Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-05-20
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 mai 1886 20 mai 1886
Description : 1886/05/20 (N5914). 1886/05/20 (N5914).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7539213j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
lqe5gl4 - Jeudi 20 Mai 1888 le numéro s lOc. — Départeinents s 15; Ce Jeï Prairial an 9 1 è iqd 5914
jœinNisTRAînoN ; ," -
18, AVE DE VALOIS, J3
— '-r
ABONNEMENTS
• PARIS
Trois mois 10 »
Six mois. 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois13 50
Six mois 27 »
Adresser lettres et mandais
A M. ERNEST LEFÈVRg
ADMINISTRAIEUR GÉRANT »
REDACTION" • 7
5'adresserai Secrétaire de la Réfaction.
.De 4 à 6 heures du soir
13, RUE DE -VALOIS, 18
tes manuscrits non insères ne seront pas rendus
ANNONCES
5lMf. Ch. LAGRANGE, CERF et C.
., 6, place de la Bourse, 6
LE PROCÈS DUMEAlîmilîN
Xes journaux réactionnaires n'en
reviennent pas. Cette nouvelle infamie
de la République dépasse toutes les.
autres. M. Fischer est poursuivi !
Une agence officieuse a publié les
lignes suivantes :
« L'information ouverte contre M.
Fischer et les personnes qui ont pris
part aux actes de violences et de dé-
sordres commis le 8 avril à Château-
villain est terminée. Par ordonnance
du juge d'instruction de Bourgoin en
date du 15 mai, le tribunal correction-
nel va être saisi de l'affaire. M. Fis-
cher est poursuivi pour rébellion ei
pour violence envers les agents de
J'autorité. Six prévenus auront aussi
à répondre du délit de rébellion.
Cinq autres seront cités pour ou-
trages envers les agents de l'auto-
rité. L'abbé Guillaud, l'abbé Revol,
desservant et vicaire de Chàteauvillain,
et quatre religieuses attachées à l'usine,
seront déférés au tribunal pour compli-
cité de ces délits. »
M. Fischer poursuivi! et pas seul!
Deux abbés poursuivis! Quatre reli-
gieuses poursuivies ! Où s'arrêtera cette
odieuse République si elle ne s'arrête
pas devant les religieuses et les abbés ?
M. Fischer poursuivi! Pourquoi?
Parce qu'il a reçu la loi à coups de re-
volver ? Est-ce que la loi est pour les
cléricaux î
Eh oui, sans doute, c'était la loi
qui venait fermer la chapelle de l'u-
sine Giraud. Un avocat qui n'est pas
suspect d'impiété, Mo Robert de Cléry,
a été le premier à le déclarer : —
« L'autorité était absolument dans son
droit en fermant la chapelle. D'après la
loi, une chapelle même privée, dans un
château, peut être fermée par l'autorité
compétente. Au point de vue du droit,
il n'y a rien à dire ». Eh oui, l'arti-
ele 14 des lois organiques stipule
expressément que « les chapelles
domestiques, les oratoires particuliers
ne pourront être établis sans une per-
mission expresse du gouvernement ».
Et la chapelle de l'usine Giraud était
bien autre qu'une chapelle domestique
et qu'un oratoire particulier, c'était une
chapelle publique. Et non seulement
elle n'avait pas obtenu la permission
du gouvernement, mais elle n'avait
même pas voulu la demander.
C'est dans ces conditions que, l'au-
torité étant venue faire exécuter la loi,
M, Fischer lui a fait l'accueil qu'un
journal dont on ne récusera pas le té-
moignage, le Figaro, a raconté en ces
termes : — « Pendant que le serrurier
travaille, il sent au travers de la ser-
rure une tige de fer que M. Fischer
agite dans le but de lui égratigner la
figure. Enfin, la porte va céder; elle
cède ; le maréchal des logis l'ouvre en
tirant à lui ; deux gendarmes se préci-
pitent, M. Fischer tire sur eux trois'
coups de revolver. » Eh bien, quoi?
M. Fischer a « donné un grand exem-
ple » que M. Dugué ge la Faucon-
nerie, enthousiasme, s'engage à suivre,
et même à agrandir.
« Je déclare au citoyen Goblet, à M.
le préfet de l'Orne, à M. le sous-préfet
de Mortagne, et à tous leurs policiers »,
écrit l'honorable député qui, après être
devenu de bonapartiste républicain,
est redevenu de républicain bonapar-
tiste, « que, le jour où l'envie leur
prendrait d'envahir mon domicile, com-
me ils ont envahi le domicile de Fischer,
c'est-à-dire sans mandat de justice, ils
auraient affaire à moi, et que, s'ils
rentraient dans leurs familles sans
avoir rien de cassé, c'est que toutes les
armes à feu que je puis avoir chez moi
auraient successivement raté. » On se.
plaît à rêver cette bataille d'un seul
homme avec toute la gendarmer e et
cette résistance terrible d'un héros dont
toutes les armes à feu ratent successi-
vement.
Poursuivre M. Fischer, c'est déjà
bien abominable; mais poursuivre qua-
tre religieuses et deux abbés! Sous
prétexte que - c'est le Temlls qui en
témoigne — « l'abbé Guillaud, - l'abbé
Revol et les quatre religieuses ont été
les excitateurs de la résistance »; sous
prétexte — ici le témoin est le Figaro
— que ceux qui avaient « groupé les
ouvrières derrière une porte que leur
chef défendait à coups de revolver
étaient le prêtre de la paroisse, son
vicaire et des religieuses ». Mais c'est
de quoi on devrait les glorifier!
Et on les en punirait!
Que les juges qui vont juger M. Fis-
cher et ses coaccusés prennent garde !
« Je ne sais pas », s'écrie M. Dugué de
la Fauconnerie, s'il se trouvera des ju-
ges pour condamner, mais ce que je
sais bien, c'est que, « s'il s'en trouve, ce
seront des scélérats dont il f-iudra con-
server les noms pour le jour, plus pro-
chain qu'on ne pensé, où nous serons
revenus au pouvoir. » Et l'effrayant
député de l'Orne saute d'avance sur les
armes à feu dont il prévoit le ratage.
On a vingt-quatre heures pour mau-
dire ses juges; mais jusqu'ici ces
vingt-quatre heures étaient après le ju-
gement. La presse cléricale n'attend pas
le jugement pour éclater en malédic-
tions. Elle montre par là qu'elle a peu
d'illusions sur l'issue du procès. Ce
n'est peut-être pas le meilleur moyen
de faire croire à l'innocence de ses
clients.
AUGUSTE VACQUERIE.
Q-
Les ministres se sont réunis hier matin,
à l'Elysée, sous la présidence de M. Jules
Grévy.
Ils se sont occupés de l'examen des pro-
jets militaires qui leur ont été soumis par
le général Boulanger. Ces projets forme-
ront quatre titres d'une seule et même loi :
recrutement, armée coloniale, avance-
ment, sous-officiers.
Ils sont basés sur le principe du service
de trois ans, combiné avec le système de
la libération anticipée.
Le ministre de la guerre a eu, dans l'a-
près-midi, une entrevue avec M. Goblet,
afin de lui soumettre les articles qui con-
cernent les carrières libérales, les sémina-
ristes et les instituteurs.
Ces projets seront déposés, dès la ren-
trée, sur le bureau de la Chambre.
M. Sarrien a rendu compte de la situa-
tion à Decazeville. 22 ouvriers sont de
nouveau rentrés dans les mines, 315 ton-
nes de charbon ont été extraites samedi
dernier.
- Il s'est produit, à Lyon, un désaccord
entre les patrons et les ouvriers verriers,
parce que ceux-ci veulent faire figurer
dans leur délégation deux ouvriers appar-
tenant à une usine qui n'est pas en grève.
Le général Boulanger a soumis à la si-
gnature du président de la République un
décret concernant l'aérostatioa niintatre,
et M. Demôle un décret portant nomina-
tion de juges de paix.
1 1 ■ o
COULISSES DES CHAMBRES
Le ministre de la guerre a soumis hier
au conseil des ministres le projet de loi
de réorganisation militaire qu'il vient
d'élaborer et qu'il compte déposer sur le
bureau de la Chambre le jour de la ren-
trée. Nous sommes en mesure de donner
dès aujourd'hui des détails étendus sur
cet important projet.
Le général Boulanger, ainsi qu'on le
sait, a retiré par décret les projets sur le
recrutement et sur l'armée coloniale que
la précédente Chambre avait votés à la
veine de l'expiration de son mandat et
qui é aient, depuis cette époque, soumis
au Sénat.
Au lieu de présenter des projets séparés,
n'ayant aucun lien entre eux, le ministre
de la guerre s'est déterminé à l'aire un
vaste travail d'ensemble, une sorte de
projet de loi organique militaire dont
toutes les parties fu>sent inspirées par un
même esprit et coordonnées.
C'est ainsi qu'il a été amené à faire le
grand projet qu'il a communiqué hier à
ses collègues. Ce projet renferme 217 ar-
ticles divisés en quatre titres. Il porte sur
tous les points de notre organisation mili-
taire qu'on a jugé utile de modifier : re-
crutement, avancement, état des sous-
officiers, organisation de l'armée colo-
niale.
Voici quelques renseignements sur cha-
cune de ces parties.
En ce qui concerne le recrutement, le
ministre a pris pour base les principes
votés par la précéaente Chambre, à sa-
voir : service personnel et égal pour tous,
réduction de la durée du service à trois
années, abolition du volontariat d'un an,
de la seconde partie du contingent, de la
disponibilité et des dispenses de droit.
Dans ce système, le ministre avait une
double obligation à satisfaire : concilier
l'incorporation totale du contingent avec
les nécessités du Trésor, concilier l'intérêt
de la défense nationale avec celui des
hautes études, de la haute culture intel-
lectuelle.
Voici comment il a respecté cette dou-
ble condition :
En ce qui concerne les hautes études,
le ministre a décidé d'abord d'élever à
10 010 la proportion des sursis d'appel.
Fept pour cent de ces sursis seront re-
nouvelables pendant quatre années con-
sécutives, pour cause d'achèvement d'é-
tudes. Pour les étudiants en médecine
ces sursis d'appels pourront même être
renouvelés au delà de quatre années,
jusqu'à l'achèvement total des études.
Après deuxannées de service, les jeunes
geus qui auront obtenu un dip'ôme d'ins-
truction militaire préparatoire seront
renvoyés dans leurs foyers en congé illi-
mité. Dans cette catégorie pourront
prendre place les instituteurs, les sémi-
naristes et en général tous les jeunes
gens qui se vouent aux carrières libé-
rales.
Par exception, les étudiants en méde-
cine, lorsqu'ils auront obtenu leur di-
plôme de docteur ne seiviront qu'une
année et seront employés en qualité de
médecins militaires.
L'organisation de l'instruction militaire
préparatoire à laquelle sera attaché le
diplôme dont nous venons de parler plus
înut, est laissée à un règlement d'admi-
nistration publique. Cette instruction sera
destinée aux jeunes gens de dix-sept à
vingt ans et ne devra rien coûter à l'Etat.
Les exemptés à titre de soutiens de fa-
mille et les jeunes gens pourvus d'un sur-
sis d'appel seront astreints à des exercices
militaires une fois par mois, le dimanche,
sous la direction d'instructeurs militaires
fournis par les régiments. -
, Enfin, les exemptés seront soumis à une-
taxe militaire dont le minimuïïi Sera ue
6 centimes par jour; Soit 2i ir. 60 par an.
Cette tsn Se sera prélevée que pendant
ÎSs trois années correspondant à la durée
du service imposée aux autres citoyens.
Elle sera perçue par les communes, qui
bénéficieront du sixième du produit de
cette taxe.
Voici maintenant Comment le ministre
arrive, par son système, à ne pas accroî-
tre les charges du budget.
Le contingent annuel devant être incor-
poré en totalité, l'effectif des 4rois classes
appelées sous les drapeaux, lorsque la loi
sera dans le plein de son fonctionnement,
serait de 545,000 hommes, dépassant ainsi
de beaucoup l'effectif budgétaire actuel,
qui ne prévoit que 472,000 hommes. Pour
compenser la différence, le général Bou-
langer se donne, par le projet de loi, la
faculté de retarder chaque année jus-
qu'au 30 novembre l'appel de la classe
qui m ùâi hd>it«Hwont an oainroonce-
ment du même mois, et ensuite de ren-
voyer la classe libérable immédiatement
après les manœuvres d'automne.
D'autre part, le ministre se donne la
faculté d'envoyer la classe qui a fait déjà
deux années de service effectif en congé
pour six mois; ce congé devant être pris
pendant le premier semestre de la troi-
sième année, de manière à ce que les
hommes rappelés pour le second semestre
de leur dernière année puissent accom
plir la période d'entraînement de trois
années.
Celte série de renvois anticipés, d'ap-
pels retardéb et de congés de fin de ser-
vice permet, par la réduction de dépenses
qu'elle entraîne, de compenser le surcroît
de charges qui résulte pour le Trésor de
l'incorporation totale du contingent.
Ajoutons que le ministre institue le re-
crutement régional que M. Thiers avait
combattu si vivement à l'Assemblée de
Versailles par des raisons politiques, et
auquel il avait fait subrtituer dans la loi
de 1872 le recrutement pratiqué sur l'é-
taudue totale du territoire.
D'après le projet du général Bonlanger,
chaque corps d'armée se recrutera sur
son territoire; mais dans chaque corps les
hommes seront dirigés sur des régiments
stationés en dehors de la subdivision de
région à laquelle ils appartiennent.
Dans les autres parties du projet, il y a
de nombreuses et intéressantes innova-
tions à signaler.
La cavalerie est augmentée d'une ma-
nière sensible. Les bataillons de chasseurs
à pied sont transformés en régiments
portés au nombre de quarante; l'artillerie
de forteresse est séparée de l'artillerie
de campagne et fusionnée avec le génie.
Un corps spécial d'ingénieurs militaires
se recrutrnt à l'Ecole polytechnique est
créé, à l'exemple de plusieurs armées
étrangères. Ces ingénieurs seront char-
gés de l'exécution de tous les travaux
d'art.
Le général Boulanger supprime le grade
de sous-lieutenant — qui ne sera plus
qu'un grade de stage - et crée dins toute
l'armée des lieutenants en premier et en
second, comme cela existe déjà dans le
génie. Il supprime également le poste de
capitaine en second.
Nul ne peut être nommé officier s'il n'a
accompli une année de service dans un
corps de troupe. Cette condition est ob i-
gatoire avant l'entrée aux écoles spéciales
militaires.
