Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1874-07-02
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 juillet 1874 02 juillet 1874
Description : 1874/07/02 (N1574). 1874/07/02 (N1574).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7537053r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
in* IGV& — Jeudi 2 -Juillet-iBn. JLe iraméro i AG e. - i.. Départements t 16 e« 44 Messidor an 82 — N* 1574
U -Juillet, iB7b. ]Le faumére 8 1
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
L)c k a 6 heures du soir
18, RUE DE VALOIS, 18
''Les manuscrits non insérés ne seront pas randue
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- 1
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C,
6. ^.uct de lu Bourse, &
ADMINISTRATION
Ht, BUE DE VALOIS, Il
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FABI8
frols mois. 10 »
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DËPARTSMMtM
Trois mois 13 50
Six mois 27 »
Adresser lettres et mandats
A M. ERNEST LEFÈYR1
A&HINiâlHATSim-GfolAftï
PAS DE RAPPORT
Donc, elle était dans le 11e bureau, la
jeune commission, enceinte depuis trois
ans d'un gouvernement définitif, — car
les commissions « portent » trois ans,
mais les femelles d'hippopotame en
portent bien quatre ! Elle était là pen-
sive depuis quinze jours, écoutant les
enfants jouer dans le parc, les petits oi-
seaux chanter dans les branches, les
militaires souffler dans les trombones
sous les quinconces, et, de temps en
temps, quand les autres bruits ces-
saient, M. de Kerdrel prononçait un
grand discours politique. L'Assemblée
souveraine avait voté l'urgence.
Elleétaitlà, lajeuno commission, éten-
due sur le tapis vert de la grande table
de chêne, quand, tout à coup, cette idée
lui vint que peut-être il fallait faire
quelque chose ou, du moins, qu'il fallait
sembler désirer mettre un petit enfant
au monde, n'importe lequel, ne fût-ce que
pour amuser les badauds et les hommes
de désordre qui, depuis trois années,
demandent un gouvernement définitif.
La jeune commission, ayant promené
ses regards autour d'elle, se pencha
vers le comte Daru.
- 0 toi! dit-elle, toi qui sais com-
ment on sauve les empires ébranlés; toi
qui as été ministre de Napoléon III, toi
qui as été le collègue d'Emile Ollivier,
toi qui as été pour quelque chose dans
]e plébiscite et pour quelque chose dans
la guerre, viens à mon aide ; il s'agit de
perdre un mois ou deux à chercher les
moyens de ne pas nous donner de cons-
> titution.
(
L'Assemblée nous a envoyé une pro-
position à examiner. L'Assemblée a voté
que cet examen était urgent. Autrefois,
une commission républicaine fut nom-
mée pour examiner une proposition avec
laquelle on espérait enterrer la Répu-
blique. Dès le lendemain, comme elle
ne présentait pas son rapport, les faux
conservateurs commencèrent à l'inju-
rier. Ils crièrent que les républicains
« trahissaient» la France. Nous qui ne
sommes pas républicains, nous pouvons
tenir le pays et l'Assemblée le bec dans
l'eau. Les affaires souffrent de tant de
retards; le commerce et l'industrie se
plaignent. Ne te presse pas, ô mon
comte bien aimé ! Ecoute les trombones
qui chantent sous les marronniers; re-
garde les petits enfants gravir en cou-
rant les escaliers de marbre; regarde les
petits poissons rouges dans les bassins.
Si tu as le temps, tu parleras avec M. de
Lacombe ou avec M. de Ventavon.du
gouvernement définitif.
En votant l'urgence, l'Assemblée a
paru incliner à la République. Depuis
trois ans, le pays tout entier demande
la République. Les quatre points cardi-
naux envoient à la Chambre des répu-
blicains. Mais vous ne voulez pas de la
République, vous, mon cher comte? Il
me semble que je n'en veux pas non
plus. Puisque vous ne voulez pas de la.
République et que je n'en veux pas non
plus, nous serions bien bêtes de la pro-
clamer. Il est clair et surabondamment
démontré que, si la France nous a élus
le 8 février 1871, c'est pour que nous
puissions organiser le gouvernement
qi plaira le plus au comte Daru. Pro-
posez-nous donc la monarchie, mon
cher comte. Cela divertira un peu les
puissances étrangères.
La meilleure constitution, mon cher
comte, c'est de rester députés le plus
longtemps possible et de tâcher de de-
venir ministres. Est-ce que vous n'êtes
pas satisfait de Versailles? Ma foi! on
mange très bien à l'hôtel des Réservoirs.
Les trains directs pour Paris sont fort
commodes. La promenade du parc est
charmante. Savez-vous qu'on y rencon-
tre, le dimanche, de fort jolies et fort
aimables demoiselles ? Où les perturba-
teurs ont-ils pris que la France était fa-
tiguée du provisoire ?
Ne vous inquiétez donc, o cher comte,
ni des votes d'urgence de * l'Assemblée,
ni des prétendus besoins du pays. Res-
tez chez vous. Taillez des plumes ou
fabriquez des cocottes en papier, comme
au temps où vous étiez ministre. Le
patriotisme consiste à ne rien faire, le
devoir à éluder les ordres de l'Assem-
blée, le dévouement à conserver notre
situation. Vous êtes trop pénétré de ces
idées, mon cher comte, pour ne pas les
glisser dans votre rapport, et j'ose
même dire, mon comte bienaimé, que
vous en êtes trop pénétré pour jamais
écrire tfti JBPînanquê "de rap-
port nous permettra de gagner les va-
cances ; l'hiver prochain, nous invente-
rons autre chose. Et ainsi, d'expédients
en expédients, nous parviendrons à at-
teindre le but qu'ont poursuivi tous les
grands patriotes, tous les hommes dé-
voués, tous les héros : la députation
éternelle.
La jeune commission cessa de parler.
Le comte leva sa belle tète blanche. Il
vit alors, à travers les brouillards de
l'avenir, des députés qui vieillissaient
sur leurs sièges, qui s'y desséchaient et
qui y tombaient en poussière. Et les
huissiers allaient de ci de là, ramassant
les cendres dans des pelles à feu; et ces
cendres frétillaient, et se rebiffaient, et
semblaient murmurer : pas encore !
EDOUARD LOCKllOY.
I.G:IJP-
• LES COULISSES DE VERSAILLES
Comme on pouvait s'y attendre, la déci-
sion de la commission des Trente, que nous
avons fait connaître, faisait hier encore
l'objet de toutes les conversations. L'im-
pression de la première heure n'a fait que
s'accentuer. L'opinion générale est que la
commission a voulu user d'un moyen dila-
toire pour tâcher de prolonger le statu
quo.
• Il est avéré qu'il y avait deux listes en
présence pour la nomination de la sous-
commission. Celle qui a été battue portait
les noms de MM. Antonin Lefèvre-Pontalis
et Lambert-Sainte-Croix. L'échec qu'elle a
éprouvé provient - uniquement de ce que
ces deux membres soutenaient le septennat
impersonnel.
Les membres de la droite et de l'extrême
droite ne dissimulent pas-qu'ils ont voulu
replacer la question constitutionnelle sur
le terrain du 20 novembre, et qu'ils sont
décidés à empêcher qu'on organise autre
chose que le pouvoir exclusivement per-
sonnel du maréchal de Mac-Mahon.
La sous-commission formée de MM.
Daru, de Ventavon et de Lacombe, a tenu
séance hier à Versailles, et a entendu MM.
Lambert Sainte-Croix et Wallon, qui ont
développé leurs propositions respectives.
On croit que cette sous-commission fera
un rapport aujourd'hui à la commission
des Trente en séance générale. Mais la
commission aura encore à statuer sur ce
rapport et à nommer un rapporteur défini-
tif. Or, on ne croit pas que ces résolutions
soient prises aujoui'&iiiv:;. Bref, ou va es-
sayer de traîner encore les choses en lon-
gueur.
—o—
Les groupes de la gauche sont décidés à
ne pas autoriser par leur silence cette con-
duite qui est la négation formelle du vote
d'urgence du i5 juin dernier. -
Aussi croyons-nous savoir que, si aujour-
d'hui la commission des Trente n'aboutit
pas e une conclusion, une motion sera
faite à la tribune. Les bureaux des trois
groupes de la gauche se sont réunis pour
délibérer à ce sujet.
—o—
M. Magne regrette, paraît-il, d'avoir posé
la question de portefeuille dans la commis-
sion du budget, au sujet du maintien des
200 millions de l'amortissement annuel de
la Banque.
Il croyait que la seule menace suffirait à
briser la résistance de la commission du
budget; mais il s'est fait illusion.
En présence de l'opposition qu'il ren-
contre, M. Magne va, dit-on, faire proposer
par ses amis l'impôt du sel que l'Assem-
blée a déjà rejeté. Une demande de scrutin
secret serait déposée, et, si le vote était fa,
vorable, M. Magne déclarerait qu'il ne se
retirera pas. -
Mais le centre droit et la droite parais-
sent assez peu disposés à soutenir le mi-
nistre bonapartiste des finances, et l'on a
remarqué les articles de la Presse et du
Français qui prévoient sa retraite et s'en
consolent d'avance.
Hier la 28e commission d'initiative devait
entendre M. de La Rochefoucauld au sujet
de sa proposition de restauration-monar-
chique déposée le 15 juin dernier. Mais no-
tre ambassadeur à Londres a télégraphié
hier à M. Daguenet, président de la com-
mission, qu'il allait arriver à Versailles
jeudi et qu'il demandait à la commission
de vouloir bien surseoir au débat jusqu'à
vendredi, promettant de se rendre auprès
d'elle ce jour-là pour fournir des explica-
tions.
Deux des co-signataires du duc de La
Rochefoucauld, MM. de Tarteron et le co-
lonel Carron, étaient présents à Versailles
et s'offraient pour parler devant la com-
mission, dans le cas où elle ne voudrait pas
différer le débat.
M. de Montgolfier, membre de la com-
mission, a demandé qu'on statuât immé-
diatement, mais la majorité a décidé d'a-
journer jusqu'à vendredi.
La commission a repris ensuite la dis-
cussion sur le principe de la levée de l'état
de siège, dont elle est saisie par 23 propo-
sitions qui lui ont été renvoyées.
MM. le général Robert, Arfeuillères et
Bottieau, du centre droit, ont énergique-
ment demandé le maintien de l'état de
siège.
MM. Fourcand, Briliier et Lepetit, de la
gauche, ont développé les raisons de fait et
de droit qui en demandent la levée.
La commission, avant de statuer sur la
prise en considération des propositions, a
décidé de nouveau qu'elle prierait le mi-
nistre de l'intérieur de venir lui faire con-
naître l'avis du gouvernement. Une pre-
mière invitation déjà faite à M. de Fourtou
n'avait eu aucun résultat.
—o—
La 29e commission d'initiative s'est éga-
lement réunie hier. Elle était saisie de deux
demandes de levée de l'état de siège : l'une
de M. Georges Périn, pour le département
de la Haute-Vienne; l'autre de MM. liou-
vier, Lockroy, Challemrl-Lacour, Bouehet,
Amat.Fraissinet, Esquiros et Tardieu, pour
le département des Bouehes-du-llhône.
Avant de statuer, la commission veut
aussi entendre M. de Fourtou. Il sera donc
difficile au ministre do l'intérieur d'éviter
plus longtemps de se prononcer sur la grave
question de l'état de siège, puisqu'il est
invité à s'expliquer par deux commissions
de l'Assemblée.
Nous rappellerons que la 298 commission
est composée de dix-huit membres de la
gauche et douze dé la droite. La prise en
considération des deux propositions n'est
donc pas douteuse.
—o—
On sait que M. de Bourgoing, au cours
de la période, électorale dans la Nièvre,
s'est prévalu d'un prétendu patronage de
M. le président de la République. M. d'Har-
court, secrétaire général de la présidence,
vient de communiquer à la commission
chargée de la vérification des pouvoirs de
M. de Bourgoing la correspondance qu'il a
échangée avec le candidat, afin de rétablir
la vérité de la situation. „
Contrairement à l'attente générale, la
-question de l'âge de l'électorat municipal
sera encore posée-devant la Chambre au
cours de la 3e délibération.
La commission de décentralisation, il
est vrai, a substitué dans la rédaction dé-
finitive du projet l'âge de 21 ans admis par
la Chambre à celui de 25 ans qu'elle soute-
nait primitivement. Mais M. le général Loy-
sel a déposé un amendement qui sera pro-
bablement discuté aujourd'hui et qui de-
mande le maintien de l'âge de 25 ans.
Le rejet de cetamendement obstiné n'est
plus douteux, après les décisions antérieu-
res de la Chambre.
—o—
Nous avons fait connaître les résultats
de l'entrevue qu'a eue samedi M. de Cu-
mont avec la commission de l'enseigne-
ment supérieur.
La commission s'est réunie hier et a
maintenu les deux points sur lesquels elle
est en désaccord avec le ministre de l'ins-
truction publique.
Elle maintient la liberté des cours, que
repousse M. de Cumont. Elle maintient,
en outre, la nécessité d'un stage de cinq
années pour que les universités libres
puissent acquérir le droit de collation des
grades, contrairement à l'opinion de M. de
Cumont qui admettait l'usage immédiat de
ce droit, à condition que les universités li-
bres fussent composées de quatre facultés
au lieu de deux.
«S WkoBC «îttiw;
imBBM
LA SEANCE
La journée, qui promettait d'être assez
insignifiante, a été, au contraire, fort ani-
mée. C'est d'abord M. le marquis de Franc-
lieu, qui, prenant occasion de certains ar-
ticles de journaux dans lesquels il a vu
une provocation à un coup d'Etat, est venu
déposer à la tribune un projet de loi sur la
presse, dont il a lu l'exposé des motifs.
On sait qu'il est rare que ses amis mêmes
accordent à un homme plus d'une grande
qualité ; c'est pour cela peut-être que les
amis du marquis de Franclieu, qui ren-
dent unanimement hommage à sa loyaû-
té virile, ne veulent pas lui reconnaître
le don de l'esprit politique. Nous ne
sommes point juges de la question;
mais ce que nous pouvons affirmer, c'est
que le projet présenté par l'honorable
membre soutiendrait, sans nul désavan-
tage, La comparaison avec tous ceux qu'ont
élaborés et qu'élaborent encore les grandes
commissions passées et présentes de l'As-
semblée. M. de Franclieu nous paraît sa-
voir ce qu'il veut, et si ce n'est pas en cela
que consiste l'esprit politique, c'en est au
moins la condition la plus essentielle.
Quoi qu'il en soit, un projet qui ne sup-
pose pas la perpétuité de l'état de siège, ou
qui ne lui substitue pas quelques combi-
naisons aussi favorables à l'arbitraire, ne
pouvait être bien vu des libéraux du centre
droit, qui ont passé leur vie, sous l'em-
pire, à réclamer la liberté de la presse.
L'urgence, demandée par M. de Franclieu,
n'a pas été votée.
Après cet incident est venue la discus-
sion, en troisième lecture, de la loi muni-
cipale. M. de Chabrol a rendu compte de
quelques modifications de détail apportées
par la commission dans son travail. Puis
la parole a été donnée à M. Jouin contre
l'ensemble du projet. Le discours de l'ho-
norable membre, dont nous ne saurions
trop recommander la lecture, car tous les
mots portent, restera certainement, dans
sa forme simple et familière, comme l'un
des meilleurs de la session. Il était impos-
sible de mettre plus complètement à nu
les hypocrisies des pseudo-libéraux et des
renégats du grand principe de la décentra-
lisation. Du commencement à la fin, M.
Jouin s'est montré implacable, et il a fait
également'bonne justice des finasseries du
projet et des palinodies de ses défen-
seurs.
Tout d'abord, l'orateur a signalé le con-
traste attristant que présente, en regard
des autres états de l'Europe, l'attitude des
hommes politiques de nos classes diri-
geantes. Tandis que partout on s'occupe
d'étendre le droit de suffrage en France,
c'est à le restreindre le plus possible que
s'ingénient les conservateurs. Ils vont
ainsi à rebours du courant général de l'é-
poque. En d'autres temps, il est vrai, ces
mêmes hommes tenaient un autre langage.
Les libertés communales les comptaient
parmi leurs plus ardents apologistes, et M.
Jouin s'est donné le plaisir de citer cer-
tains discours de M. Batbie et de M. de
Fourtou, discours vieux seulement de deux
années, et que ni l'un ni l'autre de ces
personnages politiques ne prononcerait
aujourd'hui. »
C'est à la loi même que M. Jouin s'est
ensuite attaqué, discutant à la fois sa let- ,
tre et son esprit. Reprenant une question
déjà traitée avec une grande éloquence par
M. Louis Blanc, dans un précédent débat,
mais l'abordant par un côté plus intime,
plus réaliste, si l'on peut ainsi parler, M.
Jouin a fait justice de cette insolente dis-
tinction entre ceux qui ont des intérêts
dans la commune et ceux qui n'en ont pas,
entre les riches et les pauvres, pour appe-
ler, comme lui, les choses par leur nom.
A M. de Larcv. Qui s'apitoyait naguère
sur le sort des pauvres propriétaires, non
électeurs dans les communes où ils possè-
dont,-et réduite, sjjlon l esBeniRistre, à la
condition de parias, l'honorable M. Jouin
a demandé quelle serait donc la condition
de ces ouvriers, de ces travailleurs établis
depuis dix-huit mois dans la commune,
connus, estimés de tous, y supportant,
comme tous, les taxes de consommation,
et n'ayant cependant pas le droit de pren-
dre part aux élections. Ne sont-ce pas là
les vrais parias, plus dignes cent fois d'in-
térêt que ces propriétaires, jugés si malheu-
reux par M. de Larcy parce qu'ils n'au-
ront pas autant de suffrages distincts qu'ils
ont de Dronriétés séparées ?
La droite, que cette démonstration irri-
tait, a laissé échapper une interruption
imprudente par l'organe de M. Paulin Gil-
Ion. « Il ne suffit pas d'être honnête hom-
me pour voter dans la commune », a dit
cet honorable membre. L'aveu est tardif,
mais il n'en est pas moins précieux, et
nous voici bien loin de Y épuration du suf-
frage universel, formule commode derrière
laquelle se sont abrités longtemps les
champions de l'ordre moral. On le confesse
à présent : ce ne sont plus seulement les
indignes qu'on veut exclure. line suffit pas
d'être honnête homme pour voter. Que veu-
lent donc de plus M. Paulin Gillon et ses
amis? ,
L'aveu restera comme le commentaire
du projet, et ce ne sont pas les emporte-
ments du rapporteur qui pourront détruire
l'effet produit par le discours de M. Jouin.
Une protestation n'est pas une réfutation,
et, puisque M. de Chabrol ne trouvait rien
à dire, il eût mieux fait, pour lunniême, de
donner à l'explosion de son éloquence le
temps de la réflexion. Il a promis des ar-
guments pour aujourd'hui; nous verrons
bien. Mais s'il réussit seulement à atténuer
l'effet du coup porté à la loi par M. Jouin,
il aura bien mérité de ses amis, car la tâ-
che est rude.
Ã. GAUUER.
PDÏSBM3 DE LA Ém
C'est une figure, que celle de M. de Franc-
lieu, Im i.^iiez un vieux brave marquis, un
marquis du bon vieux temps, comme on n'en
[ait. plus, brusque, original, bonhomme en
iiable, mais vert et bien vivant; un cœur
l'or, un bon sens qui s'échappe par bouta-
les, une excentricité qui n'en fait qu'à sa
lête, et un incorrigible entêtement de
loyauté. Imaginez tout cela : vous com-
prendrez qu'il passe pour un peu fou. Ses
incartades font la terreur de ses amis.
Croiriez-vous --vin v.v' i-hs*'né vieillard est
légitimiste, et a-t-on idée d'une folie pa-
reille? Mon Dieu! VOM« me direz que d'au-
tres le sont bien. Entendons-nous. Se dire
dévot à Henrv V et au Sacré-Cœur, aller à
Frohsdorff, s'abonnera la Gazette de France,
cogner sur les radicaux, porter des fleurs
de lys sur ses boutons. rien, n'est plus
naturel. Cela pose bien, vous introduit
dans la meilleure compagnie, et peut rap-
porter quelques avantages, pourvu qu'on
reste sans exagération, qu on admette des
accommodements, qu'on se mêle, au be-
soin, aux intrigues orléanistes, qu'on soit
pratique, en un mot. Notre marquis n'est
qu'un pauvre homme : il a le ridicule d'a-
voir sa conviction ancrée dans le ceryeau
et dans le cœur, de haïr les tempéraments v
et de ne point fermer les yeux quand il
convient. Est-il rien de plus absurde? Et
ne conçoit-on pas que ses voisins plus avi-
sés, ex-amis de l'orléaniste de Broglie, l'es-
timent au fond un peu fêlé ?
Fêlé. hélas!. il l'est effroyablement.
Il ne sait pas tenir sa langue. Il lâche les
incongruités les plus énormes. II. dit des
tas de choses saugrenues. Quand il a une
idée, et quelle idée! il faut qu'il la crie
sur les toits. Par exemple, ne s'avise-t-il
pas de vous prétendre que « l'état de siège
n'a plus de raison d'être » ? Il est vrai que
les Prussiens ont quitté le territoire et que
la France est tranquille; mais l'intérêt pu-
blic n'exige-t-il pas que M. de Fourtou
puisse supprimer les journaux républicains
quand les journaux bonapartistes parlent
trop haut? Il trouve encore que, quand ta
presse est soumise au régime administra-
tif, le gouvernement est « juge et partie ».
A-t-on idée de pareilles bizarreries? Ces.
choses-là se pensaient et se disaient sous
l'empire, alors qu'on était dans l'opposi-
tion. Mais il faut avoir de ces entêtements
d'honnêteté qui n'appartiennent qu'aux
gens un peu toqués pour parler de la sorte
encore aujourd'hui.
En un mot, notre marquis est un homme
à marottes : il donne dans cette rare ma-
nie qui consiste à rester franchement roya-
liste et sincèrement libéral, dans la droite
de Versailles. Son état relève de la méde-
cine ; il est atteint de cette variété d'alié-
nation mentale quis'appelle « convictiollJ).
On comprend que MM. B"-agnon, de Ker-
drel, et de Meaux, et les autres, le consi-
dèrent comme un fou dangereux, auquel
il faudrait une camisole de force. Quand,
prenant au sérieux sa foi légitimiste, il dit :
« Le roi seul peut nous sauver», M. de Ker-
drel sourit, et dit: « Il a une lézarde M.
Quand, prenant au sérieux son libéralisme,
il combat la loi des maires ou le régime du
bon plaisir appliqué à la presse, M. Bara-
gnon se touche le front et' dit à son voisin :
« Le hanneton ! »
Grâce à ce travers incorrigible, M. le
marquis de Franclieu fait à chaque instant-
des frasques; il se permet d'avoir tout haut
le sens commun, ce qui est compromet-
tant pour ses amis. Aussi le craint-on
comme la peste, pis encore, comme la vé-
rité, et, si l'on avait un moyen de s'accro-
cher aux basques de son habit pour l'em-
pêcher de monter à la tribune, on le ferait.
Mais ce serait délicat. Eh bien! il s'est en-
core échappé aujourd'hui.
Le sujet était un article du Figaro, qui
a un air de famille, d'ailleurs concevable,
avec le fameux article de « Pavia ! Pavia ! »
M. de Franclieu. (j'ai averti qu'il était
original) trouve remarquable qu'alors qu'on
frappe sur les journaux pour ce que vous
savez, il se publie à côté des menaces da
coup de force contre l'Assemblée. Il vou-
lait demander, non sans-doute la mort du
coupable, mais l'avis du ministre, par une
question parlementaire. Chose étrange t
M. de Fourtou a refusé la question. -Pour-
quoi? Que voulait-il éviter? Que voyait-il
de gênant pour lui dans cette matière ï
Nous avons fait de vains efforts pour le
conjecturer. tout bas. Pour le conjectu-
rer tout haut, ce serait chose périlleuse:
Dieu nous en préserve !
Mais notre vieux marquis a le diablç ac
corps. On lui refuse la porte, il entre pat
feuilleton du Mtappei
DU 2 JUILLET
t
> -"
51
,
iATRIIIiHRIIZl
TROISIÈME PARTIE
E2 3M VEXDÉB
LIVRE Il
LES TROIS ENFANTS
7
VIII
Dolorosa
Cependant la mère cherchait ses pe-
tits.
Elle allait devant elle. Comment vi-
Reproduction, môme partielle, interdite.
Voir les numéros du Rappel du 27 avril
lu 1er juillet.
vait-elle? Impossible de le dire. Elle ne
le savait pas elle-même. Elle marcha
des jours et des nuits ; elle mendia,
elle mangea de l'herbe, elle coucha à
terre, elle dormit en plein air, dans les
broussailles, sous les étoiles, quelque-
fois sous la pluie et la bise.
Elle rôdait de village en village, de
métairie enmétairie, s'informant. Elle
s'arrêtait aux seuils. Sa robe était en
haillons.
Quelquefois on l'accueillait,' quel-
quefois on la chassait. Quand elle ne
pouvait entrer dans les maisons, elle
allait dans les bois.
Elle ne connaissait pas le pays, elle
ignorait tout, excepté Siscoignard et la
paroisse d'Azé, elle n'avait point d'iti-
néraire, elle revenait sur ses pas, re-
commençait une route déjà parcou-
rue, faisait du chemin inutile. Elle sui-
vait tantôt le pavé, tantôt l'ornière
d'une charrette, tantôt les sentiers dans
les taillis.
A cette vie au hasard, elle avait
usé' ses misérables vêtements. Elle
avait marché d'abord avec ses souliers,
puis avec ses pieds nus, puis avec ses
pieds sanglants.
Elle allait à travers la guerre, à tra-
vers les coups de fusil, sans rien enten-
dre, sans rien voir, sans rien éviter,
cherchant ses enfants.
Tout étant en révolte, il n'y avait plus
de gendarmes, plus de maires, plus
d'autorités. Elle n'avait affaire qu'aux
passants.
Elle leur parlait. Elle demandait
1 — Avez-vous vu quelque part trois
petits enfants ? ,
Les passants levaient la tête.
— Deux garçons et une fille, disait-
elle.
Elle continuait :
— René-Jean, Gros-Alain, Georgette ?
Vous n'avez pas vu ça? -
Elle poursuivait :
- L'aîné a quatre ans et demi, la pe-
tite a vingt mois.,
Elle ajoutait :
— Savez-vous où ils sont? on me les
a pris.
On la regardait, et c'était tout.
1 Voyant qu'on ne la comprenait pas,
elle disait :
— C'est qu'ils sont à moi. Voilà pour-
quoi.
Les gens passaient leur chemin.
Alors elle s'arrêtait et ne disait plus
rien, et se déchirait le sein avec les on-
gles.
Un jour pourtant un paysan l'écouta.
Le bonhomme se mit à réfléchir.
— Attendez donc, dit-il. Trois en-
fants?
— Oui.
— Deux garçons ?.
— Et une fille.
— C'est ça que vous cherchez?
- Oui.
- J'ai oúï parler d'un seigneur qui
avait pris trois petits enfants et qui les
avait avec lui.
— Où est cet homme? cria-t-elle. Où
sont-ils?
Le paysan répondit:
— Allez à la Tourgue.
— Est-ce que c'est là que je trouverai
mes enfants?
— Peut-être bien que oui.
— Vous dites?.
— La Tourgue..
— Qu'est-ce que c'est que la Tour-
gue?
- C'est un endroit.
— Est-ce un village? un château? une
métairie ?
- Je n'y suis jamais allé.
— Est-ce loin ?
[ Ce n'est pas près.
L- De quel côté ?
=- Du côté de Fougères.
— Par où y va-t-on?
— Vous êtes à Vantortes, dit le pay-
san, vous laisserez Ernée à gauche et
Coxelles à droite, vous passerez par
Lorchamp et vous traverserez le Le- v
roux.
Et le paysan leva sa main vers l'occi-
dent.
- Toujours devant vous en allant du
côté où le soleil se couche.
Avant que le paysan eût baissé son
bras, elle était en marche.
Le paysan lui cria :
- Mais prenez garde. On se bal
par là.
Elle ne se retourna point pour lui ré-
pondre, et continua d'aller en avant.
VICTOR HUGO.
(A suivre.)
U -Juillet, iB7b. ]Le faumére 8 1
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
L)c k a 6 heures du soir
18, RUE DE VALOIS, 18
''Les manuscrits non insérés ne seront pas randue
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- 1
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C,
6. ^.uct de lu Bourse, &
ADMINISTRATION
Ht, BUE DE VALOIS, Il
A SX 0 H X K ZU JB B V 0
FABI8
frols mois. 10 »
jk& fiidiS..*20 »
DËPARTSMMtM
Trois mois 13 50
Six mois 27 »
Adresser lettres et mandats
A M. ERNEST LEFÈYR1
A&HINiâlHATSim-GfolAftï
PAS DE RAPPORT
Donc, elle était dans le 11e bureau, la
jeune commission, enceinte depuis trois
ans d'un gouvernement définitif, — car
les commissions « portent » trois ans,
mais les femelles d'hippopotame en
portent bien quatre ! Elle était là pen-
sive depuis quinze jours, écoutant les
enfants jouer dans le parc, les petits oi-
seaux chanter dans les branches, les
militaires souffler dans les trombones
sous les quinconces, et, de temps en
temps, quand les autres bruits ces-
saient, M. de Kerdrel prononçait un
grand discours politique. L'Assemblée
souveraine avait voté l'urgence.
Elleétaitlà, lajeuno commission, éten-
due sur le tapis vert de la grande table
de chêne, quand, tout à coup, cette idée
lui vint que peut-être il fallait faire
quelque chose ou, du moins, qu'il fallait
sembler désirer mettre un petit enfant
au monde, n'importe lequel, ne fût-ce que
pour amuser les badauds et les hommes
de désordre qui, depuis trois années,
demandent un gouvernement définitif.
La jeune commission, ayant promené
ses regards autour d'elle, se pencha
vers le comte Daru.
- 0 toi! dit-elle, toi qui sais com-
ment on sauve les empires ébranlés; toi
qui as été ministre de Napoléon III, toi
qui as été le collègue d'Emile Ollivier,
toi qui as été pour quelque chose dans
]e plébiscite et pour quelque chose dans
la guerre, viens à mon aide ; il s'agit de
perdre un mois ou deux à chercher les
moyens de ne pas nous donner de cons-
> titution.
(
L'Assemblée nous a envoyé une pro-
position à examiner. L'Assemblée a voté
que cet examen était urgent. Autrefois,
une commission républicaine fut nom-
mée pour examiner une proposition avec
laquelle on espérait enterrer la Répu-
blique. Dès le lendemain, comme elle
ne présentait pas son rapport, les faux
conservateurs commencèrent à l'inju-
rier. Ils crièrent que les républicains
« trahissaient» la France. Nous qui ne
sommes pas républicains, nous pouvons
tenir le pays et l'Assemblée le bec dans
l'eau. Les affaires souffrent de tant de
retards; le commerce et l'industrie se
plaignent. Ne te presse pas, ô mon
comte bien aimé ! Ecoute les trombones
qui chantent sous les marronniers; re-
garde les petits enfants gravir en cou-
rant les escaliers de marbre; regarde les
petits poissons rouges dans les bassins.
Si tu as le temps, tu parleras avec M. de
Lacombe ou avec M. de Ventavon.du
gouvernement définitif.
En votant l'urgence, l'Assemblée a
paru incliner à la République. Depuis
trois ans, le pays tout entier demande
la République. Les quatre points cardi-
naux envoient à la Chambre des répu-
blicains. Mais vous ne voulez pas de la
République, vous, mon cher comte? Il
me semble que je n'en veux pas non
plus. Puisque vous ne voulez pas de la.
République et que je n'en veux pas non
plus, nous serions bien bêtes de la pro-
clamer. Il est clair et surabondamment
démontré que, si la France nous a élus
le 8 février 1871, c'est pour que nous
puissions organiser le gouvernement
qi plaira le plus au comte Daru. Pro-
posez-nous donc la monarchie, mon
cher comte. Cela divertira un peu les
puissances étrangères.
La meilleure constitution, mon cher
comte, c'est de rester députés le plus
longtemps possible et de tâcher de de-
venir ministres. Est-ce que vous n'êtes
pas satisfait de Versailles? Ma foi! on
mange très bien à l'hôtel des Réservoirs.
Les trains directs pour Paris sont fort
commodes. La promenade du parc est
charmante. Savez-vous qu'on y rencon-
tre, le dimanche, de fort jolies et fort
aimables demoiselles ? Où les perturba-
teurs ont-ils pris que la France était fa-
tiguée du provisoire ?
Ne vous inquiétez donc, o cher comte,
ni des votes d'urgence de * l'Assemblée,
ni des prétendus besoins du pays. Res-
tez chez vous. Taillez des plumes ou
fabriquez des cocottes en papier, comme
au temps où vous étiez ministre. Le
patriotisme consiste à ne rien faire, le
devoir à éluder les ordres de l'Assem-
blée, le dévouement à conserver notre
situation. Vous êtes trop pénétré de ces
idées, mon cher comte, pour ne pas les
glisser dans votre rapport, et j'ose
même dire, mon comte bienaimé, que
vous en êtes trop pénétré pour jamais
écrire tfti JBPînanquê "de rap-
port nous permettra de gagner les va-
cances ; l'hiver prochain, nous invente-
rons autre chose. Et ainsi, d'expédients
en expédients, nous parviendrons à at-
teindre le but qu'ont poursuivi tous les
grands patriotes, tous les hommes dé-
voués, tous les héros : la députation
éternelle.
La jeune commission cessa de parler.
Le comte leva sa belle tète blanche. Il
vit alors, à travers les brouillards de
l'avenir, des députés qui vieillissaient
sur leurs sièges, qui s'y desséchaient et
qui y tombaient en poussière. Et les
huissiers allaient de ci de là, ramassant
les cendres dans des pelles à feu; et ces
cendres frétillaient, et se rebiffaient, et
semblaient murmurer : pas encore !
EDOUARD LOCKllOY.
I.G:IJP-
• LES COULISSES DE VERSAILLES
Comme on pouvait s'y attendre, la déci-
sion de la commission des Trente, que nous
avons fait connaître, faisait hier encore
l'objet de toutes les conversations. L'im-
pression de la première heure n'a fait que
s'accentuer. L'opinion générale est que la
commission a voulu user d'un moyen dila-
toire pour tâcher de prolonger le statu
quo.
• Il est avéré qu'il y avait deux listes en
présence pour la nomination de la sous-
commission. Celle qui a été battue portait
les noms de MM. Antonin Lefèvre-Pontalis
et Lambert-Sainte-Croix. L'échec qu'elle a
éprouvé provient - uniquement de ce que
ces deux membres soutenaient le septennat
impersonnel.
Les membres de la droite et de l'extrême
droite ne dissimulent pas-qu'ils ont voulu
replacer la question constitutionnelle sur
le terrain du 20 novembre, et qu'ils sont
décidés à empêcher qu'on organise autre
chose que le pouvoir exclusivement per-
sonnel du maréchal de Mac-Mahon.
La sous-commission formée de MM.
Daru, de Ventavon et de Lacombe, a tenu
séance hier à Versailles, et a entendu MM.
Lambert Sainte-Croix et Wallon, qui ont
développé leurs propositions respectives.
On croit que cette sous-commission fera
un rapport aujourd'hui à la commission
des Trente en séance générale. Mais la
commission aura encore à statuer sur ce
rapport et à nommer un rapporteur défini-
tif. Or, on ne croit pas que ces résolutions
soient prises aujoui'&iiiv:;. Bref, ou va es-
sayer de traîner encore les choses en lon-
gueur.
—o—
Les groupes de la gauche sont décidés à
ne pas autoriser par leur silence cette con-
duite qui est la négation formelle du vote
d'urgence du i5 juin dernier. -
Aussi croyons-nous savoir que, si aujour-
d'hui la commission des Trente n'aboutit
pas e une conclusion, une motion sera
faite à la tribune. Les bureaux des trois
groupes de la gauche se sont réunis pour
délibérer à ce sujet.
—o—
M. Magne regrette, paraît-il, d'avoir posé
la question de portefeuille dans la commis-
sion du budget, au sujet du maintien des
200 millions de l'amortissement annuel de
la Banque.
Il croyait que la seule menace suffirait à
briser la résistance de la commission du
budget; mais il s'est fait illusion.
En présence de l'opposition qu'il ren-
contre, M. Magne va, dit-on, faire proposer
par ses amis l'impôt du sel que l'Assem-
blée a déjà rejeté. Une demande de scrutin
secret serait déposée, et, si le vote était fa,
vorable, M. Magne déclarerait qu'il ne se
retirera pas. -
Mais le centre droit et la droite parais-
sent assez peu disposés à soutenir le mi-
nistre bonapartiste des finances, et l'on a
remarqué les articles de la Presse et du
Français qui prévoient sa retraite et s'en
consolent d'avance.
Hier la 28e commission d'initiative devait
entendre M. de La Rochefoucauld au sujet
de sa proposition de restauration-monar-
chique déposée le 15 juin dernier. Mais no-
tre ambassadeur à Londres a télégraphié
hier à M. Daguenet, président de la com-
mission, qu'il allait arriver à Versailles
jeudi et qu'il demandait à la commission
de vouloir bien surseoir au débat jusqu'à
vendredi, promettant de se rendre auprès
d'elle ce jour-là pour fournir des explica-
tions.
Deux des co-signataires du duc de La
Rochefoucauld, MM. de Tarteron et le co-
lonel Carron, étaient présents à Versailles
et s'offraient pour parler devant la com-
mission, dans le cas où elle ne voudrait pas
différer le débat.
M. de Montgolfier, membre de la com-
mission, a demandé qu'on statuât immé-
diatement, mais la majorité a décidé d'a-
journer jusqu'à vendredi.
La commission a repris ensuite la dis-
cussion sur le principe de la levée de l'état
de siège, dont elle est saisie par 23 propo-
sitions qui lui ont été renvoyées.
MM. le général Robert, Arfeuillères et
Bottieau, du centre droit, ont énergique-
ment demandé le maintien de l'état de
siège.
MM. Fourcand, Briliier et Lepetit, de la
gauche, ont développé les raisons de fait et
de droit qui en demandent la levée.
La commission, avant de statuer sur la
prise en considération des propositions, a
décidé de nouveau qu'elle prierait le mi-
nistre de l'intérieur de venir lui faire con-
naître l'avis du gouvernement. Une pre-
mière invitation déjà faite à M. de Fourtou
n'avait eu aucun résultat.
—o—
La 29e commission d'initiative s'est éga-
lement réunie hier. Elle était saisie de deux
demandes de levée de l'état de siège : l'une
de M. Georges Périn, pour le département
de la Haute-Vienne; l'autre de MM. liou-
vier, Lockroy, Challemrl-Lacour, Bouehet,
Amat.Fraissinet, Esquiros et Tardieu, pour
le département des Bouehes-du-llhône.
Avant de statuer, la commission veut
aussi entendre M. de Fourtou. Il sera donc
difficile au ministre do l'intérieur d'éviter
plus longtemps de se prononcer sur la grave
question de l'état de siège, puisqu'il est
invité à s'expliquer par deux commissions
de l'Assemblée.
Nous rappellerons que la 298 commission
est composée de dix-huit membres de la
gauche et douze dé la droite. La prise en
considération des deux propositions n'est
donc pas douteuse.
—o—
On sait que M. de Bourgoing, au cours
de la période, électorale dans la Nièvre,
s'est prévalu d'un prétendu patronage de
M. le président de la République. M. d'Har-
court, secrétaire général de la présidence,
vient de communiquer à la commission
chargée de la vérification des pouvoirs de
M. de Bourgoing la correspondance qu'il a
échangée avec le candidat, afin de rétablir
la vérité de la situation. „
Contrairement à l'attente générale, la
-question de l'âge de l'électorat municipal
sera encore posée-devant la Chambre au
cours de la 3e délibération.
La commission de décentralisation, il
est vrai, a substitué dans la rédaction dé-
finitive du projet l'âge de 21 ans admis par
la Chambre à celui de 25 ans qu'elle soute-
nait primitivement. Mais M. le général Loy-
sel a déposé un amendement qui sera pro-
bablement discuté aujourd'hui et qui de-
mande le maintien de l'âge de 25 ans.
Le rejet de cetamendement obstiné n'est
plus douteux, après les décisions antérieu-
res de la Chambre.
—o—
Nous avons fait connaître les résultats
de l'entrevue qu'a eue samedi M. de Cu-
mont avec la commission de l'enseigne-
ment supérieur.
La commission s'est réunie hier et a
maintenu les deux points sur lesquels elle
est en désaccord avec le ministre de l'ins-
truction publique.
Elle maintient la liberté des cours, que
repousse M. de Cumont. Elle maintient,
en outre, la nécessité d'un stage de cinq
années pour que les universités libres
puissent acquérir le droit de collation des
grades, contrairement à l'opinion de M. de
Cumont qui admettait l'usage immédiat de
ce droit, à condition que les universités li-
bres fussent composées de quatre facultés
au lieu de deux.
«S WkoBC «îttiw;
imBBM
LA SEANCE
La journée, qui promettait d'être assez
insignifiante, a été, au contraire, fort ani-
mée. C'est d'abord M. le marquis de Franc-
lieu, qui, prenant occasion de certains ar-
ticles de journaux dans lesquels il a vu
une provocation à un coup d'Etat, est venu
déposer à la tribune un projet de loi sur la
presse, dont il a lu l'exposé des motifs.
On sait qu'il est rare que ses amis mêmes
accordent à un homme plus d'une grande
qualité ; c'est pour cela peut-être que les
amis du marquis de Franclieu, qui ren-
dent unanimement hommage à sa loyaû-
té virile, ne veulent pas lui reconnaître
le don de l'esprit politique. Nous ne
sommes point juges de la question;
mais ce que nous pouvons affirmer, c'est
que le projet présenté par l'honorable
membre soutiendrait, sans nul désavan-
tage, La comparaison avec tous ceux qu'ont
élaborés et qu'élaborent encore les grandes
commissions passées et présentes de l'As-
semblée. M. de Franclieu nous paraît sa-
voir ce qu'il veut, et si ce n'est pas en cela
que consiste l'esprit politique, c'en est au
moins la condition la plus essentielle.
Quoi qu'il en soit, un projet qui ne sup-
pose pas la perpétuité de l'état de siège, ou
qui ne lui substitue pas quelques combi-
naisons aussi favorables à l'arbitraire, ne
pouvait être bien vu des libéraux du centre
droit, qui ont passé leur vie, sous l'em-
pire, à réclamer la liberté de la presse.
L'urgence, demandée par M. de Franclieu,
n'a pas été votée.
Après cet incident est venue la discus-
sion, en troisième lecture, de la loi muni-
cipale. M. de Chabrol a rendu compte de
quelques modifications de détail apportées
par la commission dans son travail. Puis
la parole a été donnée à M. Jouin contre
l'ensemble du projet. Le discours de l'ho-
norable membre, dont nous ne saurions
trop recommander la lecture, car tous les
mots portent, restera certainement, dans
sa forme simple et familière, comme l'un
des meilleurs de la session. Il était impos-
sible de mettre plus complètement à nu
les hypocrisies des pseudo-libéraux et des
renégats du grand principe de la décentra-
lisation. Du commencement à la fin, M.
Jouin s'est montré implacable, et il a fait
également'bonne justice des finasseries du
projet et des palinodies de ses défen-
seurs.
Tout d'abord, l'orateur a signalé le con-
traste attristant que présente, en regard
des autres états de l'Europe, l'attitude des
hommes politiques de nos classes diri-
geantes. Tandis que partout on s'occupe
d'étendre le droit de suffrage en France,
c'est à le restreindre le plus possible que
s'ingénient les conservateurs. Ils vont
ainsi à rebours du courant général de l'é-
poque. En d'autres temps, il est vrai, ces
mêmes hommes tenaient un autre langage.
Les libertés communales les comptaient
parmi leurs plus ardents apologistes, et M.
Jouin s'est donné le plaisir de citer cer-
tains discours de M. Batbie et de M. de
Fourtou, discours vieux seulement de deux
années, et que ni l'un ni l'autre de ces
personnages politiques ne prononcerait
aujourd'hui. »
C'est à la loi même que M. Jouin s'est
ensuite attaqué, discutant à la fois sa let- ,
tre et son esprit. Reprenant une question
déjà traitée avec une grande éloquence par
M. Louis Blanc, dans un précédent débat,
mais l'abordant par un côté plus intime,
plus réaliste, si l'on peut ainsi parler, M.
Jouin a fait justice de cette insolente dis-
tinction entre ceux qui ont des intérêts
dans la commune et ceux qui n'en ont pas,
entre les riches et les pauvres, pour appe-
ler, comme lui, les choses par leur nom.
A M. de Larcv. Qui s'apitoyait naguère
sur le sort des pauvres propriétaires, non
électeurs dans les communes où ils possè-
dont,-et réduite, sjjlon l esBeniRistre, à la
condition de parias, l'honorable M. Jouin
a demandé quelle serait donc la condition
de ces ouvriers, de ces travailleurs établis
depuis dix-huit mois dans la commune,
connus, estimés de tous, y supportant,
comme tous, les taxes de consommation,
et n'ayant cependant pas le droit de pren-
dre part aux élections. Ne sont-ce pas là
les vrais parias, plus dignes cent fois d'in-
térêt que ces propriétaires, jugés si malheu-
reux par M. de Larcy parce qu'ils n'au-
ront pas autant de suffrages distincts qu'ils
ont de Dronriétés séparées ?
La droite, que cette démonstration irri-
tait, a laissé échapper une interruption
imprudente par l'organe de M. Paulin Gil-
Ion. « Il ne suffit pas d'être honnête hom-
me pour voter dans la commune », a dit
cet honorable membre. L'aveu est tardif,
mais il n'en est pas moins précieux, et
nous voici bien loin de Y épuration du suf-
frage universel, formule commode derrière
laquelle se sont abrités longtemps les
champions de l'ordre moral. On le confesse
à présent : ce ne sont plus seulement les
indignes qu'on veut exclure. line suffit pas
d'être honnête homme pour voter. Que veu-
lent donc de plus M. Paulin Gillon et ses
amis? ,
L'aveu restera comme le commentaire
du projet, et ce ne sont pas les emporte-
ments du rapporteur qui pourront détruire
l'effet produit par le discours de M. Jouin.
Une protestation n'est pas une réfutation,
et, puisque M. de Chabrol ne trouvait rien
à dire, il eût mieux fait, pour lunniême, de
donner à l'explosion de son éloquence le
temps de la réflexion. Il a promis des ar-
guments pour aujourd'hui; nous verrons
bien. Mais s'il réussit seulement à atténuer
l'effet du coup porté à la loi par M. Jouin,
il aura bien mérité de ses amis, car la tâ-
che est rude.
Ã. GAUUER.
PDÏSBM3 DE LA Ém
C'est une figure, que celle de M. de Franc-
lieu, Im i.^iiez un vieux brave marquis, un
marquis du bon vieux temps, comme on n'en
[ait. plus, brusque, original, bonhomme en
iiable, mais vert et bien vivant; un cœur
l'or, un bon sens qui s'échappe par bouta-
les, une excentricité qui n'en fait qu'à sa
lête, et un incorrigible entêtement de
loyauté. Imaginez tout cela : vous com-
prendrez qu'il passe pour un peu fou. Ses
incartades font la terreur de ses amis.
Croiriez-vous --vin v.v' i-hs*'né vieillard est
légitimiste, et a-t-on idée d'une folie pa-
reille? Mon Dieu! VOM« me direz que d'au-
tres le sont bien. Entendons-nous. Se dire
dévot à Henrv V et au Sacré-Cœur, aller à
Frohsdorff, s'abonnera la Gazette de France,
cogner sur les radicaux, porter des fleurs
de lys sur ses boutons. rien, n'est plus
naturel. Cela pose bien, vous introduit
dans la meilleure compagnie, et peut rap-
porter quelques avantages, pourvu qu'on
reste sans exagération, qu on admette des
accommodements, qu'on se mêle, au be-
soin, aux intrigues orléanistes, qu'on soit
pratique, en un mot. Notre marquis n'est
qu'un pauvre homme : il a le ridicule d'a-
voir sa conviction ancrée dans le ceryeau
et dans le cœur, de haïr les tempéraments v
et de ne point fermer les yeux quand il
convient. Est-il rien de plus absurde? Et
ne conçoit-on pas que ses voisins plus avi-
sés, ex-amis de l'orléaniste de Broglie, l'es-
timent au fond un peu fêlé ?
Fêlé. hélas!. il l'est effroyablement.
Il ne sait pas tenir sa langue. Il lâche les
incongruités les plus énormes. II. dit des
tas de choses saugrenues. Quand il a une
idée, et quelle idée! il faut qu'il la crie
sur les toits. Par exemple, ne s'avise-t-il
pas de vous prétendre que « l'état de siège
n'a plus de raison d'être » ? Il est vrai que
les Prussiens ont quitté le territoire et que
la France est tranquille; mais l'intérêt pu-
blic n'exige-t-il pas que M. de Fourtou
puisse supprimer les journaux républicains
quand les journaux bonapartistes parlent
trop haut? Il trouve encore que, quand ta
presse est soumise au régime administra-
tif, le gouvernement est « juge et partie ».
A-t-on idée de pareilles bizarreries? Ces.
choses-là se pensaient et se disaient sous
l'empire, alors qu'on était dans l'opposi-
tion. Mais il faut avoir de ces entêtements
d'honnêteté qui n'appartiennent qu'aux
gens un peu toqués pour parler de la sorte
encore aujourd'hui.
En un mot, notre marquis est un homme
à marottes : il donne dans cette rare ma-
nie qui consiste à rester franchement roya-
liste et sincèrement libéral, dans la droite
de Versailles. Son état relève de la méde-
cine ; il est atteint de cette variété d'alié-
nation mentale quis'appelle « convictiollJ).
On comprend que MM. B"-agnon, de Ker-
drel, et de Meaux, et les autres, le consi-
dèrent comme un fou dangereux, auquel
il faudrait une camisole de force. Quand,
prenant au sérieux sa foi légitimiste, il dit :
« Le roi seul peut nous sauver», M. de Ker-
drel sourit, et dit: « Il a une lézarde M.
Quand, prenant au sérieux son libéralisme,
il combat la loi des maires ou le régime du
bon plaisir appliqué à la presse, M. Bara-
gnon se touche le front et' dit à son voisin :
« Le hanneton ! »
Grâce à ce travers incorrigible, M. le
marquis de Franclieu fait à chaque instant-
des frasques; il se permet d'avoir tout haut
le sens commun, ce qui est compromet-
tant pour ses amis. Aussi le craint-on
comme la peste, pis encore, comme la vé-
rité, et, si l'on avait un moyen de s'accro-
cher aux basques de son habit pour l'em-
pêcher de monter à la tribune, on le ferait.
Mais ce serait délicat. Eh bien! il s'est en-
core échappé aujourd'hui.
Le sujet était un article du Figaro, qui
a un air de famille, d'ailleurs concevable,
avec le fameux article de « Pavia ! Pavia ! »
M. de Franclieu. (j'ai averti qu'il était
original) trouve remarquable qu'alors qu'on
frappe sur les journaux pour ce que vous
savez, il se publie à côté des menaces da
coup de force contre l'Assemblée. Il vou-
lait demander, non sans-doute la mort du
coupable, mais l'avis du ministre, par une
question parlementaire. Chose étrange t
M. de Fourtou a refusé la question. -Pour-
quoi? Que voulait-il éviter? Que voyait-il
de gênant pour lui dans cette matière ï
Nous avons fait de vains efforts pour le
conjecturer. tout bas. Pour le conjectu-
rer tout haut, ce serait chose périlleuse:
Dieu nous en préserve !
Mais notre vieux marquis a le diablç ac
corps. On lui refuse la porte, il entre pat
feuilleton du Mtappei
DU 2 JUILLET
t
> -"
51
,
iATRIIIiHRIIZl
TROISIÈME PARTIE
E2 3M VEXDÉB
LIVRE Il
LES TROIS ENFANTS
7
VIII
Dolorosa
Cependant la mère cherchait ses pe-
tits.
Elle allait devant elle. Comment vi-
Reproduction, môme partielle, interdite.
Voir les numéros du Rappel du 27 avril
lu 1er juillet.
vait-elle? Impossible de le dire. Elle ne
le savait pas elle-même. Elle marcha
des jours et des nuits ; elle mendia,
elle mangea de l'herbe, elle coucha à
terre, elle dormit en plein air, dans les
broussailles, sous les étoiles, quelque-
fois sous la pluie et la bise.
Elle rôdait de village en village, de
métairie enmétairie, s'informant. Elle
s'arrêtait aux seuils. Sa robe était en
haillons.
Quelquefois on l'accueillait,' quel-
quefois on la chassait. Quand elle ne
pouvait entrer dans les maisons, elle
allait dans les bois.
Elle ne connaissait pas le pays, elle
ignorait tout, excepté Siscoignard et la
paroisse d'Azé, elle n'avait point d'iti-
néraire, elle revenait sur ses pas, re-
commençait une route déjà parcou-
rue, faisait du chemin inutile. Elle sui-
vait tantôt le pavé, tantôt l'ornière
d'une charrette, tantôt les sentiers dans
les taillis.
A cette vie au hasard, elle avait
usé' ses misérables vêtements. Elle
avait marché d'abord avec ses souliers,
puis avec ses pieds nus, puis avec ses
pieds sanglants.
Elle allait à travers la guerre, à tra-
vers les coups de fusil, sans rien enten-
dre, sans rien voir, sans rien éviter,
cherchant ses enfants.
Tout étant en révolte, il n'y avait plus
de gendarmes, plus de maires, plus
d'autorités. Elle n'avait affaire qu'aux
passants.
Elle leur parlait. Elle demandait
1 — Avez-vous vu quelque part trois
petits enfants ? ,
Les passants levaient la tête.
— Deux garçons et une fille, disait-
elle.
Elle continuait :
— René-Jean, Gros-Alain, Georgette ?
Vous n'avez pas vu ça? -
Elle poursuivait :
- L'aîné a quatre ans et demi, la pe-
tite a vingt mois.,
Elle ajoutait :
— Savez-vous où ils sont? on me les
a pris.
On la regardait, et c'était tout.
1 Voyant qu'on ne la comprenait pas,
elle disait :
— C'est qu'ils sont à moi. Voilà pour-
quoi.
Les gens passaient leur chemin.
Alors elle s'arrêtait et ne disait plus
rien, et se déchirait le sein avec les on-
gles.
Un jour pourtant un paysan l'écouta.
Le bonhomme se mit à réfléchir.
— Attendez donc, dit-il. Trois en-
fants?
— Oui.
— Deux garçons ?.
— Et une fille.
— C'est ça que vous cherchez?
- Oui.
- J'ai oúï parler d'un seigneur qui
avait pris trois petits enfants et qui les
avait avec lui.
— Où est cet homme? cria-t-elle. Où
sont-ils?
Le paysan répondit:
— Allez à la Tourgue.
— Est-ce que c'est là que je trouverai
mes enfants?
— Peut-être bien que oui.
— Vous dites?.
— La Tourgue..
— Qu'est-ce que c'est que la Tour-
gue?
- C'est un endroit.
— Est-ce un village? un château? une
métairie ?
- Je n'y suis jamais allé.
— Est-ce loin ?
[ Ce n'est pas près.
L- De quel côté ?
=- Du côté de Fougères.
— Par où y va-t-on?
— Vous êtes à Vantortes, dit le pay-
san, vous laisserez Ernée à gauche et
Coxelles à droite, vous passerez par
Lorchamp et vous traverserez le Le- v
roux.
Et le paysan leva sa main vers l'occi-
dent.
- Toujours devant vous en allant du
côté où le soleil se couche.
Avant que le paysan eût baissé son
bras, elle était en marche.
Le paysan lui cria :
- Mais prenez garde. On se bal
par là.
Elle ne se retourna point pour lui ré-
pondre, et continua d'aller en avant.
VICTOR HUGO.
(A suivre.)
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