les évangiles.
Galimard lui mit le doigt sur la poi-
trine :
— Et là, qu'avez-vous ?
Lucien rougit encore; mais la rudesse
de Galimard le flattait; c'était la première
fois qu'il le traitait-en homme.
Ce secret qui exigeait un grand ser-
ment piquait sa curiosité.Les yeux de son
père, caressants et interrogateurs, le
mettaient au défi :
— Monsieur Galimard, répliqua-t-il,
avec une solennité qu'il n'avait jamais
eue, et du ton qu'aurait pris le général,
son grand'père, pour prêter serment à
l'empereur, je vous jure, sur mon hon-
neur, que je suis digne de recevoir cette
confidence et que je ne la révélerai à per-
sonne.
— Sur votre honneur? demanda Gali-
mard d'une façon légèrement dubitative.
- Sans doiîte ! reprit Lucien en homme
véritable, sur mon donneur dont personne
ne peut douter. Aimez..;'Pus mieux que je
jure sur l'honneur de mon pèf-p? sur celui
de mon.
— Le vôtre me suffit, interrompit Gali-
mard, tout ensemble légèrement alarmé
de l'abondance des cautions qu'on lui of-
frait et touché de la manière dont elles
lui étaient offertes.
Le vieil ami avait une sorte d'autorité
magistrale en parlant ainsi, et, au fond
de sa rudesse, une émotion généreuse qui
impressionna Lucien.
Il était impossible d'imàginer une pré-
paration plus heureuse et plus habile que
celle qui était fournie par le hasard, pour
l'essai extravagant à tenter.
La vie justifie toutes les invraisem-
blances.
Beaugran laissait parler Galimard. Il
n'eût pas osé poser à son fils les condi-
tions que le bourru s'était permises.
— Cherchez parmi les belles jeunes
filles que vous connaissez, continua ie
philosophe, qui s'amusait de l'embarras
de Lucien.
- Oh 1 je n'ai pas le temps de chercher;
je ne trouverais pas.
- Je le crois; vous ne songeriez pas à
Mlle de Guimaraës.
— Angèle I s'écria Lucien avec un rire
épanou; et interrompu par la stupeur,
Angèle 1
- Elle-mémé, U-';t Beaugran d'un ton
sérieux.
— Angèle! Oh! si vous do m'affirmiez
pas, tous les deux, un fait aussi invrai-
semblable!.
— Veux-tu en être témoin?
- Comment ?,
— Comme nouc l'avons vu nous-mêmes.
Mlle de Guimaraès nous a pardonné d'a-
voir surpris son secret. Elle nous par-
donnera de lui avoir donné un troisième
confident.
— '-.~em~t6pétait Lucien en hochant
la „ete. Il ajouta :
— C'est une idée qui lui est venue par
Mme Berthelin.
— C'est une idée, en tout cas, qui sa-f
tisfait sa raison, sa conscience. »
— Quand irons-nous la surprendre?
— Tantôt, si tu le veux.
— Je veux bien..
Le déjeuner était fini. Lucien se leva
d'un bond, dans une agitation extraordi-
naire-
— AngvJe! Comme elle trompait son
monde ; avec ses airs d'impératrice !.
- Qui donc, dans le monde, était diguo
d'apprendre la vérité?
— C'est vrai, répartit Lucien aVêdTUtt
accent de franchise, très brave et très
gai, nous étions trop idiots (
— Embrasse-moi pour ce mot-là, dit
Beaugran avec effusion.
LOUIS ULDACU,
(u4 suwre.)
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