Pour les sous-officiers, le projet attribue
une prime de rengagement de 1,500 fr.,
payable immédiatement, avec des gratifi-
cations annuelles croissantes, suivant la
durée de rengagement. La solde sera
payée par mois, par analogie avec les
officiers. Enfin, un emploi civil est assuré
à tout sous-officier, après quinze ans de
service.
L'armée coloniale se recrutera 1° par
rengagements avec primes ; 20 par admis-
sion, avec primes, de jeunes gens du con-
tingent continental qui, avant le tirage
au sort, demanderont à servir dans l'ar-
mée eolonialel 3° des contingents fournis.
par les colonies et qui seran-t---im
pour une annéer ---
poiei de loi crée pour l'Algérie et la
Tunisie un 20' corps d'armée qui consti-
tuera plus spécialement l'armée d'A-
frique.
—o—
M. Edouard Lockroy, ministre du com-
merce et de l'industrie, élabore en ce
moment un projet de loi instituant l'ar-
bitrage dans le but de prévenir autant
que possible les conflits entre patrons
et ouvriers. M. Lockroy s'est inspiré pour
la confection de ce projet des diverses
législations étrangères, et particulière-
ment de la législation anglaise, qu'il est
allé étudier sur place il y a quelques
jours, et au sujet de laquelle il s'est en-
tretenu avec plusieurs hommes d'Etat
anglais compétents dans la matière.
Le projet de loi en question, à l'exem-
ple des lois étrangères, n'institue aucune
sanction ; il trace une procédure simple
et a surtout pour objet d'introduire et
d'acclimater chez nous la pratique de
l'arbitrage, si efficace en Angleterre.
Ce projet de loi, qui comporte environ
six articles, sera déposé à la rentrée sur
le bureau de la Chambre.
rnmmm (■■■i—i ■ i—■ „mm »'—
On télégraphie de Zlnzibar, 18 mai, que
la France a pris possession de toutes les
îles Comores. Le traité à ce sujet a été
signé à Johanna le 21 avril.
; «
LE DROIT DE L'ENFANT
Une chose évidente, c'est celle-ci : les
enfants ne sont pas protégés contre leurs
parents. *
Sans doute, on a fait du chemin depuis
le temps où le chef de - famille avait sur
ses descendants droit de vie et de mort ;
mais on retrouve encore la trace de ces
coutumes « patriarcales » dans Ja législa-
tion qui nous régit.
Pas plus tard qu'avant-hier on lisait
dans la chronique judiciaire du Rappel le
récit du martyre subi par un pauvre
bébé. Quel spectacle, le petit cadavre : les
deux avant-bras cassés, la mâchoire infé-
rieure brisée, le crâne fendu à ce point
que les os, dit l'expert, « chevauchaieut
l'un sur l'autre », la face et les membres
couverts d'ecchymoses, tout le corps, une
plaie, littéralement. Et maigre avec cela,
exténué de souffrances et de faim. Deux
ans et demi ! Ah ! ce pauvre être sans
défense, dont les faibles cris ne peuvent
pas trouer la cloison ; et, vous savez, on
fermait les rideaux de la fenêtre avec des
épingles pour que les voisins ne vissent
rien. Ça fait frissonner, n'est-ce pas ? Une
larme monte à la paupière et un cri à la
gorge. — Le père a été condamné à
trois mois de prison.
Il n'y a pas à revenir sur une chose
jugée. Nous ne dirons donc rien de cette
étonnante défense des parents qui attri-
buent à une chute les épouvantables bles-
sures de la petite victime, et affirment
« ne s'être jamais aperçus qu'elle avait les
deux bras cassés ». Qu'il nous soit permis,
seulement, de nous extasier sur les bizar-
reries de la procédure.
On avait d'abord songé à poursuivre les
parents pour homicide volontaire; on avait
ensuite abandonné ce chef d'accusation
pour celui d'homicide par imprudence;
et, finalement, pendant qu'on acquittait
la mère, on a condamné le père pour
« coups et violences volontaires ». Com-
prenne qui pourra.
Ces hésitations serviraient seules à dé-
montrer l'insuffisance des lois en vigueur.
Les juges semblent embarrassés eux-mê-
mes; ils tâtonnent Lâ-chose est pourtant
_4ien simple. J'admets que le père n'ait
pas eu l'intention de donner la mort au
petit être qu'il rouait de coups et auquel
il refusait les aliments nécessaires, il n'en
a pas moins agi contrairement à son de-
voir de père. On a toujours à la bouche
les droits du chef de famille; le moment
est venu de parler un peu de ses devoirs;
car le père ne peut être admis à réclamer
les uns qu'après avoir justifié du strict
accomplissement des autres.
Il est difficile de parler des parents qui
tuent leurs enfants sans penser à ceux qui
contraignent les leurs à la mendicité, au
vol, à pis encore. Contre ces derniers, la
société est tout à fait impuissante. Un père
accusé d'avoir fait mourir son enfant à
force de mauvais traitements passe en
correctionnelle, au lieu de comparaître
en cour d'assises; un père convaincu
d'avoir fait de son fils un filou n'est pas-
sible d'aucune peine.
Combien nous sommes arriérés encore !<
En Angleterre, tout citoyen qui rencontre
un enfant vaguant sur la voie publique,'
en élat d' « abandon moral », doit le
prendre par la main et le conduire au
premier magistrat venu, lequel assure
immédiatement le sort du délaissé, sans
que, par la suite, aucune réclamation des
parents puisse être recevable. Proposez
cela en France, et vous entendrez les
criailleries : « Que deviendrait l'autorité
paternelle ? que devie drait le respect du
père de famille?. » Il faut certes que le
père soit respecté, mais il faut qu'il com-
mence par être respectable.
On le sait, c'est Victor Hugo qui, le
premier, a, du haut de la tribune fran-
çaise, revendiqué hautement « le droit de
l'enfant ». Ce fut au grand ahurissement
de la majorité réactionnaire d'alors, à sa
grande indignation aussi. Il y eut scan-
dale. Depuis l'idée s'est emparée peu à
peu des esprits; il lui reste à conquérir
droit de cité dans le Code. Nous récla-
merons avec persévérance les lois de pro J'
tection des enfants contre leurs parents..
Vraies lois de défense sociale. L'enfant,
c'est la richesse nationale, et nous som-
mes tous intéressés à ce qu'aucune par- - -
celle de cette richesse ne soit perdue.
L'enfant, c'est l'avenir, et il né faut pas
que cet avenir soit compromis. Le droit
de l'enfant, c'est le premier des droits de
l'homme.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
LA GRANDE GUERRE
Le nom de Clausewitz est connu de
toutes les personnes tant soit peu au fait
des choses militaires. Sa Théorie de la--
grande guerre, bien que la mort l'ait sur-
pris avant qu'il ait pu la revoir et lui
donner le dernier tour, est un ouvrage
classique dans ces sortes d'études, au
même titre que ceux de Jomini ou de
Périzonius. Malheureusement, elle pré-
sentait pour le gros du public français un
double défaut, celui d'être écrite en alle-
mand et d'être formulée dans un langage
assez pénible et d'une compréhension as-
sez difficile pour les non-initiés. Déjà en
1849, un officier de l'armée belge, le major
Neuens, avait essayé d'en donner une tra-
duction dans notre langue. M. le lieute-
nant-colonel deVatrey, que son expérience
de militaire et sa parfaite connaissance de
l'allemand mettaient mieux qu'un autre à
même de mener à bien une pareille entre-
Feuilleton du RAPPEL
PU 20 MAI
r. ,- :
m
LA MAITRESSE
DU GÉNÉRAL
CHAPITRE XIV,
—-Suite—r
Mme Berthelin sourit au visiteur, et dou-
cement, marchant àcôté delui pour justifier
devant les personnes qu'on pourrait ren-
contrer l'itinéraire nouveau, elle l'aida à
passer devant le grand vitrage qui éclai-
rait la classe et montrait Angèle dans la
reprise de ses exercices professionnels.
