Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-03-09
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 79956 Nombre total de vues : 79956
Description : 09 mars 1876 09 mars 1876
Description : 1876/03/09 (N2190). 1876/03/09 (N2190).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75342026
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
N**2Ï9D — Jeutii 9 ^Mars M 876
Si© mimer© s fiôc* - Déplartements : fiS ca
19^V ëntôse
RÉDACTION
fifadressemu Secrétaire de la Rédaction
De 4 à 6 heures du soir
18, 18
JL
'¡' --.
tesmanuscritsmon-insérés ne seront pas rendus
-
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et G*
6, place de la Bourse, 6 ;
:' : : : if l, -; '"H
i.::w i .• t r?
» i "3 >-
ADMINISTRATION
18, RUE DE VALOIS, 18
", nuls DB
ABOJfNESIElftrS - ~j
PAUM.
frois mois. fo »
Six mois 20' »
DBpARTBSuQtTd
Trois mois. 13 50
Six mo^Viw.v~27 at
— X
Adresser lettres et mandats
A Mo ERNEST L È-vit
-; ! 4P*INIgWAT £ UR)€è^r ; -- f
LES NOUVELLES ASSEMBLÉES
Une Assemblée finit, et deux Assem-
0
s blées commencent. Le pays réclame des
nouvelles Assemblées une politique
nouvelle.
Les républicains de l'Assemblée qui
s'en va, lorsqu'on leur reprochait de ne
rien faire, pouvaient répondre qu'ils
n'étaient pas les maîtres. Le hasard
aussi triste qu'exceptionnel d'élections
faites en pleine invasion et quand le
pays, blessé et gisant à terre, n'avait
- plus sa connaissance, avait produit une
Assemblée partagée par moitié entre la
République et la monarchie. Une moitié
tirant en avant et une moitié en ar-
rière, on restait en place. Tout ce qui
était possible aux républicains, c'était
d'empêcher le recul. On peut même
leur accorder qu'ils ont arraché un pas
en avant, puisque la République, qui
n'était encore que le droit et le fait, est
maintenant la loi..
Mais, même devenue la loi, la Répu-
blique n'est encore qu'un mot. Il faut
qu'elle devienne une chose. Si elle ne
le devenait pas, les républicains des
nouvelles Assemblées n'auraient plus à
s'en excuser sur personne. Il y a désor-
mais, même au Sénat, une majorité ré-
publicaine, et ce que voudra cette ma-
jorité, qui l'empêcherait?
Les royalistes? Nous ne doutons pas
qu'ils ne s'entêtent dans leur guerre à
la démocratie, même après ce qu'ils y
ont gagné. Ce qu'ils y ont gagné pour
leur cause, c'est le vote du 25 février.
Ce qu'ils y ont gagné pour eux-mêmes,
ce sont les élections du 20 février et du
5 mars. Le 25 février en a fini avec la
monarchie. Le 20 février et le 5 mars
en ont fini avec les monarchistes. Le
sol électoral est couvert des cadavres de
leurs candidatures. Sonnez les cloches!
le fossoyeur attend.
Que les royalistes qui restent s'en-
têtent donc, si c'est leur plaisir.
Combien sont-ils de survivants ? A la
Chambre des députés quelque chose
comme quatrevingts ; sur cinq cent
trente membres ; pas un sur six. Oui,
mais ils peuvent s'associer avec les bo-
napartistes. Avec les bonapartistes-?
mais ils les ont flétris! mais dans une
séance solennelle - et la seule peut-
être dont ils aient à se vanter — ils les
ont déclarés coupables de l'invasion et
du démembrement de la France ! Eh
bien, après? Est-ce que ça les a gênés
pour être leurs amis depuis ? Est-
ce que les plus ausières des royalistes,
les royalistes du droit divin, n'ont
pas été les premiers à partager avec
leurs flétris la candidature Stoffel ?
Est-ce que les orléanistes, à l'exem-
ple des vrais royalistes, n'ont pas empli
l'administration de tant de chislehurs-
tiens que M. de Broglie — c'est son pro-
pre journal qui l'a dit dans le temps —
a pu être soupçonné de* travailler à la
résurrection de l'empire? Et est-ce que,
hier encore, les orléanistes du Pas-de-
païais, du Calvados, et d'ailleurs, ne col-
laboraient pas fraternellement au succès
des candidats bonapartistes? Entre mo-
narchistes, on n'a pas de rancune. Et
notre candeur ne va pas jusqu'à croire
impossible qu'un de ces jours les roya-
listes acceptent la main que les bona-
partistes leur tendront en leur disant :
- En sommes-nous à une invasion
près ?
Tous les monarchistes, ceux du lys,
ceux du coq et ceux rie l'aigle, peuvent
s'associer; soit. Mais les royalistes ne
sont que quatrevingts dans celle des
deux Chambres où ils, sont le plus nom-
breux, et les bonapartistes n'y sont pas
même quatrevingts. Réunis, les roya-
listes et les bonapartistes n'arriveront
pas même à être le tiers de la Chambre.
Donc, à partir d'aujourd'hui, les répu-
blicains des Assemblées peuvent ce
qu'ils veulent. Donc, il faut qu'ils fas-
sent ce que veut le pays. Et il faut qu'ils
le fassent vite. Car le pays est d'autant
plus impatient qu'il à plus attendu.
Les républicains de l'ex-Assemblée
ont eu à empêcher de refaire la monar-
chie. Les républicains des Assemblées
actuelles ont.à refaire la France. Pour
refaire la France, une première condi-
tion est nécessaire : l'apaisement. Il cet
temps que la colère cesse ; il est temps
de prendre en pitié les femmes qui de-
puis cinq ans n'ont pas leur mari, les
mères qui depuis cinq ans n'ont pas
leur fils, les petits enfants qui depuis cinq
ans n'ont pas de père, tous ces innocents
qui depuis cinq ans souffrent sans l'a-
voir mérité. Il est temps que la Répu-
blique française fasse ce que la Répu-
blique américaine a fait après une
guerre civile bien autrement sanglante
et qui s'était exaspérée jusqu'à l'assas-
sinat du président de la République !
Oubli ! réconciliation ! amnistie ! Et puis,
en avant. Fermons le passé, et entrons
dans l'avenir.
AUGUSTE VACQUBHIR. ,
— .-.
Nous publions plus loin le compte
rendu détaillé d'une importante réu-
nion où trois cents des républicains des
deux Chambres ont pris, à l'unanimité,
une résolution sur laquelle nous appe-
lons l'attention de nos lecteurs.
Un groupe de cent vingt séna-
teurs ou députés qui s'était réuni à
l'hôtel des Réservoirs, et un autre
groupe, encore plus nombreux, de dé-
putés réélus qui s'était réuni à l'hôtel de
France, ont voulu délibérer en com-
mun et dégager nettement, aux yeux
du gouvernement, le sens de^lections
sénatoriales et législatives.
Les trois cents membres qui compo-
saient la réunion générale des deux
groupes ont pris à l'unanimité la résolu-
tion qu'on va lire et qui réclame un
ministère nettement républicain.
Un détail à noter, c'est que cette
réunion générale a en lieu à l'hôtel des
Réservoirs, qui était, comme on sait, le
lieu des conciliabules des trois droites,
et où se sont machinées toutes les in-
trigues du 24 mai et de la fusion. Il est
curieux que ce soit à l'endroit même où
le royalisme chuchottait ses conspira-
tions qu'ait éclaté cette première affir-
mation de la République.
A. v. 1
LES COULISSES DE VERSAILLES
Hier, suivant la convocation. qui avait
été insérée au Journal officiel, les deux
Chambres se sont réunies pour la première
fois, mais sans que les réunions eussent un
caractère officiel. La loi du 30 décembre der-
nier ayant fixé au 8 mars la première réu-
nion des deux Chambres, les séances d'hier
ont été secrètes, et en quelque sorte extra-
parlementaires. Dans chaque Chambre, les
membres seuls étaient admis ; le public
s'est vu refuser rigoureusement l'entrée
du palais; quant aux journalistes ils n'ont
eu accès que dans leurs salles de travail et
n'ont pas pu pénétrer dans, les tribunes qui
leur sont affectées.
