Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-12-04
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 79956 Nombre total de vues : 79956
Description : 04 décembre 1873 04 décembre 1873
Description : 1873/12/04 (N1378). 1873/12/04 (N1378).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7532507p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/08/2012
M* 1378 -. Jeudi 4 décembre 1873
numéro s **! e. -nr 1 15 e.
14 frimaire aD 8i. — NI 1878
JL t >-* .t.,~ v =-
S âu«asiii su ^Cv,'iuure u kôâ&ciio»
De 4 à 6 heures du soir
18, RUE DB VALOIS,.Il X^V
— : •
Les manuscrits non insérés ne seront pas téad^f )
- \- ~;
ANNONCES /J:
1
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et c. '/! :
6, place de la Bourse, 6
'» ~,
!
.a • • •
J 1 , t ~, J ~-
Il yg
t* ». < i
PARU i t~f.~rL~s~r~~
trois mois ) tO » t '•''*la*/-. 1^5
Six me;" 20 '» f'Sfe uk.-U,:.. ■
- Adresser iettrea et mandats '-
A M. ESRNEST LEFEVRE
ADkINiST^i1rKtJ^-G§ftftrT -
LA COMMISSION DES TRENTE
Un commissaire par scrutin : tel
semble être le maximum de ce que l'As-
semblée peut produire. Avant-hier, elle
avait nommé un Trente, 'M. Lucien
Brun; hier, elle eu a nommé deux,
MM. Batbie et Delsol, mais il lui a fallu
deux tours de scrutin.
Quand la droite pressait et harcelait
la commission des Quinze, elle disait
que le pays ne pouvait pas attendre, que
les affaires mouraient du provisoire,
qu'il était nécessaire d'en finir séance te -
nante. La droite avait un moyen bien
simple d'en finir séance tenante avec
la nomination des Trente : c'était de la
nommer, comme les Quinze, dans les
bureaux. Hier même, on a nommé dans
les bureaux la commission chargée
d'examiner le projet de loi sur les mai <
res : on l'a nommée tout entière en
deux heures.. Ceux qui étaient si
pressés ont préféré un mode d'élection
qui, au lieu de deux heures, risque ile
durer deux semaines. La Chambre aura
mis plus de temps à choisir trente noms
que la commission si injuriée pour sa
lenteur n'en a mis à discuter une loi qui
donnait le gouvernement du pays pour
sept ans.
Nous ne désespérons pas que l'As-
semblée, en s'y acharnant, ne par-
vienne à compléter là commission des
Trente. Mais nous n'osons pas promet-
tre à une commission ainsi arrachée
toute l'autorité qu'aurait eue une com-
mission sortie spontanément d'une ma-
jorité nombreuse et robuste. Un détail
à noter, c'est qu'on ne semble pas abso-
lument désireux d'en être. Entre les
deux tours de scrutin d'hier, MM. de la
Rochette et de la Bassetière, qui, au
premier tour, étaient arrivés quatrième
et cinquième, ont déclaré qu'ils n'ac-
cepteraient pas, et M. Jules Grévy, qui
était venu troisième, avait, nous dit-on,
pour le cas où il aurait été nommé, sa
démission dans sa poche.
Ce qui ressort de ce laborieux accou-
chement, c'est que la majorité se désa-
grège. Où sont les soixante-huit voix de
la prorogation ? Où sont même les qua-
1 rante-huif voix du ministère ? S'il n'y
a pas de majorité pour nonfmer une
commission, que sera-ce quand on se
trouvera en présence des lois constitu-
tionnelles, c'est-à-dire de l'avenir de la
France? Nous savons bien que nous vi-
vons au temps des miracles, et que
l'Univers ne désemplit pas de paralyti-
ques qui font le saut du trapèze, mais
nous n'en éprouverions pas moins un
certain étonnement si une assemblée
qui a tant de peine à faire un commis-
saire réussissait à faire une consti-
tution.
AUGUSTE VACQUERIB.
LA SEANCE
L'Assemblée continue le cours de ses
travaux. Elle a nommé aujourd hui, après
un premier tour de scrutin sans résultat,
deux nouveaux membres de la commission
des Trente, M. Delsol et M. Batbie. Ni
l'un, ni l'autre ne figuraient jusqu'à ce mo-
ment parmi les candidats ; mais, M. de
la Bassetière et M. de la Rochette ayant
déclaré qu'ils renonçaient à faire partie de
la fameuse commission, il semble que les
candidats du centre droit, M. d'Hausson-
ville notamment, ont été également écartés
pour faire place à MM. Delsol et Batbie sur
les noms desquels s'est fait l'accord.
( L'échec de M. d'Haussonville frappe plus
haut que lui et, par-dessus sa tête, c'est le
vice-président du conseil qui est atteint.
M. deBroglie, à ce qu'on assure, a laissé
voir qu'il avait senti le coup,
Il reste encore à nommer deux membres
pour compléter la commission des Trente.
Espérons qu'avec un peu de bonheur et de
persévérance l'Assemblée pourra venir à
bout de cette importante besogne sans y
consacrer plus d'une ou deux séances. Ge-
la serait d'autant plus à propos qu'à la da-
te où nous sommes, on n'a point encore
eu Je temps de penser à la discussion du
budget.
A. GAULlBR.
>..-' *
PHYSIONOMIE fif LA SÉANCE .:
Aujourd'hui, on s'est risqué à voter, vo-
ter tout le jour. Le coup-d'œil est navrant.
Défilé durant des heures. C'est devenu une
habitude. Cela se fait machinalement:
monter les marches de gauche, jeter une
petite boule dans une urne, jeter un pa-
pier dans l'autre, ] et redescendre si régu-
lièrement, que bon nombre de députés le
feraient instinctivement, dorénavant, une
fois par jour; ils en auraient besoin com-
me Kant avait besoin du. peuplier qui se
trouvait devant sa fenêtre, pour faire sa
leçon.
Je voudrais montrer à la France émue le
tableau de l'assemblée, après une heure
de cet exercice. Le jour meurt d'ennui. Un
crépuscule de spleen flotte sur la coupole
en verre dépoli. La salle est vide comme le.
désert : çà et là, quelques honorables lisant
leur journal, ou somnolant vaguement,
figurent les oasis ; un huissier qui se pro-
mène, représente une caravane. Les ban-
quettes elles-mêmes bâilleraient, si les
banquettes pouvaient bâiller.
Il y a un petit rassemblement au fond.
Ce sont les votants. Sur la tribune, le dé-
file s'éternise. le crépitement éternel des
boules qui tombent dans l'urne de zinc,
sert de musique à cette scène médiocre.
Ce crépitement, depuis huit jours, est à
peu près le seul bruit qui vienne de la tri-
bune. Il a commencé il y a précisément
une semaine, et il continue encore.
Les loges sont nues comme un crâne
d'académicien sans perruque. Dans celles
du corps diplomatique, les grandes puis-
sances sont représentées par. un chapeau
sur une chaise. Encore ce chapeau s'en
irait-il certainement, s'il le pouvait. Çà et
là, le public le plus inaccoutumé : des
paysannes en bonnet aux premières loges,
des marmots. On est à la campagne au-
jourd'hui. Tout autour une vaste solitude.
Parfois une porte s'ouvre; un nez de mon-
sieur apparaît; ce monsieur voit les ban-
quettes inoecupées. Il a peur de se singu-
lariser en s'y asseyant. Et puis c'est in-
quiétant un endroit si désert ! Bref, le nez
disparaît.
Enfin, il arrive quelque chose! On ap-
porte les lampes ! Un jour rose frise les
crânes, ou les chevelures, ou les toques
des députés qui défilent. Une minute après,
un grand événement se produit, les lustres
s'allument. Des grappes de flammes écla-
tent tout autour de la salle, l'une après
l'autre. Hélas 1 c'est notre dernière dis-
traction.
