Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-09-19
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 19 septembre 1903 19 septembre 1903
Description : 1903/09/19 (N8808,A25). 1903/09/19 (N8808,A25).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
268 ANNEE — NUMERO 8808
(
PARIS ET DÉPARTEMENTS, Le Numéro : 15 centimes
SAMEDI 19 -- SEPTEMBRE - i903
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A. PËRIVIER-P. OLLENDORPF
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Et à ladmiiiistratioit du Journal
Un Nouvel Hospice
DE
ROTHSCHILD
L'autre jour donc, à la chasse, à Ferrières,
car j'ai l'avantage de connaître Rothschild, non
pas « famillionnairement » comme Henri Heine,
mais contribuablement, pour ainsi dire, nous
jabotions tous deux, entre la perdrix et la caille,
de cette sempiternelle question sociale.
Or, le grand baron européen est convaincu
qu'elle ne sera résolue que par un poète, « un
poète dans le genre du Christ », dit-il. Moi, je
lui soutiens qu'elle ne dépend que d'un finan-
cier « dans le goût de Crésus », et nous n'arri-
vons pas à nous entendre.
Nous marchions, le fusil bas, dans le frou-
frou des feuilles tombées. La forêt sentait 1 en-
cre de Chine. Je lui parlais de Millevoye, le
barde de l'automne et des tuberculoses.
— Il n'a pas fait que : « Le jeune malade à
pas lents », contais-je à l'hôte, or a de lui une
u Bataille d'Austerlitz », où le flingot est dé-
peint en ce joli vers :
Le tube surmonté de l'arme de Baycmne.
mais sa gloire en somme lui est acquise par
-l'él-égie anthologique où nos trépas sont mol-
lement célébrés sur le rythme octosyllabaire.
— Oui, fit Rothschild, voici le temps où vous
mourez beaucoup, dans la partie.
— Moins de plein gré, relevai-je, que par un
concours de circonstances sociales où la Provi-
dence dit son mot.
Et nous en vînmes à traiter de Chatterton.
— Avouez que pour celui-là, observa drôle-
ment le chasseur, nous n'avions vraiment rien
à faire !
Il convenait d'obtempérer.
Nous tournions une allée du bois, plein d'oi-
seaux dorés, où sévissait le tube désarmé du
lardoir de Bayonne, qui est spécial au cynégé-
tisme, et, grâce au phénomène philosophique
de l'association des idées, nous dissertâmes du
goût du pain.
— C'est un goût amer, disais-je, et qu'on
tend de plus en plus à se faire passer, non seu-
lement dans ma partie, mais dans les autres.
Quoique non payé de retour, ce Chatterton a
fait à sa Kitty Bell d'innombrables petits en
tous genres, et l'on se tue aujourd'hui comme
à la régalade pour le seul motif d'être né, ainsi
qu'on boit sans soif un bon verre de vin, sim-
plement parce qu'il est agréable à boire. Or
sus, ami baron, que dites-vous d'une société, à
base de naissances d'hommes, dont le souci
tourne au fondamental de se décimer elle-
même dès qu'elle a conscience de ses lois ?
— Je n'en dis rien, afin d'en penser davan-
tage. Mais que concluez-vous de ce signe des
temps ?
— Qu'il reste un hospice à fonder.
— Vous m'étonnez î fut sa réponse.
Il la souligna d'un sourire.
Rothschild sourit peu. Il paraît que sa partie,
a lui, ne l'incline guère à cette ataraxie dont
Oémocrite, Pangloss et Alfred Capus sont les
Drédicateurs hilares. Dans l'histoire de Jac-
ques Cœur qu'il prépare, il écrit, chapitre 7,
ligne 15 et suivantes : « Les grandes argentiers
:< de l'humanité ont, de l'espèce, l'idée pire.
« C'est peut-être qu'ils ne la. voient que par le
« trou d'un guichet où se déforme le plus beau
« visage, comme sur une boule de jardin. Ni-
« colas Foucquet était morose. Il ne se dérida
« qu'en prison, sous le masque de fer, et encore
« si c'était lui ! »
— Voyons votre hospice, sourit-il donc, en
s'asseyant sur un talus, qu'il parfuma des ben-
joins d'un havane.
Le soir venait. Ferrières baignait dans les
pourpres d'un crépuscule admirable. Les jets
j'eaux du parc s'irisaient d'arcs-en-ciel qui
semblaient les passerelles d'escarboucles du
Paradis. Les tubes s'étaient tus, repassant la
parole aux cors. L'heure était sociale, économi-
que et philanthropique, celle de la statistique,
cette poésie des hommes d'affaires.
— Vous a-t-on remis, ce matin, demandai-
je, le tableau officiel des suicides de la se-
maine ?
- Oui, mais je ne l'ai point regardé ; est-ce
, qu'il diffère de celui de la semaine précédente ?
— Si c'est en différer que de le doubler. L'au-
tomassacre en chambre se développe de jour
en jour dans des proportions anormales, pres-
que anti-scientifiques, et les réchauds devien-
nent hors de prix.
« D'autre part, les pêcheurs à la ligne
des rives exquises de la Seine signalent un em-
bonpoint bizarre des carpes, tanches et ablet-
tes, qu'ils ne peuvent comparer qu'à l'engrais-
sement de la lamproie romaine, sous Tibère,
dans le lac Lucrin, lamproie dite des gastrono-
mes. On remarque, en outre, que, dans les
maisons d'exploitation à baux, ce sont les éta-
ges les plus près du ciel et les plus loin du
pavé, qui sont loués de préférence par les loca-
taires amateurs. Enfin plus les trains marchent
vite, de nos lignes ferrées, plus ils retardent, à
cause des obstacles vivants et transversaux
qu'aiment à superposer sur les rails des famil-
'les entières de chattertonisants. L'épidémie,
conclus-je, est endémique et l'endémie est épi-
démique.
— A quoi l'attribuez-vous ? me lança sournoi-
sement Rothschild, qui cherche toujours à
.m'extraire des bêtises, politiques ou autres.
- Je ne l'attribue pas, échappai-je. On s'est
toujours suicidé. Le mal nous vient de nos ori-
gines aryennes, c'est une fièvre indienne. Je
pense que le christianisme l'a propagée par ses
apologies de la mort et sa vision de repos dans
les jardins de l'Au-delà — des Ferrières, sa-
luai-je.
Et le baron fut très sensible au compliment.
-:- J'ai fait de mon mieux, toussota-t-il.
— L'erreur serait de croire, avais-je déjà re-
parti, qu'on ne se supprime que pour des cau-
ses de désespoir, de déception, de misère ou
de remords. Il est établi, au contraire, que
l'amour de l'anéantissement est en raison di-
recte de l'accroissement général du bien-être.
Ohe*. les peuples où le pain est rare on ne s'en
fait point pas passer le goût, et cette folie ne se
développe que chez ceux-là où la truffe sura-
oond^si ''ose risquer cette synecdoche.
— Risquez-la, nous sommes seuls. Mais
l'hospice ?
— L'hospice !. Vous en fondez à tour de
bras et à bourse que veux-tu, vous et les autres
Jacques Cœur du capital surhumain, pour tous
les maux qu'on vous signale. Paris n'est qu'un
immense caravansérail d'abris, d'asiles, de pry-
tanées pour toutes les souffrances, toutes les
démences, toutes les infortunes de la plus
sotte bête de l'arche. Il n'est cas pathologique
qui n'ait traitement et clinique ; mais le vertige
de la mort n'a rien ! Cependant, il dépasse la
rage et atteint la peste — cette peste du mouton,
au moins, qui fait que tous ceux de Panurge se
jettent à la mer, sans savoir pourquoi et d'ins-
tinct, contagieusement.
— En effet, fit le baron, le mal est tel que
vous me l'étalez, et pis encore ! Mais est-il au
moins guérissable ? Quand on sauve un noyé
on lui fait jurer de ne plus recommencer, il en
prête serment et court se pendre ! Il n'y a rien
contre le suicide.
— Parce qu'on ne connaît pas le microbe, et
l'hospice servirait à le découvrir.
La cloche du château sonnait le dîner aux
cynégètes et le moment était venu de laisser la
paix aux nobles animaux qui ne se suicident
pas et qui en auraient le droit peut-être.
— Revenez me voir, dit Rothschild.
— J'irai, Chatterton m'embête.
EMILE BERGERAT.
.-
Echos
Les Courses.
Aujourd'hui, à deux heures, courses à Saint-
Cloud.
Pronostics de Gil Blas :
Prix de la Côte. — Limousin, Ratisbonne.
Prix du Garage. — Kirizel, La Mandchourie.
Prix des Bassins. — Kaisarieh, Tubéreuse.
Prix de Saint-Michel. — Arcole, Ranavalo II.
Prix ileMontainville. - Lisette, Lobélie.
Prix de lVezel. — Lys Rouge, Ladislas III.
twvvwvv
Le temps qu'il fait.
Les météorologistes, entre deux pronostics, s'ap-
pliquent à déterminer les causes du mauvais temps
persistant que nous venons d'essuyer.
Une réunion, qui vient d'avoir lieu à Lausanne,
a discuté le point de savoir s'il n'y aurait pas dimi-
nution du pouvoir calorique du soleil. Non, ce n'est
pas cela. Le soleil n'a rien perdu de son ardeur ;
seulement, une forte partie de sa chaleur se perd en
route : de là les basses températures.
Et la cause de cette déperdition de chaleur ? De
nouveau intervient la théorie de la perturbation de
l'atmosphère par les éruptions volcaniques si fré-
quentes depuis un an, et qui ont commencé par cel-
les du mont Pelé à la Martinique.
Il parait que les quantités énormes de cendres
lancées par les volcans, et portées à des altitudes
considérables, mettent beaucoup plus de temps qu'on
ne croit avant de se dissiper. Ce serait donc aux
volcans que nous devrions ce piteux été, ce soleil ané-
mique et voilé même dans les rares belles journées,
et les pluies, et la température au-dessous de la nor-
male.
Telle est l'explication qui a cours « dans l'état ac-
tuel de la Science ».
Hier, temps assez beau, mais frais, surtout l'a-
près-midi.
La continuation de ce temps est probable.
A Paris, 7 h. du soir, 15°. Baromètre, 772 m/m.
Déplacements et villégiatures.
Le Président de la République rentre ce ma-
tin à Paris. Dès son retour, il présidera le Con-
seil des ministres, qui se réunira à dix heures à
l'Elysée.
M. Combes, président du Conseil, qui rentre
également ce matin à Paris pour assister au
Conseil, soumettra à la signature du Président
de la République le décret chargeant M. Vallé,
garde des sceaux, de l'intérim du ministère de
l'intérieur.
Ainsi que nous l'avons annoncé, le président
du Conseil quittera Paris demain pour ac-
complir un voyage de quinze jours en Espagne.
M. Combes et M. Chaumié vont se rencon-
trer aujourd'hui pour la première fois depuis
les incidents de Tréguier. Leurs effusions se-
ront brèves et froides.
Lâche vengeance.
M. Tisisier gardait à M. Chaumié, nul ne
l'ignore, une vive rancune depuis les incidents
du lycée Buffon. Le collaborateur de M. Pelle-
tan s'eist offert cette semaine l'aimable ven-
geance que voici :
Le ministre de l'instruction publique et l'es-
corte qui le suivait depuis Tréguier, devaient
visiter l'île Bréha.t mardi. Il fallait un bateau, et
ce fut le Fresnel qui, désigné pour cette glo-
rieuse mission, reçut à son bord les voyageurs.
Il faut avoir vu le Fresnel pour s'imaginer ce
qu'est ce vapeur admirable dont les vagues de
la mer bretonne, si dure à la hauteur de la ri-
vière de Tréguier, s'amusaient comme d'une
coquille de noix.
— Moi, monter là-dessus ? fit Anatole Fran-
ce. Vous voulez rire !
Et il résolut de s'offrir seul une excursion
pédestre.
— N'allez pas sur ce méchant bateau. Ecou-
tez-moi, madame, n'y allez pas, conseillait-il à
Mme Fernand Gregh.
Mme Fernand Gregh, qui est infinimentt
charmante et très spirituelle, n'écouta pas les
sages avis du Maître. Elle en fut horriblement
punie. La traversée fut atroce. Penchés sur les
flofe, indifférents aux vagues qui balayaient le
pont, les malheureux passagers et les jolies pas-
sagères souffrirent les pires tortuye-s. M. Chau-
mié était vert, M.. Roujon blême, M. de Kuer-
guézec cachait son ironique casquette blanche
de yachtman pour mieux s'adresser aux pois-
sons. Beaucoup espéraient un naufrage qui les
délivrerait de ces souffrances.
M. Tissier, enfoui très probablement dans
son lit moelleux, car il était onze heures du
matin, s'amusait extrêmement.
vwwww
Pour accueillir M. Combes.
Il y a, à Saint-Quentin, un vieux beffroi et un
vieil hôtel-de-ville.
Ces deux vestiges ont chacun une histoire
ancienne et une histoire contemporaine. Tout
le monde connaît la première ; mais bien peu
connaissent la seconde. Et celle-ci n'est pas la
moins intéressante. -
D'aboi d, le beffroi est habité par un « guet-
teur », dont la vigilance est escomptée par les
sapeurs-pompiers de la localité : cet homme,
qui vit plus près de la lune que le commun des
mortels, a mission de signaler les incendies,
au moins après qu'ils sont allumés. En des cir-
constances exceptionnelles, il annonce à son
de trompe aux Saint-Quentmois un événement
mémorable, par exemple l'insertion de la croix
de la Légion d'honneur dans les armes de la
ville, ou l'ouverture d'un concours de gymnas-
tique.
Pour assurer la vigilance de ce guetteur, les
autorités locales ont imaginé un procédé sim-
ple, mais sûr. Chaque fois que l'horloge de
l'hôtel-d-e-ville sonne une heure de la journée
ou de la nuit, le locataire du beffroi doit don-
ner un coup de marteau sur le bourdoncela
prouve qu'il ne dort pas. S'il est en défaut, on
lui dresse procès-verbal.
L'horloge de l'hôtel-de-ville est une horloge
à musique : elle joue en temps ordinaire la mar-
che des Puritains (15 mesures pour les demies,
le morceau tout entier pour les heures). Mais,
depuis que les socialtètefs sont au pouvoir.
municipal, le mécanisme a été compliqué : les
jours de fête, l'horloge joue Ylniernationale !
wvwvwv
L'impitoyable gourmet.
— Un faisan n'est pas mangeable s'il n'est tué
depuis au moins trois semaines en temps ordi-
naire, un mois s'il fait frais, et plus quand l'hi-
ver est très froid. Le manger avant, c'est l'af-
faire de gens qui se font servir du gibier par
snobisme, le consomment frais par bégueule-
rie, et n'osent pas avouer qu'ils manquent s'y
casser les dents.
Ainsi parlait, à une table hospitalière, le
comte de B., un de nos plus fins gourmets et
de nos meilleurs pique-assiette.
— Un faisan tué la veille, s'écriait-il, mais
c'est moins bon qu'une volaille de basse-cour,
et un homme qui se respecte ne commettra ja-
mais le crime d'y porter la dent !
Tant d'éloquence rendait muets les convives.
— Ainsi, tenez, moi, continua B., voilà -ce
qui m'est arrivé. Je chassais une fois dans les
prairies du Far-West, en compagnie d'un nè-
gre qui portait mon fusil de rechange. Il y
avait plusieurs jours que je n'avais rien tué,
et, comme nous étions loin de toute habitation,
nous étions exposés à mourir de faim. Je sen-
tais venir l'épuisement, lorsqu'un matin, enfin,
un gros oiseau se leva devant moi.
« Je tire. l'oiseau tombe. je me précipite.
je le ramasse. Horreur ! C'était un faisan ! Y
toucher avant trois semaines, c'était un déshon-
neur !
— Mais alors, comment êtes-vous encore de
ce monde ? s'écria-t-on.
— J'ai mangé le nègre, en attendant, dit B.
avec simplicité. »
vwvwvvv
Quarante seulement 1
Une anecdote sur Fernand Lafargue, vice-
président de la Société des Gens de Lettres, qui
vient de mourir.
Il y a de longues années, Fernand Lafargue
fut nommé officier d'académie. On en parla
pas mal à Bordeaux, ville natale de l'écrivain.
Peu de temps après sa « palmation », Fernand
Lafargue alla passer quelques jQiUI'S là-bas et,
ayant besoin de chaussures, il se rendit chez
son bottier ordinaire.
Le bottier frémit d'orgueil à la vue du ruban
qui ornait la boutonnière de son cher compa-
triote et client :
- Ah ! monsieur Lafargue, s'écria le brave
« chaUSS8Ur» — on dit « chausseur » à Bordeaux
- c'est tout de même émotionnant pour les
gens qui vous connaissent, de penser qu'il y a
seul-emenit dans toute la France quarante dé-
corés « de l'Académie » et que vous êtes un de
ceux-là !
Fernand Lafargue tendit plus fièrement son
pied.
'\I\1\1\I\I\I"
Petits cadeaux.
Les prélats et fonctionnaires attachés à la tré-
sorerie du Vatican ont achevé l'inventaire de ce
que Léon XIII a laissé en héritage au Saint-
Siège.
Outre les sommes du Denier de saint Pierre-
dont le Pape défunt connaissait seul le chiffre
exact et qui montait, paraît-il, à 30 ou 40 mil-
lions — Léon XIII avait reçu des fidèles, lors des
jubilés de ses dernières années, quantité de bi-
joux, de pièces d'orfèvrerie, de meubles et d'ob-
jets rares-
Un grand nombre de ces objets sont, dit-on,
en mauvais état de conservation, et mêlés à
d'autres dons des plus disparates, car les fidèles
— et aussi des commerçants qui croyaient avoir
une ingénieuse idée de réclame — faisaient au
Souverain Pontife les cadeaux les plus inatten-
dus. On a retrouvé parmi ces objets de prix jus-
qu'à des sacs de café et de sucre ! De belles
fourrures, des tapis de prix, voire une collec-
tion des oisdaux les plus rares du Brésil et de
l'Amérique du Sud, remisés au hasard dans
des salles désertes, ont été découverts détério-
rés par la poussière et la vermine, ou par l'hu-
midité qui a fait ses ravages. On évalue à des
centiaiii-es de mille francs Les pertes ainsi cau-
sées par la négligence et l'oubli.
vwvwwv
Ballon prisonnier.
On est prié de ne pas entendre « ballon cap-
tif » sorte de joujou de géant retenu par un
câble. Non. Le ballon dont il s'agit doit faire,
dans le dessein de celui qui le conduit, un des
plus beaux raids die l'aérastation.
L'aéronautie suisse Spelt-erini attend à Zermatt
le vent favorable pour faire l'a traversée des
Alpes et passer en Italie.
La nouvelle de oe projet a attiré à ZermaU
une grande quantité de curieux et d'alpiniistes.
Ceux-ci ont l'intention de se poster sur les meil-
leurs observatoires des cimes voisines pour sui-
vre les péripéties du voyage aérien.
Mais le mauvais temps et les vents contraires
ont retenu jusqu'ici Spelteriiii. Il interroge les
nuages ; il échange des dépêches avec les mé-
téorologistes les plus qualifiés. Il ne veut pas
renoncer ; il a la foi. Ce capitaine suisse au
nom italien a une ténacité américaine et prend
le temps comme il vient avec un flegme hollan-
dais et une gaieté toute française.
vwwww
Encore le « roi galant homme ».
L'aïeul du jeune roi d'Italie, dont un de nos
collaborateurs rappelait la belle conduite à
Palestro et la nomination de caporal par nos
zouaves électrisés, ce Victor-Emmanuel II avait
au moins deux des talents de notre Henri IV,
Ce diable à quatre
Avait triple talent
De boire, et se battre,
Et d'être un vert galant.
Victor-Emmanuel II, aïeul du sage et réservé
Victor-Emmanuel III, avait une réputation par-
ticulière si populaire qu'elle avait pénétré jus-
que chez ses sujets du Val d'Aoste, braves gens
chez lesquels ne grimpe guère la chronique.
Un jour, au cours d'une chasse dans cette
contrée, il rencontre une paysanne et s'aperçoit
qu'il n'en est pas connu. Le voilà curieux de la
questionner :
— Qu'est-ce qu'on dit du Roi ?
— Que c'est un grand brav' homme, répond la
femme, mais — avec un sourire malin — qu'il est un
peu femalu.
On parle français au Val d'Aoste, mais un
français bizarre. Femalu veut dire porté sur les
femmes. On l'a probablement deviné.
Une autre fois, c'était à Courmayeur, c'est
une villageoise qui se montra curieuse. Elle de-
mandait à voir le Roi, avec tant d'insistance
que Vicîor-Einmanuel y consentit. Il s'attendait
à une génuflexion et à quelque place t. La pay;
eanne entra. -- ,
— Le Roi ? c'est moi !
— Pas possible!
- Pourquoi ?
- Se ge fusso una reina zte voudrio pa épousé Mit
ommo si heurt !
Autrement dit : « Si j'avais été reine, je n'au-
rais pas voulu épouser un homme si laid ! » Il
est probable qu'on risquerait beaucoup à dire
une chose pareille à un sous-préfet, sans parler
d'un ministre ! Comme Victor-Emmanuel n'é-
tait qu'un simple Roi, il rit beaucoup et ne fut
pas dégoûté de parler familièrement avec les
montagnards.
Très content d'un maire de village, il voulut
faire à ce brave homme un plaisir inatfendu, et
il lui dit qu'il allait lui donner une croix de
ses ordres.
— Monsieur le Roi, ces choses-là ne conviennent
qu'aux messieurs de la ville qui n'ont rien à faire.
Ils en sont fous. Nous il nous faut travailler et la
croix, cela nous gêne.
— Alors, dit Victor-Emmanuel, tu accepteras bien
un taureau et deux génisses.
— VoilÙ, monsieur le Roi, dit le montagnard, vrai-
ment enchanté cette fois ; ces belles bêtes, ça fait
mieux mon affaire qu'une croix.
'\I\I\I\I\iV\I\
Les anges du foyer.
Une nouvelle école va s'ouvrir demain à Bu-
carest. Le Roi en a approuvé le règlement et
c'est la princesse royale de Roumanie qui en
est l'inspiratrice et la fondatrice. Elle s'appel-
lera « l'Ecole de ménage Princesse-Marie » et
les jeunes filles de seize à vingt-quatre ans y
pourront trouver, soit comme externes, soit
comme internes, un enseignement irréprocha-
ble.
Cet enseignement durera, dès l'an prochain,
du 15 août au 15 juillet de l'année suivante, et
comprendra quatre sections. Dans la première
section, on s'occupera de l'entretien de la mai-
son et de l'hygiène, de la tenue des comptes,
du service de table et de l'aide à la cuisine.
La deuxième section sera chargée du marché
et de la cuisine.
La troisième section sera consacrée au blan-
chissage et au repassage.
La quatrième section à la direction de la lin-
gerie, ainsi qu'à la réparation, à la couture et
à la confection des vêtements des élèves. Elle
acceptera aussi des travaux particuliers.
Les élèves passeront deux mois et demi dans
chaque section, et sortiront de là ménagères
accomplies. Bien des Parisiennes pourraient
peut-être y aller faire un tour.
vwwww
Pie X et Janne d'Arc.
Le nouveau Pape (s'est inquiété de savoir à
quel point en est arrivée la cause de la béatifi-
cation de Jeanne d'Arc et il a annoncé son in-
tention de présider lui-même la prochaine Con-
grégation qui sera consacrée à l'examen de la
cause de l'héroïne française.
«wwwyw
- Tout passe, tout lasse,
On croyait que le Looping the Loop ne serait
jamais dépassé, qu'il marquait le dernier degré
de la nouveauté et de la folie dans le sport.
Erreur ! La Flèche humaine, avec Mlle Hélène
Dutrieu, à l'Olympia, laisse bien loin derrière
elle la fameuse Boucle dela Mort. Tout Paris
a pu s'en convaincre hier soir. Aussi a-t-il ac-
clamé la gracieuse et intrépide artiste, dont le
nom est désormais célèbre.
vwvwwv
Une définition pour le dictionnaire de l'Aca-
démie :
Timbre-poste. — Petite vignette, — signe
d'affranchissement, — symbolisant, au recto,
la Déclaration des Droits de l'homme, et au ver-
so. une colle.
LE DIABLE BOITEUX.
• • »
LA POLITIQUE
Sœur Jeanne de la Croix
On vient d'arrêter, à Dreux, une religieuse
qui demandait quelques secours dans certaines
maisons charitables.
Interrogée par le procureur de la Républi-
que, elle déclara se nommer Ablin (Marie),
âgée de quarante et un ans, et appartenir à la
congrégation des Sœurs de la Providence de
Ruillé-sur-Loir (Sarthe).
Elle était cuisinière à l'école de Boubriac,
dans les Côtes-du-Nord. Mais, le 1er septembre,
l'école fut fermée et, bien que le métier de cui-
sinière puisse être exercé même dans la vie ci-
vile, la sœur Ablin (Marie) ne trouva pas de si-
tuation. Elle voulut se rendre à la maison mère
de Ruillé, mais la supérieure lui fit assavoir
que, faute de place, elle ne pourrait être accueil-
lie. Et voilà donc la sœur Marie Ablin contrain-
te au vagabondage et à la mendicité.
En lisant ces lignes, d'ailleurs mélancoli-
ques, il n'est personne qui ne se souvienne im-
médiatement de la nouvelle justement célèbre
de Matilde Serao : Sœur Jeanne de la Croix.
Sœur Jeanne de la Croix, après la fermeture
des couvents, tomba dans la vie civile. Les cir-
constances l'obligèrent à des voisinages déso-
bligeants pour sa vertu, à d'effroyables misères
incessamment accrues. Et, désorientée dans ce
monde dont elle ignorait tout et où chacun l'i-
gnorait, elle traina longuement l'existence la
plus précaire et la plus douloureuse. Et il ap-
parut que si le gouvernement italien était bien
coupable de ne pas payer la pension promise
aux religieuses dispersées, Dieu était en quel-
que façon coupable, lui aussi, de considérer
avec une sérénité trop indifférente les malheurs
des femmes pieuses adonnées à son service de
jour et de nuit.
Mais, « aide-toi » dit le proverbe — que je ne
me pique pas de vous apprendre — « aide-toi, le
ciel t'aidera ». Dieu aidera en France les reli-
gieuses dispersées ; mais il est bon d'abord que
les catholiques les aident. Pour que les catholi-
ques accomplissent tout leur devoir à l'heure
actuelle, il ne suffirait pas que l'un d'eux prît la
sœur Marie Ablin comme cuisinière. Non, tous
devraient s'entendre pour éviter aux religieu-
ses expulsées de leurs retraites les incertitu-
des — illégales — du vagabondage.
C'est par des actes que les partis politiques
ou sociaux s'affirment, beaucoup plus que par
des déclamations et des récriminations. Il ap-
partient aux catholiques d'empêcher que la fi-
gure créée par Matilde Serao ne devienne une
figure française. Il leur appartient d'éviter, par
une organisation pratique, efficace, que bien-
tôt les Marie Ablin ne pullulent. Sinon, le
peuple penserait vite que les catholiques sont
bien peu soucieux des humbles qui servent
leurs idées et leur foi; et cela ferait plus encore
pour leur défaite que les combats livrés contre
eux par les anticléricaux.
N'est-on pas surpris, au reste, qu'une seule
Marie Ablin ait pu se trouver en France ?
GIL BLAS.
LA
SOCIETÉ: DE PARIS
LXII
LE DUC DE GRAMONT
Le souvenir de Corisandre d'Audoins est resté cher
à la maison de (Sramont, ses filles portent le nom de
l'aïeule qui fut aimée d'Henri IV, qui l'aida à con-
quérir son royaume, qui lui inspira des lettres d'a-
mour — immortels monuments -- et qui faillit s'asseoir
sur le trône à ses côtés. Comme s'il ne suffisait pas
d'une Corisandre, ces heureux mortels ont épousé des
filles de l'aristocratie anglaise, ils ont mêlé leur sang
béarnais le plus heureusement du monde, si bien que
le type de famille ressemble aux portraits de Gains-
borough, Lely et Romney.
Le duc de Gramont est le fils aîné de cet ami de
jeunesse du comte de Chambord qui devint l'ambas-
sadeur et le ministre de Napoléon III; son frère, le
duc de Lesparre, a épousé Mlle de Conegliano, petite-
fille de l'illustre Moncey ; leur cadet, le comte Alfred
de Gramont, attaché au duc d'Orléans, est l'époux de
Mlle Sabatier, fille du consul de France en Egypte,
qui sut propager l'influence française sur les bords
du Nil et seconder si habilement les efforts de Les-
seps. Les trois filles du général duc de Lesparre, ses
cousines germaines, font grand honneui à la mémoire
de Corisandre, elles comptent certainement parmi les
plus charmantes femmes du monde parisien. l'une est
la comtesse Frédéric de L'Aigle, la seconde est la
marquise dl'Archiac, la plus jeune est la. comtesse
Jacques de Bryas. Une autre de ses cousines est la
comtesse Arnaud de Gramont, née Brincard ; enfin la
sœur du duc, la -comtesse de Brigode, avec ses grancfe
yeux noirs, sa belle tête dressée sur une nuque ad-
mirable, possède l'inimitable allure des grandes da-
mes françaises.
Sous la direction fort éclairée de son père, le duc
fit les plus brillantes études, sortit au premier rang
de Saint-Cyr, entra à l'école de guerre, et peu après,
il épousait la fille du prince Marc de Beauvau et par-
tait en garnison à Lunéville. Devenu veuf, avec une
fille, il convolait en secondes noces avec Mlle de
Rothschild, fille du baron Lionel, de Francfort, et,
prévoyant sans doute les difficultés présentes, il
abandonnait la carrière militaire pour s'organiser la
vie agréablement indépendante où se conservent la
belle humeur, l'entrain et la jeunesse. A l'automne, les
réception du château de Vallières sont nombreuses
et élégantes ; veneurs, tireurs et jolies femmes s'y don-
nent rendez-vous.
Le duc a gardé le goût des sports, où il était ré-
puté. Sauf cette année où un accident l'a. retenu à la
campagne, on le voit chaque matin au bois de Boulo-
gne sur le hack superbe qu'il monte toujours en offi-
cier de cavalerie. Sa moustache est restée blonde, il a
très bon air, il est très poli, d'une politesse empres-
sée, il parle comme le faisait Henry IV, d'une voix
douce b l'accent persuasif. 1
Il possède des archives de premier ordre qu'il fait
classer avec soin. Il a l'esprit cultivé et s'intéresse
aux recherches d'histoire. A-t-il lu Rabelais ? On
pourrait croire qu'il ne sait pas à quel point a faulte
d'argent » est cruelle détresse à l'espèce humaine, car
on l'entend parfois-se plaindre du fardeau financier
qui pèse sur ses épaules. Cinquante millions, oui
da ! le placement de père de famille n'est pas aisé à
trouver.
Sa première femme lui avait laissé une fille qui
épousa naguère le marquis de Clermont-Tonnerre, fils
du duc. Son second gendre, le comte Hélie de Noail-
les, vient de quitter l'armée pour jouir en paix de la
belle terre de Champlâtreux, héritage des Molé ; son
fils, le duc de Guiche, est comme son père un fervent
du turf, il deviendra membre du Comité des courses,
laborieuse carrière!
La duchesse a le beau type de sa race. Elle s'exprime
avec cette précision élégante des étrangères qui ont
reçu l'éducation parfaite, elle est instruite, musicien-
ne, lettrée ; elle a meublé avec un goût très sûr le
bel hôtel acquis des Sauvage de Brantes, elle s'est
conquis de nombreuses sympathies par la sûreté et le
charme de son commerce. Ses amies sont : la princes-
se de Polignac, la comtesse Aymery de La Rochefou-
cauld la duchesse de Trévise, la comtesse de Gramedo,
la duchesse de Luynes, Mme Jacques de Waru. Elle
est liée par la plus tendre affection à la baronne Ja-
mes de Rothschild et à la princesse de Wagram, les
sœurs qui représentent la patrie absente. Elle donne
au printemps des bals splendides, nombreux où, libé-
ralement, elle invite le ban et l'arrière-ban du jeune et
du vieux monde.
LARGILLIÈRE.
————————————
Pendant la saison des villégiatures, nous
prions instamment nos abonnés, pour éviter
tout retard, d'accompagner de la bande du jour-
nal toute demande de changement d'adresse.
LA
Crise Ministérielle Anglaise
La crise minilstérielle a été officiellement
connue par la note suivante delà résidence of-
ficielle du premier ministre :
« Les ministres dont les noms suivent, ont
lI'emis leur démission qui a été acceptée par le
.Roi : le très honorable Joseph Chamberlain, le
très honorable T. Ritchie et le très honorable
lord George Hamilton. »
Une correspondance datée du 9 septembre
-entre M. Balfour et M. Chamberlain était pu-
bliée en même temps.
Le 9 septembre, M. Chamberlain écrivait
qu'en prévision de l'important Conseil de ca-
binet qui devait se réunir le lundi suivant, il
avait très soigneusement étudié la situation
présente.
Dans cette lettre il donnait quelques détails
qui éclairent bien son système économique :
« Lorsque vous, répondant à la délégation
qui était venue vous entretenir de la taxe sur
le blé, et moi, en parlant à mes électeurs de
Birmingham, appelions l'attention du public
sur les changements survenus dans la situa-
tion commerciale de l'Angleterre depuis cin-
quante ans et proposions une enquête à ce su-
jet, ni l'un ni l'autre nous n'avions l'intention
de provoquer une controverse de parti.
« Nous soulevions cette question, qui est de
la plus grande importance au point de vue na-
tional et impérial, dans l'espoir qu'elle serait
discutée avec une certaine impartialité par nos
amis et par nos adversaires, que les conclu-
sions de l'enquête seraient acceptées par la
majorité du peuple anglais, et que les résultats
des prochaines élections générâtes seraient
conformes, aux résultats de cette enquête-
« Cette manière de voir n'a pas été partagée
par les Ohefs du parti libéral : dès le début, ils
ont repoussé l'idée quiun système générale-
ment accepté en 1846 pourrait peut-être deman-
der quelques modifications en 1908, et toutes
les forces vives de ce parti furent mises en oeu-
vre pour combattre toute tentative de modifier
les bases de notre politique fiscale ou même de
rechercher s'il y avait li'eu de les modifier.
« De plus, des divergences d'opinions se ma-
nifestèrent dans le parti unioniste. Nos adver-
saires ont placé en tête de leuns arguments
leurs objections contre la taxation des produits
alimentaires et même contre tout remaniement
de la taxation existante qui pourrait intervenir
pour l'avantage mutuel de l'Angleterre et de
ses colonies et l'union plus étroite des différen-
tes parties de l'empire-
« Alors que le public se rend bien compte du
danger d'une concurrence illimitée de la part
des pays étrangers qui nous ferment leurs mar
chés et trouvent cependant en notre propre
marché un débouché pour leur excès de pro-
duction, il n'a pas encore apprécié l'importan-
ce pour notre commerce des marchés coloniaux
ni le danger de les perdre, si nous ne déférons
pas dans une certaine mesure à leur naturel et
patriotique désir d'un système d'échanges pri-
vilégiés. Il en résulte que, pour le moment
tout accord préférentiel avec nos colonies, im-
pliquant des droits quelconques sur des ar-
ticles d'alimentation, jusqu'ici exempts d'im-
pôts, parait inacceptable à la majorité des élec-
teurs. »
Après avoir reçu les démissions de ses col-
lègues, M. Balfour est parti pour l'Ecosse.
Il faut noter avec quelle scrupuleuse honnê-
neté le secret des négociations, des délibéra-
tions et des divergences qui ont précédé cette
crise a été gardé par les ministres en cause,
leurs secrétaires et leurs familiers.
Ni le Daily Telegraph, ni le Standard, ni le
Times, qui touchent pourtant, à des titres di-
vers, au personnel gouvernemental, n'ont eu
vent de ce qui se préparait.
La Westminster Gazette, l'important organe
libéral, considère la démission de M. Chamber-
lain comme une simple manœuvre qui aurait
été concertée entre le premier ministre, M. Bal-
four, et le miniistre des colonies, pour assurer
le succès des réformes fiscales de M. Chamber-
lain au sujet des droits préférentiels sur les ali-
ments. ■ •
Le Globe, le journal conservateur, dit que
l'Angleterre regardera la démission de M.
Chamberlain comme un regrettable incident,
mais que, de leur côté, les colonies envisage-
ront cet événement comme un désastre natio-
nal et impérial.
Pour la Pall Mail Gazette, M. Chamberlain
reste plus que jamais, aux yeux de l'Angleter-
re, l'incarnation de l'idée impérialiste. Elle dé-
clare que M. Chamberlain, comme tous les
grands réformateurs, est seulement en avance
sur ses compatriotes. - *•
Le Star, l'organe radical, écrit que M. Cham-
berlain est pour le moment à l'île d'Elbe, mais
qu'il n'a pas encore trouvé son champ de. ba-
taille de Waterloo.
Dans les cercles politiques, on croit que M.
Austen Chamberlain succédera à M. Ritchie,
comme lord chancelier de l'Echiquier.
On,donne également comme probable l'aban-
don du ministère de la guerre par M. Brodrick,
qui prendrait le secrétariat des Indes.
En ce cas, M. Brodrick serait remplacé au
War Office par M. Arnold Foster, actuellement
secrétaire parlementaire de l'Amirauté.
Lord Milner, enfin, le gouverneur de la colo-
nie du Cap, remplacerait M. Chamberlain au
ministère des colonies.
M. Balfour se rendra à Balmoral d'ici deux
jours pour soumettre au Roi la liste des nou-
veaux ministres. _,
Le Salon
d'automne
- -, '-'1-' .04'
Nous avions déjà les deux Vernissages du
1er mai, ces journées des dupes, des papotages,
des débinages, des compliments insincères et
des poignées de main fallacieuses. a Ceux des
Artistes français » venaient, vexés, contempler,
les Zoloaga, les Lobre, les Prinet, les Lavery.
Ils monologuaient, songeant aux déserteurs :
« Cette année, Caro-Delvaille et Abel Faivre qui
nous lâchent ; l'an prochain, grands dieux,
sera-ce Henri Martin ? » Les snobinettes arbo-
raient d'impressionnants boléros et les toiles
peintes entendaient les coutumières niaiseries.
Et voici que, grâce à Frantz Jourdain, nous
aurons un vernissage d'automne ! --
Le 30 octobre prochain, veille de la Tous-
saint, nous serons conviés au rez-de-chaussée
du Petit-Palais. Frantz Jourdain, l'âme de ce
Salon, l'infatigable défenseur des Indépen-
dants, me disait ce matin : « Nous espérions le
premier étage. Mais, hélas, la Ville y a installé
le legs Dutuit, et nous devons nous contenter
des salles d'en bas. Seront-elles assez claires,
par les journées courtes et brumeuses de no-
vembre ? ». Souhaitons-le.
La caractéristique de ce Salon est le méoat
nisme du jury. Point de Comité d'artistes grou-
pés en coterie, en petites chapelles, où les te-
nants de la « peinture claire » honnissent la
« bande noire » et vice-versa. Point de récom-
penses ni de décorations. Un jury composé*
aux quatre cinquièmes, d'artistes profession-
nels, et, pour un cinquième, d'amateurs saga-
ces, de critiques d'art, de collectionneurs clas.
ses. Besnard et Carrière sont présidents d'hon-
neur. Les critiques-jurés sont, outre Frantz
Jourdain, Yvanhoé Rambosson qui, le premier,
avec quelques écrivains du Mercure de France,
conçut l'idée du Salon d'automne, Armand
Dayot, Gustave Geffroy, Roger Marx, Arsène
Alexandre, de Fourcaud. A ces noms estimés,
joignons celui de Huysmans (le Huysmans de
Certains, et non de la Cathédrale). ? ,
Les talents des Artistes Français„ Henri Mar-
tin, Wéry, Adler, fusionneront avec ceux de la
Société Nationale, Besnard, Desvallières, Cons-
tantin Meunier, Alexandre Charpentier, Cheret,
Willette, Fix Masseau — et ceux des Indépen-
dants, Laprade, Maufra, Bonnard, Auburtin,;
Vallotton. On espère Rodin, Pissarro, Degas et
Fantin. Le groupe Mourey boude, attitude inat-
tendue et. puérile de la part de ces Beaux pein-
tres, Lucien Simon, Cottet, René Ménard.
Nous les adjurons humblement de s'associer à
cette manifestation si haute. -
Paul Cézanne, le sauvage initiateur, le pré-
curseur de Van Gogh et du pauvre Gauguin,
accepte de faire partie du jury. Monet s'abs-
tient : Le Claude Lorrain de Giverny, on le
sait, n'expose jamais ; Signac, farouche, a re-
fusé « parce qu'il y a un jury. »
Parmi les étrangers, ont déjà adhéré Jef Lam-
beaux, Lembach, Kaulbach, Israëls, Zuioaga,
Alexander.
Chaque sociétaire a droit d'envoyer trois toi-
les : une, reçue de droit, et deux — fût-on Bes-
nard ou Henri Martin — qui passeront démocra-
tiquement devant le jury. La place la plus
large, l'accueil le mieux fraternel, seront ré-
servés aux vrais jeunes, les Bussy, les Ihu-tel"
les Milcendeau, les Francis Jourdain3 les Mi-
narts. -
Trois cent-s mètres de cimaise. Et pas d'at-
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Et à ladmiiiistratioit du Journal
Un Nouvel Hospice
DE
ROTHSCHILD
L'autre jour donc, à la chasse, à Ferrières,
car j'ai l'avantage de connaître Rothschild, non
pas « famillionnairement » comme Henri Heine,
mais contribuablement, pour ainsi dire, nous
jabotions tous deux, entre la perdrix et la caille,
de cette sempiternelle question sociale.
Or, le grand baron européen est convaincu
qu'elle ne sera résolue que par un poète, « un
poète dans le genre du Christ », dit-il. Moi, je
lui soutiens qu'elle ne dépend que d'un finan-
cier « dans le goût de Crésus », et nous n'arri-
vons pas à nous entendre.
Nous marchions, le fusil bas, dans le frou-
frou des feuilles tombées. La forêt sentait 1 en-
cre de Chine. Je lui parlais de Millevoye, le
barde de l'automne et des tuberculoses.
— Il n'a pas fait que : « Le jeune malade à
pas lents », contais-je à l'hôte, or a de lui une
u Bataille d'Austerlitz », où le flingot est dé-
peint en ce joli vers :
Le tube surmonté de l'arme de Baycmne.
mais sa gloire en somme lui est acquise par
-l'él-égie anthologique où nos trépas sont mol-
lement célébrés sur le rythme octosyllabaire.
— Oui, fit Rothschild, voici le temps où vous
mourez beaucoup, dans la partie.
— Moins de plein gré, relevai-je, que par un
concours de circonstances sociales où la Provi-
dence dit son mot.
Et nous en vînmes à traiter de Chatterton.
— Avouez que pour celui-là, observa drôle-
ment le chasseur, nous n'avions vraiment rien
à faire !
Il convenait d'obtempérer.
Nous tournions une allée du bois, plein d'oi-
seaux dorés, où sévissait le tube désarmé du
lardoir de Bayonne, qui est spécial au cynégé-
tisme, et, grâce au phénomène philosophique
de l'association des idées, nous dissertâmes du
goût du pain.
— C'est un goût amer, disais-je, et qu'on
tend de plus en plus à se faire passer, non seu-
lement dans ma partie, mais dans les autres.
Quoique non payé de retour, ce Chatterton a
fait à sa Kitty Bell d'innombrables petits en
tous genres, et l'on se tue aujourd'hui comme
à la régalade pour le seul motif d'être né, ainsi
qu'on boit sans soif un bon verre de vin, sim-
plement parce qu'il est agréable à boire. Or
sus, ami baron, que dites-vous d'une société, à
base de naissances d'hommes, dont le souci
tourne au fondamental de se décimer elle-
même dès qu'elle a conscience de ses lois ?
— Je n'en dis rien, afin d'en penser davan-
tage. Mais que concluez-vous de ce signe des
temps ?
— Qu'il reste un hospice à fonder.
— Vous m'étonnez î fut sa réponse.
Il la souligna d'un sourire.
Rothschild sourit peu. Il paraît que sa partie,
a lui, ne l'incline guère à cette ataraxie dont
Oémocrite, Pangloss et Alfred Capus sont les
Drédicateurs hilares. Dans l'histoire de Jac-
ques Cœur qu'il prépare, il écrit, chapitre 7,
ligne 15 et suivantes : « Les grandes argentiers
:< de l'humanité ont, de l'espèce, l'idée pire.
« C'est peut-être qu'ils ne la. voient que par le
« trou d'un guichet où se déforme le plus beau
« visage, comme sur une boule de jardin. Ni-
« colas Foucquet était morose. Il ne se dérida
« qu'en prison, sous le masque de fer, et encore
« si c'était lui ! »
— Voyons votre hospice, sourit-il donc, en
s'asseyant sur un talus, qu'il parfuma des ben-
joins d'un havane.
Le soir venait. Ferrières baignait dans les
pourpres d'un crépuscule admirable. Les jets
j'eaux du parc s'irisaient d'arcs-en-ciel qui
semblaient les passerelles d'escarboucles du
Paradis. Les tubes s'étaient tus, repassant la
parole aux cors. L'heure était sociale, économi-
que et philanthropique, celle de la statistique,
cette poésie des hommes d'affaires.
— Vous a-t-on remis, ce matin, demandai-
je, le tableau officiel des suicides de la se-
maine ?
- Oui, mais je ne l'ai point regardé ; est-ce
, qu'il diffère de celui de la semaine précédente ?
— Si c'est en différer que de le doubler. L'au-
tomassacre en chambre se développe de jour
en jour dans des proportions anormales, pres-
que anti-scientifiques, et les réchauds devien-
nent hors de prix.
« D'autre part, les pêcheurs à la ligne
des rives exquises de la Seine signalent un em-
bonpoint bizarre des carpes, tanches et ablet-
tes, qu'ils ne peuvent comparer qu'à l'engrais-
sement de la lamproie romaine, sous Tibère,
dans le lac Lucrin, lamproie dite des gastrono-
mes. On remarque, en outre, que, dans les
maisons d'exploitation à baux, ce sont les éta-
ges les plus près du ciel et les plus loin du
pavé, qui sont loués de préférence par les loca-
taires amateurs. Enfin plus les trains marchent
vite, de nos lignes ferrées, plus ils retardent, à
cause des obstacles vivants et transversaux
qu'aiment à superposer sur les rails des famil-
'les entières de chattertonisants. L'épidémie,
conclus-je, est endémique et l'endémie est épi-
démique.
— A quoi l'attribuez-vous ? me lança sournoi-
sement Rothschild, qui cherche toujours à
.m'extraire des bêtises, politiques ou autres.
- Je ne l'attribue pas, échappai-je. On s'est
toujours suicidé. Le mal nous vient de nos ori-
gines aryennes, c'est une fièvre indienne. Je
pense que le christianisme l'a propagée par ses
apologies de la mort et sa vision de repos dans
les jardins de l'Au-delà — des Ferrières, sa-
luai-je.
Et le baron fut très sensible au compliment.
-:- J'ai fait de mon mieux, toussota-t-il.
— L'erreur serait de croire, avais-je déjà re-
parti, qu'on ne se supprime que pour des cau-
ses de désespoir, de déception, de misère ou
de remords. Il est établi, au contraire, que
l'amour de l'anéantissement est en raison di-
recte de l'accroissement général du bien-être.
Ohe*. les peuples où le pain est rare on ne s'en
fait point pas passer le goût, et cette folie ne se
développe que chez ceux-là où la truffe sura-
oond^si ''ose risquer cette synecdoche.
— Risquez-la, nous sommes seuls. Mais
l'hospice ?
— L'hospice !. Vous en fondez à tour de
bras et à bourse que veux-tu, vous et les autres
Jacques Cœur du capital surhumain, pour tous
les maux qu'on vous signale. Paris n'est qu'un
immense caravansérail d'abris, d'asiles, de pry-
tanées pour toutes les souffrances, toutes les
démences, toutes les infortunes de la plus
sotte bête de l'arche. Il n'est cas pathologique
qui n'ait traitement et clinique ; mais le vertige
de la mort n'a rien ! Cependant, il dépasse la
rage et atteint la peste — cette peste du mouton,
au moins, qui fait que tous ceux de Panurge se
jettent à la mer, sans savoir pourquoi et d'ins-
tinct, contagieusement.
— En effet, fit le baron, le mal est tel que
vous me l'étalez, et pis encore ! Mais est-il au
moins guérissable ? Quand on sauve un noyé
on lui fait jurer de ne plus recommencer, il en
prête serment et court se pendre ! Il n'y a rien
contre le suicide.
— Parce qu'on ne connaît pas le microbe, et
l'hospice servirait à le découvrir.
La cloche du château sonnait le dîner aux
cynégètes et le moment était venu de laisser la
paix aux nobles animaux qui ne se suicident
pas et qui en auraient le droit peut-être.
— Revenez me voir, dit Rothschild.
— J'irai, Chatterton m'embête.
EMILE BERGERAT.
.-
Echos
Les Courses.
Aujourd'hui, à deux heures, courses à Saint-
Cloud.
Pronostics de Gil Blas :
Prix de la Côte. — Limousin, Ratisbonne.
Prix du Garage. — Kirizel, La Mandchourie.
Prix des Bassins. — Kaisarieh, Tubéreuse.
Prix de Saint-Michel. — Arcole, Ranavalo II.
Prix ileMontainville. - Lisette, Lobélie.
Prix de lVezel. — Lys Rouge, Ladislas III.
twvvwvv
Le temps qu'il fait.
Les météorologistes, entre deux pronostics, s'ap-
pliquent à déterminer les causes du mauvais temps
persistant que nous venons d'essuyer.
Une réunion, qui vient d'avoir lieu à Lausanne,
a discuté le point de savoir s'il n'y aurait pas dimi-
nution du pouvoir calorique du soleil. Non, ce n'est
pas cela. Le soleil n'a rien perdu de son ardeur ;
seulement, une forte partie de sa chaleur se perd en
route : de là les basses températures.
Et la cause de cette déperdition de chaleur ? De
nouveau intervient la théorie de la perturbation de
l'atmosphère par les éruptions volcaniques si fré-
quentes depuis un an, et qui ont commencé par cel-
les du mont Pelé à la Martinique.
Il parait que les quantités énormes de cendres
lancées par les volcans, et portées à des altitudes
considérables, mettent beaucoup plus de temps qu'on
ne croit avant de se dissiper. Ce serait donc aux
volcans que nous devrions ce piteux été, ce soleil ané-
mique et voilé même dans les rares belles journées,
et les pluies, et la température au-dessous de la nor-
male.
Telle est l'explication qui a cours « dans l'état ac-
tuel de la Science ».
Hier, temps assez beau, mais frais, surtout l'a-
près-midi.
La continuation de ce temps est probable.
A Paris, 7 h. du soir, 15°. Baromètre, 772 m/m.
Déplacements et villégiatures.
Le Président de la République rentre ce ma-
tin à Paris. Dès son retour, il présidera le Con-
seil des ministres, qui se réunira à dix heures à
l'Elysée.
M. Combes, président du Conseil, qui rentre
également ce matin à Paris pour assister au
Conseil, soumettra à la signature du Président
de la République le décret chargeant M. Vallé,
garde des sceaux, de l'intérim du ministère de
l'intérieur.
Ainsi que nous l'avons annoncé, le président
du Conseil quittera Paris demain pour ac-
complir un voyage de quinze jours en Espagne.
M. Combes et M. Chaumié vont se rencon-
trer aujourd'hui pour la première fois depuis
les incidents de Tréguier. Leurs effusions se-
ront brèves et froides.
Lâche vengeance.
M. Tisisier gardait à M. Chaumié, nul ne
l'ignore, une vive rancune depuis les incidents
du lycée Buffon. Le collaborateur de M. Pelle-
tan s'eist offert cette semaine l'aimable ven-
geance que voici :
Le ministre de l'instruction publique et l'es-
corte qui le suivait depuis Tréguier, devaient
visiter l'île Bréha.t mardi. Il fallait un bateau, et
ce fut le Fresnel qui, désigné pour cette glo-
rieuse mission, reçut à son bord les voyageurs.
Il faut avoir vu le Fresnel pour s'imaginer ce
qu'est ce vapeur admirable dont les vagues de
la mer bretonne, si dure à la hauteur de la ri-
vière de Tréguier, s'amusaient comme d'une
coquille de noix.
— Moi, monter là-dessus ? fit Anatole Fran-
ce. Vous voulez rire !
Et il résolut de s'offrir seul une excursion
pédestre.
— N'allez pas sur ce méchant bateau. Ecou-
tez-moi, madame, n'y allez pas, conseillait-il à
Mme Fernand Gregh.
Mme Fernand Gregh, qui est infinimentt
charmante et très spirituelle, n'écouta pas les
sages avis du Maître. Elle en fut horriblement
punie. La traversée fut atroce. Penchés sur les
flofe, indifférents aux vagues qui balayaient le
pont, les malheureux passagers et les jolies pas-
sagères souffrirent les pires tortuye-s. M. Chau-
mié était vert, M.. Roujon blême, M. de Kuer-
guézec cachait son ironique casquette blanche
de yachtman pour mieux s'adresser aux pois-
sons. Beaucoup espéraient un naufrage qui les
délivrerait de ces souffrances.
M. Tissier, enfoui très probablement dans
son lit moelleux, car il était onze heures du
matin, s'amusait extrêmement.
vwwww
Pour accueillir M. Combes.
Il y a, à Saint-Quentin, un vieux beffroi et un
vieil hôtel-de-ville.
Ces deux vestiges ont chacun une histoire
ancienne et une histoire contemporaine. Tout
le monde connaît la première ; mais bien peu
connaissent la seconde. Et celle-ci n'est pas la
moins intéressante. -
D'aboi d, le beffroi est habité par un « guet-
teur », dont la vigilance est escomptée par les
sapeurs-pompiers de la localité : cet homme,
qui vit plus près de la lune que le commun des
mortels, a mission de signaler les incendies,
au moins après qu'ils sont allumés. En des cir-
constances exceptionnelles, il annonce à son
de trompe aux Saint-Quentmois un événement
mémorable, par exemple l'insertion de la croix
de la Légion d'honneur dans les armes de la
ville, ou l'ouverture d'un concours de gymnas-
tique.
Pour assurer la vigilance de ce guetteur, les
autorités locales ont imaginé un procédé sim-
ple, mais sûr. Chaque fois que l'horloge de
l'hôtel-d-e-ville sonne une heure de la journée
ou de la nuit, le locataire du beffroi doit don-
ner un coup de marteau sur le bourdoncela
prouve qu'il ne dort pas. S'il est en défaut, on
lui dresse procès-verbal.
L'horloge de l'hôtel-de-ville est une horloge
à musique : elle joue en temps ordinaire la mar-
che des Puritains (15 mesures pour les demies,
le morceau tout entier pour les heures). Mais,
depuis que les socialtètefs sont au pouvoir.
municipal, le mécanisme a été compliqué : les
jours de fête, l'horloge joue Ylniernationale !
wvwvwv
L'impitoyable gourmet.
— Un faisan n'est pas mangeable s'il n'est tué
depuis au moins trois semaines en temps ordi-
naire, un mois s'il fait frais, et plus quand l'hi-
ver est très froid. Le manger avant, c'est l'af-
faire de gens qui se font servir du gibier par
snobisme, le consomment frais par bégueule-
rie, et n'osent pas avouer qu'ils manquent s'y
casser les dents.
Ainsi parlait, à une table hospitalière, le
comte de B., un de nos plus fins gourmets et
de nos meilleurs pique-assiette.
— Un faisan tué la veille, s'écriait-il, mais
c'est moins bon qu'une volaille de basse-cour,
et un homme qui se respecte ne commettra ja-
mais le crime d'y porter la dent !
Tant d'éloquence rendait muets les convives.
— Ainsi, tenez, moi, continua B., voilà -ce
qui m'est arrivé. Je chassais une fois dans les
prairies du Far-West, en compagnie d'un nè-
gre qui portait mon fusil de rechange. Il y
avait plusieurs jours que je n'avais rien tué,
et, comme nous étions loin de toute habitation,
nous étions exposés à mourir de faim. Je sen-
tais venir l'épuisement, lorsqu'un matin, enfin,
un gros oiseau se leva devant moi.
« Je tire. l'oiseau tombe. je me précipite.
je le ramasse. Horreur ! C'était un faisan ! Y
toucher avant trois semaines, c'était un déshon-
neur !
— Mais alors, comment êtes-vous encore de
ce monde ? s'écria-t-on.
— J'ai mangé le nègre, en attendant, dit B.
avec simplicité. »
vwvwvvv
Quarante seulement 1
Une anecdote sur Fernand Lafargue, vice-
président de la Société des Gens de Lettres, qui
vient de mourir.
Il y a de longues années, Fernand Lafargue
fut nommé officier d'académie. On en parla
pas mal à Bordeaux, ville natale de l'écrivain.
Peu de temps après sa « palmation », Fernand
Lafargue alla passer quelques jQiUI'S là-bas et,
ayant besoin de chaussures, il se rendit chez
son bottier ordinaire.
Le bottier frémit d'orgueil à la vue du ruban
qui ornait la boutonnière de son cher compa-
triote et client :
- Ah ! monsieur Lafargue, s'écria le brave
« chaUSS8Ur» — on dit « chausseur » à Bordeaux
- c'est tout de même émotionnant pour les
gens qui vous connaissent, de penser qu'il y a
seul-emenit dans toute la France quarante dé-
corés « de l'Académie » et que vous êtes un de
ceux-là !
Fernand Lafargue tendit plus fièrement son
pied.
'\I\1\1\I\I\I"
Petits cadeaux.
Les prélats et fonctionnaires attachés à la tré-
sorerie du Vatican ont achevé l'inventaire de ce
que Léon XIII a laissé en héritage au Saint-
Siège.
Outre les sommes du Denier de saint Pierre-
dont le Pape défunt connaissait seul le chiffre
exact et qui montait, paraît-il, à 30 ou 40 mil-
lions — Léon XIII avait reçu des fidèles, lors des
jubilés de ses dernières années, quantité de bi-
joux, de pièces d'orfèvrerie, de meubles et d'ob-
jets rares-
Un grand nombre de ces objets sont, dit-on,
en mauvais état de conservation, et mêlés à
d'autres dons des plus disparates, car les fidèles
— et aussi des commerçants qui croyaient avoir
une ingénieuse idée de réclame — faisaient au
Souverain Pontife les cadeaux les plus inatten-
dus. On a retrouvé parmi ces objets de prix jus-
qu'à des sacs de café et de sucre ! De belles
fourrures, des tapis de prix, voire une collec-
tion des oisdaux les plus rares du Brésil et de
l'Amérique du Sud, remisés au hasard dans
des salles désertes, ont été découverts détério-
rés par la poussière et la vermine, ou par l'hu-
midité qui a fait ses ravages. On évalue à des
centiaiii-es de mille francs Les pertes ainsi cau-
sées par la négligence et l'oubli.
vwvwwv
Ballon prisonnier.
On est prié de ne pas entendre « ballon cap-
tif » sorte de joujou de géant retenu par un
câble. Non. Le ballon dont il s'agit doit faire,
dans le dessein de celui qui le conduit, un des
plus beaux raids die l'aérastation.
L'aéronautie suisse Spelt-erini attend à Zermatt
le vent favorable pour faire l'a traversée des
Alpes et passer en Italie.
La nouvelle de oe projet a attiré à ZermaU
une grande quantité de curieux et d'alpiniistes.
Ceux-ci ont l'intention de se poster sur les meil-
leurs observatoires des cimes voisines pour sui-
vre les péripéties du voyage aérien.
Mais le mauvais temps et les vents contraires
ont retenu jusqu'ici Spelteriiii. Il interroge les
nuages ; il échange des dépêches avec les mé-
téorologistes les plus qualifiés. Il ne veut pas
renoncer ; il a la foi. Ce capitaine suisse au
nom italien a une ténacité américaine et prend
le temps comme il vient avec un flegme hollan-
dais et une gaieté toute française.
vwwww
Encore le « roi galant homme ».
L'aïeul du jeune roi d'Italie, dont un de nos
collaborateurs rappelait la belle conduite à
Palestro et la nomination de caporal par nos
zouaves électrisés, ce Victor-Emmanuel II avait
au moins deux des talents de notre Henri IV,
Ce diable à quatre
Avait triple talent
De boire, et se battre,
Et d'être un vert galant.
Victor-Emmanuel II, aïeul du sage et réservé
Victor-Emmanuel III, avait une réputation par-
ticulière si populaire qu'elle avait pénétré jus-
que chez ses sujets du Val d'Aoste, braves gens
chez lesquels ne grimpe guère la chronique.
Un jour, au cours d'une chasse dans cette
contrée, il rencontre une paysanne et s'aperçoit
qu'il n'en est pas connu. Le voilà curieux de la
questionner :
— Qu'est-ce qu'on dit du Roi ?
— Que c'est un grand brav' homme, répond la
femme, mais — avec un sourire malin — qu'il est un
peu femalu.
On parle français au Val d'Aoste, mais un
français bizarre. Femalu veut dire porté sur les
femmes. On l'a probablement deviné.
Une autre fois, c'était à Courmayeur, c'est
une villageoise qui se montra curieuse. Elle de-
mandait à voir le Roi, avec tant d'insistance
que Vicîor-Einmanuel y consentit. Il s'attendait
à une génuflexion et à quelque place t. La pay;
eanne entra. -- ,
— Le Roi ? c'est moi !
— Pas possible!
- Pourquoi ?
- Se ge fusso una reina zte voudrio pa épousé Mit
ommo si heurt !
Autrement dit : « Si j'avais été reine, je n'au-
rais pas voulu épouser un homme si laid ! » Il
est probable qu'on risquerait beaucoup à dire
une chose pareille à un sous-préfet, sans parler
d'un ministre ! Comme Victor-Emmanuel n'é-
tait qu'un simple Roi, il rit beaucoup et ne fut
pas dégoûté de parler familièrement avec les
montagnards.
Très content d'un maire de village, il voulut
faire à ce brave homme un plaisir inatfendu, et
il lui dit qu'il allait lui donner une croix de
ses ordres.
— Monsieur le Roi, ces choses-là ne conviennent
qu'aux messieurs de la ville qui n'ont rien à faire.
Ils en sont fous. Nous il nous faut travailler et la
croix, cela nous gêne.
— Alors, dit Victor-Emmanuel, tu accepteras bien
un taureau et deux génisses.
— VoilÙ, monsieur le Roi, dit le montagnard, vrai-
ment enchanté cette fois ; ces belles bêtes, ça fait
mieux mon affaire qu'une croix.
'\I\I\I\I\iV\I\
Les anges du foyer.
Une nouvelle école va s'ouvrir demain à Bu-
carest. Le Roi en a approuvé le règlement et
c'est la princesse royale de Roumanie qui en
est l'inspiratrice et la fondatrice. Elle s'appel-
lera « l'Ecole de ménage Princesse-Marie » et
les jeunes filles de seize à vingt-quatre ans y
pourront trouver, soit comme externes, soit
comme internes, un enseignement irréprocha-
ble.
Cet enseignement durera, dès l'an prochain,
du 15 août au 15 juillet de l'année suivante, et
comprendra quatre sections. Dans la première
section, on s'occupera de l'entretien de la mai-
son et de l'hygiène, de la tenue des comptes,
du service de table et de l'aide à la cuisine.
La deuxième section sera chargée du marché
et de la cuisine.
La troisième section sera consacrée au blan-
chissage et au repassage.
La quatrième section à la direction de la lin-
gerie, ainsi qu'à la réparation, à la couture et
à la confection des vêtements des élèves. Elle
acceptera aussi des travaux particuliers.
Les élèves passeront deux mois et demi dans
chaque section, et sortiront de là ménagères
accomplies. Bien des Parisiennes pourraient
peut-être y aller faire un tour.
vwwww
Pie X et Janne d'Arc.
Le nouveau Pape (s'est inquiété de savoir à
quel point en est arrivée la cause de la béatifi-
cation de Jeanne d'Arc et il a annoncé son in-
tention de présider lui-même la prochaine Con-
grégation qui sera consacrée à l'examen de la
cause de l'héroïne française.
«wwwyw
- Tout passe, tout lasse,
On croyait que le Looping the Loop ne serait
jamais dépassé, qu'il marquait le dernier degré
de la nouveauté et de la folie dans le sport.
Erreur ! La Flèche humaine, avec Mlle Hélène
Dutrieu, à l'Olympia, laisse bien loin derrière
elle la fameuse Boucle dela Mort. Tout Paris
a pu s'en convaincre hier soir. Aussi a-t-il ac-
clamé la gracieuse et intrépide artiste, dont le
nom est désormais célèbre.
vwvwwv
Une définition pour le dictionnaire de l'Aca-
démie :
Timbre-poste. — Petite vignette, — signe
d'affranchissement, — symbolisant, au recto,
la Déclaration des Droits de l'homme, et au ver-
so. une colle.
LE DIABLE BOITEUX.
• • »
LA POLITIQUE
Sœur Jeanne de la Croix
On vient d'arrêter, à Dreux, une religieuse
qui demandait quelques secours dans certaines
maisons charitables.
Interrogée par le procureur de la Républi-
que, elle déclara se nommer Ablin (Marie),
âgée de quarante et un ans, et appartenir à la
congrégation des Sœurs de la Providence de
Ruillé-sur-Loir (Sarthe).
Elle était cuisinière à l'école de Boubriac,
dans les Côtes-du-Nord. Mais, le 1er septembre,
l'école fut fermée et, bien que le métier de cui-
sinière puisse être exercé même dans la vie ci-
vile, la sœur Ablin (Marie) ne trouva pas de si-
tuation. Elle voulut se rendre à la maison mère
de Ruillé, mais la supérieure lui fit assavoir
que, faute de place, elle ne pourrait être accueil-
lie. Et voilà donc la sœur Marie Ablin contrain-
te au vagabondage et à la mendicité.
En lisant ces lignes, d'ailleurs mélancoli-
ques, il n'est personne qui ne se souvienne im-
médiatement de la nouvelle justement célèbre
de Matilde Serao : Sœur Jeanne de la Croix.
Sœur Jeanne de la Croix, après la fermeture
des couvents, tomba dans la vie civile. Les cir-
constances l'obligèrent à des voisinages déso-
bligeants pour sa vertu, à d'effroyables misères
incessamment accrues. Et, désorientée dans ce
monde dont elle ignorait tout et où chacun l'i-
gnorait, elle traina longuement l'existence la
plus précaire et la plus douloureuse. Et il ap-
parut que si le gouvernement italien était bien
coupable de ne pas payer la pension promise
aux religieuses dispersées, Dieu était en quel-
que façon coupable, lui aussi, de considérer
avec une sérénité trop indifférente les malheurs
des femmes pieuses adonnées à son service de
jour et de nuit.
Mais, « aide-toi » dit le proverbe — que je ne
me pique pas de vous apprendre — « aide-toi, le
ciel t'aidera ». Dieu aidera en France les reli-
gieuses dispersées ; mais il est bon d'abord que
les catholiques les aident. Pour que les catholi-
ques accomplissent tout leur devoir à l'heure
actuelle, il ne suffirait pas que l'un d'eux prît la
sœur Marie Ablin comme cuisinière. Non, tous
devraient s'entendre pour éviter aux religieu-
ses expulsées de leurs retraites les incertitu-
des — illégales — du vagabondage.
C'est par des actes que les partis politiques
ou sociaux s'affirment, beaucoup plus que par
des déclamations et des récriminations. Il ap-
partient aux catholiques d'empêcher que la fi-
gure créée par Matilde Serao ne devienne une
figure française. Il leur appartient d'éviter, par
une organisation pratique, efficace, que bien-
tôt les Marie Ablin ne pullulent. Sinon, le
peuple penserait vite que les catholiques sont
bien peu soucieux des humbles qui servent
leurs idées et leur foi; et cela ferait plus encore
pour leur défaite que les combats livrés contre
eux par les anticléricaux.
N'est-on pas surpris, au reste, qu'une seule
Marie Ablin ait pu se trouver en France ?
GIL BLAS.
LA
SOCIETÉ: DE PARIS
LXII
LE DUC DE GRAMONT
Le souvenir de Corisandre d'Audoins est resté cher
à la maison de (Sramont, ses filles portent le nom de
l'aïeule qui fut aimée d'Henri IV, qui l'aida à con-
quérir son royaume, qui lui inspira des lettres d'a-
mour — immortels monuments -- et qui faillit s'asseoir
sur le trône à ses côtés. Comme s'il ne suffisait pas
d'une Corisandre, ces heureux mortels ont épousé des
filles de l'aristocratie anglaise, ils ont mêlé leur sang
béarnais le plus heureusement du monde, si bien que
le type de famille ressemble aux portraits de Gains-
borough, Lely et Romney.
Le duc de Gramont est le fils aîné de cet ami de
jeunesse du comte de Chambord qui devint l'ambas-
sadeur et le ministre de Napoléon III; son frère, le
duc de Lesparre, a épousé Mlle de Conegliano, petite-
fille de l'illustre Moncey ; leur cadet, le comte Alfred
de Gramont, attaché au duc d'Orléans, est l'époux de
Mlle Sabatier, fille du consul de France en Egypte,
qui sut propager l'influence française sur les bords
du Nil et seconder si habilement les efforts de Les-
seps. Les trois filles du général duc de Lesparre, ses
cousines germaines, font grand honneui à la mémoire
de Corisandre, elles comptent certainement parmi les
plus charmantes femmes du monde parisien. l'une est
la comtesse Frédéric de L'Aigle, la seconde est la
marquise dl'Archiac, la plus jeune est la. comtesse
Jacques de Bryas. Une autre de ses cousines est la
comtesse Arnaud de Gramont, née Brincard ; enfin la
sœur du duc, la -comtesse de Brigode, avec ses grancfe
yeux noirs, sa belle tête dressée sur une nuque ad-
mirable, possède l'inimitable allure des grandes da-
mes françaises.
Sous la direction fort éclairée de son père, le duc
fit les plus brillantes études, sortit au premier rang
de Saint-Cyr, entra à l'école de guerre, et peu après,
il épousait la fille du prince Marc de Beauvau et par-
tait en garnison à Lunéville. Devenu veuf, avec une
fille, il convolait en secondes noces avec Mlle de
Rothschild, fille du baron Lionel, de Francfort, et,
prévoyant sans doute les difficultés présentes, il
abandonnait la carrière militaire pour s'organiser la
vie agréablement indépendante où se conservent la
belle humeur, l'entrain et la jeunesse. A l'automne, les
réception du château de Vallières sont nombreuses
et élégantes ; veneurs, tireurs et jolies femmes s'y don-
nent rendez-vous.
Le duc a gardé le goût des sports, où il était ré-
puté. Sauf cette année où un accident l'a. retenu à la
campagne, on le voit chaque matin au bois de Boulo-
gne sur le hack superbe qu'il monte toujours en offi-
cier de cavalerie. Sa moustache est restée blonde, il a
très bon air, il est très poli, d'une politesse empres-
sée, il parle comme le faisait Henry IV, d'une voix
douce b l'accent persuasif. 1
Il possède des archives de premier ordre qu'il fait
classer avec soin. Il a l'esprit cultivé et s'intéresse
aux recherches d'histoire. A-t-il lu Rabelais ? On
pourrait croire qu'il ne sait pas à quel point a faulte
d'argent » est cruelle détresse à l'espèce humaine, car
on l'entend parfois-se plaindre du fardeau financier
qui pèse sur ses épaules. Cinquante millions, oui
da ! le placement de père de famille n'est pas aisé à
trouver.
Sa première femme lui avait laissé une fille qui
épousa naguère le marquis de Clermont-Tonnerre, fils
du duc. Son second gendre, le comte Hélie de Noail-
les, vient de quitter l'armée pour jouir en paix de la
belle terre de Champlâtreux, héritage des Molé ; son
fils, le duc de Guiche, est comme son père un fervent
du turf, il deviendra membre du Comité des courses,
laborieuse carrière!
La duchesse a le beau type de sa race. Elle s'exprime
avec cette précision élégante des étrangères qui ont
reçu l'éducation parfaite, elle est instruite, musicien-
ne, lettrée ; elle a meublé avec un goût très sûr le
bel hôtel acquis des Sauvage de Brantes, elle s'est
conquis de nombreuses sympathies par la sûreté et le
charme de son commerce. Ses amies sont : la princes-
se de Polignac, la comtesse Aymery de La Rochefou-
cauld la duchesse de Trévise, la comtesse de Gramedo,
la duchesse de Luynes, Mme Jacques de Waru. Elle
est liée par la plus tendre affection à la baronne Ja-
mes de Rothschild et à la princesse de Wagram, les
sœurs qui représentent la patrie absente. Elle donne
au printemps des bals splendides, nombreux où, libé-
ralement, elle invite le ban et l'arrière-ban du jeune et
du vieux monde.
LARGILLIÈRE.
————————————
Pendant la saison des villégiatures, nous
prions instamment nos abonnés, pour éviter
tout retard, d'accompagner de la bande du jour-
nal toute demande de changement d'adresse.
LA
Crise Ministérielle Anglaise
La crise minilstérielle a été officiellement
connue par la note suivante delà résidence of-
ficielle du premier ministre :
« Les ministres dont les noms suivent, ont
lI'emis leur démission qui a été acceptée par le
.Roi : le très honorable Joseph Chamberlain, le
très honorable T. Ritchie et le très honorable
lord George Hamilton. »
Une correspondance datée du 9 septembre
-entre M. Balfour et M. Chamberlain était pu-
bliée en même temps.
Le 9 septembre, M. Chamberlain écrivait
qu'en prévision de l'important Conseil de ca-
binet qui devait se réunir le lundi suivant, il
avait très soigneusement étudié la situation
présente.
Dans cette lettre il donnait quelques détails
qui éclairent bien son système économique :
« Lorsque vous, répondant à la délégation
qui était venue vous entretenir de la taxe sur
le blé, et moi, en parlant à mes électeurs de
Birmingham, appelions l'attention du public
sur les changements survenus dans la situa-
tion commerciale de l'Angleterre depuis cin-
quante ans et proposions une enquête à ce su-
jet, ni l'un ni l'autre nous n'avions l'intention
de provoquer une controverse de parti.
« Nous soulevions cette question, qui est de
la plus grande importance au point de vue na-
tional et impérial, dans l'espoir qu'elle serait
discutée avec une certaine impartialité par nos
amis et par nos adversaires, que les conclu-
sions de l'enquête seraient acceptées par la
majorité du peuple anglais, et que les résultats
des prochaines élections générâtes seraient
conformes, aux résultats de cette enquête-
« Cette manière de voir n'a pas été partagée
par les Ohefs du parti libéral : dès le début, ils
ont repoussé l'idée quiun système générale-
ment accepté en 1846 pourrait peut-être deman-
der quelques modifications en 1908, et toutes
les forces vives de ce parti furent mises en oeu-
vre pour combattre toute tentative de modifier
les bases de notre politique fiscale ou même de
rechercher s'il y avait li'eu de les modifier.
« De plus, des divergences d'opinions se ma-
nifestèrent dans le parti unioniste. Nos adver-
saires ont placé en tête de leuns arguments
leurs objections contre la taxation des produits
alimentaires et même contre tout remaniement
de la taxation existante qui pourrait intervenir
pour l'avantage mutuel de l'Angleterre et de
ses colonies et l'union plus étroite des différen-
tes parties de l'empire-
« Alors que le public se rend bien compte du
danger d'une concurrence illimitée de la part
des pays étrangers qui nous ferment leurs mar
chés et trouvent cependant en notre propre
marché un débouché pour leur excès de pro-
duction, il n'a pas encore apprécié l'importan-
ce pour notre commerce des marchés coloniaux
ni le danger de les perdre, si nous ne déférons
pas dans une certaine mesure à leur naturel et
patriotique désir d'un système d'échanges pri-
vilégiés. Il en résulte que, pour le moment
tout accord préférentiel avec nos colonies, im-
pliquant des droits quelconques sur des ar-
ticles d'alimentation, jusqu'ici exempts d'im-
pôts, parait inacceptable à la majorité des élec-
teurs. »
Après avoir reçu les démissions de ses col-
lègues, M. Balfour est parti pour l'Ecosse.
Il faut noter avec quelle scrupuleuse honnê-
neté le secret des négociations, des délibéra-
tions et des divergences qui ont précédé cette
crise a été gardé par les ministres en cause,
leurs secrétaires et leurs familiers.
Ni le Daily Telegraph, ni le Standard, ni le
Times, qui touchent pourtant, à des titres di-
vers, au personnel gouvernemental, n'ont eu
vent de ce qui se préparait.
La Westminster Gazette, l'important organe
libéral, considère la démission de M. Chamber-
lain comme une simple manœuvre qui aurait
été concertée entre le premier ministre, M. Bal-
four, et le miniistre des colonies, pour assurer
le succès des réformes fiscales de M. Chamber-
lain au sujet des droits préférentiels sur les ali-
ments. ■ •
Le Globe, le journal conservateur, dit que
l'Angleterre regardera la démission de M.
Chamberlain comme un regrettable incident,
mais que, de leur côté, les colonies envisage-
ront cet événement comme un désastre natio-
nal et impérial.
Pour la Pall Mail Gazette, M. Chamberlain
reste plus que jamais, aux yeux de l'Angleter-
re, l'incarnation de l'idée impérialiste. Elle dé-
clare que M. Chamberlain, comme tous les
grands réformateurs, est seulement en avance
sur ses compatriotes. - *•
Le Star, l'organe radical, écrit que M. Cham-
berlain est pour le moment à l'île d'Elbe, mais
qu'il n'a pas encore trouvé son champ de. ba-
taille de Waterloo.
Dans les cercles politiques, on croit que M.
Austen Chamberlain succédera à M. Ritchie,
comme lord chancelier de l'Echiquier.
On,donne également comme probable l'aban-
don du ministère de la guerre par M. Brodrick,
qui prendrait le secrétariat des Indes.
En ce cas, M. Brodrick serait remplacé au
War Office par M. Arnold Foster, actuellement
secrétaire parlementaire de l'Amirauté.
Lord Milner, enfin, le gouverneur de la colo-
nie du Cap, remplacerait M. Chamberlain au
ministère des colonies.
M. Balfour se rendra à Balmoral d'ici deux
jours pour soumettre au Roi la liste des nou-
veaux ministres. _,
Le Salon
d'automne
- -, '-'1-' .04'
Nous avions déjà les deux Vernissages du
1er mai, ces journées des dupes, des papotages,
des débinages, des compliments insincères et
des poignées de main fallacieuses. a Ceux des
Artistes français » venaient, vexés, contempler,
les Zoloaga, les Lobre, les Prinet, les Lavery.
Ils monologuaient, songeant aux déserteurs :
« Cette année, Caro-Delvaille et Abel Faivre qui
nous lâchent ; l'an prochain, grands dieux,
sera-ce Henri Martin ? » Les snobinettes arbo-
raient d'impressionnants boléros et les toiles
peintes entendaient les coutumières niaiseries.
Et voici que, grâce à Frantz Jourdain, nous
aurons un vernissage d'automne ! --
Le 30 octobre prochain, veille de la Tous-
saint, nous serons conviés au rez-de-chaussée
du Petit-Palais. Frantz Jourdain, l'âme de ce
Salon, l'infatigable défenseur des Indépen-
dants, me disait ce matin : « Nous espérions le
premier étage. Mais, hélas, la Ville y a installé
le legs Dutuit, et nous devons nous contenter
des salles d'en bas. Seront-elles assez claires,
par les journées courtes et brumeuses de no-
vembre ? ». Souhaitons-le.
La caractéristique de ce Salon est le méoat
nisme du jury. Point de Comité d'artistes grou-
pés en coterie, en petites chapelles, où les te-
nants de la « peinture claire » honnissent la
« bande noire » et vice-versa. Point de récom-
penses ni de décorations. Un jury composé*
aux quatre cinquièmes, d'artistes profession-
nels, et, pour un cinquième, d'amateurs saga-
ces, de critiques d'art, de collectionneurs clas.
ses. Besnard et Carrière sont présidents d'hon-
neur. Les critiques-jurés sont, outre Frantz
Jourdain, Yvanhoé Rambosson qui, le premier,
avec quelques écrivains du Mercure de France,
conçut l'idée du Salon d'automne, Armand
Dayot, Gustave Geffroy, Roger Marx, Arsène
Alexandre, de Fourcaud. A ces noms estimés,
joignons celui de Huysmans (le Huysmans de
Certains, et non de la Cathédrale). ? ,
Les talents des Artistes Français„ Henri Mar-
tin, Wéry, Adler, fusionneront avec ceux de la
Société Nationale, Besnard, Desvallières, Cons-
tantin Meunier, Alexandre Charpentier, Cheret,
Willette, Fix Masseau — et ceux des Indépen-
dants, Laprade, Maufra, Bonnard, Auburtin,;
Vallotton. On espère Rodin, Pissarro, Degas et
Fantin. Le groupe Mourey boude, attitude inat-
tendue et. puérile de la part de ces Beaux pein-
tres, Lucien Simon, Cottet, René Ménard.
Nous les adjurons humblement de s'associer à
cette manifestation si haute. -
Paul Cézanne, le sauvage initiateur, le pré-
curseur de Van Gogh et du pauvre Gauguin,
accepte de faire partie du jury. Monet s'abs-
tient : Le Claude Lorrain de Giverny, on le
sait, n'expose jamais ; Signac, farouche, a re-
fusé « parce qu'il y a un jury. »
Parmi les étrangers, ont déjà adhéré Jef Lam-
beaux, Lembach, Kaulbach, Israëls, Zuioaga,
Alexander.
Chaque sociétaire a droit d'envoyer trois toi-
les : une, reçue de droit, et deux — fût-on Bes-
nard ou Henri Martin — qui passeront démocra-
tiquement devant le jury. La place la plus
large, l'accueil le mieux fraternel, seront ré-
servés aux vrais jeunes, les Bussy, les Ihu-tel"
les Milcendeau, les Francis Jourdain3 les Mi-
narts. -
Trois cent-s mètres de cimaise. Et pas d'at-
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