Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1875-11-12
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 79956 Nombre total de vues : 79956
Description : 12 novembre 1875 12 novembre 1875
Description : 1875/11/12 (N2072). 1875/11/12 (N2072).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75326694
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
go 257:2 - Vendredi 12 Novembre io/o
|Le iiiimère s 10 e. » Pépftfieateatg s 1" €4
£ 2 êrumaire an 84 - N*$072 -
RÉDACTION
S'aâresêer au Secrétaire de la Rédactîofr -
De 4 à 6 heures du soir : : : L
18/ BUB DB VAIOIS, ï|" *
LesÊû&nuscrita.É'ùn inséréshe sefont^as ïèftdu^
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CURF et CV
6, place de la Bourse, 6
tom
!YIi~f ,.:
——v ADMINISTRATION
18, BUE. DE VALOIS, 18 r
ABONNEMENTS [
DEPARTEMENTS
PARIS
Trois mois.ÎO »
Six mois.20 »
Trois mois. 59.
Six mois. Ar
Adresser lettres et mandats 4
A M. ERNEST. LEFEynE J ;
tl ., ADMINISTRATEUR-GÉRAKT 11 1
:
*
1
11 CONSTITUTION IL LLRMLL
;~«
—— x~{~~
1 -1~7~- -
Dans le discours prononcé mardi par
le ministre de la guerre, il y a une
phrase qui vaut d'être rappelée. C'est
celle-ci : « Dans l'intérieur des régi-
» ments, comme dans les états-majors,
» on ne connaît qu'une chose : l'ohéis-
» sance à la Constitution que l'Assem-
» blée a donnée à la France. » Le Jour-
tlal officiel constate que cette phrase a
soulevé une vive approbation « à gauche
et au centre gauche ». Personne ne s'é-
tonnera que les royalistes ni les impé-
rialistes l'aient accueillie avec moins
d'enthousiasme.
Les royalistes ne pouvaient témoi-
gner une énorme satisfaction à enten-
dre dire que l'armée ne connaît que
l'obéissance à une Constitution répu-
Liieaine. atut jjajïémlistGS, iul
vont être spécialement gênés par lli"dé-
claration du général de Cissey dans
leurs espérances d'embauchage. Les
royalistes, à vrai dire, n'ont jamais
compté beaucoup sur l'armée. Avant la
phrase du ministre de la guerre, il y
avait eu déjà le mot du président de la
République sur « les chassepots qui
partiraient tout seuls » au simple as-
pect du drapeau blanc ; voilà pour les
légitimistes; pour les orléanistes, ren-
dons-leur cette justice que, s'il lehr est
arrivé quelquefois de profiter de la
guerre civile, il ne leur est jamais ar-
rivé de la provoquer.
Les impérialistes, eux, n'ont pas les
scrupules des orléanistes. Ils ne regar-
dent pas à quelques mares de sang hu-
main sur les pavés des rues et sur les
dalles des boulevards. Ils font volon-
tiers de la politique à coups detfusil et
à coups de canon. ,Tant pis pour les dé-
fenseurs de la loi : pourquoi la défen-
d.ent-ils? Tant pis pour les passants :
pourquoi passent-ils? L'empire n'a ja-
mais eu d'autre procédé pour s'imposer
qu'une insurrection militaire. Même le
premier Bonaparte, le vrai, l'homme
d'Àrcole et des Pyramides, eut besoin
de lâcher les grenadiers de Murât sur
la souveraineté du peuple. Si l'oncle ne
put pas se passer d'un pronunciamiento
de régiments, ce n'est pas le neveu qui
s'en serait passé! Toute sa vie ne
fut qu'un effort de corrompre l'armée :
il essaya à Strasbourg, il ressaya à. Bou-
logne, il réussit à Paris. C'est pourquoi
le préfet de police surprend de temps à
autre des tentatives bonapartistes dans
les casernes. C'est pourquoi les jour-
naux décembristes passent leur vie à
exciter l'armée à la haine et au mépris
de la République. C'est pourquoi il y a
des gens qui proposent aux généraux
français l'exemple de Pavia. C'est pour-
quoi les agents de Chislehurst n'ont
qu'un moyen de retenir leurs partisans
qu'une si longue attente commence à
décourager : c'est de leur souffler à l'o-
reille qu'ils sont maîtres de l'armée et
qu'elle n'attend qu'une occasion pour
leur refaire un Dix-huit Brumaire ou un
Deux-Décembre.
Mais l'armée sait ce que les Dix-huit-
Brumaire et les Deux-Décembre lui coû-
tent, sans compter ce qu'ils coûtent à la
France. Les Dix-huit-Brumaire lui coû-
tent Waterloo, et les Deux-Décembre lui
elle ne recommencera pas apruès Se-
après Watérloo, qui aurait pu suffire.
elle ne recommencera pas après Se-
\dan. Waterloo, ce n'était que l'im-
mense désàçtre ; Sedan a été l'immense
-honte. Ce qû'piî n'avait jamais vu, ce
qu'on n'auraîfcpas cru possible, une ar-
mée française prisonnière, cent trente
mille Français rendus sans combattre,
tel a été pour l'armée le dénouement
du Coup-d'Etat. Et c'est à cette armée
traînée en Prusse, à cette armée livrée
par l'empire, à cette armée humiliée
,par l'empire, qu'on demanderait de se
faire factieuse et de commettre un cri-
me pour rétablir l'empire, pour que
l'empire pût lui refaire ce qu'il lui a fait
deux fois, pour qu'il lui continuât cette
progression effroyable, pour qu'il lui
infligeât une troisième catastrophe qui
! serait à Sedan ce que Sedan est à WaT
terloo ! ';,
La parole du ministre de la guerre
tranquillisera ceux qui yiuraient pu
craindre' qu'une telle propagande eût
quelque chance de succès. « Dans l'in-
» térieur des régiments, comme dans
les états-majours, on ne connait qu'une
» tion. » L'armée n'est pas et ne sera
» tion. » L'al'mée n' est:'pas et ne, sera
pas l'armée d'un parti ; elle est et res-
tera l'armée de la France.
AUGUSTE VACQUERIE.
J8I —■ ii ■
L'ARTICLE 14
La monarchie légitime avait jadis
mis son espoir dans l'article 14 de la
Charte. Les prétendus conservateurs et,
avec eux, le ministère Buffet, ont égale-
ment mis tout leur enj eu sur l'article 14
de la loi électorale. Le calcul sera-t-il
meilleur aujourd'hui qu'il ne le fut au-
trefois? Il est permis d'en douter, et,
quant à nous, nous nous réjouissons à
la pensée que le sort du parti auquel
nous appartenons ne dépend pas des
combinaisons plus ou moins arbitraires
de circonscription et de. scrutin qu'on
peut imposer au vote universel.
Ce fameux article est enfin venu en
discussion vers la fin de la séance d'hier,
si toutefois on peut dire qu'une discus-
sion sérieuse soit ouverte par un dis-
cours de M. Pontalis, à la hauteur de
tous les discours de cet orateur, et par
une réplique de M. Luro qu'on a insuf-
fisamment entendue. M. Antonin Lefè-
vre-Pontalis nous a cependant annoncé
une bonne nouvelle, dont nous devons
faire part aux lecteurs, car elle ne les
réjouira pas moins que nous. Sachez
donc que l'Assemblée future ne ressem-
blera en rien à l'Assemblée actuelle.
