Ne 4024 - Jeudi 17 Mars 1381 SLe itusnéro : 10 0. Départements s AS c. 27 Ventôse an 89 —N® 402.4
0: ADMINISTRATION '00 :
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ABONNEMENTS
PARIS
BRfoîs K50ÏS JO »
Six mois. 20 »
DEPAR ,\,
Trois mois 2B60
Six mois, £ ? 9 1
Aèa-esser lolires et manchts * 1
A M. ERNEST LEFÈVRE .,"l,'!
VliaaKÎSÏÏRA2ESE-eÉli4KX
LE RAPPEL
;.' REDACTION ,¡ <
1 * SWpôssw au. Secrétaire de là. Re&sûtiaa, r
De 4 à 6 heures du soir
48, RUE DE VALotS, 18
Les manuscrits non insérés ne saroai jj/tsraaSsa
ANNONCES
JUL Ch. M6RAN&E, cx.u d et
x «, jiaae ùi la Boœ*e,8
LE FEU A ., PARIS
Notre ami Lorkroy me permettra
de faire campagne avec lui contre l'in-
suffisance des moyens d extinction des
incendies, d'autant que, si je no me
trompe, c'est moi qui ai ouvert cette
campagne.
, Je commence par dire que, si nos
¡pompiers sont incontestablement les
plus hardis, les plus braves, les plus
dévoués de tous ceux qui forment curps
en une ville quelconque du monde, il
n'est peut-être pas une ville du monde
où les moyens employés pour com-
battre les incendies produisent plus
exactement l'effet de cautères sur des
jambes de bois.
Il a été beaucoup question do l'in-
suffisance des prises d'eau, à propos
de l'incendie si effroyablement désas-
treux des magasins du Printemps. Eh
bien, j'ai d'excellentes raisons de croiro
que, si les prises d'eau avaient été deux
fois, quatre fois, dix fois plus nom-
breuses, le désastre n'aurait pas été
beaucoup moins grand.
J'ai travaillé pendant plusieurs
heures à l'essai d'extinction d'un in-
cendie qui dévorait le magasin de
nouveautés du Grand-Condé. Il y a
longtemps, déjà. Mes nombreux com-
pagnons de volontaires et moi, nous
voyions avec le plus profond chagrin
les jets, lancés de bas en haut, se vapo-
riser immédiatement dans les flammes
sortant par toutes les fenêtres de la
maison. Les efforts de tout le monde
accouru, ajoutés à ceux des pompiers,
étaient absolument vains.
Eh bien, on en est encore là de ne
savoir attaquer le feu qu'en se mettant
au pied des maisons incendiées, et en
lançant inutilement des jets de: bas en
haut, si ce n'est que de braves pom-
piers, payant de leur personne, es-
saient, en entrant dan le foyer même
de l'incendie, d'en restreindre autant
que faire se peut les ravages.
Le nouveau colonel de ce corps est
un homme distingué, à coup sûr, un
chef des plus braves, et dosireux d'a-
Wiéliorer le service. Il a écrit un livre
fort intéressant sur le Feu à Paris et en
1Amérique. Il reconnaît que, seuls, les
jets plongeants peuvent avoir de l'effi-
cacité, et il voudrait avoir un moyen
d'établir artificiellement des postes éle-
vés d'où le pompier puisse lancer les
jets; mais il se refuse d employer aucun
'des appareils connus, par cette raison
qu'aucun n'est parfait.
: Que ferait-on dans le monde, je le
'demande, si l'on attendait pour se ser-
vir d'un intrument quelconque qu'il
fut parfait! Absolument rien.
J'avais conçu, il y a quatre ou cinq
ans, un projet d'échelle montée sur un
charriot, n'ayant point besoin d'appui.
Mais, à l'Exposition de 1878, j'en ai vu
une qui m'a semblé bien mieux conçue
que la mienne, et à laquelle je me suis
fortement intéressé. J'ai fait tout mon
possible pour la faire accepter, sans y
réussir.
Elle est de FItalien Paolo Porta. Elle
était connue en France depuis dix ans.
Le gouvernement en avait fait acheter
quatre exemplaires au corps des pom-
piers de Paris. Mais ce corps n'est pas
du tout disposé à accepter ce qui lui
vient du dehors, pas plus que ce qui
lui est proposé par des personnnes
« sas mandat »; c'est-à-dire par des
pékins. Toutefois, une commission
d'officiers de pompiers fut nommée
pour décider si l'appareil Porta était
bon ou mauvais, et voici textuellement
quelles furent les conclusions du rap-
port :
« La commission, à l'unanimité,
tout eu reconnaissant que l'échelle
Porta représente, par ses qualités de
sécurité, de hardiesse et de conception,
par sa construction simple et ingé-
nieuse, par la facilité de la manœuvre,
un avantage sur la plupart des appareils
de sauvetage, ne croit pas que, dans
son état actuel, elle puisse faire partie
du matériel des sapeurs-pompiers. »
Voilà qui est admi-rable, n'est-ce
pas? L'appareil est simple et ingé-
nieux ; il est d'une conception hardie ;
il est facile à manœuvrer ; il garantit
la sécurité des personnes ; il vaut
mieux que tous les autres moyens de
sauvetage., donc, il ne peut pas faire
partie du matériel des sapeurs-pom-
piers!
Et pourquoi? Parce qu'il n'est pas
parfait.
Je ferai d'abord remarquer que l'ap-
pareil exposé en 1878, que j'ai vu fonc-
tionner en présence de l'ingénieur du
corps des pompiers, était corrigé des
quelques défections reprochées à ceux
achetés en 1868. Mais n'en eùt-il pas
été corrigé, qu'il eût pu rendre d'im-
menses services dans l'incendie du
Printemps, dans celui du pavillon de
Flore aux Tuileries, et dans cent au-
tres. Il était le moyen, parfaitement
sûr, d'établir ces postes artificiels dont
parle le colonel Paris, et de mettre le
pompier à même de lancer des jets
plongeants, les seuls efficaces, fût-ce au
cinquième ou même au sixième étage.
Depuis plus de quatre ans, je suis en
querelle avec l'état-major du régiment
parce que je veux l'amener, quoi qu'il
en ait, à sortir de sa routine. Je n'ai
encore réussi qu'à me heurter à l'esprit
de corps le plus obstinément fermé à
tout ce qui peut lui venir du dehors.
Je serais heureux de pouvoir faire
exception pour son chef actuel; mais
j'ai le regret d'avoir trouvé dans son
livre, où il parle longuement de l'é-
chelle Porta, une série d'objections mal
fondées. Je me fais fort, quand il lui
plaira de me mettre en demeure" de les
réduire à rien ou presque rien.
Je me borne à dire ici que l'appareil
peut être mis en position en moins de
10 minutes, et non en 13, comme il est
dit dans le livre; qu'il peut être traîné
dans presque toutes les rues de Paris ;
que, s'il ne peut pas être dressé dans
toutes les cours, je défie bien qu'on
en trouve un pouvant être introduit
partout. Les cours du nouveau Paris
sont des sortes de puits. D'ailleurs, on
ne fait plus de portes cochères que
dans les beaux hôtels. J'ajoute que la
plupart des grands incendies connus
pouvaient être combattus sur la façade
extérieure des édifices. Ainsi au Prin-
temps, ainsi au pavillon de Flore, pour
ne citer que ces deux exemples.
Mais lors même que les objections
auxquelles je réponds sommairement
seraient plus sérieuses que je ne le
pense, l'appareil en question serait en-
encore d'une extrême utilité. Je tiens
d'autant moins compte de quelques
minutes do retard, qu'à ma connais-
sance les secours suffisants ne se font
pas attendre treize minutes , mais
trente, soixante et quelquefois beau-
coup plus.
En définitive, il y a d'autres appa-
reils que celui de l'Italien Porta. Pour-
quoi les ingénieurs du corps des pom-
piers, qui depuis longtemps devraient
en avoir inventé un, ne s'appliquent-
ils pas, du moins, à perfectionner ceux
qui sont connus? -
Hélas! cette question ramène à ma
pensée un proverbe que l'expérience
m'a forcé bien des fois à varier : « Cha-
cun son métier, les vaches seront mal
gardées. ».
A. CORBON.
.———————— C —————————
, L'agence Havas nous transmet une
nouvelle tout à fait stupéfiante et déplora-
ble. Deux de nos confrères seraientpour-
suivis pour l'apologie de faits qualifiés
crimes. Il s'agit d'articles publiés à pro-
pos de la mort de l'empereur de Russie.
Nous espérons que l'agence Havas a,
cette fois, été mal informée.
Une nouvelle loi sur la presse a été
votée par la Chambre, et cette loi.ne
contient pas, s'il m'en souvient bien,
le délit visé aujourd'hui. Cette loi pu-
nit seulement « la provocation au
crime ». Ce qui est très différent de
« l'apologie d'un fait qualifié crime ».
Le Sénat paraît devoir adopter la loi
dans son ensemble. Au moins, jus-
qu'aujourd'hui, la commission sénato-
riale chargée d'examiner le projet n'a
fait d'objection que sur l'article relatif
à la responsabilité des propriétaires de
journaux. Si donc on ne peut pas en-
core considérer la loi nouvelle comme
actuellement en vigueur, on doit, au
moins, s'abstenir d'user des lois an-
ciennes. Elles ont été condamnées par
les députés. Elles vont l'être par les
pères conscrits.
Ce serait un vilain spectacle que
celui d'un gouvernement républicain
usant, jusqu'à la dernière minute, des
textes répressifs à lui légués par les
monarchies et les empires défunts. On
s'étonnerait de cet acharnement dans
le pays, et l'on se demanderait pourquoi
le parquet— qu'on représente comme
libéral — met tant de rage à jouir de
son reste. Les vieilles lois sont mortes
et le plaisir de mettre en prison un
journaliste désagréable ne vaut certes
pas qu'on les ressuscite pour quinze
jours !
Veut-on donner la liberté à la France,
ou veut-on faire du gouvernement ré-
publicain un gouvernement autoritaire
comme ceux qui l'ont précédé? Tout
est là. Si on veut faire un gouverne-
ment autoritaire, il faut le dire ; il faut
conserver les anciennes lois; il ne faut
plus parler de libéralisme à la tribune.
Si, au contraire, on veut nous donner
la liberté, il faut prendre son parti des
inconvénients de la liberté. Le pire est
d'étendre quelquefois des ehoses un
peu dures. Mais, ma foi ! il n'est pas
mauvais que les ministres s'y habi-
tuent. Ce désagrément est, d'ailleurs,
compensé par de gran ds avantages. Le
jour où les gouvernements étrangers
se plaignent de la presse française, on
peut leur répondre : Nous ne sommes
responsables de rien. Si vous vous
trouvez offensés, envoyez vos témoins
au journaliste.
ÈDOUARD LOCKROY.
1 11
COULISSES DES CHAMBRES
M. Barodet a déposé hier sur le bureau
de la Chambre la proposition sur la révi-
sion tie la Constitution dont nous avons
annoncé la préparation. Cette proposition
est revêtue de 65 signatures appartenant
à des membres de tous les groupes de la
gauche. En voici le texte complet :
Messieurs, la Constitution de 187a, œuvre
d'une Assemblée profondément divisée, nom.
mée dans le trouble de la patrie sous l'influence
ae la défaite et de l'invasion, lijiuvement,
sans discussion, sans mandat précis, n'a été
qu'vne transaction entre une majorité mo-
narchique et une minorité républicaine éga-
lement impuissantes à triompher l'une de
l'autre. — Aussi a-t-elle gardé l'empreinte
Des intentions perfides et des espérances anti-
démocratiques qui l'ont in-pirée et que le 16
mai a vainement essayé de réaliser.
Les vices et les dangers de cette Constitu-
tion ont été maintes fois signalés.
Elle porte atteinte au suffrage universel et à
la sincérité de la représentation nationale
quand elle crée, pour la nomination des mem-
bres du Sénat, un suffrage spécial et res-
treint; quand elle fait de la plus petite com-
mune de France l'égale de Paris et de Lyon
devant l'urne électorale ; quund elle accorde
au Sénat le droit d'élire une partie de ses
membres et de leur conférer l'inamovibilité
qu'il ne pQssèJe pas lui-même; quand elle lui
donne le droit de dissoudre, d'accord avec le
président de la République, la Chambre des
drputés, bsue directement de la volonté na-
tionale par le suffrage universel.
La Constitution manque de prudence et ex-
pose la République à de ver,tables dangers
quand, par l'éoalité absolue des attributions
législatives des deux Chambres, elle ouvre la
porte à des conflits sans solution possible, la
dissolution de la Chambre des députés pou-
vant les aggraver au lieu de les résoudre ;
quand elle accorde au-président de la Uépu-
blique un règne de sept années toujours re-
nouvelables et des attributions toutes royales;
quand elle abandonne le principe tuléîaire Ge
itt*l permanenoe des Assemblées et laisse le
pouvoir exécutif sans contrôle et sans opposi-
tion pendant le cours des vacances parle-
mentaires; qu'il; dépend de ce pouvoir exécu-
tif de fixer lui-même et lie faire durer jusqu'a
sept mois chaque année.
Entin, la Constitution présente de regretta-
bles lacunes, en n'interdisant pas à tous les
législateurs, sans exception, le cumul des
fonctions, rétribuées uu non rétribuées; en
ne stipulant rien à l'égard du pouvoir judi-
ciaire; en n'entourant d'aucune g nantie les
droits et les libertés des ciioyens, des commu-
nes et des départements, qu'elle passe entiè-
rement sous silence, et laisse ainsi expos s
aux atteintes des assemblées et des pouvoirs
usurpateurs.
Telles sont, messieurs, les principales im-
perfections qui ont été reprochées à l'œuvre
constitutionnelle de l'Assemblee de Versailles,
et qu3 les républicains qui l'ont acceptée avec
une si douloureuse résignation s'étaient pro-
mis de faire disparaître dès qu'ils le pour-
raient.
Celles qui touchent au mode d'élection des
membres du Sénat, notamment, sont si vive-
ment ressenties par le pays tout entier, qu'il
lui paraîtrait étrange que personne ne songeât
à y porter remède au moment où s'agite la
question d'une réforme de la loi électorale
qui préside a la nomination des membres de
la Chambre des députés.
Sans examiner ici la question controversée,
de savoir si cette loi fait ou ne fait pas partie
des lois constitutionnelles, peut ou ne peut
pas être révisée autrement que la Constitution
elle-même, personne, assurément, ne contes-
tera qu'il serait préférable, pour la stabilité,
la garantie et la force des intitulions répu-
blicaines, qu'un pareil doute ne pût s'élever
et que le mode d'élection, la durée du man-
dat et le nombre des représentants fussent
réglés par le pouvoir constituant ainsi que
cela s'est toujours pratiqué en France, depuis
1791, et dans tous les pays libres.
Personne ne, contestera non plus que le
mode d'élection des sénateurs, qui fait partie
intégrante des lois constitutionnelles, est au-
trement défectueux. et appelle une réforme
autrement urgente que celle qui nous est pro-
posée par l'honorable M. Bardoux.
Et comment ne pas reconnaître aussi l'a-
vantage de la simultanéité de ces réformes ?
En admettant que le Sénat doive être con-
servé, ne permettrait-elle pas de le faire re-
lever directement du suffrage universel et
d'atténuer considérablement, sinon de faire
disparaître complètement, son esprit d'oppo-
sition aux lois de progrès réclamées par
l'opinion publique et votées par la Chambre
des députés?