Au bout de quelques minutes, le scrutin
est terminé. Enfin! Dieu soit loué! grâce
au ciel! il était temps! quel bonheur! Que
va-t-on faire ? -
On commence un autre scrutin.
mm
Ma foi ! on n'y tient pas, et la seule res-
source est de se faire montrer ce M. de
Jouvenel qui explique le titre des maires
par leur pouvoir « maternel ». Une simple
erréur d'orthographe. Evidemment cet ho-
norable croit que c'est-pour les magistrats
municipaux qu'a été écrit le vers : *
Longa deum tulerunt fastidia menses
et il demande quelquefois à ceux de ses
collègues qui régissent leur village, s'ils
ont beaucoup souffert des douleurs de la
gestation.
Cette distraction est médiocre pour le
temps infini qui remplit le second scrutin.
Qui le croirait? le scrutin finit à son tour.
On pousse un soupir de soulagement. Al-
lons ! c'est bien terminé maintenant.
Voyons le résultat. M. Buffet se lève. Si-
lence religieux. Il lit.
Il n'y a pas encore de résultat.
Une salve d'applaudissements éclate à
gauche.
Il faut dire que ces scrutins ne sont pas
compris avec une gravité égale, par tous
les députés. On trouve dans les urnes les
choses les plus étranges. Tel a mis sur son
bulletin les quatre Jules (Favre, Simon,
Grévy et Ferry). Tel autre quatre ducs
dont le dernier est Baras-Duc. Un troi-
sième a réuni dans son suffrage quatre
éclopés. Tout cela compte pour la majo-
rité. Autant de voix perdues. Autant de
scrutins à recommencer.
Pourtant, cette fois, c'est inquiétant. On
craint qu'il ne faille, pour arriyer à cons-
tituer la commission, tous les sept ans de
la prorogation, — après quoi les lois cons-
titutionnelles viendraient un peu tard.
Mais qu'y faire ? Recommencer à voter ?
Le résultat recommencera à être nul. Quel-
qu'un a une idée" à droite : on demande
une demi heure de suspension. Il faut
bien s'entendre un peu. La droite et le cen-
tre droit songent à un accommodement.
Chose singulière ! ces réflexions étaient
venues à tous les esprits ; et le mot qu'il
fallait dire n'avait pas été prononcé,
quand nous voyons à la tribune la tête
toute bouclée de M. Crémieux. De son
ton paternel d'ancêtre (je dis paternel, M.
de Jouvenel dirait maternel à ma place),
le vieil orateur dit familièrement :
— Voyons, nous sommes de grands en-
fants; il faut en finir. ou sinon., il faut
nous en aller 1
— Je vais consulter la Chambre, ajoute
M. Buffet. — Sur la question de départ défi-
nitif? se demande-t on. C'est une - erreur.
Sur la suspension, qui est prononcée.
j
rm <,",. >J, -
On attend une demi-heure. La demi-
heure écoulée, l'un des candidats de la
droite extrême (M. de la Roshette) vient
annoncer, en son nom et au nom de M. de
la Bassetière, qu'ils retirent leurs candi-
datures. « C'est l'entente! », disent les
uns. « C'est la rupture ! » répondent les
autres. * * .¡:;
Et maintenant ?— Parblei^ maintenant,
on recommence le scrutin.
Les billes reprennent leur petite musi-
que dans l'urne de zinc. Les carrés de pa-
pier recommencent à s'entasser dans l'aur
tre urne de zinc. Les députés recommen-
cent à - défiler à la tribune. Et nous con-
tinuons à bâiller comme on ne bâille pas
deux fois dans sa vie.
Ça dure encore une éternité. Puis vient
le dépouillement. Le moment du dîner est
passé, et le bureau est à son poste. L'heure
sainte de la soupe sonne à tous les esto-
macs, et les scrutateurs dépouillent et
pointent touj ours. 0 commission! que de
sacrifices tu auras coûtés! et quelles lois
constitutionnelles tu nous devras!
Les appétits maudissent les dissensions
politiques, quand enfin, le résultat arrive.
Mais tout le monde est parti, il n'y a
plus un chat, ni dans la salle, ni dans les
tribunes. Enfin, n'importe ! Voyons, cette
fois, c'est définitif! quel est le résultat?
Il n'y en a encore que la moitié d'un.
Deux élus sur quatre. C'est à recommen-
cer demain.
N. B. — Les deux élus sont ceux du
centre droit. La droite en est pour ses
concessions. 1
Plus heureux, le jeune M. de Ségur est
enfin secrétaire. Espérons que cela le
mûrira. -
CAMILLE PELLETA-N »
•■«matin ——————————
PdOJET DE LOI SUR LES MAIRES
RÉUNION DANS LES BUREAUX
Les quinze bureaux de la Chambre se
sont réunis hier, à une heure, pour nom-
mer la commission chargée d'examiner le
projet de loi de M. de Broglie sur les mai-
res. L'affluence des députés dans leurs bu-
reaux était grande; néanmoins quelques
rares absences ont suffi pour changer le
résultat du vote dans les 3e et 40e bureaux.
De sorte que la cause républicaine, qui
avait la majorité dans la commission de
prorogation, se trouve en minorité dans la
commission des maires.
Neuf commissaires de la droite ou du.
centre droit, sont favorables au projet:
six, des fractions de la gauche, y sont op-
posés..
Voici les noms des commissaires élus,
avec la répartition des voix entre les con-
currents Les noms en italique sont ceux
des membres des fractions de la gauche :
1er bureau. M. Lenoël, élu par 25 voix
contre 14 à M. Ganivet, 1 à
M. Pelletan yt 1 au général
Saussier. ,
2e - M. Pascal Duprat, élu par 25
voix contre 16 à M. Boreau-
Lajanadie.
3' - M. de Goulard, élu par 20 voix
contre 17* à M. Bertauld et
3 à M. Carnot.
4e - M. Gatien-Arnoult, élu par 23*
voix ; M. Marc Dufraisse, de
la même opinion, 6 voix.
Pas de concurrent monar-
chiste.
5e - M. Clapier, élu par 2& voix
contre M. Lucet, 18. ,
6e — M. Charles Boyssct, élu par 21
voix contre 17 à M. Bot-
tieau.
7e — M. Delsol, élu par 22 voix
contre 6 à M. Jouin et 8 à
M, Raudot.
8e — M. Piou, élu par 22 voix contre
21 à M. Chaurand.
ge .- M. Eymard-Duvernay, élu par
23 voix contre 17 à M. de
Melun.
toe — M. Fournier, élu par 22 voix
cont.re 20 à M. Duchâtel.
11e — M. de Valfons, élu par 13 voix
contre 8 à M. Cézanne.
12e — M. Bigot, élu par 27 voix
contre 14 à M. Corne.
13e — M. de Rességuier, élu par 21
voix contre 17 à M. Wad-
dington.
14" — M. Christophle, élu par 23 voix
oontre 18 à Al. Target.
l59 — M. Charreyron, élu par 20 voix
contre 19 à M. le-comte de
Rodez-Benavent.
On remarquera que, dans les 7% 88 et
15e bureau, les membres du centre droit
ou de la droite ont eu pour concurrents
des membres de l'extrême droite. Ces der-
niers, MM. Raudot, le baron Chaurand et
le vicomte de Rodez Benavent se sont en
effet énergiquement prononcés contre le
projet de loi, et les députés républicains
ont porté sur eux leurs suffrages. D'autres
membres de l'extrême droite, qui d'ailleurs
n'étaient pas candidats, n'ont pas été
moins vifs contre le projet de M. de Bro-
glie, notamment M. de Franclieu et M.
Bidard, l'éminent doyen de la Faculté de
droit de Rennes.
Les bonapartistes, ainsi qu'il était facile
de le prévoir, ont voté pour les défenseurs
du projet ; c'était la meilleure manière de
le caractériser. Les républicains, qui repro-
chent à M. de Broglie d'emprunter les pra-
tiques gouvernementales de l'empire, n'au-
ront pas de meilleure preuve à l'appui de
assertion qu% ce vote des bonapar-
tistes. : h-
Dans presque tous les bureaux, la dis-
cussion a développe à péu près les mêmes
argument* pour ou contre le projet. Nous
nous borneron" donc a donner les détails
des deux ou trois bureaux où le débat a
été le pins approfondi, eUiOUs résumerons
la discussion des autres, en signalant les
détails caractéristiques.