C'est M. Pontalis qui l'affirme, et, de
grand cœur, nous en acceptons l'au-
gure, dussions-nous voir l'éminent dé-
puté de Seine-et-Oise rester en dehors
de cette Assemblée ; dût l'ère législa-
tive des Antonins être fermée pour ja-
mais. Oui, les élus du jour de malheur
resteront uniques et à part dans l'his-
toire. C'est l'un des plus illustres d'en-
tre eux qui ne craint pas cle risquer cette
prophétie. Le pays l'en croira sur pa-
role, et, dans Seine-et-Oise comme par-
tout, il votera de façon à ne pas faire
mettre en défaut la clairvoyance politi-
que de M. Pontalis. :
Ce qui est assurément quelquefois
en défaut chez M. Antonin Pontalis,
c'est lelsens de Fà-ptôpos. Ainsi, hier*.
j^piNianîi6neî' des voix au s
r~e~
qu'à l'aide du groupe bonapartiste
et des membres de la droite, l'ora-
teur disait aux bonapartistes que le
scrutin de liste aurait protégé l'empire
contre l'opposition, et, se tournant vers
les légitimistes, il déclarait que, « grâce
au scrutin d'arrondissement, on aurait
des députés disposés à considérer la
Constitution du 25 février comme irré-
formable et irréalisable. » On trouve-
rait assurément, dans l'histoire de l'é-
loquence parlementaire, des exemples
d'une argumentation plus insinuante et
plus habile. Mais chaque grand orateur
a sa manière, et telle est la manière de
M. Antonin Lefèvre-Pontalis (du centre
droit).
Peut-être n'était-il pas absolument
nécessaire de répondre à l'orateur de
Seine-et-Oise. Nous estimions du moins
que les partisans du scrutin de liste
pouvaient, sans trop de péril, rester
jusqu'à demain sous le coup de cette
harangue, expression parfois naïve des
appétits du centre droit, et que les au-
tres groupes n cuss £ fl!pas méditée sans
pront. Mais, dans une pensée patrioti-
que., M. Luro, membre du groupe La-
vergne, a voulu, dès le début de cette
discussion, faire immédiatement appel
à tous ceux qui, le 25 février, se sont
unis dans une œuvre commune. M. Luro
les a exhortés à ne pas se diviser avant
d'avoir achevé leur tâche, avant d'avoir
assuré le sort des institutions qu'ils ont
établies.
Ce discours, dont l'intention était
parfaite, aurait produit plus d'effet si
la voix fatiguée de l'orateur n'avait été
trop souvent couverte par le bruit de la
salle. L'Assemblée, en effet, et le pré-
sident en a fait la remarque au cours de
la séance, l'Assemblée ne sait plus mê-
me écouter. Tout chez elle est usé,
même la faculté d'attention. Décidé-
ment, il faut se hâter de voter la loi
électorale et d'installer l'Assemblée
nouvelle qui, suivant l'heureuse prévi-
sion de M. Antonin Pontalis, ne res-
semblera pas du tout à celle qui a
l'honneur de le compter parmi ses
membres.
La discussion de l'article 14 sera con-
tinuée aujourd'hui, et on entendra pro-
bablement M. Dufaure et M. Buffet. Ce
dernier promettra-t-ilun Ducros et plu-
sieurs Cocos à tous ceux qui rêvent,
dans quelque circonscription, une can-
didàture officielle? On verra bien;
mais, de toutes façons, nous sommes
tranquilles. La prophétie Pontalis nous
a rassurés.
A. GAULIER.
PHYSIONOMIE DE LA SÉANd
La grande bataille est décidément pour
aujourd'hui. Il est vrai qu'on a déjà ouvert le
feu. Mais les incidents de la journée n'ont
qu'une importance tout à fait secondaire.
On en est venu tard à la question des deux
scrutins; le gouvernement, la commission,
les orateurs les plus considérables se sont
réservés, et l'on n'a fait qu'entamer le
débat.
Le début de la séance a été consacré à
la question de l'éligibilité des militaires.
L'honorable colonel Denfert voulait
une chose qui nous semblait bien juste :
qu'un officier qui a demandé la retraite
fût considéré comme l'ayant obtenue. Il
~'AX<;,.<~-~"-~-~"* f" ~t- ~it~~K.~-. ~- "'iP"
faut toujours compter quelques ïiiois si i
moins pour le réglement de la retraite;
pour de simples délais de procédure, on
privera des militaires du droit de se pré-
senter à leurs concitoyens, Est-il rien de
si illogique. C'est cependant ce que l'As-
semblée a décidé.
La droite aurait bien voulu prendre une
autre décisien aussi peu justifiée ati sujet
des officiers de l'armée territoriale. Ce
n'est pas Un secret que quelqdes députés
<|e la droite, plus que menacés jàtiuir leiir
reélection, se sont fait nommer à des gra-
des importants, qui peuvent leur permettre
de peser sur le scrutin dans leur circons-
cription. M. Bethmont a réclamé contre
cet abus; il l'a fait avec force et en même
temps avec tact; il a montré ce qu'il y au-
rait de déplorable dans la situation d'offi-
ciers ayant des électeurs dans leurs sol-
dats, et enclins, à ce titre, à quelques fai-
blesses ; il a surtout fait ressortir combien
il était nécessaire que le ministère, en dis-
tribuant les grades, ne pût pas être soup-
çonné de favoriser certaines candidatures.
Cette argumentation, chaudement ap-
plaudie par la gauche, n'a pas été du goût
de M. de Larochethulon. On dit qu'il y a,
à cela, de fortes raisons. M. de Laroche-
thulon a présenté des raisons assez bi-
zarres, avec une vivacité qui prouvait com-
bien il;était intéressé dans la question. Il
cru devoir parler des orateurs qui al-
laient haranguer leurs électeurs « de bal-
con enbalcon M. Il faut que M. de Laroche-
thulon ait des idées nouvelles sur le man-
dat de député : à son gré, paraît-il, il est
non-seulement superflu, mais coupable,
de se mettre en rapport avec ceux qu'on
veut représenter. D'ailleurs, nous compre-
nons de reste qu'il n'aime pas les balcons
d'où l'on jiàrle : il y serait aussi déplacé
qu'il l'était a la tribune.
M. Bethmont lui a répondu qu'il préfé-
rait les candidats qui allaient solliciter
l'appui dugouvernement de sous-préfec-
ture en sous-préfecture. — Les sous-pré-
fectures, s'est écrié M. de la Rochethulon,
il y a des gens qui s'y sont cachés pru-
demment pendant la guerre. La réplique
était malheureuse, adressée à M. Beth-
mont, simple garde national pendant le
siège.
La commission ayant accepté le renvoi
de l'amendement de M. Bethmont, la ques-
tion a été réservée.
L'article qui venait ensuite est un des
exemples les plus curieux des choses bi-
zarres que peuvent produire trente légis-
lateurs en se cotisant. Il établit que tout
mandat impératif sera nul de plein droit.
, Tout a pourtant des limites, même le
droit de dire des non-sens. Qu'est-ce donc
que le mandat dit « impératif », sinon un
programme1 librement convenu entre l'é-
lecteur et le candidat? Il n'a d'autre diffé-
rence avec la profession de foi, que font
tous les députés, que l'engagement plus
strict pris par l'élu d'y rester fidèle. Par
exemple, M. de Castellane, M. Bocher, M.
Costa de Beauregard, et beaucoup d'au-
tres, ont pris devant leurs électeurs des
engagements républicains ; seulement, ils
se réservaient d'y manquer, sauf à trouver
quelque mauvaise défaite. L'article de la
commission n'a pas de sens du tout, ou il
signifie que les députés qui auront accepté
un mandat impératif peuvent en faire au-
tant. Il est particulièrement saugrenu
de faire un article de loi pour dégager d'a-
vance les gens de leurs promesses.
La commission précédente avait été plus
loin: elle avait audacieusement enfreint
les droits des électeurs; celle-ci s'est con-
tentée d'introduire dans sa loi quelques
mots dépourvus de raison et d'effet.
M. Naquet a dit quelques mots sur le
gouvernement direct par le peuple. M.
Delorme a tenu à répondre et à fou-
droyer le piandat impératif. Il a joué
de malheur. Il a reconnu qu'on pouvait
alléguer en faveur de ce mandat les cahiers
de 1789 : qu'il a appelés par métaphore
» une bannière vénérée ». Alors, il a voulu
fâcntfer la différence. La différence n est
pas vende: Il s'éSfiaR; « Oui, les cahiers.
mais. » Le « mais » restai suspendu en
t'or&teur ne trouvait riëL - Alors!': H
reprenait: et Oh Hès caWers. mm***
(je paiivre « mais » n'était suivi que d'un
silence: Sur quoi M. Delorme : « Soit les
cahiers. mais. Même jeu. Ces trois
« mais h tout eourt sont, à vrai dire, les
seules raisons qui aient été données con-
tre le mandat.