Les deux tiers des membres seulement
étaient présents à chaque Chambre. Ail
Sénat, Victor Hugo était a„ôent, ainsi que
M. Thiers à la Chambre des députés. M.
Dufaure, vice-pro-ident du conseil, était à
la Chambre; M. Léon Say et M. de Meaux
figuraient au Sénat.
La séance, dans l'une et l'autre Cham-
bre, ne s'est ouverte qu'à deux heures, et
dans chacune d'elles n'a duré que quel-
ques minutes. Voici le compte-rendu de
ce qui s'est passé dans chacune d'elles :
SEANCE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS
M. le général Allard député bona-
partiste des Deux-Sèvres, monte au fau-
teuil; il dit que, né en 1798, il se trouve,
par suite de l'absence de MM. Raspail et
Thiers, plus âgés que lui, appelé à présider
la séance comme doyen d'âge.
Il appelle ensuite au bureau, en qualité
de secrétaires, les quatre membres les plus
jeunes dont il désigne les noms; ce sont
MM. Leprovost de Launay fils, Eschassé-
riaux fils, Roy de Loulay fils et Sarlande,
tous les quatre bonapartistes.
M. GandJetta s'clève contre cette dé-'
signation arbitraire, et croit qu'il y a
d'autres membres plus jeunes que ceux
qui sont indiqués par M. le général Al-
lard, pour prendre place au bureau.
Cette réclamation est accueillie, et,
après constatation des âges, les quatre se-
crétaires appelés au bureau sont MM. :
Marcellin Pellet, républicain, né en
1847 ;
Jean-Casimir Périer, républicain, né en
18-46 ;
Leprovost de Launay fils, né en 1850 ;
ltoy de Loulay fils, né en 1850.
M. le géuéral Allard propose de
fixer l'ordre du jour de la séance publique
qu lendemain et de se réunir à 2 heures.
Mtfl. Cîoeltery et René ESrice font
observer que la réunion actuelle est en
dehors de la légalité. L'Assemblée existe
jusqu'au 8 mars, et la réunion n'a pas le
droit de prendre une décision.
II. Duiaure, garde des sceaux, dit que
sans doute l'Assemblée nationale existe
encore; mais il ajoute que le bureau de
cette Assemblée et la commission de per-
manence, agissant dans la plénitude de
leur autorité, ont réglé le mode de trans-
mission des pouvoirs. La réunion actuelle
n'est que. préparatoire; mais elle sera
utile pour permettre de composer le len-
demain sans retard le bureau provisoire
qui prendra part à la cérémonie de la
transmission des pouvoirs. C'est, en effet,
demain mercredi qu'on nommera le bu-
reau provisoire réel. M. le garde des
sceaux termine en demandant que, pour
ne pas retarder la cérémonie de la trans-
mission des ponvoirs, la Chambre veuille
bien se réunir à une heure et demie.
M. le général AS lard, conformé-
ment à ces explications, dit que le premier
acte'de la. Chambre des députés sera, de-
main, de nommer son bureau provisoire,
et que, s'il est possible, on devra en
même temps procéder au tirage au sort
des bureaux mensuels.
La séance est levée.
SÉANCE DU SÉNAT
M. fiaultlaier de Km mi SI y, sénateur
inamovible, prend place au fauteuil com-
me doyen d'âge. Il appelle à ses côtés,
comme secrétaires, les quatre membres
les plus jeunes, à savoir, MM. de CoIOm-
bet (Lozère), de Rainneville (Somme), Van-
dier (Vendée) et Lacave-Laplagne (Gers).
■-V"'*. -W»- .---.
Le Sénat décide qu'il maintiendra pro-
visoirement le règlement de l'Assemblée
nationale, et qu'en raison du nombre res-
treint de ses membres, il se partagera en
neuf bureaux seulement.
Il s'ajourne à mercredi à 2. heures et de-
mie, après la cérémonie de la transmission
des pouvoirs.
A l'issue de la séance du Sénat, la plu-
part des membres se sont rendus à la
Chambre des députés.
RÉUNIONS DES DÉPUTÉS ET SÉNATEURS
RÉPUBLICAINS
Pin sieurs réunions républicaines étaient
convoquées à l'issue des séances prépara-
toires des deux Chambres, notamment
celle de la gauche législative. D'autre part,
les promoteurs de la réunion plénière des
députés et sénateurs républicains avaient
persisté dans leur projet. On n'avait pas
pu, en effet, arriver à une entente préala-
ble. La veille au soir, les bureaux des trois
gauches s'étaient réunis à Paris, chez M.
Leblond, pour délibérer à ce sujet.
Etaient présents : MM. Leblond, A. Grévy,
Jules Ferry, pour la gauche; Bardoux,
Paul de Rémusat et Lanfrey, pour le cen-
tre gauche; Lepère, Brissou et Dréo, pour
-l'Union républicaine.,
La majorité de la réunion ne s'était pas
montrée favorable à l'idée d'une réunion
générale. Néanmoins, aucune décision dé-
finitive n'avait été prise.
A trois heares et demie, 120 membres
environ se réunissaient dans la grande
salle de l'hôtel des Réservoirs, dans l'in-
tention de former cette réunion générale.
On remarquait la présence de sénateurs et
de députés des trois groupes de la gauche
indistinctement.
Parmi les présents, nous signalerons :
MM. Schœlcher, Lelièvre (d'Alger), de
Freycinet, Tolain, Peyrat, Lamorte, Ed-
mond Adam, Cazot, Ferouillat, Laù-
rent-Pichat, Scheurer-Kestner, Testelin,
sénateurs, et MM. Gambetta, Lepère,
C. Bertholon, Ducamp, Magne, Pellet, Flo-
quet, Laussedat, Gastu, Andrieux, Lelièvre
(Jura) , Clémenceau, Cornil, Bousquet,
Ghantemille, Defeulenay, Adrian, Gudin;
F. Bel, Bartoli, Laisant, Deschanel, Va-
rambon, Glaizai, Mallet, Sallard, de Dou-
ville-Mai-llefeu, Devès, Allain-Targé, Spul-
ler, Gatineau, Liouville, A. Proust, Laba-
dié, Maigne, Marmottan, Marion, Mollien,
Viette, Jametel, Chaley, Labitte, Talandier,
Jacques, Gagneur, hunbert, Turigny,
Gent, Langlois, Greppo, Rouvier, Ordi-
naire, Villain, Joigneaux, Tirard, Casse,
Barni, Brelay, Girerd, Castelnau, Farcy,
Lefèvre, Boysset, Tardieu, Millaud, Bris-
son, Barodet, Tierot, de Lacretelle, dé-
putés réélus ou nouvellement élus.
M. Lepèi-e, qui occupe le fauteuil,
dit qu'en qualité de président, il a pris
l'initiative de cette convocation de tous
les groupes républicains.
M. GalllbeUa demande l'enyoi d'une
délégation aux autres réunions républi-
caines qui se tiennent au même instant
pour les prier de se joindre à celle-ci.
Il s'agit d'organiser une réunion géné-
rale pour s'entretenir en commun de la
ligne politique à suivre pour mettre fin
aux tergiversations, et pour avoir un mi-
nistère sincèrement républicain.
M. le docteur liaussedat se pro-
nonce également pour cette réunion com-
mune, qui permettra ainsi de substituer
les questions d'ordre général aux ques-
tions personnelles qui s'agitent dans la
crise ministérielle actuelle. ,
A l'unanimité la réunion approuve l'idée
d'une réunion générale et délègue auprès
des républicains réunis dans d'autres lo-
caux MM. Schoeicher, Gambetta et Dréo'
pour les prier de venir se joindre à elle
immédiatement.
La séance est suspendue pendant que les
Oélégués vont remplir leur mission.
La gauche républicaine était au même
moment réunie à l'Hôtel de France pour
recevoir les inscriptions des nouveaux
élus. La réunion, très nombreuse, était
présidée par M. Leblond.
Les délégués sont introduits.
M. (Gambetta prend le premier la pa-
role ; il dit qu'il vient proposer non une
fusion des groupes, mais uae réunion ex-
ceptionnelle de tous les républicains. Le
but de cette réunion est de permettre à
tous les républicains que le pays vient
d'investir du mandat de représentant ou
de sénateur de manifester la volonté de la
France.
La France désire un gouvernement, un
cabinet, une administration sincèrement
républicains ; c'est pour formuler ce vœu
que M. Gambetta propose une réunion gé-
nérale de tous les républicains. Il faut af-
firmer que le cabinet nouveau doit au
moins être pris dans les nuances corres-
pondant au centre gauche et à la gauche
de l'ancienne Assemblée.
M. Jules Ferry, tout en partageant
l'avis de M. Gambetta sur le but à attein-
dre, se prononce pour une autre ligne de
conduite, il demande que les anciens bu-
reaux des groupes de gauche nomment
des délégués qui s'entendront au sujet de
la crise ministérielle et des autres ques-
tions de politique générale.
M. LeMoud rappelle ce qui s'est passé
à la réunion tenue la veille chez lui par
les délégués des bureaux des trois gau-
ches, dont, par divers motifs, la majorité
ne s'est pas montrée favorable à cette réu-
nion générale. Il croit, dès lors, qu'en
présence des résistances qui se sont pro-
duites, il vaudrait mieux ne pas insister.
M. Albert Grévy s'élève contre l'idée
de réunion générale, parce qu'on pourrait
craindre que tel groupe n'essayât d'ab-
sorber ou d'éliminer tel autre groupe.
M. langlois fait remarquer que le
danger signalé par M. A. Grévy n'est,pas à
redouter, puisqu'il n'y a actuellement au-
cun groupe organisé; les anciens cadres
de l'Assemblée nationale n'existent plus ;
on est en présence seulement de dé-
putés républicains qu'il faut. mettre en
mesure de manifester les vœux que le pays
les a chargés d'exprimer. C'est pour cela
qu'une réunion générale sera utile..
M. Berlet, résumant la discussion,
conclut par les mêmes arguments que les
précédents orateurs à la nécessité d'une
réunion générale.
La réunion, considérant qu'il ne s'agit
pas d'organiser une fusion de groupes,
mais simplement une assemblée générale
des républicains, décide de se rendre à
l'hôtel des Réservoirs-, où siège déjà une
réunion républicaine très nombreuse.
La séance est levée, et les membres
présents vont se joindre à cette réunion.
On remarque notamment MM. Chevan-
dier, de Marcère, Turquet, Albert Joly,
Rameau, Duvaux, Chavassieu, Fallières,
Gaudx, Minier, Cochery, Garrigat, Des-
seaux, Dubois, Noël Parfait, Legrand (de
Lille), Meriin, féline, -Breton, Bamberger,
Versigny, Devade, Jeanmaire, Margaine,
DMay, Levêque, Hugot, Colin, colonel
Denfert, S.oye, Faye, Jules Ferry, Sadi-
Carnot, Logerotte, Sarrien, Bouhier de
Rochefort, Gilliot.
A ce moment, la réunion générale est
très inaposante. Trois cents républicains
,envjron sont présents. M. Schœlcher prend
piace au fauteuil en qualité de doyen
d'âge et M. Marcellin Pellet comme secré-
taire d'âge.
Après quelques observations présentées
par MM. Langlois et Ga-mbetta, l'a réunion
adopte à L'unanimité, sur la proposition de
M. Henri Brisson, une résolution dont voifii
le texte officiel :
« Les sénateurs et députés républicains
» se sont réunis aujourd'hui, 7 mars, à
» l'hôtel des Réservoirs'.
» Préoccupée de la question ministé-
» rielle qui intéresse si justement le pays,
» la réuiiion*, composée indistinctement
» de membres formant la majorité répu-
» blicaine des deux Assemblées,
» Déclare :
» Que l'appui de cette majorité ne sera
» acquis qu'à un cabinet homogène, ré-
» solu à administrer le pays dans un sens
» fermement républicain, conformément à
» l'esprit de la Constitution et à la volonté
» de la nation.
» Le président d'âge,
» SCHOELCHER.
» Le secrétaire d'âge,
« MARCELLIN PELLET. »
Aujourd'hui doit avoir lieu, à 2 heures,
dans le salon d'Hercule, dans les grands
appartements de Louis XIV, la cérémonie
de la transmission des pouvoirs. M. d'Au-
diffret-Pasquier, à la tête burmu dé
l'Assemblée dont les pouvoirs expirenL et
assisté de la Cofamissioixde^ermaRence,
recevra M. Gaulthier d R "mi si-
dent d'âge, et les qualrôys||crétWçs| du
Sénat, et M. Raspail p , pK den. d'ge,
et les quatre sécrétairefiNdéNÀ C re
des députés. Les niini,,-Lr ",re t en t
le président de la Réptibliqu •
M. d'Audiffret-Pasquier pron o ncera e
allocution à laquelle les deux réside tg
d'âge répondront; puis tous les membres
présents signeront un procès-verbal qùra
été rédigé à la chancellerie par les soins
du garde des sceaux, et qui sera gardé
dans les archives de l'Etat.
Nous rappelons que le bureau de l'As-
semblée nationale est composé de la ma-
nière suivante :
Président, d'Audiffret-Pasquier, séna-
teur ;
Vice-présidents, Marte!, Duclerc, dt
Kerdrel, sénateurs, et Ricard, non réélu ;
Secrétaires, MM. Voisin, préfet de po-
lice; de Ségur, d'Haussonville, de Caze-
nove de Pradines et Dnchâtel, tous les
cinq non réélus, et M. Lamy, député;
Questeurs. MM. Baze et Toupet des Vi-
gnes, sénateurs, et le général Martin des
Pallières, non réélu.
A l'inauguration de chaque Chambre, le
président d'âge doit prononcer une allocu-
tion de circonstance. Au Sénat, ainsi que
nous l'ayons déjà dit, ce sera M. Gaulthier
de Rumilly; à la Chambre des députés, M.
Raspail, ou, à son défaut, M. Thiers.
De tontes parts on a l'intention de hâter
la vérification des pouvoirs, des membres
dont les élections ne sont pas contestées,
afin que la constitution officielle des
Chambres soit terminée cette semaine et
qu'on puisse procéder à l'élection du bu-
reau définitif. On ne signale que 35 élec-
tions contestées à la Chambre des députés
et 10 au Sénat.
On espère que les neuf dixièmes des
élections seront validées d'ici à samedi
prochain.
Hier matin a eu lieu à Paris une réunion
du centre gauche, à laquelle assistaient
65 membres. On a décidé de porter à la
présidence de la Chambre M. Grévy. Par-
mi les membres désignés pour les postes
de secrétaires, on cite MM. Lamy, de la
gauche, Chiris, du centre gauche. Rien
n'est décidé pour les vice-présidents.
Ensuite la réunion a décidé de proroger
les pouvoirs de son bureau, et a adjoint à
M. Bardogx, président du groupe, MM.
Christophle, Bethmont, de Marcère et Chi-
ris, pour remplacer les membres élus sé-
nateurs.
, Le 20 février, les républicains avaient
eu les deux tiers des élus. C'était une ,
victoire éclatante; mais on pouvait crain-
dre que les ballottages ne fussent con-
tre nous. Pourquoi? C'est facile à com-
prendre. Sauf les cas (relativement ra-
res) de compétition entre républicains
de nuances diverses, partout où il y
avait ballottage, il n'y avait qu'une mi-
norité républicaine. Au second tour,
tous nos ennemis se ligueraient contre
nos candidats, selon leur usage. Ehbion.
le* 5 mars, nous avons encore plus de la
moitié des élus !
Presque partout les voix républi-
caines se sont accrues. Je compte
une vingtaine d'élections que nous
avons enlevées entre les deux tours de
scrutin, par exemple celles de Sisteron,
Bar-sur-Seine, Castelnaudary, Limoux,
Bayeux, Périgueux, Fougères, Saint-
Nazaire, Saint-Jean-de-Maurienne, Mois-
sac, Fontenay, Rochechouart, Bellac,
Mauriac, Saint-Brieuc, Chateauroux,
Vannes, Vesoul, Lavaur, etc. Trois ou
quatre seulement ont trompé notre es-
pérance. En somme, c'est plus de quinze
arrondissements que nous avons gagnée
depuis le 20 février.
Feuillston du Aappel
DU 3 MARS
A
L'AGENT SECRET
XVIII
Contre-police de l'amour
En quelques heures la situation récipro-
que de Dangely et d'Andrée avait singuliè-
rement changé. Les circonstances qui
avaient entouré la fuite de Georges dres-
saient soudain entre eux comme une bar-
rière. Brusquement séparés d'intér^ ils
s'observaient, défiants, soupçonneux, ïW
l'autre..
Ce n'était plus delà part du père cette
tendresse aveugle qui se prodiguait sans
yoir le Rappel du 10 janvier au 7 mare.
arrière-pensée, de la part de la fille' cette
respectueuse affection qui ne demandait
qu'à s'épanouir librement, cette soumis-
sion sans bornes à laquelle sa volonté se
pliait avec joie.
Tandis que, l'esprit tourmenté de soup-
çons, Dangely croyait voir tout à coup la
jeune fille se révéler terrible sous l'enfant,
Andrée, de son côté désabusée, les yeux
ouverts sur un, présent qu'elle eût voulu
ignorer toujours, mesurait avec effroi l'a-
bîme ouvert devant elle.
Se voir dans le cas de mépriser ce qu'on
respectait par dessus tout, de fuir ce que
l'on avait appris depuis l'jlge le plustendrs
à adorer, quelle souffrance! Les baisers de
son père, qu'Andrée recherchait autrefois,
maintenant lui faisaient peur.
Dans l'atmosphère de honte dont elle se
sentait environnée, la jeune fille respirait
mal. Il lui semblait que le mépris qui de-
vait frapper son père rejaillissait sur elle.
Elle éprouvait l'impression d'une souillure
qu'elle eût voulu à tout prix effacer. N'a-
vait-elle pas prêté les mains aux machina-
tions indignes qui avaient pour but de
perdre Georges. Agent inconscient de son
père, elle n'en était pas moins devenue sa
complice. Son âme fière se révoltait et
voulait une réparation. ,
Aussi était-ce moins encore l'instinct
secret de son cœur, que le désir de
racheter sa conduite envers Georges,
qui la poussait à le protéger maintenant.
* Si Andrée eût pu douter du rôle de son
père après le fragment de rapport trouvé
par elle, après la visite constatée à la Pré-
fecture, l'exaspération de Dangely, sa fu-
reur en ne trouvant'plus Georges eussent
levé ses derniers doutes, et si, cherchant
à se leurrer encore, fermant volontaire-
ment les yeux sur ce qu'elle avait vu, la
jeune fille eût voulu des preuves plus ma-
nifestes, la conversation qu'elle surprit
dans la journée même entre son père et
Colmache eût, à elle seule, suffi pour la
convaincre.
Dangely était rentré depuis un moment,
et la jeune fille, pour être plus sûre de ne
pas se trahir, venait, après l'avoir dix fois
relu, de jeter au feu le billet de Georges,
lorsque Colmache se présenta.
Andrée, prête à user de tous les moyens
pour savoir ce qui se passait, se glissa
jusqu'à la porte du cabinet de son père et
s'y tint aux écoutes après que Colmache y
eût été introduit.
— Je viens de chez Mme Fauvel, dit
Dangely à son factotum à voix basse.
— Que sait-elle?
— Rien. J'ai pu me convaincre qu'elle
ignorait complètement le départ de son
frère. Il était donc inutile de chercher à
savoir d'elle sa nouvelle retraite. Evidem-
ment Tellier ne l'aura pas prévenue en-
core.
— Croyez-vous ? Cette dame pourrait se
défier.
— Oh! ses manières l'eussent alors
trahie à défaut de ses paroles..Elle ignore
encore l'adresse de Tellier, j'en suis sûr.
Mais, d'un moment à l'autre, elle ne peut
manquer d'être informée. C'est elle qu'il
doit songer à avertir la première. Si je
continue à conserver sa confiance, elle me
donnera cette adresse. Mais elle peut aussi
se tenir sur ses gardes, me fermer sa
porte. Cela dépendra des soupçons de son
frère. Dans tous les cas, je compte sur toi,'
Colmache. Il faut que tu t'installes en per-
manence en face de la maison de cette
femme, et quechaque fois qu'elle sortira,
tu la suives. ,
— C'est facile, dit Colmache.
— Si nous ne savions pas ainsi avant
peu où se cache Tellier, nous aurions du
malheur.
En disant ces mots, Dangely fit un mou-
vement vers la porte. Andrée s'enfuit.
Mais qu'avait-elle besoin d'en, entendre
davantage? N'en savait-elle pas trop
déjà ?
Elle se représentait avec effroi la sœur
de Georges traquée par ces deux hommes,
dont l'un devait la suivre, l'autre profiter
de sa confiance pour lui arracher le fatal
renseignement qui devait livrer son frère.
« Qu'ai-je donc à craindre? » lui deman-
dait le jeune homme dans sa lettre du
matin. Ce qu'il avait à craindre !. « Et
pourquoi ne dois je pas revoir votre père?»
Gomment lui en donner la raison ?
Pouvait-elle prendre la plume pour dire
à Georges ce qu'elle pensait à pré-
sent plus que jamais de son père : que
c'était un traître méprisable et vil. Ohl
non, non, dénoncer ainsi celui qu'elle
avait si longtemps chéri, sa main s'y re-
fusait.
Que faire pourtant? D'un moment à
l'autre Colmache allait sortir, se mettre en
observation sans doute devant la maison
de Mme Fauvel. Que Georges eût prévenu
sa sœur, dans la journée, de l'endroit où
il se cachait, que la fatalité voulût qu'elle
s'y rendît, le jeune homme était dénollcé,
arrêté, jeté en prison.
Dans son angoisse, une idée lui traversa
l'esprit : « Si j'allais prévenir Mme Fau-
vel ? » En faisant diligence, elle pouvait
être chez elle avant Colmache. Deux mots
seulement à sa soeur: « Prenez garde! »
c'en était assez, et Andrée revenait aussitôt
sans avoir été vue.
Elle courut trouver Colette :
— Vite, vite, ma bonne Colette; il faut
que tu m'accompagnes.
— Où cela?.
- Il n'y a pas un moment à perdre. Va
retenir une voiture sur le quai. Je te suis.
Andrée la fit descendre la première, évi-
tant ainsi qu'elle se rencontrât mal à pro-
pos avec son père ; puis, elle alla mettre
à la hâte sa pelisse et son chapeau et des-
cendit à son tour.
Colette faisait signe à un cocher lors-
qu'elle la rejoignit.
- Où allons-nous, comme cela, made-
moiselle ?
— Rue de l'Echiquier, 28.
— C'est pour M. Dangely que nous fai-
sons cette course ? demanda Colette eD
prenant place dans la voiture.
— Non, c'est pour moi, Colette.
La vieille bonne la regarda.
- Oh 1 Colette, fit Andrée suppliante-
pas un mot de cela à mon père !
— Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! made-
moiselle, s'écria Colette en levant les
bras, dans quelle affaire me jetez-vous 1^
si monsieur vient à savoir.
— Il ne saura rien que ce que nous lui
dirons. En revenant, nous aurons tout le-
temps d'inventer le motif qui nous aura;
fait sortir.
— Andrée, je veux descendre, fit I»
pauvre Colette, très inquiète.
— Colette, je t'en prie. Si tu savais
quels intérêts sont en jeu 1
La vieille bonne était bien troublée,
mais Andrée fut si tendre, si convaincante,
qu'elle se laissa faire. Et puis Colette
avait si bien la persuasion que sa jeuWl
maîtresse ne pouvait songer à inal l
PAUL PARFAIT,
LA suivre)
Si© mimer© s fiôc* - Déplartements : fiS ca
19^V ëntôse
RÉDACTION
fifadressemu Secrétaire de la Rédaction
De 4 à 6 heures du soir
18, 18
JL
'¡' --.
tesmanuscritsmon-insérés ne seront pas rendus
-
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et G*
6, place de la Bourse, 6 ;
:' : : : if l, -; '"H
i.::w i .• t r?
» i "3 >-
ADMINISTRATION
18, RUE DE VALOIS, 18
", nuls DB
ABOJfNESIElftrS - ~j
PAUM.
frois mois. fo »
Six mois 20' »
DBpARTBSuQtTd
Trois mois. 13 50
Six mo^Viw.v~27 at
— X
Adresser lettres et mandats
A Mo ERNEST L È-vit
-; ! 4P*INIgWAT £ UR)€è^r ; -- f
LES NOUVELLES ASSEMBLÉES
Une Assemblée finit, et deux Assem-
0
s blées commencent. Le pays réclame des
nouvelles Assemblées une politique
nouvelle.
Les républicains de l'Assemblée qui
s'en va, lorsqu'on leur reprochait de ne
rien faire, pouvaient répondre qu'ils
n'étaient pas les maîtres. Le hasard
aussi triste qu'exceptionnel d'élections
faites en pleine invasion et quand le
pays, blessé et gisant à terre, n'avait
- plus sa connaissance, avait produit une
Assemblée partagée par moitié entre la
République et la monarchie. Une moitié
tirant en avant et une moitié en ar-
rière, on restait en place. Tout ce qui
était possible aux républicains, c'était
d'empêcher le recul. On peut même
leur accorder qu'ils ont arraché un pas
en avant, puisque la République, qui
n'était encore que le droit et le fait, est
maintenant la loi..
Mais, même devenue la loi, la Répu-
blique n'est encore qu'un mot. Il faut
qu'elle devienne une chose. Si elle ne
le devenait pas, les républicains des
nouvelles Assemblées n'auraient plus à
s'en excuser sur personne. Il y a désor-
mais, même au Sénat, une majorité ré-
publicaine, et ce que voudra cette ma-
jorité, qui l'empêcherait?
Les royalistes? Nous ne doutons pas
qu'ils ne s'entêtent dans leur guerre à
la démocratie, même après ce qu'ils y
ont gagné. Ce qu'ils y ont gagné pour
leur cause, c'est le vote du 25 février.
Ce qu'ils y ont gagné pour eux-mêmes,
ce sont les élections du 20 février et du
5 mars. Le 25 février en a fini avec la
monarchie. Le 20 février et le 5 mars
en ont fini avec les monarchistes. Le
sol électoral est couvert des cadavres de
leurs candidatures. Sonnez les cloches!
le fossoyeur attend.
Que les royalistes qui restent s'en-
têtent donc, si c'est leur plaisir.
Combien sont-ils de survivants ? A la
Chambre des députés quelque chose
comme quatrevingts ; sur cinq cent
trente membres ; pas un sur six. Oui,
mais ils peuvent s'associer avec les bo-
napartistes. Avec les bonapartistes-?
mais ils les ont flétris! mais dans une
séance solennelle - et la seule peut-
être dont ils aient à se vanter — ils les
ont déclarés coupables de l'invasion et
du démembrement de la France ! Eh
bien, après? Est-ce que ça les a gênés
pour être leurs amis depuis ? Est-
ce que les plus ausières des royalistes,
les royalistes du droit divin, n'ont
pas été les premiers à partager avec
leurs flétris la candidature Stoffel ?
Est-ce que les orléanistes, à l'exem-
ple des vrais royalistes, n'ont pas empli
l'administration de tant de chislehurs-
tiens que M. de Broglie — c'est son pro-
pre journal qui l'a dit dans le temps —
a pu être soupçonné de* travailler à la
résurrection de l'empire? Et est-ce que,
hier encore, les orléanistes du Pas-de-
païais, du Calvados, et d'ailleurs, ne col-
laboraient pas fraternellement au succès
des candidats bonapartistes? Entre mo-
narchistes, on n'a pas de rancune. Et
notre candeur ne va pas jusqu'à croire
impossible qu'un de ces jours les roya-
listes acceptent la main que les bona-
partistes leur tendront en leur disant :
- En sommes-nous à une invasion
près ?
Tous les monarchistes, ceux du lys,
ceux du coq et ceux rie l'aigle, peuvent
s'associer; soit. Mais les royalistes ne
sont que quatrevingts dans celle des
deux Chambres où ils, sont le plus nom-
breux, et les bonapartistes n'y sont pas
même quatrevingts. Réunis, les roya-
listes et les bonapartistes n'arriveront
pas même à être le tiers de la Chambre.
Donc, à partir d'aujourd'hui, les répu-
blicains des Assemblées peuvent ce
qu'ils veulent. Donc, il faut qu'ils fas-
sent ce que veut le pays. Et il faut qu'ils
le fassent vite. Car le pays est d'autant
plus impatient qu'il à plus attendu.
Les républicains de l'ex-Assemblée
ont eu à empêcher de refaire la monar-
chie. Les républicains des Assemblées
actuelles ont.à refaire la France. Pour
refaire la France, une première condi-
tion est nécessaire : l'apaisement. Il cet
temps que la colère cesse ; il est temps
de prendre en pitié les femmes qui de-
puis cinq ans n'ont pas leur mari, les
mères qui depuis cinq ans n'ont pas
leur fils, les petits enfants qui depuis cinq
ans n'ont pas de père, tous ces innocents
qui depuis cinq ans souffrent sans l'a-
voir mérité. Il est temps que la Répu-
blique française fasse ce que la Répu-
blique américaine a fait après une
guerre civile bien autrement sanglante
et qui s'était exaspérée jusqu'à l'assas-
sinat du président de la République !
Oubli ! réconciliation ! amnistie ! Et puis,
en avant. Fermons le passé, et entrons
dans l'avenir.
AUGUSTE VACQUBHIR. ,
— .-.
Nous publions plus loin le compte
rendu détaillé d'une importante réu-
nion où trois cents des républicains des
deux Chambres ont pris, à l'unanimité,
une résolution sur laquelle nous appe-
lons l'attention de nos lecteurs.
Un groupe de cent vingt séna-
teurs ou députés qui s'était réuni à
l'hôtel des Réservoirs, et un autre
groupe, encore plus nombreux, de dé-
putés réélus qui s'était réuni à l'hôtel de
France, ont voulu délibérer en com-
mun et dégager nettement, aux yeux
du gouvernement, le sens de^lections
sénatoriales et législatives.
Les trois cents membres qui compo-
saient la réunion générale des deux
groupes ont pris à l'unanimité la résolu-
tion qu'on va lire et qui réclame un
ministère nettement républicain.
Un détail à noter, c'est que cette
réunion générale a en lieu à l'hôtel des
Réservoirs, qui était, comme on sait, le
lieu des conciliabules des trois droites,
et où se sont machinées toutes les in-
trigues du 24 mai et de la fusion. Il est
curieux que ce soit à l'endroit même où
le royalisme chuchottait ses conspira-
tions qu'ait éclaté cette première affir-
mation de la République.
A. v. 1
LES COULISSES DE VERSAILLES
Hier, suivant la convocation. qui avait
été insérée au Journal officiel, les deux
Chambres se sont réunies pour la première
fois, mais sans que les réunions eussent un
caractère officiel. La loi du 30 décembre der-
nier ayant fixé au 8 mars la première réu-
nion des deux Chambres, les séances d'hier
ont été secrètes, et en quelque sorte extra-
parlementaires. Dans chaque Chambre, les
membres seuls étaient admis ; le public
s'est vu refuser rigoureusement l'entrée
du palais; quant aux journalistes ils n'ont
eu accès que dans leurs salles de travail et
n'ont pas pu pénétrer dans, les tribunes qui
leur sont affectées.
Les deux tiers des membres seulement
étaient présents à chaque Chambre. Ail
Sénat, Victor Hugo était a„ôent, ainsi que
M. Thiers à la Chambre des députés. M.
Dufaure, vice-pro-ident du conseil, était à
la Chambre; M. Léon Say et M. de Meaux
figuraient au Sénat.
La séance, dans l'une et l'autre Cham-
bre, ne s'est ouverte qu'à deux heures, et
dans chacune d'elles n'a duré que quel-
ques minutes. Voici le compte-rendu de
ce qui s'est passé dans chacune d'elles :
SEANCE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS
M. le général Allard député bona-
partiste des Deux-Sèvres, monte au fau-
teuil; il dit que, né en 1798, il se trouve,
par suite de l'absence de MM. Raspail et
Thiers, plus âgés que lui, appelé à présider
la séance comme doyen d'âge.
Il appelle ensuite au bureau, en qualité
de secrétaires, les quatre membres les plus
jeunes dont il désigne les noms; ce sont
MM. Leprovost de Launay fils, Eschassé-
riaux fils, Roy de Loulay fils et Sarlande,
tous les quatre bonapartistes.
M. GandJetta s'clève contre cette dé-'
signation arbitraire, et croit qu'il y a
d'autres membres plus jeunes que ceux
qui sont indiqués par M. le général Al-
lard, pour prendre place au bureau.
Cette réclamation est accueillie, et,
après constatation des âges, les quatre se-
crétaires appelés au bureau sont MM. :
Marcellin Pellet, républicain, né en
1847 ;
Jean-Casimir Périer, républicain, né en
18-46 ;
Leprovost de Launay fils, né en 1850 ;
ltoy de Loulay fils, né en 1850.
M. le géuéral Allard propose de
fixer l'ordre du jour de la séance publique
qu lendemain et de se réunir à 2 heures.
Mtfl. Cîoeltery et René ESrice font
observer que la réunion actuelle est en
dehors de la légalité. L'Assemblée existe
jusqu'au 8 mars, et la réunion n'a pas le
droit de prendre une décision.
II. Duiaure, garde des sceaux, dit que
sans doute l'Assemblée nationale existe
encore; mais il ajoute que le bureau de
cette Assemblée et la commission de per-
manence, agissant dans la plénitude de
leur autorité, ont réglé le mode de trans-
mission des pouvoirs. La réunion actuelle
n'est que. préparatoire; mais elle sera
utile pour permettre de composer le len-
demain sans retard le bureau provisoire
qui prendra part à la cérémonie de la
transmission des pouvoirs. C'est, en effet,
demain mercredi qu'on nommera le bu-
reau provisoire réel. M. le garde des
sceaux termine en demandant que, pour
ne pas retarder la cérémonie de la trans-
mission des ponvoirs, la Chambre veuille
bien se réunir à une heure et demie.
M. le général AS lard, conformé-
ment à ces explications, dit que le premier
acte'de la. Chambre des députés sera, de-
main, de nommer son bureau provisoire,
et que, s'il est possible, on devra en
même temps procéder au tirage au sort
des bureaux mensuels.
La séance est levée.
SÉANCE DU SÉNAT
M. fiaultlaier de Km mi SI y, sénateur
inamovible, prend place au fauteuil com-
me doyen d'âge. Il appelle à ses côtés,
comme secrétaires, les quatre membres
les plus jeunes, à savoir, MM. de CoIOm-
bet (Lozère), de Rainneville (Somme), Van-
dier (Vendée) et Lacave-Laplagne (Gers).
■-V"'*. -W»- .---.
Le Sénat décide qu'il maintiendra pro-
visoirement le règlement de l'Assemblée
nationale, et qu'en raison du nombre res-
treint de ses membres, il se partagera en
neuf bureaux seulement.
Il s'ajourne à mercredi à 2. heures et de-
mie, après la cérémonie de la transmission
des pouvoirs.
A l'issue de la séance du Sénat, la plu-
part des membres se sont rendus à la
Chambre des députés.
RÉUNIONS DES DÉPUTÉS ET SÉNATEURS
RÉPUBLICAINS
Pin sieurs réunions républicaines étaient
convoquées à l'issue des séances prépara-
toires des deux Chambres, notamment
celle de la gauche législative. D'autre part,
les promoteurs de la réunion plénière des
députés et sénateurs républicains avaient
persisté dans leur projet. On n'avait pas
pu, en effet, arriver à une entente préala-
ble. La veille au soir, les bureaux des trois
gauches s'étaient réunis à Paris, chez M.
Leblond, pour délibérer à ce sujet.
Etaient présents : MM. Leblond, A. Grévy,
Jules Ferry, pour la gauche; Bardoux,
Paul de Rémusat et Lanfrey, pour le cen-
tre gauche; Lepère, Brissou et Dréo, pour
-l'Union républicaine.,
La majorité de la réunion ne s'était pas
montrée favorable à l'idée d'une réunion
générale. Néanmoins, aucune décision dé-
finitive n'avait été prise.
A trois heares et demie, 120 membres
environ se réunissaient dans la grande
salle de l'hôtel des Réservoirs, dans l'in-
tention de former cette réunion générale.
On remarquait la présence de sénateurs et
de députés des trois groupes de la gauche
indistinctement.
Parmi les présents, nous signalerons :
MM. Schœlcher, Lelièvre (d'Alger), de
Freycinet, Tolain, Peyrat, Lamorte, Ed-
mond Adam, Cazot, Ferouillat, Laù-
rent-Pichat, Scheurer-Kestner, Testelin,
sénateurs, et MM. Gambetta, Lepère,
C. Bertholon, Ducamp, Magne, Pellet, Flo-
quet, Laussedat, Gastu, Andrieux, Lelièvre
(Jura) , Clémenceau, Cornil, Bousquet,
Ghantemille, Defeulenay, Adrian, Gudin;
F. Bel, Bartoli, Laisant, Deschanel, Va-
rambon, Glaizai, Mallet, Sallard, de Dou-
ville-Mai-llefeu, Devès, Allain-Targé, Spul-
ler, Gatineau, Liouville, A. Proust, Laba-
dié, Maigne, Marmottan, Marion, Mollien,
Viette, Jametel, Chaley, Labitte, Talandier,
Jacques, Gagneur, hunbert, Turigny,
Gent, Langlois, Greppo, Rouvier, Ordi-
naire, Villain, Joigneaux, Tirard, Casse,
Barni, Brelay, Girerd, Castelnau, Farcy,
Lefèvre, Boysset, Tardieu, Millaud, Bris-
son, Barodet, Tierot, de Lacretelle, dé-
putés réélus ou nouvellement élus.
M. Lepèi-e, qui occupe le fauteuil,
dit qu'en qualité de président, il a pris
l'initiative de cette convocation de tous
les groupes républicains.
M. GalllbeUa demande l'enyoi d'une
délégation aux autres réunions républi-
caines qui se tiennent au même instant
pour les prier de se joindre à celle-ci.
Il s'agit d'organiser une réunion géné-
rale pour s'entretenir en commun de la
ligne politique à suivre pour mettre fin
aux tergiversations, et pour avoir un mi-
nistère sincèrement républicain.
M. le docteur liaussedat se pro-
nonce également pour cette réunion com-
mune, qui permettra ainsi de substituer
les questions d'ordre général aux ques-
tions personnelles qui s'agitent dans la
crise ministérielle actuelle. ,
A l'unanimité la réunion approuve l'idée
d'une réunion générale et délègue auprès
des républicains réunis dans d'autres lo-
caux MM. Schoeicher, Gambetta et Dréo'
pour les prier de venir se joindre à elle
immédiatement.
La séance est suspendue pendant que les
Oélégués vont remplir leur mission.
La gauche républicaine était au même
moment réunie à l'Hôtel de France pour
recevoir les inscriptions des nouveaux
élus. La réunion, très nombreuse, était
présidée par M. Leblond.
Les délégués sont introduits.
M. (Gambetta prend le premier la pa-
role ; il dit qu'il vient proposer non une
fusion des groupes, mais uae réunion ex-
ceptionnelle de tous les républicains. Le
but de cette réunion est de permettre à
tous les républicains que le pays vient
d'investir du mandat de représentant ou
de sénateur de manifester la volonté de la
France.
