Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1872-12-06
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 décembre 1872 06 décembre 1872
Description : 1872/12/06 (N1015). 1872/12/06 (N1015).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7533395w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/08/2012
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Trois mois. 10 à
Six mois. 20 »
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Trois moisuuu 13 56
Six moM. 27 s
Adresser lettres et mandats
A. EL A. PELLEPGRT
AUJOURD'HUI
C'est aujourd'hui que les bureaux nom-
paent la commission chargée d'examiner
la proposition sur le terrain de laquelle
se livrera le combat décisif. Que tous ceux
qui veulent la République soient exacts au
poste, et la victoire n'est pas douteuse.
Les monarchistes ne l'ignorent pas, et
fis se sentent si bien vaincus qu'ils cher-
chent déjà des faux-fuyants et des échap-
patoires. La Gazette de France, notam-
ment, en est à récuser d'avance le vote.
D'abord, le vote des bureaux. Qu'est-ce
que cela, les bureaux? quelle impor-
tance cela a-t-il ? Elle en parle avec mé-
pris : « Chaque mois, les noms de
tous les députés sont jetés dans une urne;
le tirage au sort les répartit ensuite en
groupes qui prennent le nom de bureaux.
On conçoit sans peine ce qu'il y a de dé-
fectueux dans ce mode, qui n'a été ac-
cepté que faute de pouvoir én trouver un
meilleur. Grâce au tirage au sort, tout
se trouve réparti au hasard. Les com-
missions nommées par des bureaux ainsi
constitués ne peuvent être considérées
comme l'expression fidèle des véritables
tendances de l'Assemblée. »
Ce n'est pas seulement le vote des bu-
reaux, c'est celui de l'Assemblée elle-
même que la Gazette de France récuse.
Tant que les monarchistes ont cru qu'ils
étaient la majorité, ils ont déclaré que
l'Assemblée était souveraine et parfaite-
ment maîtresse de choisir entre la Répu-
blique et la monarchie ; mais, le scrutin
du 29 novembre leur ayant démontré leur
infériorité, l'idée de faire prononcer par
l'Assemblée la forme de gouvernement
leur semble une « déloyauté » : « S'il s'a-
gissait d'une lutte loyale, il ne saurait ve-
nir à l'idée d'aucun homme d'Etat de
trancher une question aussi grave que
celle du gouvernement définitif d'une
grande nation comme la France par
trente ou quarante voix de majorité ac-
quises d'une manière telle quelle. » Et
voilà ces prétendus parlementaires ré-
duits à se refuser eux-mêmes le pouvoir
constituant.
Ce découragement des monarchistes est
un stimulant de plus à l'union et à l'é-
nergie des républicains. Que pas un ne
manque et que tous votent comme un
seul. Il ne nous faut que de l'exactitude
et de l'entente pour en finir avec ces ad-
versaires qui, en rappelant ainsi du
jugement avant même qu'il soit rendu,
reconnaissent eux-mêmes qu'ils sont con-
damnés.
AUGUSTE VACQUEBlB.
1{
LA QUESTION
La lutte d'aujourd'hui sera vive entre les
divers partis. Ce ne sera pas encore la
grande bataille, mais ce sera, du moins,
une escarmouche d'avant-garde.
Nous voudrions faire comprendre quel
sera le résultat de cette bataille parlemen-
taire et quelle est la question engagée.
Au fond, la question n'est pas entre la
République et la monarchie, mais entre
l'ordre et l'anarchie.
Les réactionnaires, les partisans des
trois ducs ont raison, mille-lois raison,
lorsqu'ils disent : Nous ne cherchons pas,
pour le moment, à détruire la République t
Ils voudraient bien la détruire, mais
ils ne le peuvent pas, et ils le savent.
Ils ne le peuvent pas, pourquoi ? Parce
que trois obstacles majeurs s'opposent à
leurs velléités impuissantes. D'abord l'obs-
tacle qui les a arrêtés à Bordeaux, lors-
qu'ils avaient à leur disposition une ma-
jorité de cinq cents députés monarchistes.
Une monarchie, soit, mais quelle monar-
chie ? Les uns étaient pour la branche aî-
née, les autres pour la branche cadette.
La fusion impossible. Il fallait donc adhé-
rer à un gouvernement anonyme, et ce
gouvernement, c'est la République. Les
raisons qui ont fait accepter la Républi-
que, même à Bwdeaux, subsistent encore
aujourd'hui. **
Mais, de plus, le travail intérieur des
esprits, l'évidence des nécessités politi-
ques, l'éntrée à la Chambre de nombreux
républicains, tout en uamot a transformé
[l'ancienne majorité royaliste; cette ma-
jjorit& est devenue minorité, et quand
ibien même cette minorité recruterait,
grâce à fIn incident, quelques suffrages
lépars, il est trop clair que six à huit voix
!de majorité peuvent renverser un ministre,
mais ne pourraient établir une royauté.
Enfin, le pays lui-même est intervenu
dans le débat. Au mois d'avril 1871, les
conseils municipaux des grandes villes
envoyaient des ambassades à M. Thiers
:pour lui demander le maintien de la Ré-
publique. Mais, ces dernières semaines,
on n'a pas vu seulement à l'œuvre les élus
;des grandes villes, mais les représentants;
attitrés des villes de second ordre, et
(même des villages. La France entière,
;par un- mouvement spontané et irrésisti-
ble, a déclaré qu'elle ne voulait d'aucune
restauration monarchique.
Il y a donc une situation acquise en fa-
veur du régime républicain. Oui, quand
bien même les trois ducs renverseraient,
en un jour de deuil, le gouvernement ac-
tuel, quand même ils s'empareraient du
pouvoir, eux-mêmes seraient obligés, mal-
gré leur désir intime, de respecter la for-
me républicaine.
Seulement, sans porter une main vio-
lente sur la République, ils la trahiraient
en chaque occasion. Ils installeraient un
« gouvernement de combat », c'est-à-dire
de persécution incessante et tracassière
contre les conseils généraux, contre les
conseils d'arrondissement, contre les con-
seils municipaux.
Tous les matins, nouveaux conflits,
nouvelles dissolutions des assemblées lo-
cales, agitations jiguvelles, nouvelles in-
quiétudes. Ils auraient pour ambition de
faire dire aux commerçants, aux ouvriers :
« Vous voyez bien, sous la République il
n'y a pas de sécurité possible.
Faux calcul, évidemment. Le pays au-
jourd'hui sait la politique. Plus les réac-,
tionnaires troubleraient la République,
plus il s'attacherait à elle en les mau-
dissant. La victoire éphémère des monar.
chistes, divisés et impuissants, ne serait
que la préface du triomphe éclatant des
radicaux.
Ah! si nous n'étions patriotes avant
tout, si nous n'avions souci des besoins
de la France autant que de notre idéal
politique, nous éprouverions une tenta-
tion violente de souhaiter pour aujour-
d'hui le succès de nos ennemis. Ce suc-
cès montrerait leur impuissance absolue
et nous rallierait tous les indécis.
Mais nous savons trop ce que le pays a
souffert, nous savons que, si une grande
nation a des idées de justice à réaliser,
elle a aussi des intérêts matériels respec-
tables à ménager. Nous ne voulons pas
pour nos idées, si chères qu'elles nous
soient, d'un triomphe absolu qui serait
acheté par deux ans peut-être d'incertitu-
des et d'angoisses pour notre production
nationale.