Ot
DISCOURS DE M. LOUIS' BtANC
Voici le discours prononeé jar M. Louis
Blano dans le 15e bureau :
Messieurs,
Le premier sentiment qu'éveille la lec-
ture du projet de loi pi ésenté par M. le duc
de Broglie; est celui de l'étonnement. -
Et en effet, M. le duc de Broglie n'a-t-il
pas plus vivement que personne, avant
d'être ministre, dénoncé les abus attachés
à l'ingérence de l'Etat dans les affaires de la
commune? Ne lui avons-nous pas entendu
comparer d'un ton moqueur certains fonc-
tionnaires à des factionnaires? N'est-ce pas
lui qui disait que « la soumission passive à
un Etat abstrait engendre autant de révo-
lutions qu'elle en prévient, et livre, à des
jours donnés, toute une nation à la discré-
tion d'une émeute maîtresse d'un télégra-
phe »? Et qui donc a fait meilleure figure
parmi les décentralisateurs qu'un autre
membre du cabinet, au nom duquel le
projet de loi vous est présenté : M. le duc
Decazes ?
Encore si ces messieurs gardaient pour
eux la responsabilité du changement sou-
dain que la possession du pouvoir semble
avoir amené dans leurs convictions ! Mais
non : cette responsabilité, il leur plaît de
la faire partager à l'Assemblée. Car ce
qu'ils lui demandent par le projet de loi
qui vous est soumis, c'est de se déjuger
hautement, formellement, à la face du
monde ; c'est de renier les principes qu'elle
professait lorsqu'elle tira de son sein une
commission de décentralisation; c'est de
ne pas se souvenir qu'elle-même, oui elle-
même, a confié aux conseillers municipaux
cette nomination des maires qu'on lui
propose maintenant de leur retirer ; c'est
d'oublier la résistance opposée par elle à
M. Tbiers, lorsque M. Thiers voulut attri-
buer au gouvernement la nomination des
maires dans les grandes villes, résistance
que l'ex-président de la République ne put
vaincre qu'en nous menaçant de sa démis-
sion. Serrerez vous de nouveau la France
dans cette camisole de force où vous étiez
les premiers à dire qu'elle étouffait ? Fe-
rez-vous pénitence du péché de libéra-
lisme ? Nous verrons ce qu'y gagnera votre
dignité comme réunion d'hommes politi
ques ce qu'y gagnera votre autorité mo-
rale comme législateurs.
Et par quel motif si grave, sous la pres-
sion de quelle impérieuse nécessité, les dé-
centralisateurs d'hier sont-ils invités à de-
venir les centralisateurs à outrance de de-
main ?
L'honorable M. Maurice vous disait tout
à l'heure qu'il était bon d'opposer, dans la
commune, aux représentants des intérêts
particuliers un représentant de l'intérêt
général. Cette doctrine suppose entre l'in-
térêt général et les intérêts particuliers
une opposition qui n'a rien de fondamental,
rien de nécessaire. Eh, qu'est-ce, donc, je
vous prie, que l'intérêt général, sinon la
réunion, la combinaison de tous les inté-
rêts locanx et industriels? Je ne relèverai
pas les faits particuliers dont l'honorable
préopinant vient de vous entretenir :
sous ce rapport, l'honorable M. Jozon a
dit tout ce qu'il y avait à dire. Je me bor-
nerai à remarquer que, trop souvent, ce,
qu'on nomme l'intérêt général n'est autre
chose que l'intérêt d'un parti dominant.
Habile mais mensongère confusion, de la-
quelle sont toujours partis les séïues du
despotisme pour pallier ses plus mons-
trueuses prétentions !
Maintenant, est-il vrai que, dans nos
37,000 communes, l'ordre a été troublé,
la loi violée, la bonne gestion des affaires
compromise, par suite de la nomination
des maires confiée aux conseils munici-.
paux? Il n'a pas tenu à l'honorable Ma
Charreyron qpne nous n'en jugions de 1
sorte? Mais, si j'ai -bonne mémoire, ce
n'est point là ce dont on se plaignait On
reconnaissait, au contraire, que les maires
se renfermaient dans leurs fonctions, ne
se rendaient coupables d'aucune opposi-
tion factieuse, respectaient la légalité.
Tout ce qu'on leur reprochait, c'était de
ne pas tenir suffisamment les représen-
tants officiels du pouvoir central au cou-
rant de ce qui se passe. Mais à qui la
faute? Et que conclure de là, si ce n'est
que les préfets ne sont pas choisis de façon
à vivre en termes de cordialité avec les
autorités municipales, et que la politique
du gouvernement, peu populaire dans les
villes, ne l'est pas davantage dans les cam-
pagnes?
On regarde à l'effet, quand il faudrait
regarder à la cause.
Que signifie, d'ailleurs, le remède propo-
sé? Quoi ! pour empêcher que le préfet ne
demeure étranger à ses administrés, ce
qu'on imagine de mieux, c'est d'avoir des
maires qui soient étrangers à la com
mune! C'est bien effectivement à cela que
e projet de loi, qu'on le veuille ou non,
aboutit. Ne donne-t-il pas au gouverne-
ment le droit de choisir en dehors du con-
seil municipal le succefseur de tout maire
ou de tout adjoint qui se serait démis de
ses fonctions ou qui '*
A quoi bon le taire et comment le dissi-
muler? Le but d'une pareille loi est de
créer, dans chaque commune, un auxiliaire
au-préfet, transformé en agent électoral. Il
s'agit tout simplement de ressusciter lés
candidatures officielles de l'empire. Mais
où est la possibilité de suivre avec succès
ce mauvais exemple? Auj ourd'hui, comme
sous l'empire, la souveraineté nationale ni
se trouve pas avoir été,, d;ins un moment
de terroiisme, aussitôt .enchaînée que pro-
clamée; aujourd'hui, le suffrage universel
n'est pas à l'état de mineur, comme il 1 é
tait sous l'empire; aujourd'hui, les corps
électifs : conseils généraux, conseils d'ar-
rondissement; conseils municipaux, ne
sont pas, comme soàs l'empire, dans la
dépendance absolue du pouvoir. Sous l'em-
pire, grâce à des circonstances bien cou-
nues, tout était coordonné en vue du des-
potisme d'un seul. C'est cette coordination
qui manque aujourd'hui. Non, non : il n'y
a point de place pour des plagiaires du cé-
sarisme.
Savez-vous quel serait le résultat de
cette loi? En donnant pour maires aux
paysans des hommes qu'ils ne pourraient
plus élire même au second degré, elle les
dépouillerait d'un droit qu'ils se" sont ac-
coutumés à exercer, comme vous l'a ex-
cellemment dit mon honorable ami M. Le-
blond, un droit qui leur a en quelque
sorte inoculé le sentiment de leur impor-
tance sociale, auquel ils tiennent, et qu'on
ne saurait désormais leur ravir sans les ir-
riter profondément. Le maire qu'on leur
imposerait leur apparaîtrait , non plus
sous l'aspect d'un magistrat, mais sous
l'aspect d'un maître, et vous connaissez
l'adage : « Notre ennemi c'est notre maî-
tre ; je vous le dis en bon Français. »
Le projet de loi qui vous est présenté
aurait donc, si vous l'adoptiez, des consé-
quences opposées de tout point, à celles
que le gouvernement en espère. Pour moi,
j'en suis tellement convaincu, que si j'é-
tais dominé uniquement par des considé-
rations de parti, loin de redouter l'adop-
tion d'une loi semblable, je la désirerais.
Mais je la repousse au nom d'intérêts qui
ne sont pas seulement des intérêts de
parti; je la repousse, parce qu'elle serait le
renversement, de toutes les règles du droit
public fondé sur le suffrage universel ; je
la repousse, parce qu'elle mettrait aux pri-
ses, dans chaque commune, le principe de
la nomination par en haut et celui de la
nomination par en bas ; je la Tepousse,
parce qu'elle détruirait l'harmonie qui doit
exister, dans le conseil municipal, entre
le pouvoir délibérant et le pouvoir exécu-
tif ; parce qu'elle susciterait pour rival au
maire nouveau, qui serait l'homme du
gouvernemeut, le maire ancien, qui serait
l'homme de la commune ; parce qu'enfin
elle aurait sur l'administration des affai-
res du pays une influence désastreuse. -
Si elle passe, je ne crains pas de le pré-
dire : le gouvernement aura forgé là une
arme qui éclatera entre ses mains. Mais,
comme il ne sera pas seul à en souffrir,
c'est à vous, messieurs, de voir si vous
êtes d'humeur à lui accorder le pouvoir de
faire beaucoup de mal au pays, en se fai-
sant beaucoup de mal à lui-même. C'est à
vous de voir si vous voulez mettre contre
vous cette puissance invincible et nou-
velle : la République des Paysans.
DISCOUBS DE M. QUINET
Voici le discours prononcé par M. Edgar Qui-
net dans le onzième bureau :
Messieurs,
-' Il est un moyen qui ne peut tromper,
quand il s'agit de juger les projets de loi
qui nous sont soumis.
Ces projets doivent-ils servir à la régé-
nération ou à la décadence de la France?
Voilà la question qui domine et résout
toute question. Je me demande, à ce point
de vue, où conduit le projet actuel; la ré-
ponse ne peut être douteuse.
Si quelque chose sert à mesurer la vita-
lité d'un peuple, c'est la vitalité de ses ins-
titutions municipales. Même chez les peu-
ples conquis, asservis, tout peut renaître,
s'ils conservent la vie communale à leur
foyer.
Mais extirpez ce germe d'indépendance,
étouffez ce foyer, vous attentez à la vie
même de la nation. Ce n'est pas seulement
arrêter le développement normal d'un
peuple, c'est le frapper au cœur. Et pour-
quoi donc frapper la France au cœur?
Par quelle institution se montre surtout
la vie communale? Par l'élection des mai-
res. Or, c'est cette élection que détruit le
projet de loi dans les chers-lieux de dépar-
tement, d'arrondissement, de canton, et
jusque dans les moindres villages.
Oui, il s'agit d'abolir la vie communale
partout où elle peut se retrancher. Il s'a.
git de détruire le principe de vie dans cha-
que fibre du corps social.
Ne demandons plus si c'est un projet
de régénération ou de décadence. C'est un
projet de ruine : la décadence est écrite à
chacune de ses lignes. ,
Ceux qui se souviennent ne me démen-
tiront pas si j'ajoute : le plus grand re-
proche que toutes les écoles libérales aient
fait à l'ancien régime, est d'avoir aboli par
degré la vie municipale dans la Prance'è^. XiJ
tière.. (
C'est ce même esprit d'extirpation ,
d'asservissement qui se retrouve dans le V\
projet actuel. Il veut détruire, en un jour, i- y
ce que l'ancien régime a mis des siècles à >3
détruire.
La France a be-oin de Préparer. Le
projet. la rejette dans le cercle des peuples
privés de ce qui est le premier élément l;-
la vie publique.
Il place la France au-dessous uè tous les
peuples libres,d'Europe. - 3
Il pousse notre pays à une nouvelle
chute, quand la Frauce n'aspire qu'à se
relever. - ,'
Il blesse ses instincts, ses vœux, il étwffe
sa volonté.
Il fait asseoir la police centrale, poli-
tique, à chaque-foyer.
Je repousse ce projet comme une'loi de C ,
combat contre la France, comme une loi
de décadence et de barbarie.
PREMIER BUREAU
M. Pelletan a combattu le projet en
rappelant les opinions primitives de l'As-
semblée en matière de décentralisation
et de liberté municipales. C'est la majorité
actuelle qui a imposé à M. Thiars la liberté
communale; c'est elle qui appuie aujour-
d'hui le projet en discussion.
Par quelles raisons demande-t-on à l'As"
semblée de se déjuger ? L'exposé des mo-
tifs du projet dit que la plupart des maires
refusent leur concours au gouvernement.
Pourquoi ne donne-t-on aucune statisti-
que? S'il y a réellement refus dé concours,
on peut révoquer ou suspendre Actuel-
lement, le ministre demande à être le seul
maire en France : il le sera par l'intermé-
diaire des préfets. Ceux-ci, fonctionnaires
nomades, ne connaissant pas le personnel,
créeront de fréquents conflits dans les
communes. M. Pelletan conclut en décla- v -
rant que le projet veut créer une police
.politique.
M. Lenoël dit que la principale objec-
tion à faire au projet, c'est qu'il porte at-
teinte à l'autonomie des communes. Il rap-
pelle à l'appui de son opinion non-seule-
ment les plus éminents jurisconsultes des
régimes précédents, mais les propres pa-
roles des membres de Il m,etjor, Lê, de l'As.
semblée actuelle, notamment M. de Meaux,
qui, en 1871, réclamait, aux applaudisse-
ments de l'Assemblée, la nomination des
maires par les conseils municipaux.
M. Lenoël montre qu'aucune législation
n'a été aussi loin que celle qu'on vou-
drait faire prévaloir. Le projet en question
est la négation de tout ce qu'il y a de plus
sacré et de plus respeetab e.
M. max-Richard, membre du centre
gauche, s'est prononcé pour un moyen
terme.
M. Ganivet, bonapartiste, approuve
le projet. Selon lui, la nomination des
maires par le suffrage universel rompt l'u-
nité nationale, en désarmant le pouvoir
central.
DEUXIÈME BUREAU
M. Fcrouiliat critique, dans un dis-
cours très remarquable, le projet au point
de vue politique et administratif.
11. Boreau-Lajanadle, membre du -
centre droit, lui répoud en donnant com-
me seul argument la nécessité de donner
au pouvoir central dans chaque commune
un véritable représentant.
Un discours de M. Pascal Duprat, dans
lequel il est fait allusion à l'anniversaire
du 2 décembre', soulève une altercation
entre l'orateur et quelques députés bona"
partistes faisant partie du bureau.
TROISIÈME BUREAU
1U. Bertauld repousse énergiquement
le projet, qui n'est autre qu'une loi d'excep-
tion.
M. de Goulard dit que dans l'impos-
sibilité de faire une loi municipale com-
plète, il faut parer aux imperfections de
l'organisation actuelle par une loi provi-
soire. Le seul moyen, c'est de faire que le
gouvernement soit représenté dans la moin-
dre commune. M. de Goulard invoque le
témoignage de M. Casimir Périer, et de-
mande si- durant son passage au minis-
tère de l'intérieur il n'a pas pu constater
qu il était impossible d'obtenir des maires
des renseignements indispensables. Le
choix des maires par les prefets dans le
sein des conseils municipaux est la seule
combinaison possible; la seule compatible
avec le suffrage universel. Les maires nom-
més par les conseils municipaux, sont les
agents de la majori é qui les nomme et
qu'ils spnt obligés de soutenir. Dans l'in-
térêt des minurités, il faut renoncer à cet
état de choses.
Dans certains cas, il est même néces- -
saire de laisser le gouvernement choisir
les maires en dehors des conseils munici-
paux, sans quoi les communes pourraient
imposer certains maires par des élections
répétées. M. de Goulard approuve les dis-
positions du projet relative à l'exercice de
la police communale.
SI Jules Simon constate qu'une
grande commission de l'Assemblée, après
deux ans d'études, n'a pas encore résolu
la question de la nomination des maires.
La loi actuelle serait, si elle était votée,
absolument provisoire. Si plus tard l'As-
semblée l'abandonne après l'avoir votée,
elle n'aura aucun motif à donner de son
vote d'aujourd'hui.
M. Casimir Perler, répondant à l'in-
terpellation que lui adressait M. de Gou-
lard, dit qu'il a toujours pensé, même au'
pouvoir, que les maires devaient être nom-
més parles conseils municipaux, sauf dans
les grandes villes où ils doivent recevoir
leur investiture du gouvernement. Il n'a
pas été désarmé par la loi actuelle; il a eu
peu de difficultés lorsqu il était ministre,
numéro s **! e. -nr 1 15 e.
14 frimaire aD 8i. — NI 1878
JL t >-* .t.,~ v =-
S âu«asiii su ^Cv,'iuure u kôâ&ciio»
De 4 à 6 heures du soir
18, RUE DB VALOIS,.Il X^V
— : •
Les manuscrits non insérés ne seront pas téad^f )
- \- ~;
ANNONCES /J:
1
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et c. '/! :
6, place de la Bourse, 6
'» ~,
!
.a • • •
J 1 , t ~, J ~-
Il yg
t* ». < i
PARU i t~f.~rL~s~r~~
trois mois ) tO » t '•''*la*/-. 1^5
Six me;" 20 '» f'Sfe uk.-U,:.. ■
- Adresser iettrea et mandats '-
A M. ESRNEST LEFEVRE
ADkINiST^i1rKtJ^-G§ftftrT -
LA COMMISSION DES TRENTE
Un commissaire par scrutin : tel
semble être le maximum de ce que l'As-
semblée peut produire. Avant-hier, elle
avait nommé un Trente, 'M. Lucien
Brun; hier, elle eu a nommé deux,
MM. Batbie et Delsol, mais il lui a fallu
deux tours de scrutin.
Quand la droite pressait et harcelait
la commission des Quinze, elle disait
que le pays ne pouvait pas attendre, que
les affaires mouraient du provisoire,
qu'il était nécessaire d'en finir séance te -
nante. La droite avait un moyen bien
simple d'en finir séance tenante avec
la nomination des Trente : c'était de la
nommer, comme les Quinze, dans les
bureaux. Hier même, on a nommé dans
les bureaux la commission chargée
d'examiner le projet de loi sur les mai <
res : on l'a nommée tout entière en
deux heures.. Ceux qui étaient si
pressés ont préféré un mode d'élection
qui, au lieu de deux heures, risque ile
durer deux semaines. La Chambre aura
mis plus de temps à choisir trente noms
que la commission si injuriée pour sa
lenteur n'en a mis à discuter une loi qui
donnait le gouvernement du pays pour
sept ans.
Nous ne désespérons pas que l'As-
semblée, en s'y acharnant, ne par-
vienne à compléter là commission des
Trente. Mais nous n'osons pas promet-
tre à une commission ainsi arrachée
toute l'autorité qu'aurait eue une com-
mission sortie spontanément d'une ma-
jorité nombreuse et robuste. Un détail
à noter, c'est qu'on ne semble pas abso-
lument désireux d'en être. Entre les
deux tours de scrutin d'hier, MM. de la
Rochette et de la Bassetière, qui, au
premier tour, étaient arrivés quatrième
et cinquième, ont déclaré qu'ils n'ac-
cepteraient pas, et M. Jules Grévy, qui
était venu troisième, avait, nous dit-on,
pour le cas où il aurait été nommé, sa
démission dans sa poche.
Ce qui ressort de ce laborieux accou-
chement, c'est que la majorité se désa-
grège. Où sont les soixante-huit voix de
la prorogation ? Où sont même les qua-
1 rante-huif voix du ministère ? S'il n'y
a pas de majorité pour nonfmer une
commission, que sera-ce quand on se
trouvera en présence des lois constitu-
tionnelles, c'est-à-dire de l'avenir de la
France? Nous savons bien que nous vi-
vons au temps des miracles, et que
l'Univers ne désemplit pas de paralyti-
ques qui font le saut du trapèze, mais
nous n'en éprouverions pas moins un
certain étonnement si une assemblée
qui a tant de peine à faire un commis-
saire réussissait à faire une consti-
tution.
AUGUSTE VACQUERIB.
LA SEANCE
L'Assemblée continue le cours de ses
travaux. Elle a nommé aujourd hui, après
un premier tour de scrutin sans résultat,
deux nouveaux membres de la commission
des Trente, M. Delsol et M. Batbie. Ni
l'un, ni l'autre ne figuraient jusqu'à ce mo-
ment parmi les candidats ; mais, M. de
la Bassetière et M. de la Rochette ayant
déclaré qu'ils renonçaient à faire partie de
la fameuse commission, il semble que les
candidats du centre droit, M. d'Hausson-
ville notamment, ont été également écartés
pour faire place à MM. Delsol et Batbie sur
les noms desquels s'est fait l'accord.
( L'échec de M. d'Haussonville frappe plus
haut que lui et, par-dessus sa tête, c'est le
vice-président du conseil qui est atteint.
M. deBroglie, à ce qu'on assure, a laissé
voir qu'il avait senti le coup,
Il reste encore à nommer deux membres
pour compléter la commission des Trente.
Espérons qu'avec un peu de bonheur et de
persévérance l'Assemblée pourra venir à
bout de cette importante besogne sans y
consacrer plus d'une ou deux séances. Ge-
la serait d'autant plus à propos qu'à la da-
te où nous sommes, on n'a point encore
eu Je temps de penser à la discussion du
budget.
A. GAULlBR.
>..-' *
PHYSIONOMIE fif LA SÉANCE .:
Aujourd'hui, on s'est risqué à voter, vo-
ter tout le jour. Le coup-d'œil est navrant.
Défilé durant des heures. C'est devenu une
habitude. Cela se fait machinalement:
monter les marches de gauche, jeter une
petite boule dans une urne, jeter un pa-
pier dans l'autre, ] et redescendre si régu-
lièrement, que bon nombre de députés le
feraient instinctivement, dorénavant, une
fois par jour; ils en auraient besoin com-
me Kant avait besoin du. peuplier qui se
trouvait devant sa fenêtre, pour faire sa
leçon.
Je voudrais montrer à la France émue le
tableau de l'assemblée, après une heure
de cet exercice. Le jour meurt d'ennui. Un
crépuscule de spleen flotte sur la coupole
en verre dépoli. La salle est vide comme le.
désert : çà et là, quelques honorables lisant
leur journal, ou somnolant vaguement,
figurent les oasis ; un huissier qui se pro-
mène, représente une caravane. Les ban-
quettes elles-mêmes bâilleraient, si les
banquettes pouvaient bâiller.
Il y a un petit rassemblement au fond.
Ce sont les votants. Sur la tribune, le dé-
file s'éternise. le crépitement éternel des
boules qui tombent dans l'urne de zinc,
sert de musique à cette scène médiocre.
Ce crépitement, depuis huit jours, est à
peu près le seul bruit qui vienne de la tri-
bune. Il a commencé il y a précisément
une semaine, et il continue encore.
Les loges sont nues comme un crâne
d'académicien sans perruque. Dans celles
du corps diplomatique, les grandes puis-
sances sont représentées par. un chapeau
sur une chaise. Encore ce chapeau s'en
irait-il certainement, s'il le pouvait. Çà et
là, le public le plus inaccoutumé : des
paysannes en bonnet aux premières loges,
des marmots. On est à la campagne au-
jourd'hui. Tout autour une vaste solitude.
Parfois une porte s'ouvre; un nez de mon-
sieur apparaît; ce monsieur voit les ban-
quettes inoecupées. Il a peur de se singu-
lariser en s'y asseyant. Et puis c'est in-
quiétant un endroit si désert ! Bref, le nez
disparaît.
Enfin, il arrive quelque chose! On ap-
porte les lampes ! Un jour rose frise les
crânes, ou les chevelures, ou les toques
des députés qui défilent. Une minute après,
un grand événement se produit, les lustres
s'allument. Des grappes de flammes écla-
tent tout autour de la salle, l'une après
l'autre. Hélas 1 c'est notre dernière dis-
traction.
Au bout de quelques minutes, le scrutin
est terminé. Enfin! Dieu soit loué! grâce
au ciel! il était temps! quel bonheur! Que
va-t-on faire ? -
On commence un autre scrutin.
mm
Ma foi ! on n'y tient pas, et la seule res-
source est de se faire montrer ce M. de
Jouvenel qui explique le titre des maires
par leur pouvoir « maternel ». Une simple
erréur d'orthographe. Evidemment cet ho-
norable croit que c'est-pour les magistrats
municipaux qu'a été écrit le vers : *
Longa deum tulerunt fastidia menses
et il demande quelquefois à ceux de ses
collègues qui régissent leur village, s'ils
ont beaucoup souffert des douleurs de la
gestation.
