Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1875-01-05
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 05 janvier 1875 05 janvier 1875
Description : 1875/01/05 (N1761). 1875/01/05 (N1761).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7532904t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
INt 1761 - blatdi 5/Janvier 1875 ILe numéro 1 10 e. - Départeaeat. : 15 e.
16 Nivôse an &S - sw - H* 1761
REDACTION
l'aclreller au Secrétaire de la Rédaction
De 4 à 6 heures dù soir ;.
18j BOB DB VALOIS, 18
Les manuscrits non insérés ne seront pas l'ln.
ANNONCES
ADMINISTRATION
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âBORRBKBHTf
mis
JVois mois,..». ID D
lit mois,..,»••• 20 o
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Trois mOl. 13 5f
Six mois 2?$
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MM. Ch. LAGRANGB, CERF et C!
8, place dç-ta Bourse, 6 ;\
r • ■
Adresser lettres et mandats ""!
A M. ERNEST LEFÈVAj
41>HINMT&AT £ Ufi<«iBAKT
CONFÉRENCES DE L'ELYSÉE
On annonce officiellement que les
conférences de l'Elysée sont finies. Ces
conférences n'ont point apporté un sou-
lagement sensible aux maux dont nous
sommes affligés. Elles n'ont eu qu'un
résultat utile : c'a été de montrer à quel
point était intime et profonde l'union des
soi-disant conservateurs, inaugurée le 24
mai 1873. Il n'y a plus, maintenant,
deux conservateurs du même avis. Le
proverbe dit qu'il faut, par les fruits,
juger l'arbre. On pourrait dire qu'il faut
juger la coalition du 24 mai pa. ses con-
férences.
Avant le 24 mai, il existait une majo-
rité à la Chambre. Cette majorité vou-
lait un gouvernement définitif et défini.
Elle s'entendait ou paraissait s'entendre
sur certaines Péformes à opérer. Il y
avait bien quelques divergences ; les
uns voulaient faire quatre kilomètres à
l'heure, les autres ne voulaient avancer
d'un pas que tous les deux jours. Quoi
qu'il en fût, on était d'accord sur deux
ou trois points importants. La France
pouvait compter sur l'avenir. Elle en-
trevoyait le but, elle connaissait les
moyens. La confiance lui revenait peu
à peu. La prospérité était proche. Si la
gauche ne pensait pas toujours comme
le centre gauche, si l'extrême gauche
ne pensait pas toujours comme la gau-
che, si le pays ne pensait pas toujours
comme l'extrême gauche, au moins
était-on certain que, lorsqu'une question
vitale se présentait, comme, par exem-
ple, l'existence de la République, tout
le monde se ralliait au même avis. Cette
union donnait à la France ce qu'on ap-
pelle la sécurité. 1>
Un jour, cependant, la majorité chan-
gea. La politique renversa son pôle. Ce
fut le 24 mai. A l'union des forces répu-
blicaines succéda la ligue des gens de
bien. La ligue des gensdebien produisit
le résultat que les conférences de l'Ely-
sée viennent de nous révéler.
Nous possédons une extrême droite
et une droite dite modérée qui ne veu-
lent point organiser même le plus petit
sixennat. Il leur faut un gouvernement
sur la branche, toujours prêt à ouvrir
ses aîles et à s'envoler. Décider que ce
gouvernement aura une durée quelcon-
que, c'est, d'après elles, porter atteinte
au principe sacré de la royauté légitime.
Le roy fait antichambre, il est vrai, par-
ce qu'il lui est impossible de faire autre-
ment. Mais il faut arranger les choses
de telle sorte qu'on puisse croire que
ce séjour dans l'antichambre est volon-
taire et que le roy se plaît mieux là
qu'au salon. Donc,conservons les portes
grandes ouvertes. Le roy entrera quand
cela lui fera plaisir. Le président de la
République se tiendra sur le seuil de son
sixennat uniquemeht pour annoncer le
nouveau venu : Messieurs, le Roy !
Les droites ne constituent pas la ma-
jorité.
A côté d'elles siège le centre droit.
Le centre droit demande la constitution
du sixennat personnel. Est-ce là un
gouvernement? Oui et non. Il y a du
pour et du contre. En tous cas, c'est un
gouvernement original, qui se refuse ce
qu'envient tous les gouvernements pré-
sents et passés : la durée. D'après le
centre droit, ce qu'on doit commencer
par régler, dans les lois constitution-
nelles, ce n'est pas la façon dont le gou-
vernement doit fonctionner et vivre ;
non. C'est le cérémonial de son enterre-
ment. Une loi dira qui doit tenir les
cordons du poêle ; une autre, qtii doit
creuser la fosse; une autre, qui doit pro-
noncer le discours. La pompe funèbre
ordonnancée, il n'y aura plus rien à
faire, et l'on attendra patiemment le
moment fatal. Le centre droit ne com-
prend pas que tous les bons citoyens ne
se rallient pas immédiatement à ce pro-
gramme. Est-ce qu'une cérémonie de
ce genre n'est pas agréable? Est-ce
qu'un gouvernement qui dit : Frère, il
faut mourir, tous les ans, le 20 novem-
bre, n'a pas quelque chose de piquant?
Est-ce qu'un convoi politique, conduit
par M. de Broglie, ne fera pas bien dans
l'histoire?
On dit au centre droit : « Et après ? Et
quand votre gouvernement sera mort,
qu'est-ce que vous donnerez à la France?
Par qui remplacerez-vous le défunt?» Le
centre droit met un doigt sur sa bou-
che, fait le mystérieux et ne répond
point. Le centre droit ne constitue pas
une majorité.
Enclavé dans le centre droit, nous
trouvons maintenant le groupe bona-
partiste. Mais que penser et que dire
de celui-là? Le groupe bonapartiste vote
avec M. de Broglie, et ses candidats
traitent M. de Broglie de « ministre
impopulaire » ; le groupe bonapartiste
se dit partisan du septennat, et ses jour-
naux — notamment la Patrie — applau-
dissent au coup d'Etat militaire qui a
renversé le gouvernement du maréchal
Serrano ; le groupe bonapartiste se dit
« résolument conservateur », mais ses
écrivains autorisés présentent de soi-
disant communards au jeune prince de
Chislehurst; le parti bonapartiste se dit
seul patriote, et ses représentants les
plus officiels « sollicitent ouvertement
l'appui de la Prusse » ; le parti bonapar-
tiste ne désire qu'une chose : le gâ-
chis.
Heureusement, le parti bonapartiste
ne constitue pas la majorité.
Voici donc la situation. A la place
d'une majorité à peu près homogène,
par conséquent rassurante, nous avons
trois minorités qui ne s'entendent point
et qui, toutes les fois qu'on les met en
présence, profitent de l'occasion pour
constater qu'elles ne s'entendront ja-
mais ! * *
Tel est le fruit de la politique inaugu-
rée le jour de la chute de M. Thiers.
Oh! qu'ils doivent être désabusés,main-
tenant, les citoyens naïfs qui applaudis-
saient M. de Broglie quand M. de Bro-
glie disait que l'ordre moral » résulte-
rait de l' « union des conservateurs » !
Ne voit-on pas bien, aujourd'hui, ce
qu'était cette union, et ce que valait cet
ordre? Cet ordre, c'était le désordre
dans tous les esprits ; cette union, c'é-
tait la guerre entre tous les groupes.