Assez de luttes civiles I assez d'anxiétés
terribles 1 Que le pays, après tant d'é-
preuves, ait enfin le droit de se reposer
tun peu et de procéder tranquillement à
sa régénération. Voilà le plus intime de
nos vœux. Encore une fois, la Chambre
n'a pas à choisir aujourd'hui entre la mo-
narchie et la République — la monarchie,
de l'aveu de tous, est une chimère - elle
a à choisir entre une république acceptée,
régulière, tranquille, et une république
toujours attaquée, se défendant toujours,
et, dès lors, agitée, inquiète, peu favo-
rable au mouvement des affaires.
Députés de Versailles, choisissez ! -
FRÉDÉRIC MORIN.
LA SITUATION
Comme la veille, on ne s'occupait hier
que des résultats probables de l'élection
des bureaux d'aujourd'hui, pour la com-
mission Dufaure.
Les délégués des fractions de la droite
ont suivi l'exemple de ceux de la gauche
et ont arrêté leur liste :
1er bureau. — MM. Batbie et Théry.
2e bureau. — MM. Raoul Duwl et Ches-
nelong.
3e bureau. — MM. Depeyre et d'Haus-
sonvitle.
4e bureau. — MM. Desjardins,et Durfort
de Civrac.
5° bureau. - MM. de Broglie et de
Meaux.
6e bureau. — MM. de Lavergne et Lam-
bert Sainte-Croix.
7e bureau. — MM. La Bouilleria',et Sa-
caze.
..: 89 bureau.- MM. H. Fournier et de
Larcy.
9e bureau. — MM. d'Audiffi-et-Pasquie? et
de Cumont. x
i 109 bureau. — MM. le duc Decazes et de
Bouillé.
11e bureau. - MM. Lucien Brun et l'E-
fraly.
12e bureau. — MM. de Lacombe et Aîné-
.déeLëfèvre-Pontalis.
138 bureau. — MM. Grivart et Dessei-
ligny.
14e bureau. - MM. Ernoul et Baze.
15° bureau. — MM. de Kerdrel et Buis-
son.(de l'Aude).
Les noms soulignés sont ceux des dé-
jputés monarchistes qui appartenaient à la
majorité de la commission Kerdrel.
Les trois fractions de la gauche dési-
raient vivement que le président de l'As-
semblée, M. Jules Grévy, acceptât la can-
didature dans le 4e bureau, où son élection
était assurée.
Mais M. Grévy a résisté aux sollicitations
des délégués, voulant conserver toute sa li-
berté d'action. Le président se réserve, en
effet, de prendre la parole. Ce sera son
début à la tribune de Versailles.
--
M. Boduin, qui était sur la liste des
candidats de la gauche pour la commis-
sion Dufaure, ayant refusé la candidature,
a été remplacé par M. Gouvion-Saint-Cyr,
qui a voté le 29 novembre pour le gouver-
nement.
Le nombre des votants aujourd'hui dans
les bureaux, sera au moins aussi élevé que
dans la séance du 29 novembre.
Des circulaires ont été envoyées par le
bureau de chaque groupe parlementaire à
tous les adhérents pour réclamer leur pré-
sence.
Nous avons rencontré hier le général
Chanzy arrivé, depuis quelques heures, de
Tours, et-qui vient spécialement pour ap-
porter son vote au gouvernement.
aiHMPM ■
On peut déjà prévoir quelle tournure
prendra la discussion dans les bureaux au-
jourd'hui, d'après les délibérations des
divers groupes parlementaires.
A droite, on s'est réuni mardi soir et
hier soir, et on a décidé de donner aux
commissaires mandat de réclamer — avant
tout — la fameuse responsabilité ministé-
rielle, et de s'opposer énergiquement au ;
renouvellement partiel. Les commissaires j
proposeront d'accorder au président de la
République le droit de veto suspensif, c'est-
à-dire que, durant trois mois, le gouverne-
ment aurait le droit de s'opposer à la pro-
mulgation d'une loi, et qu'à l'expiration de
ce délai l'Assemblée devrait la soumettre
à une nouvelle et dernière délibération.
Les trois réunions de la gauche ont tenu
séance hier : la gauche, à l'hôtel de
France, sous la présidence de M. Albert
'Grévy ; le centre gauche, sous la prési-
dence de M. Ricard, à l'hôtel des Réser-
voirs ; l'extrême gauche, dans un des bu-
reaux de la Chambre, sous la présidence
de M. Crémieux, doyen d'âge, en rempla-
cement de M. Louis Blanc, empêché.
Voici les résolutions qui ont été prises :
L'extrême gauche, après avoir accepté la
liste de candidats - que nous avons pu-
bliée hier - a décidé que dans les bureaux
elle poserait la question sur le terrain ex-
clusif de la dissolution.
La gauche se tiendra dans une réserve
absolue; elle se bornera à témoigner sa
confiance en M. Thiers.
Le centre gauche réclamera le renouvel-
lement partiel.
Un parti minuscule, qu'il convient de ne
pas oublier dans cette éndmération, le
parti bonapartiste, a pris aussi une réso-
lution. Les sept ou huit membres dont il
se compose, — à commencer par Rouher
,pour finir à Galloni d'Istria, — demande-
ront dans leurs bureaux respectifs « l'ap-
pel au peuple ».
La volonté de troubler le pays, de l'agi-
ter par des incidents, des interpellations,
est systématique delà part des monarchis-
tes. En voici des preuves nouvelles :
Hier, la 15me commission des pétitions
s'est occupée de la pétition des cléricaux
de Nantes au sujet des prétendus troubles
,dont cette ville a été le théâtre au retour
des pèlerins de Lourdes.
Trois députés légitimistes de la Loire-In-
férieure, MM. de la Rochette, Lallié et
Théobald Dezanneau, sont venus déposer.
On se figure aisément la violence des pa-
roles de ces monarchistes. Tout ce que
nous voulons dire, c'est que M. de la Ro-
chette a annoncé qu'il avait l'intention de
porter la question à la tribune et d'inter-
peller le gouvernement cette semaine.
Autre interpellation en perspective :
Celle de M. Rouher, — appuyée par les
monarchistes, - au sujet du retard ap-
porté à la publication des documents di-
plomatiques relatifs au traité de commerce
franco-anglais.
Celle de la droite, au sujet d'une pré-
tendue déDêche de notre ambassadeur à
| |&rîin; annonçant que les Allemands réoc-
cuperaient les départements évacués en
pfcw* de triomphe des monarchistes.
Toutes ces interpellations font partie du
ijplan de campagne de la droite, que nous
;avons indiqué et qui comprend en outre
lia lutte contre M. Calmon et contre les mi-
Inistres de l'instruction publique et des af-
faires étrangères.
faires étrangères.
On lit dans VUnion :
« Grâce à la-bonne et ferme conduite de
toute la droite, les groupes de minorité qui
affaiblissaient l'Assemblée ont constitué iin
ensemble qui doit lui rendre son énergie
sous le nom de majorité ». - i
Ce qui ressort de cette phrase peu
claire et peu française, c'est un double
aveu :
D'abord, les monarchistes reconnaissent
,que ce sont eux qui ont affaibli l'Assem-
iblée.
Ensuite, ils confessent que leur maj ori-
té ne serait qu'un groupement de minori-
tés, c'est-à-dire que, fussent-ils capables
de renverser, ils seraient incapables de re-
construire.
"b Auguste Vacquerie.
La crise que viennent de provoquer les
royalistes de Versailles paraît avoir ra-
nimé singulièrement les espérances du hé-
ros de Sedan. Une correspondance adres-
sée de Londres au Temps appelle ainsi l'at-
tention publique sur le surcroît d'activité
que déploie en ce moment la bande bona-
partiste :
Je crois devoir vous donner sur le monde de
.Chiselhurst des informations qui m'arriment à
l'instant et dont je vous garantis l'authenticité.