Le jour baissait et mettait une sorte de
'Vélum sombre sur les petites têtes ran-
gées au-dessus des pupitres; mais, par un
effet bizarre, comme Rembrandt en a
Reproduction interdite.
Voir le Bawoel du 27 mars au 19 malt"
observé, et qui est fréquent, par un phé-
nomène de réfraction, dans cette ombre,
Angèle de Guimaraës rayonnait, ou du
moins se détachait visible.
C'était à supposer une irradiation de
lumière personnelle. Les enfants ne se
retournèrent pas, ne sentirent point cette
électricité double qui les traversait. Mais
Angèle l'attendait peut-être, et, tout en
feuilletant son livre pour y chercher une
page à dicter qu'elle avait marquée d'a-
vance, elle regardait au loin, fixement.
devant elle, et envoyait tout droit son
sourice qui semblait traverser Je vitrage
comme un rayon.
Elle disait silencieusement adieu, au
revoir à l'ami qui entreprenait un pèleri-
nage pour lui assurer du bonheur. Elle ne
pensait pas que l'on comptait sur elle ;
cette pensée, d'ailleurs, lui eût inspiré
moins de vanité que de reconnaissance;
mais elle comptait sur lui.
Ce n'était peut-être pas un acte de foi
absolue qui émanait ainsi d'elle et s'élan-
çait vers lui. Elle ne lui faisait peut-être
pas entendre qu'elle espérait; mais elle
l'encourageait, le remerciait et l'assurait
que, quoi qu'il arrivât, elle lui serait filia-
lement dévouée. Le bonheur dépendait
de l'initiative de la démarche et non de
son résultat probable ou problématique.
Serait-elle la femme de Lucien Beaugran?
Elle ne le savait pas ; mais elle était cer-
taine, dût-elle rester la fiancée, la veuve
d'un époux imaginaire, d'avoir trouvé
une âine jour soutenir la sienne, une al-
fection, sans terme positif, pour la con-
soler des tristesses de sa vie; cela lui suf-
fisait, la comblait.
Par dessus son livre, elle éleva la main
à la hauteur de sa bouche et fit un geste
d'adieu qui détachait un simulacre de
baiser.
Beaugran passa ébloui. Il traversa le
potager, sans rien dire. A la porte, il re-
nouvela des recommandations inutiles,
revint encore sur les arrangements con-
venus pour une correspondance indirecte,
par l'intermédiaire de Galimard et s'en
alla, emportant en lui une sorte de bon-
heur anxieux, sans jalousie, qu'il eût
voulu partager et répandre au dehors.
Il fit un long détour pour aller rejoin-
dre sa voiture, devant la grille.
Le soir même, il partait avec son fils
pour l'Italie.
Lucien, qui avait profité de l'occasion
pour s'équiper et pour acheter tout ce qui
est inutile en voyage, avait pris gaîment
son parti et quittait Paris avec une impa-
tience gamine.
Quand le train s'ébranla, il dit naïve-
ment :
— C'est Cabezon qui sera bien attrapé,
quand il ne me trouvera pas au rendez-
vous que nous avions pris pour demain 1
Beaugran qui voulait des augures, ac-
cueillit cette exclamation comme un pré-
sage. Pourtant, il dissimula.
-:. Tu n'as pas songé à le prév enir ?
- Ma foi, non. Il eût été capable de
jpajer un déraillement.
- Tu as donc une bien mauvaise opi-
nion de lui ?
— Non. Je rends hommage à son habi-
leté. Il n'est pas méchant ; mais il est si
habitué à faire dérailler des camarades à
la Bourse !
Beaugran, cet esprit si délicat et si fin,
était enchanté de cette ingratitude de son
fils. Il ne voulait songer qu'à lui, concen-
trer sur lui toute sa force, sa tendresse. Il
le regardait de tous ses yeux et de tout
son cœur, tant qu'il put le voir. Il le
couvait encore dans le crépuscule des nuits
de chemin de fer, quand il le voyait à
peine à la lueur de la lampe, entassant
ses rêves sur ce bel efféminé qui s'arran-
geait pour dormir à l'aise, dans le com-
partiment qui leur appartenait en en-
tier.
Beaugran, lui, ne dormit pas de la
nuit. Il avait peur de perdre le fil du ro-
man qu'il arrangeait avec la précision de
l'histoire.
CHAPITRE XV
Ce fut Galimard qui entama, le pre-
mier, la correspondance convenue.
Il devait le récit de l'étonnement de
Gahezon, quand celui-ci apprit le brusque
départ de Lucien.
Le financier ne parut pas se douter
qu'il avait été, en grande partie, la cause
de cet enlèvement rapide. Il l'attribua,
comme il semblait logique de le penser,
à une épouvante subite de Beaugran de-
vant la découverte de quelque escapade
trop forte de son fils, et il ne s'en inquiéta
pas autrement.
Ce moucheron qu'il avait voulu écraser
s'envolait hors de sa portée. Tant mieux.
Il reviendrait à la lumière de Paris, s'y
brûler; à ce moment-là Cabezon verrait
s'il devenait nécessaire de reprendre cet
otage.
L'absence de Léopold plaisait à coup
sûr au financier, et précisément Angèle,
dont il ne soupçonnait pas la joie secrète
et les espérances, semblait le traiter moins
dédaigneusement, depuis qu'elle n'était
plus intimidée par l'iniluence de ce pu-
ritain.
Voilà ce que la première lettre de Gali-
mard faisait comprendre, d'après les pro-
pres observations du philosophe, et aussi
d'après celles de Mlle de Guimaraës.
Quant au général, il suivait ses habi-
tudes, allait un peu à son bureau, régu-
lièrement chez la comtesse; peut-être
allait-il moins souper, depuis que son
petit-fils n'était plus là.
La première réponse de Beaugrand re-
flétait encore l'enthousiasme emporté. Il
.n'était pas encore possible de noter un
progrès acquis dans la tentative de ré-
forme; mais Lucien avait pris goût au
voyage et semblait aussi prendre cette
santé virile qu'il n'avait jamais eue jus-
que-là.
Léopold déjà constatait qu'il aurait fort -
à faire pour entraîner son fils vers les
hauteurs convoitées; mais ce n'était pas
vainement sans doute qu'il foulait la terre
des grandes entreprises et des miracles
de l'art.
Peu à peu, l'illusion paternelle dimi-
nua. Beaugran trouvait le temps bien
long et, dans la sincérité de sa douleur, il
ne dissimulait rien à son ami de ses sur-
prises, de son dépit, de sa confusion.
Il semblait que le désenchantement
croissait, à mesure que Galimard haussait
le ton, en lui parlant de la sincérité d'An-
gèle, de la vie secrète et superbe de la
jeune fille qui la délassait de sa vie appa-
rente.
Encore Galimard prenait-il soin, ou
croyait-il prendre soin, de brider son ad-
miration et de ne pas tout dire, de peur
de hausser trop le but que son ami vou-
lait atteindre, de peur d'ajouter au dé-
couragement qu'il voyait s'augmenter la
protestation de plus en plus violente d'une
sympathie qui n'avait pas besoin dp- Ac-
croître du côté de Beaugran.