Qui ne ntit aue cette différence de tempé-
rament des deux Assemblées, dont on se
plaint à si juste titre, se trouverait augmentée
encore par l'adoption d'une réforme qui ne
s'appliquerait qu'à la loi d'éleclion des dé-
putés, si cette réforme avait pour résultat,
comme l'artirment ses partisans, de donner
une Chambre plus politique, plus entrepre-
nante, plus réformatrice?
Les raisons qui précèdent nous semblent
donc justifier pleinement la nécessité et l'op-
portunité d'une révision de la constitution.
L'Assemblée nationale aura incontestable-
ment le droit et le devoir de se demander si
cette Constitution, dont. pli* Q ,una
origine bien reguliere, bien légitimé, et si, au
lieu de procéder elle-même à sa révision, il
ne convien ira pas de faire, dès cette année
et sans plus tarder, un pas décisif et salutaire
en appelant la nation à se recueillir dans le
calme, la liberté et la maturité de ses délibé-
rations, et à se donner enfin, par la nomina-
tion d'une Assemblée constituante, des insti-
tutions vraiment républicaines et démocrati-
ques.
Oui, messieurs, il dépend a de l'Assemblée
nationale, dont vous ferez tous partie, que la
République française devienne la sœur im-
mortelle de la grande République américaine.
Quelle gloire s'offre à vous! Quoi de plus ma-
gnifique? Quoi da. plus digne de séduire des
cœurs et des esprits véritablement haut pla-
cés?
On objectera que c'est le suicide que nous
demandons à l'Assemblée nationale et que
nous ne tenons pas assez compte de l'intérêt
personnel de ses membres.
Nous nous refusons, quant à nous, à croire
nos collègues de l'une et l'au re Chambre ca-
pables de sacrifier à eur égoïsme l'intérêt
évident de la patrie. BLis qui ne voit qu'ici les
deux intérêts s'accordent à merveille? Tous
les députés et soixante-quinze sénateurs ne
touchent-ils pas au terme de leur mandat.
Qu'auront-ils donc à perdre à la constitution
d'une assemblée constituante dont la plupart
d'entre eux feraient partie. Se présenteraie et-
ils dans de moins bonnes conditions devant
leurs électeurs? N'en seraient-ils pas plus sûrs
d'être réélus ?
Sans doute les monarchistes à la foi robuste
qui rêvent encore un miracle en faveur de
leur roi n'e voudront pas d'une Convention
qui donnerait le coup de grâce à leurs espé-
rances ; muis les monarcnisies ne sont-ils
pas en minorité ?
Sans doute, il y aura quelques défaillances
dans la majo ils républicaine, mais croyez-
vous donc que parmi les 225 sénateurs, ina-
movibles ou non, intéressés à rester encore
au Luxembourg, il ne se rencontrera pas, par
compensation, des hommes dévoués, capables
à l'exemple des Curiius de se jeter, par pa-
triotisme, dans le gouffre du suffrage univer-
sel, sachant très bien d'ailleurs que ce gouf-
fre, moins terrible que celui du Forum ro-
main, ne se refermera pas impitoyablement
sur eux.
Vous le voyez, messieurs, ce grand acte de
la convocation d'une Assemblée constituante
qui feraient tant d'honneur à ceux qui l'au-
raient accompli n'exige pas un courage aussi
héroïque qu'on veut bien le dire.
Mais à l'Assemblée nationale seu'e il appar-
tiendra de décider, dans sa sagesse et son pa-
triotisme.
Quant à vous, messieurs, votre droit présen-
tement, ainsi que celui de MAI. les sénateurs,
qui voudront en user aussi pour le bien de la
patrie, sa borne à déclarer qu'il y a lieu de
réviser les lois constitutionnelles.
En conséquence, nous avons l'honneur de
vous proposer la résolution suivante :
« La chambre des députés,
» Conformément à l'article 8 de la JQi du 25
février 1875, relative à l'organisation des pou-
voirs publics,
» Déclare qu'il y a lieu de réviser les lois
constitutionnelles et propose, à cet effet, la
réunion des deux Chambres en Assemblée
nationale, à Versailles, le 13 juin 1881. »
Cette proposition devra, suivant l'usage,
passer, par la filière de la procédure parles
taire. La première phase, c'est l'examen
par la commission d'initiative qui sta-
tue sur la prise en considération. Les bu-
reaux de la Chambre ont précisément
nommé hier la commission d'initiative
qui devra examiner toutes les propositions
soumises durant le mois présent à la
Chambrè, et en particulier celle de M.
Barodet.
Cette commission, sur 22 membres
dont elle se compose, en comprend i4
favorables à la révision de la Constitu-
tion : Ce sont MM. Bouquet, Datas, Ta-
landier, Cantagrel, Bosc, Bonnet-Duver-
dier, Barodet, Bouchet, Favand et Marcou,
de l'extrême gauche, et MM. Dubois, De*
thou, Jacques et Bizarelli, de l'union ré-
publicaine.
Les 8 membres qu'on suppose opposés
sont MM. Bienvenu, Dreyfus, Binachon,
Dupont et Dreux de la gauche, Antonin
Dubost et Chantemille, de l'union répu-
blicaine.
———————
Au moment où la question de la révision
de la Constitution est à l'ordre du jour,
lecteurs que le Rappel a obtenu dé Louis
Blanc une Histoire de la Constitution.
Nous allons commencer très prochaine-
ment la publication de cette histoire, tout
à fait digne, par son importance et par
son intérêt, du grand historien dcD/x ans.
— - ■»
AU SENAT
M. Batbie a repris l'interpellation qu'il
avait entamée la veille sur l'exécution des
décrets du 29 mars, c'est-à-dire sur la
fermeture de certains établissements dont
les directeurs ont refusé d'obtempérer à
la loi.
Nous avons dit souvent que la politi-
que dite des décrets n'était pus la nôtre.
Nous n'avons pas besoin de revenir sur
cette déclaration; mais, en laissant de
côté ce que les décrets ont pu avoir de
malhabile, il est curieux de voir com-
ment les cléricaux argumentent pour
prouver qu'ils ont obéi et qu'on ne peut
fermer leurs maisons d'éducation.
Les deux tiers des professeurs jésuites
ont été congédiés, dit M. Batbie. Les deux
tiers, soit, et l'autre tiers,, la loi n'est-^
elle pas faite pour lui? Ainsi, de l'aveu
du défenseur des établissements menacés,
ils n'avaient pas respecté les prescrip-
tions qui leur étaient imposées. Non-seu-
lement ils ne les avaieni pas respectées
entièrement, mais ils les avaient absolu-
ment éludées. En effet, le tiers des jé-
suites restant était le fretin, les surveil-
lants. Les deux tiers partis étaient les
directeurs des études. Cela était impor-
tant, mais où étaient-ils allés? Bien loin
sans doute. Non, à la m tison d'en face.
On leur portait leur repas de l'établisse.,
ment qu'ils étaient censés avoir quitté et
qu'ils surveillaient commodément de leur
fenêtre, en cassant une croûte.
C'est là ce que les jésuites appellent sa
soumettre à la loi. Est-il étonnant que le
conseil supérieur et les conseils académi-
ques n'aient pas été du même avis?
Encore les jésuites ont agi ainsi, au dire
de M. Batbie; mais cette quasi-soumission
n'a pas été générale. Au collège de Tivoli,
près Bordeaux, le supérieur avait d'abord
pensé à obéir. Sur 23 jesuites, il en con-
gédia 9. Alors arrive une dépêche des
évêques laïques qui lui dit : Ne cedez qu'à
la force. Sur ce mot d'ordre de MM. Lucien
Bruii, Che^nelong, Carayon-Latour, Al. le
directeur du collège Tivoli déclare qu'il en
appelle à des juges. Son vœu est exaucé et
il est jugé, de plus condamné. Le voilà
content, sans doute; pas encore. On inter.