L'article n'en a pas moins été adopté,.
On eu est arrivé alors au grand débat.
C'est M. Antonin Le Pontalis qui l'a
G ™ est VM» , Antomn Leiw..
ouvert. - --._,
Il nous a répété un discours d'une
heure sans que sa mémoire, hélas 1 l'ait
trahi un seul instant. Une pareille mé-
moire est Une calamité publique. EUe ne
vous fait pas grâce d'un seul mot. Soyons
juste : lé fameux Antonin a des qu»l!H.és
rares de maintien parlemefitaire. Il a de
l'importance dans l'attitude ; il n'a pas
énormément de ventre, mais il n'en perd
pas un pouce : son nez n'est pas un nez
ordinaire, sans intention et sans mandat :
il sait qu'il a l'honneur Unique d'être l'or-
gane olfactif du grand Antonin Lefèvre-
Pontalis, et il se dresse avec une noblesse
que peu de cartilages ont possédée. Ses
bras eux-mêmes concourent, par une mi-
mique savante, à exprimer l'admiration
profonde qu'ils ressentenipour l'éloquence
du frère d'Amédée. Toute la personne de
l'orateur semble se raidir en point d'excla-
mation, destiné à indiquer la stupeur que
doit causer un mérite si prodigieux. En
un mot, l'illustre Antonin est si plein de
lui, qu'on a peur qu'il n'en crève.
Je ne parle pas du discours, parce qu'il
est tout à fait effacé par ces qualités plas-
tiques. M. Prudhomme en a dû rédiger et
écrire le brouillon de sa plus magnifique
calligraphie. Je n'y relèverai qu'une an-
nonce de librairie pour un livre du jeune
marquis de Castellane. Remercions le plus
lourd des Pontalis de nous avoir mis à
même de prendre toutes nos précautions
pour éviter de le lire par mégarde.
Mais qu'importe à cet Antonin qu'on
vote au scrutin de liste ou au scrutin uni-
nominal? Il'est assuré d'échouer dans les
deux cas : il n'a donc plus .à redouter ce
qu'il appelle les « cloubes » : et cette af-
faire est réglée.
La séance a été terminée par un dis-
cours de M. Luro, qui a vaillamment affir-
mé la politique constitutionnelle et la né-
cessité du scrutin de liste. On sait que
M. Luro est de ceux qui se sont ralliés par
patriotisme à la République : mais parmi
ceux-là, c'est un des plus fermes et des
plus décidés ; il se refuse à suivre ces poli-
tiques flottants qui semblent avoir oublié
ce qu'ils ont fait et ne pas savoir ce qu'ils
font. Les paroles qu'il a prononcées pro-
duiront assurément un excellent effet.
CAMILLE PELLETAN.
"■■riant—«i i
LES COULISSES DE VERSAILLES
Le débat sur la question du scrutin de
liste ou d'arrondissement a commencé
hier soir; mais ce débat n'a été qu'une es-
carmouche sans importance. La véritable
discussion aura lieu aujourd'hui.
Le premier orateur qui prendra la parole
sera M. Dufaure. M. Gambetta doit lui ré-
pondre. M. Buffet parlera ensuite et le rap-
porteur M. Ricard répondra. Il est peu
probable que d'autres orateurs veuillent
intervenir. En tout cas, s'il s'en présen-
tait d'autres, on prolongerait très certai-
nement la séance de façon que le vote
puisse avoir lieu aujourd'hui même.
—o—
Il est question d'une demande de scru-
tin secret qui serait déposée au moment
du vote. Aux termes du règlement, le scru-
tin secret est de droit lorsqu'il est demandé
par quarante membres. La demande qui a
été préparée hier est déjà revêtue de 52
signatures.
Si eue est aeppsee, *
généralement - U vote devra s 1
la tribune, afin d'évilerJf» orre^s^cn-
traînerai inévitablement l'anonymat
~Les légitimistes comme les bonaparties ),\
sont divisés sur la question d in w
Les uns préfèrent le scrutin
tamment pour les départeipentsde 10^
les autres le scrutin d'arromhwetgrati i
pour le Sud-Ouest particulièrement^? <,
Les partisans du scrutm d arrondiss^ e }
ment doivent lire à la tribune une décla-
ration collective pour justifier leur voie,, ©
expliquer qu'il n'a rien de cÇ.*0(5^D
un vote de confiance niinistéritzllt,
-0-
On verra, par. t. tt f(',n~Ov-e à If!
séance, que la Charnu:
commission des Trente l'article relatif à l'éli-
gibilité des officiers de 1 armée»terni
Il s'à-it d'en modifier la rédaction defaço»
à établir une incompatibilité comme .p *
les autres ordres de fonctions, c est-à-dM
les .u.' - éviter que les candidats offic.er,
~il faut leur candidature dans le-,
puissent post. leur commandement ay
tendue même de - «influence attachée »!
User à leur profitQt. 1 .!
leur fonction i d'autant plus, imr:
Cette précaution eat* nominations J
portante à prendre que h. "mée territo-
faites pour les cadres de J'31 'itique évi-;
liale onttouteWIn caraclèrepol. t, à la
dent. On citait hier, nolammen.., "e de:
Chambre, le cas d'un grand nomb) ,""Ít'
députés monarchistes qui se sont }.
nommer îieutenants-colonèls ou chefs do j
bataillon de l'armée territoriale dans letir-X'
propres départements; notamment MM. der
Carayon-Latour dans la Gironde, de llain*
neville et Blin de Bourdon dans la Somme.,
de Valfons dans le Gard, Arthur de Çila,
baud-Latour dans le Cher, etc.
-0-
M. le ministre dos finances s'est rend'
hier à la commissiôn chargée d'examiner
la proposition Feray, relative à l'exonéra-
Lion de l'impôt des «' valeurs mobilières des
sociétés en nom collectif. ,
M. Léon Say a déclaré qu'il avait fai:;
relever aux greffes des tribunaux de corn-'
mcrce la liste des sociétés qui se trouve-
raient atteintes par cette extension de
l'impM de 3 0[0. Ces sociétés représentenf
en iotàlité un capital de 2,600,000 mil-
lions. L'impot produirait donc enviror
4 millions, Le ministre considère cette
somme comme trop faible pour persister
à percevoir cet impôt dont la légitimité
est contestée. Il a ajouté que d'ailleurs u
n'en avait nul besoin cette année ; la plus-
value des impôts indirects devant permet-
tre d'équilibrer Taciiement le budget. Cette
plus-value qui — ainsi que l'a fait connai,
tre le Journal officiel— s'élevait à 98 mil''
lions pour les 9 premiers mois de I87tf
s'est continuée régulièrement pendant oc-
tobre et a donné pour ce dernier mois t2:
millions ; ce qui porte le chifl're total pour-,
les dix premiers mois, à 110 milliuns. ','
Le. ministre a terminé en exprimant k
vœu que l'Assemblée qui est à la veille de
ia dissolution ne touchât nullement à notre
système financier et réservât à la futurt
Chambre le soin d'opérer les réformes né-
cessaircs. M.- Léon Say a proposéf^3i|--
commiîsion la rédaction suivante
proposition dont elle est. saisie : i
fi Les dispositions de l'article lor, n°:t
de h loi du 29 janvier 1$72 ne sont pas.
applicables aux parts d'intérêt dans les
sociétés en nom collectif, ni à celles affé*
rentes aux associés responsables dans les
sociétés en commandite. » ?
La commission se rallie à cette rédac^'
tion qui très probablement sera adoptée pae
la Chambre sans débat dans quelques
jours. -
—o—
M. le ministre des affaires étrangères
s'est rendu hier à la commission chargée
d'examiner la convention pour la réforma
judiciaire en Egypte. Il a annoncé à cette,
commission que, pendant les vacances
parlementaires, il avait entamé de nou-
velles négociations avec le gouvernement
égyptien, et il a remis à chaque membre
une épreuve des pièces diplomatiques nou-
velles se rattachant à cette question et qui
feront partie du Livre jaune, qui sera pu-
blié dans quelques jours par le ministère
des affaires étrangères.