Dieu me garde d'ajouter une autre préoccupa-
tion à celles dont le public français est tour-
menté ; mais ce que je puis affirmer, c'est que
toute la tourbe bonapartiste de Londres, pres-
que toujours, d'ailleurs, conspirante, se remue,
très activement, et qu'il règne à Chiselhurst
une grande agitation. Des communications sui-
vies et journalières sont entretenues entre le
quartier général et la France ; très franche-
ment, on dirait que ces hommes trament un
mauvais coup.
e.
CONFÉRENCE DE DI. LOUIS BLANC
Comme nous l'avions annoncé, la qua-
trième conférence de M. Martin Nadaud
sur les classes ouvrières en Angleterre a
été présidée par M. Louis Blanc. Au mo-
ment où l'éloquent député de la Seine a
pris place au fauteuil, il a été bruyam-
ment applaudi par la foule, qui, malgré la
pluie, était accourue en telle quantité,
qu'une partie a dû rester sur les escaliers.
M. Martin Nadaud a parlé le premier, et,
à l'occasion des Meclianic's Institutes, il a dit
teutes sortes de choses excellentes et qui
sont allées parfois mieux qu'à l'esprit —
au cœur de l'auditoire.
Puis la parole a été à M. Louis Blanc.
On a craint un instant qu'une extinction
de voix dont il était atteint ne l'empêchât
de dire plus de quelques mots. Mais il a
fait effort, sa voix s'est éclaircie, et il a pu
prononcer le discours suivant,qui a eu, d'un
bout à l'autre, un succès aussi grand que
mérité.
Messieurs,
Mon ami, M. Nadaud, vient de vous ex-
poser l'origine, la nature et le développe-
ment de ces établissements qui, en An-
gleterre, sont désignés sous le nom de
Mechanics' Institutes : « Institutions à l'u-
sage des ouvriers »
Cet exposé, il vous l'a présenté avec
cette éloquence simple et forte qui, chez
lui, a sa source dans les profondeurs d'une
âme tout entière à l'amour du peuple.
Ai-je besoin de dire que ses sentiments
sont les miens ; que j'unis ma voix à la
sienne pour faire appel à l'esprit de con-
corde, à la tolérance, à l'union entre les
classes ; que je l'ai entendu avec bonheur
traiter ce soir devant vous une question
dont l'importance est bien grande, mes-
sieurs, comparée à celle d autres questions
qui ne font plus de bruit qu'en soulevant,
hélas ! beaucoup de poussière.
L'éducation du peuple ! C'est là un in-
térêt tellement considérable, tellement lié
au bien-être de la société, à ses progrès,
à son avenir, qu'on se demande avec stu-
peur comment il se fait qu'en France cet
intérêt souverain ait si longtemps tardé à
devenir le principal objet des préoccupa-
tions publiques.
Ne nous plaignons pas trop, cependant.
En proclamant le principe de l'éducation
obligatoire et gratuite, la Révolution fran-
taise jeta une semence qui n'a fructifié
c ue bien tard, il est vrai, mais qui enfin a
fructifié. Grâce au ciel, il n'est plus, le
tsmps — c'était sous Louis XVI — où l'on
trouvait tout simple que pas une obole ne
fiit dépensée pour l'instruction primaire et
que trente-quatre millions fussent libérale-
ment dépensés pour la maison du 2-oil
U n'est plus le temns — c'était sous le
«
premier empire m* où la sollicitude de
'l'Etat, en matière d'éducation populaire,
était attestée par l'inscription, dans le bud-
get, d'une somme de '4,000 fr., accordés
aux frères de l'école chrétienne. Nous pou-
vons mesurer, sans trop de tristesse, le
chemin parcouru, lorsque nous songeons
qu'en tirant chsque année du Trésor royal
une misérable somme de 50,000 fr. pour
faire imprimer des ouvrages consacrés à
l'instruction primaire, encourager leurs
auteurs et fonder des écoles modèles, le
gouvernement de la Restauration croyait
payer largement la dette du pouvoir à l'in-
telligence humaine.
Oui, cela est certain : depuis la loi du
28 jnin 1833, des progrès très notables ont
été accomplis.
Sans doute il reste beaucoup à faire.
Dans le fameux rapport de M. Duruy" au-
quel le reaensemeut de 1863 servit de
base, il est, je ne l'ignore pas, officielle-
ment constaté :
Que plus de 800 communes, à cette épo-
que si rapprochée de nous, étaient absolu-
ment dépourvues d'écoles;
Que près de 900,000 enfants de 7 à 13
ans manquaient dans les écoles primai-
res ;
1 Que le tiers de nos conscrits ne savaient
;pas lirm -
<)ue 36 p. 100 des conjoints oie savaient
pas même signer leurs noms
Qu'un cinquième des enfants ayant at-
teint l'âge scholaire, où n'étaient pas en-
core allés à l'école, ou avaient cessé trop
tôt de s'y rendre, ou pouvaient être consi-
dérés comme n'y devant jamais paraître ;
Et enfin, que, dans le tableau du service
de l'instruction primaire, la subvention to-
tale de l'Etat ne figurait que pour 6 mil-
lions et demi.
Mais qu'on se rappelle quel était, avant
la loi de 1833, l'état des choses ! Il fut dé-
crit par M. Lorain en 1837, et les traits les
!plus saillants en ont été dessinés dans un
[livre, bien connu, sorti de la plume du mi-
nistre actuel de l'instruction publique.
Dans une foule de communes, les conseil-
lers municipaux ne savaient pas lire et
savaient à peine signer. On comptait :
dans tel canton, une école sur quinze
communes ; dans tel autre, une éco-
le sur vingt-cinq communes. En fait
d'instruction primaire, l'indifférence des
familles pauvres était poussée si loin,
qu'on put citer l'exemple de parents à qui
l'on avait offert de l'argent pour qu'ils
consentissent à envoyer leurs enfants à l'é-
cole et qui s'y étaient refusés. Qu'auraient-
ils, du reste, appris, ces enfants, de la
bouche d'instituteurs presque aussi igno-
rants qu'eux-mêmes, et dans des écoles
qui, selon l'expression de M. Lorain, n'é-
taient que des gardiennages?
Aujourd'hui, rien de tel; et à voir avec
quelle force la doctrine libératrice de l'ins-
truction primaire déclarée obligatoire et
rendue gratuite a pris possession des es-
prits les plus élevés, des cœurs les plus
généreux, il est permis d'affirmer que le
moment approche où les hommes du peu-
ple cesseront d'être esclaves de l'igno-
rance, condition nécessaire pour qu'ils
cessent un jour d'être c sclaves de la pau-
vreté.
Mais ce n'est pas seulemeut la généra-
tion future qu'il importe de disputer au
despotisme de l'ignorance : c'est aussi la
génération présente. S'il est bon que les
enfants soient instruits, il est bon aussi
que les adultes cherchent à s'instruire.
Voilà ce qu'on a compris depuis bien
longtemps en Angleterre et ce qui a donné
naissance, de l'autre côté du détroit, à ces
Mechanics7 Instituées dont M. Nadaud vient
de vous raconter l'histoire.
Quel but se proposèrent les fondateurs?
Un but singulièrement utile et noble, mes-
sieurs! Ils voulurent que, chez l'ouvrier,
l'éducation de la tête éclairât et guidât
celle de la main. Ils visèrent à initier l'ou-
vrier au secret des lois scientifiques qui
régissent sa profession. Ils pensèrent que
le peintre doit savoir quelque chose des
principes et de l'harmonie des couleurs;
que le teinturier et l'imprimeur d'indien-
nes doivent savoir quelque chose de la
chimie; que les hommes du peuple ne
sont pas faits pour être de serviles
imitateurs, mus par une force plus
semblable à l'instinct du castor que digne
de l'intelligence de l'homme. Ils pensèrent
que rien n'était plus propre à donner au
travailleur le goût de son travail, à l'y in-
téresser, à lui en faire pour ainsi dire un
plaisir, que la connaissance du pourquoi et
du comment des opérations auxquelles son
activité s'applique. Une fois armé de cette
connaissance, se dirent-ils, l'ouvrier se-
ra en état de se plier sans effort à l'a-
doption de procédés nouveaux, s'il arrive
qu'une révolution dans la mode ou une in-
vention soudaine fassent abandonner
les procédés anciens; il se trouvera natu-
rellement sur la pente qui mène aux dé-
couvertes; en un mot, sa puissance d'ac-
tion sera centuplée, ainsi que son aptitude
à passer, si les circonstances l'y obli-
geaient, d'une branche d'industrie à une
alltre. Vous le voyez : le but que se propo-
sèrent les fondateurs des Mechanics Intitu-
tes fut d'élever le travail manuel à la dignité
d'un travail intellectuel.
Pour cela, trois' moyens se présentaient :
les livres, les conférences, l'enseignement
scientifique : l'emploi de ces trois moyens
constitua les Mechanics1 Instituas. Chacun
d'eux eai une bibliothèque. Dùna chacun
d'eux, on fit des cours. A chacun d'eux fu-
rent attachées des «clauses »'.
Ii y avait des frais à couvrir : les ou-
vriers qui désiraient participer aux avanta-
ges offerts par ces étàblissements furent
invités à acheter par une souscription mi-
nime le droit d'en être membres.
Maintenant, messieurs, peut-on dire que
les résultats aient répondu à l'attente dei
fondateurs? Dans une certaine mesure,
oui ; entièrement, non ; et c'est parce l'a-
nalyse des causes qui ont empêché un
succès complet me paraît fournir matière
à d'utiles méditations, que je vous deman-
derai la permission de m'y arrêter.
Voici un homme qui a travaillé dix,
onze et jusqu'à douze heures dans sa
journée. Sa tâche finie, il a besoin, sinon
de récréation, du moins de repos. On l'a-
vertit que la bibliothèque l'attend.
Eh bien, supposons qu'il fasse tant que
de s'y rendre : à des livres frivoles, mais
amusants, préfèrera-t-il des livres sérieux,
des traités scientifiques, dont la lecture
compliquerait d'une fatigue mentale sa
fatigue corporelle? C'est peu probable.
La conférence, si elle est aussi sérieuse
que les livres sérieux, aura-t-elle pour lui
plus d'attrait? Elle risque d'en avoir moins
encore. Il faudrait, pour qu'il y prît un vif
intérêt, qu'il eût déjà quelque notion du
sujet traité par le conférencier ; •qu?il pût
avoir sur place l'explication de ce qui l'em-
barrasse ou lui semble obscur; que pas un
mot ne tombât dans son oreille sans avoir
traversé son intelligence ; qu'il entendît
tout, qu'il fût préparé à tout comprendre.
Cela, je le veux bien, arrivera quelque-
fois ; est-il certain que cela arrivera tou-
jours ?
On serait tenté de croire que les classes
ont une puissance d'attraction plus grande.
Là, en effet, l'attention de celui qui reçoit
l'instruction est tenue continuellement en,
éveil par les questions de celui qui la donne.
A la différence du conférencier, qui ne com -
bat l'ignorance que de loin, le professeur
la prend corps à corps ; il interroge, il ré-
pond, il est en contact avec l'élève, il le
met à l'épreuve, il ne lui laisse faire un pas
en avant que lorsqu'il le juge capable d'a-
vancer. Mais quoi ! est-ce que ceux-là sont
toujours aptes à recevoir l'éducation du
second degré, auxquels l'éducation du pre-
mier a manqué? Est-il sûr que le défaut
d'instruction élémentaire chez l'enfant ne
produira jamais ses funestes conséquences
chez l'adulte ? Lorsque son caractère est
formé, l'homme est-il toujours propre à
contracter des habitudes studieuses?
Ces remarques, messieurs, vous don-
nent la cl4 des difficultés qui ont entravé
le développement normal des Aleclianiesl
Institutes en Angleterre.
De la préférence donnée aux ouvrages
d'imagination sur les livres scientiques, je
pourrais citer de nombreux exemples :
qu'il me suffise de vous dire que, dans ce-
lui de ces établissements qui, en 1852 était,
au point de vue du nombre des membres,
le plus important qu'il y eût en Angle-
terre, dans le « Mechanics' Institute » de
Leeds, la circulation des œuvres de fiction
et de littérature périodique embrassa plus
de la moitié de la circulation totale.
Quant aux conférences, qui avaient d'à.
bord porté sur des sujets scientifiques
conformément aux vues des fondateurs
elles ne tardèrent pas à revêtir un earac.
tère purement littéraire; elles s'inspirè-
rent du génie de la fantaisie ; elles eurent
de plus en plus pour objet, non d'instrui-
re, mais d'amuser.
Enfin, pour ce qui est des classes, vous
pourrez juger de la manière dont elles ont
réalisé les espérances des fondateurs, par
ce fait, que, dans l'établissement le plus
considérable de l'Angleterre, Leeds, les
classes de dessin, de mathématiques et de
chimie, se trouvaient avoir réuni, en 1853
dix-sept élèves de moins qu'en 1839 bien
qu'en i839 le nombre des souscriptions
fût sept fois moins considérable qu'en
1853.
Ce n'est pas tout. Les Mechanics' Institu-
tes avaient été spécialement établis pour
les ouvriers. Eh bien, qu'est-il arrivé?
Que c'est dans la classe des employés, des
petits marchands, des commis de magasin,
que leurs membres se sont en partie re-
crutés.
Toutefois, de ce que je viens de dire
n'allez pas conclure, messieurs, que la
création des Méchante* Institutes a été sté-
rile. Bien que ces établissements n'aient
pas rendu tous les services qu'on en pou-
vait attendre, leur utilité a été considéra-
ble. Ils ont fait naître là où il n'avait ja-
mais existé le goût de la lecture ; ils ont
encouragé la publication des livres à bon
marché ; ils ont donné \une salutaire et
vive impulsion aux réformes sanitaires;
quoique fermés à la politique, ils ont
fourni au peuple l'occasion de l'étudier
sous ses divers aspects, en mettant à la
portée de tous des journaux appartenant
aux opinions les plus contraires. Et puis
par le seul fait de leur présence, ils ont
consacré le droit à l'éducation, c'est-
à-dire, dans son acceptation la plus haute:
le droit à la vie !