Les conférences de l'Elysée viennent de
le démontrer une fois de plus. M. d'Au-
diffret n'a pu s'entendre avec M. deKer-
drel ; M. de Kerdrel n'a pas pu s'enten-
dre avec M. Périer. M. Hamillë n'a pu
s'entendre avec personne. Voilà bien la
preuve que, pour tous les hommes de bon
sens, il n'y a plus qu'une politique à
suivre : c'est la politique de h dissolu-
tion.
EDOUARD LOCKROY.
■■
ENCORE UN
On est arrivé à un nouveau résultat :
bien entendu, à un nouvel avortement.
L'Assemblée va se réunir demain, et voici
devant quels partis elle se trouve décidé-
ment :
Septennat républicain : l'ancienne ma-
jorité du 24 mai n'en veut pas. -^ Septen-
nat provisoire (personnel ou impersonnel)
avec deux Chambres : l'ancienne majorité
du 16 mai (contre M. de Broglie) n'en veut
pas. - Ajournement nouveau de toutes les
questions : ce serait une extrémité si
inouie que personne n'en ose exprimer
l'idée.
Le nouvel avortement a pris des formes
solennelles et insolites. Il semble qu'on ait
voulu constater d'une façon retentissante
l'impuissance ridicule des partis. On est
allé avorter chez le président de la Répu-
blique. On avait choisi les opinions et les
hommes. La Babel parlementaire a été
prouver au maréchal que son nom voulait
bien dire: cc Confusion des langues». Deux
journées ont été employées à cette utile
besogne. Maintenant, la preuve est-elle
faite? Comprend-on qu'il faut se décider à
consulter la nation? Les gens qui font (ou
défont) les affaires de la France, sans lui
demander son avis, sont-ils convaincus
qu'ils n'arriveront à rien?
Un parti qui joue là un joli rôle, c'est le
parti orléaniste. Que dis-je? il n'y a plus
d'orléanistes. Mil huit cent trente a été en-
terré à Frohsdorff. Aucun nom qui indique
quelque chose comme une opinion ou un pro-
gramme ne convient plus au groupe qui a
voulu la restauration du roy légitime; qui a
défendu les projets de M. de Broglie, con-
çus pour le duc d'Aumale; qui a soutenu
sans défaillance le bonapartiste Fourtou.
Non, il n'y a plus d'orléanistes. Il n'y a
plus que le « centre droit ». Ces hommes
n'ont plus de qualification possible que
celle qu'ils tirent des bancs où ils siègent.
La place du velours et du bois où s'appuient
leurs redingotes est leur uniqúe caractère
précis. Le reste varie à l'infini : cléricaux
un jour, — lâchant les ultramontains le
lendemain, - sujets de Henri Y en octobre,
et ses adversaires acharnés en juin,— com-
plaisants au parti de Sedan le matin, fu-
rieux contre lui le soir, — nos « conserva-
teurs » ne savent plus eux-mêmes quelle
pourrait bien être leur opinion.
Je me trompe : le Journal de Paris l'a
révélé avec une candeur qui lui fait hon-
neur. La feuille des princes en vient à
rappeler les enfants terribles de Gavarni.
Elle a formulé ingénuement, ces jours-ci,
tout le programme du centre droit. Il veut
« faire dans l'Assemblée une majorité
gouvernementale ». Rien de plus. Rien de
moins. Mais sur quel terrain ? Peu lui im-
porte. En octobre soixante-treize, c'était
sur la monarchie telle que la veut l'extrême
droite. Aujourd'hui, le Journal de Paris
l'avoue, on hésite entre la droite et le cen-
tre gauche. Les opinions, les tendances, le
programme politique, bagatelles que tout
cela ! Avoir une majorité, c'est-à-dire pou-
voir garder les ministères, là est le but, le
but unique. Bon journal, qui dit sans dé-
tours que l'opinion de ses amis est de res-
ter au pouvoir, et rien de plus !
Eh bien! ses amis n'y réussissent guère.
Ils n'ont plus aucune route ouverte devant
eux. Rien que des impasses. Ils refuseront
une fois de plus de faire la République. Du
moins, c'est la nouvelle de ce matin. Y
réussironMls ? Soit. Nous n'avons aucune
inquiétude sur ce qui adviendrait en pareil
cas. Le temps des équivoques est passé ; il
faudra être à droite ou à gauche : contre
l'immense majorité de la France, ou avec
elle. S'ils continuent à: refuser de se ren-
dre à la voix impérieuse de l'opinion, que
feront-ils ? Tout leur est fermé: Impossible
de faire un septennat provisoire ». Im-
possible de- ne rien faire du tout. Au point
où l'on en est, tout le monde sent que re-
parler de nouveaux délais, ce serait pro-
noncer l'arrêt définitif de l'Assemblée, et
jeter la France impatientée et liesse dans
un état dangereux pour tout le monde.
Que reste-t-il? La dissolution, l'appel au
pays.
Le politique qui est assurément le plus
clairvoyant et le plus considérable parmi
les hommes du 24 mai, le disait l'autre
jour : « Il faut faire quelques concessions
pour éviter d'avoir se dissoudre. » — Le
centre droit était dans cette alternative :
accepter la République, ou amener de nou-
velles élections générales. Il a refusé le
premier des deux partis. S'il l'adoptait, ce
serait, sans doute, un petit retard, mais
on verrait bien vite qu'on ne peut pas se
passer du pays. Il ne l'adopte pas. Tant
mieux l La conséquence est claire.
CAMILLE PELLETAN.
ÉLECTION DES HAUTES. PYRÉNÉES
Résultats connus à trois heures
Votants : 24.823
IID. Brauliauban 9.S5S
Cazeaux o 9 , b , 9.398
Alicot ®.5'©9
De Puységur. • • ■ ïftf
Nous n'avons pas reçu les dépêches de
notre service spécial. Le télégraphe n'a
transmis que les dépêches officielles, les-
quelles ont été communiquées par le mi-
nistère aussi avarement que possible.
D'après les chiffres" connus jusqu'à pré-
sent, M. Brauhauban et M. Cazeaux se
suivent à quelques centaines de voix de
distance, et sont suivis, de plus près qu'on
n'aurait cru, par -M. Alicot.
Les voix de M. Alicot, et les quelques
voix de M. de Puységur, empêcheront
probablement qu'aucun candidat ne passe
au premier tour, et il est probable qu'il y
aura ballottage.
Tarbes (cantons Nord et Sud) :
Brauhauban 2.834
Cazeaux 2.358
Alicot 1.427
De Puységur 236
Canton de Vie-en-Bigorre :
Brauhauban 961
- Cazeaux 479
Alicot 403
De Puységur 94
Canton de Tournay :
Brauhauban 560
Cazeaux 1.128
Alicot 837
De Puységur 19
Canton de Saint-Laurent :
Brauhauban 820
Cazeaux 790
* Alicot 660
De Puységur 53
Canton de Rabastens :
Brauhauban 531
- Cazeaux 644
Alicot 420
De Puységur 91
Canton de Vieille-Aure :
Brauhauban 114
Cazeaux 177
Alicot 428
De Puységur 24
Canton de Maubourguet :
Brauhauban 840
Cazeaux 644
Alicot 427
de Puységur 68
Canton de Galan :
Brauhauban 127 • -
- Cazeaux 416
Alicot 493
De Puységur 51
Canton de Castelnau-Magnoac :
Brauhauban 949
Cazeaux 828
Alicot 679
De Puységur 76
Canton de Lourdes (moins une com-
mune) :
Brauhauban 132
Cazeaux 1.929
Alicot 935
De Puységur 40
A l'heure qu'il est, le département des
Hautes-Pyrénées a quatre représentants : !