La commission a reçu également corn-
feuilleton du Jlopjtel
DU 12 KOVEMBRB
"T -- -,---
MAITRE GASPARD FIX
HISTOIRE
D'un
CONSERVATEUR
III
Le surlendemain donc, de bonne heure,
maître Gaspard Fix, en large habit carré,
gilet de velours et grand chapeau de feutre
noir, après avoir -donné un coup-d'œil sa-
tisfait à son équipage, s'assit, derrière Fax-
'and, sur la banquette du milieu, en fai-
Voir le Rappçl du 8 su 11 novembre.
sant le gros dos, comme il convient lors-
qu'on est invité par un millionnaire; et le
petit cheval, tout joyeux. de respirer le
grand air, partit au trot sur la grande
route.
Les arbres, les maisons défilaient.
A deux lieues de la Neuville, le docteur
Laurent et Fix se croisèrent sans se saluer.
Le docteur, appelé dans la nuit pour un
malade, revenait déjà du hameau des Au-
biers ; la vue de son beau-frère, sur le
chemin de Tiefenthâl, le rendit tout
pâle.
— Hue ! cria-t-il, en frappant vigoureu-
sement son cheval.
Maître Gaspard sourit.
« Le braque, se dit-il, m'en veut à cause
de la déconfiture de son ami Brunel. Imbé-
cile 1 Au lieu de se mettre avec nous, il va
se ranger avec la canaille; il se plaît dans
la société des savetiers, des bûcherons,
des batteurs en grange, d'un tas de gueux
qui ne lui payent pas ses visites, et qui lui
tourneraient le dos s'il avait besoin d'ar-
gent. Avec un peu de bon sens, est-ce
qu'il ne pourrait pas être médecin de la
fabrique de M. Thomassin? Est-ce qu'il ne
serait pas décoré pour toutes ses médailles
de vaccination et ses rapports à la Gazette
des hôpitaux? Il a déjà gagné la croix dix
fois pour une ! Est-ce qu'il n'aurait pas
des bourses pour ses deux garçons, soit
au collège de Nancy, soit ailleurs? M. Tho-
massin, si Laurent était des nôtres, ne de-
manderait pas mieux que de faire la dé-
marche. Mais. allez donc prêcher un fou pa-
reil; rien que d'entendre parler raison, il
deviendrait furieux. Hue! Ragot 1 Hue! »
Ainsi pensait maître Gaspard.
Quant au docteur Laurent, chacun peut
se figurer son opinion sur le beau-frère ; il
le regardait comme un usurier, comme la
ruine du pays, et le défenseur naturel de
toutes les mauvaises causes, dès qu'il y
trouvait son intérêt.
Plus loin, maître Gaspard revint à son-
ger aux avantages de la politique ; non-
seulement il y voyait du profit pour le mo-
ment, mais encore plus dans l'avenir ; ses
filles avaient grandi ; Mlle Simone, l'aînée
des trois, avait alors dix-huit ans, elle te-
nait le comptoir; M. Adrian, le garde gé-
néral, la regardait d'un œil tendre; Si-
mone rougissait à son approche. Fix avait
vu cela, il n'en était pas fâché, la partie
forestière était celle qu'il estimait le plus.
La petite Thérèse, elle, se plaisait à la
cuisine, elle aidait sa mère, et se connais-
sait à toutes les sauces; aussi M. le juge
de paix Péters, très gourmand de sa na-
ture, avait toujours la bouche pleine de
son éloge, et la proclamait une personne
accomplie sous tous les rapports.
Maître Fix se serait volontiers accom-
modé d'avoir un garde général et un juge
de paix dans sa famille, à la condition,
bien entendu, de garder les dots, et d'en
servir seulement la rente à ses gendres,
car d'aller lâcher le portefeuille, une pa-
reille idée ne pouvait lui venir; il aurait
mieux aimé garder ses filles et les faire
travailler pour lui, jusqu'à l'âge de cent
ans!
Comme ces pensées allaient et venaient
dans sa tête, il arrivait sous bois, et le pe-
tit Ragot se remettait à trotter dans l'om-
bre des hêtres et des sapins.
Il faisait un temps magnifique; les
geais, par bandes, traversaient l'étroite
vallée du Tiefenthâl ; en bas, l'eau dor-
mante de l'étang des Mésanges brillait au
soleil levant, à travers le feuillage des
trembles et des saules; quelques poissons,
venant prendre l'air, ou happer une mou-
che à la surface, jetaient parfois un éclair
dans les hautes herbes de la rive. Mais
Gaspard ne se souciait pas de tout cela; le
plus beau paysage du monde ne lui aurait
pas produit autant d'effet que la vue d'une
pièce de cent sous sur le sable; alors il
aurait été vraiment émerveillé, et se serait
arrêté, pour la mettre dans sa poche.
Enfin, vers sept heures, les hautes che-
minées des verreries de TiefenthAI, leurs
lourdes bâtisses en briques rouges, leurs
tas de houiire dans la ruelle montante, les
petits jardins et les maisonnettes des ou-
vriers verriers, apparurent à maître Gas-
pard au tournant de la côte, et dans l'au-
tre branche du vallon, la demeure de M.
Thomassin, une sorte de château couvert
d'ardoises, des pavillons, des écuries, des
chenils autour, à demi-cachés par le feuil-
lage. Une cour fermée de grilles précédait
le tout; et Fix découvrait déjà dans cette
cour un mouvement extraordinaire dé voi-
tures, de chevaux qu'on détèle et qu'on
emmène, de gens qu'on reçoit.
« La bataille est gagnée, se disait-il,
tout le monde vient crier victoire. »
Quelques instants après, maître Gas-
pard s'arrêtait à la porte principale, et M.
Thomassin, sachant apprécier un tel hom-
me et les services qu'il pouvait rendre,
vint le recevoir avec une effusion véri-
table.
— A la bonne heure! mon cher mon-
sieur Fix, s'écria-t-il en lui tendant les
deux mains, vous arrivez à notre rendez-
vous !
— Comme c'était mon devoir, monsieur
le député, lui répondit maître Gaspard, en
descendant de voiture, et saluant les mes-
sieurs et les dames qui regardaient du pé-
ristyle.
Une quantité de notables, de maires, de
conseillers d'arrondissement, de chefs
d'usines, tous les gros bonnets du pays, se
trouvaient là, regardant, écoutant et me-
surant à la parole du maître, la considéra-
tion que méritaient les nouveaux venus.
Maître Fix leur parut, à cet accueil, un
personnage d'importance, d'autant plus
qu'il n'avait pas jugé nécessaire de mettre
la cravate blanche, et qu'il la portait à la
paysanne. 1
Lès dames elles-mêmes subissaient cettd
influence, et Mme Reine Thomassin lui fit
un accueil des plus distingués, l'appelant
un vieil ami de la maison et lui deman-
dant des nouvelles de Mme Fix et de toute
sa famille.
Qu'on juge de la satisfaction de maître
Gaspard, car si l'estime des pauvres gen?
l'ennuyait, celle des richards le comblait
d'une joie intérieure inexprimable. Il na
savait que répondre, et s'inclinait tout at-
tendri, en balançant son grand chapeau. ;
Les domestiques emmenaient déjà son
char-à-bancs, et maître Fix entrait avoo
M. Thomassin, dans la grande salle à man-
ger où se trouvait Servi le repas du dé-
part. ;
—Vous arrivez au bon moment, lui dit
M. Thomassin en riant; êtes-vous chas-J
seur ?
— Oh ! dit maître Fix, du même ton
joyeux, pas trop, monsieur le député, pas
trop; mon plus fort, c'est la fourchette;
Alors ils rirent ensemble. Maître Gasti'
pard était tout à fait remis de sa première
émotion. ,
ERCK MANN-CHAT RI AN.
