Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1880-08-02
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 août 1880 02 août 1880
Description : 1880/08/02 (N3797). 1880/08/02 (N3797).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7532199j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/08/2012
F'3797 — Lundi 2 Août 1Ç89
lie IiumêPiD.J.J01J. -.. Hépartertogiats 1 1U;'C..:
16 Thèrmidor an 33 N' 3797
ADMINISTRATION
18, RUE DE VALOIS, 13 j
AB ORNEMENTS
PARIS
Trois mois. 10 J)
Six mois. 20 »
DEPARTEMENTS'
Trois mois 13 5(5'
Six mois 27_ji}
Adresser lot 1res et m an (lais
A M. ERNEST LEF:ÈVltE.)
ADMLNISTRATEUR GŒIA^X .4
REDACTION"
jTajresscr au Secrétaire 3e la Réfaction
De 4 à 6 heures dit soin
)
48, RUE DE VAIOIS, 18
eritsnoniuséiés ne seront Das renftua
ANNONCES
Iii. Ch. LAGRANGE, CERF et Ce
6, place de la Bourse, 6
LES INSTRUCTIONS DE il. CAZOT
Ah! comme ils avaient raison, les
journaux des honnêtes gens et des
honnêtes jésuites, dédira que c'étaient
les instructions de M. Cazot qui avaient
été cause de la démission des deux
cents magistrats que l'Europe a cessé
de nous envier ! Ces instructions vien-
nent d'être publiées. Et vous allez voir
si elles ne sont pas abominables et
telles que des magistrats honnêtes
gens aient du refuser d'y obéir,
Elle se resument dans cette conclu-
sion : « Les lois de haute police admi-
nistrative dont le gouvernement pour-
Buit enfin l'application doiventrecevoir
leur exécution pleine et entière. Je
compte sur votre action personnelle,
vigilante et ferme, pour procurer, en
ce qui vous concerne, cet indispensa-
ble résultat. » Les lois uu. raient être
exécutées! Et le garde des sceaux
comptait pour cela sur la vigilance et
sur la fermeté des procureurs et de
leurs substituts! Pour l'exécution des
lois ! Il y a eu deux cents démissions;
ce que je regrette, c'est qu'il n'y en ait
pas eu mille.
- Les instructions la développaient,
xette thèse monstrueuse que les ma-
gistrats devaient faire exécuter les
lois. Elles prévoyaient deux espèces de
résistance : la rébellion et le référé.
Le référé : — « On tentera sans
doute de paralyser ou de retarder l'ac-
tion administrative par des procédures
dilatoires introduites sous là forme de
référés, d'actions civiles ou même de
poursuites correctionnelles dirigées
contre les agents chargés de l'exécu-
tion. L'autorité administrative, en pa-
reil cas; présentera immédiatement un
déclinatoire et élèvera, s'il y a lieu, le
conflit. Le ministère public devra pro-
duire le déclinatoire et procéder devant
le juge des référés selon les formalités
prescrites. » Procédér selon la loi !
empêcher les jésuites de paralysfer l'ac-
tion administrative ! opposer un décli-
natoire aux jésuites! se mettre en con-
Jlit avec les jésuites! voilà ce qu'on
demandait à des magistrats ? On leur
demandait bien pis. V 2 ;
La rébellion : - « Les mesures qui
devront être prises par l'administra-
lion pour l'évacuation des établisse-
ments peuvent provoquer des résis-
lances individuelles ou -collectives;
elles peuvent amener des manifesta-
Lions en sens contraire, favorables ou
hostiles. Les résistances peuvent don-
ner lieu à des délits d'outrage ou de
rébellion contre les agents chargés de
l'exécution. Ces délits devront être
immédiatement constatés et déférés,
sans retard, aux tribunaux. Les mani-
festations, si elles se produisent, peu-
vent aussi donner naissance à divers
actes délictueux, outrages, rébellion,
cris séditieux, violences envers les per-
sonnes. Ces délits devront être cons-
tatés et poursuivis de la même ma-
nière et avec la. même célérité. Les
poursuites devrontêtre exercées, toutes
les fois que cela sèra possible, selon la
procédure organisée par la loi de 1863
pour les flagrants délits. » Cette fois,
par exemple, c'était trop fort !
Comment! des magistrats auraient
dû poursuivre, et avec célérité, les ou-
trages aux agents et les violences en-
vers les personnes! Mais le garde des
sceaux qui leur adressait des instruc-
tions pareilles ne réfléchissait pas que
ceux qui brutaliseraient les personnes
et qui outrageraient les agents seraient
des jésuites ou des amis des jésuites.
Ah çà, est-ce qu'il ne va pas être per-
mis aux jésuites et à leurs amis de
faire ce qui leur plaît et de maltraiter
ceux qui ne leur plaisent pas?
On voit maintenant si les deux cents
ont eu le droit, que dis-je le droit?
s'ils ont eu le devoir ! de rompre avec
un gouvernement qui leur enjoignait
des choses semblables. Enjoindre à des
magistrats de faire exécuter la loi, de
défendre les agents contre les outrages
et les personnes contre les violences?
- Vous nous insultez! ont répondu
deux cents procureurs et substituts. Et
ils ont flanqué leur démission à la
figure du ministre de la justice.
Je n'aurais pas eu déjà pour les ma-
gistrats démissionnaires la reconnais-
sance qu'éprouverait un éleveur de
tulipes pour les chenilles qui abandon-
neraient d'elles-mêmes son jardin, que
je serais devenu leur partisan en lisant
les instructions de M. Cazot. Pour res-
ter procureur ou substitut dans ces
conditions, il faut être un de ces ma-
gistrats sans conscience et sans reli-
gion aux yeux de qui les lois sont su-
périeures aux iésuites.
Si j'avais un reproche à [faire aux
deux cents procureurs ou substituts
qui ont d'eux-mêmes échenillé la ma-
gistrature, ce ne serait pas de l'avoir
échenillée, ce serait de l'avoir éche-
nillée si tard. Car ce n'est pas le jour
même où ils ont eu connaissance des
instructions ministérielles qu'ils ont
procédé à l'échenillage.
La République française raconte qu'a-
vant d'envoyer ses instructions le mi-
nistre les avait lues aux procureurs
généraux, dont il avait provoqué les
observations. « Aucun d'entre eux
n'avait présenté d'objections; tous,
même ceux qui ont donné leur démis-
sion depuis, s'étaient déclarés prêts à
agir conformément à ces instructions ;
aucun non plus n'avait fait prévoir la
moindre hésitation de la part de ses
subordonnés. » C'est alors, et à la mi-
nute même, que l'échenillage,aurait dû
se déclarer. Il y a eu là un retard fâ-
cheux et qui risquerait de dimi-
nuer le prestige des magistrats qui
ont abandonné d'eux-mêmes la tulipe
judiciaire, s'ils n'allaient avoir très
prochainement une occasion d'hé-
roïsme.
C'est à la fin d'août que les décrets
vont être appliqués aux maisons d'en-
seignement des jésuites. Une lettre
publiée par la Lanterne promet des
choses intéressantes. — « Nettoie bien
ton revolver », écrit un ami des bons
pères. « Nous saurons montrer ce que
peut faire la calotte. Moi, maintenant
je ne sors plus sans un ëoup-de-poing
dans ma pftche. Le 31 août, je serai à
quatre heures du matin à la porte des
jésuites, Je ne demande qu'une émeute.
Quel plaisir de barioler à coups de
coups-de-poing et de revolver ces vers
rampants ! Le 31 août, nous serons tofls
réunis; nous nous ferons ramoner
(confesser) la veille, et puis, que Dieu
nous soit en" garde ! » Amen.