Et combien leur action aurait été plus
féconde, plus bienfaisante, si elle n'avait
pas été trop souvent paralysée par l'insuf-
fisance de leurs ressources, insuffisance
résultant de l'extrême modicité des so-is-
crintions ; -fi l'Etat leur était venu en aide
N° 1015. - - m TenarviXï Q IDbcombrff ini**
îo snmsure w «ir;** m* IUIO
RÉDACTION
:' presser au Secrétaire de te&é&Mfigjg
De 3 <1 5'heurei! du soif
t8. JiUB DB VALOIS, 18
~— J¡,'
^BîBaaa^eltë non imérés ne seront pas K»2flr
y
ANNONCES -
MM. Ch. lagrangï:, CERF * S*
6* plaça de là Bourse, 9
ADMINISTRATION
18 j aux PB VALOIS» ti
amoillummura
PIBIS
Trois mois. 10 à
Six mois. 20 »
1 »iPAIiTBIIBNO-
Trois moisuuu 13 56
Six moM. 27 s
Adresser lettres et mandats
A. EL A. PELLEPGRT
AUJOURD'HUI
C'est aujourd'hui que les bureaux nom-
paent la commission chargée d'examiner
la proposition sur le terrain de laquelle
se livrera le combat décisif. Que tous ceux
qui veulent la République soient exacts au
poste, et la victoire n'est pas douteuse.
Les monarchistes ne l'ignorent pas, et
fis se sentent si bien vaincus qu'ils cher-
chent déjà des faux-fuyants et des échap-
patoires. La Gazette de France, notam-
ment, en est à récuser d'avance le vote.
D'abord, le vote des bureaux. Qu'est-ce
que cela, les bureaux? quelle impor-
tance cela a-t-il ? Elle en parle avec mé-
pris : « Chaque mois, les noms de
tous les députés sont jetés dans une urne;
le tirage au sort les répartit ensuite en
groupes qui prennent le nom de bureaux.
On conçoit sans peine ce qu'il y a de dé-
fectueux dans ce mode, qui n'a été ac-
cepté que faute de pouvoir én trouver un
meilleur. Grâce au tirage au sort, tout
se trouve réparti au hasard. Les com-
missions nommées par des bureaux ainsi
constitués ne peuvent être considérées
comme l'expression fidèle des véritables
tendances de l'Assemblée. »
Ce n'est pas seulement le vote des bu-
reaux, c'est celui de l'Assemblée elle-
même que la Gazette de France récuse.
Tant que les monarchistes ont cru qu'ils
étaient la majorité, ils ont déclaré que
l'Assemblée était souveraine et parfaite-
ment maîtresse de choisir entre la Répu-
blique et la monarchie ; mais, le scrutin
du 29 novembre leur ayant démontré leur
infériorité, l'idée de faire prononcer par
l'Assemblée la forme de gouvernement
leur semble une « déloyauté » : « S'il s'a-
gissait d'une lutte loyale, il ne saurait ve-
nir à l'idée d'aucun homme d'Etat de
trancher une question aussi grave que
celle du gouvernement définitif d'une
grande nation comme la France par
trente ou quarante voix de majorité ac-
quises d'une manière telle quelle. » Et
voilà ces prétendus parlementaires ré-
duits à se refuser eux-mêmes le pouvoir
constituant.
Ce découragement des monarchistes est
un stimulant de plus à l'union et à l'é-
nergie des républicains. Que pas un ne
manque et que tous votent comme un
seul. Il ne nous faut que de l'exactitude
et de l'entente pour en finir avec ces ad-
versaires qui, en rappelant ainsi du
jugement avant même qu'il soit rendu,
reconnaissent eux-mêmes qu'ils sont con-
damnés.
AUGUSTE VACQUEBlB.
1{
LA QUESTION
La lutte d'aujourd'hui sera vive entre les
divers partis. Ce ne sera pas encore la
grande bataille, mais ce sera, du moins,
une escarmouche d'avant-garde.
Nous voudrions faire comprendre quel
sera le résultat de cette bataille parlemen-
taire et quelle est la question engagée.
Au fond, la question n'est pas entre la
République et la monarchie, mais entre
l'ordre et l'anarchie.
Les réactionnaires, les partisans des
trois ducs ont raison, mille-lois raison,
lorsqu'ils disent : Nous ne cherchons pas,
pour le moment, à détruire la République t
Ils voudraient bien la détruire, mais
ils ne le peuvent pas, et ils le savent.
Ils ne le peuvent pas, pourquoi ? Parce
que trois obstacles majeurs s'opposent à
leurs velléités impuissantes. D'abord l'obs-
tacle qui les a arrêtés à Bordeaux, lors-
qu'ils avaient à leur disposition une ma-
jorité de cinq cents députés monarchistes.
Une monarchie, soit, mais quelle monar-
chie ? Les uns étaient pour la branche aî-
née, les autres pour la branche cadette.
La fusion impossible. Il fallait donc adhé-
rer à un gouvernement anonyme, et ce
gouvernement, c'est la République. Les
raisons qui ont fait accepter la Républi-
que, même à Bwdeaux, subsistent encore
aujourd'hui. **
Mais, de plus, le travail intérieur des
esprits, l'évidence des nécessités politi-
ques, l'éntrée à la Chambre de nombreux
républicains, tout en uamot a transformé
[l'ancienne majorité royaliste; cette ma-
jjorit& est devenue minorité, et quand
ibien même cette minorité recruterait,
grâce à fIn incident, quelques suffrages
lépars, il est trop clair que six à huit voix
!de majorité peuvent renverser un ministre,
mais ne pourraient établir une royauté.
Enfin, le pays lui-même est intervenu
dans le débat. Au mois d'avril 1871, les
conseils municipaux des grandes villes
envoyaient des ambassades à M. Thiers
:pour lui demander le maintien de la Ré-
publique. Mais, ces dernières semaines,
on n'a pas vu seulement à l'œuvre les élus
;des grandes villes, mais les représentants;
attitrés des villes de second ordre, et
(même des villages. La France entière,
;par un- mouvement spontané et irrésisti-
ble, a déclaré qu'elle ne voulait d'aucune
restauration monarchique.
Il y a donc une situation acquise en fa-
veur du régime républicain. Oui, quand
bien même les trois ducs renverseraient,
en un jour de deuil, le gouvernement ac-
tuel, quand même ils s'empareraient du
pouvoir, eux-mêmes seraient obligés, mal-
gré leur désir intime, de respecter la for-
me républicaine.
Seulement, sans porter une main vio-
lente sur la République, ils la trahiraient
en chaque occasion. Ils installeraient un
« gouvernement de combat », c'est-à-dire
de persécution incessante et tracassière
contre les conseils généraux, contre les
conseils d'arrondissement, contre les con-
seils municipaux.
Tous les matins, nouveaux conflits,
nouvelles dissolutions des assemblées lo-
cales, agitations jiguvelles, nouvelles in-
quiétudes. Ils auraient pour ambition de
faire dire aux commerçants, aux ouvriers :
« Vous voyez bien, sous la République il
n'y a pas de sécurité possible.
Faux calcul, évidemment. Le pays au-
jourd'hui sait la politique. Plus les réac-,
tionnaires troubleraient la République,
plus il s'attacherait à elle en les mau-
dissant. La victoire éphémère des monar.
chistes, divisés et impuissants, ne serait
que la préface du triomphe éclatant des
radicaux.
Ah! si nous n'étions patriotes avant
tout, si nous n'avions souci des besoins
de la France autant que de notre idéal
politique, nous éprouverions une tenta-
tion violente de souhaiter pour aujour-
d'hui le succès de nos ennemis. Ce suc-
cès montrerait leur impuissance absolue
et nous rallierait tous les indécis.
Mais nous savons trop ce que le pays a
souffert, nous savons que, si une grande
nation a des idées de justice à réaliser,
elle a aussi des intérêts matériels respec-
tables à ménager. Nous ne voulons pas
pour nos idées, si chères qu'elles nous
soient, d'un triomphe absolu qui serait
acheté par deux ans peut-être d'incertitu-
des et d'angoisses pour notre production
nationale.
Assez de luttes civiles I assez d'anxiétés
terribles 1 Que le pays, après tant d'é-
preuves, ait enfin le droit de se reposer
tun peu et de procéder tranquillement à
sa régénération. Voilà le plus intime de
nos vœux. Encore une fois, la Chambre
n'a pas à choisir aujourd'hui entre la mo-
narchie et la République — la monarchie,
de l'aveu de tous, est une chimère - elle
a à choisir entre une république acceptée,
régulière, tranquille, et une république
toujours attaquée, se défendant toujours,
et, dès lors, agitée, inquiète, peu favo-
rable au mouvement des affaires.
Députés de Versailles, choisissez ! -
FRÉDÉRIC MORIN.
LA SITUATION
Comme la veille, on ne s'occupait hier
que des résultats probables de l'élection
des bureaux d'aujourd'hui, pour la com-
mission Dufaure.
Les délégués des fractions de la droite
ont suivi l'exemple de ceux de la gauche
et ont arrêté leur liste :
1er bureau. — MM. Batbie et Théry.
2e bureau. — MM. Raoul Duwl et Ches-
nelong.
3e bureau. — MM. Depeyre et d'Haus-
sonvitle.
4e bureau. — MM. Desjardins,et Durfort
de Civrac.
5° bureau. - MM. de Broglie et de
Meaux.
6e bureau. — MM. de Lavergne et Lam-
bert Sainte-Croix.
7e bureau. — MM. La Bouilleria',et Sa-
caze.
..: 89 bureau.- MM. H. Fournier et de
Larcy.
9e bureau. — MM. d'Audiffi-et-Pasquie? et
de Cumont. x
i 109 bureau. — MM. le duc Decazes et de
Bouillé.
11e bureau. - MM. Lucien Brun et l'E-
fraly.
12e bureau. — MM. de Lacombe et Aîné-
.déeLëfèvre-Pontalis.
138 bureau. — MM. Grivart et Dessei-
ligny.
14e bureau. - MM. Ernoul et Baze.
15° bureau. — MM. de Kerdrel et Buis-
son.(de l'Aude).
Les noms soulignés sont ceux des dé-
jputés monarchistes qui appartenaient à la
majorité de la commission Kerdrel.
Les trois fractions de la gauche dési-
raient vivement que le président de l'As-
semblée, M. Jules Grévy, acceptât la can-
didature dans le 4e bureau, où son élection
était assurée.
Mais M. Grévy a résisté aux sollicitations
des délégués, voulant conserver toute sa li-
berté d'action. Le président se réserve, en
effet, de prendre la parole. Ce sera son
début à la tribune de Versailles.
--
M. Boduin, qui était sur la liste des
candidats de la gauche pour la commis-
sion Dufaure, ayant refusé la candidature,
a été remplacé par M. Gouvion-Saint-Cyr,
qui a voté le 29 novembre pour le gouver-
nement.
Le nombre des votants aujourd'hui dans
les bureaux, sera au moins aussi élevé que
dans la séance du 29 novembre.
Des circulaires ont été envoyées par le
bureau de chaque groupe parlementaire à
tous les adhérents pour réclamer leur pré-
sence.
Nous avons rencontré hier le général
Chanzy arrivé, depuis quelques heures, de
Tours, et-qui vient spécialement pour ap-
porter son vote au gouvernement.
aiHMPM ■
On peut déjà prévoir quelle tournure
prendra la discussion dans les bureaux au-
jourd'hui, d'après les délibérations des
divers groupes parlementaires.
A droite, on s'est réuni mardi soir et
hier soir, et on a décidé de donner aux
commissaires mandat de réclamer — avant
tout — la fameuse responsabilité ministé-
rielle, et de s'opposer énergiquement au ;
renouvellement partiel. Les commissaires j
proposeront d'accorder au président de la
République le droit de veto suspensif, c'est-
à-dire que, durant trois mois, le gouverne-
ment aurait le droit de s'opposer à la pro-
mulgation d'une loi, et qu'à l'expiration de
ce délai l'Assemblée devrait la soumettre
à une nouvelle et dernière délibération.
Les trois réunions de la gauche ont tenu
séance hier : la gauche, à l'hôtel de
France, sous la présidence de M. Albert
'Grévy ; le centre gauche, sous la prési-
dence de M. Ricard, à l'hôtel des Réser-
voirs ; l'extrême gauche, dans un des bu-
reaux de la Chambre, sous la présidence
de M. Crémieux, doyen d'âge, en rempla-
cement de M. Louis Blanc, empêché.
Voici les résolutions qui ont été prises :
L'extrême gauche, après avoir accepté la
liste de candidats - que nous avons pu-
bliée hier - a décidé que dans les bureaux
elle poserait la question sur le terrain ex-
clusif de la dissolution.
La gauche se tiendra dans une réserve
absolue; elle se bornera à témoigner sa
confiance en M. Thiers.
Le centre gauche réclamera le renouvel-
lement partiel.
Un parti minuscule, qu'il convient de ne
pas oublier dans cette éndmération, le
parti bonapartiste, a pris aussi une réso-
lution. Les sept ou huit membres dont il
se compose, — à commencer par Rouher
,pour finir à Galloni d'Istria, — demande-
ront dans leurs bureaux respectifs « l'ap-
pel au peuple ».
La volonté de troubler le pays, de l'agi-
ter par des incidents, des interpellations,
est systématique delà part des monarchis-
tes. En voici des preuves nouvelles :
Hier, la 15me commission des pétitions
s'est occupée de la pétition des cléricaux
de Nantes au sujet des prétendus troubles
,dont cette ville a été le théâtre au retour
des pèlerins de Lourdes.
Trois députés légitimistes de la Loire-In-
férieure, MM. de la Rochette, Lallié et
Théobald Dezanneau, sont venus déposer.
On se figure aisément la violence des pa-
roles de ces monarchistes. Tout ce que
nous voulons dire, c'est que M. de la Ro-
chette a annoncé qu'il avait l'intention de
porter la question à la tribune et d'inter-
peller le gouvernement cette semaine.
Autre interpellation en perspective :
Celle de M. Rouher, — appuyée par les
monarchistes, - au sujet du retard ap-
porté à la publication des documents di-
plomatiques relatifs au traité de commerce
franco-anglais.
Celle de la droite, au sujet d'une pré-
tendue déDêche de notre ambassadeur à
| |&rîin; annonçant que les Allemands réoc-
cuperaient les départements évacués en
pfcw* de triomphe des monarchistes.
Toutes ces interpellations font partie du
ijplan de campagne de la droite, que nous
;avons indiqué et qui comprend en outre
lia lutte contre M. Calmon et contre les mi-
Inistres de l'instruction publique et des af-
faires étrangères.
faires étrangères.
On lit dans VUnion :
« Grâce à la-bonne et ferme conduite de
toute la droite, les groupes de minorité qui
affaiblissaient l'Assemblée ont constitué iin
ensemble qui doit lui rendre son énergie
sous le nom de majorité ». - i
Ce qui ressort de cette phrase peu
claire et peu française, c'est un double
aveu :
D'abord, les monarchistes reconnaissent
,que ce sont eux qui ont affaibli l'Assem-
iblée.
Ensuite, ils confessent que leur maj ori-
té ne serait qu'un groupement de minori-
tés, c'est-à-dire que, fussent-ils capables
de renverser, ils seraient incapables de re-
construire.
"b Auguste Vacquerie.
La crise que viennent de provoquer les
royalistes de Versailles paraît avoir ra-
nimé singulièrement les espérances du hé-
ros de Sedan. Une correspondance adres-
sée de Londres au Temps appelle ainsi l'at-
tention publique sur le surcroît d'activité
que déploie en ce moment la bande bona-
partiste :
Je crois devoir vous donner sur le monde de
.Chiselhurst des informations qui m'arriment à
l'instant et dont je vous garantis l'authenticité.
Dieu me garde d'ajouter une autre préoccupa-
tion à celles dont le public français est tour-
menté ; mais ce que je puis affirmer, c'est que
toute la tourbe bonapartiste de Londres, pres-
que toujours, d'ailleurs, conspirante, se remue,
très activement, et qu'il règne à Chiselhurst
une grande agitation. Des communications sui-
vies et journalières sont entretenues entre le
quartier général et la France ; très franche-
ment, on dirait que ces hommes trament un
mauvais coup.
e.
CONFÉRENCE DE DI. LOUIS BLANC
Comme nous l'avions annoncé, la qua-
trième conférence de M. Martin Nadaud
sur les classes ouvrières en Angleterre a
été présidée par M. Louis Blanc. Au mo-
ment où l'éloquent député de la Seine a
pris place au fauteuil, il a été bruyam-
ment applaudi par la foule, qui, malgré la
pluie, était accourue en telle quantité,
qu'une partie a dû rester sur les escaliers.
M. Martin Nadaud a parlé le premier, et,
à l'occasion des Meclianic's Institutes, il a dit
teutes sortes de choses excellentes et qui
sont allées parfois mieux qu'à l'esprit —
au cœur de l'auditoire.
Puis la parole a été à M. Louis Blanc.
On a craint un instant qu'une extinction
de voix dont il était atteint ne l'empêchât
de dire plus de quelques mots. Mais il a
fait effort, sa voix s'est éclaircie, et il a pu
prononcer le discours suivant,qui a eu, d'un
bout à l'autre, un succès aussi grand que
mérité.
Messieurs,
Mon ami, M. Nadaud, vient de vous ex-
poser l'origine, la nature et le développe-
ment de ces établissements qui, en An-
gleterre, sont désignés sous le nom de
Mechanics' Institutes : « Institutions à l'u-
sage des ouvriers »
Cet exposé, il vous l'a présenté avec
cette éloquence simple et forte qui, chez
lui, a sa source dans les profondeurs d'une
âme tout entière à l'amour du peuple.
Ai-je besoin de dire que ses sentiments
sont les miens ; que j'unis ma voix à la
sienne pour faire appel à l'esprit de con-
corde, à la tolérance, à l'union entre les
classes ; que je l'ai entendu avec bonheur
traiter ce soir devant vous une question
dont l'importance est bien grande, mes-
sieurs, comparée à celle d autres questions
qui ne font plus de bruit qu'en soulevant,
hélas ! beaucoup de poussière.
L'éducation du peuple ! C'est là un in-
térêt tellement considérable, tellement lié
au bien-être de la société, à ses progrès,
à son avenir, qu'on se demande avec stu-
peur comment il se fait qu'en France cet
intérêt souverain ait si longtemps tardé à
devenir le principal objet des préoccupa-
tions publiques.
Ne nous plaignons pas trop, cependant.
En proclamant le principe de l'éducation
obligatoire et gratuite, la Révolution fran-
taise jeta une semence qui n'a fructifié
c ue bien tard, il est vrai, mais qui enfin a
fructifié. Grâce au ciel, il n'est plus, le
tsmps — c'était sous Louis XVI — où l'on
trouvait tout simple que pas une obole ne
fiit dépensée pour l'instruction primaire et
que trente-quatre millions fussent libérale-
ment dépensés pour la maison du 2-oil
U n'est plus le temns — c'était sous le
«
premier empire m* où la sollicitude de
'l'Etat, en matière d'éducation populaire,
était attestée par l'inscription, dans le bud-
get, d'une somme de '4,000 fr., accordés
aux frères de l'école chrétienne. Nous pou-
vons mesurer, sans trop de tristesse, le
chemin parcouru, lorsque nous songeons
qu'en tirant chsque année du Trésor royal
une misérable somme de 50,000 fr. pour
faire imprimer des ouvrages consacrés à
l'instruction primaire, encourager leurs
auteurs et fonder des écoles modèles, le
gouvernement de la Restauration croyait
payer largement la dette du pouvoir à l'in-
telligence humaine.
Oui, cela est certain : depuis la loi du
28 jnin 1833, des progrès très notables ont
été accomplis.
Sans doute il reste beaucoup à faire.
Dans le fameux rapport de M. Duruy" au-
quel le reaensemeut de 1863 servit de
base, il est, je ne l'ignore pas, officielle-
ment constaté :
Que plus de 800 communes, à cette épo-
que si rapprochée de nous, étaient absolu-
ment dépourvues d'écoles;
Que près de 900,000 enfants de 7 à 13
ans manquaient dans les écoles primai-
res ;
1 Que le tiers de nos conscrits ne savaient
;pas lirm -
<)ue 36 p. 100 des conjoints oie savaient
pas même signer leurs noms
Qu'un cinquième des enfants ayant at-
teint l'âge scholaire, où n'étaient pas en-
core allés à l'école, ou avaient cessé trop
tôt de s'y rendre, ou pouvaient être consi-
dérés comme n'y devant jamais paraître ;
Et enfin, que, dans le tableau du service
de l'instruction primaire, la subvention to-
tale de l'Etat ne figurait que pour 6 mil-
lions et demi.
Mais qu'on se rappelle quel était, avant
la loi de 1833, l'état des choses ! Il fut dé-
crit par M. Lorain en 1837, et les traits les
!plus saillants en ont été dessinés dans un
[livre, bien connu, sorti de la plume du mi-
nistre actuel de l'instruction publique.
Dans une foule de communes, les conseil-
lers municipaux ne savaient pas lire et
savaient à peine signer. On comptait :
dans tel canton, une école sur quinze
communes ; dans tel autre, une éco-
le sur vingt-cinq communes. En fait
d'instruction primaire, l'indifférence des
familles pauvres était poussée si loin,
qu'on put citer l'exemple de parents à qui
l'on avait offert de l'argent pour qu'ils
consentissent à envoyer leurs enfants à l'é-
cole et qui s'y étaient refusés. Qu'auraient-
ils, du reste, appris, ces enfants, de la
bouche d'instituteurs presque aussi igno-
rants qu'eux-mêmes, et dans des écoles
qui, selon l'expression de M. Lorain, n'é-
taient que des gardiennages?
Aujourd'hui, rien de tel; et à voir avec
quelle force la doctrine libératrice de l'ins-
truction primaire déclarée obligatoire et
rendue gratuite a pris possession des es-
prits les plus élevés, des cœurs les plus
généreux, il est permis d'affirmer que le
moment approche où les hommes du peu-
ple cesseront d'être esclaves de l'igno-
rance, condition nécessaire pour qu'ils
cessent un jour d'être c sclaves de la pau-
vreté.
Mais ce n'est pas seulemeut la généra-
tion future qu'il importe de disputer au
despotisme de l'ignorance : c'est aussi la
génération présente. S'il est bon que les
enfants soient instruits, il est bon aussi
que les adultes cherchent à s'instruire.
Voilà ce qu'on a compris depuis bien
longtemps en Angleterre et ce qui a donné
naissance, de l'autre côté du détroit, à ces
Mechanics7 Instituées dont M. Nadaud vient
de vous raconter l'histoire.
Quel but se proposèrent les fondateurs?
Un but singulièrement utile et noble, mes-
sieurs! Ils voulurent que, chez l'ouvrier,
l'éducation de la tête éclairât et guidât
celle de la main. Ils visèrent à initier l'ou-
vrier au secret des lois scientifiques qui
régissent sa profession. Ils pensèrent que
le peintre doit savoir quelque chose des
principes et de l'harmonie des couleurs;
que le teinturier et l'imprimeur d'indien-
nes doivent savoir quelque chose de la
chimie; que les hommes du peuple ne
sont pas faits pour être de serviles
imitateurs, mus par une force plus
semblable à l'instinct du castor que digne
de l'intelligence de l'homme. Ils pensèrent
que rien n'était plus propre à donner au
travailleur le goût de son travail, à l'y in-
téresser, à lui en faire pour ainsi dire un
plaisir, que la connaissance du pourquoi et
du comment des opérations auxquelles son
activité s'applique. Une fois armé de cette
connaissance, se dirent-ils, l'ouvrier se-
ra en état de se plier sans effort à l'a-
doption de procédés nouveaux, s'il arrive
qu'une révolution dans la mode ou une in-
vention soudaine fassent abandonner
les procédés anciens; il se trouvera natu-
rellement sur la pente qui mène aux dé-
couvertes; en un mot, sa puissance d'ac-
tion sera centuplée, ainsi que son aptitude
à passer, si les circonstances l'y obli-
geaient, d'une branche d'industrie à une
alltre. Vous le voyez : le but que se propo-
sèrent les fondateurs des Mechanics Intitu-
tes fut d'élever le travail manuel à la dignité
d'un travail intellectuel.
Pour cela, trois' moyens se présentaient :
les livres, les conférences, l'enseignement
scientifique : l'emploi de ces trois moyens
constitua les Mechanics1 Instituas. Chacun
d'eux eai une bibliothèque. Dùna chacun
d'eux, on fit des cours. A chacun d'eux fu-
rent attachées des «clauses »'.
Ii y avait des frais à couvrir : les ou-
vriers qui désiraient participer aux avanta-
ges offerts par ces étàblissements furent
invités à acheter par une souscription mi-
nime le droit d'en être membres.
Maintenant, messieurs, peut-on dire que
les résultats aient répondu à l'attente dei
fondateurs? Dans une certaine mesure,
oui ; entièrement, non ; et c'est parce l'a-
nalyse des causes qui ont empêché un
succès complet me paraît fournir matière
à d'utiles méditations, que je vous deman-
derai la permission de m'y arrêter.
Voici un homme qui a travaillé dix,
onze et jusqu'à douze heures dans sa
journée. Sa tâche finie, il a besoin, sinon
de récréation, du moins de repos. On l'a-
vertit que la bibliothèque l'attend.
Eh bien, supposons qu'il fasse tant que
de s'y rendre : à des livres frivoles, mais
amusants, préfèrera-t-il des livres sérieux,
des traités scientifiques, dont la lecture
compliquerait d'une fatigue mentale sa
fatigue corporelle? C'est peu probable.
La conférence, si elle est aussi sérieuse
que les livres sérieux, aura-t-elle pour lui
plus d'attrait? Elle risque d'en avoir moins
encore. Il faudrait, pour qu'il y prît un vif
intérêt, qu'il eût déjà quelque notion du
sujet traité par le conférencier ; •qu?il pût
avoir sur place l'explication de ce qui l'em-
barrasse ou lui semble obscur; que pas un
mot ne tombât dans son oreille sans avoir
traversé son intelligence ; qu'il entendît
tout, qu'il fût préparé à tout comprendre.
Cela, je le veux bien, arrivera quelque-
fois ; est-il certain que cela arrivera tou-
jours ?
On serait tenté de croire que les classes
ont une puissance d'attraction plus grande.
Là, en effet, l'attention de celui qui reçoit
l'instruction est tenue continuellement en,
éveil par les questions de celui qui la donne.
A la différence du conférencier, qui ne com -
bat l'ignorance que de loin, le professeur
la prend corps à corps ; il interroge, il ré-
pond, il est en contact avec l'élève, il le
met à l'épreuve, il ne lui laisse faire un pas
en avant que lorsqu'il le juge capable d'a-
vancer. Mais quoi ! est-ce que ceux-là sont
toujours aptes à recevoir l'éducation du
second degré, auxquels l'éducation du pre-
mier a manqué? Est-il sûr que le défaut
d'instruction élémentaire chez l'enfant ne
produira jamais ses funestes conséquences
chez l'adulte ? Lorsque son caractère est
formé, l'homme est-il toujours propre à
contracter des habitudes studieuses?
Ces remarques, messieurs, vous don-
nent la cl4 des difficultés qui ont entravé
le développement normal des Aleclianiesl
Institutes en Angleterre.
De la préférence donnée aux ouvrages
d'imagination sur les livres scientiques, je
pourrais citer de nombreux exemples :
qu'il me suffise de vous dire que, dans ce-
lui de ces établissements qui, en 1852 était,
au point de vue du nombre des membres,
le plus important qu'il y eût en Angle-
terre, dans le « Mechanics' Institute » de
Leeds, la circulation des œuvres de fiction
et de littérature périodique embrassa plus
de la moitié de la circulation totale.
Quant aux conférences, qui avaient d'à.
bord porté sur des sujets scientifiques
conformément aux vues des fondateurs
elles ne tardèrent pas à revêtir un earac.
tère purement littéraire; elles s'inspirè-
rent du génie de la fantaisie ; elles eurent
de plus en plus pour objet, non d'instrui-
re, mais d'amuser.
Enfin, pour ce qui est des classes, vous
pourrez juger de la manière dont elles ont
réalisé les espérances des fondateurs, par
ce fait, que, dans l'établissement le plus
considérable de l'Angleterre, Leeds, les
classes de dessin, de mathématiques et de
chimie, se trouvaient avoir réuni, en 1853
dix-sept élèves de moins qu'en 1839 bien
qu'en i839 le nombre des souscriptions
fût sept fois moins considérable qu'en
1853.
Ce n'est pas tout. Les Mechanics' Institu-
tes avaient été spécialement établis pour
les ouvriers. Eh bien, qu'est-il arrivé?
Que c'est dans la classe des employés, des
petits marchands, des commis de magasin,
que leurs membres se sont en partie re-
crutés.
Toutefois, de ce que je viens de dire
n'allez pas conclure, messieurs, que la
création des Méchante* Institutes a été sté-
rile. Bien que ces établissements n'aient
pas rendu tous les services qu'on en pou-
vait attendre, leur utilité a été considéra-
ble. Ils ont fait naître là où il n'avait ja-
mais existé le goût de la lecture ; ils ont
encouragé la publication des livres à bon
marché ; ils ont donné \une salutaire et
vive impulsion aux réformes sanitaires;
quoique fermés à la politique, ils ont
fourni au peuple l'occasion de l'étudier
sous ses divers aspects, en mettant à la
portée de tous des journaux appartenant
aux opinions les plus contraires. Et puis
par le seul fait de leur présence, ils ont
consacré le droit à l'éducation, c'est-
à-dire, dans son acceptation la plus haute:
le droit à la vie !
Et combien leur action aurait été plus
féconde, plus bienfaisante, si elle n'avait
pas été trop souvent paralysée par l'insuf-
fisance de leurs ressources, insuffisance
résultant de l'extrême modicité des so-is-
crintions ; -fi l'Etat leur était venu en aide
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