(A suivre)
|Le iiiimère s 10 e. » Pépftfieateatg s 1" €4
£ 2 êrumaire an 84 - N*$072 -
RÉDACTION
S'aâresêer au Secrétaire de la Rédactîofr -
De 4 à 6 heures du soir : : : L
18/ BUB DB VAIOIS, ï|" *
LesÊû&nuscrita.É'ùn inséréshe sefont^as ïèftdu^
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CURF et CV
6, place de la Bourse, 6
tom
!YIi~f ,.:
——v ADMINISTRATION
18, BUE. DE VALOIS, 18 r
ABONNEMENTS [
DEPARTEMENTS
PARIS
Trois mois.ÎO »
Six mois.20 »
Trois mois. 59.
Six mois. Ar
Adresser lettres et mandats 4
A M. ERNEST. LEFEynE J ;
tl ., ADMINISTRATEUR-GÉRAKT 11 1
:
*
1
11 CONSTITUTION IL LLRMLL
;~«
—— x~{~~
1 -1~7~- -
Dans le discours prononcé mardi par
le ministre de la guerre, il y a une
phrase qui vaut d'être rappelée. C'est
celle-ci : « Dans l'intérieur des régi-
» ments, comme dans les états-majors,
» on ne connaît qu'une chose : l'ohéis-
» sance à la Constitution que l'Assem-
» blée a donnée à la France. » Le Jour-
tlal officiel constate que cette phrase a
soulevé une vive approbation « à gauche
et au centre gauche ». Personne ne s'é-
tonnera que les royalistes ni les impé-
rialistes l'aient accueillie avec moins
d'enthousiasme.
Les royalistes ne pouvaient témoi-
gner une énorme satisfaction à enten-
dre dire que l'armée ne connaît que
l'obéissance à une Constitution répu-
Liieaine. atut jjajïémlistGS, iul
vont être spécialement gênés par lli"dé-
claration du général de Cissey dans
leurs espérances d'embauchage. Les
royalistes, à vrai dire, n'ont jamais
compté beaucoup sur l'armée. Avant la
phrase du ministre de la guerre, il y
avait eu déjà le mot du président de la
République sur « les chassepots qui
partiraient tout seuls » au simple as-
pect du drapeau blanc ; voilà pour les
légitimistes; pour les orléanistes, ren-
dons-leur cette justice que, s'il lehr est
arrivé quelquefois de profiter de la
guerre civile, il ne leur est jamais ar-
rivé de la provoquer.
Les impérialistes, eux, n'ont pas les
scrupules des orléanistes. Ils ne regar-
dent pas à quelques mares de sang hu-
main sur les pavés des rues et sur les
dalles des boulevards. Ils font volon-
tiers de la politique à coups detfusil et
à coups de canon. ,Tant pis pour les dé-
fenseurs de la loi : pourquoi la défen-
d.ent-ils? Tant pis pour les passants :
pourquoi passent-ils? L'empire n'a ja-
mais eu d'autre procédé pour s'imposer
qu'une insurrection militaire. Même le
premier Bonaparte, le vrai, l'homme
d'Àrcole et des Pyramides, eut besoin
de lâcher les grenadiers de Murât sur
la souveraineté du peuple. Si l'oncle ne
put pas se passer d'un pronunciamiento
de régiments, ce n'est pas le neveu qui
s'en serait passé! Toute sa vie ne
fut qu'un effort de corrompre l'armée :
il essaya à Strasbourg, il ressaya à. Bou-
logne, il réussit à Paris. C'est pourquoi
le préfet de police surprend de temps à
autre des tentatives bonapartistes dans
les casernes. C'est pourquoi les jour-
naux décembristes passent leur vie à
exciter l'armée à la haine et au mépris
de la République. C'est pourquoi il y a
des gens qui proposent aux généraux
français l'exemple de Pavia. C'est pour-
quoi les agents de Chislehurst n'ont
qu'un moyen de retenir leurs partisans
qu'une si longue attente commence à
décourager : c'est de leur souffler à l'o-
reille qu'ils sont maîtres de l'armée et
qu'elle n'attend qu'une occasion pour
leur refaire un Dix-huit Brumaire ou un
Deux-Décembre.
Mais l'armée sait ce que les Dix-huit-
Brumaire et les Deux-Décembre lui coû-
tent, sans compter ce qu'ils coûtent à la
France. Les Dix-huit-Brumaire lui coû-
tent Waterloo, et les Deux-Décembre lui
elle ne recommencera pas apruès Se-
après Watérloo, qui aurait pu suffire.
elle ne recommencera pas après Se-
\dan. Waterloo, ce n'était que l'im-
mense désàçtre ; Sedan a été l'immense
-honte. Ce qû'piî n'avait jamais vu, ce
qu'on n'auraîfcpas cru possible, une ar-
mée française prisonnière, cent trente
mille Français rendus sans combattre,
tel a été pour l'armée le dénouement
du Coup-d'Etat. Et c'est à cette armée
traînée en Prusse, à cette armée livrée
par l'empire, à cette armée humiliée
,par l'empire, qu'on demanderait de se
faire factieuse et de commettre un cri-
me pour rétablir l'empire, pour que
l'empire pût lui refaire ce qu'il lui a fait
deux fois, pour qu'il lui continuât cette
progression effroyable, pour qu'il lui
infligeât une troisième catastrophe qui
! serait à Sedan ce que Sedan est à WaT
terloo ! ';,
La parole du ministre de la guerre
tranquillisera ceux qui yiuraient pu
craindre' qu'une telle propagande eût
quelque chance de succès. « Dans l'in-
» térieur des régiments, comme dans
les états-majours, on ne connait qu'une
» tion. » L'armée n'est pas et ne sera
» tion. » L'al'mée n' est:'pas et ne, sera
pas l'armée d'un parti ; elle est et res-
tera l'armée de la France.
AUGUSTE VACQUERIE.
J8I —■ ii ■
L'ARTICLE 14
La monarchie légitime avait jadis
mis son espoir dans l'article 14 de la
Charte. Les prétendus conservateurs et,
avec eux, le ministère Buffet, ont égale-
ment mis tout leur enj eu sur l'article 14
de la loi électorale. Le calcul sera-t-il
meilleur aujourd'hui qu'il ne le fut au-
trefois? Il est permis d'en douter, et,
quant à nous, nous nous réjouissons à
la pensée que le sort du parti auquel
nous appartenons ne dépend pas des
combinaisons plus ou moins arbitraires
de circonscription et de. scrutin qu'on
peut imposer au vote universel.
Ce fameux article est enfin venu en
discussion vers la fin de la séance d'hier,
si toutefois on peut dire qu'une discus-
sion sérieuse soit ouverte par un dis-
cours de M. Pontalis, à la hauteur de
tous les discours de cet orateur, et par
une réplique de M. Luro qu'on a insuf-
fisamment entendue. M. Antonin Lefè-
vre-Pontalis nous a cependant annoncé
une bonne nouvelle, dont nous devons
faire part aux lecteurs, car elle ne les
réjouira pas moins que nous. Sachez
donc que l'Assemblée future ne ressem-
blera en rien à l'Assemblée actuelle.
C'est M. Pontalis qui l'affirme, et, de
grand cœur, nous en acceptons l'au-
gure, dussions-nous voir l'éminent dé-
puté de Seine-et-Oise rester en dehors
de cette Assemblée ; dût l'ère législa-
tive des Antonins être fermée pour ja-
mais. Oui, les élus du jour de malheur
resteront uniques et à part dans l'his-
toire. C'est l'un des plus illustres d'en-
tre eux qui ne craint pas cle risquer cette
prophétie. Le pays l'en croira sur pa-
role, et, dans Seine-et-Oise comme par-
tout, il votera de façon à ne pas faire
mettre en défaut la clairvoyance politi-
que de M. Pontalis. :
Ce qui est assurément quelquefois
en défaut chez M. Antonin Pontalis,
c'est lelsens de Fà-ptôpos. Ainsi, hier*.
j^piNianîi6neî' des voix au s
r~e~
qu'à l'aide du groupe bonapartiste
et des membres de la droite, l'ora-
teur disait aux bonapartistes que le
scrutin de liste aurait protégé l'empire
contre l'opposition, et, se tournant vers
les légitimistes, il déclarait que, « grâce
au scrutin d'arrondissement, on aurait
des députés disposés à considérer la
Constitution du 25 février comme irré-
formable et irréalisable. » On trouve-
rait assurément, dans l'histoire de l'é-
loquence parlementaire, des exemples
d'une argumentation plus insinuante et
plus habile. Mais chaque grand orateur
a sa manière, et telle est la manière de
M. Antonin Lefèvre-Pontalis (du centre
droit).
Peut-être n'était-il pas absolument
nécessaire de répondre à l'orateur de
Seine-et-Oise. Nous estimions du moins
que les partisans du scrutin de liste
pouvaient, sans trop de péril, rester
jusqu'à demain sous le coup de cette
harangue, expression parfois naïve des
appétits du centre droit, et que les au-
tres groupes n cuss £ fl!pas méditée sans
pront. Mais, dans une pensée patrioti-
que., M. Luro, membre du groupe La-
vergne, a voulu, dès le début de cette
discussion, faire immédiatement appel
à tous ceux qui, le 25 février, se sont
unis dans une œuvre commune. M. Luro
les a exhortés à ne pas se diviser avant
d'avoir achevé leur tâche, avant d'avoir
assuré le sort des institutions qu'ils ont
établies.
Ce discours, dont l'intention était
parfaite, aurait produit plus d'effet si
la voix fatiguée de l'orateur n'avait été
trop souvent couverte par le bruit de la
salle. L'Assemblée, en effet, et le pré-
sident en a fait la remarque au cours de
la séance, l'Assemblée ne sait plus mê-
me écouter. Tout chez elle est usé,
même la faculté d'attention. Décidé-
ment, il faut se hâter de voter la loi
électorale et d'installer l'Assemblée
nouvelle qui, suivant l'heureuse prévi-
sion de M. Antonin Pontalis, ne res-
semblera pas du tout à celle qui a
l'honneur de le compter parmi ses
membres.
La discussion de l'article 14 sera con-
tinuée aujourd'hui, et on entendra pro-
bablement M. Dufaure et M. Buffet. Ce
dernier promettra-t-ilun Ducros et plu-
sieurs Cocos à tous ceux qui rêvent,
dans quelque circonscription, une can-
didàture officielle? On verra bien;
mais, de toutes façons, nous sommes
tranquilles. La prophétie Pontalis nous
a rassurés.
A. GAULIER.
PHYSIONOMIE DE LA SÉANd
La grande bataille est décidément pour
aujourd'hui. Il est vrai qu'on a déjà ouvert le
feu. Mais les incidents de la journée n'ont
qu'une importance tout à fait secondaire.
On en est venu tard à la question des deux
scrutins; le gouvernement, la commission,
les orateurs les plus considérables se sont
réservés, et l'on n'a fait qu'entamer le
débat.
Le début de la séance a été consacré à
la question de l'éligibilité des militaires.
L'honorable colonel Denfert voulait
une chose qui nous semblait bien juste :
qu'un officier qui a demandé la retraite
fût considéré comme l'ayant obtenue. Il
~'AX<;,.<~-~"-~-~"* f" ~t- ~it~~K.~-. ~- "'iP"
faut toujours compter quelques ïiiois si i
moins pour le réglement de la retraite;
pour de simples délais de procédure, on
privera des militaires du droit de se pré-
senter à leurs concitoyens, Est-il rien de
si illogique. C'est cependant ce que l'As-
semblée a décidé.
La droite aurait bien voulu prendre une
autre décisien aussi peu justifiée ati sujet
des officiers de l'armée territoriale. Ce
n'est pas Un secret que quelqdes députés
<|e la droite, plus que menacés jàtiuir leiir
reélection, se sont fait nommer à des gra-
des importants, qui peuvent leur permettre
de peser sur le scrutin dans leur circons-
cription. M. Bethmont a réclamé contre
cet abus; il l'a fait avec force et en même
temps avec tact; il a montré ce qu'il y au-
rait de déplorable dans la situation d'offi-
ciers ayant des électeurs dans leurs sol-
dats, et enclins, à ce titre, à quelques fai-
blesses ; il a surtout fait ressortir combien
il était nécessaire que le ministère, en dis-
tribuant les grades, ne pût pas être soup-
çonné de favoriser certaines candidatures.
Cette argumentation, chaudement ap-
plaudie par la gauche, n'a pas été du goût
de M. de Larochethulon. On dit qu'il y a,
à cela, de fortes raisons. M. de Laroche-
thulon a présenté des raisons assez bi-
zarres, avec une vivacité qui prouvait com-
bien il;était intéressé dans la question. Il
cru devoir parler des orateurs qui al-
laient haranguer leurs électeurs « de bal-
con enbalcon M. Il faut que M. de Laroche-
thulon ait des idées nouvelles sur le man-
dat de député : à son gré, paraît-il, il est
non-seulement superflu, mais coupable,
de se mettre en rapport avec ceux qu'on
veut représenter. D'ailleurs, nous compre-
nons de reste qu'il n'aime pas les balcons
d'où l'on jiàrle : il y serait aussi déplacé
qu'il l'était a la tribune.
M. Bethmont lui a répondu qu'il préfé-
rait les candidats qui allaient solliciter
l'appui dugouvernement de sous-préfec-
ture en sous-préfecture. — Les sous-pré-
fectures, s'est écrié M. de la Rochethulon,
il y a des gens qui s'y sont cachés pru-
demment pendant la guerre. La réplique
était malheureuse, adressée à M. Beth-
mont, simple garde national pendant le
siège.
La commission ayant accepté le renvoi
de l'amendement de M. Bethmont, la ques-
tion a été réservée.
L'article qui venait ensuite est un des
exemples les plus curieux des choses bi-
zarres que peuvent produire trente légis-
lateurs en se cotisant. Il établit que tout
mandat impératif sera nul de plein droit.
, Tout a pourtant des limites, même le
droit de dire des non-sens. Qu'est-ce donc
que le mandat dit « impératif », sinon un
programme1 librement convenu entre l'é-
lecteur et le candidat? Il n'a d'autre diffé-
rence avec la profession de foi, que font
tous les députés, que l'engagement plus
strict pris par l'élu d'y rester fidèle. Par
exemple, M. de Castellane, M. Bocher, M.
Costa de Beauregard, et beaucoup d'au-
tres, ont pris devant leurs électeurs des
engagements républicains ; seulement, ils
se réservaient d'y manquer, sauf à trouver
quelque mauvaise défaite. L'article de la
commission n'a pas de sens du tout, ou il
signifie que les députés qui auront accepté
un mandat impératif peuvent en faire au-
tant. Il est particulièrement saugrenu
de faire un article de loi pour dégager d'a-
vance les gens de leurs promesses.
La commission précédente avait été plus
loin: elle avait audacieusement enfreint
les droits des électeurs; celle-ci s'est con-
tentée d'introduire dans sa loi quelques
mots dépourvus de raison et d'effet.
M. Naquet a dit quelques mots sur le
gouvernement direct par le peuple. M.
Delorme a tenu à répondre et à fou-
droyer le piandat impératif. Il a joué
de malheur. Il a reconnu qu'on pouvait
alléguer en faveur de ce mandat les cahiers
de 1789 : qu'il a appelés par métaphore
» une bannière vénérée ». Alors, il a voulu
fâcntfer la différence. La différence n est
pas vende: Il s'éSfiaR; « Oui, les cahiers.
mais. » Le « mais » restai suspendu en
t'or&teur ne trouvait riëL - Alors!': H
reprenait: et Oh Hès caWers. mm***
(je paiivre « mais » n'était suivi que d'un
silence: Sur quoi M. Delorme : « Soit les
cahiers. mais. Même jeu. Ces trois
« mais h tout eourt sont, à vrai dire, les
seules raisons qui aient été données con-
tre le mandat.
L'article n'en a pas moins été adopté,.
On eu est arrivé alors au grand débat.
