Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1881-11-26
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 novembre 1881 26 novembre 1881
Description : 1881/11/26 (N4278). 1881/11/26 (N4278).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7534098d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
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Ne 4278 - Samedi 26 Novembre 1881 Le numéro: IOe* — Départemenfs 1 15 o. 8 Frimaire an 90 - N8 45/8
ADMINISTRATION
18, RUE DE YiLOIS, la
AROKTHEBÏBBrTIl
mis
Trois mois 10 »
Six mois. 20 »
DsrABTEBmml
Trois moij. ust
Six mois. 21 §
Adresser lettres et mandata
A M. ERNEST LEFÈVRE
ADMINISTRATEUn-GÉRAUT——
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
De 4 à$heure* du soir
18, ROI Dl VALOIS, 15
L.es manuscrits non insérés ne seront pas rendj|
, -
ANNONCES
UX. Ch. LAGRANGE, CERF et CI
6, place de la Bourse, 6
:-.
LES GRANDS-CHARTREUX
Savez-vous l'affreuse nouvelle? Le
nouveau ministre de l'instruction pu-
blique et des cultes songerait — est-ce
croyable? est-ce possible? — à appli-
quer la loi, à qui? aux grands-
chartreux! Appliquer la loi, c'est déjà
tcriminel, mais aux grands-chartreux,
c'est le comble de la monstruosité !
Savez-vous ce que c'est que les grands-
chartreux, infâme ministre de l'infâme
République?
Apprenez, monsieur Paul Bert,
qu' « en fondant la Grande-Chartreuse
au XIe siècle, saint Bruno combina la
vie cénobitique avec la vie érémiti-
que ». Apprenez que « ses moines ne
sortent que trois fois par jour de leurs
cellules, pour suivre les offices »; que
;« le jeudi, ils vont, en communauté, à
la promenade dans les forêts d'alen-
¡tour»; que « le dimanche, ils pren-
nent leur repas au réfectoire et se
livrent à un colloque », mais que « :.e
reste du temps, chacun d'eux est seul».
Apprenez que le « chartreux se couche
vers huit heures du soir, après com-
plies H, qu' « à onze heures la cloche
l'appelle au chœur », qu' « il ne se re-
met sur son lit de camp qu'à trois
heures du matin », et qu' « à six heu-
res il est sur pied de rechef». Hein,
que dites-vous de « ce sommeil entre-
coupé » ? Connaissez-vous « une plus
savante répétition d'agonie »?
Et pourquoi des hommes éprouvent-
ils le besoin de répéter leur agonie sur
les Alpes-Dauphinoises? «On s'imagine
volontiers que des monomanes et des
désillusionnés seuls peuvent embras-
ser une telle existence ». On est porté
à croire qu'il y a là le fait de
gens affaiblis du cerveau et d'ail-
leurs, l'acte de moribonds au moral et
au physique, de gâteux. Erreur! La
majorité des grands-chartreux a em-
brassé une telle existence « en
pleine vigueur ». Ce sont des êtres
pleinement vigoureux qui voient
« tous leurs sens », les inférieurs
comme les supérieurs, « obéir aveu-
glément à la Raison qui, elle-mê-
me, suit humblement la Foi ». Pre-
nez le haut du grand-chartreux : « la
partie supérieure de son être marche
au-dessus des choses de ce monde, le
regard fixé vers le Ciel. Ad sidera tollere
vultusX Lever le visage vers les as-
tres! » Prenez le bas du grand-char-
treux : « La partie inférieure du grand-
chartreux est établie dans un calme
imperturbable. » Eh bien, est-ce une
Chartreuse médiocre et qui mérite
qu'on lui applique la loi, une Char-
treuse qui établit ce calme impertur-
bable chez des gens en pleine vigueur ?
L'apologiste de la Grande-Chartreuse
reconnaît que le ca'me imperturbable de
la partie inférieure des grands-chartreux
peut avoir un inconvénient à un cer-
tain point de vue : « l'espèce humaine
ne se renouvellerait pas». Aussi ne
demande-t-il point que tout le monde
se fasse grand-chartreux : « Je ne
prétends point que les hommes doi-
vent s'isoler sur ces sommets, mais
iUest salutaire que quelques-uns en
donnent l'exemple, de même qu'il est
bon que d'autres soient une cause de
scandale. » Tiens ! scandaliser est bon?
Alors, scandalisons, mes frères, scan-
dalisons !
Un autre mérite de ces hommes dont
la vertu principale est de ne pas renouve-
ler l'espèce humaine, c'est qu' « on vote
sur leur admission avec des haricots,
noirs ou blancs, en guise de boules H.
C'est un usage du moyen-âge. Savona-
role en parle dans ses sermons.
« Quelles lois ! les siècles n'y peuvent
mordre ! » Il est certain qu'il faudrait
aux siècles de fières dents pour mordre
à des haricots du moyen-âge. -
Mais les grands-chartreux ont mieux
encore que leurs haricots, ils ont leur
liqueur. « Et on les expulserait ! » Mais,
monsieur Paul Bert, ce n'est donc pas
assez pour vous que Scipioa ait dit:
— Ingrate patrie, tu n'auras pas mes
os! Vous voulez donc que les grands-
chartreux disent : - Ingrate patrie,
tu n'auras pas ma liqueur ! Ecou-
tez ce que c'est que cette liqueur : « En
errant dans les solitudes de la
Grande-Chartreuse, qu'ils fécondaient
da leurs privations et de leurs
sueurs, les Pères étudiaient la vertu
de ces simples qui s'épanouissent
l'été, en répandant des parfum; incon-
nus. L'un d'eux imagina d'en extraire
les sucs: et de leur mélange savam-
ment combiné, longuement essayé, sont
sorties ces larmes d'or, exquises et
bienfaisantes, que l'univers entier a
proclamées la Reine des liqueurs!» Des
larmes qui sont une reine ! une reine
en bouteille! voilà ce dont M. Paul
Bert nous priverait.
Si le nouveau ministre de l'instruc-
tion publique et des cultes résiste à
toutes ces raisons, alors, qu'il aille jus-
qu'au bout! Ah! s'écrie l'apologiste
désespéré, « si cela est, comme il faut
savoir élever l'ingratitude à la hauteur
des circonstances, je propose qu'on
apporte les grands-chartreux, pie ds et
poings liés, à l'amphithéâtre de la Sor-
bonne, pour servir aux expériences
de vivisection de M. Paul Bert ». La
vivisection de grands-chartreux serait
bien digne, en effet, d'un ministre in-
sensible aux liqueurs et aux haricots.
AUGUSTE VACQUBRIB.
A LA CHAMBRE
Au début de la séance, M. Lepère,
vice-président, qui occupe le fauteuil,
a communiqué à la Chambre une lettre
lui annonçant la mort de M. Amédée
LeFaure. La Chambre, sur tous ses
bancs, s'est associée aux regrets expri-
més éloquemment par son président.
Il est certain d'ailleurs que cette mort
si prompte et si imprévue est, au vrai
sens du mot, une perte pour l'As-
semblée. Ceux même qui n'approu-
vaient pas toutes les idées du député
de la Creuse étaient forcés de recon-
naître sa compétencesdans les ques-
tions se rattachant à l'armée et sa
grande aptitude au travail.
On sait que c'est en poursuivant une
sorte d'enquête personnelle que M.
Amédée Le Faure, dont les révélations
ne sont point oubliées, a contracté le
germe de la maladie qui devait, en si
peu de temps, l'enleyer à ses amis.
Comme l'a dit justement M. Lepère,
c'est la passion patriotique qui l'a en-
traîné en Tunisie et c'en est assez pour
honorer sa mémoire.
La séance eût été aussi nulle que les
précédentes si, à propos de l'élection
de M. Boscher-Delangle à Loudéae,
dont le rapporteur, M. Galpin, propo-
sait l'invalidation, un débat incident
très rapide, mais très vif et très curieux,
ne s'était élevé sur la grave question
des rapports de l'Eglise et de l'Etat.
Dans cette élection de Loudéac, l'in-
tervention du clergé s'était produite,
même en chaire, et d'une façon si
manifeste que la dénégation était im-
possible. On signalait aux fidèles le
candidat de la religion et de la patrie,
d'une part ; de l'autre, le candidat du
démon. Ce dernier était M. Janzé, an-
cien membre du Corps législatif.
M. Freppel n'a pas cherché à nier
l'intervention du clergé concordataire
dans cette élection: il a adopté une
thèse plus hardie. Le prêtre a une
double existence, car il est aussi ci-
toyen. Il peut donc connaître les débats
politiques, et, de plus, comme prêtre,
il peut, il doit même inviter les fidèles
d'abord à ne pas s'abstenir, puis à vo-
ter selon leur conscience de catholique.
A bon entendeur salut, et il est clair
qu'une conscience catholique ne se dé-
cidera jamais pour le candidat du dé-
mon.
En entendant un dignitaire de l'E-
glise salariée formuler si hautement
ces distinctions équivoques, M. Loc-
kroy a pensé, avec raison, que l'occa-
sion était bonne pour protester contre
de pareilles théories et aussi pour de-
mander au gouvernement comment il
les jugeait. C'est ce que notre collabo-
rateur a fait très brièvement, mais avec
cette sûreté de parole qui le distingue
et cette verve qui le rend redoutable à
ses contradicteurs. M. Freppel a pu
s'en convaincre au 'sort malheureux de
ses interruptions et aux applaudisse-
ments de la majorité.
M. Lockroy lui a donné, à la fois,
une leçon de courtoisie et « d'humilité
chrétienne », en même temps qu'une
leçon de droit concordataire.
Quand M. l'évêque d'Angers aura lu
eu relu les articles du Concordat que
que lui a signalés noire collaborateur,
il se convaincra que l'action du clergé
salarié n'est pas aussi libre qu'il le
pense. ,
C'est, d'a.illeurs, l'opinion du gou-
vernement, qui, par l'organe de M.
Waldeck-Rousseau, s'est prononcé à
nouveau pour l'exécution complète des
lois concordataires. L'intention peut
être excellente; mais, comme l'a juste-
ment fait observer M. de Lanessan, la
vraie conclusion à tirer du langage de
l'évêque d'Angers, c'est justement
l'impossibilité de maintenir plus long-
temps la confusion créée par le régime
du Concordat.
En attendant, M. Boscher-Delangle
a vu son élection invalidée par 482
voix contre 93.
A. GAULIER,
1—1—1 >- '■
AU SENAT
Il faut avouer que, si le Sénat est
parfois irritant et agaçait, il est sou-
vent aussi un élément de gaieté dans la
situation. En ce moment, par exemple,
où la Chambre n'a point encore appris
à parler politique et où le gouverne-
ment na donne pas signe de vie, nous
n'aurions rien pour charmer ces heures
tristes et monotones si l'assemblée du
Luxembourg n'avait eu la grande pen-
sée de sacrer M. Lavernière législateur
à perpétuité. De ce vote renversant
on a causé pendant deux jours.
Puis l'on a appris soudain que les pè-
res conscrits n'avaient rien sacré du
tout, et que M. Voisins-Lavernière ris-
quait fort de n'échapper au juge-
ment de ses électeurs. Surprise nou-
velle, toujours due au Sénat, mais nous
n'étions pas au bout.
Une découverte en amène une autre.
Or, M. Griffe ayant démontré par A
plus B que la nomination du protégé
de M. Simon n'était pas valable, puis-
qu'il n'avait pas réuni la maj orité ab-
solue des votants, d'autres chercheurs
sont venus établir que la plupart des
inamovibles élus depuis six ans, sinon
tous, étaient dans le même cas. Le Sé-
nat. gardien fidèle de la Constitution et
scrupuleux observateur de la légalité,
n'a cessé de violer, depuis qu'il existe,
le règlement qu'il s'est donné. Il en
résulte que, rigoureusement parlant,
toutes les élections d'inamovibles fai-
tes par l'Assemblée luxembourgienne
sont radicalement nulles. :.:.
De braves gens qui n'ont point été
nommés du tout, aux termes de la loi,
siégeront au Sénat tant qu'il y aura un
Sénat, et légiféreront à qui mieux
mieux, sans titre valable, sans même
pouvoir invoquer le droit légal que
l'élection régulière faite par le Sénat
aurait pu leur conférer. Ils sont légis-
lateurs à perpétuité en vertu d'une
simple erreur, parce que l'élection s'est
faite irrégulièrement. Pour eux comme
pour M. Yoisins-Lavernière, on a mis
le règlement en oubli. Et, comme ils
siègent indûment, M. Voisins siégera
et légiférera comme eux et, cbmme eux,
au besoin, prononcera la dissolution
de la Chambre nommée par le suffrage
universel!
C'est assurément la première fois,
depuis qu'il existe des Chambres hautes
ou basses, qu'on y introduit, en viola-
tion de la loi, non pas un membre,
niais dix, quinze, vingt membres.
Pourquoi même ne pas continuer et
pourquoi exiger que les candidats, à
l'avenir, obtiennent la majorité abso-
lue, la majorité dont s'est passé M. La-
vernière et dont les autres se passe-
raient aussi bien? Croit-on que, pour
n'avoir jamais été nommés régulière-
ment, les sénateurs arrivés au Luxem-
bourg dans ces conditions, grâce à cet
oubli de la loi, à cette surprise, en
soient plus embarrassés, au jour où la
revision viendra en discussion, pour
faire échec à la volonté du pays, ex-
primée par ses interprètes légaux, par
ceux qui ont été vraiment nommés?
A. GAULIER.
&
COULISSES DES CHAMBRES
e gouvernement a déposé hier sur le
bureau de la Chambre deux demandes de
crédits supplémentaires, la première ten-
dant à Assurer le fonctionnement des mi-
nistères nouvellement créés et le traite-
ment des vingt-deux nouveaux députés ;
la seconde ayant pour objet de subvenir
aux frais de l'expédition de Tunisie pen-
dant le mois de janvier.
Le premier projet comporte un crédit
total de 166,754 francs, dont 125,501 francs
environ pour les nouveaux ministères et
41,250 francs pour les nouveaux àfyutés.
— Ce crédit ne couvre les dépenses, en ce
qui concerne les nouveaux ministères,
que pour la période à courir du 15 no-
vembre, premier jour d'installation du
cabinet Gambetta, jusqu'au 31 décembre
prochain, c'est-à-dire pendant un mois et
demi. Pour l'année 1882 on présentera
un projet rectificatif du budget qui est
déjà voté et qui a été adopté avant la
création des nouveaux ministères.
En répartissant par ministère, on voit
que le crédit pour 1881 se décompose
ainsi :
Beaux-arts 50,036 fr.
Agriculture 30,643
Commerce 39,850
Guerre 4,975
Si l'on prend pour base le crédit de-
mandé pour un mois et demi, on voit que
pour l'année entière la dépense supplé-
mentaire résultant de la création de nou-
veaux ministères et sous-secrétariats d'Etat
s'élève à un million en chiffres ronds.
Sur ce chiffre, il y a 245,000 fr. pour le
ministère de l'agriculture, 400,000 fr. pour
le ministère des arts, 320,000 fr. pour le
commerce, et 38,000 fr. pour la guerre.
En ce qui concerne la Tunisie, le gou-
vernement demande 3,056,000 fr. pour les
frais de l'expédition pendant le mois de
janvier prochain.
C'est la première fois qu'on demande
un crédit supplémentaire sur un exercice
financier non encore ouvert; mais on sait
que le gouvernement a été sollicité à le
faire par la commission des crédits sup-
plémentaires, qui a préféré suivre ce pro-
cédé plutôt que de forcer le gouverne-
ment à engager les dépenses pendant l'ab-
sence de la Chambre, comme cela a eu
lieu pendant les dernières vacances.
Le dépôt de ce nouveau projet de loi a
pour effet de retarder le dépôt du rap-
port de M. Goblet sur la première de-
mande de crédits supplémentaires pour
la Tunisie, concernant les dépenses effec-
tuées déjà ou à effectuer jusqu'au 31 dé-
cembre prochain.
On fera, en effet, un rapport unique
sur les deux ordres de dépenses. La dis-
cussion par la Chambre ne pourra avoir
lieu, par suite, que dans le courant de la
semaine prochaine.
—o—
M. Clémenceau a opté hier, à la Cham-
bre, pour la 211 circonscription du 18e ar-
rondissement de Paris. Il laisse vacant,
par suite, le siège de la lre circonscrip-
tion de ce même arrondissement et le
siège de l'arrondissement d'Arles. Les
électeurs de ces deux collèges électoraux
vont être convoqués pour le 18 décembre
prochain, à l'effet d'élire un nouveau
député.
- Toutes les options sont donc faites, à
l'exception d'une seule, celle de M. Hu-
rard, élu député dans les deux circons-
criptions de la Martinique. M. Hurard ne
peut d'ailleurs pas opter jusqu'à nouvel
ordre, car il n'est pas encore validé et
même son élection est sérieusement con-
testée.
Le nouveau ministre des arts avait for-
mé le projet d'installer ses bureaux dans
les anciennes écuries impériales près du
Champ-de-Mars, les bureaux actuels de
l'ancienne administration des beaux-arts
étant notoirement insuffisants vu l'exten-
sion des services du nouveau ministère.
Malheureusement les locaux des anciennes
écuries ne sont pas libres, et M. Antonin
Proust se trouve actuellement, comme
son collègue le nouveau ministre du com-
mercs, sans résidence déterminée.
-0-
Le ministre des arts doit se rendre pro-
chainemment à la commission des finances
du Sénat pour lui demander de vouloir
bien déposer le plus promptement pos-
sible son rapport sur le projet de f loi re-
latif à la vente des diamants de la cou-
ronne que la Chambre ancienne avait voté
sur l'initiative du ministère Ferry. M. An-
tonin Proust veut reprendre cette ques-
tion pour le compte du nouveau cabinet,
afin de pouvoir créer avec le produit de la
vente une caisse des musées nationaux
dont la dotation servirait à acheter des
objets d'art dignes d'enrichir nos collec-
tions nationales.
—o— .';'¡'
M. Cochery, ministre des postes et té- A
légraphes, s'est rendu hier à la commis-
sion des crédits supplémentaires - pour
donner quelques explications sur les cré-
dits qu'il réclame pour son ministère, et
qui s'élèvent à la somme de 3 millions et
demi.
A cette occasion, M. Cochery a fait un
un exposé complet des modifications ap-
portées au service des postes depuis qu'il
le dirige, c'est-à-dire du mois de décemi.
bre 1877 à aujourd'hui.
Cet exposé va faire d'ailleurs l'objet
d'un rapport au président de la Républi-
que, qui sera publié au Journal officiel.
Comme détail important, nous relève-
rons ce que le ministre a dit de l'accrois-
sement progressif du produit net des
postes. Ainsi, pour l'année 1881, M. Co-
chery a annoncé que le bénéfice net que
l'Etat recueillerait sur le service des pos-
tes serait de 38 millions. En 1880, ce bé.,
néfice n'avait été que de 25 millions, et en
1879 que de 23 millions.
Parmi les crédits demandés par le mi-
nistre, il y en a un de 200,000 francs qui
a pour but de couvrir les frais de pre-
mier établissement de la caisse d'épargne
postale. M. Cochery a annoncé que cette
caisse commencerait à fonctionner le
1er janvierprocain. La somme de200,000fr.
ne constitue d'ailleurs qu'une simple
avance qui doit être remboursée sur les
bénéfices que recueillera la caisse d'épar-
gne en question..
Parmi les autres crédits demandés par
M. Cochery, il yen a un de 500,000 francs
destinés à accor ier un supplément aux -
facteurs pour rémunérer le travail excep..
tionnel que leur ont imposé les élections
législatives du 21 août dernier. A ce sujet
le ministre a donné un détail curieux : le
nombre des objets transportés pendant la
période électorale par la poste, tels que
circulaires, bulletins de vote, journaux et
imprimés de toute sorte, s'élève au chiffre
énorme de 26,445,900.
Pour rémunérer ce supplément de tra-
vail, le ministre compte accorder une gra-
tification de 15 francs aux facteurs des
circonscriptions où le scrutin du 21 août
a donné un résultat définitif au premier
tour, et une gratification de 20 francs à
ceux dont le service exceptionnel s'est
prolongé jusqu'au 4 septembre à raison
des scrutins de ballottage; le nombre des
premiers s'élève à 21,912 et le nombre
des autres à 2,750.
—o—
MM. Edouard Lockroy et Naquet ont
déposé hier, sur le bureau de la Chambre,
un projet de résolution tendant à la no-
mination d'une commission de 22 mem-
bres, chargée d'étudier les moyens d'arri-
ver à la .suppression des octrois. Nous
publierons le texte de cette intéressante
proposition.
—————— ——————
Nous recevons la lettre suivante :
Paris, le 24 novembre 1881.
Monsieur le rédacteur,
Dans vos informations d'aujourd'hui, à pro.
pos d'une décision de la commission d'initia-
tive, vous dites : « Le rapport en a été confié
à M. le pasteur Steeg. » Vous me donnez là un
titre que je m'honore d'avoir porté longtemps,
mais auquel je n'ai plus droit aujourd hui. Il
a cessé avec les fonctions qui me l'avaient
conféré, et qui n'emporte It avec elle aucun
caractère indélébile. Démissionnaire depuis
plusieurs années, imprimeur et journaliste,
je n'ai plus aujourd'hui d'autre titre à récla-
mer que celui de député que je tiens de mes
électeurs.
Agréez l'assurance de ma considération la
plus distinguée,
IULES STEEG,
Député de la Gironde.
- —— - 1
LES ON-DIT
Il circule, en ce moment, parmi les
étudiants en droit, une pétition assez sin-
gulière.
Cette pétition, adressée au président da
conseil, lui demande la suppression du
barreau.
Les auteursde ladite pétition s'appuient
Feuilleton du RAPPEL
DU 26 NOVEMBRE
19
SON ALTESSE
^mmmmm
i
J t
j IV (sui(e)
D'autres grands Etats, qui n'àfàient au-
cun intérêt direct et immédiàt dans la
'question, se faisaient un malin plaisir de
'contrecarrer l'ambition des deux grands
Etats qui convoitaient le grand-duché. Non
pas qu'ils tinssent le moins du monde à ce
que laprincipauté centinuât,ounon, degar-
dersafameuseindcpendance.Mais,àl'exem-
ple du traditionnel chien du jardinier, ils
ne voulaient point souffrir que l'on se ré-
galât d'un chou dont ils ne pouvaient
manger eux-môme*. A tout le moins ré-
clamaient-ils des compensations de celui-
ci comme de celui-là.
« Prenez la principauté, disaient-ils,
soit ! Mais cédez-nous cette île, ou cette
- Voir le Rappel du 7 a ; 23 novembre.
6
colonie. Telle méchante vallée, et nous
topons! »
En somme, c'était une question qui du-
rait depuis des siècles, toujours pendante,
parfois brûlante, telle que, périodique-
ment, des centaines de mille hommes qui
s'en souciaient comme de leurs premiers
souliers, ne sachant seulement pas bien
où diable campait la peuplade érigée en
brandon de discorde, se tenaient prêts à
s'entr'égorger pour le bon plaisir de po-
tentats en humeur de reteindre leur pour-
pre royale dans des flots de sang humain,
pourvu, comme de raison, que ce ne fût
pas le leur.
Mais, au plus fort de la crise, quelque
médiateur survenait. Après un échange
interminable de notes diplomatiques, des
gens graves, et grassement payés, s'as-
semblaient dans une capitale, parlemen-
taient des mois, pour se disputer telle ou
telle place, autour d'une table, couverte
d'un tapis vert. Puis, une fois assis, s'ac-
cablaient de compliments, dont ils ne
pensaient pas un traître mot, se lisaient
des discours , se bombardaient d'argu-
ments, notifiaient réserves sur réserves,
pour aboutir à un protocole, qui, jetant
provisoirement un peu de cendre sur le
feu, sans contenter personne, laissait la
porte ouverte à toutes les compétitions,
rivalités et haines engagées.
Après cela, on allait dîner, en céré-
monie; non pour dîner agréablement,
mais pour toaster à l'amitié inaltérable de
souverains qui, à l'égard les uns des au-
tres, se disaient in petto.
— « Toi ! Je te repincerait. »
Et les bons contribuables ravis n'avaient
plus qu'à payer la carte ; bien que dîner,
protocole et discours n'eussent fait chaud
ni froid à la situation. Ainsi vont les cho-
ses politiques.
Et- voilà comment la principauté, que
deux voraces Etats se promettaient cons-
tamment de dévorer, n'était avalée par
aucun des deux et se maintenait dans
l'indépendance.
Mais, si cette indépendance nationale
poussait à la fierté le peuple et la bour-
geoisie du grand-duché, il en allait autre-
ment pour ce qui s'appelle « le meilleur
monde » dans tous les pays de l'Eu rope;
c'est-à-dire, pour ce qui subsistait de la
noblesse.
C'est qu'à l'abri de cette indépendance,
le souffle démocratique avait balayé les
antiques privilèges de cette classe qui,
réduite à ses propres mérites, ne brillait
guère.
Elle avait beau y suppléer par une in-
solence superbe, il lui fallait rester à son
plan, voir les vilains gravir à sa barbe les
degrés de la hiérarchie sociale ; il lui fallait
subir la volonté de « ces gens-là », obser-
ver leurs lois, leur obéirl - Partout où,
jadis, quelque descendant, plus ou moins
authentique, de preux, parvenait, rien
que par la vertu de sa naissance, un fils
de serf affranchi tenait la place, et com-
mandait, de par la force de ses talents.
Longtemps on avait pu lutter, grâce au
pouvoir occulte d'un monde clérical qui,
pour plier le dos au plus fort de l'orage,
reparaissait toujours avec le beau temps.
Cependant le crédit de cette pieuse et si-
lencieuse armée se ruinait peu à peu, tant
par des scandales fâcheux-que par sa
levée de boucliers contre la Constitution
elle-même.
Sans appui désormais, dépouillés du
prestige conventionnel qui, - durant tant
de siècles, avait masqué l'insuffisance de
cette caste, les nobles reconnaissaient
l'impossibilité de reprendre d'assaut, à eux
seuls, les positions d'où la plèbe les avait
délogés. Certains, le plus grand nombre,
se retranchaient dans une obscurité sus-
ceptible et maussade, se désintéressant de
la patrie et faisant des vœux secrets pour
qu'un cataclysme effondrât tout un édifice
politique et social qui les ravalait au rang
de citoyens.
D'autres, moins malhonnêtes et plus
pratiques, sanss abdiquer leur prétention
à la supériorité native, s'efforçaient de
reconquérir de l'influence, dans la direc-
tion des affaires publiques; ne fût-ce que
pour mettre des bâtons dans les roues.
Enfin, un petit clan de maladroits, les
sots du parti, profitaient de toute occasion
pour braver les institutions. Impudents
et braillards, ils allaient, jetant des cris
de rage impuissante, insultant les hommes
et les choses, vociférant des menaces co-
miques, un bêle de sabre de bois à la
main. a
Les boudeurs s'en montraient en-
chantés dans leur trou taciturne. Les
habiles les vouaient aux dieux infernaux,
sentant que les adversaires tiraient profit
du mépris que ces compromettants amis
infligeaient à l'aristocratie tout entière.
Malgré leur diplomatie, ces habiles,
autant que les autres, manquaient de
confiance, dans un revirement de l'es-
prit public, assez puissant pour les rame-
ner au pouvoir, et leur permettre d'en-
treprendre, légalement, une restauration
de l'ancien ordre de choses.
Sur qui compter? Le clergé, sans être
maté tout à fait, defenait timide. Songez
qu'un ministre avait osé arrêter un évê-
que en plein palais épiscopai, l'avait in-
carcéré dans une citadelle, et, après un
vote des Chambres, l'avait banni du ter-
ritoire, sans que les populations fussent
sorties de leur indifférence. A peine la
police eut-elle à disperser une centaine de
piaillards, quelque peu soudoyés.
Certes 1 le grand duc avait fait difficulté
d'apposer sa signature au bas du décret
de bannissement. Mais, devant la démis-
sion du ministère, devant le grondement
d'émeute qui s'élevait sous les fenêtres
du château, il avait surmonté ses répu-
gnances. -
Du même coup, il fallut qu'il consentit K
au rappel de son ambassadeur près de
saint-siège, tandis qu'on remettait ses
passeports au légat du pipe.
Rien à espérer de l'Eglise; rien non
plus de ce pauvre grand-duc qui, dit-on*
avait pleuré, quand, se contraignant à si-
gner les décrets il avait vu sa femme in- ,
dignée blêmir, en plein conseil privé, et
s'écrier : ')
— « Si la peur du sort de Louis XYI
vous fait pactiser avec les jacobins, faites;
mais, du moins, soyez assuré que la des-
tinée de Marie-Antoinette n'est pas pour
m'intimider!. » j,
Une nature cette grande-duchesse An--'
tonia 1 Et remarquez qu'elle appartenait 1
l'Eglise grecque, et que, pour elle, ce
même Très Saint Père le Pape ne valait
pas mieux qu'un évêque quelconque ; en-
core qu'elle le tint pour légèrement héré-
tique. Mais, fille d'un monarque absolu,
elle portait haut le respect du principe
d'autorité.
EDOUARD CADOL.
lA smvre.)
Ne 4278 - Samedi 26 Novembre 1881 Le numéro: IOe* — Départemenfs 1 15 o. 8 Frimaire an 90 - N8 45/8
ADMINISTRATION
18, RUE DE YiLOIS, la
AROKTHEBÏBBrTIl
mis
Trois mois 10 »
Six mois. 20 »
DsrABTEBmml
Trois moij. ust
Six mois. 21 §
Adresser lettres et mandata
A M. ERNEST LEFÈVRE
ADMINISTRATEUn-GÉRAUT——
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
De 4 à$heure* du soir
18, ROI Dl VALOIS, 15
L.es manuscrits non insérés ne seront pas rendj|
, -
ANNONCES
UX. Ch. LAGRANGE, CERF et CI
6, place de la Bourse, 6
:-.
LES GRANDS-CHARTREUX
Savez-vous l'affreuse nouvelle? Le
nouveau ministre de l'instruction pu-
blique et des cultes songerait — est-ce
croyable? est-ce possible? — à appli-
quer la loi, à qui? aux grands-
chartreux! Appliquer la loi, c'est déjà
tcriminel, mais aux grands-chartreux,
c'est le comble de la monstruosité !
Savez-vous ce que c'est que les grands-
chartreux, infâme ministre de l'infâme
République?
Apprenez, monsieur Paul Bert,
qu' « en fondant la Grande-Chartreuse
au XIe siècle, saint Bruno combina la
vie cénobitique avec la vie érémiti-
que ». Apprenez que « ses moines ne
sortent que trois fois par jour de leurs
cellules, pour suivre les offices »; que
;« le jeudi, ils vont, en communauté, à
la promenade dans les forêts d'alen-
¡tour»; que « le dimanche, ils pren-
nent leur repas au réfectoire et se
livrent à un colloque », mais que « :.e
reste du temps, chacun d'eux est seul».
Apprenez que le « chartreux se couche
vers huit heures du soir, après com-
plies H, qu' « à onze heures la cloche
l'appelle au chœur », qu' « il ne se re-
met sur son lit de camp qu'à trois
heures du matin », et qu' « à six heu-
res il est sur pied de rechef». Hein,
que dites-vous de « ce sommeil entre-
coupé » ? Connaissez-vous « une plus
savante répétition d'agonie »?
Et pourquoi des hommes éprouvent-
ils le besoin de répéter leur agonie sur
les Alpes-Dauphinoises? «On s'imagine
volontiers que des monomanes et des
désillusionnés seuls peuvent embras-
ser une telle existence ». On est porté
à croire qu'il y a là le fait de
gens affaiblis du cerveau et d'ail-
leurs, l'acte de moribonds au moral et
au physique, de gâteux. Erreur! La
majorité des grands-chartreux a em-
brassé une telle existence « en
pleine vigueur ». Ce sont des êtres
pleinement vigoureux qui voient
« tous leurs sens », les inférieurs
comme les supérieurs, « obéir aveu-
glément à la Raison qui, elle-mê-
me, suit humblement la Foi ». Pre-
nez le haut du grand-chartreux : « la
partie supérieure de son être marche
au-dessus des choses de ce monde, le
regard fixé vers le Ciel. Ad sidera tollere
vultusX Lever le visage vers les as-
tres! » Prenez le bas du grand-char-
treux : « La partie inférieure du grand-
chartreux est établie dans un calme
imperturbable. » Eh bien, est-ce une
Chartreuse médiocre et qui mérite
qu'on lui applique la loi, une Char-
treuse qui établit ce calme impertur-
bable chez des gens en pleine vigueur ?
L'apologiste de la Grande-Chartreuse
reconnaît que le ca'me imperturbable de
la partie inférieure des grands-chartreux
peut avoir un inconvénient à un cer-
tain point de vue : « l'espèce humaine
ne se renouvellerait pas». Aussi ne
demande-t-il point que tout le monde
se fasse grand-chartreux : « Je ne
prétends point que les hommes doi-
vent s'isoler sur ces sommets, mais
iUest salutaire que quelques-uns en
donnent l'exemple, de même qu'il est
bon que d'autres soient une cause de
scandale. » Tiens ! scandaliser est bon?
Alors, scandalisons, mes frères, scan-
dalisons !
Un autre mérite de ces hommes dont
la vertu principale est de ne pas renouve-
ler l'espèce humaine, c'est qu' « on vote
sur leur admission avec des haricots,
noirs ou blancs, en guise de boules H.
C'est un usage du moyen-âge. Savona-
role en parle dans ses sermons.
« Quelles lois ! les siècles n'y peuvent
mordre ! » Il est certain qu'il faudrait
aux siècles de fières dents pour mordre
à des haricots du moyen-âge. -
Mais les grands-chartreux ont mieux
encore que leurs haricots, ils ont leur
liqueur. « Et on les expulserait ! » Mais,
monsieur Paul Bert, ce n'est donc pas
assez pour vous que Scipioa ait dit:
— Ingrate patrie, tu n'auras pas mes
os! Vous voulez donc que les grands-
chartreux disent : - Ingrate patrie,
tu n'auras pas ma liqueur ! Ecou-
tez ce que c'est que cette liqueur : « En
errant dans les solitudes de la
Grande-Chartreuse, qu'ils fécondaient
da leurs privations et de leurs
sueurs, les Pères étudiaient la vertu
de ces simples qui s'épanouissent
l'été, en répandant des parfum; incon-
nus. L'un d'eux imagina d'en extraire
les sucs: et de leur mélange savam-
ment combiné, longuement essayé, sont
sorties ces larmes d'or, exquises et
bienfaisantes, que l'univers entier a
proclamées la Reine des liqueurs!» Des
larmes qui sont une reine ! une reine
en bouteille! voilà ce dont M. Paul
Bert nous priverait.
Si le nouveau ministre de l'instruc-
tion publique et des cultes résiste à
toutes ces raisons, alors, qu'il aille jus-
qu'au bout! Ah! s'écrie l'apologiste
désespéré, « si cela est, comme il faut
savoir élever l'ingratitude à la hauteur
des circonstances, je propose qu'on
apporte les grands-chartreux, pie ds et
poings liés, à l'amphithéâtre de la Sor-
bonne, pour servir aux expériences
de vivisection de M. Paul Bert ». La
vivisection de grands-chartreux serait
bien digne, en effet, d'un ministre in-
sensible aux liqueurs et aux haricots.
AUGUSTE VACQUBRIB.
A LA CHAMBRE
Au début de la séance, M. Lepère,
vice-président, qui occupe le fauteuil,
a communiqué à la Chambre une lettre
lui annonçant la mort de M. Amédée
LeFaure. La Chambre, sur tous ses
bancs, s'est associée aux regrets expri-
més éloquemment par son président.
Il est certain d'ailleurs que cette mort
si prompte et si imprévue est, au vrai
sens du mot, une perte pour l'As-
semblée. Ceux même qui n'approu-
vaient pas toutes les idées du député
de la Creuse étaient forcés de recon-
naître sa compétencesdans les ques-
tions se rattachant à l'armée et sa
grande aptitude au travail.
On sait que c'est en poursuivant une
sorte d'enquête personnelle que M.
Amédée Le Faure, dont les révélations
ne sont point oubliées, a contracté le
germe de la maladie qui devait, en si
peu de temps, l'enleyer à ses amis.
Comme l'a dit justement M. Lepère,
c'est la passion patriotique qui l'a en-
traîné en Tunisie et c'en est assez pour
honorer sa mémoire.
La séance eût été aussi nulle que les
précédentes si, à propos de l'élection
de M. Boscher-Delangle à Loudéae,
dont le rapporteur, M. Galpin, propo-
sait l'invalidation, un débat incident
très rapide, mais très vif et très curieux,
ne s'était élevé sur la grave question
des rapports de l'Eglise et de l'Etat.
Dans cette élection de Loudéac, l'in-
tervention du clergé s'était produite,
même en chaire, et d'une façon si
manifeste que la dénégation était im-
possible. On signalait aux fidèles le
candidat de la religion et de la patrie,
d'une part ; de l'autre, le candidat du
démon. Ce dernier était M. Janzé, an-
cien membre du Corps législatif.
M. Freppel n'a pas cherché à nier
l'intervention du clergé concordataire
dans cette élection: il a adopté une
thèse plus hardie. Le prêtre a une
double existence, car il est aussi ci-
toyen. Il peut donc connaître les débats
politiques, et, de plus, comme prêtre,
il peut, il doit même inviter les fidèles
d'abord à ne pas s'abstenir, puis à vo-
ter selon leur conscience de catholique.
A bon entendeur salut, et il est clair
qu'une conscience catholique ne se dé-
cidera jamais pour le candidat du dé-
mon.
En entendant un dignitaire de l'E-
glise salariée formuler si hautement
ces distinctions équivoques, M. Loc-
kroy a pensé, avec raison, que l'occa-
sion était bonne pour protester contre
de pareilles théories et aussi pour de-
mander au gouvernement comment il
les jugeait. C'est ce que notre collabo-
rateur a fait très brièvement, mais avec
cette sûreté de parole qui le distingue
et cette verve qui le rend redoutable à
ses contradicteurs. M. Freppel a pu
s'en convaincre au 'sort malheureux de
ses interruptions et aux applaudisse-
ments de la majorité.
M. Lockroy lui a donné, à la fois,
une leçon de courtoisie et « d'humilité
chrétienne », en même temps qu'une
leçon de droit concordataire.
Quand M. l'évêque d'Angers aura lu
eu relu les articles du Concordat que
que lui a signalés noire collaborateur,
il se convaincra que l'action du clergé
salarié n'est pas aussi libre qu'il le
pense. ,
C'est, d'a.illeurs, l'opinion du gou-
vernement, qui, par l'organe de M.
Waldeck-Rousseau, s'est prononcé à
nouveau pour l'exécution complète des
lois concordataires. L'intention peut
être excellente; mais, comme l'a juste-
ment fait observer M. de Lanessan, la
vraie conclusion à tirer du langage de
l'évêque d'Angers, c'est justement
l'impossibilité de maintenir plus long-
temps la confusion créée par le régime
du Concordat.
En attendant, M. Boscher-Delangle
a vu son élection invalidée par 482
voix contre 93.
A. GAULIER,
1—1—1 >- '■
AU SENAT
Il faut avouer que, si le Sénat est
parfois irritant et agaçait, il est sou-
vent aussi un élément de gaieté dans la
situation. En ce moment, par exemple,
où la Chambre n'a point encore appris
à parler politique et où le gouverne-
ment na donne pas signe de vie, nous
n'aurions rien pour charmer ces heures
tristes et monotones si l'assemblée du
Luxembourg n'avait eu la grande pen-
sée de sacrer M. Lavernière législateur
à perpétuité. De ce vote renversant
on a causé pendant deux jours.
Puis l'on a appris soudain que les pè-
res conscrits n'avaient rien sacré du
tout, et que M. Voisins-Lavernière ris-
quait fort de n'échapper au juge-
ment de ses électeurs. Surprise nou-
velle, toujours due au Sénat, mais nous
n'étions pas au bout.
Une découverte en amène une autre.
Or, M. Griffe ayant démontré par A
plus B que la nomination du protégé
de M. Simon n'était pas valable, puis-
qu'il n'avait pas réuni la maj orité ab-
solue des votants, d'autres chercheurs
sont venus établir que la plupart des
inamovibles élus depuis six ans, sinon
tous, étaient dans le même cas. Le Sé-
nat. gardien fidèle de la Constitution et
scrupuleux observateur de la légalité,
n'a cessé de violer, depuis qu'il existe,
le règlement qu'il s'est donné. Il en
résulte que, rigoureusement parlant,
toutes les élections d'inamovibles fai-
tes par l'Assemblée luxembourgienne
sont radicalement nulles. :.:.
De braves gens qui n'ont point été
nommés du tout, aux termes de la loi,
siégeront au Sénat tant qu'il y aura un
Sénat, et légiféreront à qui mieux
mieux, sans titre valable, sans même
pouvoir invoquer le droit légal que
l'élection régulière faite par le Sénat
aurait pu leur conférer. Ils sont légis-
lateurs à perpétuité en vertu d'une
simple erreur, parce que l'élection s'est
faite irrégulièrement. Pour eux comme
pour M. Yoisins-Lavernière, on a mis
le règlement en oubli. Et, comme ils
siègent indûment, M. Voisins siégera
et légiférera comme eux et, cbmme eux,
au besoin, prononcera la dissolution
de la Chambre nommée par le suffrage
universel!
C'est assurément la première fois,
depuis qu'il existe des Chambres hautes
ou basses, qu'on y introduit, en viola-
tion de la loi, non pas un membre,
niais dix, quinze, vingt membres.
Pourquoi même ne pas continuer et
pourquoi exiger que les candidats, à
l'avenir, obtiennent la majorité abso-
lue, la majorité dont s'est passé M. La-
vernière et dont les autres se passe-
raient aussi bien? Croit-on que, pour
n'avoir jamais été nommés régulière-
ment, les sénateurs arrivés au Luxem-
bourg dans ces conditions, grâce à cet
oubli de la loi, à cette surprise, en
soient plus embarrassés, au jour où la
revision viendra en discussion, pour
faire échec à la volonté du pays, ex-
primée par ses interprètes légaux, par
ceux qui ont été vraiment nommés?
A. GAULIER.
&
COULISSES DES CHAMBRES
e gouvernement a déposé hier sur le
bureau de la Chambre deux demandes de
crédits supplémentaires, la première ten-
dant à Assurer le fonctionnement des mi-
nistères nouvellement créés et le traite-
ment des vingt-deux nouveaux députés ;
la seconde ayant pour objet de subvenir
aux frais de l'expédition de Tunisie pen-
dant le mois de janvier.
Le premier projet comporte un crédit
total de 166,754 francs, dont 125,501 francs
environ pour les nouveaux ministères et
41,250 francs pour les nouveaux àfyutés.
— Ce crédit ne couvre les dépenses, en ce
qui concerne les nouveaux ministères,
que pour la période à courir du 15 no-
vembre, premier jour d'installation du
cabinet Gambetta, jusqu'au 31 décembre
prochain, c'est-à-dire pendant un mois et
demi. Pour l'année 1882 on présentera
un projet rectificatif du budget qui est
déjà voté et qui a été adopté avant la
création des nouveaux ministères.
En répartissant par ministère, on voit
que le crédit pour 1881 se décompose
ainsi :
Beaux-arts 50,036 fr.
Agriculture 30,643
Commerce 39,850
Guerre 4,975
Si l'on prend pour base le crédit de-
mandé pour un mois et demi, on voit que
pour l'année entière la dépense supplé-
mentaire résultant de la création de nou-
veaux ministères et sous-secrétariats d'Etat
s'élève à un million en chiffres ronds.
Sur ce chiffre, il y a 245,000 fr. pour le
ministère de l'agriculture, 400,000 fr. pour
le ministère des arts, 320,000 fr. pour le
commerce, et 38,000 fr. pour la guerre.
En ce qui concerne la Tunisie, le gou-
vernement demande 3,056,000 fr. pour les
frais de l'expédition pendant le mois de
janvier prochain.
C'est la première fois qu'on demande
un crédit supplémentaire sur un exercice
financier non encore ouvert; mais on sait
que le gouvernement a été sollicité à le
faire par la commission des crédits sup-
plémentaires, qui a préféré suivre ce pro-
cédé plutôt que de forcer le gouverne-
ment à engager les dépenses pendant l'ab-
sence de la Chambre, comme cela a eu
lieu pendant les dernières vacances.
Le dépôt de ce nouveau projet de loi a
pour effet de retarder le dépôt du rap-
port de M. Goblet sur la première de-
mande de crédits supplémentaires pour
la Tunisie, concernant les dépenses effec-
tuées déjà ou à effectuer jusqu'au 31 dé-
cembre prochain.
On fera, en effet, un rapport unique
sur les deux ordres de dépenses. La dis-
cussion par la Chambre ne pourra avoir
lieu, par suite, que dans le courant de la
semaine prochaine.
—o—
M. Clémenceau a opté hier, à la Cham-
bre, pour la 211 circonscription du 18e ar-
rondissement de Paris. Il laisse vacant,
par suite, le siège de la lre circonscrip-
tion de ce même arrondissement et le
siège de l'arrondissement d'Arles. Les
électeurs de ces deux collèges électoraux
vont être convoqués pour le 18 décembre
prochain, à l'effet d'élire un nouveau
député.
- Toutes les options sont donc faites, à
l'exception d'une seule, celle de M. Hu-
rard, élu député dans les deux circons-
criptions de la Martinique. M. Hurard ne
peut d'ailleurs pas opter jusqu'à nouvel
ordre, car il n'est pas encore validé et
même son élection est sérieusement con-
testée.
Le nouveau ministre des arts avait for-
mé le projet d'installer ses bureaux dans
les anciennes écuries impériales près du
Champ-de-Mars, les bureaux actuels de
l'ancienne administration des beaux-arts
étant notoirement insuffisants vu l'exten-
sion des services du nouveau ministère.
Malheureusement les locaux des anciennes
écuries ne sont pas libres, et M. Antonin
Proust se trouve actuellement, comme
son collègue le nouveau ministre du com-
mercs, sans résidence déterminée.
-0-
Le ministre des arts doit se rendre pro-
chainemment à la commission des finances
du Sénat pour lui demander de vouloir
bien déposer le plus promptement pos-
sible son rapport sur le projet de f loi re-
latif à la vente des diamants de la cou-
ronne que la Chambre ancienne avait voté
sur l'initiative du ministère Ferry. M. An-
tonin Proust veut reprendre cette ques-
tion pour le compte du nouveau cabinet,
afin de pouvoir créer avec le produit de la
vente une caisse des musées nationaux
dont la dotation servirait à acheter des
objets d'art dignes d'enrichir nos collec-
tions nationales.
—o— .';'¡'
M. Cochery, ministre des postes et té- A
légraphes, s'est rendu hier à la commis-
sion des crédits supplémentaires - pour
donner quelques explications sur les cré-
dits qu'il réclame pour son ministère, et
qui s'élèvent à la somme de 3 millions et
demi.
A cette occasion, M. Cochery a fait un
un exposé complet des modifications ap-
portées au service des postes depuis qu'il
le dirige, c'est-à-dire du mois de décemi.
bre 1877 à aujourd'hui.
Cet exposé va faire d'ailleurs l'objet
d'un rapport au président de la Républi-
que, qui sera publié au Journal officiel.
Comme détail important, nous relève-
rons ce que le ministre a dit de l'accrois-
sement progressif du produit net des
postes. Ainsi, pour l'année 1881, M. Co-
chery a annoncé que le bénéfice net que
l'Etat recueillerait sur le service des pos-
tes serait de 38 millions. En 1880, ce bé.,
néfice n'avait été que de 25 millions, et en
1879 que de 23 millions.
Parmi les crédits demandés par le mi-
nistre, il y en a un de 200,000 francs qui
a pour but de couvrir les frais de pre-
mier établissement de la caisse d'épargne
postale. M. Cochery a annoncé que cette
caisse commencerait à fonctionner le
1er janvierprocain. La somme de200,000fr.
ne constitue d'ailleurs qu'une simple
avance qui doit être remboursée sur les
bénéfices que recueillera la caisse d'épar-
gne en question..
Parmi les autres crédits demandés par
M. Cochery, il yen a un de 500,000 francs
destinés à accor ier un supplément aux -
facteurs pour rémunérer le travail excep..
tionnel que leur ont imposé les élections
législatives du 21 août dernier. A ce sujet
le ministre a donné un détail curieux : le
nombre des objets transportés pendant la
période électorale par la poste, tels que
circulaires, bulletins de vote, journaux et
imprimés de toute sorte, s'élève au chiffre
énorme de 26,445,900.
Pour rémunérer ce supplément de tra-
vail, le ministre compte accorder une gra-
tification de 15 francs aux facteurs des
circonscriptions où le scrutin du 21 août
a donné un résultat définitif au premier
tour, et une gratification de 20 francs à
ceux dont le service exceptionnel s'est
prolongé jusqu'au 4 septembre à raison
des scrutins de ballottage; le nombre des
premiers s'élève à 21,912 et le nombre
des autres à 2,750.
—o—
MM. Edouard Lockroy et Naquet ont
déposé hier, sur le bureau de la Chambre,
un projet de résolution tendant à la no-
mination d'une commission de 22 mem-
bres, chargée d'étudier les moyens d'arri-
ver à la .suppression des octrois. Nous
publierons le texte de cette intéressante
proposition.
—————— ——————
Nous recevons la lettre suivante :
Paris, le 24 novembre 1881.
Monsieur le rédacteur,
Dans vos informations d'aujourd'hui, à pro.
pos d'une décision de la commission d'initia-
tive, vous dites : « Le rapport en a été confié
à M. le pasteur Steeg. » Vous me donnez là un
titre que je m'honore d'avoir porté longtemps,
mais auquel je n'ai plus droit aujourd hui. Il
a cessé avec les fonctions qui me l'avaient
conféré, et qui n'emporte It avec elle aucun
caractère indélébile. Démissionnaire depuis
plusieurs années, imprimeur et journaliste,
je n'ai plus aujourd'hui d'autre titre à récla-
mer que celui de député que je tiens de mes
électeurs.
Agréez l'assurance de ma considération la
plus distinguée,
IULES STEEG,
Député de la Gironde.
- —— - 1
LES ON-DIT
Il circule, en ce moment, parmi les
étudiants en droit, une pétition assez sin-
gulière.
Cette pétition, adressée au président da
conseil, lui demande la suppression du
barreau.
Les auteursde ladite pétition s'appuient
Feuilleton du RAPPEL
DU 26 NOVEMBRE
19
SON ALTESSE
^mmmmm
i
J t
j IV (sui(e)
D'autres grands Etats, qui n'àfàient au-
cun intérêt direct et immédiàt dans la
'question, se faisaient un malin plaisir de
'contrecarrer l'ambition des deux grands
Etats qui convoitaient le grand-duché. Non
pas qu'ils tinssent le moins du monde à ce
que laprincipauté centinuât,ounon, degar-
dersafameuseindcpendance.Mais,àl'exem-
ple du traditionnel chien du jardinier, ils
ne voulaient point souffrir que l'on se ré-
galât d'un chou dont ils ne pouvaient
manger eux-môme*. A tout le moins ré-
clamaient-ils des compensations de celui-
ci comme de celui-là.
« Prenez la principauté, disaient-ils,
soit ! Mais cédez-nous cette île, ou cette
- Voir le Rappel du 7 a ; 23 novembre.
6
colonie. Telle méchante vallée, et nous
topons! »
En somme, c'était une question qui du-
rait depuis des siècles, toujours pendante,
parfois brûlante, telle que, périodique-
ment, des centaines de mille hommes qui
s'en souciaient comme de leurs premiers
souliers, ne sachant seulement pas bien
où diable campait la peuplade érigée en
brandon de discorde, se tenaient prêts à
s'entr'égorger pour le bon plaisir de po-
tentats en humeur de reteindre leur pour-
pre royale dans des flots de sang humain,
pourvu, comme de raison, que ce ne fût
pas le leur.
Mais, au plus fort de la crise, quelque
médiateur survenait. Après un échange
interminable de notes diplomatiques, des
gens graves, et grassement payés, s'as-
semblaient dans une capitale, parlemen-
taient des mois, pour se disputer telle ou
telle place, autour d'une table, couverte
d'un tapis vert. Puis, une fois assis, s'ac-
cablaient de compliments, dont ils ne
pensaient pas un traître mot, se lisaient
des discours , se bombardaient d'argu-
ments, notifiaient réserves sur réserves,
pour aboutir à un protocole, qui, jetant
provisoirement un peu de cendre sur le
feu, sans contenter personne, laissait la
porte ouverte à toutes les compétitions,
rivalités et haines engagées.
Après cela, on allait dîner, en céré-
monie; non pour dîner agréablement,
mais pour toaster à l'amitié inaltérable de
souverains qui, à l'égard les uns des au-
tres, se disaient in petto.
— « Toi ! Je te repincerait. »
Et les bons contribuables ravis n'avaient
plus qu'à payer la carte ; bien que dîner,
protocole et discours n'eussent fait chaud
ni froid à la situation. Ainsi vont les cho-
ses politiques.
Et- voilà comment la principauté, que
deux voraces Etats se promettaient cons-
tamment de dévorer, n'était avalée par
aucun des deux et se maintenait dans
l'indépendance.
Mais, si cette indépendance nationale
poussait à la fierté le peuple et la bour-
geoisie du grand-duché, il en allait autre-
ment pour ce qui s'appelle « le meilleur
monde » dans tous les pays de l'Eu rope;
c'est-à-dire, pour ce qui subsistait de la
noblesse.
C'est qu'à l'abri de cette indépendance,
le souffle démocratique avait balayé les
antiques privilèges de cette classe qui,
réduite à ses propres mérites, ne brillait
guère.
Elle avait beau y suppléer par une in-
solence superbe, il lui fallait rester à son
plan, voir les vilains gravir à sa barbe les
degrés de la hiérarchie sociale ; il lui fallait
subir la volonté de « ces gens-là », obser-
ver leurs lois, leur obéirl - Partout où,
jadis, quelque descendant, plus ou moins
authentique, de preux, parvenait, rien
que par la vertu de sa naissance, un fils
de serf affranchi tenait la place, et com-
mandait, de par la force de ses talents.
Longtemps on avait pu lutter, grâce au
pouvoir occulte d'un monde clérical qui,
pour plier le dos au plus fort de l'orage,
reparaissait toujours avec le beau temps.
Cependant le crédit de cette pieuse et si-
lencieuse armée se ruinait peu à peu, tant
par des scandales fâcheux-que par sa
levée de boucliers contre la Constitution
elle-même.
Sans appui désormais, dépouillés du
prestige conventionnel qui, - durant tant
de siècles, avait masqué l'insuffisance de
cette caste, les nobles reconnaissaient
l'impossibilité de reprendre d'assaut, à eux
seuls, les positions d'où la plèbe les avait
délogés. Certains, le plus grand nombre,
se retranchaient dans une obscurité sus-
ceptible et maussade, se désintéressant de
la patrie et faisant des vœux secrets pour
qu'un cataclysme effondrât tout un édifice
politique et social qui les ravalait au rang
de citoyens.
D'autres, moins malhonnêtes et plus
pratiques, sanss abdiquer leur prétention
à la supériorité native, s'efforçaient de
reconquérir de l'influence, dans la direc-
tion des affaires publiques; ne fût-ce que
pour mettre des bâtons dans les roues.
Enfin, un petit clan de maladroits, les
sots du parti, profitaient de toute occasion
pour braver les institutions. Impudents
et braillards, ils allaient, jetant des cris
de rage impuissante, insultant les hommes
et les choses, vociférant des menaces co-
miques, un bêle de sabre de bois à la
main. a
Les boudeurs s'en montraient en-
chantés dans leur trou taciturne. Les
habiles les vouaient aux dieux infernaux,
sentant que les adversaires tiraient profit
du mépris que ces compromettants amis
infligeaient à l'aristocratie tout entière.
Malgré leur diplomatie, ces habiles,
autant que les autres, manquaient de
confiance, dans un revirement de l'es-
prit public, assez puissant pour les rame-
ner au pouvoir, et leur permettre d'en-
treprendre, légalement, une restauration
de l'ancien ordre de choses.
Sur qui compter? Le clergé, sans être
maté tout à fait, defenait timide. Songez
qu'un ministre avait osé arrêter un évê-
que en plein palais épiscopai, l'avait in-
carcéré dans une citadelle, et, après un
vote des Chambres, l'avait banni du ter-
ritoire, sans que les populations fussent
sorties de leur indifférence. A peine la
police eut-elle à disperser une centaine de
piaillards, quelque peu soudoyés.
Certes 1 le grand duc avait fait difficulté
d'apposer sa signature au bas du décret
de bannissement. Mais, devant la démis-
sion du ministère, devant le grondement
d'émeute qui s'élevait sous les fenêtres
du château, il avait surmonté ses répu-
gnances. -
Du même coup, il fallut qu'il consentit K
au rappel de son ambassadeur près de
saint-siège, tandis qu'on remettait ses
passeports au légat du pipe.
Rien à espérer de l'Eglise; rien non
plus de ce pauvre grand-duc qui, dit-on*
avait pleuré, quand, se contraignant à si-
gner les décrets il avait vu sa femme in- ,
dignée blêmir, en plein conseil privé, et
s'écrier : ')
— « Si la peur du sort de Louis XYI
vous fait pactiser avec les jacobins, faites;
mais, du moins, soyez assuré que la des-
tinée de Marie-Antoinette n'est pas pour
m'intimider!. » j,
Une nature cette grande-duchesse An--'
tonia 1 Et remarquez qu'elle appartenait 1
l'Eglise grecque, et que, pour elle, ce
même Très Saint Père le Pape ne valait
pas mieux qu'un évêque quelconque ; en-
core qu'elle le tint pour légèrement héré-
tique. Mais, fille d'un monarque absolu,
elle portait haut le respect du principe
d'autorité.
EDOUARD CADOL.
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