LOUIS ULBAGH.
lA suimù
jœinNisTRAînoN ; ," -
18, AVE DE VALOIS, J3
— '-r
ABONNEMENTS
• PARIS
Trois mois 10 »
Six mois. 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois13 50
Six mois 27 »
Adresser lettres et mandais
A M. ERNEST LEFÈVRg
ADMINISTRAIEUR GÉRANT »
REDACTION" • 7
5'adresserai Secrétaire de la Réfaction.
.De 4 à 6 heures du soir
13, RUE DE -VALOIS, 18
tes manuscrits non insères ne seront pas rendus
ANNONCES
5lMf. Ch. LAGRANGE, CERF et C.
., 6, place de la Bourse, 6
LE PROCÈS DUMEAlîmilîN
Xes journaux réactionnaires n'en
reviennent pas. Cette nouvelle infamie
de la République dépasse toutes les.
autres. M. Fischer est poursuivi !
Une agence officieuse a publié les
lignes suivantes :
« L'information ouverte contre M.
Fischer et les personnes qui ont pris
part aux actes de violences et de dé-
sordres commis le 8 avril à Château-
villain est terminée. Par ordonnance
du juge d'instruction de Bourgoin en
date du 15 mai, le tribunal correction-
nel va être saisi de l'affaire. M. Fis-
cher est poursuivi pour rébellion ei
pour violence envers les agents de
J'autorité. Six prévenus auront aussi
à répondre du délit de rébellion.
Cinq autres seront cités pour ou-
trages envers les agents de l'auto-
rité. L'abbé Guillaud, l'abbé Revol,
desservant et vicaire de Chàteauvillain,
et quatre religieuses attachées à l'usine,
seront déférés au tribunal pour compli-
cité de ces délits. »
M. Fischer poursuivi! et pas seul!
Deux abbés poursuivis! Quatre reli-
gieuses poursuivies ! Où s'arrêtera cette
odieuse République si elle ne s'arrête
pas devant les religieuses et les abbés ?
M. Fischer poursuivi! Pourquoi?
Parce qu'il a reçu la loi à coups de re-
volver ? Est-ce que la loi est pour les
cléricaux î
Eh oui, sans doute, c'était la loi
qui venait fermer la chapelle de l'u-
sine Giraud. Un avocat qui n'est pas
suspect d'impiété, Mo Robert de Cléry,
a été le premier à le déclarer : —
« L'autorité était absolument dans son
droit en fermant la chapelle. D'après la
loi, une chapelle même privée, dans un
château, peut être fermée par l'autorité
compétente. Au point de vue du droit,
il n'y a rien à dire ». Eh oui, l'arti-
ele 14 des lois organiques stipule
expressément que « les chapelles
domestiques, les oratoires particuliers
ne pourront être établis sans une per-
mission expresse du gouvernement ».
Et la chapelle de l'usine Giraud était
bien autre qu'une chapelle domestique
et qu'un oratoire particulier, c'était une
chapelle publique. Et non seulement
elle n'avait pas obtenu la permission
du gouvernement, mais elle n'avait
même pas voulu la demander.
C'est dans ces conditions que, l'au-
torité étant venue faire exécuter la loi,
M, Fischer lui a fait l'accueil qu'un
journal dont on ne récusera pas le té-
moignage, le Figaro, a raconté en ces
termes : — « Pendant que le serrurier
travaille, il sent au travers de la ser-
rure une tige de fer que M. Fischer
agite dans le but de lui égratigner la
figure. Enfin, la porte va céder; elle
cède ; le maréchal des logis l'ouvre en
tirant à lui ; deux gendarmes se préci-
pitent, M. Fischer tire sur eux trois'
coups de revolver. » Eh bien, quoi?
M. Fischer a « donné un grand exem-
ple » que M. Dugué ge la Faucon-
nerie, enthousiasme, s'engage à suivre,
et même à agrandir.
« Je déclare au citoyen Goblet, à M.
le préfet de l'Orne, à M. le sous-préfet
de Mortagne, et à tous leurs policiers »,
écrit l'honorable député qui, après être
devenu de bonapartiste républicain,
est redevenu de républicain bonapar-
tiste, « que, le jour où l'envie leur
prendrait d'envahir mon domicile, com-
me ils ont envahi le domicile de Fischer,
c'est-à-dire sans mandat de justice, ils
auraient affaire à moi, et que, s'ils
rentraient dans leurs familles sans
avoir rien de cassé, c'est que toutes les
armes à feu que je puis avoir chez moi
auraient successivement raté. » On se.
plaît à rêver cette bataille d'un seul
homme avec toute la gendarmer e et
cette résistance terrible d'un héros dont
toutes les armes à feu ratent successi-
vement.
Poursuivre M. Fischer, c'est déjà
bien abominable; mais poursuivre qua-
tre religieuses et deux abbés! Sous
prétexte que - c'est le Temlls qui en
témoigne — « l'abbé Guillaud, - l'abbé
Revol et les quatre religieuses ont été
les excitateurs de la résistance »; sous
prétexte — ici le témoin est le Figaro
— que ceux qui avaient « groupé les
ouvrières derrière une porte que leur
chef défendait à coups de revolver
étaient le prêtre de la paroisse, son
vicaire et des religieuses ». Mais c'est
de quoi on devrait les glorifier!
Et on les en punirait!
Que les juges qui vont juger M. Fis-
cher et ses coaccusés prennent garde !
« Je ne sais pas », s'écrie M. Dugué de
la Fauconnerie, s'il se trouvera des ju-
ges pour condamner, mais ce que je
sais bien, c'est que, « s'il s'en trouve, ce
seront des scélérats dont il f-iudra con-
server les noms pour le jour, plus pro-
chain qu'on ne pensé, où nous serons
revenus au pouvoir. » Et l'effrayant
député de l'Orne saute d'avance sur les
armes à feu dont il prévoit le ratage.
On a vingt-quatre heures pour mau-
dire ses juges; mais jusqu'ici ces
vingt-quatre heures étaient après le ju-
gement. La presse cléricale n'attend pas
le jugement pour éclater en malédic-
tions. Elle montre par là qu'elle a peu
d'illusions sur l'issue du procès. Ce
n'est peut-être pas le meilleur moyen
de faire croire à l'innocence de ses
clients.
AUGUSTE VACQUERIE.
Q-
Les ministres se sont réunis hier matin,
à l'Elysée, sous la présidence de M. Jules
Grévy.
Ils se sont occupés de l'examen des pro-
jets militaires qui leur ont été soumis par
le général Boulanger. Ces projets forme-
ront quatre titres d'une seule et même loi :
recrutement, armée coloniale, avance-
ment, sous-officiers.
Ils sont basés sur le principe du service
de trois ans, combiné avec le système de
la libération anticipée.
Le ministre de la guerre a eu, dans l'a-
près-midi, une entrevue avec M. Goblet,
afin de lui soumettre les articles qui con-
cernent les carrières libérales, les sémina-
ristes et les instituteurs.
Ces projets seront déposés, dès la ren-
trée, sur le bureau de la Chambre.
M. Sarrien a rendu compte de la situa-
tion à Decazeville. 22 ouvriers sont de
nouveau rentrés dans les mines, 315 ton-
nes de charbon ont été extraites samedi
dernier.
- Il s'est produit, à Lyon, un désaccord
entre les patrons et les ouvriers verriers,
parce que ceux-ci veulent faire figurer
dans leur délégation deux ouvriers appar-
tenant à une usine qui n'est pas en grève.
Le général Boulanger a soumis à la si-
gnature du président de la République un
décret concernant l'aérostatioa niintatre,
et M. Demôle un décret portant nomina-
tion de juges de paix.
1 1 ■ o
COULISSES DES CHAMBRES
Le ministre de la guerre a soumis hier
au conseil des ministres le projet de loi
de réorganisation militaire qu'il vient
d'élaborer et qu'il compte déposer sur le
bureau de la Chambre le jour de la ren-
trée. Nous sommes en mesure de donner
dès aujourd'hui des détails étendus sur
cet important projet.
Le général Boulanger, ainsi qu'on le
sait, a retiré par décret les projets sur le
recrutement et sur l'armée coloniale que
la précédente Chambre avait votés à la
veine de l'expiration de son mandat et
qui é aient, depuis cette époque, soumis
au Sénat.
Au lieu de présenter des projets séparés,
n'ayant aucun lien entre eux, le ministre
de la guerre s'est déterminé à l'aire un
vaste travail d'ensemble, une sorte de
projet de loi organique militaire dont
toutes les parties fu>sent inspirées par un
même esprit et coordonnées.
C'est ainsi qu'il a été amené à faire le
grand projet qu'il a communiqué hier à
ses collègues. Ce projet renferme 217 ar-
ticles divisés en quatre titres. Il porte sur
tous les points de notre organisation mili-
taire qu'on a jugé utile de modifier : re-
crutement, avancement, état des sous-
officiers, organisation de l'armée colo-
niale.
Voici quelques renseignements sur cha-
cune de ces parties.
En ce qui concerne le recrutement, le
ministre a pris pour base les principes
votés par la précéaente Chambre, à sa-
voir : service personnel et égal pour tous,
réduction de la durée du service à trois
années, abolition du volontariat d'un an,
de la seconde partie du contingent, de la
disponibilité et des dispenses de droit.
Dans ce système, le ministre avait une
double obligation à satisfaire : concilier
l'incorporation totale du contingent avec
les nécessités du Trésor, concilier l'intérêt
de la défense nationale avec celui des
hautes études, de la haute culture intel-
lectuelle.
Voici comment il a respecté cette dou-
ble condition :
En ce qui concerne les hautes études,
le ministre a décidé d'abord d'élever à
10 010 la proportion des sursis d'appel.
Fept pour cent de ces sursis seront re-
nouvelables pendant quatre années con-
sécutives, pour cause d'achèvement d'é-
tudes. Pour les étudiants en médecine
ces sursis d'appels pourront même être
renouvelés au delà de quatre années,
jusqu'à l'achèvement total des études.
Après deuxannées de service, les jeunes
geus qui auront obtenu un dip'ôme d'ins-
truction militaire préparatoire seront
renvoyés dans leurs foyers en congé illi-
mité. Dans cette catégorie pourront
prendre place les instituteurs, les sémi-
naristes et en général tous les jeunes
gens qui se vouent aux carrières libé-
rales.
Par exception, les étudiants en méde-
cine, lorsqu'ils auront obtenu leur di-
plôme de docteur ne seiviront qu'une
année et seront employés en qualité de
médecins militaires.
L'organisation de l'instruction militaire
préparatoire à laquelle sera attaché le
diplôme dont nous venons de parler plus
înut, est laissée à un règlement d'admi-
nistration publique. Cette instruction sera
destinée aux jeunes gens de dix-sept à
vingt ans et ne devra rien coûter à l'Etat.
Les exemptés à titre de soutiens de fa-
mille et les jeunes gens pourvus d'un sur-
sis d'appel seront astreints à des exercices
militaires une fois par mois, le dimanche,
sous la direction d'instructeurs militaires
fournis par les régiments. -
, Enfin, les exemptés seront soumis à une-
taxe militaire dont le minimuïïi Sera ue
6 centimes par jour; Soit 2i ir. 60 par an.
Cette tsn Se sera prélevée que pendant
ÎSs trois années correspondant à la durée
du service imposée aux autres citoyens.
Elle sera perçue par les communes, qui
bénéficieront du sixième du produit de
cette taxe.
Voici maintenant Comment le ministre
arrive, par son système, à ne pas accroî-
tre les charges du budget.
Le contingent annuel devant être incor-
poré en totalité, l'effectif des 4rois classes
appelées sous les drapeaux, lorsque la loi
sera dans le plein de son fonctionnement,
serait de 545,000 hommes, dépassant ainsi
de beaucoup l'effectif budgétaire actuel,
qui ne prévoit que 472,000 hommes. Pour
compenser la différence, le général Bou-
langer se donne, par le projet de loi, la
faculté de retarder chaque année jus-
qu'au 30 novembre l'appel de la classe
qui m ùâi hd>it«Hwont an oainroonce-
ment du même mois, et ensuite de ren-
voyer la classe libérable immédiatement
après les manœuvres d'automne.
D'autre part, le ministre se donne la
faculté d'envoyer la classe qui a fait déjà
deux années de service effectif en congé
pour six mois; ce congé devant être pris
pendant le premier semestre de la troi-
sième année, de manière à ce que les
hommes rappelés pour le second semestre
de leur dernière année puissent accom
plir la période d'entraînement de trois
années.
Celte série de renvois anticipés, d'ap-
pels retardéb et de congés de fin de ser-
vice permet, par la réduction de dépenses
qu'elle entraîne, de compenser le surcroît
de charges qui résulte pour le Trésor de
l'incorporation totale du contingent.
Ajoutons que le ministre institue le re-
crutement régional que M. Thiers avait
combattu si vivement à l'Assemblée de
Versailles par des raisons politiques, et
auquel il avait fait subrtituer dans la loi
de 1872 le recrutement pratiqué sur l'é-
taudue totale du territoire.
D'après le projet du général Bonlanger,
chaque corps d'armée se recrutera sur
son territoire; mais dans chaque corps les
hommes seront dirigés sur des régiments
stationés en dehors de la subdivision de
région à laquelle ils appartiennent.
Dans les autres parties du projet, il y a
de nombreuses et intéressantes innova-
tions à signaler.
La cavalerie est augmentée d'une ma-
nière sensible. Les bataillons de chasseurs
à pied sont transformés en régiments
portés au nombre de quarante; l'artillerie
de forteresse est séparée de l'artillerie
de campagne et fusionnée avec le génie.
Un corps spécial d'ingénieurs militaires
se recrutrnt à l'Ecole polytechnique est
créé, à l'exemple de plusieurs armées
étrangères. Ces ingénieurs seront char-
gés de l'exécution de tous les travaux
d'art.
Le général Boulanger supprime le grade
de sous-lieutenant — qui ne sera plus
qu'un grade de stage - et crée dins toute
l'armée des lieutenants en premier et en
second, comme cela existe déjà dans le
génie. Il supprime également le poste de
capitaine en second.
Nul ne peut être nommé officier s'il n'a
accompli une année de service dans un
corps de troupe. Cette condition est ob i-
gatoire avant l'entrée aux écoles spéciales
militaires.
Pour les sous-officiers, le projet attribue
une prime de rengagement de 1,500 fr.,
payable immédiatement, avec des gratifi-
cations annuelles croissantes, suivant la
durée de rengagement. La solde sera
payée par mois, par analogie avec les
officiers. Enfin, un emploi civil est assuré
à tout sous-officier, après quinze ans de
service.
L'armée coloniale se recrutera 1° par
rengagements avec primes ; 20 par admis-
sion, avec primes, de jeunes gens du con-
tingent continental qui, avant le tirage
au sort, demanderont à servir dans l'ar-
mée eolonialel 3° des contingents fournis.
par les colonies et qui seran-t---im
pour une annéer ---
poiei de loi crée pour l'Algérie et la
Tunisie un 20' corps d'armée qui consti-
tuera plus spécialement l'armée d'A-
frique.
—o—
M. Edouard Lockroy, ministre du com-
merce et de l'industrie, élabore en ce
moment un projet de loi instituant l'ar-
bitrage dans le but de prévenir autant
que possible les conflits entre patrons
et ouvriers. M. Lockroy s'est inspiré pour
la confection de ce projet des diverses
législations étrangères, et particulière-
ment de la législation anglaise, qu'il est
allé étudier sur place il y a quelques
jours, et au sujet de laquelle il s'est en-
tretenu avec plusieurs hommes d'Etat
anglais compétents dans la matière.
Le projet de loi en question, à l'exem-
ple des lois étrangères, n'institue aucune
sanction ; il trace une procédure simple
et a surtout pour objet d'introduire et
d'acclimater chez nous la pratique de
l'arbitrage, si efficace en Angleterre.
Ce projet de loi, qui comporte environ
six articles, sera déposé à la rentrée sur
le bureau de la Chambre.
rnmmm (■■■i—i ■ i—■ „mm »'—
On télégraphie de Zlnzibar, 18 mai, que
la France a pris possession de toutes les
îles Comores. Le traité à ce sujet a été
signé à Johanna le 21 avril.
; «
LE DROIT DE L'ENFANT
Une chose évidente, c'est celle-ci : les
enfants ne sont pas protégés contre leurs
parents. *
Sans doute, on a fait du chemin depuis
le temps où le chef de - famille avait sur
ses descendants droit de vie et de mort ;
mais on retrouve encore la trace de ces
coutumes « patriarcales » dans Ja législa-
tion qui nous régit.
Pas plus tard qu'avant-hier on lisait
dans la chronique judiciaire du Rappel le
récit du martyre subi par un pauvre
bébé. Quel spectacle, le petit cadavre : les
deux avant-bras cassés, la mâchoire infé-
rieure brisée, le crâne fendu à ce point
que les os, dit l'expert, « chevauchaieut
l'un sur l'autre », la face et les membres
couverts d'ecchymoses, tout le corps, une
plaie, littéralement. Et maigre avec cela,
exténué de souffrances et de faim. Deux
ans et demi ! Ah ! ce pauvre être sans
défense, dont les faibles cris ne peuvent
pas trouer la cloison ; et, vous savez, on
fermait les rideaux de la fenêtre avec des
épingles pour que les voisins ne vissent
rien. Ça fait frissonner, n'est-ce pas ? Une
larme monte à la paupière et un cri à la
gorge. — Le père a été condamné à
trois mois de prison.
Il n'y a pas à revenir sur une chose
jugée. Nous ne dirons donc rien de cette
étonnante défense des parents qui attri-
buent à une chute les épouvantables bles-
sures de la petite victime, et affirment
« ne s'être jamais aperçus qu'elle avait les
deux bras cassés ». Qu'il nous soit permis,
seulement, de nous extasier sur les bizar-
reries de la procédure.
On avait d'abord songé à poursuivre les
parents pour homicide volontaire; on avait
ensuite abandonné ce chef d'accusation
pour celui d'homicide par imprudence;
et, finalement, pendant qu'on acquittait
la mère, on a condamné le père pour
« coups et violences volontaires ». Com-
prenne qui pourra.
Ces hésitations serviraient seules à dé-
montrer l'insuffisance des lois en vigueur.
Les juges semblent embarrassés eux-mê-
mes; ils tâtonnent Lâ-chose est pourtant
_4ien simple. J'admets que le père n'ait
pas eu l'intention de donner la mort au
petit être qu'il rouait de coups et auquel
il refusait les aliments nécessaires, il n'en
a pas moins agi contrairement à son de-
voir de père. On a toujours à la bouche
les droits du chef de famille; le moment
est venu de parler un peu de ses devoirs;
car le père ne peut être admis à réclamer
les uns qu'après avoir justifié du strict
accomplissement des autres.
Il est difficile de parler des parents qui
tuent leurs enfants sans penser à ceux qui
contraignent les leurs à la mendicité, au
vol, à pis encore. Contre ces derniers, la
société est tout à fait impuissante. Un père
accusé d'avoir fait mourir son enfant à
force de mauvais traitements passe en
correctionnelle, au lieu de comparaître
en cour d'assises; un père convaincu
d'avoir fait de son fils un filou n'est pas-
sible d'aucune peine.
Combien nous sommes arriérés encore !<
En Angleterre, tout citoyen qui rencontre
un enfant vaguant sur la voie publique,'
en élat d' « abandon moral », doit le
prendre par la main et le conduire au
premier magistrat venu, lequel assure
immédiatement le sort du délaissé, sans
que, par la suite, aucune réclamation des
parents puisse être recevable. Proposez
cela en France, et vous entendrez les
criailleries : « Que deviendrait l'autorité
paternelle ? que devie drait le respect du
père de famille?. » Il faut certes que le
père soit respecté, mais il faut qu'il com-
mence par être respectable.
On le sait, c'est Victor Hugo qui, le
premier, a, du haut de la tribune fran-
çaise, revendiqué hautement « le droit de
l'enfant ». Ce fut au grand ahurissement
de la majorité réactionnaire d'alors, à sa
grande indignation aussi. Il y eut scan-
dale. Depuis l'idée s'est emparée peu à
peu des esprits; il lui reste à conquérir
droit de cité dans le Code. Nous récla-
merons avec persévérance les lois de pro J'
tection des enfants contre leurs parents..
Vraies lois de défense sociale. L'enfant,
c'est la richesse nationale, et nous som-
mes tous intéressés à ce qu'aucune par- - -
celle de cette richesse ne soit perdue.
L'enfant, c'est l'avenir, et il né faut pas
que cet avenir soit compromis. Le droit
de l'enfant, c'est le premier des droits de
l'homme.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
LA GRANDE GUERRE
Le nom de Clausewitz est connu de
toutes les personnes tant soit peu au fait
des choses militaires. Sa Théorie de la--
grande guerre, bien que la mort l'ait sur-
pris avant qu'il ait pu la revoir et lui
donner le dernier tour, est un ouvrage
classique dans ces sortes d'études, au
même titre que ceux de Jomini ou de
Périzonius. Malheureusement, elle pré-
sentait pour le gros du public français un
double défaut, celui d'être écrite en alle-
mand et d'être formulée dans un langage
assez pénible et d'une compréhension as-
sez difficile pour les non-initiés. Déjà en
1849, un officier de l'armée belge, le major
Neuens, avait essayé d'en donner une tra-
duction dans notre langue. M. le lieute-
nant-colonel deVatrey, que son expérience
de militaire et sa parfaite connaissance de
l'allemand mettaient mieux qu'un autre à
même de mener à bien une pareille entre-
Feuilleton du RAPPEL
PU 20 MAI
r. ,- :
m
LA MAITRESSE
DU GÉNÉRAL
CHAPITRE XIV,
—-Suite—r
Mme Berthelin sourit au visiteur, et dou-
cement, marchant àcôté delui pour justifier
devant les personnes qu'on pourrait ren-
contrer l'itinéraire nouveau, elle l'aida à
passer devant le grand vitrage qui éclai-
rait la classe et montrait Angèle dans la
reprise de ses exercices professionnels.
Le jour baissait et mettait une sorte de
'Vélum sombre sur les petites têtes ran-
gées au-dessus des pupitres; mais, par un
effet bizarre, comme Rembrandt en a
Reproduction interdite.
Voir le Bawoel du 27 mars au 19 malt"
observé, et qui est fréquent, par un phé-
nomène de réfraction, dans cette ombre,
Angèle de Guimaraës rayonnait, ou du
moins se détachait visible.
C'était à supposer une irradiation de
lumière personnelle. Les enfants ne se
retournèrent pas, ne sentirent point cette
électricité double qui les traversait. Mais
Angèle l'attendait peut-être, et, tout en
feuilletant son livre pour y chercher une
page à dicter qu'elle avait marquée d'a-
vance, elle regardait au loin, fixement.
devant elle, et envoyait tout droit son
sourice qui semblait traverser Je vitrage
comme un rayon.
Elle disait silencieusement adieu, au
revoir à l'ami qui entreprenait un pèleri-
nage pour lui assurer du bonheur. Elle ne
pensait pas que l'on comptait sur elle ;
cette pensée, d'ailleurs, lui eût inspiré
moins de vanité que de reconnaissance;
mais elle comptait sur lui.
Ce n'était peut-être pas un acte de foi
absolue qui émanait ainsi d'elle et s'élan-
çait vers lui. Elle ne lui faisait peut-être
pas entendre qu'elle espérait; mais elle
l'encourageait, le remerciait et l'assurait
que, quoi qu'il arrivât, elle lui serait filia-
lement dévouée. Le bonheur dépendait
de l'initiative de la démarche et non de
son résultat probable ou problématique.
Serait-elle la femme de Lucien Beaugran?
Elle ne le savait pas ; mais elle était cer-
taine, dût-elle rester la fiancée, la veuve
d'un époux imaginaire, d'avoir trouvé
une âine jour soutenir la sienne, une al-
fection, sans terme positif, pour la con-
soler des tristesses de sa vie; cela lui suf-
fisait, la comblait.
Par dessus son livre, elle éleva la main
à la hauteur de sa bouche et fit un geste
d'adieu qui détachait un simulacre de
baiser.
Beaugran passa ébloui. Il traversa le
potager, sans rien dire. A la porte, il re-
nouvela des recommandations inutiles,
revint encore sur les arrangements con-
venus pour une correspondance indirecte,
par l'intermédiaire de Galimard et s'en
alla, emportant en lui une sorte de bon-
heur anxieux, sans jalousie, qu'il eût
voulu partager et répandre au dehors.
Il fit un long détour pour aller rejoin-
dre sa voiture, devant la grille.
Le soir même, il partait avec son fils
pour l'Italie.
Lucien, qui avait profité de l'occasion
pour s'équiper et pour acheter tout ce qui
est inutile en voyage, avait pris gaîment
son parti et quittait Paris avec une impa-
tience gamine.
Quand le train s'ébranla, il dit naïve-
ment :
— C'est Cabezon qui sera bien attrapé,
quand il ne me trouvera pas au rendez-
vous que nous avions pris pour demain 1
Beaugran qui voulait des augures, ac-
cueillit cette exclamation comme un pré-
sage. Pourtant, il dissimula.
-:. Tu n'as pas songé à le prév enir ?
- Ma foi, non. Il eût été capable de
jpajer un déraillement.
- Tu as donc une bien mauvaise opi-
nion de lui ?
— Non. Je rends hommage à son habi-
leté. Il n'est pas méchant ; mais il est si
habitué à faire dérailler des camarades à
la Bourse !
Beaugran, cet esprit si délicat et si fin,
était enchanté de cette ingratitude de son
fils. Il ne voulait songer qu'à lui, concen-
trer sur lui toute sa force, sa tendresse. Il
le regardait de tous ses yeux et de tout
son cœur, tant qu'il put le voir. Il le
couvait encore dans le crépuscule des nuits
de chemin de fer, quand il le voyait à
peine à la lueur de la lampe, entassant
ses rêves sur ce bel efféminé qui s'arran-
geait pour dormir à l'aise, dans le com-
partiment qui leur appartenait en en-
tier.
Beaugran, lui, ne dormit pas de la
nuit. Il avait peur de perdre le fil du ro-
man qu'il arrangeait avec la précision de
l'histoire.
CHAPITRE XV
Ce fut Galimard qui entama, le pre-
mier, la correspondance convenue.
Il devait le récit de l'étonnement de
Gahezon, quand celui-ci apprit le brusque
départ de Lucien.
Le financier ne parut pas se douter
qu'il avait été, en grande partie, la cause
de cet enlèvement rapide. Il l'attribua,
comme il semblait logique de le penser,
à une épouvante subite de Beaugran de-
vant la découverte de quelque escapade
trop forte de son fils, et il ne s'en inquiéta
pas autrement.
Ce moucheron qu'il avait voulu écraser
s'envolait hors de sa portée. Tant mieux.
Il reviendrait à la lumière de Paris, s'y
brûler; à ce moment-là Cabezon verrait
s'il devenait nécessaire de reprendre cet
otage.
L'absence de Léopold plaisait à coup
sûr au financier, et précisément Angèle,
dont il ne soupçonnait pas la joie secrète
et les espérances, semblait le traiter moins
dédaigneusement, depuis qu'elle n'était
plus intimidée par l'iniluence de ce pu-
ritain.
Voilà ce que la première lettre de Gali-
mard faisait comprendre, d'après les pro-
pres observations du philosophe, et aussi
d'après celles de Mlle de Guimaraës.
Quant au général, il suivait ses habi-
tudes, allait un peu à son bureau, régu-
lièrement chez la comtesse; peut-être
allait-il moins souper, depuis que son
petit-fils n'était plus là.
La première réponse de Beaugrand re-
flétait encore l'enthousiasme emporté. Il
.n'était pas encore possible de noter un
progrès acquis dans la tentative de ré-
forme; mais Lucien avait pris goût au
voyage et semblait aussi prendre cette
santé virile qu'il n'avait jamais eue jus-
que-là.
Léopold déjà constatait qu'il aurait fort -
à faire pour entraîner son fils vers les
hauteurs convoitées; mais ce n'était pas
vainement sans doute qu'il foulait la terre
des grandes entreprises et des miracles
de l'art.
Peu à peu, l'illusion paternelle dimi-
nua. Beaugran trouvait le temps bien
long et, dans la sincérité de sa douleur, il
ne dissimulait rien à son ami de ses sur-
prises, de son dépit, de sa confusion.
Il semblait que le désenchantement
croissait, à mesure que Galimard haussait
le ton, en lui parlant de la sincérité d'An-
gèle, de la vie secrète et superbe de la
jeune fille qui la délassait de sa vie appa-
rente.
Encore Galimard prenait-il soin, ou
croyait-il prendre soin, de brider son ad-
miration et de ne pas tout dire, de peur
de hausser trop le but que son ami vou-
lait atteindre, de peur d'ajouter au dé-
couragement qu'il voyait s'augmenter la
protestation de plus en plus violente d'une
sympathie qui n'avait pas besoin dp- Ac-
croître du côté de Beaugran.
LOUIS ULBAGH.
lA suimù
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