Cette distraction est médiocre pour le
temps infini qui remplit le second scrutin.
Qui le croirait? le scrutin finit à son tour.
On pousse un soupir de soulagement. Al-
lons ! c'est bien terminé maintenant.
Voyons le résultat. M. Buffet se lève. Si-
lence religieux. Il lit.
Il n'y a pas encore de résultat.
Une salve d'applaudissements éclate à
gauche.
Il faut dire que ces scrutins ne sont pas
compris avec une gravité égale, par tous
les députés. On trouve dans les urnes les
choses les plus étranges. Tel a mis sur son
bulletin les quatre Jules (Favre, Simon,
Grévy et Ferry). Tel autre quatre ducs
dont le dernier est Baras-Duc. Un troi-
sième a réuni dans son suffrage quatre
éclopés. Tout cela compte pour la majo-
rité. Autant de voix perdues. Autant de
scrutins à recommencer.
Pourtant, cette fois, c'est inquiétant. On
craint qu'il ne faille, pour arriyer à cons-
tituer la commission, tous les sept ans de
la prorogation, — après quoi les lois cons-
titutionnelles viendraient un peu tard.
Mais qu'y faire ? Recommencer à voter ?
Le résultat recommencera à être nul. Quel-
qu'un a une idée" à droite : on demande
une demi heure de suspension. Il faut
bien s'entendre un peu. La droite et le cen-
tre droit songent à un accommodement.
Chose singulière ! ces réflexions étaient
venues à tous les esprits ; et le mot qu'il
fallait dire n'avait pas été prononcé,
quand nous voyons à la tribune la tête
toute bouclée de M. Crémieux. De son
ton paternel d'ancêtre (je dis paternel, M.
de Jouvenel dirait maternel à ma place),
le vieil orateur dit familièrement :
— Voyons, nous sommes de grands en-
fants; il faut en finir. ou sinon., il faut
nous en aller 1
— Je vais consulter la Chambre, ajoute
M. Buffet. — Sur la question de départ défi-
nitif? se demande-t on. C'est une - erreur.
Sur la suspension, qui est prononcée.
j
rm <,",. >J, -
On attend une demi-heure. La demi-
heure écoulée, l'un des candidats de la
droite extrême (M. de la Roshette) vient
annoncer, en son nom et au nom de M. de
la Bassetière, qu'ils retirent leurs candi-
datures. « C'est l'entente! », disent les
uns. « C'est la rupture ! » répondent les
autres. * * .¡:;
Et maintenant ?— Parblei^ maintenant,
on recommence le scrutin.
Les billes reprennent leur petite musi-
que dans l'urne de zinc. Les carrés de pa-
pier recommencent à s'entasser dans l'aur
tre urne de zinc. Les députés recommen-
cent à - défiler à la tribune. Et nous con-
tinuons à bâiller comme on ne bâille pas
deux fois dans sa vie.
Ça dure encore une éternité. Puis vient
le dépouillement. Le moment du dîner est
passé, et le bureau est à son poste. L'heure
sainte de la soupe sonne à tous les esto-
macs, et les scrutateurs dépouillent et
pointent touj ours. 0 commission! que de
sacrifices tu auras coûtés! et quelles lois
constitutionnelles tu nous devras!
Les appétits maudissent les dissensions
politiques, quand enfin, le résultat arrive.
Mais tout le monde est parti, il n'y a
plus un chat, ni dans la salle, ni dans les
tribunes. Enfin, n'importe ! Voyons, cette
fois, c'est définitif! quel est le résultat?
Il n'y en a encore que la moitié d'un.
Deux élus sur quatre. C'est à recommen-
cer demain.
N. B. — Les deux élus sont ceux du
centre droit. La droite en est pour ses
concessions. 1
Plus heureux, le jeune M. de Ségur est
enfin secrétaire. Espérons que cela le
mûrira. -
CAMILLE PELLETA-N »
•■«matin ——————————
PdOJET DE LOI SUR LES MAIRES
RÉUNION DANS LES BUREAUX
Les quinze bureaux de la Chambre se
sont réunis hier, à une heure, pour nom-
mer la commission chargée d'examiner le
projet de loi de M. de Broglie sur les mai-
res. L'affluence des députés dans leurs bu-
reaux était grande; néanmoins quelques
rares absences ont suffi pour changer le
résultat du vote dans les 3e et 40e bureaux.
De sorte que la cause républicaine, qui
avait la majorité dans la commission de
prorogation, se trouve en minorité dans la
commission des maires.
Neuf commissaires de la droite ou du.
centre droit, sont favorables au projet:
six, des fractions de la gauche, y sont op-
posés..
Voici les noms des commissaires élus,
avec la répartition des voix entre les con-
currents Les noms en italique sont ceux
des membres des fractions de la gauche :
1er bureau. M. Lenoël, élu par 25 voix
contre 14 à M. Ganivet, 1 à
M. Pelletan yt 1 au général
Saussier. ,
2e - M. Pascal Duprat, élu par 25
voix contre 16 à M. Boreau-
Lajanadie.
3' - M. de Goulard, élu par 20 voix
contre 17* à M. Bertauld et
3 à M. Carnot.
4e - M. Gatien-Arnoult, élu par 23*
voix ; M. Marc Dufraisse, de
la même opinion, 6 voix.
Pas de concurrent monar-
chiste.
5e - M. Clapier, élu par 2& voix
contre M. Lucet, 18. ,
6e — M. Charles Boyssct, élu par 21
voix contre 17 à M. Bot-
tieau.
7e — M. Delsol, élu par 22 voix
contre 6 à M. Jouin et 8 à
M, Raudot.
8e — M. Piou, élu par 22 voix contre
21 à M. Chaurand.
ge .- M. Eymard-Duvernay, élu par
23 voix contre 17 à M. de
Melun.
toe — M. Fournier, élu par 22 voix
cont.re 20 à M. Duchâtel.
11e — M. de Valfons, élu par 13 voix
contre 8 à M. Cézanne.
12e — M. Bigot, élu par 27 voix
contre 14 à M. Corne.
13e — M. de Rességuier, élu par 21
voix contre 17 à M. Wad-
dington.
14" — M. Christophle, élu par 23 voix
oontre 18 à Al. Target.
l59 — M. Charreyron, élu par 20 voix
contre 19 à M. le-comte de
Rodez-Benavent.
On remarquera que, dans les 7% 88 et
15e bureau, les membres du centre droit
ou de la droite ont eu pour concurrents
des membres de l'extrême droite. Ces der-
niers, MM. Raudot, le baron Chaurand et
le vicomte de Rodez Benavent se sont en
effet énergiquement prononcés contre le
projet de loi, et les députés républicains
ont porté sur eux leurs suffrages. D'autres
membres de l'extrême droite, qui d'ailleurs
n'étaient pas candidats, n'ont pas été
moins vifs contre le projet de M. de Bro-
glie, notamment M. de Franclieu et M.
Bidard, l'éminent doyen de la Faculté de
droit de Rennes.
Les bonapartistes, ainsi qu'il était facile
de le prévoir, ont voté pour les défenseurs
du projet ; c'était la meilleure manière de
le caractériser. Les républicains, qui repro-
chent à M. de Broglie d'emprunter les pra-
tiques gouvernementales de l'empire, n'au-
ront pas de meilleure preuve à l'appui de
assertion qu% ce vote des bonapar-
tistes. : h-
Dans presque tous les bureaux, la dis-
cussion a développe à péu près les mêmes
argument* pour ou contre le projet. Nous
nous borneron" donc a donner les détails
des deux ou trois bureaux où le débat a
été le pins approfondi, eUiOUs résumerons
la discussion des autres, en signalant les
détails caractéristiques.