Je me plais à croire que les deux cents
démissionnaires seront au rendez-vouL
avec des coups-de-poing et des revol-
vers, qu'ils se seront fait ramoner la
veille (ils en ont besoin), et qu'ils sau-
ront montrer ce que peut la calotte.
C'est pour eux que je le leur souhaite ;
car, personnellement, ça m'est assez
égal que, le 31 août à quatre heures du
matin, ils soient ou ne soient pas à la
porte des jésuites : il me suffit que
dès à présent ils soient à la porte.
! > -V AUGUSTE VACQUERIEj
■' ♦
-
Nos mesures sont prises pour pouvoir
donner dans notre numéro de demain une
appréciation complète du résultat des
élections départementales et le compte
exact des sièges que la République aura
gagnés, v. r
- ; '.:;l, —— ——————-
CEINTURE PEU HYGIÉNIQUE
On a lu, dans le Rappel d'hier, une
lettre de M. E. Raspail, maire d'Ar-
cueil-Cachan, protestant contre les fa-
cilités accordées aux usines d'infection
semées autour de Paris. Nous ne nous
expliquons pas, à vrai dire, comment,
après tant de réclamations si justes et
si vives, l'administration 'persiste en-
core à autoriser, à encourager peut-
être des industries qu'elle devrait ab-
solument proscrire.
Il y a des moments, en vérité, où
l'on se demande si l'élément parisien
est suffisamment représenté dans le
conseil; si les honorables membres de
cette assemblée se rendent bien
compte des nécessités un peu excep-
tionnelles d'une ville sans rivale pour
l'élégance, le luxe, le confort! De
même que nous avons un préfet de po-
lice lyonnais qui se doute médiocre-
ment de l'esprit de la population et
des procédés spéciaux qu'il faut savoir
mettre ici en usage, aurions-nous une
majorité d'édiles provinciaux ne trou-
vant, ni dans leurs souvenirs, ni dans
une longue expérience, un sentiment
juste des exigences parisiennes? A cer-
tains indices on pourrait le craindre. Eh
bien, nousne saurions trop le répéter, ce
qui dans une ville ordinaire, dans une
très grande ville même, semblerait peut-
être tolérable, est, à Paris, la capitale
européenne, absolument inadmissible.
Lyon, Marseille surtout, ont été long-
temps célèbres pour la négligence des
mesures hygiéniques, pour une grande
fantaisie en matière de salubrité et
voirie. Un tel état de choses n'eût pas
été toléré à Paris et ne doit pas l'être
davantage aujourd'hui. Et cependant,
comme on le disait l'autre jour
au conseil municipal, il est certain
que, presque chaque soir, dans certai-
nes parties de la ville, sur les quais
notamment, des émanations infectes
se produisent, au grand mécontente-
ment de la population et à la grande
surprise des passants, car, pour Paris,
c'est là une nouveauté.
De tout temps, bien que dans une
proportion peut-être un peu moindre,
les difficultés auxquelles l'administra-
tion doit faire face ont existé. Maiî
peut-être se préoccupait-on plus de
faire rapidement disparaître les immon-
dices parisiennes que de les utiliser.
Nous ne trouvons pas mauvais que la
ville s'enrichisse et enrichisse sa ban-
lieue par l'emploi de ses engrais; mais
que, pour améliorer tel ou tel sol in-
culte, on ne vicie pas profondément
l'air que respirent deux millions d'hom-
mes. Puisque les essais faits jusqu'à
ce jour ne réussissent pas, qu'on y
renonce et qu'on nous débarrasse à
tout prix de ces foyers de pestilence.
Nous ajouterons même qu'on ne les
reporte pas sur les localités voisines,
comme Saint-Germain, par exemple,
dont il faut respecter la bonne réputa-
tion hygiénique et les beaux arbres.
La science du chimiste et celle de l'in-
génieur doivent fournir i autre chose
que ces procédés intolérables
Nous reprochons à l'administration
municipale de faire à Paris un mau-
vais air; nous lui reprocherons encore
— et les plaintes que nous recevons à
ce sujet sont nombreuses — de ne pas
donner à la population assez d'eau.
Nous parlons ici de l'eau perdue qui
coule pendant plusieurs heures et as-
sainit le ruisseau.
Les abonnements dans les maisons
sont une bonne chose, mais tout le
monde ne peut pas s'abonner et tout le
monde doit pouvoir, à proximité,
trouver des fontaines où puiser de
l'eau. Nous ne savons pour quelle rai-
son les bornes-fontaines, qui coulaient
pendant un temps relativement long,
ont à peu près disparu. Rien ne les
remplace, et la ville, qui rêve de faire
le commerce des engrais, s'occupe
peut-être aussi beaucoup trop de ven-
dre son eau. Nous savons des quartiers
où les agents du service empêchent les
ménagères de profiter de l'ouverture
d'un conduit pour prendre un peu
d'eau, sous prétexte que cette eau
est réservée aux abonnements. Un tel
état de choses doit cesser, et si dans
les quartiers les plus pauvres, cent ou
deux cents fontaines sont nécessaires,
qu'on les fasse. La vente de l'eau sera
peut-être un peu moins productive,
mais nous nous en consolerons.
, Il y a quelques années, il était ques-
tion d'établir autour de Paris, en bon
air et à proximité de toutes les grandes
lignes de communication, ce qu'on
appelait des collèges périphériques.
Comme c'était une très bonne idée, à
laquelle l'insuffisance honteuse des ly-
cées existants donnait un caractère
d'urgence, il n'en a plus été question.
Au lieu et place des établissements
d'instruction périphériques, on a créé
des dépotoirs périphériques. Il y en a
une dizaine, dit-on, autour de la ca-
pitale , ayant les mêmes avantages
pour la population que l'usine dont
M. Raspail demande la fermeture.
Comme si ce n'était pas assez, on a,
parait-il, l'idée ingénieuse de convertir
les postes-casernes situés: le long des
fortifications en hôpitaux périphéri-
ques. De cette façon, quel que soit le
vent qui souffle, Pâris sera toujours
assuré de recevoir, dans chaque quar-
tier successivement, son contingent de
miasmes. Pour compléter cette ceinture
hygiénique d'un nouveau genre, il ne
reste qu'à convertir, selon le vœu de
quelques personnes, les fossés et les ta-
lus des fortifications en lieu de sépul-
ture. De cette façon sera résolue en
même temps cette autre question dont
la municipalité parisienne persiste à
rie pas s'occuper : la question des ci-
metières U - - - v liV I ••
( A. GAULIER^ !
—y :;,' - , + ;j,.t ~-',:
S'il y a souvent des reproches a laire
au conseil municipal, il y a plus souvent
des éloges à lui adresser. Ainsi, hier en-
core, il vient de voter une chose excel-
lente.
Nous avons dit l'autre jour qu'une de
ses commissions lui proposait de remettre
le théâtre de la Gaîté en location. Cette
proposition est venue hier devant le con-
seil. Elle a été énergiquement combattue
par M. de Lanessan, qui voudrait que,
lorsque toutes les villes de France, gran-
des ou petites, ont leur théâtre, Paris eût
le sien et ne fût pas inférieur à Car-
pentras. '.:: i • ;, ,).} -
- L'honorable conseiller a éloquemment
développé l'amendement qui suit :
« Le théâtre de la Gaîté sera organisé
en théâtre municipal à prix réduits por-
tant le nom de Théâtre de Paris.
» La cinquième commission et la délé-
gation des théâtres sont chargées de pré-
parer un projet d'organisation de ce
théâtre. » ,,'
Deux conseillers municipaux de Paris,
MM. Marsoulan et Réty, ont été d'avis
que Paris n'était pas assez riche pour se
payer ce que se paye Carpentras, et ils
ont été pour mettre le théâtre de la Gaîté,
le premier en location, le second en vente.
Une vive réplique de M. Aristide Reyet
des paroles frappantes de M. Cattiaux ont
aisément fait justice d'une argumentation
qui, devant une question d'art et une
question d'enseignement populaire, ne
voyait qu'une question d'argent.
La proposition de M. de Lanessan a été
votée à une forte majorité. Nous en féli-
citons le conseil. Le scrutin ayant été de-
mandé, on lira plus loin les noms des vo-
tants pour et contre. -
LA CROIX ET LES COMEDIENS
M. Victor Schœlcher nous adresse de Lon-
dres la lettre suivante, au vœu de laquelle
nous nous associons de tout cœur :
Londres, 28 juillet 1880.
Cher Vacquerie,
Votre article La croix et les comédiens
est parfait; avec votre finesse d'esprit ha-
bituelle, vous avez flétri un préjugé so-
cial d'une injustice criante. Quelque opi-
nion qu'on ait des décorations, et je suis
de ceux qui n'en pensent aucun bien, il
est vraiment absurde de ne pas voploir
décorer un comédien parce qu'il monte
sur les planches où il est exposé aux sif-
flets, lorsqu'on décore un pianiste, par
exemple, qui ne monte pas moins sur les
planches où il ne court pas moins la
chance d'être sifflé que le comédien.
Mais il y a un autre restant de l'excom-
munication qui frappait autrefois les ac-
teurs, c'est la mauvaise habitude qu'a
conservée la presse de leur retrancher le
titre de « monsieur » quand elle parle
d'eux ! On donne le « monsieur » au per-
sonnage le plus vulgaire, le plus médio-
cre; pourquoi donc ne pas dire de même
« M. Got, M. Delaunay » (je prends les
noms que vous avez cités), hommes d'ail-
leurs aussi estimables dans la vie privée,
comme beaucoup de leurs émules, qu'ar-
tistes éminents au théâtre? La politesse
le demande, l'égalité l'exige. Nous som-
mes en République et la République veuf
la politesse et l'égalité partout; elle n'adi
met pas que la profession d'acteur ou dti
chanteur soit moins honorable que toute!
autre. -
Leur faire rendre la qualité de « mon-
sieur » est une question que vous devriez
prendre en main; nul doute qu'on ne 70usr
écoute, tous les bons esprits y sont prépa-
rés. Il suffit, pour accomplir cette réforme
de bonne compagnie, qu'une plume aut o
risée y appelle l'attention publique.
A vous cordialement. -'
V. SCHOELCHER.
——.———————— » -——————————
COULISSES DES CHAMBRES
Parmi les sénateurs soumis au renoua
vellement d'aujourd'hui en qualité de
conseillers généraux, il y en a 24 qui font
partie de la série de 75 membres, devant:
être soumise aux élections triennales de;
janvier 1882 pour le renouvellement par^,
tiel du Sénat.
Ces 24 membres se partagent entre 9(
républicains et 15 réactionnaires. L'élec-J
tion d'aujourd'hui sera pour eux un in-f
dice des dispositions des électeurs à leur;
égard, et ils pourront prévoir par leun
sort d'aujourd'hui celui qui les attencfc
dans dix-huit mois comme sénateurs. - ;
Nous devons citer les noms des 15 se-"
nateurs réactionnaires qui sont dans cet
cas ; ce sont MM. Poriquet et de Flersi
(Orne), Dubrulle et de Rosamel (Pas-de-j
Calais), de Barante (Puy-de-Dôme), Da-':
guenet (Basses-Pyrénées), Caillaux et der
Talhouët (Sarthe), d'Alex andry (Savoie),4
général Robert (Seine-Inférieure), de]
Rainneville (Somme), Espinasse (Tarn),,!
Gaudineau et de Cornulier (Vendée) etf
Viellard-Migeon (Belfort). J
—°—
v .,.'
Le conseil général de la Seine est fe?
seul qui ne soit pas soumis aujourd'hui
fer août au renouvellement partiel.
On sait, en effet, que cette assemblée*
n'est pas régie par le droit commun; ellei
est régie par la loi exceptionnelle du 16,
septembre 1871, qui a décidé que le conf-t
seil général de la Seine serait formé des!
quatrevingts conseillers municipaux def
Paris et de huit représentants pour lesf.
cantons suburbains. i~
Le conseil général de la Seine est dÓhc?
soumis, pour l'époque et le mode dè sort
renouvellement, aux conditions qui con
cernent le conseil municipal de Paris efl'
par suite tous les conseils municipaux: , -'
Or ceux-ci doivent être tous renouvelés}
intégralement en novembre prochain, 18i
conseil municipal de Paris comme ceux,
de la province. C'est donc à cette époque]
que le conseil général de la Seine sera lui-l
même renouvelé, et à la différence de ceu
des autres départements, il le sera en to-j
talité.,
La question s'est posée de savoir si Isy
loi d'amnistie du 11 juillet dernier étai~
applicable aux condamnés pour partici
pation aux insurrections algériennes daj
1871 et de 1879. Le gouvernement s'ese
préoccupé de ce cas et le garde de*^
sceaux a été chargé de l'examiner.
On a reconnu depuis que la question'
n'offrait pas les difficultés juridiques qu op;
avait cru y trouver d'abord. Les condam- ;
nés dont il s'agit ne sont pas, en efflt, r
citoyens français au même titre que les
nationaux de la mère-patrie. Ils ne jouis-
sent pas des droits politiques et, par'
suite, il est indifférent de savoir si l'am-!
nistie leur est ou non applicable. Le gou- (
vernement a résolu de les gracier tous par.
mesure Individuelle. C'est tout ce quil
pouvait être fait et cette solution mettra
fin à la question.
Ajoutons d'ailleurs 'qu'un certain nom-
bre des condamnés pour l'insurrection'
algérienne de 1870 ont déjà été graciés, il,
y a quelques mois, et qu'ils sont à borœ
du Tage qui est attendu à Brest et que
rapatrie un certain nombre d'amnistié.
de la Commune. ,'
Feuilleton du RAPPEL
DU 2 AOUT - -
34
LES AMOURS
V "*
D'UN. INTERNE
T-
» ■ ■ y r'::'
x ,"
lie DUlnéro)
(Suite)
-. -,', ..-"(-
eïïme" était tout absorbée m'n-wla;
fade, — cette vision efïrayaïite d'un pâle
visage tout à l'heure immobile, masque
ie marbre soudain agité, où tout remuait,
tomme tiré par mille fils par des tics sans
nombre, les yeux, le nez, les lèvres,
les paupières, qui battaient tragiquement.
Moins courageuse, Jeanne Barrai eût
Reculé, terrifiée.
De cette face de furie, des "imprécations
fortaient, se précipitant comme l'eau au
goulot d'une carafe renversée; des mots,
des phrases sans suite s'échappaient, mé.
lés à des cris gutturaux, à, des sons étran-
(Vtir le Roïv$,1 du S.9 juin an
glés de râles, — et c'était hideux, le ba-
lancement de tête qui accompagnait ces
hurlements rauques, avec de longues mè-
ches grises partout rejetées sur l'oreiller,
sur le visage, avec l'aspect de hérissement
d'une tête de Gorgone;
— Où est-il?. où est-il? disait cette
voix éraillée, comme lasse d'avoir crié.
Misérable! Misérable lâche 1. C'est un
assassinat, le duel, un assassinat, tu en-
tends, coquin!. Et on va t'arrêter, et on
te mettra les menottes, et tu iras devant
les juges, et le bourreau te coupera le
cou! Guillotinez-le 1 Guillotinez-le! C'est
l'assassin de, Pierre Barral., Assass..-.
assàss. ass..â, -
— Qu'est-ce que tu me veux, toi? hurla-
t-elle tout à coup, en apercevant le visage
blanc de Jeanne qui se penchait sur elle.
Qu'est-ce que c'est que cette fille-là?
— C'est moi, maman l répondit douce-
ment Jeanne. X
— Tu as dit?.;. Qu est-çe qtfé tu as
dit?. « Maman! » Va-t'éh; menteuse,
voleuse, va-t'en, va-t'en 1 Ma fille est
morte, tu le sais bien ! On l'a enterrée à
Ville-d'Avray, sous le petit arbre que nous
avions planté, à son baptême ! Je n'ai
plus de fille, je n'ai plus de mari, je n'ai
plus rien!. Rien 1. Si tu t'approches
encore, toi, je vais te mordre! Je te
mange la joue. Va-t'en ! Tu es une misé-
rablel C'est toi qui m'as fait renfermer ici,
qui m'as mis ces chaînes au cou. Ote-moi
donc ça, gredine, mes poignets gonflent,
mes veines vont éclater ! Tu veux do^c
me tuer, dis, tu veux donc quel;;,. meure j
Qu'est-ce qui te £ a^e me tuer? Ce
lui qui a tué Pierre? Qu'est-ce que tu es ?
Sa maîtresse peut-être ! Ah ! si j'avais mes
poings libres, je te traînerais par les che-
veux jusqu'au bois de Fausses-Reposes, et
là, je t'enterrerais avec lui, avec des cail-
loux dans tes yeux et de la terre plein ta
bouche!
La pauvre figure effrayée de Jeanne se
penchait toujours vers cette face terrible
de sa mère, dont les dents grinçaient et
qui, par des mouvements rapides, es-
sayait d'atteindre la joue pâle de cette
créature qu'elle menaçait, injuriait, et qui
était sa fille.
Mlle Devin, roide et sèshe, avec son
bonnet noir doublé de blanc, encadrant
son visage mince, ne pouvait s'empêcher
de contempler ce groupe hideux et tou-
chant, disant entre ses longues dents
jaunes à uns fille de service qui pas-
sait :
- C'est 'un ange, cette fille.là! Voyez
aonc.
Ecuriu:nte, la malheureuse affolée venait
de cracher au visage de sa fille un jet de
bave.
Mlle Devin se précipita instinctivement
pour l'essuyer.
1
- Laissez donc, dit Jeanne. Puisque je
ne peux pas l'embrasser!,,. Glfcst encore
de ses lèvres !,..
- Va-t'en! va-t'en ! Npà-t'en! répétait
Hermance. Ote-w,':,! çal Ote-moi la cami-
sole! Ah! t',' n'oses pas! Tu sais bien que
je t'é^anglerais. Oui, je t'étranglerais t
Àh! comme je t'étranglerais bien 1
Elle essayait de rompre ses liens. Mais
Ja camisole de toile sçîide, fermée dans le
dos avec des liens maintenant les épaules
et fixés à la têto du lit, tandis qu'aux
pieds du lit s'attachaient ceux qui retien-
nent la poitrine et les bras, résistait à
toutes ces secousses. Le tronc, en outre,
comme ficelé par des bandes de toile, ac-
croché à un lit voisin, se tordait vaine-
ment, secoué, comme les bras, par la
traction violente qu'essayait le numéro 4
sur les manches de la camisole.
Mlle Devin avait appelé deux infirmières
qui se tenaient là, debout, regardant, de
leurs yeux impassibles de campagnarde,
cette Jeanne répondant j>ar fles bruits de
baisers, des paroles douces, des caresses
de la voix, à ces insultes inconscientes de
la folle, à ce déchaînement de colères, à
cette écume d'injures où des mots hideux
que la pauvre femme ignorait à l'état
calme, montaient comme de la boue à ses
lèvres.
— Calme-toi, ma*ianl Ma bonne ma-
man! C'est moi! Ta petite Jeanne, ta
petite Jeanne!..; Ta Jeannette adorée,
pauvre bonne chère mèrel
— Il v a une chauve-souris.7. Qui ra
amenée, cette chauve-souris? C'est toi?.
On te paye pour pencher ta sale figure
sur la mienne!. Je t'arrache les cheveux
avec mes dents, tu sais, prends garde, toi!
Et pendant ce duo douloureux, fait de
rauquements d'un cote, de tendresse déso-
lée de l'autre, qui recommençait sans cesse,
la patience de la fille, n'ayant d'égale que
l'atroce fureur de la mère, les malades,
réveillées, grommelaient çà et là, répon-
dant aux cris du numéro 4, sentant peut-
être, les malheureuses, s'éveillçr en ÿlW.
quelque terrible crise, sous l'influence de
cet ébranlement nerveux, quasi épidé-
mique, comme le tétanos et les convulsions.
Alors, sous la lampe allumée, à la lu-
mière rougeâtre, vacillante encore dans
les recoins sombres du dortoir, sur les
traversins où les fronts se retournaient
parfois avec impatience, des :
- Mais taisez-vous donc ! - Quand va-
t-elle unir!—Emportez-la! — Mords-la
si tu veux et que ça soit tout!
Partaient avec des accents gouailleurs
de Parisiennes, accompagnés de petits
rires bizarres.
— Ah! dit une fille de service, inquiète
jusque-là, et comme sauvée maintenant,
voici l'interne 1
— Qu'y a-t-il donc, demanda Vilandry.
Mlle Devin lui montra Jeanne à demi-
penchée sur la malade.
— Toujours le numéro 4 ! dit la sous-
surveillante avec son hochement de tête
très bref. -., -,
Georges s'approcha rapidement, écarta
avec douceur la pauvre Jeanne, dont le
visage effaré semblait amaigri, et il re-
garda un moment, sans rien dire, la ma-
lade qui, tout à coup, s'était tue, interro-
geant, elle aussi, de ses grands yeux
fixes le visage sérieux de l'interne.
On eût dit qu'Hermance s'arrêtait brus-
quement dans sa rage, étonnée de ce re-
gard braqué sur elle. - - -
— L accès, dit tout bas le jeune nomme
à Jeanne, est bien près de prendre fin.:.
La malheureuse est à bout de forces !
Il songeait tout bas que cette crise
~Y~ent pl Ls_ r.,ien e5,
mes de l'hystérie et que la maladie de
Mme Barrai reprenait la forme de FaHe"
nation mentale, et il éprouvait quelque;
chose de cette même angoisse qui étrei-
gnait Jeanne àla gorge. A la section Rambu-
teau ou la section Esquirol, pauvre femme ! !
Un grand beau garçon, à moustaches;
rousses, saluant Mlle Barrai avec respecta
venait de s'approcher de Vilandry, mar-
chant derrière lui sans faire de bruit.
C'était Pedro.
— Eh bien ! demanda-t-il à l'interne..
— Regarder,
- Oui, elle m'a l'air de vouloir passei
dans le service de M. Cadilhat! C'est una
agitée.
-Tais-,toi doncî.7. Si sa fille entendait ! .1?
L'accès terrible qui venait de secouer, i
« le numéro 4 » tombait d'ailleurs pres-1
que brusquement, comme un orage quo
le vent chasse. Des frémissements singu-^
liers, des torsions de bouche, subsistaient;
seuls, comme les grondements éloignés;
d'un tonnerre. Jeanne essuyait, de ses;
longs doigts blancs, l'écume restée auxf-
commissures de ses lèvres tordues, quask
tuméfiées. Elle écartait du front ridéo
de sa mère, qui se laissait faire maintei
nant, inerte, impassible, les cheveux em-
mêlés sur ce pauvre front sans penséèj
et, doucement, approchant ses baisers da
cette maigre face en sueur :
— Repose-toi, maman ; disait- elle.CîV
Sois sage ! bien gage t
JULES ÇLARïïTIE*
(A suivre J
lie IiumêPiD.J.J01J. -.. Hépartertogiats 1 1U;'C..:
16 Thèrmidor an 33 N' 3797
ADMINISTRATION
18, RUE DE VALOIS, 13 j
AB ORNEMENTS
PARIS
Trois mois. 10 J)
Six mois. 20 »
DEPARTEMENTS'
Trois mois 13 5(5'
Six mois 27_ji}
Adresser lot 1res et m an (lais
A M. ERNEST LEF:ÈVltE.)
ADMLNISTRATEUR GŒIA^X .4
REDACTION"
jTajresscr au Secrétaire 3e la Réfaction
De 4 à 6 heures dit soin
)
48, RUE DE VAIOIS, 18
eritsnoniuséiés ne seront Das renftua
ANNONCES
Iii. Ch. LAGRANGE, CERF et Ce
6, place de la Bourse, 6
LES INSTRUCTIONS DE il. CAZOT
Ah! comme ils avaient raison, les
journaux des honnêtes gens et des
honnêtes jésuites, dédira que c'étaient
les instructions de M. Cazot qui avaient
été cause de la démission des deux
cents magistrats que l'Europe a cessé
de nous envier ! Ces instructions vien-
nent d'être publiées. Et vous allez voir
si elles ne sont pas abominables et
telles que des magistrats honnêtes
gens aient du refuser d'y obéir,
Elle se resument dans cette conclu-
sion : « Les lois de haute police admi-
nistrative dont le gouvernement pour-
Buit enfin l'application doiventrecevoir
leur exécution pleine et entière. Je
compte sur votre action personnelle,
vigilante et ferme, pour procurer, en
ce qui vous concerne, cet indispensa-
ble résultat. » Les lois uu. raient être
exécutées! Et le garde des sceaux
comptait pour cela sur la vigilance et
sur la fermeté des procureurs et de
leurs substituts! Pour l'exécution des
lois ! Il y a eu deux cents démissions;
ce que je regrette, c'est qu'il n'y en ait
pas eu mille.
- Les instructions la développaient,
xette thèse monstrueuse que les ma-
gistrats devaient faire exécuter les
lois. Elles prévoyaient deux espèces de
résistance : la rébellion et le référé.
Le référé : — « On tentera sans
doute de paralyser ou de retarder l'ac-
tion administrative par des procédures
dilatoires introduites sous là forme de
référés, d'actions civiles ou même de
poursuites correctionnelles dirigées
contre les agents chargés de l'exécu-
tion. L'autorité administrative, en pa-
reil cas; présentera immédiatement un
déclinatoire et élèvera, s'il y a lieu, le
conflit. Le ministère public devra pro-
duire le déclinatoire et procéder devant
le juge des référés selon les formalités
prescrites. » Procédér selon la loi !
empêcher les jésuites de paralysfer l'ac-
tion administrative ! opposer un décli-
natoire aux jésuites! se mettre en con-
Jlit avec les jésuites! voilà ce qu'on
demandait à des magistrats ? On leur
demandait bien pis. V 2 ;
La rébellion : - « Les mesures qui
devront être prises par l'administra-
lion pour l'évacuation des établisse-
ments peuvent provoquer des résis-
lances individuelles ou -collectives;
elles peuvent amener des manifesta-
Lions en sens contraire, favorables ou
hostiles. Les résistances peuvent don-
ner lieu à des délits d'outrage ou de
rébellion contre les agents chargés de
l'exécution. Ces délits devront être
immédiatement constatés et déférés,
sans retard, aux tribunaux. Les mani-
festations, si elles se produisent, peu-
vent aussi donner naissance à divers
actes délictueux, outrages, rébellion,
cris séditieux, violences envers les per-
sonnes. Ces délits devront être cons-
tatés et poursuivis de la même ma-
nière et avec la. même célérité. Les
poursuites devrontêtre exercées, toutes
les fois que cela sèra possible, selon la
procédure organisée par la loi de 1863
pour les flagrants délits. » Cette fois,
par exemple, c'était trop fort !
Comment! des magistrats auraient
dû poursuivre, et avec célérité, les ou-
trages aux agents et les violences en-
vers les personnes! Mais le garde des
sceaux qui leur adressait des instruc-
tions pareilles ne réfléchissait pas que
ceux qui brutaliseraient les personnes
et qui outrageraient les agents seraient
des jésuites ou des amis des jésuites.
Ah çà, est-ce qu'il ne va pas être per-
mis aux jésuites et à leurs amis de
faire ce qui leur plaît et de maltraiter
ceux qui ne leur plaisent pas?
On voit maintenant si les deux cents
ont eu le droit, que dis-je le droit?
s'ils ont eu le devoir ! de rompre avec
un gouvernement qui leur enjoignait
des choses semblables. Enjoindre à des
magistrats de faire exécuter la loi, de
défendre les agents contre les outrages
et les personnes contre les violences?
- Vous nous insultez! ont répondu
deux cents procureurs et substituts. Et
ils ont flanqué leur démission à la
figure du ministre de la justice.
Je n'aurais pas eu déjà pour les ma-
gistrats démissionnaires la reconnais-
sance qu'éprouverait un éleveur de
tulipes pour les chenilles qui abandon-
neraient d'elles-mêmes son jardin, que
je serais devenu leur partisan en lisant
les instructions de M. Cazot. Pour res-
ter procureur ou substitut dans ces
conditions, il faut être un de ces ma-
gistrats sans conscience et sans reli-
gion aux yeux de qui les lois sont su-
périeures aux iésuites.
Si j'avais un reproche à [faire aux
deux cents procureurs ou substituts
qui ont d'eux-mêmes échenillé la ma-
gistrature, ce ne serait pas de l'avoir
échenillée, ce serait de l'avoir éche-
nillée si tard. Car ce n'est pas le jour
même où ils ont eu connaissance des
instructions ministérielles qu'ils ont
procédé à l'échenillage.
La République française raconte qu'a-
vant d'envoyer ses instructions le mi-
nistre les avait lues aux procureurs
généraux, dont il avait provoqué les
observations. « Aucun d'entre eux
n'avait présenté d'objections; tous,
même ceux qui ont donné leur démis-
sion depuis, s'étaient déclarés prêts à
agir conformément à ces instructions ;
aucun non plus n'avait fait prévoir la
moindre hésitation de la part de ses
subordonnés. » C'est alors, et à la mi-
nute même, que l'échenillage,aurait dû
se déclarer. Il y a eu là un retard fâ-
cheux et qui risquerait de dimi-
nuer le prestige des magistrats qui
ont abandonné d'eux-mêmes la tulipe
judiciaire, s'ils n'allaient avoir très
prochainement une occasion d'hé-
roïsme.
C'est à la fin d'août que les décrets
vont être appliqués aux maisons d'en-
seignement des jésuites. Une lettre
publiée par la Lanterne promet des
choses intéressantes. — « Nettoie bien
ton revolver », écrit un ami des bons
pères. « Nous saurons montrer ce que
peut faire la calotte. Moi, maintenant
je ne sors plus sans un ëoup-de-poing
dans ma pftche. Le 31 août, je serai à
quatre heures du matin à la porte des
jésuites, Je ne demande qu'une émeute.
Quel plaisir de barioler à coups de
coups-de-poing et de revolver ces vers
rampants ! Le 31 août, nous serons tofls
réunis; nous nous ferons ramoner
(confesser) la veille, et puis, que Dieu
nous soit en" garde ! » Amen.
Je me plais à croire que les deux cents
démissionnaires seront au rendez-vouL
avec des coups-de-poing et des revol-
vers, qu'ils se seront fait ramoner la
veille (ils en ont besoin), et qu'ils sau-
ront montrer ce que peut la calotte.
C'est pour eux que je le leur souhaite ;
car, personnellement, ça m'est assez
égal que, le 31 août à quatre heures du
matin, ils soient ou ne soient pas à la
porte des jésuites : il me suffit que
dès à présent ils soient à la porte.
! > -V AUGUSTE VACQUERIEj
■' ♦
-
Nos mesures sont prises pour pouvoir
donner dans notre numéro de demain une
appréciation complète du résultat des
élections départementales et le compte
exact des sièges que la République aura
gagnés, v. r
- ; '.:;l, —— ——————-
CEINTURE PEU HYGIÉNIQUE
On a lu, dans le Rappel d'hier, une
lettre de M. E. Raspail, maire d'Ar-
cueil-Cachan, protestant contre les fa-
cilités accordées aux usines d'infection
semées autour de Paris. Nous ne nous
expliquons pas, à vrai dire, comment,
après tant de réclamations si justes et
si vives, l'administration 'persiste en-
core à autoriser, à encourager peut-
être des industries qu'elle devrait ab-
solument proscrire.
Il y a des moments, en vérité, où
l'on se demande si l'élément parisien
est suffisamment représenté dans le
conseil; si les honorables membres de
cette assemblée se rendent bien
compte des nécessités un peu excep-
tionnelles d'une ville sans rivale pour
l'élégance, le luxe, le confort! De
même que nous avons un préfet de po-
lice lyonnais qui se doute médiocre-
ment de l'esprit de la population et
des procédés spéciaux qu'il faut savoir
mettre ici en usage, aurions-nous une
majorité d'édiles provinciaux ne trou-
vant, ni dans leurs souvenirs, ni dans
une longue expérience, un sentiment
juste des exigences parisiennes? A cer-
tains indices on pourrait le craindre. Eh
bien, nousne saurions trop le répéter, ce
qui dans une ville ordinaire, dans une
très grande ville même, semblerait peut-
être tolérable, est, à Paris, la capitale
européenne, absolument inadmissible.
Lyon, Marseille surtout, ont été long-
temps célèbres pour la négligence des
mesures hygiéniques, pour une grande
fantaisie en matière de salubrité et
voirie. Un tel état de choses n'eût pas
été toléré à Paris et ne doit pas l'être
davantage aujourd'hui. Et cependant,
comme on le disait l'autre jour
au conseil municipal, il est certain
que, presque chaque soir, dans certai-
nes parties de la ville, sur les quais
notamment, des émanations infectes
se produisent, au grand mécontente-
ment de la population et à la grande
surprise des passants, car, pour Paris,
c'est là une nouveauté.
De tout temps, bien que dans une
proportion peut-être un peu moindre,
les difficultés auxquelles l'administra-
tion doit faire face ont existé. Maiî
peut-être se préoccupait-on plus de
faire rapidement disparaître les immon-
dices parisiennes que de les utiliser.
Nous ne trouvons pas mauvais que la
ville s'enrichisse et enrichisse sa ban-
lieue par l'emploi de ses engrais; mais
que, pour améliorer tel ou tel sol in-
culte, on ne vicie pas profondément
l'air que respirent deux millions d'hom-
mes. Puisque les essais faits jusqu'à
ce jour ne réussissent pas, qu'on y
renonce et qu'on nous débarrasse à
tout prix de ces foyers de pestilence.
Nous ajouterons même qu'on ne les
reporte pas sur les localités voisines,
comme Saint-Germain, par exemple,
dont il faut respecter la bonne réputa-
tion hygiénique et les beaux arbres.
La science du chimiste et celle de l'in-
génieur doivent fournir i autre chose
que ces procédés intolérables
Nous reprochons à l'administration
municipale de faire à Paris un mau-
vais air; nous lui reprocherons encore
— et les plaintes que nous recevons à
ce sujet sont nombreuses — de ne pas
donner à la population assez d'eau.
Nous parlons ici de l'eau perdue qui
coule pendant plusieurs heures et as-
sainit le ruisseau.
Les abonnements dans les maisons
sont une bonne chose, mais tout le
monde ne peut pas s'abonner et tout le
monde doit pouvoir, à proximité,
trouver des fontaines où puiser de
l'eau. Nous ne savons pour quelle rai-
son les bornes-fontaines, qui coulaient
pendant un temps relativement long,
ont à peu près disparu. Rien ne les
remplace, et la ville, qui rêve de faire
le commerce des engrais, s'occupe
peut-être aussi beaucoup trop de ven-
dre son eau. Nous savons des quartiers
où les agents du service empêchent les
ménagères de profiter de l'ouverture
d'un conduit pour prendre un peu
d'eau, sous prétexte que cette eau
est réservée aux abonnements. Un tel
état de choses doit cesser, et si dans
les quartiers les plus pauvres, cent ou
deux cents fontaines sont nécessaires,
qu'on les fasse. La vente de l'eau sera
peut-être un peu moins productive,
mais nous nous en consolerons.
, Il y a quelques années, il était ques-
tion d'établir autour de Paris, en bon
air et à proximité de toutes les grandes
lignes de communication, ce qu'on
appelait des collèges périphériques.
Comme c'était une très bonne idée, à
laquelle l'insuffisance honteuse des ly-
cées existants donnait un caractère
d'urgence, il n'en a plus été question.
Au lieu et place des établissements
d'instruction périphériques, on a créé
des dépotoirs périphériques. Il y en a
une dizaine, dit-on, autour de la ca-
pitale , ayant les mêmes avantages
pour la population que l'usine dont
M. Raspail demande la fermeture.
Comme si ce n'était pas assez, on a,
parait-il, l'idée ingénieuse de convertir
les postes-casernes situés: le long des
fortifications en hôpitaux périphéri-
ques. De cette façon, quel que soit le
vent qui souffle, Pâris sera toujours
assuré de recevoir, dans chaque quar-
tier successivement, son contingent de
miasmes. Pour compléter cette ceinture
hygiénique d'un nouveau genre, il ne
reste qu'à convertir, selon le vœu de
quelques personnes, les fossés et les ta-
lus des fortifications en lieu de sépul-
ture. De cette façon sera résolue en
même temps cette autre question dont
la municipalité parisienne persiste à
rie pas s'occuper : la question des ci-
metières U - - - v liV I ••
( A. GAULIER^ !
—y :;,' - , + ;j,.t ~-',:
S'il y a souvent des reproches a laire
au conseil municipal, il y a plus souvent
des éloges à lui adresser. Ainsi, hier en-
core, il vient de voter une chose excel-
lente.
Nous avons dit l'autre jour qu'une de
ses commissions lui proposait de remettre
le théâtre de la Gaîté en location. Cette
proposition est venue hier devant le con-
seil. Elle a été énergiquement combattue
par M. de Lanessan, qui voudrait que,
lorsque toutes les villes de France, gran-
des ou petites, ont leur théâtre, Paris eût
le sien et ne fût pas inférieur à Car-
pentras. '.:: i • ;, ,).} -
- L'honorable conseiller a éloquemment
développé l'amendement qui suit :
« Le théâtre de la Gaîté sera organisé
en théâtre municipal à prix réduits por-
tant le nom de Théâtre de Paris.
» La cinquième commission et la délé-
gation des théâtres sont chargées de pré-
parer un projet d'organisation de ce
théâtre. » ,,'
Deux conseillers municipaux de Paris,
MM. Marsoulan et Réty, ont été d'avis
que Paris n'était pas assez riche pour se
payer ce que se paye Carpentras, et ils
ont été pour mettre le théâtre de la Gaîté,
le premier en location, le second en vente.
Une vive réplique de M. Aristide Reyet
des paroles frappantes de M. Cattiaux ont
aisément fait justice d'une argumentation
qui, devant une question d'art et une
question d'enseignement populaire, ne
voyait qu'une question d'argent.
La proposition de M. de Lanessan a été
votée à une forte majorité. Nous en féli-
citons le conseil. Le scrutin ayant été de-
mandé, on lira plus loin les noms des vo-
tants pour et contre. -
LA CROIX ET LES COMEDIENS
M. Victor Schœlcher nous adresse de Lon-
dres la lettre suivante, au vœu de laquelle
nous nous associons de tout cœur :
Londres, 28 juillet 1880.
Cher Vacquerie,
Votre article La croix et les comédiens
est parfait; avec votre finesse d'esprit ha-
bituelle, vous avez flétri un préjugé so-
cial d'une injustice criante. Quelque opi-
nion qu'on ait des décorations, et je suis
de ceux qui n'en pensent aucun bien, il
est vraiment absurde de ne pas voploir
décorer un comédien parce qu'il monte
sur les planches où il est exposé aux sif-
flets, lorsqu'on décore un pianiste, par
exemple, qui ne monte pas moins sur les
planches où il ne court pas moins la
chance d'être sifflé que le comédien.
Mais il y a un autre restant de l'excom-
munication qui frappait autrefois les ac-
teurs, c'est la mauvaise habitude qu'a
conservée la presse de leur retrancher le
titre de « monsieur » quand elle parle
d'eux ! On donne le « monsieur » au per-
sonnage le plus vulgaire, le plus médio-
cre; pourquoi donc ne pas dire de même
« M. Got, M. Delaunay » (je prends les
noms que vous avez cités), hommes d'ail-
leurs aussi estimables dans la vie privée,
comme beaucoup de leurs émules, qu'ar-
tistes éminents au théâtre? La politesse
le demande, l'égalité l'exige. Nous som-
mes en République et la République veuf
la politesse et l'égalité partout; elle n'adi
met pas que la profession d'acteur ou dti
chanteur soit moins honorable que toute!
autre. -
Leur faire rendre la qualité de « mon-
sieur » est une question que vous devriez
prendre en main; nul doute qu'on ne 70usr
écoute, tous les bons esprits y sont prépa-
rés. Il suffit, pour accomplir cette réforme
de bonne compagnie, qu'une plume aut o
risée y appelle l'attention publique.
A vous cordialement. -'
V. SCHOELCHER.
——.———————— » -——————————
COULISSES DES CHAMBRES
Parmi les sénateurs soumis au renoua
vellement d'aujourd'hui en qualité de
conseillers généraux, il y en a 24 qui font
partie de la série de 75 membres, devant:
être soumise aux élections triennales de;
janvier 1882 pour le renouvellement par^,
tiel du Sénat.
Ces 24 membres se partagent entre 9(
républicains et 15 réactionnaires. L'élec-J
tion d'aujourd'hui sera pour eux un in-f
dice des dispositions des électeurs à leur;
égard, et ils pourront prévoir par leun
sort d'aujourd'hui celui qui les attencfc
dans dix-huit mois comme sénateurs. - ;
Nous devons citer les noms des 15 se-"
nateurs réactionnaires qui sont dans cet
cas ; ce sont MM. Poriquet et de Flersi
(Orne), Dubrulle et de Rosamel (Pas-de-j
Calais), de Barante (Puy-de-Dôme), Da-':
guenet (Basses-Pyrénées), Caillaux et der
Talhouët (Sarthe), d'Alex andry (Savoie),4
général Robert (Seine-Inférieure), de]
Rainneville (Somme), Espinasse (Tarn),,!
Gaudineau et de Cornulier (Vendée) etf
Viellard-Migeon (Belfort). J
—°—
v .,.'
Le conseil général de la Seine est fe?
seul qui ne soit pas soumis aujourd'hui
fer août au renouvellement partiel.
On sait, en effet, que cette assemblée*
n'est pas régie par le droit commun; ellei
est régie par la loi exceptionnelle du 16,
septembre 1871, qui a décidé que le conf-t
seil général de la Seine serait formé des!
quatrevingts conseillers municipaux def
Paris et de huit représentants pour lesf.
cantons suburbains. i~
Le conseil général de la Seine est dÓhc?
soumis, pour l'époque et le mode dè sort
renouvellement, aux conditions qui con
cernent le conseil municipal de Paris efl'
par suite tous les conseils municipaux: , -'
Or ceux-ci doivent être tous renouvelés}
intégralement en novembre prochain, 18i
conseil municipal de Paris comme ceux,
de la province. C'est donc à cette époque]
que le conseil général de la Seine sera lui-l
même renouvelé, et à la différence de ceu
des autres départements, il le sera en to-j
talité.,
La question s'est posée de savoir si Isy
loi d'amnistie du 11 juillet dernier étai~
applicable aux condamnés pour partici
pation aux insurrections algériennes daj
1871 et de 1879. Le gouvernement s'ese
préoccupé de ce cas et le garde de*^
sceaux a été chargé de l'examiner.
On a reconnu depuis que la question'
n'offrait pas les difficultés juridiques qu op;
avait cru y trouver d'abord. Les condam- ;
nés dont il s'agit ne sont pas, en efflt, r
citoyens français au même titre que les
nationaux de la mère-patrie. Ils ne jouis-
sent pas des droits politiques et, par'
suite, il est indifférent de savoir si l'am-!
nistie leur est ou non applicable. Le gou- (
vernement a résolu de les gracier tous par.
mesure Individuelle. C'est tout ce quil
pouvait être fait et cette solution mettra
fin à la question.
Ajoutons d'ailleurs 'qu'un certain nom-
bre des condamnés pour l'insurrection'
algérienne de 1870 ont déjà été graciés, il,
y a quelques mois, et qu'ils sont à borœ
du Tage qui est attendu à Brest et que
rapatrie un certain nombre d'amnistié.
de la Commune. ,'
Feuilleton du RAPPEL
DU 2 AOUT - -
34
LES AMOURS
V "*
D'UN. INTERNE
T-
» ■ ■ y r'::'
x ,"
lie DUlnéro)
(Suite)
-. -,', ..-"(-
eïïme" était tout absorbée m'n-wla;
fade, — cette vision efïrayaïite d'un pâle
visage tout à l'heure immobile, masque
ie marbre soudain agité, où tout remuait,
tomme tiré par mille fils par des tics sans
nombre, les yeux, le nez, les lèvres,
les paupières, qui battaient tragiquement.
Moins courageuse, Jeanne Barrai eût
Reculé, terrifiée.
De cette face de furie, des "imprécations
fortaient, se précipitant comme l'eau au
goulot d'une carafe renversée; des mots,
des phrases sans suite s'échappaient, mé.
lés à des cris gutturaux, à, des sons étran-
(Vtir le Roïv$,1 du S.9 juin an
glés de râles, — et c'était hideux, le ba-
lancement de tête qui accompagnait ces
hurlements rauques, avec de longues mè-
ches grises partout rejetées sur l'oreiller,
sur le visage, avec l'aspect de hérissement
d'une tête de Gorgone;
— Où est-il?. où est-il? disait cette
voix éraillée, comme lasse d'avoir crié.
Misérable! Misérable lâche 1. C'est un
assassinat, le duel, un assassinat, tu en-
tends, coquin!. Et on va t'arrêter, et on
te mettra les menottes, et tu iras devant
les juges, et le bourreau te coupera le
cou! Guillotinez-le 1 Guillotinez-le! C'est
l'assassin de, Pierre Barral., Assass..-.
assàss. ass..â, -
— Qu'est-ce que tu me veux, toi? hurla-
t-elle tout à coup, en apercevant le visage
blanc de Jeanne qui se penchait sur elle.
Qu'est-ce que c'est que cette fille-là?
— C'est moi, maman l répondit douce-
ment Jeanne. X
— Tu as dit?.;. Qu est-çe qtfé tu as
dit?. « Maman! » Va-t'éh; menteuse,
voleuse, va-t'en, va-t'en 1 Ma fille est
morte, tu le sais bien ! On l'a enterrée à
Ville-d'Avray, sous le petit arbre que nous
avions planté, à son baptême ! Je n'ai
plus de fille, je n'ai plus de mari, je n'ai
plus rien!. Rien 1. Si tu t'approches
encore, toi, je vais te mordre! Je te
mange la joue. Va-t'en ! Tu es une misé-
rablel C'est toi qui m'as fait renfermer ici,
qui m'as mis ces chaînes au cou. Ote-moi
donc ça, gredine, mes poignets gonflent,
mes veines vont éclater ! Tu veux do^c
me tuer, dis, tu veux donc quel;;,. meure j
Qu'est-ce qui te £ a^e me tuer? Ce
lui qui a tué Pierre? Qu'est-ce que tu es ?
Sa maîtresse peut-être ! Ah ! si j'avais mes
poings libres, je te traînerais par les che-
veux jusqu'au bois de Fausses-Reposes, et
là, je t'enterrerais avec lui, avec des cail-
loux dans tes yeux et de la terre plein ta
bouche!
La pauvre figure effrayée de Jeanne se
penchait toujours vers cette face terrible
de sa mère, dont les dents grinçaient et
qui, par des mouvements rapides, es-
sayait d'atteindre la joue pâle de cette
créature qu'elle menaçait, injuriait, et qui
était sa fille.
Mlle Devin, roide et sèshe, avec son
bonnet noir doublé de blanc, encadrant
son visage mince, ne pouvait s'empêcher
de contempler ce groupe hideux et tou-
chant, disant entre ses longues dents
jaunes à uns fille de service qui pas-
sait :
- C'est 'un ange, cette fille.là! Voyez
aonc.
Ecuriu:nte, la malheureuse affolée venait
de cracher au visage de sa fille un jet de
bave.
Mlle Devin se précipita instinctivement
pour l'essuyer.
1
- Laissez donc, dit Jeanne. Puisque je
ne peux pas l'embrasser!,,. Glfcst encore
de ses lèvres !,..
- Va-t'en! va-t'en ! Npà-t'en! répétait
Hermance. Ote-w,':,! çal Ote-moi la cami-
sole! Ah! t',' n'oses pas! Tu sais bien que
je t'é^anglerais. Oui, je t'étranglerais t
Àh! comme je t'étranglerais bien 1
Elle essayait de rompre ses liens. Mais
Ja camisole de toile sçîide, fermée dans le
dos avec des liens maintenant les épaules
et fixés à la têto du lit, tandis qu'aux
pieds du lit s'attachaient ceux qui retien-
nent la poitrine et les bras, résistait à
toutes ces secousses. Le tronc, en outre,
comme ficelé par des bandes de toile, ac-
croché à un lit voisin, se tordait vaine-
ment, secoué, comme les bras, par la
traction violente qu'essayait le numéro 4
sur les manches de la camisole.
Mlle Devin avait appelé deux infirmières
qui se tenaient là, debout, regardant, de
leurs yeux impassibles de campagnarde,
cette Jeanne répondant j>ar fles bruits de
baisers, des paroles douces, des caresses
de la voix, à ces insultes inconscientes de
la folle, à ce déchaînement de colères, à
cette écume d'injures où des mots hideux
que la pauvre femme ignorait à l'état
calme, montaient comme de la boue à ses
lèvres.
— Calme-toi, ma*ianl Ma bonne ma-
man! C'est moi! Ta petite Jeanne, ta
petite Jeanne!..; Ta Jeannette adorée,
pauvre bonne chère mèrel
— Il v a une chauve-souris.7. Qui ra
amenée, cette chauve-souris? C'est toi?.
On te paye pour pencher ta sale figure
sur la mienne!. Je t'arrache les cheveux
avec mes dents, tu sais, prends garde, toi!
Et pendant ce duo douloureux, fait de
rauquements d'un cote, de tendresse déso-
lée de l'autre, qui recommençait sans cesse,
la patience de la fille, n'ayant d'égale que
l'atroce fureur de la mère, les malades,
réveillées, grommelaient çà et là, répon-
dant aux cris du numéro 4, sentant peut-
être, les malheureuses, s'éveillçr en ÿlW.
quelque terrible crise, sous l'influence de
cet ébranlement nerveux, quasi épidé-
mique, comme le tétanos et les convulsions.
Alors, sous la lampe allumée, à la lu-
mière rougeâtre, vacillante encore dans
les recoins sombres du dortoir, sur les
traversins où les fronts se retournaient
parfois avec impatience, des :
- Mais taisez-vous donc ! - Quand va-
t-elle unir!—Emportez-la! — Mords-la
si tu veux et que ça soit tout!
Partaient avec des accents gouailleurs
de Parisiennes, accompagnés de petits
rires bizarres.
— Ah! dit une fille de service, inquiète
jusque-là, et comme sauvée maintenant,
voici l'interne 1
— Qu'y a-t-il donc, demanda Vilandry.
Mlle Devin lui montra Jeanne à demi-
penchée sur la malade.
— Toujours le numéro 4 ! dit la sous-
surveillante avec son hochement de tête
très bref. -., -,
Georges s'approcha rapidement, écarta
avec douceur la pauvre Jeanne, dont le
visage effaré semblait amaigri, et il re-
garda un moment, sans rien dire, la ma-
lade qui, tout à coup, s'était tue, interro-
geant, elle aussi, de ses grands yeux
fixes le visage sérieux de l'interne.
On eût dit qu'Hermance s'arrêtait brus-
quement dans sa rage, étonnée de ce re-
gard braqué sur elle. - - -
— L accès, dit tout bas le jeune nomme
à Jeanne, est bien près de prendre fin.:.
La malheureuse est à bout de forces !
Il songeait tout bas que cette crise
~Y~ent pl Ls_ r.,ien e5,
mes de l'hystérie et que la maladie de
Mme Barrai reprenait la forme de FaHe"
nation mentale, et il éprouvait quelque;
chose de cette même angoisse qui étrei-
gnait Jeanne àla gorge. A la section Rambu-
teau ou la section Esquirol, pauvre femme ! !
Un grand beau garçon, à moustaches;
rousses, saluant Mlle Barrai avec respecta
venait de s'approcher de Vilandry, mar-
chant derrière lui sans faire de bruit.
C'était Pedro.
— Eh bien ! demanda-t-il à l'interne..
— Regarder,
- Oui, elle m'a l'air de vouloir passei
dans le service de M. Cadilhat! C'est una
agitée.
-Tais-,toi doncî.7. Si sa fille entendait ! .1?
L'accès terrible qui venait de secouer, i
« le numéro 4 » tombait d'ailleurs pres-1
que brusquement, comme un orage quo
le vent chasse. Des frémissements singu-^
liers, des torsions de bouche, subsistaient;
seuls, comme les grondements éloignés;
d'un tonnerre. Jeanne essuyait, de ses;
longs doigts blancs, l'écume restée auxf-
commissures de ses lèvres tordues, quask
tuméfiées. Elle écartait du front ridéo
de sa mère, qui se laissait faire maintei
nant, inerte, impassible, les cheveux em-
mêlés sur ce pauvre front sans penséèj
et, doucement, approchant ses baisers da
cette maigre face en sueur :
— Repose-toi, maman ; disait- elle.CîV
Sois sage ! bien gage t
JULES ÇLARïïTIE*
(A suivre J
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