C'est M. Antonin Le Pontalis qui l'a
G ™ est VM» , Antomn Leiw..
ouvert. - --._,
Il nous a répété un discours d'une
heure sans que sa mémoire, hélas 1 l'ait
trahi un seul instant. Une pareille mé-
moire est Une calamité publique. EUe ne
vous fait pas grâce d'un seul mot. Soyons
juste : lé fameux Antonin a des qu»l!H.és
rares de maintien parlemefitaire. Il a de
l'importance dans l'attitude ; il n'a pas
énormément de ventre, mais il n'en perd
pas un pouce : son nez n'est pas un nez
ordinaire, sans intention et sans mandat :
il sait qu'il a l'honneur Unique d'être l'or-
gane olfactif du grand Antonin Lefèvre-
Pontalis, et il se dresse avec une noblesse
que peu de cartilages ont possédée. Ses
bras eux-mêmes concourent, par une mi-
mique savante, à exprimer l'admiration
profonde qu'ils ressentenipour l'éloquence
du frère d'Amédée. Toute la personne de
l'orateur semble se raidir en point d'excla-
mation, destiné à indiquer la stupeur que
doit causer un mérite si prodigieux. En
un mot, l'illustre Antonin est si plein de
lui, qu'on a peur qu'il n'en crève.
Je ne parle pas du discours, parce qu'il
est tout à fait effacé par ces qualités plas-
tiques. M. Prudhomme en a dû rédiger et
écrire le brouillon de sa plus magnifique
calligraphie. Je n'y relèverai qu'une an-
nonce de librairie pour un livre du jeune
marquis de Castellane. Remercions le plus
lourd des Pontalis de nous avoir mis à
même de prendre toutes nos précautions
pour éviter de le lire par mégarde.
Mais qu'importe à cet Antonin qu'on
vote au scrutin de liste ou au scrutin uni-
nominal? Il'est assuré d'échouer dans les
deux cas : il n'a donc plus .à redouter ce
qu'il appelle les « cloubes » : et cette af-
faire est réglée.
La séance a été terminée par un dis-
cours de M. Luro, qui a vaillamment affir-
mé la politique constitutionnelle et la né-
cessité du scrutin de liste. On sait que
M. Luro est de ceux qui se sont ralliés par
patriotisme à la République : mais parmi
ceux-là, c'est un des plus fermes et des
plus décidés ; il se refuse à suivre ces poli-
tiques flottants qui semblent avoir oublié
ce qu'ils ont fait et ne pas savoir ce qu'ils
font. Les paroles qu'il a prononcées pro-
duiront assurément un excellent effet.
CAMILLE PELLETAN.
"■■riant—«i i
LES COULISSES DE VERSAILLES
Le débat sur la question du scrutin de
liste ou d'arrondissement a commencé
hier soir; mais ce débat n'a été qu'une es-
carmouche sans importance. La véritable
discussion aura lieu aujourd'hui.
Le premier orateur qui prendra la parole
sera M. Dufaure. M. Gambetta doit lui ré-
pondre. M. Buffet parlera ensuite et le rap-
porteur M. Ricard répondra. Il est peu
probable que d'autres orateurs veuillent
intervenir. En tout cas, s'il s'en présen-
tait d'autres, on prolongerait très certai-
nement la séance de façon que le vote
puisse avoir lieu aujourd'hui même.
—o—
Il est question d'une demande de scru-
tin secret qui serait déposée au moment
du vote. Aux termes du règlement, le scru-
tin secret est de droit lorsqu'il est demandé
par quarante membres. La demande qui a
été préparée hier est déjà revêtue de 52
signatures.
Si eue est aeppsee, *
généralement - U vote devra s 1
la tribune, afin d'évilerJf» orre^s^cn-
traînerai inévitablement l'anonymat
~Les légitimistes comme les bonaparties ),\
sont divisés sur la question d in w
Les uns préfèrent le scrutin
tamment pour les départeipentsde 10^
les autres le scrutin d'arromhwetgrati i
pour le Sud-Ouest particulièrement^? <,
Les partisans du scrutm d arrondiss^ e }
ment doivent lire à la tribune une décla-
ration collective pour justifier leur voie,, ©
expliquer qu'il n'a rien de cÇ.*0(5^D
un vote de confiance niinistéritzllt,
-0-
On verra, par. t. tt f(',n~Ov-e à If!
séance, que la Charnu:
commission des Trente l'article relatif à l'éli-
gibilité des officiers de 1 armée»terni
Il s'à-it d'en modifier la rédaction defaço»
à établir une incompatibilité comme .p *
les autres ordres de fonctions, c est-à-dM
les .u.' - éviter que les candidats offic.er,
~il faut leur candidature dans le-,
puissent post. leur commandement ay
tendue même de - «influence attachée »!
User à leur profitQt. 1 .!
leur fonction i d'autant plus, imr:
Cette précaution eat* nominations J
portante à prendre que h. "mée territo-
faites pour les cadres de J'31 'itique évi-;
liale onttouteWIn caraclèrepol. t, à la
dent. On citait hier, nolammen.., "e de:
Chambre, le cas d'un grand nomb) ,""Ít'
députés monarchistes qui se sont }.
nommer îieutenants-colonèls ou chefs do j
bataillon de l'armée territoriale dans letir-X'
propres départements; notamment MM. der
Carayon-Latour dans la Gironde, de llain*
neville et Blin de Bourdon dans la Somme.,
de Valfons dans le Gard, Arthur de Çila,
baud-Latour dans le Cher, etc.
-0-
M. le ministre dos finances s'est rend'
hier à la commissiôn chargée d'examiner
la proposition Feray, relative à l'exonéra-
Lion de l'impôt des «' valeurs mobilières des
sociétés en nom collectif. ,
M. Léon Say a déclaré qu'il avait fai:;
relever aux greffes des tribunaux de corn-'
mcrce la liste des sociétés qui se trouve-
raient atteintes par cette extension de
l'impM de 3 0[0. Ces sociétés représentenf
en iotàlité un capital de 2,600,000 mil-
lions. L'impot produirait donc enviror
4 millions, Le ministre considère cette
somme comme trop faible pour persister
à percevoir cet impôt dont la légitimité
est contestée. Il a ajouté que d'ailleurs u
n'en avait nul besoin cette année ; la plus-
value des impôts indirects devant permet-
tre d'équilibrer Taciiement le budget. Cette
plus-value qui — ainsi que l'a fait connai,
tre le Journal officiel— s'élevait à 98 mil''
lions pour les 9 premiers mois de I87tf
s'est continuée régulièrement pendant oc-
tobre et a donné pour ce dernier mois t2:
millions ; ce qui porte le chifl're total pour-,
les dix premiers mois, à 110 milliuns. ','
Le. ministre a terminé en exprimant k
vœu que l'Assemblée qui est à la veille de
ia dissolution ne touchât nullement à notre
système financier et réservât à la futurt
Chambre le soin d'opérer les réformes né-
cessaircs. M.- Léon Say a proposéf^3i|--
commiîsion la rédaction suivante
proposition dont elle est. saisie : i
fi Les dispositions de l'article lor, n°:t
de h loi du 29 janvier 1$72 ne sont pas.
applicables aux parts d'intérêt dans les
sociétés en nom collectif, ni à celles affé*
rentes aux associés responsables dans les
sociétés en commandite. » ?
La commission se rallie à cette rédac^'
tion qui très probablement sera adoptée pae
la Chambre sans débat dans quelques
jours. -
—o—
M. le ministre des affaires étrangères
s'est rendu hier à la commission chargée
d'examiner la convention pour la réforma
judiciaire en Egypte. Il a annoncé à cette,
commission que, pendant les vacances
parlementaires, il avait entamé de nou-
velles négociations avec le gouvernement
égyptien, et il a remis à chaque membre
une épreuve des pièces diplomatiques nou-
velles se rattachant à cette question et qui
feront partie du Livre jaune, qui sera pu-
blié dans quelques jours par le ministère
des affaires étrangères.
La commission a reçu également corn-
feuilleton du Jlopjtel
DU 12 KOVEMBRB
"T -- -,---
MAITRE GASPARD FIX
HISTOIRE
D'un
CONSERVATEUR
III
Le surlendemain donc, de bonne heure,
maître Gaspard Fix, en large habit carré,
gilet de velours et grand chapeau de feutre
noir, après avoir -donné un coup-d'œil sa-
tisfait à son équipage, s'assit, derrière Fax-
'and, sur la banquette du milieu, en fai-
Voir le Rappçl du 8 su 11 novembre.
sant le gros dos, comme il convient lors-
qu'on est invité par un millionnaire; et le
petit cheval, tout joyeux. de respirer le
grand air, partit au trot sur la grande
route.
Les arbres, les maisons défilaient.
A deux lieues de la Neuville, le docteur
Laurent et Fix se croisèrent sans se saluer.
Le docteur, appelé dans la nuit pour un
malade, revenait déjà du hameau des Au-
biers ; la vue de son beau-frère, sur le
chemin de Tiefenthâl, le rendit tout
pâle.
— Hue ! cria-t-il, en frappant vigoureu-
sement son cheval.
Maître Gaspard sourit.
« Le braque, se dit-il, m'en veut à cause
de la déconfiture de son ami Brunel. Imbé-
cile 1 Au lieu de se mettre avec nous, il va
se ranger avec la canaille; il se plaît dans
la société des savetiers, des bûcherons,
des batteurs en grange, d'un tas de gueux
qui ne lui payent pas ses visites, et qui lui
tourneraient le dos s'il avait besoin d'ar-
gent. Avec un peu de bon sens, est-ce
qu'il ne pourrait pas être médecin de la
fabrique de M. Thomassin? Est-ce qu'il ne
serait pas décoré pour toutes ses médailles
de vaccination et ses rapports à la Gazette
des hôpitaux? Il a déjà gagné la croix dix
fois pour une ! Est-ce qu'il n'aurait pas
des bourses pour ses deux garçons, soit
au collège de Nancy, soit ailleurs? M. Tho-
massin, si Laurent était des nôtres, ne de-
manderait pas mieux que de faire la dé-
marche. Mais. allez donc prêcher un fou pa-
reil; rien que d'entendre parler raison, il
deviendrait furieux. Hue! Ragot 1 Hue! »
Ainsi pensait maître Gaspard.
Quant au docteur Laurent, chacun peut
se figurer son opinion sur le beau-frère ; il
le regardait comme un usurier, comme la
ruine du pays, et le défenseur naturel de
toutes les mauvaises causes, dès qu'il y
trouvait son intérêt.
Plus loin, maître Gaspard revint à son-
ger aux avantages de la politique ; non-
seulement il y voyait du profit pour le mo-
ment, mais encore plus dans l'avenir ; ses
filles avaient grandi ; Mlle Simone, l'aînée
des trois, avait alors dix-huit ans, elle te-
nait le comptoir; M. Adrian, le garde gé-
néral, la regardait d'un œil tendre; Si-
mone rougissait à son approche. Fix avait
vu cela, il n'en était pas fâché, la partie
forestière était celle qu'il estimait le plus.
La petite Thérèse, elle, se plaisait à la
cuisine, elle aidait sa mère, et se connais-
sait à toutes les sauces; aussi M. le juge
de paix Péters, très gourmand de sa na-
ture, avait toujours la bouche pleine de
son éloge, et la proclamait une personne
accomplie sous tous les rapports.
Maître Fix se serait volontiers accom-
modé d'avoir un garde général et un juge
de paix dans sa famille, à la condition,
bien entendu, de garder les dots, et d'en
servir seulement la rente à ses gendres,
car d'aller lâcher le portefeuille, une pa-
reille idée ne pouvait lui venir; il aurait
mieux aimé garder ses filles et les faire
travailler pour lui, jusqu'à l'âge de cent
ans!
Comme ces pensées allaient et venaient
dans sa tête, il arrivait sous bois, et le pe-
tit Ragot se remettait à trotter dans l'om-
bre des hêtres et des sapins.
Il faisait un temps magnifique; les
geais, par bandes, traversaient l'étroite
vallée du Tiefenthâl ; en bas, l'eau dor-
mante de l'étang des Mésanges brillait au
soleil levant, à travers le feuillage des
trembles et des saules; quelques poissons,
venant prendre l'air, ou happer une mou-
che à la surface, jetaient parfois un éclair
dans les hautes herbes de la rive. Mais
Gaspard ne se souciait pas de tout cela; le
plus beau paysage du monde ne lui aurait
pas produit autant d'effet que la vue d'une
pièce de cent sous sur le sable; alors il
aurait été vraiment émerveillé, et se serait
arrêté, pour la mettre dans sa poche.
Enfin, vers sept heures, les hautes che-
minées des verreries de TiefenthAI, leurs
lourdes bâtisses en briques rouges, leurs
tas de houiire dans la ruelle montante, les
petits jardins et les maisonnettes des ou-
vriers verriers, apparurent à maître Gas-
pard au tournant de la côte, et dans l'au-
tre branche du vallon, la demeure de M.
Thomassin, une sorte de château couvert
d'ardoises, des pavillons, des écuries, des
chenils autour, à demi-cachés par le feuil-
lage. Une cour fermée de grilles précédait
le tout; et Fix découvrait déjà dans cette
cour un mouvement extraordinaire dé voi-
tures, de chevaux qu'on détèle et qu'on
emmène, de gens qu'on reçoit.
« La bataille est gagnée, se disait-il,
tout le monde vient crier victoire. »
Quelques instants après, maître Gas-
pard s'arrêtait à la porte principale, et M.
Thomassin, sachant apprécier un tel hom-
me et les services qu'il pouvait rendre,
vint le recevoir avec une effusion véri-
table.
— A la bonne heure! mon cher mon-
sieur Fix, s'écria-t-il en lui tendant les
deux mains, vous arrivez à notre rendez-
vous !
— Comme c'était mon devoir, monsieur
le député, lui répondit maître Gaspard, en
descendant de voiture, et saluant les mes-
sieurs et les dames qui regardaient du pé-
ristyle.
Une quantité de notables, de maires, de
conseillers d'arrondissement, de chefs
d'usines, tous les gros bonnets du pays, se
trouvaient là, regardant, écoutant et me-
surant à la parole du maître, la considéra-
tion que méritaient les nouveaux venus.
Maître Fix leur parut, à cet accueil, un
personnage d'importance, d'autant plus
qu'il n'avait pas jugé nécessaire de mettre
la cravate blanche, et qu'il la portait à la
paysanne. 1
Lès dames elles-mêmes subissaient cettd
influence, et Mme Reine Thomassin lui fit
un accueil des plus distingués, l'appelant
un vieil ami de la maison et lui deman-
dant des nouvelles de Mme Fix et de toute
sa famille.
Qu'on juge de la satisfaction de maître
Gaspard, car si l'estime des pauvres gen?
l'ennuyait, celle des richards le comblait
d'une joie intérieure inexprimable. Il na
savait que répondre, et s'inclinait tout at-
tendri, en balançant son grand chapeau. ;
Les domestiques emmenaient déjà son
char-à-bancs, et maître Fix entrait avoo
M. Thomassin, dans la grande salle à man-
ger où se trouvait Servi le repas du dé-
part. ;
—Vous arrivez au bon moment, lui dit
M. Thomassin en riant; êtes-vous chas-J
seur ?
— Oh ! dit maître Fix, du même ton
joyeux, pas trop, monsieur le député, pas
trop; mon plus fort, c'est la fourchette;
Alors ils rirent ensemble. Maître Gasti'
pard était tout à fait remis de sa première
émotion. ,
ERCK MANN-CHAT RI AN.
(A suivre)
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.69%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.69%.
- Collections numériques similaires Marat Jean Paul Marat Jean Paul /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Marat Jean Paul" or dc.contributor adj "Marat Jean Paul")
- Auteurs similaires Marat Jean Paul Marat Jean Paul /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Marat Jean Paul" or dc.contributor adj "Marat Jean Paul")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k75326694/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k75326694/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k75326694/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k75326694/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k75326694
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k75326694
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k75326694/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest