Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-05-24
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 mai 1886 24 mai 1886
Description : 1886/05/24 (N5918). 1886/05/24 (N5918).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75392176
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
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attoistration
48, BUE DE VALOIS, 18
ABONNEMENTS
PARIS
ÎEroïs mois 40 ))
Six mois 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. 1350
Six mois. 27 JJ
Atlrcsser lcHres et mandais
A M. ERNEST LEFÈVRE
tATIMINTSTRATEPR GÉKANI de
REDACTION
S'adresser au Sècréfaire delàïleSactioiL
De 4 à 6 heures du soir
48, HUE DE A'ALOIS, 18
-
les manuscrits non insérés ne serontpasrcii4
ANNONCES
UN. Gh. IAGRANGE, CERF et CO
6, place de la Bourse, 6
C'est demain que parait la Fin de Satan - *
Le poème se divise en trois parties : la Guerre, le htoct et la
J)ru* on. ': 'd bl
C'est de la deuxième partie que nous extrayons 1 admirable
épisode qu'on va lire :
BARRABAS
C'était, le jour de Pâque, une coutume
Fort ancienne, où les juifs et Rome étaient d'accord,
Que le peuple, parmi les condamnés à mort,
Choisît un criminel auquel on faisait grâce.
Près du palais, lieu sombre où la foule s'entasse,
Se pressait, comme autour des ruches les essaims,
Le peuple de la ville et des cantons voisins,
Qu'un licteur contenait du manche de sa hache.
Les paysans,"tenant par la corde leur vache,
Les femmes apportant au marché leurs paniers,
Devant le seuil, gardé par douze centeniers,
S'arrêtaient, éclairés par l'aurore vermeille.
La rumeur de la fête avait depuis la veille
Vers les quatre coteaux de Sion dirigé
Les habitants d'Aser et ceux de Bethphagé,
Ceux de Nuïm et ceux d'Emath ; et sur la place
Chaque faubourg avait versé sa populace.
On y voyait aller et venir, sans bâton,
Gais, l'œil joyeux, des gens qui jadis, disait-on;
Blêmes, et mendiant aux portes des boutiques,
Etaient aveugles, sourds, boiteux, paralytiques,
Et que l'homme appelé le Christ avait guéris.
C'était la même foule aux tumultueux cris
Qui, naguère, agitant au vent des branches vertes,:
Et les âmes au ciel toutes grandes ouvertes,
Battant des mains, chaulant des cantiques, courait
Dans les chemins devant Jésus de Nazareth.
Plusieurs l'avaient béni comme un dieu qu'on écoute
Et, pour avoir jeté leurs manteaux sur sa route,
Ils avaient de la terre encore à leurs habits.
Deux liastati de Rome, aux casques bien fourbis,
Se promenaient devant la porte du prétoire ;
Et des marchandes d'eau vendaient au peuple à boire..
Et les petits enfants jouaient aux osselets.
Tout à coup apparut sur le seuil du palais
Christ couronné d'épine et vêtu d'écarlate;
D avait un roseau dans la main ; et Pilate,
Le leur montrant, leur dit : - Voilà rhomme.,
Le Christ
Se taisait, FceII au ciel.
Et Pilate reprit :
- C'est aujourd'hui qu'on laisse un misérable vivre.)
Peuple, lequel des deux veux-tu que je délivre :
Barrabas, ou Jésus nommé Christ?
«— Barrabas t
Cria le peuple.
Alors, au-dessous de leur pas,
Ils crurent tous entendre on ne sait quel tonnerre
Rouler. C'était quelqu'un qui riait sous la terrer
Ainsi jugeaient les juifs sous l'œil froid des romains.
Ponce Pilate songe et se lave les mains.
I* r«l '«à '•! '•! V. f; * »' • •
= * * *' ;*' 4;
Barrabas stupéfait est libre;
Sous les plis
D'un brouillard monstrueux dont les cieux sont remplis,
La ville est un chaos de maisons et de rues.
Des geôliers tout à l'heure, en paroles bourrues
Racontant l'aventure entre eux confusément,
Ont ouvert son cachot, rompu son ferrement,
Puis ont dit : — Va! le peuple a fait grâce ! — De sorte
Qu'il ne sait rien, sinon qu'on a poussé la porte,
Que le ciel est tout noir, que nul ne le poursuit,
Et qu'il peut s'envoler dans l'ombre, oiseau de nuit.
Ce choix qui fait mourir Jésus et le fait vivre,
Tout ce récit, lui semble un via dont il est ivre ;
Il erre dans la ville, il y glisse, il en sort,
Comme parfois on voit marcher quelqu'un qui dort;
Quelle route prend-il? La première venue.
Il avance, il hésite et cherche, et continue
Et ne sait pas, devant l'obscure immensité ;
Il a derrière lui les murs de la cité,
Mais il ne les voit pas ; son front troublé s'incliné:
Il ne s'aperçoit point qu'il monte une colline;
Monter, descendre, aller, venir, hier, aujourd'hui,
Qu'importe ! Il rôde, ayant comme un nuage en lai î
Il erre, il passe avec de la brume éternelle
Et du songe et du gouffre au fond de sa prunelle.
Il se dit par moment : C'est moi qui marche ; oui.
Tout est si ténébreux qu'il est comme ébloui.
Le chemin qu'au hasard il suit, rampe et s'enfonce
Aux flancs d'un mont où croît à peine quelque ronce.
Et Barrabas pensif, gravissant le rocher,
Sans voir où vont ses pas laisse ses pieds marcher;
La vague horreur du lieu plaît à cette âme louve.
Après avoir monté quelque temps, il se trouve
Sur un espace sombre et qui semble un sommet ;
Il s'arrête, puis tend les mains, et se remet
A rôder à travers la profondeur farouche.
Tout en marchant, il heurte un obstacle ; il le touche ;
— Quel est cet arbre? Où donc suis-jef dit Barrabas. -
Le Ion-, de l'arbre obscur il lève ses deux bras
Si longtemps enchaînés qu'il les dresse avec peine.
- Cet arbre est un poteau, dit-il. Il y promène
Ses doigts par laiorture atroce estropiés;
Et tout à coup, hagard, pâle, il tâte des pieds.
Comme un hibou surpris rentre sous la feuillée,
Il retire sa main ; elle est toute mouillée.
Ces pieds sont froids, un clou les traverse ; et de sang
Et do fange et de fiel tuut le bois est glissant.
Barrabas éperdu recule; son œil s'ouvre,
Epouvanté, dans l'ombre épaisse qui le couvre,
Et, par degrés, un blême et noir linéament
S'ébauche à son regard sous le niÍr firmament ;
C'est une croix.
En bas on voit un vase où plonge
Une touffe d'hysope entourant une éponge ;
Et, sur l'affreux poteau, nu, sanglant, les yeux morts,
Le front penché, les bras portant le poids du corps,
Ceint de cordes de chanvre autour des reins nouées,
Le flanc percé, les pieds cloués, les mains clouées,
Meurtri, ployé, pendant, rompu, défiguré,
Un cadavre apparaît, blanc, et comme éclairé
De la lividité sépulcrale du rêve ;
Et cette croix au fond du silence s'élève.
Barrabas, comme un homme en sursaut réveillé,
Tressaillit. C'était bien un gibet, vil, souillé,
Effroyable, fixé par des coins dans le sable.
Il regarda. L'horreur était inexprimable;
Inquiet, hérissé, comme agité du vent,
Et prêt à fuir après chaque pas en avant.
Jésus mort répandait un rayonnement blême;
La mort, comme n'osant s'achever elle-même;
Laissait flotter, au trou morne et sanglant des yeux,
Le reste d'un regard tendre et mystérieux.
-. Son front penché semblait s'éclairer à mesure
Que cet homme approchait d'une marche mal sûre;
Quand Barra bas fut près, la prunelle brilla ;
Si quelque ange, venu des cieux, eût été là,
Il eût cru voir ramper, dans l'horreur d'une tombe,
Un serpent fasciné par l'œil d'une colombe.
Et le bandit, courbé sous l'épaississement
De la brume croissant de moment en moment,
Contemplait; et la terre avait l'air orpheline;
L'ombre songeait.
Alors, sur cette âpre colline'l
Et sous les vastes cieux désolés et ternis,
Comme si le frisson des pensers infinis
Tombait de cette croix ouvrant ses bras funèbresj
On ne sait quel esprit entra dans les ténèbres
De cet homme, et le fit devenir effrayant.
Un feu profond jaillit de son œil foudroyant.
L'âme immense d'Adam, couché sous le Calvaire^'
Sembla soudain monter dans ce voleur sévère.
Il éleva la voix tout à coup, du côté
Où les monts s'enfonç lient dans plus d'obseurité,
Cachant Jérusalem sous le brouillard perdue.
Et pendant qu'il parlait, jetant dans l'étendue
L'anathème, les cris, les courroux, les affronts,
Quelque chose qu'on vit plus tard sur d'autres fronts,
Une langue de flamme, au-dessus de sa tète
Brillait et volait, comme en un vent de tempête ;
Et Barrabas debout, transfiguré, tremblant,
Terrible, cria :
« — Peuple, affreux peuple sanglant,
Qu'as-tu fait? 0 Caïn, Daithan, Nemrod, vous autres,
Quel est ce crime-ci qui passe tous les nôtres ?
Voilà donc ce qu'on fait des justes ici-bas!
Populace 1 à ses pieds jadis tu te courbas,
Tu courais l'adorer sur les places publiques,
Tu voyais sur son dos deux ailes angéliques,
Il était ton pasteur, ton guide, ton soutien.
Dès qu'un homme parait pour te faire du bien,
Peuple, et pour Rapporter quelque divin message;
Pour te faire meilleur, plus fort, plus doux, plus sagef-
Pour t'ouvrir le ciel sombre, espérance des morts,
Tu le suis d'abord, puis, tout à coup, tu le mords,
Tu le railles, le hais, l'insultes, le dénigres!
0 troupeau de moutons d'où sort un tas de tigres I
Quel prix pour tant de saints et sublimes combats J
Celui-ci, c'est Jésus ; ceci, c'est Barrabas I
« L'archange est mort, et moi, l'assassin, je suis libre I
Ils ont mis l'astre avec la fange en équilibre,
Et du côté hideux leur balance a penché.
Quoi! d'une part le ciel, de l'autre le péché ;
Ici, l'amour, la paix, le pardon, la prière,
La foudre évanouie et dissoute en lumière,
Les malades guéris, les morts ressuscités,
Un être tout couvert de vie et de clartés ;
Là, le tueur, sous qui l'épouvante se creuse,
Tous les vices, le vol, l'ombre, une âme lépreugei!
Un brigand, d'attentats sans nombre hérissé L.:
« Oh 4 si c'était à moi qu'on se fût adressé,
Si, quand j'avais le cou scellé dans la muraille ?
Pilate était venu me trouver sur ma paille, --
S'il m'avait dit : « Voyons, on te laisse le choix,
« C'est une fête, il faut mettre quelqu'un en croix,
« Ou Christ de Galilée, ou toi la bête fauve ;
« Réponds, bandit, lequel des deux veux-tu qu'on saüve ?)i
J'aurais tendu mes poings et j'aurais dit : Clouez 1
« Cieux ! les rois sont bénis, les prêtres sont louésJ,
Le vêtement de gloire est sur l'âme de cendre ;
Un crime était béant, l'homme vient d'y descendre;
Un forfait restait vierge, il vient de l'épouser;
Oh ! Caïn maintenant tue avec un baiser ;
C'est fini, le dragon règne, le mal se fonde ;
On ne chantera plus dans la forêt profonde,
Les hommes n'auront plus d'aurore dans leur cœur,1
L'amour est mort, le deuil lamentable est vainqueurr
La dernière lueur s'éteint dans la nature ;
Eux-même ont de leur main fait cette fermeture
De la pierre effroyable et sourde du tombeau 1
Puisque le vrai, le pur, le saint, le bon, le beau,
Est là sur ce poteau, tout est dit, rien n'existe,
L'homme est dorénavant abominable et triste,
Cette croix va couvrir d'échafauds les sommets ;
Ce monde est de la proie ; il aura désormais
L'obscurité pour loi, pour juge l'ignorance ;
Vaincre sera pour lui la seule différence ;
La mise en liberté des monstres lui convient;
Cette bête, la Nuit scélérate, le tient. j
« Le mal ne serait pas s'il n'avait pas une âme;
Cette chaîne d'horreur qui, dans ce monde infâme"
Commencée à César, finit à Barrabas,
Dépasse l'homme et va dans l'ombre encar plus bas ;
Et, comme le serpent s'enfle sous la broussaille,
Je sens un être affreux qui sous terre tressaille.,
« Sois content, toi, là-bas, sous nos pieds ! J'aperçois
Au fond de cette brume et devant cette croix
Ton grincement de dents, ce rire des ténèbres.
Et toi, vil monde, ô race humaine, qui célèbres
Les rites de l'enfer sur des autels d'effroi,
Tremble en tes profondeurs; j'entends autour de toi
La réclamation des gueules de l'abîme.
u Je demande à genoux pardon à ta victime,
Genre humain ! ta noirceur en est là maintenant
Que le gibet saisit l'apôtre rayonnant,
Que sous le poids de l'ombre abjecte l'aube expigé^
Et que lui, le meilleur, périt sous moi, le pire !
Oh ! je baise sa croix et ses pieds refroidis,
Et, monstrueusement sauvé par toi, je dis :
Malheur sur toi !
« Malheur, monde impur, lâche et Êâtfel
Monde où je n'ai de bon que mon ingratitude,
Sois maudit par celui que tu viens d'épargner!!;;
Puisse à jamais ce Christ sur ta tête saigner!
Qu'un déluge d'opprobre et de deuil t'engloutisse,
Homme, plus prompt à choir du haut de la justice
Que l'éclair à tomber du haut du firmament 1
Sois maudit dans ces clous, dans ce gibet fumant, ,
Dans ce fiel! sois maudit dans ma chaîne brisée!
«lSois damné, monde à qui le sang sert de rosée,
Pour m'avoir délivré, pour l'avoir rejeté,
Monde affreux qui fais grâce avec férocité,
Toi dont l'aveuglement crucifie et lapide,
Toi qui n'hésites pas sur l'abîme, et, stupide,
N'as pas même senti frissonner un cheveu
Dans ce choix formidable entre Satan et Dieu! »
VICTOR HUGOJ
J ♦ ■ ■■■ ■
L'ANNIVERSAIRE
Le premier anniversaire de la mort de
Victor Hugo a été grandement célébré. - -.1
Il l'a été doublement : au Panthéon et;
au Théâtre-Français.
Au Ibéâtre>Franfaii
A sept heures du matin, la foule se
pressait des deux côtés du théâtre. Quand
les portes ont été ouvertes, ç'a été une
irruption, et la salle a été bientôt plus que
pleine.
La toile s'est levée à l'heure dite, et le
doyen de la Comédie, M. Got, a prononcé,
de sa façon magistrale, ces beaux vers de
M. François Coppée:
RESURRECTION
Quand dans te deuil du monde et de la France entière
Le corbillard du pauvre allait au Panthéon,
A travers le drap noir et le bois de la bière
La foule croyait voir transparaître un rayon.
Vainement on voulait chasser cette démence
Songeant que le Poète, à la tombe porté,
AtaîI à l'univers IGguÓ eon ceuvro immenea
Et qu'il y survivrait pour" l'immortalité!
Non, sous le sombre drap, l'âme d'angoisse atteinte, -
Toujours on croyait voir, comme un espoir secret,
Une flamme d'amour qui n'était pas éteinte,
Un foyer d'idéal qui se rallumerait!
Tu ne te trompais pas, ô Peuple 1 Le Génie
Faisait dans ce cercueil resplendir sa clarté 1
Le Maître n'est pas mort, l'œuvre n'est pas fini..
Miracle ! Il ressuscite 1 Il est ressuscité !
Il veillait seulement sous la voûte glacée,
Ainsi que Barberousse au fond du souterrain.
Pour nous livrer encor sa sublime pensée
Son caveau va s'ouvrir avec un bruit d'airain.
Le Poète endormi sous les apothéoses
Longtemps nous donnera des poèmes nouveaux.
De son tombeau sacré sort un parfum de roses ;
De son cercueil béni s'envolent des oiseaux.
Peuple qu'il aima tant, viens, puisqu'il te convi
Admirer le grand mort à son premier réveil
Et voir, de son sépulcre encor si plein de vie,
L'OEuvre surgir ainsi qu'un lever de soleil !
La toile, baissée, s'est relevée quelques
instants après, et nous avons assisté à une
chos-e inoubliable.
Un poème inédit, égal sinon supérieur
aux plus grands du plus grand des poètes,
a été récité — nous pourrions dire joué
— par les artistes du premier des
théâtres.
Disons tout de suite que ç'a été une
ovation ininterrompue, une explosion
immense d'applaudissements et de rap-
pels.
Et rendons-en hommage, d'abord au
poème, qui est d'une beauté incompara-
ble, ensuite aux artistes, qui n'ont jamais
fait preuve de plus de talent, enfin à cet
admirable public des matinées gratuites,
si cordialement sympathique, si ouvert au
beau et au grand, et dont l'instinct don-
nerait des leçons au goût le plus éclairée
Les nécessités des travaux du théâtre
n'avaient pas permis de donner aux artistes
le nombre de répétitions dont d'autres
auraient eu besoin. Ainsi, il n'y avait pas
eu une seule répétition sur la scène. Les
excellents comédiens de la maison de
Molière, de Corneille et de Victor Hugo
n'en ont pas moins été ce qu'ils sont tou-
jours
M. Mounet-Sully a dit la chute de Satan;
sa plainte, son rêve et son appel désespéré
de la manière la plus saisissante et la
plus touchante. M. Sylvain, dans la Poutre
et dans le Baiser de Judas, a fait remar-
quer, comme toujours, la netteté de sa
diction. Il n'a pas suffi au public de re-
voir une fois M. Worms après Y Entrée à
Jérusalem et M. Coquelin après Barrabas i
ils ont dû, après avoir reparu, reparaître
encore. M. Maubant a dit avec autorité la
Bastille.
Avec quelle tendresse et quelle passion
Mlle Reichemberg et M. Albert Lambert
ont échangé les strophes brûlantes du
Cant que de Betkphagé ! Avec quel charme
et quelle vie Mlle Barrett i a lancé la chan-
son ailée des oiseaux 1 Mlle Bartet et Mlle
Dudlay, qui avaient eu déjà chacune, et à
plusieurs reprises, leur succès personnel,
en ont eu un en commun dans le chant
intitulé : Lilith -Isis. La salle ne se lassait
pas de les rappeler.
Quand tous les artistes ont eu reparu,
il y a eu un grand cri de : Vive Victor
Hugo !
L'administrateur de la Comédie-Fran-
çaise avait eu l'intelligente idée de faire
assister à la récitation du poème le poète.
Au fond de la scène surgissait son buste,
l'admirable buste de Falguière, si bien
fait pour ces apothéoses; il est théâtral et
vivant; c'est le poète et c'est l'homme; et
si ressemblant que par moment il me
semblait que c'était Victor Hugo lui-
même qui disait ces grands vers, et je;
me revoyais à Jersey, à Marine-Tcrrace,;
le soir où, venant d'écrire la première
partie de l'immortel poème, il me lisait
la Chute et Nemrod. Et, pendant qu'ils
lisait, les heures passaient, et je n'en;
vais jamais assez, et je disais : En'
core 1 Et la mer montait au mur de la
attoistration
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Six mois. 27 JJ
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UN. Gh. IAGRANGE, CERF et CO
6, place de la Bourse, 6
C'est demain que parait la Fin de Satan - *
Le poème se divise en trois parties : la Guerre, le htoct et la
J)ru* on. ': 'd bl
C'est de la deuxième partie que nous extrayons 1 admirable
épisode qu'on va lire :
BARRABAS
C'était, le jour de Pâque, une coutume
Fort ancienne, où les juifs et Rome étaient d'accord,
Que le peuple, parmi les condamnés à mort,
Choisît un criminel auquel on faisait grâce.
Près du palais, lieu sombre où la foule s'entasse,
Se pressait, comme autour des ruches les essaims,
Le peuple de la ville et des cantons voisins,
Qu'un licteur contenait du manche de sa hache.
Les paysans,"tenant par la corde leur vache,
Les femmes apportant au marché leurs paniers,
Devant le seuil, gardé par douze centeniers,
S'arrêtaient, éclairés par l'aurore vermeille.
La rumeur de la fête avait depuis la veille
Vers les quatre coteaux de Sion dirigé
Les habitants d'Aser et ceux de Bethphagé,
Ceux de Nuïm et ceux d'Emath ; et sur la place
Chaque faubourg avait versé sa populace.
On y voyait aller et venir, sans bâton,
Gais, l'œil joyeux, des gens qui jadis, disait-on;
Blêmes, et mendiant aux portes des boutiques,
Etaient aveugles, sourds, boiteux, paralytiques,
Et que l'homme appelé le Christ avait guéris.
C'était la même foule aux tumultueux cris
Qui, naguère, agitant au vent des branches vertes,:
Et les âmes au ciel toutes grandes ouvertes,
Battant des mains, chaulant des cantiques, courait
Dans les chemins devant Jésus de Nazareth.
Plusieurs l'avaient béni comme un dieu qu'on écoute
Et, pour avoir jeté leurs manteaux sur sa route,
Ils avaient de la terre encore à leurs habits.
Deux liastati de Rome, aux casques bien fourbis,
Se promenaient devant la porte du prétoire ;
Et des marchandes d'eau vendaient au peuple à boire..
Et les petits enfants jouaient aux osselets.
Tout à coup apparut sur le seuil du palais
Christ couronné d'épine et vêtu d'écarlate;
D avait un roseau dans la main ; et Pilate,
Le leur montrant, leur dit : - Voilà rhomme.,
Le Christ
Se taisait, FceII au ciel.
Et Pilate reprit :
- C'est aujourd'hui qu'on laisse un misérable vivre.)
Peuple, lequel des deux veux-tu que je délivre :
Barrabas, ou Jésus nommé Christ?
«— Barrabas t
Cria le peuple.
Alors, au-dessous de leur pas,
Ils crurent tous entendre on ne sait quel tonnerre
Rouler. C'était quelqu'un qui riait sous la terrer
Ainsi jugeaient les juifs sous l'œil froid des romains.
Ponce Pilate songe et se lave les mains.
I* r«l '«à '•! '•! V. f; * »' • •
= * * *' ;*' 4;
Barrabas stupéfait est libre;
Sous les plis
D'un brouillard monstrueux dont les cieux sont remplis,
La ville est un chaos de maisons et de rues.
Des geôliers tout à l'heure, en paroles bourrues
Racontant l'aventure entre eux confusément,
Ont ouvert son cachot, rompu son ferrement,
Puis ont dit : — Va! le peuple a fait grâce ! — De sorte
Qu'il ne sait rien, sinon qu'on a poussé la porte,
Que le ciel est tout noir, que nul ne le poursuit,
Et qu'il peut s'envoler dans l'ombre, oiseau de nuit.
Ce choix qui fait mourir Jésus et le fait vivre,
Tout ce récit, lui semble un via dont il est ivre ;
Il erre dans la ville, il y glisse, il en sort,
Comme parfois on voit marcher quelqu'un qui dort;
Quelle route prend-il? La première venue.
Il avance, il hésite et cherche, et continue
Et ne sait pas, devant l'obscure immensité ;
Il a derrière lui les murs de la cité,
Mais il ne les voit pas ; son front troublé s'incliné:
Il ne s'aperçoit point qu'il monte une colline;
Monter, descendre, aller, venir, hier, aujourd'hui,
Qu'importe ! Il rôde, ayant comme un nuage en lai î
Il erre, il passe avec de la brume éternelle
Et du songe et du gouffre au fond de sa prunelle.
Il se dit par moment : C'est moi qui marche ; oui.
Tout est si ténébreux qu'il est comme ébloui.
Le chemin qu'au hasard il suit, rampe et s'enfonce
Aux flancs d'un mont où croît à peine quelque ronce.
Et Barrabas pensif, gravissant le rocher,
Sans voir où vont ses pas laisse ses pieds marcher;
La vague horreur du lieu plaît à cette âme louve.
Après avoir monté quelque temps, il se trouve
Sur un espace sombre et qui semble un sommet ;
Il s'arrête, puis tend les mains, et se remet
A rôder à travers la profondeur farouche.
Tout en marchant, il heurte un obstacle ; il le touche ;
— Quel est cet arbre? Où donc suis-jef dit Barrabas. -
Le Ion-, de l'arbre obscur il lève ses deux bras
Si longtemps enchaînés qu'il les dresse avec peine.
- Cet arbre est un poteau, dit-il. Il y promène
Ses doigts par laiorture atroce estropiés;
Et tout à coup, hagard, pâle, il tâte des pieds.
Comme un hibou surpris rentre sous la feuillée,
Il retire sa main ; elle est toute mouillée.
Ces pieds sont froids, un clou les traverse ; et de sang
Et do fange et de fiel tuut le bois est glissant.
Barrabas éperdu recule; son œil s'ouvre,
Epouvanté, dans l'ombre épaisse qui le couvre,
Et, par degrés, un blême et noir linéament
S'ébauche à son regard sous le niÍr firmament ;
C'est une croix.
En bas on voit un vase où plonge
Une touffe d'hysope entourant une éponge ;
Et, sur l'affreux poteau, nu, sanglant, les yeux morts,
Le front penché, les bras portant le poids du corps,
Ceint de cordes de chanvre autour des reins nouées,
Le flanc percé, les pieds cloués, les mains clouées,
Meurtri, ployé, pendant, rompu, défiguré,
Un cadavre apparaît, blanc, et comme éclairé
De la lividité sépulcrale du rêve ;
Et cette croix au fond du silence s'élève.
Barrabas, comme un homme en sursaut réveillé,
Tressaillit. C'était bien un gibet, vil, souillé,
Effroyable, fixé par des coins dans le sable.
Il regarda. L'horreur était inexprimable;
Inquiet, hérissé, comme agité du vent,
Et prêt à fuir après chaque pas en avant.
Jésus mort répandait un rayonnement blême;
La mort, comme n'osant s'achever elle-même;
Laissait flotter, au trou morne et sanglant des yeux,
Le reste d'un regard tendre et mystérieux.
-. Son front penché semblait s'éclairer à mesure
Que cet homme approchait d'une marche mal sûre;
Quand Barra bas fut près, la prunelle brilla ;
Si quelque ange, venu des cieux, eût été là,
Il eût cru voir ramper, dans l'horreur d'une tombe,
Un serpent fasciné par l'œil d'une colombe.
Et le bandit, courbé sous l'épaississement
De la brume croissant de moment en moment,
Contemplait; et la terre avait l'air orpheline;
L'ombre songeait.
Alors, sur cette âpre colline'l
Et sous les vastes cieux désolés et ternis,
Comme si le frisson des pensers infinis
Tombait de cette croix ouvrant ses bras funèbresj
On ne sait quel esprit entra dans les ténèbres
De cet homme, et le fit devenir effrayant.
Un feu profond jaillit de son œil foudroyant.
L'âme immense d'Adam, couché sous le Calvaire^'
Sembla soudain monter dans ce voleur sévère.
Il éleva la voix tout à coup, du côté
Où les monts s'enfonç lient dans plus d'obseurité,
Cachant Jérusalem sous le brouillard perdue.
Et pendant qu'il parlait, jetant dans l'étendue
L'anathème, les cris, les courroux, les affronts,
Quelque chose qu'on vit plus tard sur d'autres fronts,
Une langue de flamme, au-dessus de sa tète
Brillait et volait, comme en un vent de tempête ;
Et Barrabas debout, transfiguré, tremblant,
Terrible, cria :
« — Peuple, affreux peuple sanglant,
Qu'as-tu fait? 0 Caïn, Daithan, Nemrod, vous autres,
Quel est ce crime-ci qui passe tous les nôtres ?
Voilà donc ce qu'on fait des justes ici-bas!
Populace 1 à ses pieds jadis tu te courbas,
Tu courais l'adorer sur les places publiques,
Tu voyais sur son dos deux ailes angéliques,
Il était ton pasteur, ton guide, ton soutien.
Dès qu'un homme parait pour te faire du bien,
Peuple, et pour Rapporter quelque divin message;
Pour te faire meilleur, plus fort, plus doux, plus sagef-
Pour t'ouvrir le ciel sombre, espérance des morts,
Tu le suis d'abord, puis, tout à coup, tu le mords,
Tu le railles, le hais, l'insultes, le dénigres!
0 troupeau de moutons d'où sort un tas de tigres I
Quel prix pour tant de saints et sublimes combats J
Celui-ci, c'est Jésus ; ceci, c'est Barrabas I
« L'archange est mort, et moi, l'assassin, je suis libre I
Ils ont mis l'astre avec la fange en équilibre,
Et du côté hideux leur balance a penché.
Quoi! d'une part le ciel, de l'autre le péché ;
Ici, l'amour, la paix, le pardon, la prière,
La foudre évanouie et dissoute en lumière,
Les malades guéris, les morts ressuscités,
Un être tout couvert de vie et de clartés ;
Là, le tueur, sous qui l'épouvante se creuse,
Tous les vices, le vol, l'ombre, une âme lépreugei!
Un brigand, d'attentats sans nombre hérissé L.:
« Oh 4 si c'était à moi qu'on se fût adressé,
Si, quand j'avais le cou scellé dans la muraille ?
Pilate était venu me trouver sur ma paille, --
S'il m'avait dit : « Voyons, on te laisse le choix,
« C'est une fête, il faut mettre quelqu'un en croix,
« Ou Christ de Galilée, ou toi la bête fauve ;
« Réponds, bandit, lequel des deux veux-tu qu'on saüve ?)i
J'aurais tendu mes poings et j'aurais dit : Clouez 1
« Cieux ! les rois sont bénis, les prêtres sont louésJ,
Le vêtement de gloire est sur l'âme de cendre ;
Un crime était béant, l'homme vient d'y descendre;
Un forfait restait vierge, il vient de l'épouser;
Oh ! Caïn maintenant tue avec un baiser ;
C'est fini, le dragon règne, le mal se fonde ;
On ne chantera plus dans la forêt profonde,
Les hommes n'auront plus d'aurore dans leur cœur,1
L'amour est mort, le deuil lamentable est vainqueurr
La dernière lueur s'éteint dans la nature ;
Eux-même ont de leur main fait cette fermeture
De la pierre effroyable et sourde du tombeau 1
Puisque le vrai, le pur, le saint, le bon, le beau,
Est là sur ce poteau, tout est dit, rien n'existe,
L'homme est dorénavant abominable et triste,
Cette croix va couvrir d'échafauds les sommets ;
Ce monde est de la proie ; il aura désormais
L'obscurité pour loi, pour juge l'ignorance ;
Vaincre sera pour lui la seule différence ;
La mise en liberté des monstres lui convient;
Cette bête, la Nuit scélérate, le tient. j
« Le mal ne serait pas s'il n'avait pas une âme;
Cette chaîne d'horreur qui, dans ce monde infâme"
Commencée à César, finit à Barrabas,
Dépasse l'homme et va dans l'ombre encar plus bas ;
Et, comme le serpent s'enfle sous la broussaille,
Je sens un être affreux qui sous terre tressaille.,
« Sois content, toi, là-bas, sous nos pieds ! J'aperçois
Au fond de cette brume et devant cette croix
Ton grincement de dents, ce rire des ténèbres.
Et toi, vil monde, ô race humaine, qui célèbres
Les rites de l'enfer sur des autels d'effroi,
Tremble en tes profondeurs; j'entends autour de toi
La réclamation des gueules de l'abîme.
u Je demande à genoux pardon à ta victime,
Genre humain ! ta noirceur en est là maintenant
Que le gibet saisit l'apôtre rayonnant,
Que sous le poids de l'ombre abjecte l'aube expigé^
Et que lui, le meilleur, périt sous moi, le pire !
Oh ! je baise sa croix et ses pieds refroidis,
Et, monstrueusement sauvé par toi, je dis :
Malheur sur toi !
« Malheur, monde impur, lâche et Êâtfel
Monde où je n'ai de bon que mon ingratitude,
Sois maudit par celui que tu viens d'épargner!!;;
Puisse à jamais ce Christ sur ta tête saigner!
Qu'un déluge d'opprobre et de deuil t'engloutisse,
Homme, plus prompt à choir du haut de la justice
Que l'éclair à tomber du haut du firmament 1
Sois maudit dans ces clous, dans ce gibet fumant, ,
Dans ce fiel! sois maudit dans ma chaîne brisée!
«lSois damné, monde à qui le sang sert de rosée,
Pour m'avoir délivré, pour l'avoir rejeté,
Monde affreux qui fais grâce avec férocité,
Toi dont l'aveuglement crucifie et lapide,
Toi qui n'hésites pas sur l'abîme, et, stupide,
N'as pas même senti frissonner un cheveu
Dans ce choix formidable entre Satan et Dieu! »
VICTOR HUGOJ
J ♦ ■ ■■■ ■
L'ANNIVERSAIRE
Le premier anniversaire de la mort de
Victor Hugo a été grandement célébré. - -.1
Il l'a été doublement : au Panthéon et;
au Théâtre-Français.
Au Ibéâtre>Franfaii
A sept heures du matin, la foule se
pressait des deux côtés du théâtre. Quand
les portes ont été ouvertes, ç'a été une
irruption, et la salle a été bientôt plus que
pleine.
La toile s'est levée à l'heure dite, et le
doyen de la Comédie, M. Got, a prononcé,
de sa façon magistrale, ces beaux vers de
M. François Coppée:
RESURRECTION
Quand dans te deuil du monde et de la France entière
Le corbillard du pauvre allait au Panthéon,
A travers le drap noir et le bois de la bière
La foule croyait voir transparaître un rayon.
Vainement on voulait chasser cette démence
Songeant que le Poète, à la tombe porté,
AtaîI à l'univers IGguÓ eon ceuvro immenea
Et qu'il y survivrait pour" l'immortalité!
Non, sous le sombre drap, l'âme d'angoisse atteinte, -
Toujours on croyait voir, comme un espoir secret,
Une flamme d'amour qui n'était pas éteinte,
Un foyer d'idéal qui se rallumerait!
Tu ne te trompais pas, ô Peuple 1 Le Génie
Faisait dans ce cercueil resplendir sa clarté 1
Le Maître n'est pas mort, l'œuvre n'est pas fini..
Miracle ! Il ressuscite 1 Il est ressuscité !
Il veillait seulement sous la voûte glacée,
Ainsi que Barberousse au fond du souterrain.
Pour nous livrer encor sa sublime pensée
Son caveau va s'ouvrir avec un bruit d'airain.
Le Poète endormi sous les apothéoses
Longtemps nous donnera des poèmes nouveaux.
De son tombeau sacré sort un parfum de roses ;
De son cercueil béni s'envolent des oiseaux.
Peuple qu'il aima tant, viens, puisqu'il te convi
Admirer le grand mort à son premier réveil
Et voir, de son sépulcre encor si plein de vie,
L'OEuvre surgir ainsi qu'un lever de soleil !
La toile, baissée, s'est relevée quelques
instants après, et nous avons assisté à une
chos-e inoubliable.
Un poème inédit, égal sinon supérieur
aux plus grands du plus grand des poètes,
a été récité — nous pourrions dire joué
— par les artistes du premier des
théâtres.
Disons tout de suite que ç'a été une
ovation ininterrompue, une explosion
immense d'applaudissements et de rap-
pels.
Et rendons-en hommage, d'abord au
poème, qui est d'une beauté incompara-
ble, ensuite aux artistes, qui n'ont jamais
fait preuve de plus de talent, enfin à cet
admirable public des matinées gratuites,
si cordialement sympathique, si ouvert au
beau et au grand, et dont l'instinct don-
nerait des leçons au goût le plus éclairée
Les nécessités des travaux du théâtre
n'avaient pas permis de donner aux artistes
le nombre de répétitions dont d'autres
auraient eu besoin. Ainsi, il n'y avait pas
eu une seule répétition sur la scène. Les
excellents comédiens de la maison de
Molière, de Corneille et de Victor Hugo
n'en ont pas moins été ce qu'ils sont tou-
jours
M. Mounet-Sully a dit la chute de Satan;
sa plainte, son rêve et son appel désespéré
de la manière la plus saisissante et la
plus touchante. M. Sylvain, dans la Poutre
et dans le Baiser de Judas, a fait remar-
quer, comme toujours, la netteté de sa
diction. Il n'a pas suffi au public de re-
voir une fois M. Worms après Y Entrée à
Jérusalem et M. Coquelin après Barrabas i
ils ont dû, après avoir reparu, reparaître
encore. M. Maubant a dit avec autorité la
Bastille.
Avec quelle tendresse et quelle passion
Mlle Reichemberg et M. Albert Lambert
ont échangé les strophes brûlantes du
Cant que de Betkphagé ! Avec quel charme
et quelle vie Mlle Barrett i a lancé la chan-
son ailée des oiseaux 1 Mlle Bartet et Mlle
Dudlay, qui avaient eu déjà chacune, et à
plusieurs reprises, leur succès personnel,
en ont eu un en commun dans le chant
intitulé : Lilith -Isis. La salle ne se lassait
pas de les rappeler.
Quand tous les artistes ont eu reparu,
il y a eu un grand cri de : Vive Victor
Hugo !
L'administrateur de la Comédie-Fran-
çaise avait eu l'intelligente idée de faire
assister à la récitation du poème le poète.
Au fond de la scène surgissait son buste,
l'admirable buste de Falguière, si bien
fait pour ces apothéoses; il est théâtral et
vivant; c'est le poète et c'est l'homme; et
si ressemblant que par moment il me
semblait que c'était Victor Hugo lui-
même qui disait ces grands vers, et je;
me revoyais à Jersey, à Marine-Tcrrace,;
le soir où, venant d'écrire la première
partie de l'immortel poème, il me lisait
la Chute et Nemrod. Et, pendant qu'ils
lisait, les heures passaient, et je n'en;
vais jamais assez, et je disais : En'
core 1 Et la mer montait au mur de la
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