Ot
DISCOURS DE M. LOUIS' BtANC
Voici le discours prononeé jar M. Louis
Blano dans le 15e bureau :
Messieurs,
Le premier sentiment qu'éveille la lec-
ture du projet de loi pi ésenté par M. le duc
de Broglie; est celui de l'étonnement. -
Et en effet, M. le duc de Broglie n'a-t-il
pas plus vivement que personne, avant
d'être ministre, dénoncé les abus attachés
à l'ingérence de l'Etat dans les affaires de la
commune? Ne lui avons-nous pas entendu
comparer d'un ton moqueur certains fonc-
tionnaires à des factionnaires? N'est-ce pas
lui qui disait que « la soumission passive à
un Etat abstrait engendre autant de révo-
lutions qu'elle en prévient, et livre, à des
jours donnés, toute une nation à la discré-
tion d'une émeute maîtresse d'un télégra-
phe »? Et qui donc a fait meilleure figure
parmi les décentralisateurs qu'un autre
membre du cabinet, au nom duquel le
projet de loi vous est présenté : M. le duc
Decazes ?
Encore si ces messieurs gardaient pour
eux la responsabilité du changement sou-
dain que la possession du pouvoir semble
avoir amené dans leurs convictions ! Mais
non : cette responsabilité, il leur plaît de
la faire partager à l'Assemblée. Car ce
qu'ils lui demandent par le projet de loi
qui vous est soumis, c'est de se déjuger
hautement, formellement, à la face du
monde ; c'est de renier les principes qu'elle
professait lorsqu'elle tira de son sein une
commission de décentralisation; c'est de
ne pas se souvenir qu'elle-même, oui elle-
même, a confié aux conseillers municipaux
cette nomination des maires qu'on lui
propose maintenant de leur retirer ; c'est
d'oublier la résistance opposée par elle à
M. Tbiers, lorsque M. Thiers voulut attri-
buer au gouvernement la nomination des
maires dans les grandes villes, résistance
que l'ex-président de la République ne put
vaincre qu'en nous menaçant de sa démis-
sion. Serrerez vous de nouveau la France
dans cette camisole de force où vous étiez
les premiers à dire qu'elle étouffait ? Fe-
rez-vous pénitence du péché de libéra-
lisme ? Nous verrons ce qu'y gagnera votre
dignité comme réunion d'hommes politi
ques ce qu'y gagnera votre autorité mo-
rale comme législateurs.
Et par quel motif si grave, sous la pres-
sion de quelle impérieuse nécessité, les dé-
centralisateurs d'hier sont-ils invités à de-
venir les centralisateurs à outrance de de-
main ?
L'honorable M. Maurice vous disait tout
à l'heure qu'il était bon d'opposer, dans la
commune, aux représentants des intérêts
particuliers un représentant de l'intérêt
général. Cette doctrine suppose entre l'in-
térêt général et les intérêts particuliers
une opposition qui n'a rien de fondamental,
rien de nécessaire. Eh, qu'est-ce, donc, je
vous prie, que l'intérêt général, sinon la
réunion, la combinaison de tous les inté-
rêts locanx et industriels? Je ne relèverai
pas les faits particuliers dont l'honorable
préopinant vient de vous entretenir :
sous ce rapport, l'honorable M. Jozon a
dit tout ce qu'il y avait à dire. Je me bor-
nerai à remarquer que, trop souvent, ce,
qu'on nomme l'intérêt général n'est autre
chose que l'intérêt d'un parti dominant.
Habile mais mensongère confusion, de la-
quelle sont toujours partis les séïues du
despotisme pour pallier ses plus mons-
trueuses prétentions !
Maintenant, est-il vrai que, dans nos
37,000 communes, l'ordre a été troublé,
la loi violée, la bonne gestion des affaires
compromise, par suite de la nomination
des maires confiée aux conseils munici-.
paux? Il n'a pas tenu à l'honorable Ma
Charreyron qpne nous n'en jugions de 1
sorte? Mais, si j'ai -bonne mémoire, ce
n'est point là ce dont on se plaignait On
reconnaissait, au contraire, que les maires
se renfermaient dans leurs fonctions, ne
se rendaient coupables d'aucune opposi-
tion factieuse, respectaient la légalité.
Tout ce qu'on leur reprochait, c'était de
ne pas tenir suffisamment les représen-
tants officiels du pouvoir central au cou-
rant de ce qui se passe. Mais à qui la
faute? Et que conclure de là, si ce n'est
que les préfets ne sont pas choisis de façon
à vivre en termes de cordialité avec les
autorités municipales, et que la politique
du gouvernement, peu populaire dans les
villes, ne l'est pas davantage dans les cam-
pagnes?
On regarde à l'effet, quand il faudrait
regarder à la cause.
Que signifie, d'ailleurs, le remède propo-
sé? Quoi ! pour empêcher que le préfet ne
demeure étranger à ses administrés, ce
qu'on imagine de mieux, c'est d'avoir des
maires qui soient étrangers à la com
mune! C'est bien effectivement à cela que
e projet de loi, qu'on le veuille ou non,
aboutit. Ne donne-t-il pas au gouverne-
ment le droit de choisir en dehors du con-
seil municipal le succefseur de tout maire
ou de tout adjoint qui se serait démis de
ses fonctions ou qui '*
A quoi bon le taire et comment le dissi-
muler? Le but d'une pareille loi est de
créer, dans chaque commune, un auxiliaire
au-préfet, transformé en agent électoral. Il
s'agit tout simplement de ressusciter lés
candidatures officielles de l'empire. Mais
où est la possibilité de suivre avec succès
ce mauvais exemple? Auj ourd'hui, comme
sous l'empire, la souveraineté nationale ni
se trouve pas avoir été,, d;ins un moment
de terroiisme, aussitôt .enchaînée que pro-
clamée; aujourd'hui, le suffrage universel
n'est pas à l'état de mineur, comme il 1 é
tait sous l'empire; aujourd'hui, les corps
électifs : conseils généraux, conseils d'ar-
rondissement; conseils municipaux, ne
sont pas, comme soàs l'empire, dans la
dépendance absolue du pouvoir. Sous l'em-
pire, grâce à des circonstances bien cou-
nues, tout était coordonné en vue du des-
potisme d'un seul. C'est cette coordination
qui manque aujourd'hui. Non, non : il n'y
a point de place pour des plagiaires du cé-
sarisme.
Savez-vous quel serait le résultat de
cette loi? En donnant pour maires aux
paysans des hommes qu'ils ne pourraient
plus élire même au second degré, elle les
dépouillerait d'un droit qu'ils se" sont ac-
coutumés à exercer, comme vous l'a ex-
cellemment dit mon honorable ami M. Le-
blond, un droit qui leur a en quelque
sorte inoculé le sentiment de leur impor-
tance sociale, auquel ils tiennent, et qu'on
ne saurait désormais leur ravir sans les ir-
riter profondément. Le maire qu'on leur
imposerait leur apparaîtrait , non plus
sous l'aspect d'un magistrat, mais sous
l'aspect d'un maître, et vous connaissez
l'adage : « Notre ennemi c'est notre maî-
tre ; je vous le dis en bon Français. »
Le projet de loi qui vous est présenté
aurait donc, si vous l'adoptiez, des consé-
quences opposées de tout point, à celles
que le gouvernement en espère. Pour moi,
j'en suis tellement convaincu, que si j'é-
tais dominé uniquement par des considé-
rations de parti, loin de redouter l'adop-
tion d'une loi semblable, je la désirerais.
Mais je la repousse au nom d'intérêts qui
ne sont pas seulement des intérêts de
parti; je la repousse, parce qu'elle serait le
renversement, de toutes les règles du droit
public fondé sur le suffrage universel ; je
la repousse, parce qu'elle mettrait aux pri-
ses, dans chaque commune, le principe de
la nomination par en haut et celui de la
nomination par en bas ; je la Tepousse,
parce qu'elle détruirait l'harmonie qui doit
exister, dans le conseil municipal, entre
le pouvoir délibérant et le pouvoir exécu-
tif ; parce qu'elle susciterait pour rival au
maire nouveau, qui serait l'homme du
gouvernemeut, le maire ancien, qui serait
l'homme de la commune ; parce qu'enfin
elle aurait sur l'administration des affai-
res du pays une influence désastreuse. -
Si elle passe, je ne crains pas de le pré-
dire : le gouvernement aura forgé là une
arme qui éclatera entre ses mains. Mais,
comme il ne sera pas seul à en souffrir,
c'est à vous, messieurs, de voir si vous
êtes d'humeur à lui accorder le pouvoir de
faire beaucoup de mal au pays, en se fai-
sant beaucoup de mal à lui-même. C'est à
vous de voir si vous voulez mettre contre
vous cette puissance invincible et nou-
velle : la République des Paysans.
DISCOUBS DE M. QUINET
Voici le discours prononcé par M. Edgar Qui-
net dans le onzième bureau :
Messieurs,
-' Il est un moyen qui ne peut tromper,
quand il s'agit de juger les projets de loi
qui nous sont soumis.
Ces projets doivent-ils servir à la régé-
nération ou à la décadence de la France?
Voilà la question qui domine et résout
toute question. Je me demande, à ce point
de vue, où conduit le projet actuel; la ré-
ponse ne peut être douteuse.
Si quelque chose sert à mesurer la vita-
lité d'un peuple, c'est la vitalité de ses ins-
titutions municipales. Même chez les peu-
ples conquis, asservis, tout peut renaître,
s'ils conservent la vie communale à leur
foyer.
Mais extirpez ce germe d'indépendance,
étouffez ce foyer, vous attentez à la vie
même de la nation. Ce n'est pas seulement
arrêter le développement normal d'un
peuple, c'est le frapper au cœur. Et pour-
quoi donc frapper la France au cœur?
Par quelle institution se montre surtout
la vie communale? Par l'élection des mai-
res. Or, c'est cette élection que détruit le
projet de loi dans les chers-lieux de dépar-
tement, d'arrondissement, de canton, et
jusque dans les moindres villages.
Oui, il s'agit d'abolir la vie communale
partout où elle peut se retrancher. Il s'a.
git de détruire le principe de vie dans cha-
que fibre du corps social.
Ne demandons plus si c'est un projet
de régénération ou de décadence. C'est un
projet de ruine : la décadence est écrite à
chacune de ses lignes. ,
Ceux qui se souviennent ne me démen-
tiront pas si j'ajoute : le plus grand re-
proche que toutes les écoles libérales aient
fait à l'ancien régime, est d'avoir aboli par
degré la vie municipale dans la Prance'è^. XiJ
tière.. (
C'est ce même esprit d'extirpation ,
d'asservissement qui se retrouve dans le V\
projet actuel. Il veut détruire, en un jour, i- y
ce que l'ancien régime a mis des siècles à >3
détruire.
La France a be-oin de Préparer. Le
projet. la rejette dans le cercle des peuples
privés de ce qui est le premier élément l;-
la vie publique.
Il place la France au-dessous uè tous les
peuples libres,d'Europe. - 3
Il pousse notre pays à une nouvelle
chute, quand la Frauce n'aspire qu'à se
relever. - ,'
Il blesse ses instincts, ses vœux, il étwffe
sa volonté.
Il fait asseoir la police centrale, poli-
tique, à chaque-foyer.
Je repousse ce projet comme une'loi de C ,
combat contre la France, comme une loi
de décadence et de barbarie.
PREMIER BUREAU
M. Pelletan a combattu le projet en
rappelant les opinions primitives de l'As-
semblée en matière de décentralisation
et de liberté municipales. C'est la majorité
actuelle qui a imposé à M. Thiars la liberté
communale; c'est elle qui appuie aujour-
d'hui le projet en discussion.
Par quelles raisons demande-t-on à l'As"
semblée de se déjuger ? L'exposé des mo-
tifs du projet dit que la plupart des maires
refusent leur concours au gouvernement.
Pourquoi ne donne-t-on aucune statisti-
que? S'il y a réellement refus dé concours,
on peut révoquer ou suspendre Actuel-
lement, le ministre demande à être le seul
maire en France : il le sera par l'intermé-
diaire des préfets. Ceux-ci, fonctionnaires
nomades, ne connaissant pas le personnel,
créeront de fréquents conflits dans les
communes. M. Pelletan conclut en décla- v -
rant que le projet veut créer une police
.politique.
M. Lenoël dit que la principale objec-
tion à faire au projet, c'est qu'il porte at-
teinte à l'autonomie des communes. Il rap-
pelle à l'appui de son opinion non-seule-
ment les plus éminents jurisconsultes des
régimes précédents, mais les propres pa-
roles des membres de Il m,etjor, Lê, de l'As.
semblée actuelle, notamment M. de Meaux,
qui, en 1871, réclamait, aux applaudisse-
ments de l'Assemblée, la nomination des
maires par les conseils municipaux.
M. Lenoël montre qu'aucune législation
n'a été aussi loin que celle qu'on vou-
drait faire prévaloir. Le projet en question
est la négation de tout ce qu'il y a de plus
sacré et de plus respeetab e.
M. max-Richard, membre du centre
gauche, s'est prononcé pour un moyen
terme.
M. Ganivet, bonapartiste, approuve
le projet. Selon lui, la nomination des
maires par le suffrage universel rompt l'u-
nité nationale, en désarmant le pouvoir
central.
DEUXIÈME BUREAU
M. Fcrouiliat critique, dans un dis-
cours très remarquable, le projet au point
de vue politique et administratif.
11. Boreau-Lajanadle, membre du -
centre droit, lui répoud en donnant com-
me seul argument la nécessité de donner
au pouvoir central dans chaque commune
un véritable représentant.
Un discours de M. Pascal Duprat, dans
lequel il est fait allusion à l'anniversaire
du 2 décembre', soulève une altercation
entre l'orateur et quelques députés bona"
partistes faisant partie du bureau.
TROISIÈME BUREAU
1U. Bertauld repousse énergiquement
le projet, qui n'est autre qu'une loi d'excep-
tion.
M. de Goulard dit que dans l'impos-
sibilité de faire une loi municipale com-
plète, il faut parer aux imperfections de
l'organisation actuelle par une loi provi-
soire. Le seul moyen, c'est de faire que le
gouvernement soit représenté dans la moin-
dre commune. M. de Goulard invoque le
témoignage de M. Casimir Périer, et de-
mande si- durant son passage au minis-
tère de l'intérieur il n'a pas pu constater
qu il était impossible d'obtenir des maires
des renseignements indispensables. Le
choix des maires par les prefets dans le
sein des conseils municipaux est la seule
combinaison possible; la seule compatible
avec le suffrage universel. Les maires nom-
més par les conseils municipaux, sont les
agents de la majori é qui les nomme et
qu'ils spnt obligés de soutenir. Dans l'in-
térêt des minurités, il faut renoncer à cet
état de choses.
Dans certains cas, il est même néces- -
saire de laisser le gouvernement choisir
les maires en dehors des conseils munici-
paux, sans quoi les communes pourraient
imposer certains maires par des élections
répétées. M. de Goulard approuve les dis-
positions du projet relative à l'exercice de
la police communale.
SI Jules Simon constate qu'une
grande commission de l'Assemblée, après
deux ans d'études, n'a pas encore résolu
la question de la nomination des maires.
La loi actuelle serait, si elle était votée,
absolument provisoire. Si plus tard l'As-
semblée l'abandonne après l'avoir votée,
elle n'aura aucun motif à donner de son
vote d'aujourd'hui.
M. Casimir Perler, répondant à l'in-
terpellation que lui adressait M. de Gou-
lard, dit qu'il a toujours pensé, même au'
pouvoir, que les maires devaient être nom-
més parles conseils municipaux, sauf dans
les grandes villes où ils doivent recevoir
leur investiture du gouvernement. Il n'a
pas été désarmé par la loi actuelle; il a eu
peu de difficultés lorsqu il était ministre,
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
- Collections numériques similaires Bibliothèque Diplomatique Numérique Bibliothèque Diplomatique Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MAEDIGen0"
- Auteurs similaires Bibliothèque Diplomatique Numérique Bibliothèque Diplomatique Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MAEDIGen0"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7532507p/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7532507p/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7532507p/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7532507p/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7532507p
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7532507p
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7532507p/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest