Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1881-03-19
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 mars 1881 19 mars 1881
Description : 1881/03/19 (N4026). 1881/03/19 (N4026).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
N° 4026 —. Samedi 19 Mars 1881 - - '",' - JCe numéro s JLOCé — Dép&ptéiiieiiis z tS» ©• 20 Ventôse an 89 -N° 4028
ADMINISTRATION '.-$ >
J8, 'BUS M! VALOIS, ÉB ?
ABONNEMENTS
PARIS
ftfôîs îaois 10 »
Six mois.20 »
DÉPARIEMEKÏS
Trois mois. fiffl.
Six dois. HJf
Adresser lettres et mandais t _:-
A M. ERNEST LEFÈVES
Jtf>LffiOSÏRAX £ CR-Gï2ïAi3 - <
-.' REDACTION - , -.
-.' S'adresser au. Secrétaire de la. RéSactisai
De 4 à 6 heures du soir
ta, RUE DE VALOES, 18
Siee manuscrits nonin sérés ne seyoasf ^espgaêge
ANNONCES
ML Ch. LAGRANGE, CEBP et CI
8, plue la BolIZ'Iots
ItSMI DE LA_ CONSTITUTION
v 1
C'est une bien étrange histoire que
celle de la Constitution du 25 fé-
rmer 1875.
f Voici, en effet, les questions que tout
d'abord elle donne à résoudre :
I Comment se fait-il que des démocra-
tes, partisans convaincus de la souve-
raineté du peuple, -aient rendu possible
'à l'Assemblée siégeant à Versailles
l'exercice du pouvoir constituant, après
avoir mainte et mainte fois, de la ma-
nière la plus formelle, affirmé que ce
pouvoir ne lui appartenait pas?
Comment" se fait-il que des républi-
cains doués du sens pratique aient jugé
conforme à la nature des choses l'éta-
blissement d'un gouvernement répu-
blicain par une Chambre monarchique ?
Par quel singulier renversement dey
rôles le fondateur de la Répub ique ou
de ce qu'on nomme ainsi — M. Wal-
Ion — a-t-il été le même qui, à quel-
ques jours de là, votait la main-mise
au clergé sur l'esprit des générations à
venir, votait la résurrection de la main-
morte, et contribuait de la sorte à nous
faire reculer d'un siècle?
D'où vient que l'homme d'affaires do
la maison d'Orléans, M. Bocher, a uni
son vote à celui de M. Jules Favre, le
25 février, lui qui, lu 12 feviier précé-
dent, fulminait contre la République,
en réponse à M. Jules Favre, la plus
(violent des réquisitoires?
Comment expliquer que, drns le
scrutin du 25. février, le nom de M. le
duc de Brogiie ait figuré à côté de
celui de M. Gambetta, et que les roya-
listes du centre droit s'y soient confon-
dus en masse avec les membres de
l'union républicaine?
, Si c'est bien réellement la Républi-
que qui a été fondée lo 25 février,
pourquoi l'a-t-elle été sans le concours
de républicains aussi éprouvés que
MM. Jules Grevy, Edgar Quiuet, Baro-
det, 'Martin Bernard, Madier de Mont-
„ jau, Daumas, Murcou, Ordinaire, Pey-
rat, Rathier, Louis Blanc?
Enfin, lorsqu'il s'est agi, après le
vote des lois constilutionnelles, de
former un nouveau ministère, sous
l'influence de queJles préoccupations
les trois gauches ont-elles porte à la
présidence de l'Assemblée, pour lui
faciliter la formation d'un cabinet, le
plus dangereux ennemi des idées ré-
publicaines et libérales : M. Buffet?
La succession des faits a été si ra-
pide;" on s'est si peu inquiété de les
rapprocher l'un de l'autre; on les a
commentés avec un tel parti-pris de les
obscurcir; oa a si bien réussi à éblouir
l'opinion, et en France et au dehors,
que, quoique l'histoire de la Constitu-
tion du 25 février soit d'hier, elle est
très importante à raconter et très cu-
rieuse à lire.
Je suis de ceux qui, dans les circons-
tances extraordinaires où nous som-
mes, n'ont pu rempirleur devoir qu'au
prix du plus douloureux des sacrifices.
Comme mes amis BarodHt, Martin Ber-
nard, Daumas, Madierde Montjau, Mar-
cou, Ordinaire, Peyrat, Rathier, et ce
grand citoyen dont la France a eu de-
puis à porter le deuil : Edgar Qui net,
) ai dû me séparer, dans le vote des lois
constitutionnelles, d'hommes qui m'ont
toujours été et qui me sont restés
chers; j'ai -du, dans la poursuite d'un
but auquel ils tendent, je le sais, avec
la même ardeur, avec la même anxiété
que moi, embrasser uue politique dif-
férente de la leur : raison de plus pour
que je me sois décidé à entreprendre
un récit qui mette mes électeurs en
état de juger si j'ai bien ou mal com-
eri&le mandat qu'ils m'ont confié.
II
En 1874, la situation était celle-ci :
Que la République existât de droit,
inutile de le dire : le droit, c'est elle;
mais, en outre et comme République
nominale, elle existait de fait.
Le titre de président de la Républi-
que était le titre du chef de l'Etat.
C'était au nom de la République que
la justice était rendue.
C'était le nom de la République qu'on
lisait sur le Journal officiel, sur nos
actes publics, sur nos monnaies, sur
nos timbres-poste, sur les médailles
des représentants du peuple.
C'était la République française qu'a-
vaient reconnue les gouvernements
étrangers.
: Pour rétablir la monarchie, les roya-
listes de l'Assemblée avaient fait diver-
ses tentatives qui, toutes, avaient mi-
sérablement échoué.
Impossible de nier que la Républi-
que ne fût, comme l'avait dit M. Thiers,
bien longtemps 'avant le vote des lois
constitutionnelles, 1& gouvernement lé..
gaI du pays.
Il n'y avait donc ni à la mettre aux
voix. ce qui eut été la mettre en ques-
tion, et, aver elle, le suffrage universel
auquel elle tient comme l'écorce à l'ar-
bre, ni à la reconnaître, ce qui eût
été superflu; son nom même, on l'a vu,
n'était plus à conquérir : il s'agissait
de l'organiser.
Par qui convenait-il que cette tâche
fut accomplie?
Par l'Assemblée qui existait alors,
ou bien par une Assemblée nouvelle
ayant reçu du suffrage universel lo pou-
voir constituant?
Le devoir de consulter la volonté na-
tionale dans la grande question de la
République à organiser, avait été af-
firmé , par l'unanimité des membres de
l'extrême gauche, formés en groupe
sous le nom de Union républicaine. Et
ils avaient manifesté leur opinion de
la manière la plus éclatante, la plus
persistante.
Un mot résumait leur politique : dis-
solution de l'Assemblée.
Tous ils pensaient :
Que, pour en finir avec un provisoire
qui pesait d'un poids de plomb sur le
travail, sur l'industrie, sur le com-
merce, et qu'alimentaient des ambi-
tions néfastes, il fallait consolider la
République ;
Qu'elle n'avait pas besoin d'être pro-
clamée en droit, parce qu'un peuple ne
peut être donné sans crime, ni se don-
ner sans folie;
Qu'elle n'avait pas besoin d'être re-
connue en fait, puisqu'elle était, selon
la définition de M. Thiers lui-même,
« le gouvernement légal du pays » ;
Que, dès lors, la question était de la
constituer, mais que, pour l'exercice du
pouvoir constituant, un mandat spé-
cial, indiscutable, était nécessaire;
Que ce mandat, l'Assemb:ée ne l'a-
vait pas reçu ;
Qu'il n'y avait pas deux souverains,
qu'il n'y en avait qu'un : la nation;
Que tout ce qui serait fait sans elle
porterait un germe de mort et ne ré-
pondrait pas à la grande nécessité du
moment : le défiuitlf;
Que, par conséquent,. il était ur-
gent de convoquer les électeurs; que
là était le vrai remède ; quo là était le
salut; que le meilleur moyen de réta-
blir le caime dans le5 esprits, de ren-
dre l'activité aux affaires, de couper
court à la compétition factieuse des
partis, était d'appeler la France à dé-
cidor, par des mandataires choisis à cet
effet, de quelle manière devait être or-
ganisée la République.
Cette poiiuque ue l'union républi-
caine s'affirma vivement dans le débat
que souleva, le 30 août 1871, la propo-
sition Rivet, tendant a ia prorogation
des pouvoirs de M. Tiiiers sous le titre
de président de la République.
Voici de quelle manière je m'expri-
mai, à cette occasion : « Comment
imaginer qu'on passe du provisoire au
définitif, sans que ce grand change-
ment ait lieu en vertu d'un mandat
ciair, précis, indiscutable ?. Ceux qui
veulent que sans un pareil mandat
l'Assemblée se déclare toute puissante,
ceux-là ne prennent pas garde qu'ils
confisquent au proht des élus lu
souveraineté aes électeurs. »
« Soixante mille électeurs, s'écria
M. Ordinaire, nous ont envoyés ici
sans equivoque pour vous dénier le
droit d'imposer à la nation un régi me
politique quelconque. »
« Ators même, dit M. Alfred Na-
quet, alors même que les électeurs
vous auraient donné le pouvoir consti-
tuant au mois de fevrier, vous ne l'au-
riez pas. La souveraineté nationale de
demain prime la souveraineté nationale
d'hier, et ie vote de juillet efface, an-
nule, annihile le vote du 8 fevrier. »
Et M. Gambetta : « Je ci s que, si
vous vouliez user du pouvoir consti-
tuant pour organiser soit la Répu-
blique, soit la monarchie, vous feriez à
la fois une œuvre téméraire et impoli-
tique, parce que, lorsqu'on crée un
gouvernement par voie de constitu-
tion, il faut que les mains qui l edifient
aiecit été véritablement reconnues ca-
pables et dignes de l'édifier. Et savez-
vous pourquoi? C'est parce que je ne
voudrais pas à ce prix d'une Républi-
que créée par une Assemblée incom-
pétente. »
On le voit : M. Gambetta, le 30 août
1871, aliait jusqu'à dire que, si l'As-
semblée s'arrogeait le pouvoir consti-
tuant, lui, à ce prix, ne voudrait pas
d'une semblable République !
Plus tard, le 27 février 1873, la dis-
cussion s'etaut ouverte sur le projet de
loi présenté au nom de la commission
des Trente et concernant les attribu-
tions des pouvoirs publics, projet au-
quel M. Dufaure, ministre de la justice
alors, déclara que le gouvernement
adhérait, M. Gambetta prit la parole,
dans la séance du 28 février. Voici un
passage du discours qu'il prononça :
Je dis que nous sommes engagés ; nous
avons à plusieurs reprises, dès l'origine
de l'Assemblée, protesté contre ses pré-
tentions au pouvoir constituant, et au-
jourd'hui nous reconnaîtrions ce pou-
voir! Comment! à partir du 2 juil-
Jet 1871, il n'est pas entré un républicain
dans èéttê enceinte - qui n'y ait été en-
voyé pour exprimer l'opinion dç ses com-
mettants. Or l'opinion de ces commettants
républicains a toujours été de réclamer
de vous la dissolution comme moyen po-
litique et non pas l'organisation des pou-
voirs publics. Et ces républicains le sa-
vent bien : la preuve qu'ils le savent, c'est
que, lorsqu'on a discuté la proposition
Rivet, ils ont voté contre le préambulè.
Ils sont Lés par ces principes, par ces
actes; ils sont liés par le vote de la cons-
titution Rivet, liés par le manifeste qu'ils
ont. signé, à l'heure des vacances, dans le-
que ils déclaraient que l'Assemblée actuelle
ne possédait pas le pouvoir constituant,
et qu'il n'y avait plus qu'une résolution à
j rendre : la dissolution. Et aujourd'hui,
nous pourrions consentir à changer toute
notre conduite, à désavouer tous nos ac-
tes!. Nous sommes bien obligés de dé-
clarer que nous ne pouvons pas compren-
dre ce que c'est que l'organisation d'une
République qui n'a d'autre programme
que de refouler la démocratie, qui ne
comprend d'autres inslitutioas que des
institutions monarchiques, qui ne veut
p s faire à l'esprit républicain les con-
cessions sans lesquelles cette République
n'est purement et simplement qu'une
mise en œuvre des abus du passé. Si c'est
là la République conservatrice, ce ne sera
pas la République.
Lorsqae, le 19 mai i873, M. Du-
faure, ministre de la justice, vint dé-
poser sur la tribune deux projets de
loi, dont l'un avait pour but d'organi-
ser les pouvoirs publics, et dont l'autre
était un projet de loi électorale, M.
P< yrat fit, au nom de l'Union républi-
caine, la déclaration suivante :
Les représentants du peuple, sous-
signés :
Considérant qu'aucune Assemblée élue
n'a le droit d'exercer le pouvoir consti-
tuant qu'en vertu d'un mandat spécial,
nettement délini, indiscutable.
Considérant qu'aucun mandat de ce
genre n'a ét~ donné à l'Assemblée; que,
même dans le cas où — ce que les sous-
signés sont loin d'admettre — il y aurait
doute, ce doute ne saurait être levé que
par un appel aux électeuis, pour la nomi-
mation d'une nouvelle Assemblee;
Déclarent protester, contre la présen-
tation des projets constitutionnels, laquelle
attribae à l'Assemb ée un pouvoir consti-
tuant que les représentants soussignés per-
sistent à ne pas lui reconuaître.
En conséquence, M. Peyrat deman-
dait l'urgence pour une proposition
tendant à ce que « l'Assemblée pronon-
çât, dans un délai de quinze jours, sur
sa dissolution » -
Cette proposition était signée de :
MM. Peyrat, Barodet, Guyot, Lockroy,
Alpli nse Picart, Georges Perin, Turir
gny, Challemel-Lacour, Ferrouiilat,
Leievre, llathier, Tiersot, Dréo, Edgar
Quinet, Louis Blanc, Gambetta, Henri
Brisson, Laurent Pichat, Gaudy, Ed-
mond Adam, Arrazat, Brelay, Brousses,
Bert, Brillier, Bouchet, Cotte, Colas,
Cazot, Castelnau, Corbon, Daumas,
Farcv, Gent, Greppo, Joigneaux, de
Laeretelle, Lepère, Lambert, Laserve,
de Mahy, Millaud, Naquet, Ordinaire,
Rouvier, Schcelcher, Tolain, Esquiros,
Monier, Scheurer-Kestner, Bloncourt,
Cai ion, Boysset, Ranc, Martin Bernard.
LOUIS BLANC.
(A suivre.)
■' 1 - :™ ■
DÉCOMPOSITION
Les vieux partis tombent en décom-
position et le moment approche où
M. Sardou pourra refaire sa comédie
des Ganaches en remplaçant, enfin, la
ganache jacobine par une ganache con-
servatrice quelconque. Déjà le bona-
partisme a fini sa carrière. Voici,
maintenant, que le royalisme achève la
sienne. Qu'est-ce que je dis? La reli-
gion elle-même se disloque et les
catholiques se divisent en deux camps.
Il existe, maintenant, des impérialistes
sans empereur; des monarchistes sans
monarque et des cléricaux sans pape.
En résumé, le parti de l'ordre 'ne se
compose plus que d'un tas de civets où
le lièvre manque.
Les bonapartistes n'ont plus d'empe-
reur : c'est connu. Comment il se fait
quo la moitié des royalistes n'a plus de
roi, le voici : M. le comte de Cliam-
bord a, paraît-il, pris le parti de M. de
Mun contre l'évêque de Vannes et
contre les royalistes modérés. Il en est
résulté, pour ces derniers, une disette
de monarque absolue. La famille d'Or-
léans s'étant ralliée à Henri V et
Henri V ayant rompu avec les orléa-
nistes, cette fraction du parti se trouve
forcément réduite à un tel état de mi-
sère qu'elle n'a plus un prince à se
mettre sous la dent.
Ce qui s'est passé dans le parti mo-
narchique s'est passé dans l'Eglise elle-
même. Le pape a, dit-on, fait lo con-
traire de ce qu'a fait le comte de Cham-
bord. Il s'est rangé du côté des modérés
et il a rompu avec les « purs ». Il s'est
mis du côté de l'évêque de Vannes. Il a
pris parti contre, de Mua et les jé-
suites. Les ultras sa trouvent donc dans
cette situation bizarre : ils ont un roi et
n'ont puis de pape; tandis que les modé-
rés se trouvent dans cette situation non
moins bizarre : ils ont un pape et n'ont
plus de roi.
Ce qui ajoute au comique de la chose,
c'est que le roi est plus catholique que
le pape; et que le pape est plus roya-
liste que le roi. C'est Henri V qui sou-
tient la vraie doctrine de l'Eglise contre
Léon XIII, et c'est Léon XIII qui es.
saye de protéger l'idée monarchique
contre Henri V.
En réalité, tout cela s'en va : pa-
pauté, royalisme, monarchisme, catho-
licisme. L'édifice s'écroule de lui-
même; nous assistons à l'effondrement.
Comment donc peut-il se faire que tant
de républicains parlent encore de la
force des vieux partis et prétextent
leurs craintes pour voter le scrutin d' ar-
rondissement ?
ÉDOUARD LOCKROY.
: —————————
- A LA CHAMBRE
Toujours préoccupé du bonheur du
plus grand nombre, M. Laroche-Jou-
bert propose, au début do la séance, de
rendre les titres honorifiques acces-
sibles à tous. Voulez-vous être due?
Cela vous coûtera la bagatelle do
10,000 fr. par an. Vous contentez-vous
de la simple particule? Alors, c'est
pour rien : 2,000 fr. Si, comme le croit
1 auteur de cette proposition d'impôt
sur la vanité humaine, elle devait pro-
duire 100 millions, il serait bien dérai-
sonnable de la repousser. La Chambre
n'a pas accordé le renvoi à la commis-
sion du budget, et c'est la commission
d'initiative qui nous dira ce qu'il faut
penser des calculs de l'honorable mem-
bre.
«
c..
L'ordre du jour* a appelé ensuite la
continuation du débat sur les ports
sud de Marseille. Il faut rendre à la
Chambre cette justice, qu'elle a su ac-
corder à cette discussion, quelque peu
obscure, une patiente attention. Il est
vrai que M. Philippoteaux, qui préside
très bien, avait soin, chaque fois qu'un
léger bruit de conversation embarras-
sait les orateurs, de rappeler à ses col-
lègues l'importance des intérêts enga-
gés et la nécessité d'écouter toutes les
opinions. A présent qu'elles se sont
produites et que le débat peut sembler
épuisé, nous n'avons pas à revenir sur
l'impression que nous avait laissé, à
la précédente séance, le discours de
l'honorable M. Farcy. Il demeure dé-
montré, pour nous, que le projet de la
commission est absolument inaccep-
table, et personne ne doutait hier que
tel fût le sentiment da la majorité.
Les partisans du projet l'ont com-
pris, et ils ont demandé le renvoi, pro-
fitant d'une distraction du président
qui a négligé de consulter la Chambre
sur la clôture, alors qu'elle était de-
mandée. Mais, pas plus à une séance
ultérieure qu'à la séance d'hier, la
Chambre ne se prononcera pour un
projet qui soulève les objections les
plus décisives, et pour lequel ses dé-
fenseurs ne trouvent à plaider que les
circonstances atténuantes. 1.
Nous ne voulons prendre parti pour
aucun des projets concurrents; cela
nous serait impossible, puisqu'ils nous
sont imparfaitement connus. Nous ne
voulons pas davantage rechercher, avec
M. Labadié, si M. de Girardin a ou n'a
pas des intérêts dans le projet qu'il ap-
puie; nous nous en tenons aux faits
avoués de part et d'autre. Or, il est
d'abord certain, puisque c'est le com-
missaire du gouvernement qui l'a dé-
claré, que l'une des deux propositions
n'a pas été examinée dans les mêmes
conditions que celle de l'ingénieur de
1 Etat. Pourquoi cette différence? Parce
qu'un particulier est un zéro à côté de
l'administration. C'est à peu près la
thèse soutenue par l'orateur ofhciel. 11
ne s'est pas borné à émettre cette opi-
nion par trop administrative ; il a
essaye de prétendre, que le Parlement
ne pouvait pas ordonner que les deux
projets fussent soumis à des épreuves
identiques. Ici les murmures de la
Chambre lui ont fait comprendre qu'il
faisait fausse route. Qiiantà nous, nous
croyons qu'il suffit de constater qu'on
n'a pas étudié les deux propositions
avec le même soin pour que l'accepta-
tion définitive de l'une des deux soit
impossible.
#$
Cette impossibilité résulta encore
d'autres déclarations empruntées aux
partisans de la commission. Ils recon-
naissent que le conseil d'amirauté est
hostile au projet et, pour sa part, le
ministre de la marine pense quo les
ports sud seront plus mauvais que les
ports nord. C'est sur pareille garantie
qu'on propose de faire une dépense de
50 à 60 millionst fi est vrai que le con-
seil d'amirauté ne s'est prononcé, dit
le commissaire du gouvernement,
qu'au point de vue nautique, point
de vue tout spécial. Bon; mais,
un peu plus tard, nous avons entendu
parler de l'opinion des commerçants
qui sont également hostiles. Oui, nous
dit-on, ils sont hostiles, mais à leur
point de vue restreint et non au point
de vue de la construction. Donc, si
nous avons bien compris, les marins,
qui sont incompétents sur ce point, ad-
mettent l'excellence commerciale du
projet, et les commerçants, qui n'enten-
dent rien à la marine, admettent l'ex-
cellence maritime des nouveaux ports,
Sur ce qu'ils connaissent, ils font leurs
réserves ou plutôt se déclarent carré-
ment contre.
Faut-il ajouter que les pilotes sont
du même avis que le ministre de la
marine et croient, comme lui, que
l'exécution des travaux projetés rendra
plus difficile l'entrée du port? Au reste,
s'il fallait une dernière preuve du peu
de valeur du projet de la commission,
nous la trouverions dans la faiblesse
des arguments des orateurs qui l'ont
défendu, et notamment du rapporteur,
dont le talent de parole est connu. Dès
que M. Rouvier n'a pu apporter de rai-
sons sérieuses, c'est qu'il n'y en a pas
à donner. Nous ne pouvons, en effet,
considérer comme sérieuse l'objection
qu'il a fait valoir contre l'ajournement
des travaux, au cas où l'enquête serait
votée.
Loin de retarder cette grande entre-
prise, l'enquête permettrait de la mener
à bien plus sûrement et plus vite. Il est
en effet certain que le Sénat ne votera
pas un projet contre lequel tant de pro-
testations surgissent. Ainsi, en admet-
tant qu'il passe à la Chambre, il viendra
échouer au Luxembourg, et on perdra
encore une annéesaus aucune compen-
sation. Au contraire, si l'enquête est
ordonnée, elle peut commencer dans
huit jours, et à la rentrée des Chambres
un projet mieux conçu et mieux étudié
peut être apporté au Parlement et voté
dans un-court délai.
A. GAULIBR.
— O
UN CURÉ APPELÉ EN DUEL
La cocumune de Vailly, qui est une
commune de la Haute-Savoie, a, com-
me toutes les communes de France, un
instituteur et un curé. Naturellement,
ces deux coqs n'ont pas besoin qu'une
poule survienne pour que la guerre soit
allumée. Il est facile de comprendre
que l'église n'aime pas l'école, que
celle qui enseigne le catéchisme n'ai-
me pas ceUe qui enseigne l'arithméti-
que, que colle qui apprend aux enfants
que trois font un ne chérisse pas celle
qui leur apprend que un et un font
deux. Ce qui se comprend moins faci-
lement, c'est qu'un monsieur que l'Etat
salarie se croie le droit d'injurier pu-
bliquement, et du haut de la chaire
que l'Etat lui prête, un fonctionnaire
de l'Etat.
Ce droit, non-seulement le curé haut-
savoyard se l'est cru, mais il en a usé,
et largement. Le Rappel a reproduit
hier quelques-unes des aménités que ce
salarié de l'Etat a versées sur la tête
d'un homme dont lo crimo est de ne pas
faire croire aux enfants que Jonas a
logé plusieurs jours dansle ventre d'une
baïeine et que, lorsqu'il en a eu assez
de ce domicile, il en est sorti (par la
porte de derrière?). Le Rappel n'a pas
reproduit tout ce que le curé a vidé sur
l'instituteur.
« Monstre dégoûtant et féroce! »
c'est en ces termes que le curé haut-
savoyard a qualifié M. Cartier dans une
lettre à l'inspecteur d'académie. Je me
demande en qu'ils termes il a pu le
qualifier, le dimanche 30 janvier, du
haut de la chaire que la République a
la bonté de lui entretenir, pour que le
rapport officiel, qui ïépète bien les ter-
mes : « monstre dégoûtant et féroce »,
recule devant ceux-là et se borne pudi-
quement à dire que « M. le curé, à l'é-
glise, a infligé à l'instituteur un affront
grave et public ».
Aux choses que le curé, haut-sa-
voyard a dites, il faut ajouter celles
qu'il a faites.
Il a — c'est un document officiel qui
parle, — « il a porté ses tracasseries
jusque dans la vie privée de l'institu-
teur et de l'institutrice, en déterminant
une jeune domestique à quitter leur
ménage, et en s'efforçant ensuite, par
l'éveil de scrupules religieux et de me-
naces, de détourner une autre per-
sonne d'entrer à leur service, »
Mais voici un détournement plus
sérieux. C'est l'inspecteur d'académie
qui parle : « Trois élèves de M. Cartier
songeaient à embrasser la carrière de
l'enseignement et avaiçRt pfi4 leu.r
maître de les y préparer; M. le curé,
au dire de l'instituteur, les aurait dé-
courages de telle sorte que ces enfants
n'ont pas reparu à l'école. Si ce témoi-
gnage paraît intéressé, il n'en est pas
de même de celui d'une autre personne -
qui affirme qu'au moment où I'instU
Uiteur se disposait à transmettre h
l'administration le dossier 'didat à l'Ecole normale, le jeune hom-
me vint lui dire qu'il renonçait à son
projet, et cela, ajoutait-il, parce que
ses parents avaient vu M. Je curé >/.
L'inspecteur déclare que c'est là un fait
grave et qui mérite de préoccuper l'U-
niversité, car les agissements de M. le
curé de Vailly ne tendraient à rien
moins qu'à entraver le recrutement de
l'Université ».
L'Université s'en est préoccupée, en
effet, et le préfet aussi. Et avant-hier,
on a pu lire dans le Bulletin de fins-
truction publique que la peine de la ré-
primande avec insertion venait d'être
appliquée à l'instituteur.
A l'instituteur? Oui, à l'instituteur.
Comment! un curé ne tend à rien
moins qu'à entraver le recrutement de
l'Université de l'Etat, et ce n'est pas le
curé que l'Etat réprimande? Comment!
un instituteur est injurié grossière-
ment et publiquement par un curé, et
celui qu'on réprimande est l'institu-
teur?
Oh ! c'est que je ne vous ai pas dit
une chose. L'instituteur, à force d'être
insulté grossièrement et publiquement,
à force d'être qualifié de monstre dé-
goûtant et féroce, à force d'être tra-
cassé jusque dans son ménage, a fini
par perdre patience, et il a écrit au
curé une lettre irritée qui se terminait
par la proposition d'un duel.
Proposer un duel à un curé, c'est,
en effet, un peu vif. C'est surtout irré.
fléchi. Les prêtres ne se battent pas.
Ils expliquent cela par le respect de
l'Eglise pour la vie humaine. Ils l'ex-
pliqueraient mieux par le souci de leur
peau. Ecclesia abhorret a sanguine,
l'Eglise a horreur de verser le sang;
sous-entendez : le sien. L'Eglise n'a
jamais eu horreur de. verser le sang
dus autres. Quant au sien, c'est vrai, l,
elle en est économe. Elle le prouva
tous les jours encore par les cris qu elle
pousse à l'idée que les séminaristes
pourrraient servir la patrie comme tout
le monde. Quoi qu'il en soit, c'est un
fait que les prêtres ne se battent pasoi
Ce n'est pas pour rien qu'ils portent
une robe, et, en proposant ua duel à
un curé, l'instituteur de Vailly propo-
sait un duel à une femme. Eh bien!
justement parce que sa proposition ne
pouvait pas aboutir, elle était inoffen-
sive et non-avenue. C'est ce qu'on peut
appeler un coup d'épée dans l'eau bé-
nite.
Une lettre, si vive qu'elle fut, après
tout ce que a le curé avait fait subir à
l'instituteur)), c'était fièrement vé-
niel, n'est-ce pas? N'importe, l'ins-
tituteur a été réprimandé. Soit,"
Et le curé? Si l'instituteur, pour
avoir répondu une seule fois à des
provocations réitérées, a mérité une ré- *
primande, qu'est-ce que n'a pas mérijté
le provocateur à jet continu? J'ignore
ce que le provocateur n'a pas mérité,
mais je sais qu'on ne lui a rien fait.
C'est-à-dire que les curés peuvent
attaquer les instituteurs et que les ins-
tituteurs ne peuvent pas se défendre.
C'est-à-dire que, dans la guerre ou-
verte que l'Eglise fait à l'Etat, l'Etat
prend le parti des curés contre ses pro-
pres instituteurs. C'est-à-dire qu'il n'y
a pas que Cadet Rousselle qui soit bon
enfant.
AUGUSTE VACQUERIB,
4. -
COULISSES DES CHAMBRES
On connaît aujourd'hui les noms des si-
gnataires do la proposition de révision de
la Constitution, déposée par M. Barodet.
Ces signataires sont au nombre de 73; en
voici la liste par groupes :
34 signataires appartiennent à l'extrême
gauche; ce sont : MM. Ballue, Barodet,
Louis Blanc, Beauquier, Bosc, Brelay, Bou-
chet, Bouquet, Gautagrel, Clémenceau;
Germain Casse, Crozet-Fourneyron, Datas,
de Douville-Maillefeu, Daumas, Favaad;
Franconie, Girault (Cher), Loconte (Indre),
Laisant, Lockroy, Maigne, Madier de
Montjau, Marcou, Naquet, Georges Perin,
Raspail, Rollet, Rathier, Roques de FilloI,
Saint-Martin (Vaucluse), Talandier, Turi-
guy et Yernhes.
Trente-neuf signataires appartiennent?
à l'union républicaine ; ce sont MM,
Achard, Audiffred, Bertholon, Bravet, Bk
zarelli, Bnyat, Couturier, Caduc, Coîtey
Jean David, Baron, Farcy, Frébault, Fousi
set, Gagneur, Guillot (Isère), Gastu, Gent,
Guyot (RhOne), Godissart, Hérisson, Jac-
ques, Jouffrault, Lasbaysses, Levet, de
facreteHç* Mathieu, Myw. Mofgaui
ADMINISTRATION '.-$ >
J8, 'BUS M! VALOIS, ÉB ?
ABONNEMENTS
PARIS
ftfôîs îaois 10 »
Six mois.20 »
DÉPARIEMEKÏS
Trois mois. fiffl.
Six dois. HJf
Adresser lettres et mandais t _:-
A M. ERNEST LEFÈVES
Jtf>LffiOSÏRAX £ CR-Gï2ïAi3 - <
-.' REDACTION - , -.
-.' S'adresser au. Secrétaire de la. RéSactisai
De 4 à 6 heures du soir
ta, RUE DE VALOES, 18
Siee manuscrits nonin sérés ne seyoasf ^espgaêge
ANNONCES
ML Ch. LAGRANGE, CEBP et CI
8, plue la BolIZ'Iots
ItSMI DE LA_ CONSTITUTION
v 1
C'est une bien étrange histoire que
celle de la Constitution du 25 fé-
rmer 1875.
f Voici, en effet, les questions que tout
d'abord elle donne à résoudre :
I Comment se fait-il que des démocra-
tes, partisans convaincus de la souve-
raineté du peuple, -aient rendu possible
'à l'Assemblée siégeant à Versailles
l'exercice du pouvoir constituant, après
avoir mainte et mainte fois, de la ma-
nière la plus formelle, affirmé que ce
pouvoir ne lui appartenait pas?
Comment" se fait-il que des républi-
cains doués du sens pratique aient jugé
conforme à la nature des choses l'éta-
blissement d'un gouvernement répu-
blicain par une Chambre monarchique ?
Par quel singulier renversement dey
rôles le fondateur de la Répub ique ou
de ce qu'on nomme ainsi — M. Wal-
Ion — a-t-il été le même qui, à quel-
ques jours de là, votait la main-mise
au clergé sur l'esprit des générations à
venir, votait la résurrection de la main-
morte, et contribuait de la sorte à nous
faire reculer d'un siècle?
D'où vient que l'homme d'affaires do
la maison d'Orléans, M. Bocher, a uni
son vote à celui de M. Jules Favre, le
25 février, lui qui, lu 12 feviier précé-
dent, fulminait contre la République,
en réponse à M. Jules Favre, la plus
(violent des réquisitoires?
Comment expliquer que, drns le
scrutin du 25. février, le nom de M. le
duc de Brogiie ait figuré à côté de
celui de M. Gambetta, et que les roya-
listes du centre droit s'y soient confon-
dus en masse avec les membres de
l'union républicaine?
, Si c'est bien réellement la Républi-
que qui a été fondée lo 25 février,
pourquoi l'a-t-elle été sans le concours
de républicains aussi éprouvés que
MM. Jules Grevy, Edgar Quiuet, Baro-
det, 'Martin Bernard, Madier de Mont-
„ jau, Daumas, Murcou, Ordinaire, Pey-
rat, Rathier, Louis Blanc?
Enfin, lorsqu'il s'est agi, après le
vote des lois constilutionnelles, de
former un nouveau ministère, sous
l'influence de queJles préoccupations
les trois gauches ont-elles porte à la
présidence de l'Assemblée, pour lui
faciliter la formation d'un cabinet, le
plus dangereux ennemi des idées ré-
publicaines et libérales : M. Buffet?
La succession des faits a été si ra-
pide;" on s'est si peu inquiété de les
rapprocher l'un de l'autre; on les a
commentés avec un tel parti-pris de les
obscurcir; oa a si bien réussi à éblouir
l'opinion, et en France et au dehors,
que, quoique l'histoire de la Constitu-
tion du 25 février soit d'hier, elle est
très importante à raconter et très cu-
rieuse à lire.
Je suis de ceux qui, dans les circons-
tances extraordinaires où nous som-
mes, n'ont pu rempirleur devoir qu'au
prix du plus douloureux des sacrifices.
Comme mes amis BarodHt, Martin Ber-
nard, Daumas, Madierde Montjau, Mar-
cou, Ordinaire, Peyrat, Rathier, et ce
grand citoyen dont la France a eu de-
puis à porter le deuil : Edgar Qui net,
) ai dû me séparer, dans le vote des lois
constitutionnelles, d'hommes qui m'ont
toujours été et qui me sont restés
chers; j'ai -du, dans la poursuite d'un
but auquel ils tendent, je le sais, avec
la même ardeur, avec la même anxiété
que moi, embrasser uue politique dif-
férente de la leur : raison de plus pour
que je me sois décidé à entreprendre
un récit qui mette mes électeurs en
état de juger si j'ai bien ou mal com-
eri&le mandat qu'ils m'ont confié.
II
En 1874, la situation était celle-ci :
Que la République existât de droit,
inutile de le dire : le droit, c'est elle;
mais, en outre et comme République
nominale, elle existait de fait.
Le titre de président de la Républi-
que était le titre du chef de l'Etat.
C'était au nom de la République que
la justice était rendue.
C'était le nom de la République qu'on
lisait sur le Journal officiel, sur nos
actes publics, sur nos monnaies, sur
nos timbres-poste, sur les médailles
des représentants du peuple.
C'était la République française qu'a-
vaient reconnue les gouvernements
étrangers.
: Pour rétablir la monarchie, les roya-
listes de l'Assemblée avaient fait diver-
ses tentatives qui, toutes, avaient mi-
sérablement échoué.
Impossible de nier que la Républi-
que ne fût, comme l'avait dit M. Thiers,
bien longtemps 'avant le vote des lois
constitutionnelles, 1& gouvernement lé..
gaI du pays.
Il n'y avait donc ni à la mettre aux
voix. ce qui eut été la mettre en ques-
tion, et, aver elle, le suffrage universel
auquel elle tient comme l'écorce à l'ar-
bre, ni à la reconnaître, ce qui eût
été superflu; son nom même, on l'a vu,
n'était plus à conquérir : il s'agissait
de l'organiser.
Par qui convenait-il que cette tâche
fut accomplie?
Par l'Assemblée qui existait alors,
ou bien par une Assemblée nouvelle
ayant reçu du suffrage universel lo pou-
voir constituant?
Le devoir de consulter la volonté na-
tionale dans la grande question de la
République à organiser, avait été af-
firmé , par l'unanimité des membres de
l'extrême gauche, formés en groupe
sous le nom de Union républicaine. Et
ils avaient manifesté leur opinion de
la manière la plus éclatante, la plus
persistante.
Un mot résumait leur politique : dis-
solution de l'Assemblée.
Tous ils pensaient :
Que, pour en finir avec un provisoire
qui pesait d'un poids de plomb sur le
travail, sur l'industrie, sur le com-
merce, et qu'alimentaient des ambi-
tions néfastes, il fallait consolider la
République ;
Qu'elle n'avait pas besoin d'être pro-
clamée en droit, parce qu'un peuple ne
peut être donné sans crime, ni se don-
ner sans folie;
Qu'elle n'avait pas besoin d'être re-
connue en fait, puisqu'elle était, selon
la définition de M. Thiers lui-même,
« le gouvernement légal du pays » ;
Que, dès lors, la question était de la
constituer, mais que, pour l'exercice du
pouvoir constituant, un mandat spé-
cial, indiscutable, était nécessaire;
Que ce mandat, l'Assemb:ée ne l'a-
vait pas reçu ;
Qu'il n'y avait pas deux souverains,
qu'il n'y en avait qu'un : la nation;
Que tout ce qui serait fait sans elle
porterait un germe de mort et ne ré-
pondrait pas à la grande nécessité du
moment : le défiuitlf;
Que, par conséquent,. il était ur-
gent de convoquer les électeurs; que
là était le vrai remède ; quo là était le
salut; que le meilleur moyen de réta-
blir le caime dans le5 esprits, de ren-
dre l'activité aux affaires, de couper
court à la compétition factieuse des
partis, était d'appeler la France à dé-
cidor, par des mandataires choisis à cet
effet, de quelle manière devait être or-
ganisée la République.
Cette poiiuque ue l'union républi-
caine s'affirma vivement dans le débat
que souleva, le 30 août 1871, la propo-
sition Rivet, tendant a ia prorogation
des pouvoirs de M. Tiiiers sous le titre
de président de la République.
Voici de quelle manière je m'expri-
mai, à cette occasion : « Comment
imaginer qu'on passe du provisoire au
définitif, sans que ce grand change-
ment ait lieu en vertu d'un mandat
ciair, précis, indiscutable ?. Ceux qui
veulent que sans un pareil mandat
l'Assemblée se déclare toute puissante,
ceux-là ne prennent pas garde qu'ils
confisquent au proht des élus lu
souveraineté aes électeurs. »
« Soixante mille électeurs, s'écria
M. Ordinaire, nous ont envoyés ici
sans equivoque pour vous dénier le
droit d'imposer à la nation un régi me
politique quelconque. »
« Ators même, dit M. Alfred Na-
quet, alors même que les électeurs
vous auraient donné le pouvoir consti-
tuant au mois de fevrier, vous ne l'au-
riez pas. La souveraineté nationale de
demain prime la souveraineté nationale
d'hier, et ie vote de juillet efface, an-
nule, annihile le vote du 8 fevrier. »
Et M. Gambetta : « Je ci s que, si
vous vouliez user du pouvoir consti-
tuant pour organiser soit la Répu-
blique, soit la monarchie, vous feriez à
la fois une œuvre téméraire et impoli-
tique, parce que, lorsqu'on crée un
gouvernement par voie de constitu-
tion, il faut que les mains qui l edifient
aiecit été véritablement reconnues ca-
pables et dignes de l'édifier. Et savez-
vous pourquoi? C'est parce que je ne
voudrais pas à ce prix d'une Républi-
que créée par une Assemblée incom-
pétente. »
On le voit : M. Gambetta, le 30 août
1871, aliait jusqu'à dire que, si l'As-
semblée s'arrogeait le pouvoir consti-
tuant, lui, à ce prix, ne voudrait pas
d'une semblable République !
Plus tard, le 27 février 1873, la dis-
cussion s'etaut ouverte sur le projet de
loi présenté au nom de la commission
des Trente et concernant les attribu-
tions des pouvoirs publics, projet au-
quel M. Dufaure, ministre de la justice
alors, déclara que le gouvernement
adhérait, M. Gambetta prit la parole,
dans la séance du 28 février. Voici un
passage du discours qu'il prononça :
Je dis que nous sommes engagés ; nous
avons à plusieurs reprises, dès l'origine
de l'Assemblée, protesté contre ses pré-
tentions au pouvoir constituant, et au-
jourd'hui nous reconnaîtrions ce pou-
voir! Comment! à partir du 2 juil-
Jet 1871, il n'est pas entré un républicain
dans èéttê enceinte - qui n'y ait été en-
voyé pour exprimer l'opinion dç ses com-
mettants. Or l'opinion de ces commettants
républicains a toujours été de réclamer
de vous la dissolution comme moyen po-
litique et non pas l'organisation des pou-
voirs publics. Et ces républicains le sa-
vent bien : la preuve qu'ils le savent, c'est
que, lorsqu'on a discuté la proposition
Rivet, ils ont voté contre le préambulè.
Ils sont Lés par ces principes, par ces
actes; ils sont liés par le vote de la cons-
titution Rivet, liés par le manifeste qu'ils
ont. signé, à l'heure des vacances, dans le-
que ils déclaraient que l'Assemblée actuelle
ne possédait pas le pouvoir constituant,
et qu'il n'y avait plus qu'une résolution à
j rendre : la dissolution. Et aujourd'hui,
nous pourrions consentir à changer toute
notre conduite, à désavouer tous nos ac-
tes!. Nous sommes bien obligés de dé-
clarer que nous ne pouvons pas compren-
dre ce que c'est que l'organisation d'une
République qui n'a d'autre programme
que de refouler la démocratie, qui ne
comprend d'autres inslitutioas que des
institutions monarchiques, qui ne veut
p s faire à l'esprit républicain les con-
cessions sans lesquelles cette République
n'est purement et simplement qu'une
mise en œuvre des abus du passé. Si c'est
là la République conservatrice, ce ne sera
pas la République.
Lorsqae, le 19 mai i873, M. Du-
faure, ministre de la justice, vint dé-
poser sur la tribune deux projets de
loi, dont l'un avait pour but d'organi-
ser les pouvoirs publics, et dont l'autre
était un projet de loi électorale, M.
P< yrat fit, au nom de l'Union républi-
caine, la déclaration suivante :
Les représentants du peuple, sous-
signés :
Considérant qu'aucune Assemblée élue
n'a le droit d'exercer le pouvoir consti-
tuant qu'en vertu d'un mandat spécial,
nettement délini, indiscutable.
Considérant qu'aucun mandat de ce
genre n'a ét~ donné à l'Assemblée; que,
même dans le cas où — ce que les sous-
signés sont loin d'admettre — il y aurait
doute, ce doute ne saurait être levé que
par un appel aux électeuis, pour la nomi-
mation d'une nouvelle Assemblee;
Déclarent protester, contre la présen-
tation des projets constitutionnels, laquelle
attribae à l'Assemb ée un pouvoir consti-
tuant que les représentants soussignés per-
sistent à ne pas lui reconuaître.
En conséquence, M. Peyrat deman-
dait l'urgence pour une proposition
tendant à ce que « l'Assemblée pronon-
çât, dans un délai de quinze jours, sur
sa dissolution » -
Cette proposition était signée de :
MM. Peyrat, Barodet, Guyot, Lockroy,
Alpli nse Picart, Georges Perin, Turir
gny, Challemel-Lacour, Ferrouiilat,
Leievre, llathier, Tiersot, Dréo, Edgar
Quinet, Louis Blanc, Gambetta, Henri
Brisson, Laurent Pichat, Gaudy, Ed-
mond Adam, Arrazat, Brelay, Brousses,
Bert, Brillier, Bouchet, Cotte, Colas,
Cazot, Castelnau, Corbon, Daumas,
Farcv, Gent, Greppo, Joigneaux, de
Laeretelle, Lepère, Lambert, Laserve,
de Mahy, Millaud, Naquet, Ordinaire,
Rouvier, Schcelcher, Tolain, Esquiros,
Monier, Scheurer-Kestner, Bloncourt,
Cai ion, Boysset, Ranc, Martin Bernard.
LOUIS BLANC.
(A suivre.)
■' 1 - :™ ■
DÉCOMPOSITION
Les vieux partis tombent en décom-
position et le moment approche où
M. Sardou pourra refaire sa comédie
des Ganaches en remplaçant, enfin, la
ganache jacobine par une ganache con-
servatrice quelconque. Déjà le bona-
partisme a fini sa carrière. Voici,
maintenant, que le royalisme achève la
sienne. Qu'est-ce que je dis? La reli-
gion elle-même se disloque et les
catholiques se divisent en deux camps.
Il existe, maintenant, des impérialistes
sans empereur; des monarchistes sans
monarque et des cléricaux sans pape.
En résumé, le parti de l'ordre 'ne se
compose plus que d'un tas de civets où
le lièvre manque.
Les bonapartistes n'ont plus d'empe-
reur : c'est connu. Comment il se fait
quo la moitié des royalistes n'a plus de
roi, le voici : M. le comte de Cliam-
bord a, paraît-il, pris le parti de M. de
Mun contre l'évêque de Vannes et
contre les royalistes modérés. Il en est
résulté, pour ces derniers, une disette
de monarque absolue. La famille d'Or-
léans s'étant ralliée à Henri V et
Henri V ayant rompu avec les orléa-
nistes, cette fraction du parti se trouve
forcément réduite à un tel état de mi-
sère qu'elle n'a plus un prince à se
mettre sous la dent.
Ce qui s'est passé dans le parti mo-
narchique s'est passé dans l'Eglise elle-
même. Le pape a, dit-on, fait lo con-
traire de ce qu'a fait le comte de Cham-
bord. Il s'est rangé du côté des modérés
et il a rompu avec les « purs ». Il s'est
mis du côté de l'évêque de Vannes. Il a
pris parti contre, de Mua et les jé-
suites. Les ultras sa trouvent donc dans
cette situation bizarre : ils ont un roi et
n'ont puis de pape; tandis que les modé-
rés se trouvent dans cette situation non
moins bizarre : ils ont un pape et n'ont
plus de roi.
Ce qui ajoute au comique de la chose,
c'est que le roi est plus catholique que
le pape; et que le pape est plus roya-
liste que le roi. C'est Henri V qui sou-
tient la vraie doctrine de l'Eglise contre
Léon XIII, et c'est Léon XIII qui es.
saye de protéger l'idée monarchique
contre Henri V.
En réalité, tout cela s'en va : pa-
pauté, royalisme, monarchisme, catho-
licisme. L'édifice s'écroule de lui-
même; nous assistons à l'effondrement.
Comment donc peut-il se faire que tant
de républicains parlent encore de la
force des vieux partis et prétextent
leurs craintes pour voter le scrutin d' ar-
rondissement ?
ÉDOUARD LOCKROY.
: —————————
- A LA CHAMBRE
Toujours préoccupé du bonheur du
plus grand nombre, M. Laroche-Jou-
bert propose, au début do la séance, de
rendre les titres honorifiques acces-
sibles à tous. Voulez-vous être due?
Cela vous coûtera la bagatelle do
10,000 fr. par an. Vous contentez-vous
de la simple particule? Alors, c'est
pour rien : 2,000 fr. Si, comme le croit
1 auteur de cette proposition d'impôt
sur la vanité humaine, elle devait pro-
duire 100 millions, il serait bien dérai-
sonnable de la repousser. La Chambre
n'a pas accordé le renvoi à la commis-
sion du budget, et c'est la commission
d'initiative qui nous dira ce qu'il faut
penser des calculs de l'honorable mem-
bre.
«
c..
L'ordre du jour* a appelé ensuite la
continuation du débat sur les ports
sud de Marseille. Il faut rendre à la
Chambre cette justice, qu'elle a su ac-
corder à cette discussion, quelque peu
obscure, une patiente attention. Il est
vrai que M. Philippoteaux, qui préside
très bien, avait soin, chaque fois qu'un
léger bruit de conversation embarras-
sait les orateurs, de rappeler à ses col-
lègues l'importance des intérêts enga-
gés et la nécessité d'écouter toutes les
opinions. A présent qu'elles se sont
produites et que le débat peut sembler
épuisé, nous n'avons pas à revenir sur
l'impression que nous avait laissé, à
la précédente séance, le discours de
l'honorable M. Farcy. Il demeure dé-
montré, pour nous, que le projet de la
commission est absolument inaccep-
table, et personne ne doutait hier que
tel fût le sentiment da la majorité.
Les partisans du projet l'ont com-
pris, et ils ont demandé le renvoi, pro-
fitant d'une distraction du président
qui a négligé de consulter la Chambre
sur la clôture, alors qu'elle était de-
mandée. Mais, pas plus à une séance
ultérieure qu'à la séance d'hier, la
Chambre ne se prononcera pour un
projet qui soulève les objections les
plus décisives, et pour lequel ses dé-
fenseurs ne trouvent à plaider que les
circonstances atténuantes. 1.
Nous ne voulons prendre parti pour
aucun des projets concurrents; cela
nous serait impossible, puisqu'ils nous
sont imparfaitement connus. Nous ne
voulons pas davantage rechercher, avec
M. Labadié, si M. de Girardin a ou n'a
pas des intérêts dans le projet qu'il ap-
puie; nous nous en tenons aux faits
avoués de part et d'autre. Or, il est
d'abord certain, puisque c'est le com-
missaire du gouvernement qui l'a dé-
claré, que l'une des deux propositions
n'a pas été examinée dans les mêmes
conditions que celle de l'ingénieur de
1 Etat. Pourquoi cette différence? Parce
qu'un particulier est un zéro à côté de
l'administration. C'est à peu près la
thèse soutenue par l'orateur ofhciel. 11
ne s'est pas borné à émettre cette opi-
nion par trop administrative ; il a
essaye de prétendre, que le Parlement
ne pouvait pas ordonner que les deux
projets fussent soumis à des épreuves
identiques. Ici les murmures de la
Chambre lui ont fait comprendre qu'il
faisait fausse route. Qiiantà nous, nous
croyons qu'il suffit de constater qu'on
n'a pas étudié les deux propositions
avec le même soin pour que l'accepta-
tion définitive de l'une des deux soit
impossible.
#$
Cette impossibilité résulta encore
d'autres déclarations empruntées aux
partisans de la commission. Ils recon-
naissent que le conseil d'amirauté est
hostile au projet et, pour sa part, le
ministre de la marine pense quo les
ports sud seront plus mauvais que les
ports nord. C'est sur pareille garantie
qu'on propose de faire une dépense de
50 à 60 millionst fi est vrai que le con-
seil d'amirauté ne s'est prononcé, dit
le commissaire du gouvernement,
qu'au point de vue nautique, point
de vue tout spécial. Bon; mais,
un peu plus tard, nous avons entendu
parler de l'opinion des commerçants
qui sont également hostiles. Oui, nous
dit-on, ils sont hostiles, mais à leur
point de vue restreint et non au point
de vue de la construction. Donc, si
nous avons bien compris, les marins,
qui sont incompétents sur ce point, ad-
mettent l'excellence commerciale du
projet, et les commerçants, qui n'enten-
dent rien à la marine, admettent l'ex-
cellence maritime des nouveaux ports,
Sur ce qu'ils connaissent, ils font leurs
réserves ou plutôt se déclarent carré-
ment contre.
Faut-il ajouter que les pilotes sont
du même avis que le ministre de la
marine et croient, comme lui, que
l'exécution des travaux projetés rendra
plus difficile l'entrée du port? Au reste,
s'il fallait une dernière preuve du peu
de valeur du projet de la commission,
nous la trouverions dans la faiblesse
des arguments des orateurs qui l'ont
défendu, et notamment du rapporteur,
dont le talent de parole est connu. Dès
que M. Rouvier n'a pu apporter de rai-
sons sérieuses, c'est qu'il n'y en a pas
à donner. Nous ne pouvons, en effet,
considérer comme sérieuse l'objection
qu'il a fait valoir contre l'ajournement
des travaux, au cas où l'enquête serait
votée.
Loin de retarder cette grande entre-
prise, l'enquête permettrait de la mener
à bien plus sûrement et plus vite. Il est
en effet certain que le Sénat ne votera
pas un projet contre lequel tant de pro-
testations surgissent. Ainsi, en admet-
tant qu'il passe à la Chambre, il viendra
échouer au Luxembourg, et on perdra
encore une annéesaus aucune compen-
sation. Au contraire, si l'enquête est
ordonnée, elle peut commencer dans
huit jours, et à la rentrée des Chambres
un projet mieux conçu et mieux étudié
peut être apporté au Parlement et voté
dans un-court délai.
A. GAULIBR.
— O
UN CURÉ APPELÉ EN DUEL
La cocumune de Vailly, qui est une
commune de la Haute-Savoie, a, com-
me toutes les communes de France, un
instituteur et un curé. Naturellement,
ces deux coqs n'ont pas besoin qu'une
poule survienne pour que la guerre soit
allumée. Il est facile de comprendre
que l'église n'aime pas l'école, que
celle qui enseigne le catéchisme n'ai-
me pas ceUe qui enseigne l'arithméti-
que, que colle qui apprend aux enfants
que trois font un ne chérisse pas celle
qui leur apprend que un et un font
deux. Ce qui se comprend moins faci-
lement, c'est qu'un monsieur que l'Etat
salarie se croie le droit d'injurier pu-
bliquement, et du haut de la chaire
que l'Etat lui prête, un fonctionnaire
de l'Etat.
Ce droit, non-seulement le curé haut-
savoyard se l'est cru, mais il en a usé,
et largement. Le Rappel a reproduit
hier quelques-unes des aménités que ce
salarié de l'Etat a versées sur la tête
d'un homme dont lo crimo est de ne pas
faire croire aux enfants que Jonas a
logé plusieurs jours dansle ventre d'une
baïeine et que, lorsqu'il en a eu assez
de ce domicile, il en est sorti (par la
porte de derrière?). Le Rappel n'a pas
reproduit tout ce que le curé a vidé sur
l'instituteur.
« Monstre dégoûtant et féroce! »
c'est en ces termes que le curé haut-
savoyard a qualifié M. Cartier dans une
lettre à l'inspecteur d'académie. Je me
demande en qu'ils termes il a pu le
qualifier, le dimanche 30 janvier, du
haut de la chaire que la République a
la bonté de lui entretenir, pour que le
rapport officiel, qui ïépète bien les ter-
mes : « monstre dégoûtant et féroce »,
recule devant ceux-là et se borne pudi-
quement à dire que « M. le curé, à l'é-
glise, a infligé à l'instituteur un affront
grave et public ».
Aux choses que le curé, haut-sa-
voyard a dites, il faut ajouter celles
qu'il a faites.
Il a — c'est un document officiel qui
parle, — « il a porté ses tracasseries
jusque dans la vie privée de l'institu-
teur et de l'institutrice, en déterminant
une jeune domestique à quitter leur
ménage, et en s'efforçant ensuite, par
l'éveil de scrupules religieux et de me-
naces, de détourner une autre per-
sonne d'entrer à leur service, »
Mais voici un détournement plus
sérieux. C'est l'inspecteur d'académie
qui parle : « Trois élèves de M. Cartier
songeaient à embrasser la carrière de
l'enseignement et avaiçRt pfi4 leu.r
maître de les y préparer; M. le curé,
au dire de l'instituteur, les aurait dé-
courages de telle sorte que ces enfants
n'ont pas reparu à l'école. Si ce témoi-
gnage paraît intéressé, il n'en est pas
de même de celui d'une autre personne -
qui affirme qu'au moment où I'instU
Uiteur se disposait à transmettre h
l'administration le dossier '
me vint lui dire qu'il renonçait à son
projet, et cela, ajoutait-il, parce que
ses parents avaient vu M. Je curé >/.
L'inspecteur déclare que c'est là un fait
grave et qui mérite de préoccuper l'U-
niversité, car les agissements de M. le
curé de Vailly ne tendraient à rien
moins qu'à entraver le recrutement de
l'Université ».
L'Université s'en est préoccupée, en
effet, et le préfet aussi. Et avant-hier,
on a pu lire dans le Bulletin de fins-
truction publique que la peine de la ré-
primande avec insertion venait d'être
appliquée à l'instituteur.
A l'instituteur? Oui, à l'instituteur.
Comment! un curé ne tend à rien
moins qu'à entraver le recrutement de
l'Université de l'Etat, et ce n'est pas le
curé que l'Etat réprimande? Comment!
un instituteur est injurié grossière-
ment et publiquement par un curé, et
celui qu'on réprimande est l'institu-
teur?
Oh ! c'est que je ne vous ai pas dit
une chose. L'instituteur, à force d'être
insulté grossièrement et publiquement,
à force d'être qualifié de monstre dé-
goûtant et féroce, à force d'être tra-
cassé jusque dans son ménage, a fini
par perdre patience, et il a écrit au
curé une lettre irritée qui se terminait
par la proposition d'un duel.
Proposer un duel à un curé, c'est,
en effet, un peu vif. C'est surtout irré.
fléchi. Les prêtres ne se battent pas.
Ils expliquent cela par le respect de
l'Eglise pour la vie humaine. Ils l'ex-
pliqueraient mieux par le souci de leur
peau. Ecclesia abhorret a sanguine,
l'Eglise a horreur de verser le sang;
sous-entendez : le sien. L'Eglise n'a
jamais eu horreur de. verser le sang
dus autres. Quant au sien, c'est vrai, l,
elle en est économe. Elle le prouva
tous les jours encore par les cris qu elle
pousse à l'idée que les séminaristes
pourrraient servir la patrie comme tout
le monde. Quoi qu'il en soit, c'est un
fait que les prêtres ne se battent pasoi
Ce n'est pas pour rien qu'ils portent
une robe, et, en proposant ua duel à
un curé, l'instituteur de Vailly propo-
sait un duel à une femme. Eh bien!
justement parce que sa proposition ne
pouvait pas aboutir, elle était inoffen-
sive et non-avenue. C'est ce qu'on peut
appeler un coup d'épée dans l'eau bé-
nite.
Une lettre, si vive qu'elle fut, après
tout ce que a le curé avait fait subir à
l'instituteur)), c'était fièrement vé-
niel, n'est-ce pas? N'importe, l'ins-
tituteur a été réprimandé. Soit,"
Et le curé? Si l'instituteur, pour
avoir répondu une seule fois à des
provocations réitérées, a mérité une ré- *
primande, qu'est-ce que n'a pas mérijté
le provocateur à jet continu? J'ignore
ce que le provocateur n'a pas mérité,
mais je sais qu'on ne lui a rien fait.
C'est-à-dire que les curés peuvent
attaquer les instituteurs et que les ins-
tituteurs ne peuvent pas se défendre.
C'est-à-dire que, dans la guerre ou-
verte que l'Eglise fait à l'Etat, l'Etat
prend le parti des curés contre ses pro-
pres instituteurs. C'est-à-dire qu'il n'y
a pas que Cadet Rousselle qui soit bon
enfant.
AUGUSTE VACQUERIB,
4. -
COULISSES DES CHAMBRES
On connaît aujourd'hui les noms des si-
gnataires do la proposition de révision de
la Constitution, déposée par M. Barodet.
Ces signataires sont au nombre de 73; en
voici la liste par groupes :
34 signataires appartiennent à l'extrême
gauche; ce sont : MM. Ballue, Barodet,
Louis Blanc, Beauquier, Bosc, Brelay, Bou-
chet, Bouquet, Gautagrel, Clémenceau;
Germain Casse, Crozet-Fourneyron, Datas,
de Douville-Maillefeu, Daumas, Favaad;
Franconie, Girault (Cher), Loconte (Indre),
Laisant, Lockroy, Maigne, Madier de
Montjau, Marcou, Naquet, Georges Perin,
Raspail, Rollet, Rathier, Roques de FilloI,
Saint-Martin (Vaucluse), Talandier, Turi-
guy et Yernhes.
Trente-neuf signataires appartiennent?
à l'union républicaine ; ce sont MM,
Achard, Audiffred, Bertholon, Bravet, Bk
zarelli, Bnyat, Couturier, Caduc, Coîtey
Jean David, Baron, Farcy, Frébault, Fousi
set, Gagneur, Guillot (Isère), Gastu, Gent,
Guyot (RhOne), Godissart, Hérisson, Jac-
ques, Jouffrault, Lasbaysses, Levet, de
facreteHç* Mathieu, Myw. Mofgaui
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