Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1912-06-04
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 04 juin 1912 04 juin 1912
Description : 1912/06/04 (N12894,A34). 1912/06/04 (N12894,A34).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/10/2012
34° ANNEE. NUMERO 12,894. LE NUMÉRO 10 CENTIMES
MARDI 4 JUIN 1912.
Pierre MORTIER
Directeup
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PARIS (2' Arr.)
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de France et d'Algérie
SOMMAIRE:
CAUSONS DES PENSEURS, par Marcel Bou-
ienger.
EN REVENANT DU QUAI D'ORSAY, par Aka-
demos.
ENQUÊTE SUR LA BAISSE DE LA RENTE, par
-- V erneuiî.
LA PETITE FLUTE, par Georges Docquois.
FORAIN LE MARONITE, par Louis Vauxcelles.
LE GRANDS JOURS DE TUNIS, par Diamandi.
LA REINE DE HOLLANDE A PARIS.
LE CONTE : La Cause, par F.-T. Rosensteel.
LA GALERIE : La danseuse de Tanagre, par
René Boylesve.
LES LETTRES : Notre Enquête, par René
Blum et André du Fresnois.
LES ARTS : Quelques artistes russes, par
L. V.
LE THEATRE : M. Otto Lhose à Paris, par
Georges Piocll. — Avant-première, par
, René Chavance.
LE FEUILLETON : Bellamy le Magnifique,
par Roy Ilorniman (adaptation de Mme
Th. Berton).
., Causons
M*
des penseurs
S'il faut penser, jeune homme ?.
Ah ! malheureux, quelle, question me
posez-vous là !
Mais naturellement, il faut penser,
et penser sans trêve, et 'sérieusement,
de toutes vos forces, penser jusqu'à la
gauche, comme diraient les gens du
commun ! Avez-vous 'pu douter un seul
instant qu'il fût indispensable et urgent
d'être un penseur, par le temps qui
court, et de l'être jusqu'à l'évid'ence ?
Voulez-vous donc passer pour un hom-
me inconsidéré, léger, et pis encore,
pour un homme charmant ? Car si
vous ne pensez pas, on dira que vous
êtes la grâce même, et dame ! vouo
sentez ce que vaut cette injure ?. Si
pareille note d'infamie vous atteint,
mon pauvre enfant, et cela dès votre
début dans la vie, vous n'aurez ensuite
pour vous que les femmes frivoles, et
vous ne comprendrez ni Claudel, ni
Péguy, et les jeunes pères de l'Eglise
nouvelle vous jetteront l'anathème, et
jamais, jamais vous ne serez tenu pour
un fwtew iSpmteaHsèe, ni même sé-
* ri eux, et M. Vallery-Radot ne vous con-
naîtra pas, non plus que M. de Mun.
•Mettez-vous à penser, jeune homme,
et plus vite que ça !
Cependant, cela dépend de la car-
rière que vous voulez poursuivre. Il va
.de soi que si vous entendez seulement
mener l'existence d'un bon citoyen,
c'est-à-dire pleurer de ce qui vous cha-
grine, rire de ce qui vous égaie, vous
marier au temps venu, faire des en-
fants, ne pas trouver le sac, ni le fusil,
ni les impôts trop lourds, tirer sans
commentaires sur les Teutons, les apa-
ches, les anarchistes et les chiens en-
ragés, courir au besoin l'aventure au
Maroc, vivre en simple et allègre Fran-
çais ; enfin, sans noble faiblesse ni im-
pressionnante inquiétude — alors évi-
demment vous n'avez nul besoin de
vous prendre la tête dans les mains, et
de considérer l'infini.
Mais au cas où vous prétendriez en-
vahir les lettres, la politique et les sa-
lons qui en dérivent ; s'il vous tarde de
figurer parmi les choristes qui chantent
.J'hymne de la jeunesse dans les revues
et les journaux : si vous aspirez à quel-
que prix d'Académie, ou si vous êtes
pressé de parvenir à la vedette que
seuls les bons pasteurs proposent, et
dont Dieu dispose aujourd'hui — en ce
cas,«jeune homme plein d'avenir et de
malice, vous ne penserez jamais as-
sez !.
Mais enfin, direz-vous, qu'est-ce donc
que de « penser » ainsi ? Tout le mon-
de réfléchit, raisonne. Oui, certes, et
l'on sait bien que le propre du génie
français a toujours consisté précisé-
ment dans ja raison claire, lumineuse,
nimitable. L'esprit de notre race ad-
mirable a tracé des avenues, des pers-
pectives et des bosquets dans l'univers
intellectuel, comme Le Nôtre dessinait
des jardins royaux parmi des bois re-
vêches et des paysages contrariés. Le
plus grand de nos écrivains, Jean de
[ll Bruyère, était un raisonneur lim-
pide et plein de bon sens. Toutefois,
le bon sens et les faciles avenues bien
droites, voilà justentent ce dont un
penseur ne veut pas !
Le penseur se dit sans cesse, en
effet : « Interrogeons-nous. Les âmes
sont affreusement troublées. D'où vient
que l'on meurt- ? D'où vient qu'il y a
des pauvres ? Et la religion ! Et l'a-
mour ! Et le devoir ! Miséricorde !
combien il est difficile de connaître
son devoir !. » Sur quoi, le penseur
pousse des cris de douleur.
Peuh ! écrivons qu'il braille.
Il braille, et voilà tout. Ne nous
payons donc pas de mots, ne nous lais-
sons pas bluffer. Rien effectivement
n'est plus avantageux que la médita-
tion fumeuse, à cette heure, elle donne
bien du prestige, et fait prime sur le
marché littéraire. Pourtant, où est le
courage ? Il consiste à mépriser les ré-
flexions interminables non moins que
sombres, à faire humblement sa beso-
gne, à ne pas vouloir ambitieusement
tout changer, ni bouleverser. Nos
grands philosophes, doués d'un si
grand appétit de chambardement eL de
nouveautés, sont au fond des pares-
,seux, qui se disent : « A quoi bon ten-
ter le moindre effort pour cultiver uti-
lement notre jardin ? :La terre est trop
mauvaise. Nous mettrons plutôt le feu
— demain — et l'on verra après. » Ce-
pendant que l'homme modeste et ro-
buste songe au contraire : « Bêchons
toujours, ça donnera bien quelque clio-
It
se. » Et il se met au travail, sans plus
[ratiociner, pendant que le philosophe,
que le penseur, s'attriste et laisse fina-
lement pousser les orties.
Le penseur n'est occupé qu'à crain-
dre, il a peur de tout. Il n'y a rien qui
ne l'énerve, ne l'intimide, ne l'arrête.
Voit-il un pauvre fruit sur son che-
min ? Il va se torturer pour décider
s'il a droit d'y toucher. Rencontre-tnil
une femme ? Il se dira : « L'aimerai-je,
ne l'aimerai-je pas, suis-je coupable, le
serai-je ? » Passe-t-il devant une église,
il va trembler encore bien plus fort :
« (La foi, la tradition nécessaire, ou
seulement utile, ou recommandable, ou
auguste ?. » etc.
Au lieu qu'un garçon bien portant,
et qui ne « pense » pas, — un garçon
qui n'est pas sérieux — cueille d'abord
Je fruit, puis le mange, et parle sans
terreur sacrée à la femme exquise appa-
rue sur sa route, sachant bien qu'un
peu de finesse et de délicatesse arran-
gera tout ensuite. Pour l'église, il s'y
agenouillera, si les souvenirs de son
enfance l'y conduisent, et ce ne sera
pas si tragique. Ou bien, il en fera pai-
siblement le tour, sans plus de drame,
en vérité. Il ne se joue qu'un drame,
un vrai, en 1912, à savoir que les Alle-
mands croissent en nombre, chaque aR-
née, tandis que la France se dépeuple.
A part cela.
Néanmoins, l'on répondra de son
haut que penser si rudement, si ronde-
ment, c'est en somme effleurer la vie,
et non la pénétrer. Allons donc ! c'est
la refaire, et à sa guise ! L'homme qui
n'est pas philosophe, déclare : « Je
veux mépriser ces grossiers problèmes,
jamais résolus, qui traînent partout.
Loin de me demander s'il faut être ou
ne pas être, je serai. Mon idéal ainsi
paraît bien simple, trop simple, mais
du moins j'y porte la main. Et c'est ce
qui me distingue d'un tas de béjaunes
qui forment vainement des pensées su-
blimes en face de leur petite cousine,
dont un autre sera l'époux. »
Hélas ! il m'en coûte d'exagérer ain-
¡si. Que diront les jeunes pères de
l'Eglise, qui foisonnent sur le boule-
vard, et les jeunes rénovateurs de la
moralité, et les jeunes écrivains spiri-
tualistes, et les jeunes penseurs en tous
genres ?. Rien de précis, en tout cas.
Ni rien d'indispensable. Ni rien de
court.
Marcel Boulenger
o
- Echos -
Les courses.
SAINT-OUEN, mardi 4 juin, à 2 heures
Pronostics de Gil Blas :
Prix de là Limagne. — Champ d'Oissel.
Prix du Géraudan. — Espéranza, Azarias.
Prix du Cantal. — Télémaque 11, Anesse.
Course annuelle de haies. — lmpérator
111, Le Roi.
Prix du Puy-de-Dôme. — Le Nègre, Bo-
hème 11.
Prix de l'Auvergne. - Oilskin, Princesse
Tchèque. ■ .*-»
•—X—i
Hier, lundi.
Par une telle après-midi, un peu maussade,
indécise, par instants grise, par instants rose,
on va flâner au Bois, aux Champs-Elysées.
On va aussi, beaucoup, à l'Hôtel des Ventes.
La grande Saison de Paris s'applique à tous
les arts, même à l'art de la vente. Jamais on
n'avait tant vendu-, à de tels prix, de si belles
collections. Et les gens les plus considérables
se passionnent à ce sport : on va à l'hôtel
Drouot s'émouvoir, surenchérir, et ceux qui
n'enlèvent pas l'objet désiré s'en retournent
furieux ou désolés — et reviendront demain.
Les marchands de curiosités connaissent les
plus beaux jours de l'Histoire. Et ils en
profitent, en artistes qu'ils sont.
La soirée fut fraîche. Elle incita au spec-
tacle et quoique le lundi soit le jour sacrifié,
les recettes furent excellentes dans les prin-
cipaux théâtres, où l'on entendit, aux en-
tr'actes, parler toutes les langues — sauf la
nôtre.
-x"\
Pour le Musée Rodin.
Notre directeur a reçu de M. René Boy-
lesve la lettre suivante qui nous est un nou-
vel et précieux encouragement j
Mon cher Mortier,
Si j'avais connu votre manifeste en faveur
d'un Musée Rodin, je vous aurais adressé
immédiatement et avec enthousiasme ma si-
gnature. Excusez donc mon retard et veuil-
lez joindre mon nom à la liste de ceux qui
affirment leur admiration pour le grand ar-
tiste.
Bien cordialement votre
RENE BOYLESVE.
Et voilà un beau nom à ajouter à la liste
glorieuse recueillie par Mme Judith Cladel.
—x—
La collection Rodin..
On parle beaucoup des dessins de Rodin.
Et certains nient leur valeur; ils nient même,
pendant qu'ils y vont de leurs polémiques,
leur existence.
Il est vrai que la collection des dessins de
Rodin n'est point au complet, en ce moment,
à l'hôtel Biron; on l'y voit même rarement.
On sollicite le célèbre sculpteur de tous cô-
tés, et il envoie fréquemment partie de ses
dessins à des expositions françaises ou étran-
gères. Après Rome, ce fut Lyon. Les plus
merveilleux dessins de Rodin sont, aujour-
d'hui, exposés à Lyon et seront rendus à l'hô-
tel Biron à la fin du mois.
Cette collection est d'une incomparable
beauté. Rodin, dont on a souvent critiqué, en
sculpture, l'inachevé, la forme incomplète, le
contour seulement comme indiqué idéalement,
Rodin ne commence une œuvre sculpturale
qu'après avoir exécuté une série de crayons
où tous les aspects de l'œuvre en travail sont
minutieusement étudiés. Ce sont des mer-
veilles de précision, de simplicité, de netteté,
de vérité, et cependant de grandeur. Il n'est
pas un trait de ce croquis qui n'exprime la
vie frémissante.
Rodin possède ainsi 3 à 4.000 dessins dont
la valeur est inestimable. Il a acquis, en
outre, des collections d'antiques patiemment
et habilement assemblées, et cet ensemble de
chefs-d'œuvre constituera, pour les jeunes ar-
tistes, le plus bel enseignement.
Le sous-secrétariat d'Etat des Beaux-Arts
n'a pris aucune décision, touchant le pavillon
qu'habite le célèbre sculpteur et qui est, d'ail-
leurs, lié au sort de l'hôtel Biron lui-même,
dont personne ne sait rien.
-x-
La dernièra soirée d'un faune.
M. Nijinski a mimé hier soir, pour la der-
nière fois de la saison, l'Après-midi d'un
faune. Et la salle était à ce point comble
qu'en permettant à quelques amateurs obsti-
nés de rester debout dans les entrées de bal-
con et d'orchestre, l'avisée directrice des bal-
lets russes réalisa la recette maxima : 46.000
francs.
- Lorsque M. Nijinski eut dansé sur la mu-
sique de M. Debussy, on l'acclama. Quel-
ques spectateurs sifflèrent, et un musicien de
talent — ce n'est point M. Fernand Le
Borne, qui, cependant, était là — chef d'or-
chestre d'une grande et gravie association,
virtuose réputé, protesta et cria, de là-haut :
« La musique, la musique seule! » Mais les
acclamations et les « bis » contraignirent
M. Nijinski à recommencer, et il bissa dans
l'allégresse universelle. On l'acclama pareil-
lement après le Spectre de la rose, où Mlle
Karsavina fut non moins divine que son illus-
tre partenaire. Il n'y avait, dans cette foule,
que d'obscurs payants et beaucoup d'étran-
gers, à peine cinq ou six personnalités pari-
siennes dont Mme Colette Willy; c'était la
vraie salle qui réjouit les directeurs.
-x-
La tristesse de M. Henri de Rothschild.
Les habitants de la rue du Faubourg-
Saint-Honoré sont fort mécontents. Les auto-
bus — cependant d'un modèle si rapide, si
commode et si élégant — troublent, en pas-
sant, la quiétude des habitations de ce quar-
tier aristocratique où l'on cherche le .calme
et où l'on paie d'un loyer coûteux le droit
d'avoir la paix chez soi.
M. Henri de Rothschild est particulière-
ment ému : il a collectionné deux sortes de
chefs-d'œuvre qu'il veut amoureusement con-
server : ses pastels et son vin. Or, la tré-
pidation des autobus secoue et désagrège les
précieux tableaux, agite et trouble les an-
ciennes bouteilles, remuant jusqu'à la cave.
M. de Rothschild implore pour sa galerie et
pour ses liquides un détour des autobus :
qu'on lui accorde au moins la quiétude de
M. Fallières — car on sait que lorsqu'ils
passent devant l'Elysée, les autobus ralentis-
sent leur course.
Snobisme et charité.
Mlle Rachel Boyer se donne u>, mal infini
pour réaliser la fête qu'elle offrira demain au
bénéfice de l'Orphelinat des Arts. Et le ré-
sultat est admirable : les places les plus
chères ont été les plus demandées, et les loges
de 500 francs - iioo francs la place, s'il
vous plaît ! — ont été à ce point sollicitées
qu'on s'est résolu, hier, à mettre à 100 francs
toutes les modestes places qui restaient! Le
Cirque de Paris n'aura jamais vu pareille
recette.
Une désillusion : M. Maurice Maeterlinck
ne viendra pas. Il est à Nice. Il y restera.
A son récent passage à Paris, Mlle Rachel
Boyer le retint à déjeuner avec Mme Geor-
gette Leblanc, et M. Carpentier, le boxeur
réputé, vint au dessert ébaucher un projet de
rencontre entre eux. Le subtil écrivain ne dit
ni oui ni non. On en conclut qu'il dirait oui,
à la fin. Or, reparti pour Nice en hâte, il
déclara vouloir se reposer là-bas : et ce sera
un numéro sensationnel en moins au pro-
gramme. Mais il en reste bien assez pour jus-
tifier le prix auquel le public privilégié en-
tend payer sa place. Et, d'ailleurs, c'est pour
l'Orphelinat des Arts : ceci excuse tout.
-x-
Les beaux livres.
Les livres qui passent aux enchères publi-
ques nous indiquent assez exactement la fa-
veur de nos écrivains célèbres. Hier, quelques
éditions fort jolies et assez rares d'Anatole
France étaient mises en vente. Un volume de
la Rôtisserie de la Reine Pèdauque a fait
500 francs, et un volume de Thaïs 600 francs.
C'est coquet, comme prix. Tous les con-
temporains n'atteignent pas à de tels prix.
Tout de même, beaucoup se vendent bien.
Par exemple, en cette même vente, un volume
du Scorpion, de Marcel Prévost, a. fait
30 francs, et un volume des Demi-Vierges
30 francs aussi. Et ceci prouve qu'il y a en-
core des amateurs de beaux livres.
-x-
Le réveil de l'aigle.
Ceci est très grave. M. Jean Richepin veut
nous ramener, sinon Napoléon Ier — ce qui
serait difficile — du moins l'Empire. Il a
conduit une caravane de Français à Water-
loo, où, dans la maison même qui servit de
quartier général à Wellington, il parla de
l'Empereur.
Un journal belge parle avec enthousiasme
de son discours que nous publions plus loin.
« Ce ne fut ni une causerie ni une confé-
rence que le génial poète improvisa; ce fut,
pour nous servir d'une des expressions qu'il
employa lui-même, « un torrent d'enthou-
siasme jaillissant comme une lave d'un vol-
can » qui s'échappa de sa bouche. Après
Henri Heine, après Victor Hugo, Richepin a
chanté l'hymne à la déification de l'Empe-
reur. Sous le verbe de l'admirable artiste,
l'auditoire frémissant était au maximum de
l'émotion, et lorsqu'il poussa à tous poumons,
le visage baigné de larmes, le cri de « Vive
l'Empereur! », on eut l'impression qu'une
des plus belles manifestations de l'art ora-
toire venait de se produire. »
M. Jean Richepin, en larmes, criant :
« Vive l'Empereur! » voilà qui dut être, en
effet, un beau spectacle. Il est vrai qu'il fut
élu, l'autre jour, dans sa petite commune de
Seine-et-Oise, maire républicain.
La reine mange.
La reine Wilhelmine, qui a fait décidément
la conquête de Paris, doit être parfois un peu
embarrassée tandis que le protocole la presse
et la, promène de réception en promenade et
de Visite en visite : elle ne peut manger à
son gré.
La charmante reine est, en effet, pourvue
d'un appétit qui se peut qualifier exactement
de royal. Elle passe pour être la meilleure
fourchette parmi les souverains. Un de ses
médecins, le docteur Leds, disait d'elle :
« Autant que je puis prévoir, elle ne pourra
longtemps garder une bonne santé; elle
mange et boit si terriblement que Gargantua
lui-même eût reculé devant les repas qu'on
lui sert. »
L4 reine mange jusqu'à six fois par jour.
Lé matin, à son lever, elle prend du café
aveci;dnq tranches de pain noir beurré. A
10 W es, elle a coutume de se faire servir
des gâteaux chauds, du fromage à la crème,
le tut arrosé d'un verre de vin rouge ou
blanc doux. A 2 heures, elle fait un plantu-
reux déjeuner, composé de plusieurs services.
A quatre heures, elle boit du thé à la russe
aveq sandwiches. A 8 heures, elle mange de
grand appétit et fait son repas le plus im-
portant de la journée. Enfin, vers 11 heures
ou minuit, elle prend une dernière collation :
vin et biscuits.
La reine a deux plats de. prédilection : le
plat de bœuf à l'anglaise et le gigot d'a-
gneau; elle aime fort également les mets
sucrés, et ses vins préférés sont le champagne
et le tokay. Le régime que lui imposent, en
ce moment, les fêtes officielles et les ban-
quets doit beaucoup gêner ses habitudes, et
elle retrouvera volontiers le calme copieux
de ses repas hollandais.
Chasse royale à vendre.
Le duc d'Orléans possède à Woodnortcn,
en Angleterre, une chasse célèbre, magnifi-
que, où il trompe son attente de la royauté
en chassant cerfs, grouses, bécasses et san-
gliers.
Or, le duc va vendre cette résidence uni-
que, si enviée, si riche en ressources cyné-
gétiques.
Qui a pu pousser le prince à cet acte inat-
tendu? La politique anglaise, tout simple-
ment, qui est trop démocratique au gré du
descendant de nos monarques français.
La municipafiité d'Exerham, dont dépen-
dent le château et les terres de Woodnorton,
est en plein régime socialiste; une loi nou-
velle force les possesseurs de grandes pro-
priétés à abandonner aux pauvres de la com-
mune une partie de leur revenu.
D'autre part, l'augmentation des taxes fon-
cières, due à la politique de M. Lloyd George,
est telle que de nombreuses ventes de châ-
teaux ont lieu depuis deux ans dans toute
l'étendue du Royaume-Uni.
Cette grande vie seigneuriale, particulière
à l'Angleterre, est atteinte dans sa racine.
Et voici que le duc d'Orléans préfère venir
en Belgique, sur les confins de la démocra-
tique France, que de rester dans l'ancienne
et aristocratique Angleterre.
Que vont dire les Anglais?..
nn tous cas, les lièvres vont sans aoute
illuminer. -x-
Nouvelle à la main.
En ces temps de grande saison, les cou-
turièrs et modistes de Paris sont surmenés.
On demande partout du renfort :
— Madame, disait hier une ouvrière, je
fais les chapeaux avec une vitesse extraordi-
naire.
T Laquelle?
t-f- Quarante nœuds à l'heurel
t - Le diable boiteux.
En raison de l'importance exception-
nelle de la vente Jacques Doucet, nosJ
lecteurs trouveront cha.que jour de cettel
semaine la liste complète des prix avec
les noms des acquéreurs. La vente com-¡
meûçant mercredi. nos listes paraîtront
jeiiai, vendredi, samedi et dimanche.
NOTES
En revenant du Quai d'Orsay
ï —
Notre spirituel et vieil ami, vêtu de l'habit
traditionnel à palmes vertes, chapeauté de
plumes vertes et l'épée battant son côté, s'en
allait à travers les véhicules encombrant le
quai d'Orsay. Il était tout proche d'une heure,
du matin et le bon académicien sortait de la
réception en l'honneur de la reine Wilhel-
mine. Car il ne manquait pas de répondre à:
une seule des invitations que. lui adressait un
ministre, si ce ministre était homme de qua-
lité. Il allait donc régulièrement chez M.
Raymond Poincaré, car il appréciait son
esprit et son œuvre, encore qu'il fût - lui-
même, par ses traditions et par sa culture
intellectuelle, enclin à ne pas aimer les ten-
dances gouvernementales de ce temps.
t comme il ne trouvait pas de voiture
libre et que la nuit était douce, il nous dit :
— Décidément je rentre à pied jusqu'à ma
vieille maison du quai. Allons tous deux, et
je vous raconterai ma soirée. Je n'étais point
du dîner, car on n'invita point au repas tous
les membres de l'Institut et seulement ceux
de l'Académie française. Les autres vinrent
après et se contentèrent de la réception, ce
qui est l'essentiel. Bref, nous étions fort nom-
breux, et, lorsqu'on nous présenta à la reine,,
ce fut j.in spectacle non dépourvu d'éclat.
Nous n'étions pas ridicules du tout. Figurez-
vous que M. Pierre Loti était venu tout
exprès de Rochefort et que même ceux qui
ne cachent pas les réserves qu'ils font aux
doctrines gouvernementales étaient là : M.
Maurice Barrès, souple, séduisant, qui ne
cessa, toute la soirée, de causer avec les mi-
nistres et les diplomates, à la fois alerte et
grave, et dont le visage émacié, resté si jeune
malgré la cinquantaine proche, avait l'impor-
tance d'un homme de la Carrière; M. Jean
Richepin, embroussaillé, rieur et très en de-
hors; Maurice Donnay, l'air ennuyé et loin-
tain; Paul Hervieu, sévère*; Jean Aicard, (
menu; Henri Lavedan, attentif; Francis
Charmes, froid; Brieux, fin et malicieux;
M. de Mun, triste; Marcel Prévost, amusée
le marquis de Ségur et Thureau-Dangin/i
effâcés; Denys-Cochin, important et solen-
nel. Et des artistes : Massenet et Saint-
Saëns, pareillement actifs, empressés; heu-
f
reux d'être là et de se multiplier, tous s'in-
clinèrent devant la reine, qui les connaissait
tous et leur dit à tous un mot de sympathie.
Ce fut très réussi. M. Rostand n'était pas
là. Mais M. Edmond Rostand, depuis qu'il
a célébré : « Oh ! oh ! c'est une impératrice z,
, reste prudemment chez lui, aux jours de ré-
ception. La reine s'est_contentée du compli-
ment de M. Jean Aicard où il y a un beau
vers :
Et tant qu'elle maintient la rampe horizontale
« Elle a dit : « C'est beau, la poésie fran-
« ça,ise! » Et elle a emporté précieusement
l'autographe de M. Jean Aicard. Je ne me
suis pas ennuyé une minute : il y avait du
monde si divers et tout de même si distingué
que je ne pouvais m'empêcher de trouver cet
assemblage fort brillant. C'était une belle
cour où la littérature et l'art complétaient
la, politique et la diplomatie très heureuse-
ment. Je pensais : « Bien des nations en
« pourraient montrer de plus étincelantes,
« aucune de plus cultivée ». Et, vous ne me
croirez peut-être pas, moi qui ne suis pas
fanatique de ce régime, je me suis senti sa-
tisfait, ce soir, d'être de mon pays. »
Notre ami rentrait allègrement, et comme
un épée le gênait un peu, il la mit sous -son
bras.
tAkademos.
Enquête sur la baisse de la rente
-
On s'est beaucoup entretenu, hiert à la
Bourse, d'un incident qui s'est produit au
cours de la séance d'hier. Cet incident n'a
pas une grande importance et il convient de
le réduire à ses proportions.
Il est exact que plusieurs chefs de maisons
faisant partie du marché des rentes françaises
et leurs teneurs de carnet ont été mandés dans
le cabinet du commissaire de police. Ce ma-
gistrat les a priés de lui donner les noms des
clients pour le compte desquels ils avaient
vendu de la Rente française le jour de la
liquidation.
En effet, le ministère des finances, ému de
certaine baisse, avait chargé la Préfecture de
police de procéder à une enquête officieuse.
Les coulissiers convoqués se sont rendus à
l'invitation du commissaire et, se retranchant
derrière le secret professionnel et la liberté
des transactions, ont refusé de fournir des
renseignements et des pièces. Néanmoins,
l'un d'eux, qu'une lettre anonyme accusait
d'avoir provoqué la baisse, a apporté son
livre et a. prouvé que, pendant la séance incri-
minée, il avait vendu 15.000 francs de rente,
mais qu'il en avait acheté 60.000.
Un bruit circulait également, c'est que la
baisse en question s'était produite sur des
ordres de vente émanant de plusieurs ancien-
nes congrégations du département du Nord
Nous avons immédiatement pris des rensei-
gnements qui nous laissent penser que ce bruit
n'est pas sans quelque fondement.
Verneuil.
LA PETITE FLUTE
Stéphane Mallarmé
Je ne suis qu'un profane,
Et, pourtant, je comprends
Les vers, petits et grands,
De Mallarmé Stéphane.
J'en sais qui sur ce point
iVont faire la grimace;
Oui, j'en sais une masse
Qui ne me croiront point.
Car, pour ces camarades,
En somme, gens de bien,
Mallarmé n'était rien
Qu'un faiseur de charades,
Ou d'énigmes, plutôt,
,Et si pleines d'outrance
Que nul Œdipe en France
N'en put trouver le mot.
Est-ce donc que, moi-même,
IVoyons, j'ai déniché
Le. tripl,e sens caché
Dans le Don du Poème ?
Non, certes! mais, enfin,
Pour saisir l'eurythmie
De la chose, il n'est mie
Besoin d'être devin.
Est-ce métaphysique ?
Est-ce algèbre? Est-ce hébreuz
Qu'importe, si, morbleu!
C'est de bonne musique!
<( Moi, dans ce Mallarmé
Je ne discerne goutte !»
Dis-tu, lecteur. Ecoute,
Et tu seras charmé.
Jamais dans les oreilles,
Même au grand Opéra,
L'on ne te versera
Sonorités pareilles.
La flûte du dieu Pan
Est moins enchanteresse
II n'est point de caresse
Plus douce à mon tympan.
Bref, c'est un bruit magique
Qui me rruet en émoi;
Et peu me chaut, ma foi 1
Si ça n'est pas logique.
Que Gustave Lanson
iY trouve une lacune,
Ça ne m'émeut d'aucune
Espèce de façon.
Que tel autre pontife
De l'Université
Devant tant de beauté
Confuse se rebiffe,
'Et que, jetant en l'air
Ses deux bras en tempête,
Il impose au poète
Le devoir d'être clair,
Moi, je ne fais qu'en rire
Et dis qu'en vérité
Ce devoir de clarté
Qu'il dicte au porte-lyre
Est un devoir, bien sûr,
Tout rempli d'excellence,
Oui, mais qu'il se balance
Par 3e droit d'être obscur!
Georges DocQuOls.
Forain le Maronite
Forain a publié hirJ- dans le Figaro,
un fort beau dessin. On y voit Rodin et
un modèle qui se -dévêt. La jolie lillo
dit : « M attre, où dépose-t-on ses nip-
pes ? — « A côté, dans l'oratoire », ré-
pond le grand statuaire.
Ce dessin est beau, moins peut-être
qu'un dessin de Rodin. Mais c'est un
bon Forain tout de même. Il n'en est
pas de médiocres. Forain est un cro-
quiste comparable à Hok'saï.
La valeur morale de ce dessin me pa-
raît inférieure à sa valeur esthétique.
Le geste de Forain est sans élégance.
Que les esprits religieux s'indignent de
voir l'auteur du Baiser peupler de
chefs-d'œuvre profanes la chapelle dé-
saffectée du Sacré-Cœur,, nous n'avons
rien à dire. La foi qui n'agit point, est-
ce une foi sincère ? Et chacun sait que
la foi de. certaines personnes est d'uns
ardeur inextinguible.
Mais Forain ! Forain, par servilité,
meurtrissant un maître entouré de res-
pect ! Le crcc-en-jambe est lugubre et
lamentable.
Vous m'objecterez que Forain est con-
verti., et qu'il s'agenouille devant Je
saint-sacrement à Lourdes. Je le sais.
l'y ayant vu. Mais la question n'est pas
là. Desvallières, Denis, aussi sont des
croyants, et de moins fraîche dp.te que
notre féroce néophyte. Je suis sûr que
ces deux artistes n'attaqueraient point
un maître qu'ils vénèrent. Et puis, il y, *
a la mansuétude chrétienne. -
La solidarité entre artistes est une
noblesse rare. L'amitié, la fraternité en-
tre artistes, le respect dû aux maîtres,
rien ne rehausse mieux une profession
que trop de rivalités, de jalousies rape-
tissent. Souvenons-nous des Homma-
ges, peints par Fantin Latour, qui était,
lui, un artiste et un caractère ; son
Atelier des Batignolles, son Hommage
à Delacroix. Rappelons-nous l'Ilomma-
ge à Paul Cézanne, de Maurice Denis.
Voilà la digne attitude des artistes vis-
à-vis de leurs aînés. Quand une des
meilleures toiles de Chasseriau, sa
Cléopâtre, de 1844, fut refusée par je ne
sais plus quel jury d'Institut, quelques
beaux artistes, dont Paul Huet, Dela-
croix, Scheffer, se serrèrent autour du
coloriste méconnu, refusèrent d'exposer
et lui offrirent le réconfort de leur sym-
pathie.
Les véritables artistes d'aujourd'hui
— les listes que publie Gil Blas depuis
deux jours 1 attestent éloquemment —
se groupent aux côtés de leur chef in-
contesté. Si vous entendiez Desbois,
Bourdelle, DEspiau. Halou, si vous aviez
entendu notre regretté Lucien Schnegg,
parler de Rodin, — vous auriez, Forain.
honte de votre méchant dessin.
M. Denys Ccchin — qui est pieux —
voudrait qu'on restituât dans le fameux
couvent qui fait couler tant d'encre, le
culte des Maronites.
Nous préférons la vraie statuaire, -
celle de Rodin, — à la statuaire, même
maronite, de la rue Saint-Sulpice, c'est-
à-dire au marron sculpté. -
Louis Vauxcelles.
-
LE FANATISME MUSULMAN
Les grands jours de Tunis
LE PROCÈS DU « DJELLAZ » f
",.,'
74 accusés uont répondre, deuant le
Tribunal Criminel, de rébellion
à main armée, de meurtres
et de uots qualifiés
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Tunis, le 3 juin 1912.
Un procès sensationnel vient de s'en-
gager aujourd'hui devant le Tribunal
criminel de Tunis. C'est l'épilogue des
graves incidents qui se sont déroulés à
Tunds le 7 novembre 1911 et qui ont été
signalés par le meurtre de plusieurs
agents de la force publique, par le mas-
sacre de quelques Italiens, par une vé-
ritable rébellion, par le pillage et par
le vol à main armée.
La Chambre des mises en accusation
de la Cour d'appel d'Alger a, par son
arrêt en date du 5 avril 1912, renvoyé
devant le Tribunal criminel 74 accusés,
qui ont pris un part active à ces san-
glants événements.
Il convient de rappeler les faits.
Dans le courant de 1911, la munici-
palité de Tunis avait demandé l'imma-
triculation des terrains du cimetière du
Djellaz, situé aux portes mêmes de la
ville. Il ne s'agissait nullement de dé-
saffecter ces terrains réservés aux inhu-
mations des indigènes, mais au contrai-
re de sauvegarder leur intégrité.
L'émotion avait été grande chez les
! indigènes, qui avaient. mal compris et
interprété comme une vexation ces me-
sures préservatrices, d'autant que le fa-
natisme religieux s'en mêlant, on était
: arrivé à leur persuader qu'on en vou-
I lait ainsi à leurs usages ou à leurs pré-
1 jugés. A vrai dire, on retrouvait dans
ces tentatives la main de personnalités
nettement antifrançaises, heureuses
d'exploiter,- en faveur des sentiments
, panislamistes, la haine de l'Européen,
;de l'étranger. C'est là, d'ailleurs, ce qui
i fait l'intérêt passionnant de ce procès :
les faits qui s'y trouvent mis en cause
isont .d'une exceptionnelle importance.
'Tout le monde ici sent bien que l'ac-
jeusation qui pèse sur les soixante-qua-
liorze inculpés dépasse celle d'un vul-
Igaire brigandage, et que les passions
qui sont aujourd'hui en jeu sont d'ordre
!politique, ethnique même.
Donc, un malentendu s'était créé en-
tre une certaine foule fanatisée et l'ad-
ministration française, malentendu
i
MARDI 4 JUIN 1912.
Pierre MORTIER
Directeup
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de France et d'Algérie
SOMMAIRE:
CAUSONS DES PENSEURS, par Marcel Bou-
ienger.
EN REVENANT DU QUAI D'ORSAY, par Aka-
demos.
ENQUÊTE SUR LA BAISSE DE LA RENTE, par
-- V erneuiî.
LA PETITE FLUTE, par Georges Docquois.
FORAIN LE MARONITE, par Louis Vauxcelles.
LE GRANDS JOURS DE TUNIS, par Diamandi.
LA REINE DE HOLLANDE A PARIS.
LE CONTE : La Cause, par F.-T. Rosensteel.
LA GALERIE : La danseuse de Tanagre, par
René Boylesve.
LES LETTRES : Notre Enquête, par René
Blum et André du Fresnois.
LES ARTS : Quelques artistes russes, par
L. V.
LE THEATRE : M. Otto Lhose à Paris, par
Georges Piocll. — Avant-première, par
, René Chavance.
LE FEUILLETON : Bellamy le Magnifique,
par Roy Ilorniman (adaptation de Mme
Th. Berton).
., Causons
M*
des penseurs
S'il faut penser, jeune homme ?.
Ah ! malheureux, quelle, question me
posez-vous là !
Mais naturellement, il faut penser,
et penser sans trêve, et 'sérieusement,
de toutes vos forces, penser jusqu'à la
gauche, comme diraient les gens du
commun ! Avez-vous 'pu douter un seul
instant qu'il fût indispensable et urgent
d'être un penseur, par le temps qui
court, et de l'être jusqu'à l'évid'ence ?
Voulez-vous donc passer pour un hom-
me inconsidéré, léger, et pis encore,
pour un homme charmant ? Car si
vous ne pensez pas, on dira que vous
êtes la grâce même, et dame ! vouo
sentez ce que vaut cette injure ?. Si
pareille note d'infamie vous atteint,
mon pauvre enfant, et cela dès votre
début dans la vie, vous n'aurez ensuite
pour vous que les femmes frivoles, et
vous ne comprendrez ni Claudel, ni
Péguy, et les jeunes pères de l'Eglise
nouvelle vous jetteront l'anathème, et
jamais, jamais vous ne serez tenu pour
un fwtew iSpmteaHsèe, ni même sé-
* ri eux, et M. Vallery-Radot ne vous con-
naîtra pas, non plus que M. de Mun.
•Mettez-vous à penser, jeune homme,
et plus vite que ça !
Cependant, cela dépend de la car-
rière que vous voulez poursuivre. Il va
.de soi que si vous entendez seulement
mener l'existence d'un bon citoyen,
c'est-à-dire pleurer de ce qui vous cha-
grine, rire de ce qui vous égaie, vous
marier au temps venu, faire des en-
fants, ne pas trouver le sac, ni le fusil,
ni les impôts trop lourds, tirer sans
commentaires sur les Teutons, les apa-
ches, les anarchistes et les chiens en-
ragés, courir au besoin l'aventure au
Maroc, vivre en simple et allègre Fran-
çais ; enfin, sans noble faiblesse ni im-
pressionnante inquiétude — alors évi-
demment vous n'avez nul besoin de
vous prendre la tête dans les mains, et
de considérer l'infini.
Mais au cas où vous prétendriez en-
vahir les lettres, la politique et les sa-
lons qui en dérivent ; s'il vous tarde de
figurer parmi les choristes qui chantent
.J'hymne de la jeunesse dans les revues
et les journaux : si vous aspirez à quel-
que prix d'Académie, ou si vous êtes
pressé de parvenir à la vedette que
seuls les bons pasteurs proposent, et
dont Dieu dispose aujourd'hui — en ce
cas,«jeune homme plein d'avenir et de
malice, vous ne penserez jamais as-
sez !.
Mais enfin, direz-vous, qu'est-ce donc
que de « penser » ainsi ? Tout le mon-
de réfléchit, raisonne. Oui, certes, et
l'on sait bien que le propre du génie
français a toujours consisté précisé-
ment dans ja raison claire, lumineuse,
nimitable. L'esprit de notre race ad-
mirable a tracé des avenues, des pers-
pectives et des bosquets dans l'univers
intellectuel, comme Le Nôtre dessinait
des jardins royaux parmi des bois re-
vêches et des paysages contrariés. Le
plus grand de nos écrivains, Jean de
[ll Bruyère, était un raisonneur lim-
pide et plein de bon sens. Toutefois,
le bon sens et les faciles avenues bien
droites, voilà justentent ce dont un
penseur ne veut pas !
Le penseur se dit sans cesse, en
effet : « Interrogeons-nous. Les âmes
sont affreusement troublées. D'où vient
que l'on meurt- ? D'où vient qu'il y a
des pauvres ? Et la religion ! Et l'a-
mour ! Et le devoir ! Miséricorde !
combien il est difficile de connaître
son devoir !. » Sur quoi, le penseur
pousse des cris de douleur.
Peuh ! écrivons qu'il braille.
Il braille, et voilà tout. Ne nous
payons donc pas de mots, ne nous lais-
sons pas bluffer. Rien effectivement
n'est plus avantageux que la médita-
tion fumeuse, à cette heure, elle donne
bien du prestige, et fait prime sur le
marché littéraire. Pourtant, où est le
courage ? Il consiste à mépriser les ré-
flexions interminables non moins que
sombres, à faire humblement sa beso-
gne, à ne pas vouloir ambitieusement
tout changer, ni bouleverser. Nos
grands philosophes, doués d'un si
grand appétit de chambardement eL de
nouveautés, sont au fond des pares-
,seux, qui se disent : « A quoi bon ten-
ter le moindre effort pour cultiver uti-
lement notre jardin ? :La terre est trop
mauvaise. Nous mettrons plutôt le feu
— demain — et l'on verra après. » Ce-
pendant que l'homme modeste et ro-
buste songe au contraire : « Bêchons
toujours, ça donnera bien quelque clio-
It
se. » Et il se met au travail, sans plus
[ratiociner, pendant que le philosophe,
que le penseur, s'attriste et laisse fina-
lement pousser les orties.
Le penseur n'est occupé qu'à crain-
dre, il a peur de tout. Il n'y a rien qui
ne l'énerve, ne l'intimide, ne l'arrête.
Voit-il un pauvre fruit sur son che-
min ? Il va se torturer pour décider
s'il a droit d'y toucher. Rencontre-tnil
une femme ? Il se dira : « L'aimerai-je,
ne l'aimerai-je pas, suis-je coupable, le
serai-je ? » Passe-t-il devant une église,
il va trembler encore bien plus fort :
« (La foi, la tradition nécessaire, ou
seulement utile, ou recommandable, ou
auguste ?. » etc.
Au lieu qu'un garçon bien portant,
et qui ne « pense » pas, — un garçon
qui n'est pas sérieux — cueille d'abord
Je fruit, puis le mange, et parle sans
terreur sacrée à la femme exquise appa-
rue sur sa route, sachant bien qu'un
peu de finesse et de délicatesse arran-
gera tout ensuite. Pour l'église, il s'y
agenouillera, si les souvenirs de son
enfance l'y conduisent, et ce ne sera
pas si tragique. Ou bien, il en fera pai-
siblement le tour, sans plus de drame,
en vérité. Il ne se joue qu'un drame,
un vrai, en 1912, à savoir que les Alle-
mands croissent en nombre, chaque aR-
née, tandis que la France se dépeuple.
A part cela.
Néanmoins, l'on répondra de son
haut que penser si rudement, si ronde-
ment, c'est en somme effleurer la vie,
et non la pénétrer. Allons donc ! c'est
la refaire, et à sa guise ! L'homme qui
n'est pas philosophe, déclare : « Je
veux mépriser ces grossiers problèmes,
jamais résolus, qui traînent partout.
Loin de me demander s'il faut être ou
ne pas être, je serai. Mon idéal ainsi
paraît bien simple, trop simple, mais
du moins j'y porte la main. Et c'est ce
qui me distingue d'un tas de béjaunes
qui forment vainement des pensées su-
blimes en face de leur petite cousine,
dont un autre sera l'époux. »
Hélas ! il m'en coûte d'exagérer ain-
¡si. Que diront les jeunes pères de
l'Eglise, qui foisonnent sur le boule-
vard, et les jeunes rénovateurs de la
moralité, et les jeunes écrivains spiri-
tualistes, et les jeunes penseurs en tous
genres ?. Rien de précis, en tout cas.
Ni rien d'indispensable. Ni rien de
court.
Marcel Boulenger
o
- Echos -
Les courses.
SAINT-OUEN, mardi 4 juin, à 2 heures
Pronostics de Gil Blas :
Prix de là Limagne. — Champ d'Oissel.
Prix du Géraudan. — Espéranza, Azarias.
Prix du Cantal. — Télémaque 11, Anesse.
Course annuelle de haies. — lmpérator
111, Le Roi.
Prix du Puy-de-Dôme. — Le Nègre, Bo-
hème 11.
Prix de l'Auvergne. - Oilskin, Princesse
Tchèque. ■ .*-»
•—X—i
Hier, lundi.
Par une telle après-midi, un peu maussade,
indécise, par instants grise, par instants rose,
on va flâner au Bois, aux Champs-Elysées.
On va aussi, beaucoup, à l'Hôtel des Ventes.
La grande Saison de Paris s'applique à tous
les arts, même à l'art de la vente. Jamais on
n'avait tant vendu-, à de tels prix, de si belles
collections. Et les gens les plus considérables
se passionnent à ce sport : on va à l'hôtel
Drouot s'émouvoir, surenchérir, et ceux qui
n'enlèvent pas l'objet désiré s'en retournent
furieux ou désolés — et reviendront demain.
Les marchands de curiosités connaissent les
plus beaux jours de l'Histoire. Et ils en
profitent, en artistes qu'ils sont.
La soirée fut fraîche. Elle incita au spec-
tacle et quoique le lundi soit le jour sacrifié,
les recettes furent excellentes dans les prin-
cipaux théâtres, où l'on entendit, aux en-
tr'actes, parler toutes les langues — sauf la
nôtre.
-x"\
Pour le Musée Rodin.
Notre directeur a reçu de M. René Boy-
lesve la lettre suivante qui nous est un nou-
vel et précieux encouragement j
Mon cher Mortier,
Si j'avais connu votre manifeste en faveur
d'un Musée Rodin, je vous aurais adressé
immédiatement et avec enthousiasme ma si-
gnature. Excusez donc mon retard et veuil-
lez joindre mon nom à la liste de ceux qui
affirment leur admiration pour le grand ar-
tiste.
Bien cordialement votre
RENE BOYLESVE.
Et voilà un beau nom à ajouter à la liste
glorieuse recueillie par Mme Judith Cladel.
—x—
La collection Rodin..
On parle beaucoup des dessins de Rodin.
Et certains nient leur valeur; ils nient même,
pendant qu'ils y vont de leurs polémiques,
leur existence.
Il est vrai que la collection des dessins de
Rodin n'est point au complet, en ce moment,
à l'hôtel Biron; on l'y voit même rarement.
On sollicite le célèbre sculpteur de tous cô-
tés, et il envoie fréquemment partie de ses
dessins à des expositions françaises ou étran-
gères. Après Rome, ce fut Lyon. Les plus
merveilleux dessins de Rodin sont, aujour-
d'hui, exposés à Lyon et seront rendus à l'hô-
tel Biron à la fin du mois.
Cette collection est d'une incomparable
beauté. Rodin, dont on a souvent critiqué, en
sculpture, l'inachevé, la forme incomplète, le
contour seulement comme indiqué idéalement,
Rodin ne commence une œuvre sculpturale
qu'après avoir exécuté une série de crayons
où tous les aspects de l'œuvre en travail sont
minutieusement étudiés. Ce sont des mer-
veilles de précision, de simplicité, de netteté,
de vérité, et cependant de grandeur. Il n'est
pas un trait de ce croquis qui n'exprime la
vie frémissante.
Rodin possède ainsi 3 à 4.000 dessins dont
la valeur est inestimable. Il a acquis, en
outre, des collections d'antiques patiemment
et habilement assemblées, et cet ensemble de
chefs-d'œuvre constituera, pour les jeunes ar-
tistes, le plus bel enseignement.
Le sous-secrétariat d'Etat des Beaux-Arts
n'a pris aucune décision, touchant le pavillon
qu'habite le célèbre sculpteur et qui est, d'ail-
leurs, lié au sort de l'hôtel Biron lui-même,
dont personne ne sait rien.
-x-
La dernièra soirée d'un faune.
M. Nijinski a mimé hier soir, pour la der-
nière fois de la saison, l'Après-midi d'un
faune. Et la salle était à ce point comble
qu'en permettant à quelques amateurs obsti-
nés de rester debout dans les entrées de bal-
con et d'orchestre, l'avisée directrice des bal-
lets russes réalisa la recette maxima : 46.000
francs.
- Lorsque M. Nijinski eut dansé sur la mu-
sique de M. Debussy, on l'acclama. Quel-
ques spectateurs sifflèrent, et un musicien de
talent — ce n'est point M. Fernand Le
Borne, qui, cependant, était là — chef d'or-
chestre d'une grande et gravie association,
virtuose réputé, protesta et cria, de là-haut :
« La musique, la musique seule! » Mais les
acclamations et les « bis » contraignirent
M. Nijinski à recommencer, et il bissa dans
l'allégresse universelle. On l'acclama pareil-
lement après le Spectre de la rose, où Mlle
Karsavina fut non moins divine que son illus-
tre partenaire. Il n'y avait, dans cette foule,
que d'obscurs payants et beaucoup d'étran-
gers, à peine cinq ou six personnalités pari-
siennes dont Mme Colette Willy; c'était la
vraie salle qui réjouit les directeurs.
-x-
La tristesse de M. Henri de Rothschild.
Les habitants de la rue du Faubourg-
Saint-Honoré sont fort mécontents. Les auto-
bus — cependant d'un modèle si rapide, si
commode et si élégant — troublent, en pas-
sant, la quiétude des habitations de ce quar-
tier aristocratique où l'on cherche le .calme
et où l'on paie d'un loyer coûteux le droit
d'avoir la paix chez soi.
M. Henri de Rothschild est particulière-
ment ému : il a collectionné deux sortes de
chefs-d'œuvre qu'il veut amoureusement con-
server : ses pastels et son vin. Or, la tré-
pidation des autobus secoue et désagrège les
précieux tableaux, agite et trouble les an-
ciennes bouteilles, remuant jusqu'à la cave.
M. de Rothschild implore pour sa galerie et
pour ses liquides un détour des autobus :
qu'on lui accorde au moins la quiétude de
M. Fallières — car on sait que lorsqu'ils
passent devant l'Elysée, les autobus ralentis-
sent leur course.
Snobisme et charité.
Mlle Rachel Boyer se donne u>, mal infini
pour réaliser la fête qu'elle offrira demain au
bénéfice de l'Orphelinat des Arts. Et le ré-
sultat est admirable : les places les plus
chères ont été les plus demandées, et les loges
de 500 francs - iioo francs la place, s'il
vous plaît ! — ont été à ce point sollicitées
qu'on s'est résolu, hier, à mettre à 100 francs
toutes les modestes places qui restaient! Le
Cirque de Paris n'aura jamais vu pareille
recette.
Une désillusion : M. Maurice Maeterlinck
ne viendra pas. Il est à Nice. Il y restera.
A son récent passage à Paris, Mlle Rachel
Boyer le retint à déjeuner avec Mme Geor-
gette Leblanc, et M. Carpentier, le boxeur
réputé, vint au dessert ébaucher un projet de
rencontre entre eux. Le subtil écrivain ne dit
ni oui ni non. On en conclut qu'il dirait oui,
à la fin. Or, reparti pour Nice en hâte, il
déclara vouloir se reposer là-bas : et ce sera
un numéro sensationnel en moins au pro-
gramme. Mais il en reste bien assez pour jus-
tifier le prix auquel le public privilégié en-
tend payer sa place. Et, d'ailleurs, c'est pour
l'Orphelinat des Arts : ceci excuse tout.
-x-
Les beaux livres.
Les livres qui passent aux enchères publi-
ques nous indiquent assez exactement la fa-
veur de nos écrivains célèbres. Hier, quelques
éditions fort jolies et assez rares d'Anatole
France étaient mises en vente. Un volume de
la Rôtisserie de la Reine Pèdauque a fait
500 francs, et un volume de Thaïs 600 francs.
C'est coquet, comme prix. Tous les con-
temporains n'atteignent pas à de tels prix.
Tout de même, beaucoup se vendent bien.
Par exemple, en cette même vente, un volume
du Scorpion, de Marcel Prévost, a. fait
30 francs, et un volume des Demi-Vierges
30 francs aussi. Et ceci prouve qu'il y a en-
core des amateurs de beaux livres.
-x-
Le réveil de l'aigle.
Ceci est très grave. M. Jean Richepin veut
nous ramener, sinon Napoléon Ier — ce qui
serait difficile — du moins l'Empire. Il a
conduit une caravane de Français à Water-
loo, où, dans la maison même qui servit de
quartier général à Wellington, il parla de
l'Empereur.
Un journal belge parle avec enthousiasme
de son discours que nous publions plus loin.
« Ce ne fut ni une causerie ni une confé-
rence que le génial poète improvisa; ce fut,
pour nous servir d'une des expressions qu'il
employa lui-même, « un torrent d'enthou-
siasme jaillissant comme une lave d'un vol-
can » qui s'échappa de sa bouche. Après
Henri Heine, après Victor Hugo, Richepin a
chanté l'hymne à la déification de l'Empe-
reur. Sous le verbe de l'admirable artiste,
l'auditoire frémissant était au maximum de
l'émotion, et lorsqu'il poussa à tous poumons,
le visage baigné de larmes, le cri de « Vive
l'Empereur! », on eut l'impression qu'une
des plus belles manifestations de l'art ora-
toire venait de se produire. »
M. Jean Richepin, en larmes, criant :
« Vive l'Empereur! » voilà qui dut être, en
effet, un beau spectacle. Il est vrai qu'il fut
élu, l'autre jour, dans sa petite commune de
Seine-et-Oise, maire républicain.
La reine mange.
La reine Wilhelmine, qui a fait décidément
la conquête de Paris, doit être parfois un peu
embarrassée tandis que le protocole la presse
et la, promène de réception en promenade et
de Visite en visite : elle ne peut manger à
son gré.
La charmante reine est, en effet, pourvue
d'un appétit qui se peut qualifier exactement
de royal. Elle passe pour être la meilleure
fourchette parmi les souverains. Un de ses
médecins, le docteur Leds, disait d'elle :
« Autant que je puis prévoir, elle ne pourra
longtemps garder une bonne santé; elle
mange et boit si terriblement que Gargantua
lui-même eût reculé devant les repas qu'on
lui sert. »
L4 reine mange jusqu'à six fois par jour.
Lé matin, à son lever, elle prend du café
aveci;dnq tranches de pain noir beurré. A
10 W es, elle a coutume de se faire servir
des gâteaux chauds, du fromage à la crème,
le tut arrosé d'un verre de vin rouge ou
blanc doux. A 2 heures, elle fait un plantu-
reux déjeuner, composé de plusieurs services.
A quatre heures, elle boit du thé à la russe
aveq sandwiches. A 8 heures, elle mange de
grand appétit et fait son repas le plus im-
portant de la journée. Enfin, vers 11 heures
ou minuit, elle prend une dernière collation :
vin et biscuits.
La reine a deux plats de. prédilection : le
plat de bœuf à l'anglaise et le gigot d'a-
gneau; elle aime fort également les mets
sucrés, et ses vins préférés sont le champagne
et le tokay. Le régime que lui imposent, en
ce moment, les fêtes officielles et les ban-
quets doit beaucoup gêner ses habitudes, et
elle retrouvera volontiers le calme copieux
de ses repas hollandais.
Chasse royale à vendre.
Le duc d'Orléans possède à Woodnortcn,
en Angleterre, une chasse célèbre, magnifi-
que, où il trompe son attente de la royauté
en chassant cerfs, grouses, bécasses et san-
gliers.
Or, le duc va vendre cette résidence uni-
que, si enviée, si riche en ressources cyné-
gétiques.
Qui a pu pousser le prince à cet acte inat-
tendu? La politique anglaise, tout simple-
ment, qui est trop démocratique au gré du
descendant de nos monarques français.
La municipafiité d'Exerham, dont dépen-
dent le château et les terres de Woodnorton,
est en plein régime socialiste; une loi nou-
velle force les possesseurs de grandes pro-
priétés à abandonner aux pauvres de la com-
mune une partie de leur revenu.
D'autre part, l'augmentation des taxes fon-
cières, due à la politique de M. Lloyd George,
est telle que de nombreuses ventes de châ-
teaux ont lieu depuis deux ans dans toute
l'étendue du Royaume-Uni.
Cette grande vie seigneuriale, particulière
à l'Angleterre, est atteinte dans sa racine.
Et voici que le duc d'Orléans préfère venir
en Belgique, sur les confins de la démocra-
tique France, que de rester dans l'ancienne
et aristocratique Angleterre.
Que vont dire les Anglais?..
nn tous cas, les lièvres vont sans aoute
illuminer. -x-
Nouvelle à la main.
En ces temps de grande saison, les cou-
turièrs et modistes de Paris sont surmenés.
On demande partout du renfort :
— Madame, disait hier une ouvrière, je
fais les chapeaux avec une vitesse extraordi-
naire.
T Laquelle?
t-f- Quarante nœuds à l'heurel
t - Le diable boiteux.
En raison de l'importance exception-
nelle de la vente Jacques Doucet, nosJ
lecteurs trouveront cha.que jour de cettel
semaine la liste complète des prix avec
les noms des acquéreurs. La vente com-¡
meûçant mercredi. nos listes paraîtront
jeiiai, vendredi, samedi et dimanche.
NOTES
En revenant du Quai d'Orsay
ï —
Notre spirituel et vieil ami, vêtu de l'habit
traditionnel à palmes vertes, chapeauté de
plumes vertes et l'épée battant son côté, s'en
allait à travers les véhicules encombrant le
quai d'Orsay. Il était tout proche d'une heure,
du matin et le bon académicien sortait de la
réception en l'honneur de la reine Wilhel-
mine. Car il ne manquait pas de répondre à:
une seule des invitations que. lui adressait un
ministre, si ce ministre était homme de qua-
lité. Il allait donc régulièrement chez M.
Raymond Poincaré, car il appréciait son
esprit et son œuvre, encore qu'il fût - lui-
même, par ses traditions et par sa culture
intellectuelle, enclin à ne pas aimer les ten-
dances gouvernementales de ce temps.
t comme il ne trouvait pas de voiture
libre et que la nuit était douce, il nous dit :
— Décidément je rentre à pied jusqu'à ma
vieille maison du quai. Allons tous deux, et
je vous raconterai ma soirée. Je n'étais point
du dîner, car on n'invita point au repas tous
les membres de l'Institut et seulement ceux
de l'Académie française. Les autres vinrent
après et se contentèrent de la réception, ce
qui est l'essentiel. Bref, nous étions fort nom-
breux, et, lorsqu'on nous présenta à la reine,,
ce fut j.in spectacle non dépourvu d'éclat.
Nous n'étions pas ridicules du tout. Figurez-
vous que M. Pierre Loti était venu tout
exprès de Rochefort et que même ceux qui
ne cachent pas les réserves qu'ils font aux
doctrines gouvernementales étaient là : M.
Maurice Barrès, souple, séduisant, qui ne
cessa, toute la soirée, de causer avec les mi-
nistres et les diplomates, à la fois alerte et
grave, et dont le visage émacié, resté si jeune
malgré la cinquantaine proche, avait l'impor-
tance d'un homme de la Carrière; M. Jean
Richepin, embroussaillé, rieur et très en de-
hors; Maurice Donnay, l'air ennuyé et loin-
tain; Paul Hervieu, sévère*; Jean Aicard, (
menu; Henri Lavedan, attentif; Francis
Charmes, froid; Brieux, fin et malicieux;
M. de Mun, triste; Marcel Prévost, amusée
le marquis de Ségur et Thureau-Dangin/i
effâcés; Denys-Cochin, important et solen-
nel. Et des artistes : Massenet et Saint-
Saëns, pareillement actifs, empressés; heu-
f
reux d'être là et de se multiplier, tous s'in-
clinèrent devant la reine, qui les connaissait
tous et leur dit à tous un mot de sympathie.
Ce fut très réussi. M. Rostand n'était pas
là. Mais M. Edmond Rostand, depuis qu'il
a célébré : « Oh ! oh ! c'est une impératrice z,
, reste prudemment chez lui, aux jours de ré-
ception. La reine s'est_contentée du compli-
ment de M. Jean Aicard où il y a un beau
vers :
Et tant qu'elle maintient la rampe horizontale
« Elle a dit : « C'est beau, la poésie fran-
« ça,ise! » Et elle a emporté précieusement
l'autographe de M. Jean Aicard. Je ne me
suis pas ennuyé une minute : il y avait du
monde si divers et tout de même si distingué
que je ne pouvais m'empêcher de trouver cet
assemblage fort brillant. C'était une belle
cour où la littérature et l'art complétaient
la, politique et la diplomatie très heureuse-
ment. Je pensais : « Bien des nations en
« pourraient montrer de plus étincelantes,
« aucune de plus cultivée ». Et, vous ne me
croirez peut-être pas, moi qui ne suis pas
fanatique de ce régime, je me suis senti sa-
tisfait, ce soir, d'être de mon pays. »
Notre ami rentrait allègrement, et comme
un épée le gênait un peu, il la mit sous -son
bras.
tAkademos.
Enquête sur la baisse de la rente
-
On s'est beaucoup entretenu, hiert à la
Bourse, d'un incident qui s'est produit au
cours de la séance d'hier. Cet incident n'a
pas une grande importance et il convient de
le réduire à ses proportions.
Il est exact que plusieurs chefs de maisons
faisant partie du marché des rentes françaises
et leurs teneurs de carnet ont été mandés dans
le cabinet du commissaire de police. Ce ma-
gistrat les a priés de lui donner les noms des
clients pour le compte desquels ils avaient
vendu de la Rente française le jour de la
liquidation.
En effet, le ministère des finances, ému de
certaine baisse, avait chargé la Préfecture de
police de procéder à une enquête officieuse.
Les coulissiers convoqués se sont rendus à
l'invitation du commissaire et, se retranchant
derrière le secret professionnel et la liberté
des transactions, ont refusé de fournir des
renseignements et des pièces. Néanmoins,
l'un d'eux, qu'une lettre anonyme accusait
d'avoir provoqué la baisse, a apporté son
livre et a. prouvé que, pendant la séance incri-
minée, il avait vendu 15.000 francs de rente,
mais qu'il en avait acheté 60.000.
Un bruit circulait également, c'est que la
baisse en question s'était produite sur des
ordres de vente émanant de plusieurs ancien-
nes congrégations du département du Nord
Nous avons immédiatement pris des rensei-
gnements qui nous laissent penser que ce bruit
n'est pas sans quelque fondement.
Verneuil.
LA PETITE FLUTE
Stéphane Mallarmé
Je ne suis qu'un profane,
Et, pourtant, je comprends
Les vers, petits et grands,
De Mallarmé Stéphane.
J'en sais qui sur ce point
iVont faire la grimace;
Oui, j'en sais une masse
Qui ne me croiront point.
Car, pour ces camarades,
En somme, gens de bien,
Mallarmé n'était rien
Qu'un faiseur de charades,
Ou d'énigmes, plutôt,
,Et si pleines d'outrance
Que nul Œdipe en France
N'en put trouver le mot.
Est-ce donc que, moi-même,
IVoyons, j'ai déniché
Le. tripl,e sens caché
Dans le Don du Poème ?
Non, certes! mais, enfin,
Pour saisir l'eurythmie
De la chose, il n'est mie
Besoin d'être devin.
Est-ce métaphysique ?
Est-ce algèbre? Est-ce hébreuz
Qu'importe, si, morbleu!
C'est de bonne musique!
<( Moi, dans ce Mallarmé
Je ne discerne goutte !»
Dis-tu, lecteur. Ecoute,
Et tu seras charmé.
Jamais dans les oreilles,
Même au grand Opéra,
L'on ne te versera
Sonorités pareilles.
La flûte du dieu Pan
Est moins enchanteresse
II n'est point de caresse
Plus douce à mon tympan.
Bref, c'est un bruit magique
Qui me rruet en émoi;
Et peu me chaut, ma foi 1
Si ça n'est pas logique.
Que Gustave Lanson
iY trouve une lacune,
Ça ne m'émeut d'aucune
Espèce de façon.
Que tel autre pontife
De l'Université
Devant tant de beauté
Confuse se rebiffe,
'Et que, jetant en l'air
Ses deux bras en tempête,
Il impose au poète
Le devoir d'être clair,
Moi, je ne fais qu'en rire
Et dis qu'en vérité
Ce devoir de clarté
Qu'il dicte au porte-lyre
Est un devoir, bien sûr,
Tout rempli d'excellence,
Oui, mais qu'il se balance
Par 3e droit d'être obscur!
Georges DocQuOls.
Forain le Maronite
Forain a publié hirJ- dans le Figaro,
un fort beau dessin. On y voit Rodin et
un modèle qui se -dévêt. La jolie lillo
dit : « M attre, où dépose-t-on ses nip-
pes ? — « A côté, dans l'oratoire », ré-
pond le grand statuaire.
Ce dessin est beau, moins peut-être
qu'un dessin de Rodin. Mais c'est un
bon Forain tout de même. Il n'en est
pas de médiocres. Forain est un cro-
quiste comparable à Hok'saï.
La valeur morale de ce dessin me pa-
raît inférieure à sa valeur esthétique.
Le geste de Forain est sans élégance.
Que les esprits religieux s'indignent de
voir l'auteur du Baiser peupler de
chefs-d'œuvre profanes la chapelle dé-
saffectée du Sacré-Cœur,, nous n'avons
rien à dire. La foi qui n'agit point, est-
ce une foi sincère ? Et chacun sait que
la foi de. certaines personnes est d'uns
ardeur inextinguible.
Mais Forain ! Forain, par servilité,
meurtrissant un maître entouré de res-
pect ! Le crcc-en-jambe est lugubre et
lamentable.
Vous m'objecterez que Forain est con-
verti., et qu'il s'agenouille devant Je
saint-sacrement à Lourdes. Je le sais.
l'y ayant vu. Mais la question n'est pas
là. Desvallières, Denis, aussi sont des
croyants, et de moins fraîche dp.te que
notre féroce néophyte. Je suis sûr que
ces deux artistes n'attaqueraient point
un maître qu'ils vénèrent. Et puis, il y, *
a la mansuétude chrétienne. -
La solidarité entre artistes est une
noblesse rare. L'amitié, la fraternité en-
tre artistes, le respect dû aux maîtres,
rien ne rehausse mieux une profession
que trop de rivalités, de jalousies rape-
tissent. Souvenons-nous des Homma-
ges, peints par Fantin Latour, qui était,
lui, un artiste et un caractère ; son
Atelier des Batignolles, son Hommage
à Delacroix. Rappelons-nous l'Ilomma-
ge à Paul Cézanne, de Maurice Denis.
Voilà la digne attitude des artistes vis-
à-vis de leurs aînés. Quand une des
meilleures toiles de Chasseriau, sa
Cléopâtre, de 1844, fut refusée par je ne
sais plus quel jury d'Institut, quelques
beaux artistes, dont Paul Huet, Dela-
croix, Scheffer, se serrèrent autour du
coloriste méconnu, refusèrent d'exposer
et lui offrirent le réconfort de leur sym-
pathie.
Les véritables artistes d'aujourd'hui
— les listes que publie Gil Blas depuis
deux jours 1 attestent éloquemment —
se groupent aux côtés de leur chef in-
contesté. Si vous entendiez Desbois,
Bourdelle, DEspiau. Halou, si vous aviez
entendu notre regretté Lucien Schnegg,
parler de Rodin, — vous auriez, Forain.
honte de votre méchant dessin.
M. Denys Ccchin — qui est pieux —
voudrait qu'on restituât dans le fameux
couvent qui fait couler tant d'encre, le
culte des Maronites.
Nous préférons la vraie statuaire, -
celle de Rodin, — à la statuaire, même
maronite, de la rue Saint-Sulpice, c'est-
à-dire au marron sculpté. -
Louis Vauxcelles.
-
LE FANATISME MUSULMAN
Les grands jours de Tunis
LE PROCÈS DU « DJELLAZ » f
",.,'
74 accusés uont répondre, deuant le
Tribunal Criminel, de rébellion
à main armée, de meurtres
et de uots qualifiés
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Tunis, le 3 juin 1912.
Un procès sensationnel vient de s'en-
gager aujourd'hui devant le Tribunal
criminel de Tunis. C'est l'épilogue des
graves incidents qui se sont déroulés à
Tunds le 7 novembre 1911 et qui ont été
signalés par le meurtre de plusieurs
agents de la force publique, par le mas-
sacre de quelques Italiens, par une vé-
ritable rébellion, par le pillage et par
le vol à main armée.
La Chambre des mises en accusation
de la Cour d'appel d'Alger a, par son
arrêt en date du 5 avril 1912, renvoyé
devant le Tribunal criminel 74 accusés,
qui ont pris un part active à ces san-
glants événements.
Il convient de rappeler les faits.
Dans le courant de 1911, la munici-
palité de Tunis avait demandé l'imma-
triculation des terrains du cimetière du
Djellaz, situé aux portes mêmes de la
ville. Il ne s'agissait nullement de dé-
saffecter ces terrains réservés aux inhu-
mations des indigènes, mais au contrai-
re de sauvegarder leur intégrité.
L'émotion avait été grande chez les
! indigènes, qui avaient. mal compris et
interprété comme une vexation ces me-
sures préservatrices, d'autant que le fa-
natisme religieux s'en mêlant, on était
: arrivé à leur persuader qu'on en vou-
I lait ainsi à leurs usages ou à leurs pré-
1 jugés. A vrai dire, on retrouvait dans
ces tentatives la main de personnalités
nettement antifrançaises, heureuses
d'exploiter,- en faveur des sentiments
, panislamistes, la haine de l'Européen,
;de l'étranger. C'est là, d'ailleurs, ce qui
i fait l'intérêt passionnant de ce procès :
les faits qui s'y trouvent mis en cause
isont .d'une exceptionnelle importance.
'Tout le monde ici sent bien que l'ac-
jeusation qui pèse sur les soixante-qua-
liorze inculpés dépasse celle d'un vul-
Igaire brigandage, et que les passions
qui sont aujourd'hui en jeu sont d'ordre
!politique, ethnique même.
Donc, un malentendu s'était créé en-
tre une certaine foule fanatisée et l'ad-
ministration française, malentendu
i
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