La France désire un gouvernement, un
cabinet, une administration sincèrement
républicains ; c'est pour formuler ce vœu
que M. Gambetta propose une réunion gé-
nérale de tous les républicains. Il faut af-
firmer que le cabinet nouveau doit au
moins être pris dans les nuances corres-
pondant au centre gauche et à la gauche
de l'ancienne Assemblée.
M. Jules Ferry, tout en partageant
l'avis de M. Gambetta sur le but à attein-
dre, se prononce pour une autre ligne de
conduite, il demande que les anciens bu-
reaux des groupes de gauche nomment
des délégués qui s'entendront au sujet de
la crise ministérielle et des autres ques-
tions de politique générale.
M. LeMoud rappelle ce qui s'est passé
à la réunion tenue la veille chez lui par
les délégués des bureaux des trois gau-
ches, dont, par divers motifs, la majorité
ne s'est pas montrée favorable à cette réu-
nion générale. Il croit, dès lors, qu'en
présence des résistances qui se sont pro-
duites, il vaudrait mieux ne pas insister.
M. Albert Grévy s'élève contre l'idée
de réunion générale, parce qu'on pourrait
craindre que tel groupe n'essayât d'ab-
sorber ou d'éliminer tel autre groupe.
M. langlois fait remarquer que le
danger signalé par M. A. Grévy n'est,pas à
redouter, puisqu'il n'y a actuellement au-
cun groupe organisé; les anciens cadres
de l'Assemblée nationale n'existent plus ;
on est en présence seulement de dé-
putés républicains qu'il faut. mettre en
mesure de manifester les vœux que le pays
les a chargés d'exprimer. C'est pour cela
qu'une réunion générale sera utile..
M. Berlet, résumant la discussion,
conclut par les mêmes arguments que les
précédents orateurs à la nécessité d'une
réunion générale.
La réunion, considérant qu'il ne s'agit
pas d'organiser une fusion de groupes,
mais simplement une assemblée générale
des républicains, décide de se rendre à
l'hôtel des Réservoirs-, où siège déjà une
réunion républicaine très nombreuse.
La séance est levée, et les membres
présents vont se joindre à cette réunion.
On remarque notamment MM. Chevan-
dier, de Marcère, Turquet, Albert Joly,
Rameau, Duvaux, Chavassieu, Fallières,
Gaudx, Minier, Cochery, Garrigat, Des-
seaux, Dubois, Noël Parfait, Legrand (de
Lille), Meriin, féline, -Breton, Bamberger,
Versigny, Devade, Jeanmaire, Margaine,
DMay, Levêque, Hugot, Colin, colonel
Denfert, S.oye, Faye, Jules Ferry, Sadi-
Carnot, Logerotte, Sarrien, Bouhier de
Rochefort, Gilliot.
A ce moment, la réunion générale est
très inaposante. Trois cents républicains
,envjron sont présents. M. Schœlcher prend
piace au fauteuil en qualité de doyen
d'âge et M. Marcellin Pellet comme secré-
taire d'âge.
Après quelques observations présentées
par MM. Langlois et Ga-mbetta, l'a réunion
adopte à L'unanimité, sur la proposition de
M. Henri Brisson, une résolution dont voifii
le texte officiel :
« Les sénateurs et députés républicains
» se sont réunis aujourd'hui, 7 mars, à
» l'hôtel des Réservoirs'.
» Préoccupée de la question ministé-
» rielle qui intéresse si justement le pays,
» la réuiiion*, composée indistinctement
» de membres formant la majorité répu-
» blicaine des deux Assemblées,
» Déclare :
» Que l'appui de cette majorité ne sera
» acquis qu'à un cabinet homogène, ré-
» solu à administrer le pays dans un sens
» fermement républicain, conformément à
» l'esprit de la Constitution et à la volonté
» de la nation.
» Le président d'âge,
» SCHOELCHER.
» Le secrétaire d'âge,
« MARCELLIN PELLET. »
Aujourd'hui doit avoir lieu, à 2 heures,
dans le salon d'Hercule, dans les grands
appartements de Louis XIV, la cérémonie
de la transmission des pouvoirs. M. d'Au-
diffret-Pasquier, à la tête burmu dé
l'Assemblée dont les pouvoirs expirenL et
assisté de la Cofamissioixde^ermaRence,
recevra M. Gaulthier d R "mi si-
dent d'âge, et les qualrôys||crétWçs| du
Sénat, et M. Raspail p , pK den. d'ge,
et les quatre sécrétairefiNdéNÀ C re
des députés. Les niini,,-Lr ",re t en t
le président de la Réptibliqu •
M. d'Audiffret-Pasquier pron o ncera e
allocution à laquelle les deux réside tg
d'âge répondront; puis tous les membres
présents signeront un procès-verbal qùra
été rédigé à la chancellerie par les soins
du garde des sceaux, et qui sera gardé
dans les archives de l'Etat.
Nous rappelons que le bureau de l'As-
semblée nationale est composé de la ma-
nière suivante :
Président, d'Audiffret-Pasquier, séna-
teur ;
Vice-présidents, Marte!, Duclerc, dt
Kerdrel, sénateurs, et Ricard, non réélu ;
Secrétaires, MM. Voisin, préfet de po-
lice; de Ségur, d'Haussonville, de Caze-
nove de Pradines et Dnchâtel, tous les
cinq non réélus, et M. Lamy, député;
Questeurs. MM. Baze et Toupet des Vi-
gnes, sénateurs, et le général Martin des
Pallières, non réélu.
A l'inauguration de chaque Chambre, le
président d'âge doit prononcer une allocu-
tion de circonstance. Au Sénat, ainsi que
nous l'ayons déjà dit, ce sera M. Gaulthier
de Rumilly; à la Chambre des députés, M.
Raspail, ou, à son défaut, M. Thiers.
De tontes parts on a l'intention de hâter
la vérification des pouvoirs, des membres
dont les élections ne sont pas contestées,
afin que la constitution officielle des
Chambres soit terminée cette semaine et
qu'on puisse procéder à l'élection du bu-
reau définitif. On ne signale que 35 élec-
tions contestées à la Chambre des députés
et 10 au Sénat.
On espère que les neuf dixièmes des
élections seront validées d'ici à samedi
prochain.
Hier matin a eu lieu à Paris une réunion
du centre gauche, à laquelle assistaient
65 membres. On a décidé de porter à la
présidence de la Chambre M. Grévy. Par-
mi les membres désignés pour les postes
de secrétaires, on cite MM. Lamy, de la
gauche, Chiris, du centre gauche. Rien
n'est décidé pour les vice-présidents.
Ensuite la réunion a décidé de proroger
les pouvoirs de son bureau, et a adjoint à
M. Bardogx, président du groupe, MM.
Christophle, Bethmont, de Marcère et Chi-
ris, pour remplacer les membres élus sé-
nateurs.
, Le 20 février, les républicains avaient
eu les deux tiers des élus. C'était une ,
victoire éclatante; mais on pouvait crain-
dre que les ballottages ne fussent con-
tre nous. Pourquoi? C'est facile à com-
prendre. Sauf les cas (relativement ra-
res) de compétition entre républicains
de nuances diverses, partout où il y
avait ballottage, il n'y avait qu'une mi-
norité républicaine. Au second tour,
tous nos ennemis se ligueraient contre
nos candidats, selon leur usage. Ehbion.
le* 5 mars, nous avons encore plus de la
moitié des élus !
Presque partout les voix républi-
caines se sont accrues. Je compte
une vingtaine d'élections que nous
avons enlevées entre les deux tours de
scrutin, par exemple celles de Sisteron,
Bar-sur-Seine, Castelnaudary, Limoux,
Bayeux, Périgueux, Fougères, Saint-
Nazaire, Saint-Jean-de-Maurienne, Mois-
sac, Fontenay, Rochechouart, Bellac,
Mauriac, Saint-Brieuc, Chateauroux,
Vannes, Vesoul, Lavaur, etc. Trois ou
quatre seulement ont trompé notre es-
pérance. En somme, c'est plus de quinze
arrondissements que nous avons gagnée
depuis le 20 février.
Feuillston du Aappel
DU 3 MARS
A
L'AGENT SECRET
XVIII
Contre-police de l'amour
En quelques heures la situation récipro-
que de Dangely et d'Andrée avait singuliè-
rement changé. Les circonstances qui
avaient entouré la fuite de Georges dres-
saient soudain entre eux comme une bar-
rière. Brusquement séparés d'intér^ ils
s'observaient, défiants, soupçonneux, ïW
l'autre..
Ce n'était plus delà part du père cette
tendresse aveugle qui se prodiguait sans
yoir le Rappel du 10 janvier au 7 mare.
arrière-pensée, de la part de la fille' cette
respectueuse affection qui ne demandait
qu'à s'épanouir librement, cette soumis-
sion sans bornes à laquelle sa volonté se
pliait avec joie.
Tandis que, l'esprit tourmenté de soup-
çons, Dangely croyait voir tout à coup la
jeune fille se révéler terrible sous l'enfant,
Andrée, de son côté désabusée, les yeux
ouverts sur un, présent qu'elle eût voulu
ignorer toujours, mesurait avec effroi l'a-
bîme ouvert devant elle.
Se voir dans le cas de mépriser ce qu'on
respectait par dessus tout, de fuir ce que
l'on avait appris depuis l'jlge le plustendrs
à adorer, quelle souffrance! Les baisers de
son père, qu'Andrée recherchait autrefois,
maintenant lui faisaient peur.
Dans l'atmosphère de honte dont elle se
sentait environnée, la jeune fille respirait
mal. Il lui semblait que le mépris qui de-
vait frapper son père rejaillissait sur elle.
Elle éprouvait l'impression d'une souillure
qu'elle eût voulu à tout prix effacer. N'a-
vait-elle pas prêté les mains aux machina-
tions indignes qui avaient pour but de
perdre Georges. Agent inconscient de son
père, elle n'en était pas moins devenue sa
complice. Son âme fière se révoltait et
voulait une réparation. ,
Aussi était-ce moins encore l'instinct
secret de son cœur, que le désir de
racheter sa conduite envers Georges,
qui la poussait à le protéger maintenant.
* Si Andrée eût pu douter du rôle de son
père après le fragment de rapport trouvé
par elle, après la visite constatée à la Pré-
fecture, l'exaspération de Dangely, sa fu-
reur en ne trouvant'plus Georges eussent
levé ses derniers doutes, et si, cherchant
à se leurrer encore, fermant volontaire-
ment les yeux sur ce qu'elle avait vu, la
jeune fille eût voulu des preuves plus ma-
nifestes, la conversation qu'elle surprit
dans la journée même entre son père et
Colmache eût, à elle seule, suffi pour la
convaincre.
Dangely était rentré depuis un moment,
et la jeune fille, pour être plus sûre de ne
pas se trahir, venait, après l'avoir dix fois
relu, de jeter au feu le billet de Georges,
lorsque Colmache se présenta.
Andrée, prête à user de tous les moyens
pour savoir ce qui se passait, se glissa
jusqu'à la porte du cabinet de son père et
s'y tint aux écoutes après que Colmache y
eût été introduit.
— Je viens de chez Mme Fauvel, dit
Dangely à son factotum à voix basse.
— Que sait-elle?
— Rien. J'ai pu me convaincre qu'elle
ignorait complètement le départ de son
frère. Il était donc inutile de chercher à
savoir d'elle sa nouvelle retraite. Evidem-
ment Tellier ne l'aura pas prévenue en-
core.
— Croyez-vous ? Cette dame pourrait se
défier.
— Oh! ses manières l'eussent alors
trahie à défaut de ses paroles..Elle ignore
encore l'adresse de Tellier, j'en suis sûr.
Mais, d'un moment à l'autre, elle ne peut
manquer d'être informée. C'est elle qu'il
doit songer à avertir la première. Si je
continue à conserver sa confiance, elle me
donnera cette adresse. Mais elle peut aussi
se tenir sur ses gardes, me fermer sa
porte. Cela dépendra des soupçons de son
frère. Dans tous les cas, je compte sur toi,'
Colmache. Il faut que tu t'installes en per-
manence en face de la maison de cette
femme, et quechaque fois qu'elle sortira,
tu la suives. ,
— C'est facile, dit Colmache.
— Si nous ne savions pas ainsi avant
peu où se cache Tellier, nous aurions du
malheur.
En disant ces mots, Dangely fit un mou-
vement vers la porte. Andrée s'enfuit.
Mais qu'avait-elle besoin d'en, entendre
davantage? N'en savait-elle pas trop
déjà ?
Elle se représentait avec effroi la sœur
de Georges traquée par ces deux hommes,
dont l'un devait la suivre, l'autre profiter
de sa confiance pour lui arracher le fatal
renseignement qui devait livrer son frère.
« Qu'ai-je donc à craindre? » lui deman-
dait le jeune homme dans sa lettre du
matin. Ce qu'il avait à craindre !. « Et
pourquoi ne dois je pas revoir votre père?»
Gomment lui en donner la raison ?
Pouvait-elle prendre la plume pour dire
à Georges ce qu'elle pensait à pré-
sent plus que jamais de son père : que
c'était un traître méprisable et vil. Ohl
non, non, dénoncer ainsi celui qu'elle
avait si longtemps chéri, sa main s'y re-
fusait.
Que faire pourtant? D'un moment à
l'autre Colmache allait sortir, se mettre en
observation sans doute devant la maison
de Mme Fauvel. Que Georges eût prévenu
sa sœur, dans la journée, de l'endroit où
il se cachait, que la fatalité voulût qu'elle
s'y rendît, le jeune homme était dénollcé,
arrêté, jeté en prison.
Dans son angoisse, une idée lui traversa
l'esprit : « Si j'allais prévenir Mme Fau-
vel ? » En faisant diligence, elle pouvait
être chez elle avant Colmache. Deux mots
seulement à sa soeur: « Prenez garde! »
c'en était assez, et Andrée revenait aussitôt
sans avoir été vue.
Elle courut trouver Colette :
— Vite, vite, ma bonne Colette; il faut
que tu m'accompagnes.
— Où cela?.
- Il n'y a pas un moment à perdre. Va
retenir une voiture sur le quai. Je te suis.
Andrée la fit descendre la première, évi-
tant ainsi qu'elle se rencontrât mal à pro-
pos avec son père ; puis, elle alla mettre
à la hâte sa pelisse et son chapeau et des-
cendit à son tour.
Colette faisait signe à un cocher lors-
qu'elle la rejoignit.
- Où allons-nous, comme cela, made-
moiselle ?
— Rue de l'Echiquier, 28.
— C'est pour M. Dangely que nous fai-
sons cette course ? demanda Colette eD
prenant place dans la voiture.
— Non, c'est pour moi, Colette.
La vieille bonne la regarda.
- Oh 1 Colette, fit Andrée suppliante-
pas un mot de cela à mon père !
— Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! made-
moiselle, s'écria Colette en levant les
bras, dans quelle affaire me jetez-vous 1^
si monsieur vient à savoir.
— Il ne saura rien que ce que nous lui
dirons. En revenant, nous aurons tout le-
temps d'inventer le motif qui nous aura;
fait sortir.
— Andrée, je veux descendre, fit I»
pauvre Colette, très inquiète.
— Colette, je t'en prie. Si tu savais
quels intérêts sont en jeu 1
La vieille bonne était bien troublée,
mais Andrée fut si tendre, si convaincante,
qu'elle se laissa faire. Et puis Colette
avait si bien la persuasion que sa jeuWl
maîtresse ne pouvait songer à inal l
PAUL PARFAIT,
LA suivre)
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.98%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.98%.
- Collections numériques similaires Aigrefeuille D' Aigrefeuille D' /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Aigrefeuille D' "Lettres Lettres /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Lettres " Alain D' Alain D' /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Alain D' " Lettre Lettre /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Lettre "
- Auteurs similaires Aigrefeuille D' Aigrefeuille D' /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Aigrefeuille D' "Lettres Lettres /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Lettres " Alain D' Alain D' /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Alain D' " Lettre Lettre /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Lettre "
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k75342026/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k75342026/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k75342026/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k75342026/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k75342026
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k75342026
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k75493528/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest