Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-03-31
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 31 mars 1873 31 mars 1873
Description : 1873/03/31 (N1130). 1873/03/31 (N1130).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7533510g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
199 Si 30; - Lundi 31 Mars 117JUa numéro 1 10 e. dm Départements i «î
11 germinal ftii fl7 -- X. 1130
RÉDACTION
MMMM au Secrétaire de la RêdactJoa
De i à 6 heures du lOir.
U. ICI DI VALOIS, Il '1000
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Let mamnctîts non insérés ne seront pu7:H
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ANNONCES
MM»' Ch. LAGRANGE, CERF et <2?
I. place de la Bourse. «
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ADMINISTRATION
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frela moi. 10 »
Six mois;..,,,.« 20 >
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Trois mois. ^3$f
Six mois..A.
Adresser lettres et mandat* 1
M: ERNEST LEFÈYRl
iUKIÎÏÏSTMTJSDt-Ô&RAiar W
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des de renouvellement, ou changement
d'adresse, d'une des dernières bandes im-
primées.
wmmsmumÊÊtFfmffrmmmmmffy » - Mmummtaam
m ADIEUX DE MILLEMONT
Les journaux bonapartistes ont eu le
soin touchant de transmettre à la posté-
rité les détails du grand et douloureux
événement qui a été discuté hier à l'As-
semblée de Versailles.
C'était le 12 octobre 1872. Diverses
personnes étaient dans un salon. Tout à
coup, la porte s'ouvrit, et on vit entrer
un commissaire de police. Ce commis-
saire demanda laquelle des personnes pré-
sentes était le prince Jérôme Napoléon Bo-
naparte?
Le prince se nomma. Le commis-
saire :
— Monseigneur, je suis chargé de vous
notifier un arrêt du ministre de l'inté-
rieur qui vous interdit l'entrée du terri-
toire français et qui m'enjoint, en outre,
de vous faire accompagner jusqu'à la fron-
tière.
Vingt-et-un ans auparavant, le cousin
de celui auquel on interdisait l'entrée du
territoire français avait « expulsé », non
pas un prince qui menaçait la paix publi-
que et qui conspirait contre le pays, mais
des citoyens qui défendaient le droit et la
loi. Le cousin de celui qu'un fonctionnaire
de la République appelait t(monseigneur »
avait, dans le décret officiel, qualifié les
expulsés d' « individus». Il est vrai que
ces « individus » étaient Victor Hugo,
Edgar Quinet, Charras, etc.
Le prince regarda le commissaire en
face :
— Je refuse d'obéir.
Ce mot fit apparaître le secrétaire du
préfet de police, M. Patinot, venu de
Paris tout exprès, un simple commissaire
ne suffisant pas pour un prince.
— Monsieur, s'écria le cousin du Deux-
Décembre, n'oubliez pas qu'il faudra
m'arrêter.
Le secrétaire et le commissaire n'é-
taient pas seuls. Ils avaient avec eux un
brigadier de gendarmerie et un gendar-
me, restés discrètement à la porte du sa-
lon. Le commissaire fit un signe au bri-
gadier. Le brigadier entra. Les specta-
teurs frémirent. On allait assister à une
de ces scènes poignantes qui sont les tra-
gédies de l'histoire. Le brigadier fit un
pas.
- Cela suffit, dit le prince. Je pars.
Quand l'empire, jadis, était revenu de
l'île d'Elbe, la royauté avait envoyé con-
tre lui des régiments, des généraux cé-
lèbres, le maréchal Ney, toute l'armée;
et toute l'armée n'avait pas été assez.
Contre le nouveau débarquement du bo-
napartisme, la République a envoyé un
brigadier et un gendarme, et le gen-
darme a été de trop. On revient plus
aisément de l'île d'Elbe que de Sedan.
Sur quoi, le commissaire rédigea un
procès-verbal, que le prince signa. Puis,
M. Patinot annonça que le président de
la République avait fait mettre à la dispo-
sition du prince et de sa suite un wagon-
salon.
Les wagons-salons que l'empire met-
tait à la disposition des citoyens qu'il ne
se contentait pas d'expulser, étaient les
pontons, où ils étaient entassés comme
des bestiaux avec des gueules de canons !
Jbraquées pour leur cracher la mort à
leur première protestation.
Un détail qui révolta les fidèles de Chis.
lehurst, c'est que le secrétaire du préfet
de police prévint le prince que le train
était pour minuit moins un quart, et qu'il
était temps de se mettre en route. Oui,
on eut cette barbarie de vouloir qu'un
prince subordonnât sa convenance à
l'heure d'un train, sous prétexte que c'é-
tait un train spécial, dont l'inexactitude
aurait pu causer des accidents terribles.
C'est pour cette considération puérile
qu'on obligea une Altesse à se presser 1
Ce fut un moment navrant quand le
prince monta en voiture. Il y eut des
larmes. La légende impériale avait déjà
les Adieux de Fontainebleau; elle a main-
tenant les Adieux de Millemont. L'oncle
avait signé l'acte d'abdication ; le neveu a
signé le procès-verbal. L'oncle du Deux-
Décembre avait eu affaire à la Russie, à
l'Angleterre, à la Prusse, etc. Le neveu
du Dix-Huit-Brumaire a eu affaire à un
commissaire de police, à un brigadier de
gendarmerie et à l'ombre d'un gendarme.
Les proportions sont gardées.
C'est de cela que demandait justice à
une Assemblée le cousin de celui qui a
jeté une Assemblée par la fenêtre. C'est
d'avoir été envoyé vivre princièrement
dans ses terres et dans ses palqis que se
plaignait le cousin — et le complice, puis-
qu'il a partagé — de celui qui a envoyé
tant de bons citoyens crever sous le soleil
de Cayenne.
Ah 1 nous ne voulons d'arbitraire pour
personne, nous voulons la loi pour tous,
nous aurions été pour qu'on laissât ce
prince en France, qu'on le surveillât, et
qu'à la première preuve de conspiration
on le jugeât et on le condamnât à ce qu'il
aurait mérita Mais quand le bonapar-
tisme ose se plaindre d'avoir été mis en
wagon-salon, quand il oublie ce qu'il est
jusqu'à se faire accusateur, quand il a le
front de prononcer le mot d'expulsion il-
légale, la conscience pudique se sent ou-
tragée, et la réponse qui vient d'elle-
même aux lèvres est un cri indigné.
Expulsion illégale, soit, parlons-en
des expulsions illégales 1 Mais commen-
çons par les premières, par celles d'il y a
vingt ans. Commençons par les représen-
tants du peuple, les généraux, les écri-
vains, les commerçants, les ouvriers, les
paysans, saisis pêle-mêle et arrachés du
sol natall Occupons-nous d'abord des mil-
liers de citoyens jetés à Londres, à
Bruxelles, à Jersey, à Lambessa, à Cayen-
ne, chassés, traqués, transportés, dépor-
tés, pour avoir fait leur devoir 1 Que le
bonapartisme leur rende compte de leur,
carrière brisée, de leur industrie, perdue,
de leurs vingt ans sans patrie, sans fa-
mille, souvent sans pain, de leurs vieux
parents qu'ils n'ont pas retrouvés au re-
tour, du climat meurtrier, de tout ce qui
en a tué tant ! Que le bonapartisme
rende compte aux vivants et aux morts 1
Ce sera son tour de se plaindre quand
il aura remboursé tous ceux qu'il a vo-
lés et quand il aura ressuscité tous ceux
qu'il a assassinés.
AUGUSTE VACQUERIE.
LA SÉANCE
Il s'en est fallu de bien peu, de 27 voix
seulement, que la droite ne renversât hier
le ministère et n'installât, sur ses débris,
le gouvernement de combat. C'est en
faveur des bonapartistes et au nom du
respect de la loi que, par un rapproche-
ment qui semble une ironie, la droite a
entrepris cette nouvelle campagne. Ainsi,
et c'est là ce qu'il faut constater tout d'a-
bord, voilà le fruit de toutes les conces-
sions si imprudemment prodiguées aux
monarchistes depuis trois mois. A la pre-
mière occasion, aussitôt que M. Thiers
n'est plus là pour les tenir en respect, ils
montent à l'assaut des portefeuilles et,
dans l'espoir de provoquer une nouvelle
crise, ils se constituent, contre le gouver-
nement, les champions du prince Napo-
léon.
Ah! nous savons bien ce que diront
les légitimistes qui ont ainsi pris en main
la cause des hommes de Décembre ; nous
savons bien ce que diront messieurs
Fresneau, Depeyre et tous les membres
de la droite qui ont épargné à M. Rouher
l'embarras de plaider lui-même pour son
prince. Les hommes de la droite et du
centre droit invoqueront, comme l'ont
fait leurs orateurs, les principes inviola-
bles, le droit sacré de la liberté indivi-
duelle ; ils répudieront avec indignation
la politique de la raison d Etat. Tout cela
est fort beau ; mais à qui prétend-on en
imposer avec cette ardeur si nouvelle, ce
respect si inattendu pour la liberté?
M. Depeyre, par exemple, a protesté
avec emphase contre les rigueurs politi-
ques; devant toute l'Assemblée, et, aux
applaudissements de la droite, il s'est hau-
tement vanté de n'avoir jamais approuvé
une mesure contraire aux principes im-
muables de la justice.
Eh bien! nous poserons une question
à M. Depeyre et nous lui demanderons
si ces principes, qu'il invoque aujour-
d'hui, ont toujours été sauvegardés dans
l'ensemble des mesures répressives qui
ont suivi la guerre civile. Nous lui de-
manderons, notamment, si, en attri-
buant à une vingtaine de conseils de
guerre, jugeant les uns à Versailles, les
autres à Chartres, les autres ailleurs, la
connaissance partielle des faits nécessai-
rement indivis d'une même insurrection,
on obéissait aux règles fixes de la justice
et du droit, ou bien à des considérations,
à des - nécessités - de circonstance.
Est-ce que M. Depeyre, en sa-qualité de
jurisconsulte, ou quelqu'un de ses amis, est
venu alors s'élever contre les exigences de
la raison d'Etat et réclamer, conformé-
ment au droit, aux principes, aux néces-
sités d'une bonne justice, une instruction
unique et un tribunal unique? Nous ne
l'avons jamais entendu dire.
Par conséquent, elle est jugée, cette
passion subite des monarchistes pour le
droit toujours sacré, toujours inviolable;
elle est jugée, et ce n'est pas la droite de
l'Assemblée actuelle laquelle, depuis deux
ans, n'a cessé de pousser à une politique de
violence et de combat, qui peut aujour-
d'hui venir nous parler de son respect des
principes et de son amour des lois.
Aussi, dans cette bataille livrée hier au
gouvernement par les monarchistes, au
profit et sous le drapeau des bonapartis-
tes, le pays ne verra que ce qu'il y a réel-
lement : une tentative cynique pour s'em-
parer de quelques ministères en frappant
d'un blâme indirect la conduite du gou-
vernement.
Cette tentative, nous l'avons dit, n'a
échoué que faute d'une trentaine de voix,
et c'est ainsi, qu'une fois encore, le gou-
vernement est sauvé et la crise conjurée,
grâce au vote de la gauche radicale. Est-
il possible que les plus prévenus, les plus
aveugles ne finissent pas par comprendre
de quel côté le repos public est sans cesse
menacé, de quel côté on le défend avec
une abnégation, une persévérance infati-
gable?
C'est M. Dufaure qui, au nom du gou-
vernement, a soutenu la discussion. On a
généralement trouvé que le garde des
sceaux n'avait point montré, dans ce dé-
bat, et surtout dans la première partie de
son discours, son habileté et sa puissance
oratoires ordinaires. La critique nous
semble juste, mais il faut tenir compte de
la situation que le gouvernement s'était
faite par une première faute, lorsqu'il per-
mit au prince Napoléon de se rendre en
Corse au conseil général. En dépit de
toute son habileté, M. Dufaure ne pouvait
masquer la contradiction évidente qu'ac-
cusait la conduite du pouvoir dans toute
cette affaire. Peut-être, au lieu de plaider
les circonstances atténuantes, le plus
simple eût-il été de rappeler à l'Assem-
blée que M. Thiers avait toujours jueré
nécessaire une loi spéciale contre les
membres des anciennes familles ré-
gnantes.
Mais nous n'avons pas à nous préoccu-
per des contradictions dans lesquelles le
gouvernement peut être engagé, et, quant
à nous, en voyant appliquer des expé-
dients politiques auxquels nous sommes,
en principe, opposés, nous devons cons-
tater que, si l'on est forcé aujourd'hui de
frapper les Bonaparte avec la justice poli-
tique, c'est parce qu'on les a soustraits à
la justice ordinaire, à laquelle ils appar-
tenaient.
Si, au lieu de les maintenir en place,
et même de leur donner de l'avancement,
on avait poursuivi, à défaut des grands
coupables morts ou contumax, tous les
complices principaux de cette longue
suite de crimes de droit commun d'où
l'empire est sorti et par lesquels il a vécu,
il ne serait point nécessaire aujourd'hui
de réclamer des mesures d'exception,
nécessaires peut-être, mais toujours re-
grettables.
M. Dufaure a flétri hier le régime im-
périal en termes très éloquents. C'est fort
bien; mais lorsqu'il avouait, un instant
après, que la plupart des fonctionnaires
de ce régime étaient encore en place,
comment ne s'apercevait-il pas qu'il por-
tait, contre le gouvernement dont il est
membre, la plus frappante des accusa-
tions?
De deux choses l'une, en effet : ou
l'empire a été un gouvernement régulier,
pareil à tous les autres, ou bien il a été
ce que dit M. Dufaure, une aventure
odieuse et ridicule à la fois, un crime
permanent. Dans le premier cas, il ne
faut plus jeter le blâme aux hommes qui
l'ont servi ; dans le second cas, il faut en
faire justice.
M. Dufaure et M. de Goulard lui-même
ont, sans trop faiblir, repoussé l'ordre du
jour proposé par la commission, et qui,
sous prétexte de rendre hommage aux
principes, frappait en plein le président
de la République et ses ministres. Afin
de calmer, dans l'avenir les scrupules de
légalité de la droite, M. le garde des
sceaux a déposé un projet de loi autori-
sant le gouvernement à user de ce droit
d'expulsion dont l'usage était critiqué.
La commission, se croyant sûre de vain-
cre, a refusé, malgré cette concession,
d'accepter l'ordre du jour pur et simple
réclamé par le gouvernement.
On a vu alors tous les aides de camp
des hommes de combat aller, de banc en
banc, porter le mot d'ordre de la conspi-
ration qu'un orateur du centre gauche,
M. de Choiseul, avait brutalement et cou-
rageusement démasquée. La confiance
des royalistes dans le succès était absolue;
ils se congratulaient et peut-être déjà se
distribuaient les portefeuilles.
Mais quelques abstentions s'étant pro-
duites dans leurs rangs, et la gauche, au
contraire, ayant donné avec ensemble, la
coalition orléano-Iégitimo-bonapartiste a
été battue par 347 voix contre 29 i.
C'était déjà une bonne chose de voir les
royalistes s'allier aux bonapartistes; c'en
est une meilleure de voir les trois enne-
mis de la République enveloppés dans
une commune défaite.
A. GAULIER.
PHYSIONOMIE DE LA SÉUNd
Les bonaparteux sont venus en foule.
Les loges des deux rangs sont pleines
de ces physionomies spéciales qui sont
d'uniforme dans le parti. A cela, ajoutez
force dames en grand costume. L'in-
fluence du printemps se fait sentir sur les
toilettes. Ce ne sont, aux chapeaux, que
broussailles pleines de verdure, et buis-
sons d'avril : il y en a qui portent sur
la tête tous les jardins suspendus de feu
Sémiramis.
M. Fresneau est à la tribune.
On sait que M. Fresneau n'est pas tout
à fait le premier venu. Orateur très remar-
qué en 48, orateur excentrique aujour-
d'hui, il a des saillies et des tours qui ne
sont qu'à lui. Quand il va bien, rien de
mieux : c'est amusant, c'est étrange, et
cela porte juste quelquefois. Mais quand
il déraille, il ne déraille pas à moitié; Ga-
gne est fade auprès de lui; aujourd hui, il
a déraillé.
Aussi avons-nous nagé tout le temps
dans le burlesque, dans le fantastique.
C'était vraiment divertissant de voir ce pe-
tit homme sec, remuant, frétillant, .dé-
rouler ses coqs à-l'âne au milieu des rires
et des interruptions. M. de Belcastel veil-
lait sur lui avec amour. Et certes, jamais
bourdon dans l'air, ou ivrogne sur un trot-
toir, ne traça des zigzags plus étourdis-
sants que les idées de M. Fresneau, député
de la droite.
a 0 a
C'est une surprise perpétuelle. Les cho-
ses les plus incohérentes vous arrivent
coup sur coup. On est saisi par la phrase
suivante : « Il n'y a qu'un mandat d'ame-
ner,mais il y a eu deux captures,un prince et
une princesse.» Un instant s'écoule, puis :
« J'étais à l'état de mousse, mais de mousse
révolté.»Du mousse, nous passons au« sang
de la maison de Savoie » qui a donné, sui-
vant M. Fresneau, une belle-fille à Char-
les VII et une mère à Francois Ier. Ceci
touche au tableau d'histoire. On voit Fran-
çois Ier, dépourvu de mère, et cherchant
à s'en procurer une. Le sang de la maison
de Savoie lui dit : « J'ai votre affaire»
Mais ce qui suit est plus drôle. Ce « sang
illustre, (c'est Fresneau qui parle), a été
conduit comme un malfaiteur entre deux
gendarmes » Voilà un sang qui a dû s'en
faire bien du mauvais.
Après quoi, M. Fresneau s'écrie :
« Je vais parler de bon sens ». - Com-
ment! vous! allons donc! - Cette idée
seule provoque une longue hilarité. Voici
un échantillon de ce bon sens : « La Ré-
publique espagnole n'est pas pour nous
une sœur. - Ce n'est pas non plus un
frère. »
A la fin, on est étourdi ; tout cela vous
bourdonne et vous tourbillonne tant aux
oreilles qu'on en perd la tête; on entend
passer vaguement cette phrase qui vaut les
autres : « Il y a aussi un chrétien qui des-
cend de sa voiture, et qui se trouve sur le
pavé devant le Dieu de ses ancêtres » (sic) ;
et on s'aperçoit confusément que M. Fres-
neau finit son discours contre les conclu-
sions de la commission. Il lit un projet
d'ordre du jour à lui, et finit par nous an-
noncer qu'il le sacrifie et se rattache à ce-
lui de la commission. Alors pourquoi
avez-vous parlé, ô Fresneau? Mais ne scru-
tons pas ces choses étranges et ne deman-
dons pas la moindre logique à ce long
rêve fait tout haut.
•••
Après ce début un peu bouffon, et qui
ne faisait guère présager la suite, on se
demandait : « A qui le tour? » Et la tri-
bune restait vide. Il fallait pourtant en fi-
nir. M. Dufaure grimpe les marches. Et fi-
V
dèle à ses habitudes oratoires, en deux
mots il exécute le malheureux Fresneau.
« Je vous prie de croire, dit le garde des
sceaux, que je ne viens pas répondre à ce
que vous venez d'entendre. » Cela prononcé
du ton que vous savez. Mais, hélas! il n'est
pas si aisé de continuer. M. Dufaure le
sait bien. La droite est malveillante, la
droite a ses cerfs; on la sent hostile dès
les premiers mots. La causé est délicate.
La gauche se réserve. Visiblement, M. Du-
faure est embarrassé, embourbé.
Est-ce même bien M. Dufaure que nous
entendons ? On le croirait à peine. Quoi !
c'est là cet orateur si maître de lui, si
âpre, si direct, si logique, dont la phrase
joue avec la précision et la sûreté d'une
machine, et dont le raisonnement se dé-
ploie avec une rigueur mathématique ? Il
tâtonne, il hésite, il est vague, il essaie
une pointe d'un côté; il la manque; il
tente un autre côté, puis revient. Son au-
ditoire, démonté, ne le suit plus. On inter-
rompt, et il a des gestes de colère et de
désappointemeot. Il souffre visiblement,
il est navré, et c'est à peine si le dépit lui
rend parfois des mots où l'on retrouve le
Dufause connu. Il fait des maladresses
comme celle qui suit : « Nous ignorions
que la princesse fût avec le prince. » Mur-
mure unanimed'incrédulité. Il rachète vite
sa faute par ce mot terrible : « La princesse
Clotilde, qui n'a laissé en France, elle,
que les souvenirs les plus purs et les plus
honorables. »
Pendant qu'il raconte les faits de l'arres-
tation, M. Rouher demande la parole.
M. Dufaure essaye le grand moyen
de succès. Il se dit : « Tombons les ra-
dicaux ». Et le voilà qui, sous le préttxte
insuffisant de dépeindre l'état de la France
au moment où le moins belliqueux des
princes ai rivait (c'est un peu tiré par les
cheveux), le voilà, dis-je, qui se jette dans
des phrases enflées sur les affaires de
Nantes, sur les voyages de Gambetta, etc.
La ficelle était si visible qu'il n'y a pas
eu un « très bien ! » ni un signe approbatif
à droite. Alors M. Dufaure s'est décidé à
prendre la question par son vrai côté.
***
Enfin! il était temps! Cette fois, il a re-
trouvé sa verve! Et malheur à qui lui
tombe sous la patte! Le gros monsieur
Galloni d'Istria, un Corse qui crie souvent,
mais qui ne parle jamais et que la tiibune
ignoie encore, surgit du mâquis bonapar-,
tiste, et se prend à lancer un cri. Sur quoi
M. Dufaure, de cette voix qui fait mordre
la raillerie :
« Que M. Gavini me laisse développer
ma pensée, et je lui cède la tribune. »
On rit. — Au fait, qu'en ferait-il? Mais
le Corse ne se tient pas pour battu, et re-
nouvelle son cri. Alors M. Dufaure, joyeu-
sement : — « Puisque c'est entendu que
vous allez avoir la tribune. »
Et il continue. Et les murmures le har-
celant, il retrouve toute sa vigueur.
« C'est bien, dit-il, si vous tenez à ce
que je vous relise la proclamation de la
déchéance, la voici. » Et il lit à l'Assem-
blée la résolution décisive qu'elle a votée
contre l'empire. Cette fois, c'est une salve
d'applaudissements dans toute la gauche ;
quelques applaudissements éclatent aÀssi
dans la droite, jusqu'aux bancs des bona-
parListes qui sont furieux, et qui se dres-
sent exaspérés. Des claquements de mains
sonnent à faucher les oreilles de Galloni,
devenu pourpre comme un tison.
M. Dufaure termine fort bien son dis-
cours mal commencé. Il finit par un ta-
bleau très énergique du 2 décembre. Et à
ce souvenir la gauche éclate; la droite,
plus tiède, ne veut pas pourtant paraître
approuver l'attentat. Et les habitants des -
mâquis ne savent plus où se fourrer.
.-.
Sera-ce enfin M. Rouher? Pas encore.
Voici M. Depeyre.
Singulier rôle que celui des bonapartistes
dans cette discussion ! Les partisans de la
mesure les écrasent; leurs alliés sont hon-
teux d'eux; et ceux même qui attaquent
le gouvernement, commencent par cette
précaution oratoire : « Nous avons hor-
reur de l'empire. » Le malheureux prince
est maltraité par tout le monde, par
Fresneau, par Dufaure, et ils se taisent 1
Et ils se cachent! S'ils montraient le bout
de leur nez, ils gâcheraient toute leur
affaire 1 Leur seule chance de succès dans
leur discussion d'aujourd'hui, c'est de
mettre en avant des gens qui disent : « Au
moins, nous avons autant de dégoût que
vous pour le Deux-Décembre. p
M. Depeyre ne manque pas de talent; mais
il est avocat, et avocat.du genre déclamatoi-
re. Son emphase, qui vient de lallaute-Ga-
ronne, et on le voit, lui joue les plus mau-
vais tours. Aussi, avec des qualités réelles,
d habileté surtout, est-il volontiers détes.
table; c'est, à notre avis, ce qu'il a été au-
jourd'hui.
Il a surtout un organe curieux, mélo-
dramatique, chantant et tremblotant, qui
devient de plus en plus ridicule à me-
sure que M. Depeyre veut être de
plus en plus magnifique. Dans le genre
tempéré et pour les phrases ordinaires, il
tire sa voix de sa poitrine. Dans les phra-
ses émues, il l'arrache de ses talons.
Dans les passages tout à fait sublimes, la
voix descend, descend, dans le w&ttotaXN
de la tribune, puis dans les caves.
vibre de plus en plus ; ce trémofb sso
rain finit par dérider tout le ce
quand il semble arriver, d'étage e enn
au Jond d'un puits, on éclate de rire. "s
Cependant, la droite, d'abord froide.,
finit par être ressaisie par son orateur, qti
garde, même dans ses phrases les plus
prétentieuses, une certaine adresse. M. Vj
Dupanloup surtout paraît enchanté. Il
s'est dressé pour mieux écouter. Mais c'est
bien drôle de voir défiler ces phrases habil-
lées aux vieilles modes de 1826! M. Thiers
y est traité quelque part d'à inutile Cas-
sandre » (rien de Colombine). Ces cho-
ses-là prennent encore sur les droitiers,
et quand M. Depeyre descend de la tri-
bune, toute la droite se lève pour venir le
féliciter. Mgr Dupanloup, attaché au ri-
vage par sa grandeur, témoigne sa satis-
factieu par une pantomime animée. Seul,
un jeune et bel officier, M. Changarnier,
s'est retourné, et lorgne les dames des tri-
bunes, comme au spectacle.
Cependant, on entoure M. Dufaure. Sans
doute, on le prie de reculer. Autant qu'on
peut juger d'après une nuque, car c'est
tout ce que nous voyons du garde des
sceaux, — il refuse, et même il s'emporte.
Le séraphique d'Orléans, M. de Belcastel,
y perd son mysticisme.
«F
m «
M. de Choiseul commence bien. Il s'é-
tonne qu'on ait attendu, pour amener la
question, l'e moment où elle pouvait faire
échec au gouvernement. Il coatinue moins
bien ; il laisse échapper quelques argu-
ments maladroits qui nuisent plus à sa
propre cause qu'à ed.'e de ses adversai-
res. Ses paroles, d'ailleurs courtes, sont
fort interrompues. Puis il reproche à la
droite d'attaquer toujours le gouverne-
ment.
M. de Larochefoucauld-Bisaccia demande
la parole.
On regarde ce gros jeune homme tout
fleuri, tout rose, tout souciant, que le des-
tin ironique a affublé d'un nOm illustre. Il
serait si bien en Léotard! ou en Capoul !
Et c'est lui qui veut parler? mais son se-
crétaire ne lui a pas préparé son discours !
Aussi, quand M!* de Choiseul descend
de la tribune, ce n'est pas le jeune Laro-
chefoucauld qui y monte, c'est le jeune
Castellane. Heureusement qu'il en descend
aussitôt. Pourquoi donc ? Coup de théâ-
tre 1 M. Dufaura reprend la parole.
***
On est inquiet. On a vu si souvent le
gouve.rnement reculer au dernier mo-
ment! On se rassure bientôt. M. Dufaure a
été touché au vif par la réponse de M. De-
peyre. On le sent irrité, décidé. En quel-
ques mots, il a brûlé ses vaisseaux. On l'a
exaspéré. Il se redresse. Il se jette carré.
ment à gauche. Il met dans le même sac
Napoléon IV et Henri V.
Ci-gît l'orateur chéri de la droite.
Personne n'est plus nerveux que cet
orateur qui passe pour être si froid,
si maître de lui. En un quart d'heure
de colère, il a jeté à l'eau toute sa
:W:iJique de six mois. Il est presque pro-
®fWant. Il demande (de ce ton dont on
exige), non plus seulement l'ordre du jour
pur et simple, mais encore une loi fermant
le territoire aux Bonaparte. -
O^Tdevine le tumulte. C'est une déclara-
tion de guerre. M. Depeyre y répond, en
maintenant purement et simplement l'or-
dre du jour de la commission.
Qui se fût attendu à la suite? Après
M. Dufaure, voici M. de Goulard qui passe
à gauche, lui aussi! Quoi! vraiment! jus-
qu'au Benjamin de la droite! Mon Dieu !
oui. C'est un jacobin, maintenant!
Il ne restait plus qu'à vot^r. M. de Bro-
glie était allé prévenir M. Dufaure à son
banc, que lui et ses amis voteraient contre
le gouvernement. — Faites ! si vous le
renversez, vous tâcherez de le remplacer!
avait répondu le garde des Sceaux.
Eh bien ! malgré les orléanistes, le gou-
vernement a eu la majorité.
Et l'on part, en songeant avec plaisir
que cette belle alliance des centres est par
terre. Elle n'a pas duré longtemps.
CAMILLE PELLET AN.
Un journal officieux, qu'on pourrait ap-
peler un journal-ministre, comme on au-
rait pu l'appeler, sous l'empire, un jour-
nal-sénateur, le Journal des Débats, dé-
clare, avec toute la solennité qu'il peut,
que M. de Rémusat « ne décline pas » la
candidature qui lui a été offerte par les
maires du gouvernement. C'est la manière
académique de dire qu'il l'accepte.
En attendant que la candidature de M.
de Rémusat soit aussi officiellement ac-
ceptée qu'elle a été officiellement propo-
sée, ses partisans ne font pas preuve d'une
grande imagination, car les voici qui em-
ploient pour son succès un moyen qui
leur a déjà servi il y a plus d'un an.
Un député qui a été m'aire, et qui mérite
de le redevenir, M. Pernolet, écrit au mê-
me Journal des Débats une lettre qu'il ter-
mine par cette promesse à la République
si M. de Rémusat est nommé :
11 germinal ftii fl7 -- X. 1130
RÉDACTION
MMMM au Secrétaire de la RêdactJoa
De i à 6 heures du lOir.
U. ICI DI VALOIS, Il '1000
--- /JV
Let mamnctîts non insérés ne seront pu7:H
-
ANNONCES
MM»' Ch. LAGRANGE, CERF et <2?
I. place de la Bourse. «
~Nt~ ~~t~t~ &i ~N
~t M N att at~~ !N H M tt M ttt
))) t tj t j j j'-
■■■■ LE RAPPEL■«■■a MI Mm
ADMINISTRATION
tsm- J". DI ""LOU;.I
aboiieseiii
riiu
frela moi. 10 »
Six mois;..,,,.« 20 >
DÉPiaTKMBHTià , -
Trois mois. ^3$f
Six mois..A.
Adresser lettres et mandat* 1
M: ERNEST LEFÈYRl
iUKIÎÏÏSTMTJSDt-Ô&RAiar W
Nous prions ceux de nos abonnés dont
l'abonnement expire le 1er avril de vou-
loir bien le renouveler sans retard, pour
éviter toute interruption dans la récep-
tion du journal. -
Il est utile d'accompagner les deman-
des de renouvellement, ou changement
d'adresse, d'une des dernières bandes im-
primées.
wmmsmumÊÊtFfmffrmmmmmffy » - Mmummtaam
m ADIEUX DE MILLEMONT
Les journaux bonapartistes ont eu le
soin touchant de transmettre à la posté-
rité les détails du grand et douloureux
événement qui a été discuté hier à l'As-
semblée de Versailles.
C'était le 12 octobre 1872. Diverses
personnes étaient dans un salon. Tout à
coup, la porte s'ouvrit, et on vit entrer
un commissaire de police. Ce commis-
saire demanda laquelle des personnes pré-
sentes était le prince Jérôme Napoléon Bo-
naparte?
Le prince se nomma. Le commis-
saire :
— Monseigneur, je suis chargé de vous
notifier un arrêt du ministre de l'inté-
rieur qui vous interdit l'entrée du terri-
toire français et qui m'enjoint, en outre,
de vous faire accompagner jusqu'à la fron-
tière.
Vingt-et-un ans auparavant, le cousin
de celui auquel on interdisait l'entrée du
territoire français avait « expulsé », non
pas un prince qui menaçait la paix publi-
que et qui conspirait contre le pays, mais
des citoyens qui défendaient le droit et la
loi. Le cousin de celui qu'un fonctionnaire
de la République appelait t(monseigneur »
avait, dans le décret officiel, qualifié les
expulsés d' « individus». Il est vrai que
ces « individus » étaient Victor Hugo,
Edgar Quinet, Charras, etc.
Le prince regarda le commissaire en
face :
— Je refuse d'obéir.
Ce mot fit apparaître le secrétaire du
préfet de police, M. Patinot, venu de
Paris tout exprès, un simple commissaire
ne suffisant pas pour un prince.
— Monsieur, s'écria le cousin du Deux-
Décembre, n'oubliez pas qu'il faudra
m'arrêter.
Le secrétaire et le commissaire n'é-
taient pas seuls. Ils avaient avec eux un
brigadier de gendarmerie et un gendar-
me, restés discrètement à la porte du sa-
lon. Le commissaire fit un signe au bri-
gadier. Le brigadier entra. Les specta-
teurs frémirent. On allait assister à une
de ces scènes poignantes qui sont les tra-
gédies de l'histoire. Le brigadier fit un
pas.
- Cela suffit, dit le prince. Je pars.
Quand l'empire, jadis, était revenu de
l'île d'Elbe, la royauté avait envoyé con-
tre lui des régiments, des généraux cé-
lèbres, le maréchal Ney, toute l'armée;
et toute l'armée n'avait pas été assez.
Contre le nouveau débarquement du bo-
napartisme, la République a envoyé un
brigadier et un gendarme, et le gen-
darme a été de trop. On revient plus
aisément de l'île d'Elbe que de Sedan.
Sur quoi, le commissaire rédigea un
procès-verbal, que le prince signa. Puis,
M. Patinot annonça que le président de
la République avait fait mettre à la dispo-
sition du prince et de sa suite un wagon-
salon.
Les wagons-salons que l'empire met-
tait à la disposition des citoyens qu'il ne
se contentait pas d'expulser, étaient les
pontons, où ils étaient entassés comme
des bestiaux avec des gueules de canons !
Jbraquées pour leur cracher la mort à
leur première protestation.
Un détail qui révolta les fidèles de Chis.
lehurst, c'est que le secrétaire du préfet
de police prévint le prince que le train
était pour minuit moins un quart, et qu'il
était temps de se mettre en route. Oui,
on eut cette barbarie de vouloir qu'un
prince subordonnât sa convenance à
l'heure d'un train, sous prétexte que c'é-
tait un train spécial, dont l'inexactitude
aurait pu causer des accidents terribles.
C'est pour cette considération puérile
qu'on obligea une Altesse à se presser 1
Ce fut un moment navrant quand le
prince monta en voiture. Il y eut des
larmes. La légende impériale avait déjà
les Adieux de Fontainebleau; elle a main-
tenant les Adieux de Millemont. L'oncle
avait signé l'acte d'abdication ; le neveu a
signé le procès-verbal. L'oncle du Deux-
Décembre avait eu affaire à la Russie, à
l'Angleterre, à la Prusse, etc. Le neveu
du Dix-Huit-Brumaire a eu affaire à un
commissaire de police, à un brigadier de
gendarmerie et à l'ombre d'un gendarme.
Les proportions sont gardées.
C'est de cela que demandait justice à
une Assemblée le cousin de celui qui a
jeté une Assemblée par la fenêtre. C'est
d'avoir été envoyé vivre princièrement
dans ses terres et dans ses palqis que se
plaignait le cousin — et le complice, puis-
qu'il a partagé — de celui qui a envoyé
tant de bons citoyens crever sous le soleil
de Cayenne.
Ah 1 nous ne voulons d'arbitraire pour
personne, nous voulons la loi pour tous,
nous aurions été pour qu'on laissât ce
prince en France, qu'on le surveillât, et
qu'à la première preuve de conspiration
on le jugeât et on le condamnât à ce qu'il
aurait mérita Mais quand le bonapar-
tisme ose se plaindre d'avoir été mis en
wagon-salon, quand il oublie ce qu'il est
jusqu'à se faire accusateur, quand il a le
front de prononcer le mot d'expulsion il-
légale, la conscience pudique se sent ou-
tragée, et la réponse qui vient d'elle-
même aux lèvres est un cri indigné.
Expulsion illégale, soit, parlons-en
des expulsions illégales 1 Mais commen-
çons par les premières, par celles d'il y a
vingt ans. Commençons par les représen-
tants du peuple, les généraux, les écri-
vains, les commerçants, les ouvriers, les
paysans, saisis pêle-mêle et arrachés du
sol natall Occupons-nous d'abord des mil-
liers de citoyens jetés à Londres, à
Bruxelles, à Jersey, à Lambessa, à Cayen-
ne, chassés, traqués, transportés, dépor-
tés, pour avoir fait leur devoir 1 Que le
bonapartisme leur rende compte de leur,
carrière brisée, de leur industrie, perdue,
de leurs vingt ans sans patrie, sans fa-
mille, souvent sans pain, de leurs vieux
parents qu'ils n'ont pas retrouvés au re-
tour, du climat meurtrier, de tout ce qui
en a tué tant ! Que le bonapartisme
rende compte aux vivants et aux morts 1
Ce sera son tour de se plaindre quand
il aura remboursé tous ceux qu'il a vo-
lés et quand il aura ressuscité tous ceux
qu'il a assassinés.
AUGUSTE VACQUERIE.
LA SÉANCE
Il s'en est fallu de bien peu, de 27 voix
seulement, que la droite ne renversât hier
le ministère et n'installât, sur ses débris,
le gouvernement de combat. C'est en
faveur des bonapartistes et au nom du
respect de la loi que, par un rapproche-
ment qui semble une ironie, la droite a
entrepris cette nouvelle campagne. Ainsi,
et c'est là ce qu'il faut constater tout d'a-
bord, voilà le fruit de toutes les conces-
sions si imprudemment prodiguées aux
monarchistes depuis trois mois. A la pre-
mière occasion, aussitôt que M. Thiers
n'est plus là pour les tenir en respect, ils
montent à l'assaut des portefeuilles et,
dans l'espoir de provoquer une nouvelle
crise, ils se constituent, contre le gouver-
nement, les champions du prince Napo-
léon.
Ah! nous savons bien ce que diront
les légitimistes qui ont ainsi pris en main
la cause des hommes de Décembre ; nous
savons bien ce que diront messieurs
Fresneau, Depeyre et tous les membres
de la droite qui ont épargné à M. Rouher
l'embarras de plaider lui-même pour son
prince. Les hommes de la droite et du
centre droit invoqueront, comme l'ont
fait leurs orateurs, les principes inviola-
bles, le droit sacré de la liberté indivi-
duelle ; ils répudieront avec indignation
la politique de la raison d Etat. Tout cela
est fort beau ; mais à qui prétend-on en
imposer avec cette ardeur si nouvelle, ce
respect si inattendu pour la liberté?
M. Depeyre, par exemple, a protesté
avec emphase contre les rigueurs politi-
ques; devant toute l'Assemblée, et, aux
applaudissements de la droite, il s'est hau-
tement vanté de n'avoir jamais approuvé
une mesure contraire aux principes im-
muables de la justice.
Eh bien! nous poserons une question
à M. Depeyre et nous lui demanderons
si ces principes, qu'il invoque aujour-
d'hui, ont toujours été sauvegardés dans
l'ensemble des mesures répressives qui
ont suivi la guerre civile. Nous lui de-
manderons, notamment, si, en attri-
buant à une vingtaine de conseils de
guerre, jugeant les uns à Versailles, les
autres à Chartres, les autres ailleurs, la
connaissance partielle des faits nécessai-
rement indivis d'une même insurrection,
on obéissait aux règles fixes de la justice
et du droit, ou bien à des considérations,
à des - nécessités - de circonstance.
Est-ce que M. Depeyre, en sa-qualité de
jurisconsulte, ou quelqu'un de ses amis, est
venu alors s'élever contre les exigences de
la raison d'Etat et réclamer, conformé-
ment au droit, aux principes, aux néces-
sités d'une bonne justice, une instruction
unique et un tribunal unique? Nous ne
l'avons jamais entendu dire.
Par conséquent, elle est jugée, cette
passion subite des monarchistes pour le
droit toujours sacré, toujours inviolable;
elle est jugée, et ce n'est pas la droite de
l'Assemblée actuelle laquelle, depuis deux
ans, n'a cessé de pousser à une politique de
violence et de combat, qui peut aujour-
d'hui venir nous parler de son respect des
principes et de son amour des lois.
Aussi, dans cette bataille livrée hier au
gouvernement par les monarchistes, au
profit et sous le drapeau des bonapartis-
tes, le pays ne verra que ce qu'il y a réel-
lement : une tentative cynique pour s'em-
parer de quelques ministères en frappant
d'un blâme indirect la conduite du gou-
vernement.
Cette tentative, nous l'avons dit, n'a
échoué que faute d'une trentaine de voix,
et c'est ainsi, qu'une fois encore, le gou-
vernement est sauvé et la crise conjurée,
grâce au vote de la gauche radicale. Est-
il possible que les plus prévenus, les plus
aveugles ne finissent pas par comprendre
de quel côté le repos public est sans cesse
menacé, de quel côté on le défend avec
une abnégation, une persévérance infati-
gable?
C'est M. Dufaure qui, au nom du gou-
vernement, a soutenu la discussion. On a
généralement trouvé que le garde des
sceaux n'avait point montré, dans ce dé-
bat, et surtout dans la première partie de
son discours, son habileté et sa puissance
oratoires ordinaires. La critique nous
semble juste, mais il faut tenir compte de
la situation que le gouvernement s'était
faite par une première faute, lorsqu'il per-
mit au prince Napoléon de se rendre en
Corse au conseil général. En dépit de
toute son habileté, M. Dufaure ne pouvait
masquer la contradiction évidente qu'ac-
cusait la conduite du pouvoir dans toute
cette affaire. Peut-être, au lieu de plaider
les circonstances atténuantes, le plus
simple eût-il été de rappeler à l'Assem-
blée que M. Thiers avait toujours jueré
nécessaire une loi spéciale contre les
membres des anciennes familles ré-
gnantes.
Mais nous n'avons pas à nous préoccu-
per des contradictions dans lesquelles le
gouvernement peut être engagé, et, quant
à nous, en voyant appliquer des expé-
dients politiques auxquels nous sommes,
en principe, opposés, nous devons cons-
tater que, si l'on est forcé aujourd'hui de
frapper les Bonaparte avec la justice poli-
tique, c'est parce qu'on les a soustraits à
la justice ordinaire, à laquelle ils appar-
tenaient.
Si, au lieu de les maintenir en place,
et même de leur donner de l'avancement,
on avait poursuivi, à défaut des grands
coupables morts ou contumax, tous les
complices principaux de cette longue
suite de crimes de droit commun d'où
l'empire est sorti et par lesquels il a vécu,
il ne serait point nécessaire aujourd'hui
de réclamer des mesures d'exception,
nécessaires peut-être, mais toujours re-
grettables.
M. Dufaure a flétri hier le régime im-
périal en termes très éloquents. C'est fort
bien; mais lorsqu'il avouait, un instant
après, que la plupart des fonctionnaires
de ce régime étaient encore en place,
comment ne s'apercevait-il pas qu'il por-
tait, contre le gouvernement dont il est
membre, la plus frappante des accusa-
tions?
De deux choses l'une, en effet : ou
l'empire a été un gouvernement régulier,
pareil à tous les autres, ou bien il a été
ce que dit M. Dufaure, une aventure
odieuse et ridicule à la fois, un crime
permanent. Dans le premier cas, il ne
faut plus jeter le blâme aux hommes qui
l'ont servi ; dans le second cas, il faut en
faire justice.
M. Dufaure et M. de Goulard lui-même
ont, sans trop faiblir, repoussé l'ordre du
jour proposé par la commission, et qui,
sous prétexte de rendre hommage aux
principes, frappait en plein le président
de la République et ses ministres. Afin
de calmer, dans l'avenir les scrupules de
légalité de la droite, M. le garde des
sceaux a déposé un projet de loi autori-
sant le gouvernement à user de ce droit
d'expulsion dont l'usage était critiqué.
La commission, se croyant sûre de vain-
cre, a refusé, malgré cette concession,
d'accepter l'ordre du jour pur et simple
réclamé par le gouvernement.
On a vu alors tous les aides de camp
des hommes de combat aller, de banc en
banc, porter le mot d'ordre de la conspi-
ration qu'un orateur du centre gauche,
M. de Choiseul, avait brutalement et cou-
rageusement démasquée. La confiance
des royalistes dans le succès était absolue;
ils se congratulaient et peut-être déjà se
distribuaient les portefeuilles.
Mais quelques abstentions s'étant pro-
duites dans leurs rangs, et la gauche, au
contraire, ayant donné avec ensemble, la
coalition orléano-Iégitimo-bonapartiste a
été battue par 347 voix contre 29 i.
C'était déjà une bonne chose de voir les
royalistes s'allier aux bonapartistes; c'en
est une meilleure de voir les trois enne-
mis de la République enveloppés dans
une commune défaite.
A. GAULIER.
PHYSIONOMIE DE LA SÉUNd
Les bonaparteux sont venus en foule.
Les loges des deux rangs sont pleines
de ces physionomies spéciales qui sont
d'uniforme dans le parti. A cela, ajoutez
force dames en grand costume. L'in-
fluence du printemps se fait sentir sur les
toilettes. Ce ne sont, aux chapeaux, que
broussailles pleines de verdure, et buis-
sons d'avril : il y en a qui portent sur
la tête tous les jardins suspendus de feu
Sémiramis.
M. Fresneau est à la tribune.
On sait que M. Fresneau n'est pas tout
à fait le premier venu. Orateur très remar-
qué en 48, orateur excentrique aujour-
d'hui, il a des saillies et des tours qui ne
sont qu'à lui. Quand il va bien, rien de
mieux : c'est amusant, c'est étrange, et
cela porte juste quelquefois. Mais quand
il déraille, il ne déraille pas à moitié; Ga-
gne est fade auprès de lui; aujourd hui, il
a déraillé.
Aussi avons-nous nagé tout le temps
dans le burlesque, dans le fantastique.
C'était vraiment divertissant de voir ce pe-
tit homme sec, remuant, frétillant, .dé-
rouler ses coqs à-l'âne au milieu des rires
et des interruptions. M. de Belcastel veil-
lait sur lui avec amour. Et certes, jamais
bourdon dans l'air, ou ivrogne sur un trot-
toir, ne traça des zigzags plus étourdis-
sants que les idées de M. Fresneau, député
de la droite.
a 0 a
C'est une surprise perpétuelle. Les cho-
ses les plus incohérentes vous arrivent
coup sur coup. On est saisi par la phrase
suivante : « Il n'y a qu'un mandat d'ame-
ner,mais il y a eu deux captures,un prince et
une princesse.» Un instant s'écoule, puis :
« J'étais à l'état de mousse, mais de mousse
révolté.»Du mousse, nous passons au« sang
de la maison de Savoie » qui a donné, sui-
vant M. Fresneau, une belle-fille à Char-
les VII et une mère à Francois Ier. Ceci
touche au tableau d'histoire. On voit Fran-
çois Ier, dépourvu de mère, et cherchant
à s'en procurer une. Le sang de la maison
de Savoie lui dit : « J'ai votre affaire»
Mais ce qui suit est plus drôle. Ce « sang
illustre, (c'est Fresneau qui parle), a été
conduit comme un malfaiteur entre deux
gendarmes » Voilà un sang qui a dû s'en
faire bien du mauvais.
Après quoi, M. Fresneau s'écrie :
« Je vais parler de bon sens ». - Com-
ment! vous! allons donc! - Cette idée
seule provoque une longue hilarité. Voici
un échantillon de ce bon sens : « La Ré-
publique espagnole n'est pas pour nous
une sœur. - Ce n'est pas non plus un
frère. »
A la fin, on est étourdi ; tout cela vous
bourdonne et vous tourbillonne tant aux
oreilles qu'on en perd la tête; on entend
passer vaguement cette phrase qui vaut les
autres : « Il y a aussi un chrétien qui des-
cend de sa voiture, et qui se trouve sur le
pavé devant le Dieu de ses ancêtres » (sic) ;
et on s'aperçoit confusément que M. Fres-
neau finit son discours contre les conclu-
sions de la commission. Il lit un projet
d'ordre du jour à lui, et finit par nous an-
noncer qu'il le sacrifie et se rattache à ce-
lui de la commission. Alors pourquoi
avez-vous parlé, ô Fresneau? Mais ne scru-
tons pas ces choses étranges et ne deman-
dons pas la moindre logique à ce long
rêve fait tout haut.
•••
Après ce début un peu bouffon, et qui
ne faisait guère présager la suite, on se
demandait : « A qui le tour? » Et la tri-
bune restait vide. Il fallait pourtant en fi-
nir. M. Dufaure grimpe les marches. Et fi-
V
dèle à ses habitudes oratoires, en deux
mots il exécute le malheureux Fresneau.
« Je vous prie de croire, dit le garde des
sceaux, que je ne viens pas répondre à ce
que vous venez d'entendre. » Cela prononcé
du ton que vous savez. Mais, hélas! il n'est
pas si aisé de continuer. M. Dufaure le
sait bien. La droite est malveillante, la
droite a ses cerfs; on la sent hostile dès
les premiers mots. La causé est délicate.
La gauche se réserve. Visiblement, M. Du-
faure est embarrassé, embourbé.
Est-ce même bien M. Dufaure que nous
entendons ? On le croirait à peine. Quoi !
c'est là cet orateur si maître de lui, si
âpre, si direct, si logique, dont la phrase
joue avec la précision et la sûreté d'une
machine, et dont le raisonnement se dé-
ploie avec une rigueur mathématique ? Il
tâtonne, il hésite, il est vague, il essaie
une pointe d'un côté; il la manque; il
tente un autre côté, puis revient. Son au-
ditoire, démonté, ne le suit plus. On inter-
rompt, et il a des gestes de colère et de
désappointemeot. Il souffre visiblement,
il est navré, et c'est à peine si le dépit lui
rend parfois des mots où l'on retrouve le
Dufause connu. Il fait des maladresses
comme celle qui suit : « Nous ignorions
que la princesse fût avec le prince. » Mur-
mure unanimed'incrédulité. Il rachète vite
sa faute par ce mot terrible : « La princesse
Clotilde, qui n'a laissé en France, elle,
que les souvenirs les plus purs et les plus
honorables. »
Pendant qu'il raconte les faits de l'arres-
tation, M. Rouher demande la parole.
M. Dufaure essaye le grand moyen
de succès. Il se dit : « Tombons les ra-
dicaux ». Et le voilà qui, sous le préttxte
insuffisant de dépeindre l'état de la France
au moment où le moins belliqueux des
princes ai rivait (c'est un peu tiré par les
cheveux), le voilà, dis-je, qui se jette dans
des phrases enflées sur les affaires de
Nantes, sur les voyages de Gambetta, etc.
La ficelle était si visible qu'il n'y a pas
eu un « très bien ! » ni un signe approbatif
à droite. Alors M. Dufaure s'est décidé à
prendre la question par son vrai côté.
***
Enfin! il était temps! Cette fois, il a re-
trouvé sa verve! Et malheur à qui lui
tombe sous la patte! Le gros monsieur
Galloni d'Istria, un Corse qui crie souvent,
mais qui ne parle jamais et que la tiibune
ignoie encore, surgit du mâquis bonapar-,
tiste, et se prend à lancer un cri. Sur quoi
M. Dufaure, de cette voix qui fait mordre
la raillerie :
« Que M. Gavini me laisse développer
ma pensée, et je lui cède la tribune. »
On rit. — Au fait, qu'en ferait-il? Mais
le Corse ne se tient pas pour battu, et re-
nouvelle son cri. Alors M. Dufaure, joyeu-
sement : — « Puisque c'est entendu que
vous allez avoir la tribune. »
Et il continue. Et les murmures le har-
celant, il retrouve toute sa vigueur.
