Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1882-09-23
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 23 septembre 1882 23 septembre 1882
Description : 1882/09/23 (N1981,A6). 1882/09/23 (N1981,A6).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7537788c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 11/10/2012
ADMINISTRATION, REDACTION ET ANNONCES
A PARIS
5 — Rue Coq-Héron — A
i e
Les m't»c £ es non insérés ne seront - par iwtdus
Abonnements Î Paris
TROIS MOIS.,.. 5 FR.
SIX MOIS. « • • • * 9FR.
UN AN. lSnt.
JOURNAL POLITIQUE
QUOTIDIEN
UN NUMÉRO: 5 CENTIMES
ADonnements : Départements
TROIS MOIS. 6FR.
SIX MOIS 12 FR.
UN AN.24 FR.
SIXIÈME ANNÉE. — NUMÉRO 4981
Samedi 23 septembre 1882
(3 vendémiaire an 91)
MAGISTRATS & CRIMINELS
Nous avons des nouvelles de
M. Tourné.
M. Tourné se porte très bien. Il se
dispose à palper l'argent de la Lanterne,
et, en attendant, il vient de flanquer une
semonce vigoureuse à M. le garde des
sceaux. Ah ! le pauvre M. Devès ! Il a eu
sur les doigts, car M. Tourné ne plai-
sante pas quand on touche à ses inté-
rêts.
Voici comment la chose s'est passée :
Vous savez, certainement, que M.
Tourné, président flu tribunal de Mont-
de-Marsan, a commis un faux dans
l'exercice de ses fonctions. Ce faux qui,
si M. Tourné avait été traduit en cour
d'assises, l'eût envoyé aux galères, lui a
rapporté, devant le tribunal et la cour
de Pau, quatre mille francs. C'est, vous
le voyez, un assez bon métier quejcelui
de faussaire ; seulement', ce n'est pas
un métier à là portée de tout le monde.
Pour obtenir des prix pareils, iil faut
être bien vu du clergé, bonapartiste et
président du tribunal. Il faut, de 'plus,
avoir autour de soi quatre juges parfai-
tement décidés à servir de faux témoins
et une chambre de cour d'appel résolue
à prévariquer effrontément toutes les
fois que ce sera nécessaire. Encore
n'est-on point tout à fait sûr de l'impu-
nité finale, rien ne prouvant que la cour
de cassation n'aura pas, un jour ou
l'autre, un remords de conscience et
cinq minutes de pudeur.
Quoi qu'il soit, le faux commis par
M. Tourné lui a rapporté quatre mille
francs, dont deux mille aux frais de la
Lanterne, deux mille aux frais du Répu-
plicain Landais. Or, M. Tourné, tou-
jours vindicatif, est souvent besoigneux,
ce qui le rend pressé, deux fois pour
une, de toucher le produit de son faux.
Aussi, dès le lendemain du j tre dernier pourvoi fut rej eté, M. Tourné
se mit en devoir de nous exécuter ron-
dement.
A vrai dire, nous nous y attendions,
et même, nous étions fort surpris de ne
pas encore avoir reçu, sous forme de
commandement, le papier timbré de
M. Tourné; mais une assignation nou-
velle, que nous venons de recevoir, nous
explique ce retard.
Disons tout de suite que cette assi-
gnation n'est point pour nousilemandei
des dommages-intérêts. Depuis le faux
qui lui a si bien réussi, M. Tourné — du
moins à notre connaissance — ne s'est
pas payé le luxe d'en commettre d'au-
tres. Il sait trop bien que, par la loi de
1881, la compétence a changé; c'est de-
vant la cour d'assises, maintenant, qu'il
faudra nous poursuivre; et la cour d'as-
sises, même dans les Basses-Pyrénées,
ne serait pas d'humeur à payer les faux
quatre mille francs la pièce. Aussi M.
Tourné — comme ses quatre faux té-
moins — se garde bien de nous poursui-
vre ; et le papier timbré que nous avons
reçu n'est qu'une simple « sommation
a d'être présent à la délivrance d'une
» nouvelle grosse du jugement rendu
» contre nous ».
Il paraît que, dans le va-et-vient entre
Paris et Pau, cette fameuse « grosse »
s'était perdue. Il paraît même — car
nous nous sommes informés — que la
pièce s'était égarée dans les bureaux de
la chancellerie. M. Tourné, qui, sans
doute, était pressé de ses quatre mille
francs — cela peut être — s'est fâché
tout rouge et, de sa meilleure encre, il a
lavé la tête à M. le garde des sceaux,
lequel s'est empressé de - faire recher-
cher et de renvoyer, sans mot dire, la
grosse en question. De sorte que nous
attendons d'une heure à l'autre le com-
mandement à la requête de M. Tourné.
M. Tourné, d'ailleurs, aurait ttien tort
de se gêner. Pourquoi se priverait-il de
faire l'insolent envers le gardedes sceaux?
N'a-t-il pas pour lui la magistrature?
N'est-il pas « sûr du tribunal », sûr de
la cour, sûr des juges qui, selon le vers
des Plaideurs :
lui serventde témoin
Et qui jurent pour lui quand il en a besoin.
'.1'
Pourquoi ne serait-iT; pas insolent,
puisqu'il est victorieux, puisque la
cour de cassation le tolère et que la
Chambre tolère la magistrature qui
rend possibles de semblables scan-
dales?
Car, enfin, nous prions le gouverne-
ment,! nous prions la cour de cassation,
nous prions la Chambre de constater
ceci :
Nous avons dit, nous répétons, nous
répéterons encore, impunément, sans que
personne ose nous poursuivre.
1° Que le président du tribunal de
Mont-de-Marsan est'un faussaire; -
2° Qu'il y a quatre faux témoins dans
ce même tribunal ;
3° Que la chambre correctionnelle de
la cour de Pau a commis une prévarica-
tion collective, avec préméditation.
On ne nous poursuivra pas, PARCE QUE
C'EST VRAI; et parce que, devant la cour
d'assises NOUS EN FERIONS LA PREUVE.
La cour de cassation croit-elle qu'un
pareil fait sauvegarde utilement le
prestige et l'honneur de la magistra-
ture? -
Le gouvernement et la Chambre peIJD
sent-ils qu'une pareille situation puisse
se prolonger?
- e
DERNIERES JIOUVELLES
A Ment aonw Vaadrey
Mont. sous-Vaudrey 21 septembre.
M. de Freycinet, Mme et Mlle de Freycinet
sont arrivés ici ce soir.
lté Czar à Moscou
Berlin, 21 septembre.
Une lettre de Saint-Pétersbourg, publiée
par la Gazette de t'Allemagne du Nord, dit que
le voyage de l'empereur et de l'impératrice à
Moscou se rapporte à la visite solennelle de
l'exposition.
Il ne peut pas être question d'une célébra-
tion improvisée du couronnement.
Une bonne mesure
Henin-Liétard (Pas-de-Calais), 21 septembre.
Le conseil municipal vient de décider à l'u-
nanimité, que l'ancienne école communale
tenue par des frères serait dirigée à l'avenir
par des laïques.
Le crime de Poiei
Louviers, 21 septembre.
Un assassinat a été commis à Poses. Au
moment où le sieur Laugère sortait du bal.
accompagné de sa femme et de ses enfants, il
fut accosté par trois Italiens qui se ruèrent
sur lui et lui portèrent six coups de couteau,
dont un dans la région du cœur a occasionné
la mort immédiate.
L'un des coupables a été arrêté.
làes écoles congréganiates
Saint-Etienne, 21 septembre.
Un arrêté du préfet de la Loire révoque de
ses fonctions le sieur Pascal, dit frère Pul-
chrôme des écoles chrétiennes, directeur de
l'école communale d'Apinac. Frère Pulchrôme
avait pris, sans en prévenir l'autorité, un
auxiliaire qui s'était rendu coupable d'actes
d'immoralité sur les élèves, et avait pris en-
suite la fuite.
Un autre arrêté du même préfet révoque
également de ses fonctions la dame Clémen-
çois, dite sœur Reine, directrice de l'école com-
munale des filles de Lentigny, pour s'être
livrée à des attaques contre Fenseignementr
laïque, et avoir cherché à effrayer les enfants
et les pères et mères de famille, et avoir dis-
crédité l'enseignement public.
Moeurs réactionnaires
Le Puy, 21 septembre.
Le parquet instruit en ce moment une vi.
laine affaire contre un M. S. de L. qui fait
partie de la noblesse du pays.
On a relevé contre cet immonde personnage
un grand nombre d'attentats à la pudeur sur
des petits garçons et des petites filles.
Le chiffre de ses petites victimes est consi*
dérable..
dérable. - A Rennes j
Rennes, 21 septembre.
La gendarmerie vient d'arrêter et d'écrouer
à la prison de Rennes le sieur H., bourrelier
à Dourdain, accusé de nombreux attentats à
la pudeur sur plusieurs jeunes filles et deux
enfants de moins de treize ans.
Ce misérable s'était marié tout récemment.
♦
DE LA DIGNITT!
Lisez Paris d'hier soir: le journal Gambet*
tiste se traîne aux genoux de l'Angleterre
pour la supplier de ne pas garder toute l'E..
gypte peur elle.
g Le Temps, journal discret et modéré, dit en
faisant allusion au langage des journaux gam-
bettiste : « L'attitude à prendre vis-à-vis de
» l'Angleterre, bien loin d'être celle du solli-
» citeur qui demande une grâce, doit être celle
» d'un Etat qui sait ce qu'il veut et ce qu'il
» vaut, ce qu'il a à demander et à offrir.-.
Vollà un langage français et dont les jour-
naux opportunistes, qui prétendent au mono-
pole du patriotisme, feront bien de s'inspirer.
»
M. Duclerc protecteur des Congrégations
On lit dans le Salut publtb de Lyon :
M. Duclerc possède, de par le monde. un parente
un cousin, qui fait partie d'un Ordre religieux pros-
crit. Il y a quelques jours, ce religieux est allé voir
le président du conseil; il voulait savoir a quels
sentiments avait obéi M. Duclerc en acceptant la
présidence du conseil.
- Vous me connaissez suffisamment, répondit M.,
Duclerc, pour ne pas attribuer ma résolution a une
vulgaire convoitise du pouvoir. La direction de la
politique française allait tomber entre les mains au
parti jacobin. Comme girondin, j'ai cru, devoir me
dévouer pour épargner cettecatastrophe a mon pavs.
Vous pouvez donc compter sur cinq à six mois de
répit. Mais après moi, faites vos malles! Cest le:
meilleur et le seul conseil que je puisse vous don-
ner.
Ainsi donc, M. Duclerc n'a pas seulement
accepté le ministère pour sauver la Républi-
que; il l'a encore accepté, si l'on en croit la
Salut public, pour sauver les congrégations re-
ligieuses.
li L'aveu est bon à enregistrer.
♦
LA CAPTURE D'ARABI
Hier soir, nous est parvenu, par une voie
dontfta sûreté nous est depuis longtemps
connue, un récit aussi détaillé qu'intéres-
sant de la capture d'Arabi, — le premier
de ce genre, croyons-nous, que puisse pu-
blier un journal français.
Ces renseignements, comme on va le
voir, confirment en tous points ce que le
silence étrange de la presse anglaise à ce
FEUILLETON DU 23 SEPTEMBRE 1882
——
-. 140
LES DEUX DUCHESSES
,10-, TROISIÈME PARTIE
aN COUVENT D'HOMMES
- - VI
Ce qui bouleversa les plans de M. de Suppy
- Suite
Il répondit à sa demande :
—Ce qui se passe, c'est simple. les fem-
mes sont toutes les mêmes. Quand elle
était en puissance de mari, ça l'amusait
d'avoir un amant, c'était le fruit défendu,
et maintenant qu'elle est libre, ça n'est
plus cela qu'il lui faut.
— Que me dites-vous là ? M. de Suppy
est venu voir la duchesse ?
— Oui, et la duchesse n'a pas voulu le
recevoir: elle se préparait à partir pour
Paris. M. le comte a insisté; alors il y a
eu Une scène qui a mis tout le monde en
révolution ici; la duchesse s'est presque
trouvée mal.et j'ai entendu seulement ces
mots : Jamais, jamais je ne vous pardon-
nerai, monsieur!
Fritzy, à mesure qu'elle entendait le ré-
cit de Jean, paraissait soulagée de son op-
pression. Jean continuait :
— Le comte est redescendu très pâle;
j'ai cru qu'il allait s'évanouir. Il est resté
debout qans le coin de la porte, et son
chapeau à la main, il a vu passer madame
la duchesse. Il la regardait d'un air sup-
pliant; elle est passée hautaine, insolente;
elle est montée en voiture; la voiture était
loin qu'il était encore là. J'ai entendu
qu'il disait : Oh! mon Dieu ! mon Dieu c'est
trop ! Et il avait des larmes qui coulaient
sur ses joues. C'est rudement rosse les
femmes, quand ça se sait aimé, conclut
Jean, mais c'est bien lâche, un homme,
lorsque ça a une toquade.
Fritzy souffrait bien un peu d'apprendre
l'état douloureux dans lequel la petite du-
chesse avait, par son accueil, mis le comte:
il fallait qu'il l'aimât bien pour pleurer;
mais elle se consola en pensant que cette
dernière scène finirait le roman commen-
cé; il ne penserait plus à la petite duches-
se pour ne s'occuper que d'elle. Elle monta
chez le comte, qui avait loué une chambre
dans l'hôtel, celle que venait, de quitter la
petite duchesse.
Guidée par Jean, croyant être agréable
à son maître en lui amenant la femme de
chambre de celle qu'il aimait, elle entra
dans la chambre, toute oleine des parfums
de l'autre, et elle le surprit pleurant. Elle
s'avançait en consolatrice souriante. Dès
qu'il la vit, il se leva, et menaçant il lui
dit :
- Maintenant, Fritzy, il faut en finir ;
vous allez me faire le plaisir de sortir
d'ici et de m'oublier. Votre honteuse co-
médie a causé la mort d'un homme, le
déshonneur d'une femme. C'est assez. Je
ne vous connais plus.
— Tu deviens fou.
— Je pourrais le devenir à moins. Vous
m'avez entendu, sortez d'ici et que je ne
vous revoie jamais.
— Tu me chasses comme un chien ?
— Si j'avais plus de courage, je ne de-
vrais pas vous chasser, mais vous faire
arrêter, vous et vos complices. Gueuse,
gredine!
— Oh ! c'est assez, monsieur de Suppy.
Je ne pardonne pas l'ingratitude, moi.
C'est assez, je m'en vais. Mais malheur
à vous.
— Vous ne pouvez me faire plus de mal
que vous ne m'en avez fait.
— Je suis cause de la mort d'un homme,
du déshonneur d'une femme, et vous ou-
bliez. du désespoir de son amant. Je vous
jure que pour tous vous serez l'amant de
cette femme, et jamais vous ne l'aurez.
Vous mourrez de cet amour-là, monsieur
de Suppv.,
- — Allons, assez, sortez d'ici t
Et il vint vers elle et s'apprêtait à la pren*
dre pour la pousser dehors ; elle se dé-
roba:
—Halte ! monsieur le comte,on ne me bat
que lorsque j'aime ; n'ajoutez pas à vos
sottises un acte de lâcheté.
— Sortez 1 fit le comte rouge de colère,
sortez. h.-
- Oui, oui, grand dadais, je me retire.
Et Fritzy avait un méchant rire plein de
mépris en ajoutant :
- Mais prends bien garde !. Tu es s
aiaisi!..
Elle était près de la porte ; Antoine da
Suppy se contenait avec peine ; elle dit en
core :
— Adieu, monsieur l'amant de cœur de
Mme la duchesee du Theuil. de cœut
seulement. Jamais autrement ; grand
niais. va!
Il était temps, Antoine s'élançait vers
elle. Fritzy ferma vivement la porte et
se sauva. Il l'entendit rire bruyamment
dans l'escalier.
Le comte de Suppy exhala un long sou-
pir, et. retombant avec accablement dans,
un fauteuil, il fondit en larmes.
FIN DE LA TROISIÈME PARTIE
ALEXIS BOUVIER
(La suite d demain J
A PARIS
5 — Rue Coq-Héron — A
i e
Les m't»c £ es non insérés ne seront - par iwtdus
Abonnements Î Paris
TROIS MOIS.,.. 5 FR.
SIX MOIS. « • • • * 9FR.
UN AN. lSnt.
JOURNAL POLITIQUE
QUOTIDIEN
UN NUMÉRO: 5 CENTIMES
ADonnements : Départements
TROIS MOIS. 6FR.
SIX MOIS 12 FR.
UN AN.24 FR.
SIXIÈME ANNÉE. — NUMÉRO 4981
Samedi 23 septembre 1882
(3 vendémiaire an 91)
MAGISTRATS & CRIMINELS
Nous avons des nouvelles de
M. Tourné.
M. Tourné se porte très bien. Il se
dispose à palper l'argent de la Lanterne,
et, en attendant, il vient de flanquer une
semonce vigoureuse à M. le garde des
sceaux. Ah ! le pauvre M. Devès ! Il a eu
sur les doigts, car M. Tourné ne plai-
sante pas quand on touche à ses inté-
rêts.
Voici comment la chose s'est passée :
Vous savez, certainement, que M.
Tourné, président flu tribunal de Mont-
de-Marsan, a commis un faux dans
l'exercice de ses fonctions. Ce faux qui,
si M. Tourné avait été traduit en cour
d'assises, l'eût envoyé aux galères, lui a
rapporté, devant le tribunal et la cour
de Pau, quatre mille francs. C'est, vous
le voyez, un assez bon métier quejcelui
de faussaire ; seulement', ce n'est pas
un métier à là portée de tout le monde.
Pour obtenir des prix pareils, iil faut
être bien vu du clergé, bonapartiste et
président du tribunal. Il faut, de 'plus,
avoir autour de soi quatre juges parfai-
tement décidés à servir de faux témoins
et une chambre de cour d'appel résolue
à prévariquer effrontément toutes les
fois que ce sera nécessaire. Encore
n'est-on point tout à fait sûr de l'impu-
nité finale, rien ne prouvant que la cour
de cassation n'aura pas, un jour ou
l'autre, un remords de conscience et
cinq minutes de pudeur.
Quoi qu'il soit, le faux commis par
M. Tourné lui a rapporté quatre mille
francs, dont deux mille aux frais de la
Lanterne, deux mille aux frais du Répu-
plicain Landais. Or, M. Tourné, tou-
jours vindicatif, est souvent besoigneux,
ce qui le rend pressé, deux fois pour
une, de toucher le produit de son faux.
Aussi, dès le lendemain du j
se mit en devoir de nous exécuter ron-
dement.
A vrai dire, nous nous y attendions,
et même, nous étions fort surpris de ne
pas encore avoir reçu, sous forme de
commandement, le papier timbré de
M. Tourné; mais une assignation nou-
velle, que nous venons de recevoir, nous
explique ce retard.
Disons tout de suite que cette assi-
gnation n'est point pour nousilemandei
des dommages-intérêts. Depuis le faux
qui lui a si bien réussi, M. Tourné — du
moins à notre connaissance — ne s'est
pas payé le luxe d'en commettre d'au-
tres. Il sait trop bien que, par la loi de
1881, la compétence a changé; c'est de-
vant la cour d'assises, maintenant, qu'il
faudra nous poursuivre; et la cour d'as-
sises, même dans les Basses-Pyrénées,
ne serait pas d'humeur à payer les faux
quatre mille francs la pièce. Aussi M.
Tourné — comme ses quatre faux té-
moins — se garde bien de nous poursui-
vre ; et le papier timbré que nous avons
reçu n'est qu'une simple « sommation
a d'être présent à la délivrance d'une
» nouvelle grosse du jugement rendu
» contre nous ».
Il paraît que, dans le va-et-vient entre
Paris et Pau, cette fameuse « grosse »
s'était perdue. Il paraît même — car
nous nous sommes informés — que la
pièce s'était égarée dans les bureaux de
la chancellerie. M. Tourné, qui, sans
doute, était pressé de ses quatre mille
francs — cela peut être — s'est fâché
tout rouge et, de sa meilleure encre, il a
lavé la tête à M. le garde des sceaux,
lequel s'est empressé de - faire recher-
cher et de renvoyer, sans mot dire, la
grosse en question. De sorte que nous
attendons d'une heure à l'autre le com-
mandement à la requête de M. Tourné.
M. Tourné, d'ailleurs, aurait ttien tort
de se gêner. Pourquoi se priverait-il de
faire l'insolent envers le gardedes sceaux?
N'a-t-il pas pour lui la magistrature?
N'est-il pas « sûr du tribunal », sûr de
la cour, sûr des juges qui, selon le vers
des Plaideurs :
lui serventde témoin
Et qui jurent pour lui quand il en a besoin.
'.1'
Pourquoi ne serait-iT; pas insolent,
puisqu'il est victorieux, puisque la
cour de cassation le tolère et que la
Chambre tolère la magistrature qui
rend possibles de semblables scan-
dales?
Car, enfin, nous prions le gouverne-
ment,! nous prions la cour de cassation,
nous prions la Chambre de constater
ceci :
Nous avons dit, nous répétons, nous
répéterons encore, impunément, sans que
personne ose nous poursuivre.
1° Que le président du tribunal de
Mont-de-Marsan est'un faussaire; -
2° Qu'il y a quatre faux témoins dans
ce même tribunal ;
3° Que la chambre correctionnelle de
la cour de Pau a commis une prévarica-
tion collective, avec préméditation.
On ne nous poursuivra pas, PARCE QUE
C'EST VRAI; et parce que, devant la cour
d'assises NOUS EN FERIONS LA PREUVE.
La cour de cassation croit-elle qu'un
pareil fait sauvegarde utilement le
prestige et l'honneur de la magistra-
ture? -
Le gouvernement et la Chambre peIJD
sent-ils qu'une pareille situation puisse
se prolonger?
- e
DERNIERES JIOUVELLES
A Ment aonw Vaadrey
Mont. sous-Vaudrey 21 septembre.
M. de Freycinet, Mme et Mlle de Freycinet
sont arrivés ici ce soir.
lté Czar à Moscou
Berlin, 21 septembre.
Une lettre de Saint-Pétersbourg, publiée
par la Gazette de t'Allemagne du Nord, dit que
le voyage de l'empereur et de l'impératrice à
Moscou se rapporte à la visite solennelle de
l'exposition.
Il ne peut pas être question d'une célébra-
tion improvisée du couronnement.
Une bonne mesure
Henin-Liétard (Pas-de-Calais), 21 septembre.
Le conseil municipal vient de décider à l'u-
nanimité, que l'ancienne école communale
tenue par des frères serait dirigée à l'avenir
par des laïques.
Le crime de Poiei
Louviers, 21 septembre.
Un assassinat a été commis à Poses. Au
moment où le sieur Laugère sortait du bal.
accompagné de sa femme et de ses enfants, il
fut accosté par trois Italiens qui se ruèrent
sur lui et lui portèrent six coups de couteau,
dont un dans la région du cœur a occasionné
la mort immédiate.
L'un des coupables a été arrêté.
làes écoles congréganiates
Saint-Etienne, 21 septembre.
Un arrêté du préfet de la Loire révoque de
ses fonctions le sieur Pascal, dit frère Pul-
chrôme des écoles chrétiennes, directeur de
l'école communale d'Apinac. Frère Pulchrôme
avait pris, sans en prévenir l'autorité, un
auxiliaire qui s'était rendu coupable d'actes
d'immoralité sur les élèves, et avait pris en-
suite la fuite.
Un autre arrêté du même préfet révoque
également de ses fonctions la dame Clémen-
çois, dite sœur Reine, directrice de l'école com-
munale des filles de Lentigny, pour s'être
livrée à des attaques contre Fenseignementr
laïque, et avoir cherché à effrayer les enfants
et les pères et mères de famille, et avoir dis-
crédité l'enseignement public.
Moeurs réactionnaires
Le Puy, 21 septembre.
Le parquet instruit en ce moment une vi.
laine affaire contre un M. S. de L. qui fait
partie de la noblesse du pays.
On a relevé contre cet immonde personnage
un grand nombre d'attentats à la pudeur sur
des petits garçons et des petites filles.
Le chiffre de ses petites victimes est consi*
dérable..
dérable. - A Rennes j
Rennes, 21 septembre.
La gendarmerie vient d'arrêter et d'écrouer
à la prison de Rennes le sieur H., bourrelier
à Dourdain, accusé de nombreux attentats à
la pudeur sur plusieurs jeunes filles et deux
enfants de moins de treize ans.
Ce misérable s'était marié tout récemment.
♦
DE LA DIGNITT!
Lisez Paris d'hier soir: le journal Gambet*
tiste se traîne aux genoux de l'Angleterre
pour la supplier de ne pas garder toute l'E..
gypte peur elle.
g Le Temps, journal discret et modéré, dit en
faisant allusion au langage des journaux gam-
bettiste : « L'attitude à prendre vis-à-vis de
» l'Angleterre, bien loin d'être celle du solli-
» citeur qui demande une grâce, doit être celle
» d'un Etat qui sait ce qu'il veut et ce qu'il
» vaut, ce qu'il a à demander et à offrir.-.
Vollà un langage français et dont les jour-
naux opportunistes, qui prétendent au mono-
pole du patriotisme, feront bien de s'inspirer.
»
M. Duclerc protecteur des Congrégations
On lit dans le Salut publtb de Lyon :
M. Duclerc possède, de par le monde. un parente
un cousin, qui fait partie d'un Ordre religieux pros-
crit. Il y a quelques jours, ce religieux est allé voir
le président du conseil; il voulait savoir a quels
sentiments avait obéi M. Duclerc en acceptant la
présidence du conseil.
- Vous me connaissez suffisamment, répondit M.,
Duclerc, pour ne pas attribuer ma résolution a une
vulgaire convoitise du pouvoir. La direction de la
politique française allait tomber entre les mains au
parti jacobin. Comme girondin, j'ai cru, devoir me
dévouer pour épargner cettecatastrophe a mon pavs.
Vous pouvez donc compter sur cinq à six mois de
répit. Mais après moi, faites vos malles! Cest le:
meilleur et le seul conseil que je puisse vous don-
ner.
Ainsi donc, M. Duclerc n'a pas seulement
accepté le ministère pour sauver la Républi-
que; il l'a encore accepté, si l'on en croit la
Salut public, pour sauver les congrégations re-
ligieuses.
li L'aveu est bon à enregistrer.
♦
LA CAPTURE D'ARABI
Hier soir, nous est parvenu, par une voie
dontfta sûreté nous est depuis longtemps
connue, un récit aussi détaillé qu'intéres-
sant de la capture d'Arabi, — le premier
de ce genre, croyons-nous, que puisse pu-
blier un journal français.
Ces renseignements, comme on va le
voir, confirment en tous points ce que le
silence étrange de la presse anglaise à ce
FEUILLETON DU 23 SEPTEMBRE 1882
——
-. 140
LES DEUX DUCHESSES
,10-, TROISIÈME PARTIE
aN COUVENT D'HOMMES
- - VI
Ce qui bouleversa les plans de M. de Suppy
- Suite
Il répondit à sa demande :
—Ce qui se passe, c'est simple. les fem-
mes sont toutes les mêmes. Quand elle
était en puissance de mari, ça l'amusait
d'avoir un amant, c'était le fruit défendu,
et maintenant qu'elle est libre, ça n'est
plus cela qu'il lui faut.
— Que me dites-vous là ? M. de Suppy
est venu voir la duchesse ?
— Oui, et la duchesse n'a pas voulu le
recevoir: elle se préparait à partir pour
Paris. M. le comte a insisté; alors il y a
eu Une scène qui a mis tout le monde en
révolution ici; la duchesse s'est presque
trouvée mal.et j'ai entendu seulement ces
mots : Jamais, jamais je ne vous pardon-
nerai, monsieur!
Fritzy, à mesure qu'elle entendait le ré-
cit de Jean, paraissait soulagée de son op-
pression. Jean continuait :
— Le comte est redescendu très pâle;
j'ai cru qu'il allait s'évanouir. Il est resté
debout qans le coin de la porte, et son
chapeau à la main, il a vu passer madame
la duchesse. Il la regardait d'un air sup-
pliant; elle est passée hautaine, insolente;
elle est montée en voiture; la voiture était
loin qu'il était encore là. J'ai entendu
qu'il disait : Oh! mon Dieu ! mon Dieu c'est
trop ! Et il avait des larmes qui coulaient
sur ses joues. C'est rudement rosse les
femmes, quand ça se sait aimé, conclut
Jean, mais c'est bien lâche, un homme,
lorsque ça a une toquade.
Fritzy souffrait bien un peu d'apprendre
l'état douloureux dans lequel la petite du-
chesse avait, par son accueil, mis le comte:
il fallait qu'il l'aimât bien pour pleurer;
mais elle se consola en pensant que cette
dernière scène finirait le roman commen-
cé; il ne penserait plus à la petite duches-
se pour ne s'occuper que d'elle. Elle monta
chez le comte, qui avait loué une chambre
dans l'hôtel, celle que venait, de quitter la
petite duchesse.
Guidée par Jean, croyant être agréable
à son maître en lui amenant la femme de
chambre de celle qu'il aimait, elle entra
dans la chambre, toute oleine des parfums
de l'autre, et elle le surprit pleurant. Elle
s'avançait en consolatrice souriante. Dès
qu'il la vit, il se leva, et menaçant il lui
dit :
- Maintenant, Fritzy, il faut en finir ;
vous allez me faire le plaisir de sortir
d'ici et de m'oublier. Votre honteuse co-
médie a causé la mort d'un homme, le
déshonneur d'une femme. C'est assez. Je
ne vous connais plus.
— Tu deviens fou.
— Je pourrais le devenir à moins. Vous
m'avez entendu, sortez d'ici et que je ne
vous revoie jamais.
— Tu me chasses comme un chien ?
— Si j'avais plus de courage, je ne de-
vrais pas vous chasser, mais vous faire
arrêter, vous et vos complices. Gueuse,
gredine!
— Oh ! c'est assez, monsieur de Suppy.
Je ne pardonne pas l'ingratitude, moi.
C'est assez, je m'en vais. Mais malheur
à vous.
— Vous ne pouvez me faire plus de mal
que vous ne m'en avez fait.
— Je suis cause de la mort d'un homme,
du déshonneur d'une femme, et vous ou-
bliez. du désespoir de son amant. Je vous
jure que pour tous vous serez l'amant de
cette femme, et jamais vous ne l'aurez.
Vous mourrez de cet amour-là, monsieur
de Suppv.,
- — Allons, assez, sortez d'ici t
Et il vint vers elle et s'apprêtait à la pren*
dre pour la pousser dehors ; elle se dé-
roba:
—Halte ! monsieur le comte,on ne me bat
que lorsque j'aime ; n'ajoutez pas à vos
sottises un acte de lâcheté.
— Sortez 1 fit le comte rouge de colère,
sortez. h.-
- Oui, oui, grand dadais, je me retire.
Et Fritzy avait un méchant rire plein de
mépris en ajoutant :
- Mais prends bien garde !. Tu es s
aiaisi!..
Elle était près de la porte ; Antoine da
Suppy se contenait avec peine ; elle dit en
core :
— Adieu, monsieur l'amant de cœur de
Mme la duchesee du Theuil. de cœut
seulement. Jamais autrement ; grand
niais. va!
Il était temps, Antoine s'élançait vers
elle. Fritzy ferma vivement la porte et
se sauva. Il l'entendit rire bruyamment
dans l'escalier.
Le comte de Suppy exhala un long sou-
pir, et. retombant avec accablement dans,
un fauteuil, il fondit en larmes.
FIN DE LA TROISIÈME PARTIE
ALEXIS BOUVIER
(La suite d demain J
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