MM. de FrancHeu, légitimiste; Adnct, mor
narchiste vague; Desbons, du centre gau-
che, et Ducuing, de la gauche républi-
caine.
Tous quatre ont été nommés aux élec-
tions'générales dn 8 février 1871. Sur
67,003 électeurs, 42,776 ont voté. J
Voici le nombre de voix qu'ils ont ob-
tenu : ; >
'MM. Adnet 31,540
Desbons 30,191
De Franclieu 28,129 - ,
Ducuing 15,718
Le député que les électeurs du Hautes-
Pyrénées ont eu à remplacer hier, M. de
Goulard, monarchiste, était arrivé premier
avec 32,776 voix, c'est-à-dire avec plus du
double des voix de l'élu républicain.
On pourra se rendre compte des progrès
qu'aura fait la République dans les Hautes-
Pyrénées en comptant combien le candi-
dat républicain du 3 janvier 1875, M. Brau-
hauban, aura eu de voix de plus que l'élu
républicain du 8 février 1871, M. Du-
cuing.
—
EN PROVISOIRE
La foule, a dit un grand poète, ne
comprend pas le sens de ces mots pro-
fonds : « le temps, les ans, les jours ».
La foule est excusable parce qu'elle est
la foule et qu'elle est ignorante. Mais les
politiques, les hommes d'Etat, tous ces
sages brevetés et patentés qui ont pris
notre bonheur en main, devraient peut-
être prêter une oreille moins distraite
Quand l'heure tout à coup lève sa voix sonore,
et écouter un peu mieux les graves con-
seils du tqui finit et celle qui commence, le mo-
ment serait-il bien choisi pour un rapide
examen de conscience ; pour se rendre
compte et de ce qu'on a voulu et de ce
qu'on a pu faire.
Si les nommes dont la politique pré-
domine depuis deux ans, veulent bien
faire ce retour sur eux-mêmes, ils recon-
naîtront aisément que, de leurs projets,
aucun n'a pu se réaliser ; et que le seul
succès qu'ils aient obtenu, succès entiè-
rement négatif, a été de tout suspendre,
Id &tout enrayer et de faire obstacle à là
réorganisation du pays. C'est à ce triste
résultat que s'est bornée leur action, et
il a de quoi les épouvanter si, comme
nous le leur demandons, ils veulent bien
le regarder d'un peu près. Car nous ne
sommes pas dans des circonstances or-
dinaires, et jamais nous n'avions eu tant
à faire qu'en ce moment, où l'on nous
dit : ne faisons rien! Jamais plus de
hâte n'eût été nécessaire qu'à cette heure
où l'on prétend nous aire ; arrêtez-
vous !
Appelez cela du nom que vous vou-
drez : trêve des partis, septennat per-
sonnel, ajournement des solutions, ré-
publique provisoire; c'est toujours, au
fond, une seule et même chose : c'est le
développement national enrayé, la vie
publique suspendue et, pour dire t
c'un mot, c'est la France en îétlmrgi^A
Aussi, sans prétendre que les
qui poursuivent cet. idéal veu^eSLtu^
la France, il est certain, du 1 - que
l'état auquel ils se proposent h, h>ent
de la réduire, est l'état qui ressem 1
plus a la mort. Et cependanr>eMt^pelle^
doctrine du provisoire et de aalp,
parente, érigée en système de gouverV 4
nement, a encore été défendue, l'autrer^
jour, dans les conférences de l'Elvsée.
M. de Broglie, notamment, s'en esO^
constitué le champion. Il faut croire que
certains hommes, même certains nra-
d^miciens, ignorent le sens et la perlée
de certains mots. Il est impossible que,
se rendant compte de tous les dangers,
de toutes les causes de faiblesse et de
ruine qu'il y a derrière ce mot de pro-
visoire, d'honnêtes gens persistent à
l'imposer au gouvernement de leur
pays.
- Laissons de côté les conséquences
morales de cette politique. On les signa-
lait ici-même éloquemment, il y a peu
de jours, et d'ailleurs ces considérations
ont le privilége d'échapper à certaines
gens. Mais la statistique, voilà une
science digne de tous les respects de
l'ordre moral ! une science honnête
et modérée. Eh bien, si la statistique
disait que, quand la population croît
tout autour de nous, chez nous elle dé-
croit? Si la statistique ajoutait que ce
décroissement résulte des établissements
trop tardifs, et si elle constatait que,
plus l'avenir est incertain et plus le pro-
visoire triomphe, plus aussi les jeunes
gens hésitent à devenir chefs de famille?
Or, toutes ces suppositions sont des
réalités. Qu'en peut-on conclure? sinon
que la politique du provisoire àgit sur
lés forces vives du pays, sur la popula-
tion même, à la façon d'une épidémie,
d'une fièvre ou d'un èhÕtéra. Un calcu-
lateur laborieux, en s'aidànt des proba-
bilités, pourrait dire aux fanatiques de
l'ajournement, avec une approximation
suffisante, de combien leûr belle politi-
que a réduit, depuis deux années, le
mouvement de la population ; combien,
en un mot, ils ont enlevé de citoyens à.
la France. -
Et puis, dans une nationqùi Se règle
volontiers sur son gouvernement, si ce-
lui-ci prend une sorte de néant pour
idéal, il faut S attendre à voir baisser
partout l'activité intellectuelle et maté-
rielle. Il est impossible en effet, qu'un
peuple auquel on répète chaque, jour
qu'il n'a pas et ne doit pas avoir de len-
demain, pense et agisse avec la même
liberté d'esprit et la même énergie que
s'il était 'exempt de cette préoccupation.
Tous les efforts individuels, dont la ré-
sultante constitue le progrès social,com-
portent en eux-mêmes une certaine dose
d'aléa qui leur est propre. Mais quelle
situation désavantageuse pour une na-
tion quand, à cet alea, vient s'ajouter,
comme un facteur commun, le grand
aleu de la chose publique sans organisa-
tion et sans lendemain ! C'est un élé-
ment destructif de tout progrès, une re-
doutable cause d'infériorité vis-à-vis de
toutes les autres nations.
Que les politiques du provisoire y ré-
fléchissent, ceux du moins qui ne sont
pas inspirés par des pensées coupables.
Ils ont cru peut-être que la vie d'une
grande nation pouvait se diviser; qu'on
pouvait, ici la suspendre, et ailleurs la
laisser fonctionner; qu'on pouvait tout
ajourner en politique, et, en dehors de
la politique, tout résoudre. C'était une
grave et double erreur. La vie suspen-
due dans quelques organes a été sus-
pendue partout. Plus rien ne se fait, que
ce qui ne peut absolument pas être
ajourné. Au delà, il n'y a rien, et il n'y
Feuilleton du Rappel
DU 5 JANVIER
Bi-
LES CINQ DOIGTS
DE BIROUK
CHAPITRE LXI 1
lie secret de Mlle Chagnier
Un coup frappé à la porte de la rue
tira Patris d'embarras et lui rendit un
peu de force.
C'était Anne Chagnier qui venait au
rendez-vous donné par le vigneron.
— Qu'elle n'entre pas ! dit Gaston; je ne
veux pas la voir.
Patris ménagea d'autant mieux cette
dernière révolte de la piété filiale, que lui-
même voulait parler seul à Anne Cha-
gnier, et reprendre, en discutant avec elle,
un peu de l'énergie qu'il perdait devant sa
fille.
Reproduction interdite. - -
ou le Rappel du 14 octobre au 4 janvier.
Il laissa les deux jeunes gens en tète à
tête et sortit de la salle.
Si elle avait prié, Anne n'avait pas trouvé
d'apaisement dans la prière. Ses yeux
étaient redevenus farouches; sa bouche était
restée menaçante ; si elle avait demandé
conseil aux morts, les morts avaient été
muets ou avaient été sourds.
Patris l'étonna par son air de résolution
satisfaite ; elle n'eut pas le temps de l'in-
terroger; il la saisit par la main, et, l'en-
traînant dans la cour :
— Les enfants sont là, dit-il, et ne doi-
vent pas nous entendre; puis, j'aime au-
tant que les choses que nous allons re-
muer exhalent leurs secrets ailleurs que
dans ma maison. Causons en plein air.
Anne ne répliqua pas et se laissa con-
duire. Quand ils furent dans la cour, la
vigneron se croisa les bras, et regardant la
vieille fille en face :
- Une chose m'étonne, lui dit-il d'un
ton gouailleur; c'est que, détestant Mme
Darras et voulant la perdre, vous n'ayez
jamais parlé de ses amants.
— A quoi bon ? répliqua l'ancienne gou-
vernante avec dédain; j'avais mieux que ses
fredaines à tirer au grand jour.
— C'est égal ! vous n'êtes pas une femme
complète, mademoiselle Chagnier; vous
avez oublié des épices dans votre ven-
geance.
— C'est possible. Où voulez-vous en ve-
nir?
- A ceci. Le complice que nous cher-
chons est un amant. Par un scrupule bi-
zarre, Mme Darras ne l'a pas nommé : elle
a préféré livrer son mari, en faisant croire
à celui-ci qu'il allait se dévouer pour son
fis:
Anne Chagnier ouvrit de grands yeux
stupéfaits, naïfs :
— Qui vous a appris tout cela, mon-
sieur Patris ?
— Mon petit doigt. ou, plutôt, le petit
doigt de ma fille?
Comment, c'est Mlle Céliriie?.
- Oui; il paraît qu'il faut être dans le
ciel pour bien voir l'enfer. Les gens qui
sont à moitié chemin, comme nous, dis-
tinguent mal ce qui est là-haut, jugent
mal ce qui est en bas. La pureté de ma
fille a deviné la candeur de M. Darras ; elle
a compris qu'il s'immolait. Voilà ce que
c'est que d'être amoureuxl Nous ne le som-
mes plus, mademoiselle Chagnier; aussi
nous n'avons rien vu, rien deviné.
Anne rougit et se mordit la lèvre en bais-
sant les yeux. Elle trouvait la plaisanterie
de Patris malavisée, sacrilège.
— Je sais bien, répondit-elle avec une
aigreur tiède, que j'ai moins d'esprit que
Mlle Célinie ; il reste à savoir si Mlle Céli-
nie n'en a pas trop.
1 Le vigneron, que l'orgueil paternel avait
rendu féroce pendant une minute, haussa
les épaules et redevint subitement indul-
gent :
- Allons, allons, mademoiselle Cha-
gnier, ne nous fâchons pas, et causons sé-
rieusement, méthodiquement. Nous som-
mes d'accord, n'«fct-ce pas? sur ce pre-
mier point : l'innocence de M. Darras.
- Sans doute.
- Mme Darras, qui hait son mari, a
voulu le perdre avec elle, ou se sauver par
lui!
— C'est possible.
— Elle n'avait, cette mégère, qu'un
moyen de le déterminer* à une complicité
apparente, c'était de lui dire : « Gaston est
mon complice, sauvez-let »
— Cela n'est pas invraisemblable.
— Sans compter que la douleur d'accu,
ser son fils fait entrevoir à ce malheureux
père la honte comme une expiation, la
mort comme une délivrance.
— Je le crois.
- D'un autre côté, vous m'avez dit, et
vous avez répété à la justice, que dans la
nuit du meurtre vous aviez entendu dis-
tinctement une voix d'homme suppliant
qui - tutoyait Mme Darras. Si cette voix
n'est pas celle du mari ou du fils, c'est
celle d'un amant.
— C'est juste !
— Nous avons été abasourdis il y a une
heure ; ce crime monstrueux nous a jetés
dans les divagations. Ce qui était tout sim-
ple, ce qui crevait les yeux, nous a échap-
pé. Il en est toujours ainsi. Cherchons à
nous deux maintenant, ce vrai complice.
— Ne faut-il pas raconter d'abord aux
magistrats?.,
— Non, non. Les magistrats feraient
fuir le gibier; la justice humaine ne se
remue pas sans tapage. Qui sait si ce com-
plice n'est pas déjà averti? On commence-
rait par interroger Mme Darras, par la pro-
voquer à quelque ruse nouvelle. Non, non !
cherchons; et quand je saurai où se cache
le poltron que Mme Darras a traîné der-
rière elle, dans le sang d'Anne Jacquinot,
je préviendrai les gendarmes. Le temps
presse. Tâchons de finir toute cette be-
sogne aujourd'hui. Je ne veux pas que
M. Darras passe la nuit avec l'horrible pen-
sée que son fils a été parricide. Voyons,
mademoiselle Chagnier, vous devez être au
courant, et savoir par le menu les amours
de la belle Savine ?
- Moi 1
- Oh l ne rougissez pas, ma chère. Ce
n'est pas le cas de faire la petite bouche.
Vous étiez plus fière quand, ce fameux ma-
tin, vous nous parliez devant le cadavre de
M. Pierre Darras, sans prendre garde à vo-
tre toilette.
— C'est vrai, répliqua la vieille fille, en
relevant la tête et sans rougir de cette al-
lusion à sa nudité. Oui, je la connais l'his-
toire de Mme Savine ; assez de fois je l'ai
entendu raconter, et je l'ai racontée à
mon maître. Oui, je sais le nombre de ses
amants. La liste est longue, monsieur
Patris.
— Raison de plus pour aller vite.
— Ah ! la misérable ! Dans la dernière
visite qu'elle avait faite au Prieuré, elle
s'était entendue appeler adultère ! C'est
l'adultère surtout qui a voulu se venger en
prenant un de ses amants pour complice.
Elle se vengeait encore en immolant son
mari. - •
— Allons, ma bonne Chagnier, je vois
que vous reprenez courage ; recueillez vos
souvenirs, je vous écoute.
Anne commença ; la liste, en effet, pa-a
raissait longue. Dans tout autre moment,
Patris se fût amusé de ce dénombrement
de l'amour fait par la haine ; mais en in-
terrompant de temps en temps par un mot
gouailleur, en estampillant chaque feuillet
de cette chronique scandaleuse d'un ver-
dict brutal et gaulois, il appliquait son es-
prit à dévisager au passage ces complices
de l'adultère, pour deviner s'ils avaient pu
devenir les complices d'un parricide.
En approchant de la fin, il eut peur, et
il en souhaitait d'autres. La plupart des an-
ciens amoureux de Mme Darras étaient,
ou si bien rangés dans le bercail conjugal,
ou si visiblement refroidis, qu'il était irn^
possible de les soupçonner. -
Quant à la supposition que Mme Darras,
à son âge, avait pu éblouir, fanatiser un
cœur nouveau jusqu'à le pousser au Meur-
tre, elle était inadmissible.
C'était donc dans le passé qu'il fallait
trouver le gage d'une complicité actuelle.
Anne Chagnier s'était arrêtée, et, la tête
baissée, semblait chercher encore.
— Est-ce tout? demanda Patris alarméi
— Non; il y en a encore un, le dernier^
i— Qui cela?
- Auguste Fardeau !
LOUIS ULBACH,
(A suivre)
16 Nivôse an &S - sw - H* 1761
REDACTION
l'aclreller au Secrétaire de la Rédaction
De 4 à 6 heures dù soir ;.
18j BOB DB VALOIS, 18
Les manuscrits non insérés ne seront pas l'ln.
ANNONCES
ADMINISTRATION
$8, BCB DB Valoir Il )
âBORRBKBHTf
mis
JVois mois,..». ID D
lit mois,..,»••• 20 o
., DÉPAETIMjKTf
Trois mOl. 13 5f
Six mois 2?$
- ',,' 4
MM. Ch. LAGRANGB, CERF et C!
8, place dç-ta Bourse, 6 ;\
r • ■
Adresser lettres et mandats ""!
A M. ERNEST LEFÈVAj
41>HINMT&AT £ Ufi<«iBAKT
CONFÉRENCES DE L'ELYSÉE
On annonce officiellement que les
conférences de l'Elysée sont finies. Ces
conférences n'ont point apporté un sou-
lagement sensible aux maux dont nous
sommes affligés. Elles n'ont eu qu'un
résultat utile : c'a été de montrer à quel
point était intime et profonde l'union des
soi-disant conservateurs, inaugurée le 24
mai 1873. Il n'y a plus, maintenant,
deux conservateurs du même avis. Le
proverbe dit qu'il faut, par les fruits,
juger l'arbre. On pourrait dire qu'il faut
juger la coalition du 24 mai pa. ses con-
férences.
Avant le 24 mai, il existait une majo-
rité à la Chambre. Cette majorité vou-
lait un gouvernement définitif et défini.
Elle s'entendait ou paraissait s'entendre
sur certaines Péformes à opérer. Il y
avait bien quelques divergences ; les
uns voulaient faire quatre kilomètres à
l'heure, les autres ne voulaient avancer
d'un pas que tous les deux jours. Quoi
qu'il en fût, on était d'accord sur deux
ou trois points importants. La France
pouvait compter sur l'avenir. Elle en-
trevoyait le but, elle connaissait les
moyens. La confiance lui revenait peu
à peu. La prospérité était proche. Si la
gauche ne pensait pas toujours comme
le centre gauche, si l'extrême gauche
ne pensait pas toujours comme la gau-
che, si le pays ne pensait pas toujours
comme l'extrême gauche, au moins
était-on certain que, lorsqu'une question
vitale se présentait, comme, par exem-
ple, l'existence de la République, tout
le monde se ralliait au même avis. Cette
union donnait à la France ce qu'on ap-
pelle la sécurité. 1>
Un jour, cependant, la majorité chan-
gea. La politique renversa son pôle. Ce
fut le 24 mai. A l'union des forces répu-
blicaines succéda la ligue des gens de
bien. La ligue des gensdebien produisit
le résultat que les conférences de l'Ely-
sée viennent de nous révéler.
Nous possédons une extrême droite
et une droite dite modérée qui ne veu-
lent point organiser même le plus petit
sixennat. Il leur faut un gouvernement
sur la branche, toujours prêt à ouvrir
ses aîles et à s'envoler. Décider que ce
gouvernement aura une durée quelcon-
que, c'est, d'après elles, porter atteinte
au principe sacré de la royauté légitime.
Le roy fait antichambre, il est vrai, par-
ce qu'il lui est impossible de faire autre-
ment. Mais il faut arranger les choses
de telle sorte qu'on puisse croire que
ce séjour dans l'antichambre est volon-
taire et que le roy se plaît mieux là
qu'au salon. Donc,conservons les portes
grandes ouvertes. Le roy entrera quand
cela lui fera plaisir. Le président de la
République se tiendra sur le seuil de son
sixennat uniquemeht pour annoncer le
nouveau venu : Messieurs, le Roy !
Les droites ne constituent pas la ma-
jorité.
A côté d'elles siège le centre droit.
Le centre droit demande la constitution
du sixennat personnel. Est-ce là un
gouvernement? Oui et non. Il y a du
pour et du contre. En tous cas, c'est un
gouvernement original, qui se refuse ce
qu'envient tous les gouvernements pré-
sents et passés : la durée. D'après le
centre droit, ce qu'on doit commencer
par régler, dans les lois constitution-
nelles, ce n'est pas la façon dont le gou-
vernement doit fonctionner et vivre ;
non. C'est le cérémonial de son enterre-
ment. Une loi dira qui doit tenir les
cordons du poêle ; une autre, qtii doit
creuser la fosse; une autre, qui doit pro-
noncer le discours. La pompe funèbre
ordonnancée, il n'y aura plus rien à
faire, et l'on attendra patiemment le
moment fatal. Le centre droit ne com-
prend pas que tous les bons citoyens ne
se rallient pas immédiatement à ce pro-
gramme. Est-ce qu'une cérémonie de
ce genre n'est pas agréable? Est-ce
qu'un gouvernement qui dit : Frère, il
faut mourir, tous les ans, le 20 novem-
bre, n'a pas quelque chose de piquant?
Est-ce qu'un convoi politique, conduit
par M. de Broglie, ne fera pas bien dans
l'histoire?
On dit au centre droit : « Et après ? Et
quand votre gouvernement sera mort,
qu'est-ce que vous donnerez à la France?
Par qui remplacerez-vous le défunt?» Le
centre droit met un doigt sur sa bou-
che, fait le mystérieux et ne répond
point. Le centre droit ne constitue pas
une majorité.
Enclavé dans le centre droit, nous
trouvons maintenant le groupe bona-
partiste. Mais que penser et que dire
de celui-là? Le groupe bonapartiste vote
avec M. de Broglie, et ses candidats
traitent M. de Broglie de « ministre
impopulaire » ; le groupe bonapartiste
se dit partisan du septennat, et ses jour-
naux — notamment la Patrie — applau-
dissent au coup d'Etat militaire qui a
renversé le gouvernement du maréchal
Serrano ; le groupe bonapartiste se dit
« résolument conservateur », mais ses
écrivains autorisés présentent de soi-
disant communards au jeune prince de
Chislehurst; le parti bonapartiste se dit
seul patriote, et ses représentants les
plus officiels « sollicitent ouvertement
l'appui de la Prusse » ; le parti bonapar-
tiste ne désire qu'une chose : le gâ-
chis.
Heureusement, le parti bonapartiste
ne constitue pas la majorité.
Voici donc la situation. A la place
d'une majorité à peu près homogène,
par conséquent rassurante, nous avons
trois minorités qui ne s'entendent point
et qui, toutes les fois qu'on les met en
présence, profitent de l'occasion pour
constater qu'elles ne s'entendront ja-
mais ! * *
Tel est le fruit de la politique inaugu-
rée le jour de la chute de M. Thiers.
Oh! qu'ils doivent être désabusés,main-
tenant, les citoyens naïfs qui applaudis-
saient M. de Broglie quand M. de Bro-
glie disait que l'ordre moral » résulte-
rait de l' « union des conservateurs » !
Ne voit-on pas bien, aujourd'hui, ce
qu'était cette union, et ce que valait cet
ordre? Cet ordre, c'était le désordre
dans tous les esprits ; cette union, c'é-
tait la guerre entre tous les groupes.
Les conférences de l'Elysée viennent de
le démontrer une fois de plus. M. d'Au-
diffret n'a pu s'entendre avec M. deKer-
drel ; M. de Kerdrel n'a pas pu s'enten-
dre avec M. Périer. M. Hamillë n'a pu
s'entendre avec personne. Voilà bien la
preuve que, pour tous les hommes de bon
sens, il n'y a plus qu'une politique à
suivre : c'est la politique de h dissolu-
tion.
EDOUARD LOCKROY.
■■
ENCORE UN
On est arrivé à un nouveau résultat :
bien entendu, à un nouvel avortement.
L'Assemblée va se réunir demain, et voici
devant quels partis elle se trouve décidé-
ment :
Septennat républicain : l'ancienne ma-
jorité du 24 mai n'en veut pas. -^ Septen-
nat provisoire (personnel ou impersonnel)
avec deux Chambres : l'ancienne majorité
du 16 mai (contre M. de Broglie) n'en veut
pas. - Ajournement nouveau de toutes les
questions : ce serait une extrémité si
inouie que personne n'en ose exprimer
l'idée.
Le nouvel avortement a pris des formes
solennelles et insolites. Il semble qu'on ait
voulu constater d'une façon retentissante
l'impuissance ridicule des partis. On est
allé avorter chez le président de la Répu-
blique. On avait choisi les opinions et les
hommes. La Babel parlementaire a été
prouver au maréchal que son nom voulait
bien dire: cc Confusion des langues». Deux
journées ont été employées à cette utile
besogne. Maintenant, la preuve est-elle
faite? Comprend-on qu'il faut se décider à
consulter la nation? Les gens qui font (ou
défont) les affaires de la France, sans lui
demander son avis, sont-ils convaincus
qu'ils n'arriveront à rien?
Un parti qui joue là un joli rôle, c'est le
parti orléaniste. Que dis-je? il n'y a plus
d'orléanistes. Mil huit cent trente a été en-
terré à Frohsdorff. Aucun nom qui indique
quelque chose comme une opinion ou un pro-
gramme ne convient plus au groupe qui a
voulu la restauration du roy légitime; qui a
défendu les projets de M. de Broglie, con-
çus pour le duc d'Aumale; qui a soutenu
sans défaillance le bonapartiste Fourtou.
Non, il n'y a plus d'orléanistes. Il n'y a
plus que le « centre droit ». Ces hommes
n'ont plus de qualification possible que
celle qu'ils tirent des bancs où ils siègent.
La place du velours et du bois où s'appuient
leurs redingotes est leur uniqúe caractère
précis. Le reste varie à l'infini : cléricaux
un jour, — lâchant les ultramontains le
lendemain, - sujets de Henri Y en octobre,
et ses adversaires acharnés en juin,— com-
plaisants au parti de Sedan le matin, fu-
rieux contre lui le soir, — nos « conserva-
teurs » ne savent plus eux-mêmes quelle
pourrait bien être leur opinion.
Je me trompe : le Journal de Paris l'a
révélé avec une candeur qui lui fait hon-
neur. La feuille des princes en vient à
rappeler les enfants terribles de Gavarni.
Elle a formulé ingénuement, ces jours-ci,
tout le programme du centre droit. Il veut
« faire dans l'Assemblée une majorité
gouvernementale ». Rien de plus. Rien de
moins. Mais sur quel terrain ? Peu lui im-
porte. En octobre soixante-treize, c'était
sur la monarchie telle que la veut l'extrême
droite. Aujourd'hui, le Journal de Paris
l'avoue, on hésite entre la droite et le cen-
tre gauche. Les opinions, les tendances, le
programme politique, bagatelles que tout
cela ! Avoir une majorité, c'est-à-dire pou-
voir garder les ministères, là est le but, le
but unique. Bon journal, qui dit sans dé-
tours que l'opinion de ses amis est de res-
ter au pouvoir, et rien de plus !
Eh bien! ses amis n'y réussissent guère.
Ils n'ont plus aucune route ouverte devant
eux. Rien que des impasses. Ils refuseront
une fois de plus de faire la République. Du
moins, c'est la nouvelle de ce matin. Y
réussironMls ? Soit. Nous n'avons aucune
inquiétude sur ce qui adviendrait en pareil
cas. Le temps des équivoques est passé ; il
faudra être à droite ou à gauche : contre
l'immense majorité de la France, ou avec
elle. S'ils continuent à: refuser de se ren-
dre à la voix impérieuse de l'opinion, que
feront-ils ? Tout leur est fermé: Impossible
de faire un septennat provisoire ». Im-
possible de- ne rien faire du tout. Au point
où l'on en est, tout le monde sent que re-
parler de nouveaux délais, ce serait pro-
noncer l'arrêt définitif de l'Assemblée, et
jeter la France impatientée et liesse dans
un état dangereux pour tout le monde.
Que reste-t-il? La dissolution, l'appel au
pays.
Le politique qui est assurément le plus
clairvoyant et le plus considérable parmi
les hommes du 24 mai, le disait l'autre
jour : « Il faut faire quelques concessions
pour éviter d'avoir se dissoudre. » — Le
centre droit était dans cette alternative :
accepter la République, ou amener de nou-
velles élections générales. Il a refusé le
premier des deux partis. S'il l'adoptait, ce
serait, sans doute, un petit retard, mais
on verrait bien vite qu'on ne peut pas se
passer du pays. Il ne l'adopte pas. Tant
mieux l La conséquence est claire.
CAMILLE PELLETAN.
ÉLECTION DES HAUTES. PYRÉNÉES
Résultats connus à trois heures
Votants : 24.823
IID. Brauliauban 9.S5S
Cazeaux o 9 , b , 9.398
Alicot ®.5'©9
De Puységur. • • ■ ïftf
Nous n'avons pas reçu les dépêches de
notre service spécial. Le télégraphe n'a
transmis que les dépêches officielles, les-
quelles ont été communiquées par le mi-
nistère aussi avarement que possible.
D'après les chiffres" connus jusqu'à pré-
sent, M. Brauhauban et M. Cazeaux se
suivent à quelques centaines de voix de
distance, et sont suivis, de plus près qu'on
n'aurait cru, par -M. Alicot.
Les voix de M. Alicot, et les quelques
voix de M. de Puységur, empêcheront
probablement qu'aucun candidat ne passe
au premier tour, et il est probable qu'il y
aura ballottage.
Tarbes (cantons Nord et Sud) :
Brauhauban 2.834
Cazeaux 2.358
Alicot 1.427
De Puységur 236
Canton de Vie-en-Bigorre :
Brauhauban 961
- Cazeaux 479
Alicot 403
De Puységur 94
Canton de Tournay :
Brauhauban 560
Cazeaux 1.128
Alicot 837
De Puységur 19
Canton de Saint-Laurent :
Brauhauban 820
Cazeaux 790
* Alicot 660
De Puységur 53
Canton de Rabastens :
Brauhauban 531
- Cazeaux 644
Alicot 420
De Puységur 91
Canton de Vieille-Aure :
Brauhauban 114
Cazeaux 177
Alicot 428
De Puységur 24
Canton de Maubourguet :
Brauhauban 840
Cazeaux 644
Alicot 427
de Puységur 68
Canton de Galan :
Brauhauban 127 • -
- Cazeaux 416
Alicot 493
De Puységur 51
Canton de Castelnau-Magnoac :
Brauhauban 949
Cazeaux 828
Alicot 679
De Puységur 76
Canton de Lourdes (moins une com-
mune) :
Brauhauban 132
Cazeaux 1.929
Alicot 935
De Puységur 40
A l'heure qu'il est, le département des
Hautes-Pyrénées a quatre représentants : !
MM. de FrancHeu, légitimiste; Adnct, mor
narchiste vague; Desbons, du centre gau-
che, et Ducuing, de la gauche républi-
caine.
Tous quatre ont été nommés aux élec-
tions'générales dn 8 février 1871. Sur
67,003 électeurs, 42,776 ont voté. J
Voici le nombre de voix qu'ils ont ob-
tenu : ; >
'MM. Adnet 31,540
Desbons 30,191
De Franclieu 28,129 - ,
Ducuing 15,718
Le député que les électeurs du Hautes-
Pyrénées ont eu à remplacer hier, M. de
Goulard, monarchiste, était arrivé premier
avec 32,776 voix, c'est-à-dire avec plus du
double des voix de l'élu républicain.
On pourra se rendre compte des progrès
qu'aura fait la République dans les Hautes-
Pyrénées en comptant combien le candi-
dat républicain du 3 janvier 1875, M. Brau-
hauban, aura eu de voix de plus que l'élu
républicain du 8 février 1871, M. Du-
cuing.
—
EN PROVISOIRE
La foule, a dit un grand poète, ne
comprend pas le sens de ces mots pro-
fonds : « le temps, les ans, les jours ».
La foule est excusable parce qu'elle est
la foule et qu'elle est ignorante. Mais les
politiques, les hommes d'Etat, tous ces
sages brevetés et patentés qui ont pris
notre bonheur en main, devraient peut-
être prêter une oreille moins distraite
Quand l'heure tout à coup lève sa voix sonore,
et écouter un peu mieux les graves con-
seils du t
ment serait-il bien choisi pour un rapide
examen de conscience ; pour se rendre
compte et de ce qu'on a voulu et de ce
qu'on a pu faire.
Si les nommes dont la politique pré-
domine depuis deux ans, veulent bien
faire ce retour sur eux-mêmes, ils recon-
naîtront aisément que, de leurs projets,
aucun n'a pu se réaliser ; et que le seul
succès qu'ils aient obtenu, succès entiè-
rement négatif, a été de tout suspendre,
Id &tout enrayer et de faire obstacle à là
réorganisation du pays. C'est à ce triste
résultat que s'est bornée leur action, et
il a de quoi les épouvanter si, comme
nous le leur demandons, ils veulent bien
le regarder d'un peu près. Car nous ne
sommes pas dans des circonstances or-
dinaires, et jamais nous n'avions eu tant
à faire qu'en ce moment, où l'on nous
dit : ne faisons rien! Jamais plus de
hâte n'eût été nécessaire qu'à cette heure
où l'on prétend nous aire ; arrêtez-
vous !
Appelez cela du nom que vous vou-
drez : trêve des partis, septennat per-
sonnel, ajournement des solutions, ré-
publique provisoire; c'est toujours, au
fond, une seule et même chose : c'est le
développement national enrayé, la vie
publique suspendue et, pour dire t
c'un mot, c'est la France en îétlmrgi^A
Aussi, sans prétendre que les
qui poursuivent cet. idéal veu^eSLtu^
la France, il est certain, du 1 - que
l'état auquel ils se proposent h, h>ent
de la réduire, est l'état qui ressem 1
plus a la mort. Et cependanr>eMt^pelle^
doctrine du provisoire et de aalp,
parente, érigée en système de gouverV 4
nement, a encore été défendue, l'autrer^
jour, dans les conférences de l'Elvsée.
M. de Broglie, notamment, s'en esO^
constitué le champion. Il faut croire que
certains hommes, même certains nra-
d^miciens, ignorent le sens et la perlée
de certains mots. Il est impossible que,
se rendant compte de tous les dangers,
de toutes les causes de faiblesse et de
ruine qu'il y a derrière ce mot de pro-
visoire, d'honnêtes gens persistent à
l'imposer au gouvernement de leur
pays.
- Laissons de côté les conséquences
morales de cette politique. On les signa-
lait ici-même éloquemment, il y a peu
de jours, et d'ailleurs ces considérations
ont le privilége d'échapper à certaines
gens. Mais la statistique, voilà une
science digne de tous les respects de
l'ordre moral ! une science honnête
et modérée. Eh bien, si la statistique
disait que, quand la population croît
tout autour de nous, chez nous elle dé-
croit? Si la statistique ajoutait que ce
décroissement résulte des établissements
trop tardifs, et si elle constatait que,
plus l'avenir est incertain et plus le pro-
visoire triomphe, plus aussi les jeunes
gens hésitent à devenir chefs de famille?
Or, toutes ces suppositions sont des
réalités. Qu'en peut-on conclure? sinon
que la politique du provisoire àgit sur
lés forces vives du pays, sur la popula-
tion même, à la façon d'une épidémie,
d'une fièvre ou d'un èhÕtéra. Un calcu-
lateur laborieux, en s'aidànt des proba-
bilités, pourrait dire aux fanatiques de
l'ajournement, avec une approximation
suffisante, de combien leûr belle politi-
que a réduit, depuis deux années, le
mouvement de la population ; combien,
en un mot, ils ont enlevé de citoyens à.
la France. -
Et puis, dans une nationqùi Se règle
volontiers sur son gouvernement, si ce-
lui-ci prend une sorte de néant pour
idéal, il faut S attendre à voir baisser
partout l'activité intellectuelle et maté-
rielle. Il est impossible en effet, qu'un
peuple auquel on répète chaque, jour
qu'il n'a pas et ne doit pas avoir de len-
demain, pense et agisse avec la même
liberté d'esprit et la même énergie que
s'il était 'exempt de cette préoccupation.
Tous les efforts individuels, dont la ré-
sultante constitue le progrès social,com-
portent en eux-mêmes une certaine dose
d'aléa qui leur est propre. Mais quelle
situation désavantageuse pour une na-
tion quand, à cet alea, vient s'ajouter,
comme un facteur commun, le grand
aleu de la chose publique sans organisa-
tion et sans lendemain ! C'est un élé-
ment destructif de tout progrès, une re-
doutable cause d'infériorité vis-à-vis de
toutes les autres nations.
Que les politiques du provisoire y ré-
fléchissent, ceux du moins qui ne sont
pas inspirés par des pensées coupables.
Ils ont cru peut-être que la vie d'une
grande nation pouvait se diviser; qu'on
pouvait, ici la suspendre, et ailleurs la
laisser fonctionner; qu'on pouvait tout
ajourner en politique, et, en dehors de
la politique, tout résoudre. C'était une
grave et double erreur. La vie suspen-
due dans quelques organes a été sus-
pendue partout. Plus rien ne se fait, que
ce qui ne peut absolument pas être
ajourné. Au delà, il n'y a rien, et il n'y
Feuilleton du Rappel
DU 5 JANVIER
Bi-
LES CINQ DOIGTS
DE BIROUK
CHAPITRE LXI 1
lie secret de Mlle Chagnier
Un coup frappé à la porte de la rue
tira Patris d'embarras et lui rendit un
peu de force.
C'était Anne Chagnier qui venait au
rendez-vous donné par le vigneron.
— Qu'elle n'entre pas ! dit Gaston; je ne
veux pas la voir.
Patris ménagea d'autant mieux cette
dernière révolte de la piété filiale, que lui-
même voulait parler seul à Anne Cha-
gnier, et reprendre, en discutant avec elle,
un peu de l'énergie qu'il perdait devant sa
fille.
Reproduction interdite. - -
ou le Rappel du 14 octobre au 4 janvier.
Il laissa les deux jeunes gens en tète à
tête et sortit de la salle.
Si elle avait prié, Anne n'avait pas trouvé
d'apaisement dans la prière. Ses yeux
étaient redevenus farouches; sa bouche était
restée menaçante ; si elle avait demandé
conseil aux morts, les morts avaient été
muets ou avaient été sourds.
Patris l'étonna par son air de résolution
satisfaite ; elle n'eut pas le temps de l'in-
terroger; il la saisit par la main, et, l'en-
traînant dans la cour :
— Les enfants sont là, dit-il, et ne doi-
vent pas nous entendre; puis, j'aime au-
tant que les choses que nous allons re-
muer exhalent leurs secrets ailleurs que
dans ma maison. Causons en plein air.
Anne ne répliqua pas et se laissa con-
duire. Quand ils furent dans la cour, la
vigneron se croisa les bras, et regardant la
vieille fille en face :
- Une chose m'étonne, lui dit-il d'un
ton gouailleur; c'est que, détestant Mme
Darras et voulant la perdre, vous n'ayez
jamais parlé de ses amants.
— A quoi bon ? répliqua l'ancienne gou-
vernante avec dédain; j'avais mieux que ses
fredaines à tirer au grand jour.
— C'est égal ! vous n'êtes pas une femme
complète, mademoiselle Chagnier; vous
avez oublié des épices dans votre ven-
geance.
— C'est possible. Où voulez-vous en ve-
nir?
- A ceci. Le complice que nous cher-
chons est un amant. Par un scrupule bi-
zarre, Mme Darras ne l'a pas nommé : elle
a préféré livrer son mari, en faisant croire
à celui-ci qu'il allait se dévouer pour son
fis:
Anne Chagnier ouvrit de grands yeux
stupéfaits, naïfs :
— Qui vous a appris tout cela, mon-
sieur Patris ?
— Mon petit doigt. ou, plutôt, le petit
doigt de ma fille?
Comment, c'est Mlle Céliriie?.
- Oui; il paraît qu'il faut être dans le
ciel pour bien voir l'enfer. Les gens qui
sont à moitié chemin, comme nous, dis-
tinguent mal ce qui est là-haut, jugent
mal ce qui est en bas. La pureté de ma
fille a deviné la candeur de M. Darras ; elle
a compris qu'il s'immolait. Voilà ce que
c'est que d'être amoureuxl Nous ne le som-
mes plus, mademoiselle Chagnier; aussi
nous n'avons rien vu, rien deviné.
Anne rougit et se mordit la lèvre en bais-
sant les yeux. Elle trouvait la plaisanterie
de Patris malavisée, sacrilège.
— Je sais bien, répondit-elle avec une
aigreur tiède, que j'ai moins d'esprit que
Mlle Célinie ; il reste à savoir si Mlle Céli-
nie n'en a pas trop.
1 Le vigneron, que l'orgueil paternel avait
rendu féroce pendant une minute, haussa
les épaules et redevint subitement indul-
gent :
- Allons, allons, mademoiselle Cha-
gnier, ne nous fâchons pas, et causons sé-
rieusement, méthodiquement. Nous som-
mes d'accord, n'«fct-ce pas? sur ce pre-
mier point : l'innocence de M. Darras.
- Sans doute.
- Mme Darras, qui hait son mari, a
voulu le perdre avec elle, ou se sauver par
lui!
— C'est possible.
— Elle n'avait, cette mégère, qu'un
moyen de le déterminer* à une complicité
apparente, c'était de lui dire : « Gaston est
mon complice, sauvez-let »
— Cela n'est pas invraisemblable.
— Sans compter que la douleur d'accu,
ser son fils fait entrevoir à ce malheureux
père la honte comme une expiation, la
mort comme une délivrance.
— Je le crois.
- D'un autre côté, vous m'avez dit, et
vous avez répété à la justice, que dans la
nuit du meurtre vous aviez entendu dis-
tinctement une voix d'homme suppliant
qui - tutoyait Mme Darras. Si cette voix
n'est pas celle du mari ou du fils, c'est
celle d'un amant.
— C'est juste !
— Nous avons été abasourdis il y a une
heure ; ce crime monstrueux nous a jetés
dans les divagations. Ce qui était tout sim-
ple, ce qui crevait les yeux, nous a échap-
pé. Il en est toujours ainsi. Cherchons à
nous deux maintenant, ce vrai complice.
— Ne faut-il pas raconter d'abord aux
magistrats?.,
— Non, non. Les magistrats feraient
fuir le gibier; la justice humaine ne se
remue pas sans tapage. Qui sait si ce com-
plice n'est pas déjà averti? On commence-
rait par interroger Mme Darras, par la pro-
voquer à quelque ruse nouvelle. Non, non !
cherchons; et quand je saurai où se cache
le poltron que Mme Darras a traîné der-
rière elle, dans le sang d'Anne Jacquinot,
je préviendrai les gendarmes. Le temps
presse. Tâchons de finir toute cette be-
sogne aujourd'hui. Je ne veux pas que
M. Darras passe la nuit avec l'horrible pen-
sée que son fils a été parricide. Voyons,
mademoiselle Chagnier, vous devez être au
courant, et savoir par le menu les amours
de la belle Savine ?
- Moi 1
- Oh l ne rougissez pas, ma chère. Ce
n'est pas le cas de faire la petite bouche.
Vous étiez plus fière quand, ce fameux ma-
tin, vous nous parliez devant le cadavre de
M. Pierre Darras, sans prendre garde à vo-
tre toilette.
— C'est vrai, répliqua la vieille fille, en
relevant la tête et sans rougir de cette al-
lusion à sa nudité. Oui, je la connais l'his-
toire de Mme Savine ; assez de fois je l'ai
entendu raconter, et je l'ai racontée à
mon maître. Oui, je sais le nombre de ses
amants. La liste est longue, monsieur
Patris.
— Raison de plus pour aller vite.
— Ah ! la misérable ! Dans la dernière
visite qu'elle avait faite au Prieuré, elle
s'était entendue appeler adultère ! C'est
l'adultère surtout qui a voulu se venger en
prenant un de ses amants pour complice.
Elle se vengeait encore en immolant son
mari. - •
— Allons, ma bonne Chagnier, je vois
que vous reprenez courage ; recueillez vos
souvenirs, je vous écoute.
Anne commença ; la liste, en effet, pa-a
raissait longue. Dans tout autre moment,
Patris se fût amusé de ce dénombrement
de l'amour fait par la haine ; mais en in-
terrompant de temps en temps par un mot
gouailleur, en estampillant chaque feuillet
de cette chronique scandaleuse d'un ver-
dict brutal et gaulois, il appliquait son es-
prit à dévisager au passage ces complices
de l'adultère, pour deviner s'ils avaient pu
devenir les complices d'un parricide.
En approchant de la fin, il eut peur, et
il en souhaitait d'autres. La plupart des an-
ciens amoureux de Mme Darras étaient,
ou si bien rangés dans le bercail conjugal,
ou si visiblement refroidis, qu'il était irn^
possible de les soupçonner. -
Quant à la supposition que Mme Darras,
à son âge, avait pu éblouir, fanatiser un
cœur nouveau jusqu'à le pousser au Meur-
tre, elle était inadmissible.
C'était donc dans le passé qu'il fallait
trouver le gage d'une complicité actuelle.
Anne Chagnier s'était arrêtée, et, la tête
baissée, semblait chercher encore.
— Est-ce tout? demanda Patris alarméi
— Non; il y en a encore un, le dernier^
i— Qui cela?
- Auguste Fardeau !
LOUIS ULBACH,
(A suivre)
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