« C'est bien, dit-il, si vous tenez à ce
que je vous relise la proclamation de la
déchéance, la voici. » Et il lit à l'Assem-
blée la résolution décisive qu'elle a votée
contre l'empire. Cette fois, c'est une salve
d'applaudissements dans toute la gauche ;
quelques applaudissements éclatent aÀssi
dans la droite, jusqu'aux bancs des bona-
parListes qui sont furieux, et qui se dres-
sent exaspérés. Des claquements de mains
sonnent à faucher les oreilles de Galloni,
devenu pourpre comme un tison.
M. Dufaure termine fort bien son dis-
cours mal commencé. Il finit par un ta-
bleau très énergique du 2 décembre. Et à
ce souvenir la gauche éclate; la droite,
plus tiède, ne veut pas pourtant paraître
approuver l'attentat. Et les habitants des -
mâquis ne savent plus où se fourrer.
.-.
Sera-ce enfin M. Rouher? Pas encore.
Voici M. Depeyre.
Singulier rôle que celui des bonapartistes
dans cette discussion ! Les partisans de la
mesure les écrasent; leurs alliés sont hon-
teux d'eux; et ceux même qui attaquent
le gouvernement, commencent par cette
précaution oratoire : « Nous avons hor-
reur de l'empire. » Le malheureux prince
est maltraité par tout le monde, par
Fresneau, par Dufaure, et ils se taisent 1
Et ils se cachent! S'ils montraient le bout
de leur nez, ils gâcheraient toute leur
affaire 1 Leur seule chance de succès dans
leur discussion d'aujourd'hui, c'est de
mettre en avant des gens qui disent : « Au
moins, nous avons autant de dégoût que
vous pour le Deux-Décembre. p
M. Depeyre ne manque pas de talent; mais
il est avocat, et avocat.du genre déclamatoi-
re. Son emphase, qui vient de lallaute-Ga-
ronne, et on le voit, lui joue les plus mau-
vais tours. Aussi, avec des qualités réelles,
d habileté surtout, est-il volontiers détes.
table; c'est, à notre avis, ce qu'il a été au-
jourd'hui.
Il a surtout un organe curieux, mélo-
dramatique, chantant et tremblotant, qui
devient de plus en plus ridicule à me-
sure que M. Depeyre veut être de
plus en plus magnifique. Dans le genre
tempéré et pour les phrases ordinaires, il
tire sa voix de sa poitrine. Dans les phra-
ses émues, il l'arrache de ses talons.
Dans les passages tout à fait sublimes, la
voix descend, descend, dans le w&ttotaXN
de la tribune, puis dans les caves.
vibre de plus en plus ; ce trémofb sso
rain finit par dérider tout le ce
quand il semble arriver, d'étage e enn
au Jond d'un puits, on éclate de rire. "s
Cependant, la droite, d'abord froide.,
finit par être ressaisie par son orateur, qti
garde, même dans ses phrases les plus
prétentieuses, une certaine adresse. M. Vj
Dupanloup surtout paraît enchanté. Il
s'est dressé pour mieux écouter. Mais c'est
bien drôle de voir défiler ces phrases habil-
lées aux vieilles modes de 1826! M. Thiers
y est traité quelque part d'à inutile Cas-
sandre » (rien de Colombine). Ces cho-
ses-là prennent encore sur les droitiers,
et quand M. Depeyre descend de la tri-
bune, toute la droite se lève pour venir le
féliciter. Mgr Dupanloup, attaché au ri-
vage par sa grandeur, témoigne sa satis-
factieu par une pantomime animée. Seul,
un jeune et bel officier, M. Changarnier,
s'est retourné, et lorgne les dames des tri-
bunes, comme au spectacle.
Cependant, on entoure M. Dufaure. Sans
doute, on le prie de reculer. Autant qu'on
peut juger d'après une nuque, car c'est
tout ce que nous voyons du garde des
sceaux, — il refuse, et même il s'emporte.
Le séraphique d'Orléans, M. de Belcastel,
y perd son mysticisme.
«F
m «
M. de Choiseul commence bien. Il s'é-
tonne qu'on ait attendu, pour amener la
question, l'e moment où elle pouvait faire
échec au gouvernement. Il coatinue moins
bien ; il laisse échapper quelques argu-
ments maladroits qui nuisent plus à sa
propre cause qu'à ed.'e de ses adversai-
res. Ses paroles, d'ailleurs courtes, sont
fort interrompues. Puis il reproche à la
droite d'attaquer toujours le gouverne-
ment.
M. de Larochefoucauld-Bisaccia demande
la parole.
On regarde ce gros jeune homme tout
fleuri, tout rose, tout souciant, que le des-
tin ironique a affublé d'un nOm illustre. Il
serait si bien en Léotard! ou en Capoul !
Et c'est lui qui veut parler? mais son se-
crétaire ne lui a pas préparé son discours !
Aussi, quand M!* de Choiseul descend
de la tribune, ce n'est pas le jeune Laro-
chefoucauld qui y monte, c'est le jeune
Castellane. Heureusement qu'il en descend
aussitôt. Pourquoi donc ? Coup de théâ-
tre 1 M. Dufaura reprend la parole.
***
On est inquiet. On a vu si souvent le
gouve.rnement reculer au dernier mo-
ment! On se rassure bientôt. M. Dufaure a
été touché au vif par la réponse de M. De-
peyre. On le sent irrité, décidé. En quel-
ques mots, il a brûlé ses vaisseaux. On l'a
exaspéré. Il se redresse. Il se jette carré.
ment à gauche. Il met dans le même sac
Napoléon IV et Henri V.
Ci-gît l'orateur chéri de la droite.
Personne n'est plus nerveux que cet
orateur qui passe pour être si froid,
si maître de lui. En un quart d'heure
de colère, il a jeté à l'eau toute sa
:W:iJique de six mois. Il est presque pro-
®fWant. Il demande (de ce ton dont on
exige), non plus seulement l'ordre du jour
pur et simple, mais encore une loi fermant
le territoire aux Bonaparte. -
O^Tdevine le tumulte. C'est une déclara-
tion de guerre. M. Depeyre y répond, en
maintenant purement et simplement l'or-
dre du jour de la commission.
Qui se fût attendu à la suite? Après
M. Dufaure, voici M. de Goulard qui passe
à gauche, lui aussi! Quoi! vraiment! jus-
qu'au Benjamin de la droite! Mon Dieu !
oui. C'est un jacobin, maintenant!
Il ne restait plus qu'à vot^r. M. de Bro-
glie était allé prévenir M. Dufaure à son
banc, que lui et ses amis voteraient contre
le gouvernement. — Faites ! si vous le
renversez, vous tâcherez de le remplacer!
avait répondu le garde des Sceaux.
Eh bien ! malgré les orléanistes, le gou-
vernement a eu la majorité.
Et l'on part, en songeant avec plaisir
que cette belle alliance des centres est par
terre. Elle n'a pas duré longtemps.
CAMILLE PELLET AN.
Un journal officieux, qu'on pourrait ap-
peler un journal-ministre, comme on au-
rait pu l'appeler, sous l'empire, un jour-
nal-sénateur, le Journal des Débats, dé-
clare, avec toute la solennité qu'il peut,
que M. de Rémusat « ne décline pas » la
candidature qui lui a été offerte par les
maires du gouvernement. C'est la manière
académique de dire qu'il l'accepte.
En attendant que la candidature de M.
de Rémusat soit aussi officiellement ac-
ceptée qu'elle a été officiellement propo-
sée, ses partisans ne font pas preuve d'une
grande imagination, car les voici qui em-
ploient pour son succès un moyen qui
leur a déjà servi il y a plus d'un an.
Un député qui a été m'aire, et qui mérite
de le redevenir, M. Pernolet, écrit au mê-
me Journal des Débats une lettre qu'il ter-
mine par cette promesse à la République
si M. de Rémusat est nommé :
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