Feuilleton du RAPPEL
DU 17 MARS
>1 ■
il
MONSIEUR CLEO
PREMIÈRE PARTIE
XiE TESTAMENT IMPRÉVU
CHAPITRE VI
Éelaireie8
Maurice rentra, chez le notaire, très
tourmente. Il ne voulait rien dire de ce
qu'il avait vu, et prit sur lui de ne pas
laisser paraître ses préoccupations. Mais
Elise, décidément, le trouvait beaucoup
inoins aimable que le premier jour.
11 parla do revenir à Londres plus tôt
Qu'il ne l'avait d'abord résolu. Il se faisait
maintenant une idée suffisante de ce
qu'étaient les propriétés laissées par son
cousin, il n'avait pas besoin d'en voir
.Voir le Rappel du 7 au 16 mars.
»
davantage. Il irait encore, le lendemain,
si M. Sampson voulait bien l'accompa-
gner, visiter quelques-unes des terres
qu'il n'avait pas vues encore, et il parti-
rait le surlendemain.
Le fait est qu'il ne voulait pas retarder
plus longtemps son entrevue avec Laure
Malcolm. Ses doutes lui pesaient plus que
n'eût fait une déconvenue certaine. Il ne
pouvait retourner au château que pour
faire ses adieux, et il avait hâte d'en finir
avec ses anxiétés.
Quel était le mystérieux personnage
que Laure recevait en secret avec tant de
précautions? Etait-ce un amoureux? Avait-
elle quelque engagement antérieur? Une
attente prolongée n'aboutirait-elle pas fi-
nalement à un refus? .;;. Il aimait mieux
éclaircir tout de suite ces questions poi-
gnantes. Il se disait que la vie à Londres
lui serait intolérable s'il les emportait non
résolues avec lui. Il avait déjà, pour ce
qui le concernait lui-même, assez d'in-
quiétudes et assez d'angoisses. Il voulait
être du moins rassuré en ce qui touchait
Laure.
M. Sampson et son hôte se mirent en
route d'assez bonne heure, déjeunèrent à
une des fermes du domaine, et étaient
rentrés avant quatre heures.
Il y avait encore une heure de jour, le
temps était assez beau, et Maurice, qui
n'avait pas marché dans la journée, sortit
à pied pour aller faire un tour de prome-
nade.
Il dirigea ses pas presque machinale-
ment du côté du château, -,'
Bien lui en prit; car en s'engageantdans
une des. avenues qui y conduisaient, il vit
venir de loin, marchant vers lui, une élé-
gante forme noire, et le cœur lui battit
avec violence quand il crut reconnaître
Laure Malcolm.
C'était bien elle, en effet; Elle rentrait
au château. André Trimmer, le vieux valet
de chambre, la suivait à une distance res-
pectueuse.
Maurice continua de s'avancer, et,
quand il fut près de Laure, il lui fit un
profond salut, qu'elle lui rendit avec
grâce et, résolument, il lui adressa la pa-
role, se félicitant de l'heureuse rencontre,
et lui demanda là permission de l'accom-
pagner jusqu'à la grille du château. Il se
disposait à lui faire tenir un billet, le soir
même ; mais, si elle le voulait bien, il lui
dirait à elle-même ce qu'il avait à lui écrire.
Elle consentit du geste, et il se mit à
marcher à côté d'elle.
— Je suis obligé, dit-il, de repartir pour
Londres demain. Vous avez daigné, ma-
demoiselle, me promettre que vous me
recevriez une dernière fois avant mon
départ. Je voulais vous demander si je ne
vous dérangerai-je pas en venant à deux
heures?
— A deux heures, soit, monsieur. Je
vous attendrai.
- Je vous remercie, reprit Maurice.
—Vous venez, j'en suis sûr, ajouta-t-il aus-
sitôt, de porter quelque secours à l'un de
ces nombreux indigents qui parlent de
vous avec tant d'effusion et de reconnais-
sance.
1
- C'est mon cher père qui faisait le
bien, répondit Laure, je n'étais, moi, que
son humble agent. Je viens de porter du
linge et des médicaments à une pauvre
vieille femme , à laquelle il s'inté-
ressait.
— Et vous ne craignez pas de. sortir
ainsi, à la brune, seule avec un domes-
tique âgé, qui ne pourrait vous porter
grand secours.
— Oh! je suis connue et respectée dans
tout le pays !
- Oui, connue et respectée des gens
du pays, dit Maurice; mais vous pourriez
rencontrer des gens étrangers au pays.
— Et à ce propos, reprit-il brusquement,
je crois de mon devoir de vous parler d'un
fait assez singulier. Peut-être n'y attache-
rez-vous que peu d'importance, mais je
crois bon qu'il vous soit connu. Je me
promenais seul assez tard, hier soir, et le
hasard m'a conduit dans l'allée qui borde
l'autre côté du parc.
Il s'arrêta un moment. II lui parut que
Laure tressaillait légèrement, mais il ren-
contra ses yeux, et leur expression était
simplement cudeuse et interrogative.Mau-
rice poursuivit :
— J'ai vu un homme de haute taille,
fort enveloppé dans un large paletot et le
visage presque entièrement caché, se pro-
mener devant la petite porte du parc, et,
quelques minutes plus tard, j'ai été sur-
prix en voyant la porte s'ouvrir et l'homme
entrer dans le jardin. L'air mystérieux de
cotte réception était de nature à inquiéter
ceux qui peuvent porter intérêt aux habi-
w
tants du château. Ne serait-ce pas quelque
servante qui recevrait ainsi secrètement
quelque amoureux?
Il ne put regarder fixement Laure en
disant ces mots. Mais l'attention tranquille
de la jeune fille était la même, et ce fut
Maurice qui se trouva embarrassé et baissa
les yeux.
- Un amoureux? dit-elle. Vous savez
donc que la personne qui a reçu cet
homme était une femme?
— Oui, dit-il, surpris de la voir ainsi
maîtresse de ses impressions, oui, j'ai
positivement entendu une voix de femme.
J'ai pris la peine de suivre cet homme
quand il est sorti, et j'ai su qu'il n'était
point du pays, ce qui rend la chose plus
alarmante encore. Nombre de vols se
pratiquent avec la connivence plus ou
moins volontaire des domestiques, et les
richesses que renferme le château sont
de nature à éveiller la cupidité des vo-
leurs de profession. J'ai donc considéré
comme un devoir de vous informer de ce
dont j'avais été témoin.
Il se tut. Laure reprit avec le plus grand
calme :
— Je vous remercie, monsieur, de
votre sollicitude, mais je puis vous ras-
surer. L'homme que vous avez vu n'est
point un voleur. C'est moi qui l'ai reçu
dans le jardin.
— Ah l vraiment. mademoiselle.
c'est vous, balbutia Maurice.
— Oui, c'est un parent à moi, qui dési-
rait me voir sans que sa venue devint un
sujet de commentaires pour les gens du
pays. Il m'a écrit qu'il voyageait dans ces
parages et qu'il me priait de vouloir bien
lui accorder un entretien seul à seule,
préférant, disait-il, venir ici le soir et
s'en retourner sans avoir été vu de per-
sonne.
Tout ceci fut dit du ton le plus paisible
et sans que la voix de Laure fût le moins
du monde altérée.
,1:
On était arrivé en ce moment, à la
grille du château. Maurice, un peu con-
fus, s'inclina.
— J'espère, mademoiselle, que vous ne
me trouverez pas trop indiscret de vous
avoir parlé de ceci?
- Pas du tout, monsieur, et je vous
remercie, au contraire, de votre bonne
intention. — A demain.
Laure le salua. Trimmer avait ouvert la
grille, et elle entra, laissant Maurice in-
terdit, et ne sachant trop s'il devait se dé*
piter ou se réjouir.
MISS BRADDON.
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0: ADMINISTRATION '00 :
v .,,, = v~<- —■ ±,0}.-jijdrig-^jg vAÊoïs, jg~-'
ABONNEMENTS
PARIS
BRfoîs K50ÏS JO »
Six mois. 20 »
DEPAR ,\,
Trois mois 2B60
Six mois, £ ? 9 1
Aèa-esser lolires et manchts * 1
A M. ERNEST LEFÈVRE .,"l,'!
VliaaKÎSÏÏRA2ESE-eÉli4KX
LE RAPPEL
;.' REDACTION ,¡ <
1 * SWpôssw au. Secrétaire de là. Re&sûtiaa, r
De 4 à 6 heures du soir
48, RUE DE VALotS, 18
Les manuscrits non insérés ne saroai jj/tsraaSsa
ANNONCES
JUL Ch. M6RAN&E, cx.u d et
x «, jiaae ùi la Boœ*e,8
LE FEU A ., PARIS
Notre ami Lorkroy me permettra
de faire campagne avec lui contre l'in-
suffisance des moyens d extinction des
incendies, d'autant que, si je no me
trompe, c'est moi qui ai ouvert cette
campagne.
, Je commence par dire que, si nos
¡pompiers sont incontestablement les
plus hardis, les plus braves, les plus
dévoués de tous ceux qui forment curps
en une ville quelconque du monde, il
n'est peut-être pas une ville du monde
où les moyens employés pour com-
battre les incendies produisent plus
exactement l'effet de cautères sur des
jambes de bois.
Il a été beaucoup question do l'in-
suffisance des prises d'eau, à propos
de l'incendie si effroyablement désas-
treux des magasins du Printemps. Eh
bien, j'ai d'excellentes raisons de croiro
que, si les prises d'eau avaient été deux
fois, quatre fois, dix fois plus nom-
breuses, le désastre n'aurait pas été
beaucoup moins grand.
J'ai travaillé pendant plusieurs
heures à l'essai d'extinction d'un in-
cendie qui dévorait le magasin de
nouveautés du Grand-Condé. Il y a
longtemps, déjà. Mes nombreux com-
pagnons de volontaires et moi, nous
voyions avec le plus profond chagrin
les jets, lancés de bas en haut, se vapo-
riser immédiatement dans les flammes
sortant par toutes les fenêtres de la
maison. Les efforts de tout le monde
accouru, ajoutés à ceux des pompiers,
étaient absolument vains.
Eh bien, on en est encore là de ne
savoir attaquer le feu qu'en se mettant
au pied des maisons incendiées, et en
lançant inutilement des jets de: bas en
haut, si ce n'est que de braves pom-
piers, payant de leur personne, es-
saient, en entrant dan le foyer même
de l'incendie, d'en restreindre autant
que faire se peut les ravages.
Le nouveau colonel de ce corps est
un homme distingué, à coup sûr, un
chef des plus braves, et dosireux d'a-
Wiéliorer le service. Il a écrit un livre
fort intéressant sur le Feu à Paris et en
1Amérique. Il reconnaît que, seuls, les
jets plongeants peuvent avoir de l'effi-
cacité, et il voudrait avoir un moyen
d'établir artificiellement des postes éle-
vés d'où le pompier puisse lancer les
jets; mais il se refuse d employer aucun
'des appareils connus, par cette raison
qu'aucun n'est parfait.
: Que ferait-on dans le monde, je le
'demande, si l'on attendait pour se ser-
vir d'un intrument quelconque qu'il
fut parfait! Absolument rien.
J'avais conçu, il y a quatre ou cinq
ans, un projet d'échelle montée sur un
charriot, n'ayant point besoin d'appui.
Mais, à l'Exposition de 1878, j'en ai vu
une qui m'a semblé bien mieux conçue
que la mienne, et à laquelle je me suis
fortement intéressé. J'ai fait tout mon
possible pour la faire accepter, sans y
réussir.
Elle est de FItalien Paolo Porta. Elle
était connue en France depuis dix ans.
Le gouvernement en avait fait acheter
quatre exemplaires au corps des pom-
piers de Paris. Mais ce corps n'est pas
du tout disposé à accepter ce qui lui
vient du dehors, pas plus que ce qui
lui est proposé par des personnnes
« sas mandat »; c'est-à-dire par des
pékins. Toutefois, une commission
d'officiers de pompiers fut nommée
pour décider si l'appareil Porta était
bon ou mauvais, et voici textuellement
quelles furent les conclusions du rap-
port :
« La commission, à l'unanimité,
tout eu reconnaissant que l'échelle
Porta représente, par ses qualités de
sécurité, de hardiesse et de conception,
par sa construction simple et ingé-
nieuse, par la facilité de la manœuvre,
un avantage sur la plupart des appareils
de sauvetage, ne croit pas que, dans
son état actuel, elle puisse faire partie
du matériel des sapeurs-pompiers. »
Voilà qui est admi-rable, n'est-ce
pas? L'appareil est simple et ingé-
nieux ; il est d'une conception hardie ;
il est facile à manœuvrer ; il garantit
la sécurité des personnes ; il vaut
mieux que tous les autres moyens de
sauvetage., donc, il ne peut pas faire
partie du matériel des sapeurs-pom-
piers!
Et pourquoi? Parce qu'il n'est pas
parfait.
Je ferai d'abord remarquer que l'ap-
pareil exposé en 1878, que j'ai vu fonc-
tionner en présence de l'ingénieur du
corps des pompiers, était corrigé des
quelques défections reprochées à ceux
achetés en 1868. Mais n'en eùt-il pas
été corrigé, qu'il eût pu rendre d'im-
menses services dans l'incendie du
Printemps, dans celui du pavillon de
Flore aux Tuileries, et dans cent au-
tres. Il était le moyen, parfaitement
sûr, d'établir ces postes artificiels dont
parle le colonel Paris, et de mettre le
pompier à même de lancer des jets
plongeants, les seuls efficaces, fût-ce au
cinquième ou même au sixième étage.
Depuis plus de quatre ans, je suis en
querelle avec l'état-major du régiment
parce que je veux l'amener, quoi qu'il
en ait, à sortir de sa routine. Je n'ai
encore réussi qu'à me heurter à l'esprit
de corps le plus obstinément fermé à
tout ce qui peut lui venir du dehors.
Je serais heureux de pouvoir faire
exception pour son chef actuel; mais
j'ai le regret d'avoir trouvé dans son
livre, où il parle longuement de l'é-
chelle Porta, une série d'objections mal
fondées. Je me fais fort, quand il lui
plaira de me mettre en demeure" de les
réduire à rien ou presque rien.
Je me borne à dire ici que l'appareil
peut être mis en position en moins de
10 minutes, et non en 13, comme il est
dit dans le livre; qu'il peut être traîné
dans presque toutes les rues de Paris ;
que, s'il ne peut pas être dressé dans
toutes les cours, je défie bien qu'on
en trouve un pouvant être introduit
partout. Les cours du nouveau Paris
sont des sortes de puits. D'ailleurs, on
ne fait plus de portes cochères que
dans les beaux hôtels. J'ajoute que la
plupart des grands incendies connus
pouvaient être combattus sur la façade
extérieure des édifices. Ainsi au Prin-
temps, ainsi au pavillon de Flore, pour
ne citer que ces deux exemples.
Mais lors même que les objections
auxquelles je réponds sommairement
seraient plus sérieuses que je ne le
pense, l'appareil en question serait en-
encore d'une extrême utilité. Je tiens
d'autant moins compte de quelques
minutes do retard, qu'à ma connais-
sance les secours suffisants ne se font
pas attendre treize minutes , mais
trente, soixante et quelquefois beau-
coup plus.
En définitive, il y a d'autres appa-
reils que celui de l'Italien Porta. Pour-
quoi les ingénieurs du corps des pom-
piers, qui depuis longtemps devraient
en avoir inventé un, ne s'appliquent-
ils pas, du moins, à perfectionner ceux
qui sont connus? -
Hélas! cette question ramène à ma
pensée un proverbe que l'expérience
m'a forcé bien des fois à varier : « Cha-
cun son métier, les vaches seront mal
gardées. ».
A. CORBON.
.———————— C —————————
, L'agence Havas nous transmet une
nouvelle tout à fait stupéfiante et déplora-
ble. Deux de nos confrères seraientpour-
suivis pour l'apologie de faits qualifiés
crimes. Il s'agit d'articles publiés à pro-
pos de la mort de l'empereur de Russie.
Nous espérons que l'agence Havas a,
cette fois, été mal informée.
Une nouvelle loi sur la presse a été
votée par la Chambre, et cette loi.ne
contient pas, s'il m'en souvient bien,
le délit visé aujourd'hui. Cette loi pu-
nit seulement « la provocation au
crime ». Ce qui est très différent de
« l'apologie d'un fait qualifié crime ».
Le Sénat paraît devoir adopter la loi
dans son ensemble. Au moins, jus-
qu'aujourd'hui, la commission sénato-
riale chargée d'examiner le projet n'a
fait d'objection que sur l'article relatif
à la responsabilité des propriétaires de
journaux. Si donc on ne peut pas en-
core considérer la loi nouvelle comme
actuellement en vigueur, on doit, au
moins, s'abstenir d'user des lois an-
ciennes. Elles ont été condamnées par
les députés. Elles vont l'être par les
pères conscrits.
Ce serait un vilain spectacle que
celui d'un gouvernement républicain
usant, jusqu'à la dernière minute, des
textes répressifs à lui légués par les
monarchies et les empires défunts. On
s'étonnerait de cet acharnement dans
le pays, et l'on se demanderait pourquoi
le parquet— qu'on représente comme
libéral — met tant de rage à jouir de
son reste. Les vieilles lois sont mortes
et le plaisir de mettre en prison un
journaliste désagréable ne vaut certes
pas qu'on les ressuscite pour quinze
jours !
Veut-on donner la liberté à la France,
ou veut-on faire du gouvernement ré-
publicain un gouvernement autoritaire
comme ceux qui l'ont précédé? Tout
est là. Si on veut faire un gouverne-
ment autoritaire, il faut le dire ; il faut
conserver les anciennes lois; il ne faut
plus parler de libéralisme à la tribune.
Si, au contraire, on veut nous donner
la liberté, il faut prendre son parti des
inconvénients de la liberté. Le pire est
d'étendre quelquefois des ehoses un
peu dures. Mais, ma foi ! il n'est pas
mauvais que les ministres s'y habi-
tuent. Ce désagrément est, d'ailleurs,
compensé par de gran ds avantages. Le
jour où les gouvernements étrangers
se plaignent de la presse française, on
peut leur répondre : Nous ne sommes
responsables de rien. Si vous vous
trouvez offensés, envoyez vos témoins
au journaliste.
ÈDOUARD LOCKROY.
1 11
COULISSES DES CHAMBRES
M. Barodet a déposé hier sur le bureau
de la Chambre la proposition sur la révi-
sion tie la Constitution dont nous avons
annoncé la préparation. Cette proposition
est revêtue de 65 signatures appartenant
à des membres de tous les groupes de la
gauche. En voici le texte complet :
Messieurs, la Constitution de 187a, œuvre
d'une Assemblée profondément divisée, nom.
mée dans le trouble de la patrie sous l'influence
ae la défaite et de l'invasion, lijiuvement,
sans discussion, sans mandat précis, n'a été
qu'vne transaction entre une majorité mo-
narchique et une minorité républicaine éga-
lement impuissantes à triompher l'une de
l'autre. — Aussi a-t-elle gardé l'empreinte
Des intentions perfides et des espérances anti-
démocratiques qui l'ont in-pirée et que le 16
mai a vainement essayé de réaliser.
Les vices et les dangers de cette Constitu-
tion ont été maintes fois signalés.
Elle porte atteinte au suffrage universel et à
la sincérité de la représentation nationale
quand elle crée, pour la nomination des mem-
bres du Sénat, un suffrage spécial et res-
treint; quand elle fait de la plus petite com-
mune de France l'égale de Paris et de Lyon
devant l'urne électorale ; quund elle accorde
au Sénat le droit d'élire une partie de ses
membres et de leur conférer l'inamovibilité
qu'il ne pQssèJe pas lui-même; quand elle lui
donne le droit de dissoudre, d'accord avec le
président de la République, la Chambre des
drputés, bsue directement de la volonté na-
tionale par le suffrage universel.
La Constitution manque de prudence et ex-
pose la République à de ver,tables dangers
quand, par l'éoalité absolue des attributions
législatives des deux Chambres, elle ouvre la
porte à des conflits sans solution possible, la
dissolution de la Chambre des députés pou-
vant les aggraver au lieu de les résoudre ;
quand elle accorde au-président de la Uépu-
blique un règne de sept années toujours re-
nouvelables et des attributions toutes royales;
quand elle abandonne le principe tuléîaire Ge
itt*l permanenoe des Assemblées et laisse le
pouvoir exécutif sans contrôle et sans opposi-
tion pendant le cours des vacances parle-
mentaires; qu'il; dépend de ce pouvoir exécu-
tif de fixer lui-même et lie faire durer jusqu'a
sept mois chaque année.
Entin, la Constitution présente de regretta-
bles lacunes, en n'interdisant pas à tous les
législateurs, sans exception, le cumul des
fonctions, rétribuées uu non rétribuées; en
ne stipulant rien à l'égard du pouvoir judi-
ciaire; en n'entourant d'aucune g nantie les
droits et les libertés des ciioyens, des commu-
nes et des départements, qu'elle passe entiè-
rement sous silence, et laisse ainsi expos s
aux atteintes des assemblées et des pouvoirs
usurpateurs.
Telles sont, messieurs, les principales im-
perfections qui ont été reprochées à l'œuvre
constitutionnelle de l'Assemblee de Versailles,
et qu3 les républicains qui l'ont acceptée avec
une si douloureuse résignation s'étaient pro-
mis de faire disparaître dès qu'ils le pour-
raient.
Celles qui touchent au mode d'élection des
membres du Sénat, notamment, sont si vive-
ment ressenties par le pays tout entier, qu'il
lui paraîtrait étrange que personne ne songeât
à y porter remède au moment où s'agite la
question d'une réforme de la loi électorale
qui préside a la nomination des membres de
la Chambre des députés.
Sans examiner ici la question controversée,
de savoir si cette loi fait ou ne fait pas partie
des lois constitutionnelles, peut ou ne peut
pas être révisée autrement que la Constitution
elle-même, personne, assurément, ne contes-
tera qu'il serait préférable, pour la stabilité,
la garantie et la force des intitulions répu-
blicaines, qu'un pareil doute ne pût s'élever
et que le mode d'élection, la durée du man-
dat et le nombre des représentants fussent
réglés par le pouvoir constituant ainsi que
cela s'est toujours pratiqué en France, depuis
1791, et dans tous les pays libres.
Personne ne, contestera non plus que le
mode d'élection des sénateurs, qui fait partie
intégrante des lois constitutionnelles, est au-
trement défectueux. et appelle une réforme
autrement urgente que celle qui nous est pro-
posée par l'honorable M. Bardoux.
Et comment ne pas reconnaître aussi l'a-
vantage de la simultanéité de ces réformes ?
En admettant que le Sénat doive être con-
servé, ne permettrait-elle pas de le faire re-
lever directement du suffrage universel et
d'atténuer considérablement, sinon de faire
disparaître complètement, son esprit d'oppo-
sition aux lois de progrès réclamées par
l'opinion publique et votées par la Chambre
des députés?
Qui ne ntit aue cette différence de tempé-
rament des deux Assemblées, dont on se
plaint à si juste titre, se trouverait augmentée
encore par l'adoption d'une réforme qui ne
s'appliquerait qu'à la loi d'éleclion des dé-
putés, si cette réforme avait pour résultat,
comme l'artirment ses partisans, de donner
une Chambre plus politique, plus entrepre-
nante, plus réformatrice?
Les raisons qui précèdent nous semblent
donc justifier pleinement la nécessité et l'op-
portunité d'une révision de la constitution.
L'Assemblée nationale aura incontestable-
ment le droit et le devoir de se demander si
cette Constitution, dont. pli* Q ,una
origine bien reguliere, bien légitimé, et si, au
lieu de procéder elle-même à sa révision, il
ne convien ira pas de faire, dès cette année
et sans plus tarder, un pas décisif et salutaire
en appelant la nation à se recueillir dans le
calme, la liberté et la maturité de ses délibé-
rations, et à se donner enfin, par la nomina-
tion d'une Assemblée constituante, des insti-
tutions vraiment républicaines et démocrati-
ques.
Oui, messieurs, il dépend a de l'Assemblée
nationale, dont vous ferez tous partie, que la
République française devienne la sœur im-
mortelle de la grande République américaine.
Quelle gloire s'offre à vous! Quoi de plus ma-
gnifique? Quoi da. plus digne de séduire des
cœurs et des esprits véritablement haut pla-
cés?
On objectera que c'est le suicide que nous
demandons à l'Assemblée nationale et que
nous ne tenons pas assez compte de l'intérêt
personnel de ses membres.
Nous nous refusons, quant à nous, à croire
nos collègues de l'une et l'au re Chambre ca-
pables de sacrifier à eur égoïsme l'intérêt
évident de la patrie. BLis qui ne voit qu'ici les
deux intérêts s'accordent à merveille? Tous
les députés et soixante-quinze sénateurs ne
touchent-ils pas au terme de leur mandat.
Qu'auront-ils donc à perdre à la constitution
d'une assemblée constituante dont la plupart
d'entre eux feraient partie. Se présenteraie et-
ils dans de moins bonnes conditions devant
leurs électeurs? N'en seraient-ils pas plus sûrs
d'être réélus ?
Sans doute les monarchistes à la foi robuste
qui rêvent encore un miracle en faveur de
leur roi n'e voudront pas d'une Convention
qui donnerait le coup de grâce à leurs espé-
rances ; muis les monarcnisies ne sont-ils
pas en minorité ?
Sans doute, il y aura quelques défaillances
dans la majo ils républicaine, mais croyez-
vous donc que parmi les 225 sénateurs, ina-
movibles ou non, intéressés à rester encore
au Luxembourg, il ne se rencontrera pas, par
compensation, des hommes dévoués, capables
à l'exemple des Curiius de se jeter, par pa-
triotisme, dans le gouffre du suffrage univer-
sel, sachant très bien d'ailleurs que ce gouf-
fre, moins terrible que celui du Forum ro-
main, ne se refermera pas impitoyablement
sur eux.
Vous le voyez, messieurs, ce grand acte de
la convocation d'une Assemblée constituante
qui feraient tant d'honneur à ceux qui l'au-
raient accompli n'exige pas un courage aussi
héroïque qu'on veut bien le dire.
Mais à l'Assemblée nationale seu'e il appar-
tiendra de décider, dans sa sagesse et son pa-
triotisme.
Quant à vous, messieurs, votre droit présen-
tement, ainsi que celui de MAI. les sénateurs,
qui voudront en user aussi pour le bien de la
patrie, sa borne à déclarer qu'il y a lieu de
réviser les lois constitutionnelles.
En conséquence, nous avons l'honneur de
vous proposer la résolution suivante :
« La chambre des députés,
» Conformément à l'article 8 de la JQi du 25
février 1875, relative à l'organisation des pou-
voirs publics,
» Déclare qu'il y a lieu de réviser les lois
constitutionnelles et propose, à cet effet, la
réunion des deux Chambres en Assemblée
nationale, à Versailles, le 13 juin 1881. »
Cette proposition devra, suivant l'usage,
passer, par la filière de la procédure parles
taire. La première phase, c'est l'examen
par la commission d'initiative qui sta-
tue sur la prise en considération. Les bu-
reaux de la Chambre ont précisément
nommé hier la commission d'initiative
qui devra examiner toutes les propositions
soumises durant le mois présent à la
Chambrè, et en particulier celle de M.
Barodet.
Cette commission, sur 22 membres
dont elle se compose, en comprend i4
favorables à la révision de la Constitu-
tion : Ce sont MM. Bouquet, Datas, Ta-
landier, Cantagrel, Bosc, Bonnet-Duver-
dier, Barodet, Bouchet, Favand et Marcou,
de l'extrême gauche, et MM. Dubois, De*
thou, Jacques et Bizarelli, de l'union ré-
publicaine.
Les 8 membres qu'on suppose opposés
sont MM. Bienvenu, Dreyfus, Binachon,
Dupont et Dreux de la gauche, Antonin
Dubost et Chantemille, de l'union répu-
blicaine.
———————
Au moment où la question de la révision
de la Constitution est à l'ordre du jour,
lecteurs que le Rappel a obtenu dé Louis
Blanc une Histoire de la Constitution.
Nous allons commencer très prochaine-
ment la publication de cette histoire, tout
à fait digne, par son importance et par
son intérêt, du grand historien dcD/x ans.
— - ■»
AU SENAT
M. Batbie a repris l'interpellation qu'il
avait entamée la veille sur l'exécution des
décrets du 29 mars, c'est-à-dire sur la
fermeture de certains établissements dont
les directeurs ont refusé d'obtempérer à
la loi.
Nous avons dit souvent que la politi-
que dite des décrets n'était pus la nôtre.
Nous n'avons pas besoin de revenir sur
cette déclaration; mais, en laissant de
côté ce que les décrets ont pu avoir de
malhabile, il est curieux de voir com-
ment les cléricaux argumentent pour
prouver qu'ils ont obéi et qu'on ne peut
fermer leurs maisons d'éducation.
Les deux tiers des professeurs jésuites
ont été congédiés, dit M. Batbie. Les deux
tiers, soit, et l'autre tiers,, la loi n'est-^
elle pas faite pour lui? Ainsi, de l'aveu
du défenseur des établissements menacés,
ils n'avaient pas respecté les prescrip-
tions qui leur étaient imposées. Non-seu-
lement ils ne les avaieni pas respectées
entièrement, mais ils les avaient absolu-
ment éludées. En effet, le tiers des jé-
suites restant était le fretin, les surveil-
lants. Les deux tiers partis étaient les
directeurs des études. Cela était impor-
tant, mais où étaient-ils allés? Bien loin
sans doute. Non, à la m tison d'en face.
On leur portait leur repas de l'établisse.,
ment qu'ils étaient censés avoir quitté et
qu'ils surveillaient commodément de leur
fenêtre, en cassant une croûte.
C'est là ce que les jésuites appellent sa
soumettre à la loi. Est-il étonnant que le
conseil supérieur et les conseils académi-
ques n'aient pas été du même avis?
Encore les jésuites ont agi ainsi, au dire
de M. Batbie; mais cette quasi-soumission
n'a pas été générale. Au collège de Tivoli,
près Bordeaux, le supérieur avait d'abord
pensé à obéir. Sur 23 jesuites, il en con-
gédia 9. Alors arrive une dépêche des
évêques laïques qui lui dit : Ne cedez qu'à
la force. Sur ce mot d'ordre de MM. Lucien
Bruii, Che^nelong, Carayon-Latour, Al. le
directeur du collège Tivoli déclare qu'il en
appelle à des juges. Son vœu est exaucé et
il est jugé, de plus condamné. Le voilà
content, sans doute; pas encore. On inter.
Feuilleton du RAPPEL
DU 17 MARS
>1 ■
il
MONSIEUR CLEO
PREMIÈRE PARTIE
XiE TESTAMENT IMPRÉVU
CHAPITRE VI
Éelaireie8
Maurice rentra, chez le notaire, très
tourmente. Il ne voulait rien dire de ce
qu'il avait vu, et prit sur lui de ne pas
laisser paraître ses préoccupations. Mais
Elise, décidément, le trouvait beaucoup
inoins aimable que le premier jour.
11 parla do revenir à Londres plus tôt
Qu'il ne l'avait d'abord résolu. Il se faisait
maintenant une idée suffisante de ce
qu'étaient les propriétés laissées par son
cousin, il n'avait pas besoin d'en voir
.Voir le Rappel du 7 au 16 mars.
»
davantage. Il irait encore, le lendemain,
si M. Sampson voulait bien l'accompa-
gner, visiter quelques-unes des terres
qu'il n'avait pas vues encore, et il parti-
rait le surlendemain.
Le fait est qu'il ne voulait pas retarder
plus longtemps son entrevue avec Laure
Malcolm. Ses doutes lui pesaient plus que
n'eût fait une déconvenue certaine. Il ne
pouvait retourner au château que pour
faire ses adieux, et il avait hâte d'en finir
avec ses anxiétés.
Quel était le mystérieux personnage
que Laure recevait en secret avec tant de
précautions? Etait-ce un amoureux? Avait-
elle quelque engagement antérieur? Une
attente prolongée n'aboutirait-elle pas fi-
nalement à un refus? .;;. Il aimait mieux
éclaircir tout de suite ces questions poi-
gnantes. Il se disait que la vie à Londres
lui serait intolérable s'il les emportait non
résolues avec lui. Il avait déjà, pour ce
qui le concernait lui-même, assez d'in-
quiétudes et assez d'angoisses. Il voulait
être du moins rassuré en ce qui touchait
Laure.
M. Sampson et son hôte se mirent en
route d'assez bonne heure, déjeunèrent à
une des fermes du domaine, et étaient
rentrés avant quatre heures.
Il y avait encore une heure de jour, le
temps était assez beau, et Maurice, qui
n'avait pas marché dans la journée, sortit
à pied pour aller faire un tour de prome-
nade.
Il dirigea ses pas presque machinale-
ment du côté du château, -,'
Bien lui en prit; car en s'engageantdans
une des. avenues qui y conduisaient, il vit
venir de loin, marchant vers lui, une élé-
gante forme noire, et le cœur lui battit
avec violence quand il crut reconnaître
Laure Malcolm.
C'était bien elle, en effet; Elle rentrait
au château. André Trimmer, le vieux valet
de chambre, la suivait à une distance res-
pectueuse.
Maurice continua de s'avancer, et,
quand il fut près de Laure, il lui fit un
profond salut, qu'elle lui rendit avec
grâce et, résolument, il lui adressa la pa-
role, se félicitant de l'heureuse rencontre,
et lui demanda là permission de l'accom-
pagner jusqu'à la grille du château. Il se
disposait à lui faire tenir un billet, le soir
même ; mais, si elle le voulait bien, il lui
dirait à elle-même ce qu'il avait à lui écrire.
Elle consentit du geste, et il se mit à
marcher à côté d'elle.
— Je suis obligé, dit-il, de repartir pour
Londres demain. Vous avez daigné, ma-
demoiselle, me promettre que vous me
recevriez une dernière fois avant mon
départ. Je voulais vous demander si je ne
vous dérangerai-je pas en venant à deux
heures?
— A deux heures, soit, monsieur. Je
vous attendrai.
- Je vous remercie, reprit Maurice.
—Vous venez, j'en suis sûr, ajouta-t-il aus-
sitôt, de porter quelque secours à l'un de
ces nombreux indigents qui parlent de
vous avec tant d'effusion et de reconnais-
sance.
1
- C'est mon cher père qui faisait le
bien, répondit Laure, je n'étais, moi, que
son humble agent. Je viens de porter du
linge et des médicaments à une pauvre
vieille femme , à laquelle il s'inté-
ressait.
— Et vous ne craignez pas de. sortir
ainsi, à la brune, seule avec un domes-
tique âgé, qui ne pourrait vous porter
grand secours.
— Oh! je suis connue et respectée dans
tout le pays !
- Oui, connue et respectée des gens
du pays, dit Maurice; mais vous pourriez
rencontrer des gens étrangers au pays.
— Et à ce propos, reprit-il brusquement,
je crois de mon devoir de vous parler d'un
fait assez singulier. Peut-être n'y attache-
rez-vous que peu d'importance, mais je
crois bon qu'il vous soit connu. Je me
promenais seul assez tard, hier soir, et le
hasard m'a conduit dans l'allée qui borde
l'autre côté du parc.
Il s'arrêta un moment. II lui parut que
Laure tressaillait légèrement, mais il ren-
contra ses yeux, et leur expression était
simplement cudeuse et interrogative.Mau-
rice poursuivit :
— J'ai vu un homme de haute taille,
fort enveloppé dans un large paletot et le
visage presque entièrement caché, se pro-
mener devant la petite porte du parc, et,
quelques minutes plus tard, j'ai été sur-
prix en voyant la porte s'ouvrir et l'homme
entrer dans le jardin. L'air mystérieux de
cotte réception était de nature à inquiéter
ceux qui peuvent porter intérêt aux habi-
w
tants du château. Ne serait-ce pas quelque
servante qui recevrait ainsi secrètement
quelque amoureux?
Il ne put regarder fixement Laure en
disant ces mots. Mais l'attention tranquille
de la jeune fille était la même, et ce fut
Maurice qui se trouva embarrassé et baissa
les yeux.
- Un amoureux? dit-elle. Vous savez
donc que la personne qui a reçu cet
homme était une femme?
— Oui, dit-il, surpris de la voir ainsi
maîtresse de ses impressions, oui, j'ai
positivement entendu une voix de femme.
J'ai pris la peine de suivre cet homme
quand il est sorti, et j'ai su qu'il n'était
point du pays, ce qui rend la chose plus
alarmante encore. Nombre de vols se
pratiquent avec la connivence plus ou
moins volontaire des domestiques, et les
richesses que renferme le château sont
de nature à éveiller la cupidité des vo-
leurs de profession. J'ai donc considéré
comme un devoir de vous informer de ce
dont j'avais été témoin.
Il se tut. Laure reprit avec le plus grand
calme :
— Je vous remercie, monsieur, de
votre sollicitude, mais je puis vous ras-
surer. L'homme que vous avez vu n'est
point un voleur. C'est moi qui l'ai reçu
dans le jardin.
— Ah l vraiment. mademoiselle.
c'est vous, balbutia Maurice.
— Oui, c'est un parent à moi, qui dési-
rait me voir sans que sa venue devint un
sujet de commentaires pour les gens du
pays. Il m'a écrit qu'il voyageait dans ces
parages et qu'il me priait de vouloir bien
lui accorder un entretien seul à seule,
préférant, disait-il, venir ici le soir et
s'en retourner sans avoir été vu de per-
sonne.
Tout ceci fut dit du ton le plus paisible
et sans que la voix de Laure fût le moins
du monde altérée.
,1:
On était arrivé en ce moment, à la
grille du château. Maurice, un peu con-
fus, s'inclina.
— J'espère, mademoiselle, que vous ne
me trouverez pas trop indiscret de vous
avoir parlé de ceci?
- Pas du tout, monsieur, et je vous
remercie, au contraire, de votre bonne
intention. — A demain.
Laure le salua. Trimmer avait ouvert la
grille, et elle entra, laissant Maurice in-
terdit, et ne sachant trop s'il devait se dé*
piter ou se réjouir.
MISS BRADDON.
0
###Pei
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