Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1880-07-24
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 juillet 1880 24 juillet 1880
Description : 1880/07/24 (N3788). 1880/07/24 (N3788).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7532190t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/08/2012
F< £ 788 — Samedi 24 Juillet 1880 lie nome*», i 1-0 gpu •* JMfta&amaBt* 1 15 c..; 6 Thermidor an s* - *»» m ru*
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13, HUE DE VALOIS, 1$
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REDACTION
S'abesser au Secrétaire de la Rédaction. !
De 4 à 6 heures du soir
18, RUE DE VALOIS, 13
Les manuscrits jiob. insères ne seroutp as rendus
ANNONCES -
SIM. Ch. IAGRAN&E, CERF et Ce
6, place de la Bourse, 6
LE PAPE ET LE ROI
Qui est-ce qui avait accusé le Vati-
can de duplicité? Mais c'était le gou-
vernement belge! Un gouvernement
monarchique? Oui, un gouvernement
monarchique. Le gouvernement fran-
çais, qui est un gouvernement républi-
cain, s'attaque aux jésuites, et les: mo-
narchistes s'indignent, crient à la pro-
fanation et à l'impiété, déclarent que
'c'est le cataclysme des abominations.
Ali! ce n'est pas un gouvernement mo-
narchique qui commettrait une chose
pareille ! En effet, les gouvernements
monarchiques ne s'attaquent pas aux
'jésuites, — ils s'attaquent au pape.
Donc, le gouvernement d'un roi
avait dit au pape : — Souverain Pon-
tife, tu es double. — Tu mens! avait
répondu le pape au roi par le Mémo-
randum de sa secrétairerie d'Etat. -
,C'est vrai, réplique aujourd'hui le roi
par une circulaire du chef de son cabi-
net; c'est vrai, Souverain Pontife, tu
n'es pas double, tu es triple.
« Le secrétaire d'Etat du Saint-Père,
dans le but de prouver que le saint-
iiège n'a jamais varié dans ses appré-
ciations sur la loi relative à l'enseigne-
ment primaire, publie trois fragments
de lettres adressées, à diverses épo-
ques, par Léon XIII, à Sa Majesté. Je
ne sais si des révélations de cette na-
ture sont capables de servir la cause
t du saint-siège. Elles tendent à montrer
qu'à côté de la correspondance diplo-
matique et de la correspondance ecclé-
siastique, on avait conçu l'idée d'une
troisième, se réservant de l'utiliser,
selon les circonstances. »
Je n'offenserai pas Léon XIII en lui
disant que je le trouve supérieur à
maître Jacques. — « Est-ce à votre
cocher, monsieur, ou à votre cuisinier,
que vous voulez parler; car je suis l'un
et l'autre? » demande maître Jacques
à Harpagon. — C'est à tous les deux.
— Mais à qui des deux le premier ? —
'Au cuisinier. — Attendez donc, s'il
vous plaît. (Il ôte sa casaque de cocher
et paraît vêtu en cuisinier.) » Maître
Jacques n'a que deux costumes, le
Saint-Père a trois correspondances. -
Les Belges s'en étonnent. On n'est
pas plus Belge. Est-ce qu'en étant
triple, Léon XIII ne se conforme pas
au principe même de sa religion? Le
dogme fondamental du catholicisme
n'est-il pas : trois personnes en une?
Ce que dénonce avec colère la presse
libérale de nos voisins n'est pas autre
chose que la trinité.
Supposons que le gouvernement de
la République qualifie publiquement
lie « déloyauté » et de «malhonnête-
té » la conduite du cardinal secrétaire
d'Etat du saint-siége; supposons que
)e gouvernement de la République dé-
clare tout haut « que le nonce, contrai-
Ipement aux devoirs élémentaires de sa
charge et aux plus simples principes
du droit des gens, collaborait à des
manifestations politiques contenant des
attaques directes contre le gouverne-
ment près duquel il était accrédité,
fait qui, suivant les traditions diploma-
.«w. - - -.
Vtiques les plus certaines, aurait
1 autorisé à lui enjoindre de quitter
immédiatement le pays » ; supposons
leJlle le gouvernement de la République
accuse de mensonge et de trahison,
non-seulement le nonce du pape, mais
le pape lui-même, qu'il écrive que « des
lettres établissent à toute évidence que
le pape approuvait et louait, mais dans
le secret le plus absolu, les mesures
qu'il déclarait au gouvernement ne pas
connaître et n'avoir pu prévenir », —
à quelle fureur, à quelle épilepsie, à
quelle insurrection de gdupillons la
France assisterait !
Ce n'est pas la République qui crache
cela à la figure de la papauté, c'est
la monarchie. Mais hurlez donc, mo-
narchistes !
C'est une erreur de croire que les
loups ne se mangent pas entre eux,
puisque Napoléon et Pie VII se sont
entremangés, et que voici un Léopold
et un Léon qui causent à coups de grif-
fes et de dents. Les rois nous étant
presque aussi chers que les papes,
nous ne serions d'aucun côté, si le duel
était vraiment entre le pape et le roi,
mais la réalité est qu'il est entre l'es-
prit théocratique et l'esprit humain.
Ce que le gouvernement belge per-
sonnifie dans la lutte qu'il soutient
bravement, c'est la liberté de cons-
cience, d'est le droit de ne croire que
ce qu'on croit, c'est l'indépendance de
la pensée. Les monarchistes cléricaux
esssayent quelquefois de prétendre que
nous calomnions le catholicisme on
disant qu'il est la négation de tout
cela. Malheureusement pour eux, ce
n'est pas le Rappel qui le dit, c'est le
Syllabus. C'est le premier ministre du
pape qui le répète : « Il y avait une
folle illusion à nourrir la confiance que
le Pontife régnant en viendrait à se
rapprocher de certaines théories erro-
nées professées par quelques Etats
modernes. » Ainsi, l'on est prévenu :
entre le droit moderne et le pape. il
faut choisir. La Belgique a choisi. Elle
a rompu avec le Vatican. La Belgique
nous a souvent plagiés; mais cette
fois-ci, c'est elle qu'on plagiera.
: AUGUSTE VACQUERIS.
————————— Go
LA OUESTJON SOCIALE
On sait que pendant toute cette se-
maine se tient à Paris un congrès ré-
gional d'ouvriers.
La presse républicaine n'en parle que
discrètement; sauf deux ou trois petits
journaux qui paraissent accepter les
doctrines de la majorité du congrès,
les autres enregistrent sans commen-
taires les protestations contre ces doc-
trines ou se bornent à exprimer du
dédain contre les « insanités » qui s'y
débitent, et presque tous laissent par-
faitement deviner le déplaisir que leur
causent ces débats, qui offrent en
abondance des arguments aux feuilles
réactionnaires. Celles-ci , en effet, peu-
vent faire dans le compte rendu des
opinions qui se publient au congrès
une ample moisson de propositions au
moins audacieuses, avec lesquelles
elles croiront pouvoir jeter l'épouvante
dans les esprits en s'évertuant à dé-
montrer que la société,est sur un im-
iinense .volcan tout prêt à l'abîmer.
Mais lors même que la/presse répu-
blicaine voudrait faire le silence sur ce
qui se dit au congrès des ouvriers, les
journaux de la réaction n'en feraient
pas moins leur profit, et d'autant mieux
que nous paraîtrions plus embarrassés
de ce qui se passe.
Donc, parlons-en ouvertement.
L'assemblée des délégués se qualifie
de « congrès régional d'ouvriers révo-
lutionnaires collectivistes ». La quali-
fication est un peu longue, mais elle
n'en est que plus significative.
Naturellement, la réunion se com-
pose d'une majorité et d'une minorité.
Celle-ci, qui compte fort peu de voix
de moins que l'autre, n'accepte pas ie
programme de la majorité, et, sans
qu'elle ait pu se prononcer formelle-
ment, on peut supposer qu'elle se ral-
lierait volontiers à celui qui a été for-
mulé par le délégué des ouvriers du
Havre et a été reproduit avec satis-
faction par beaucoup de journaux ré-
publicains.
Le progranime exposé par le délé-
gué du Havre est absolument exempt
de propositions révolutionnaires. If
exprime le ferme espoir que l'évolu-
tion ascendante du prolétariat actuel
se fera parfaitement à la faveur des
institutions républicaines.
Je ne m'arrêterai pas à ce program-
me, parce qu'il est dans la pensée, dans
les vœux, dans les revendications de
tous les vrais républicains, c'est-à-dire
de tous ct ux qui considèrent la Répu-
blique comme le moyen et non comme
la - fin du progrès social.
Tout autre est celui de la majorité.
Elle est carrément révolutionnaire, et
elle est révolutionnaire parce qu'elle
comprend bien que son idéal n'est réa-
lisable - s'il est réalisable ! — que par
la force. Son: idéal, c'est une société
fondée sur le principe du collectivisme,
c'est-à-dire de la communauté frac-
tionnée. Le collectivisme, qui est d'o-
rigine russe, et dont j'ai entendu faire
la théorie à Berne par son importa-
teur, le fameux Bakounine, se distin-
gue du communisme de Babeuf et de
Buonarrotti en ce sens que celui-ci est
unitaire et l'autre fédéraliste. Mais
dans les deux cas, la propriété person-
nelle disparaît absolument. Dans l'une
comme dans l'autre conception, tout
est à tous, et rien n'est à personne.
C'est un moyen radical, on en con-
viendra, de résoudre la question du
prolétariat, qui est la question même
de l'égalité.
Ou pouvait espérer, et j'espérais fort
pour mon compte, qu'après les longues
discussions qui ont eu lieu sur ce su-
jet de 1834 à 1850, et l'insuccès écla-
tant des expériences faites, l'idée
communiste était à jamais enterrée.
Mais elle s'est reproduite dans les réu-
nions publiques des deux dernières
années de l'empire, et elle s'affirme
plus que jamais aujourd'hui sous le
nom de collectivisme.
Puisqu'elle devait renaître sous cette
forme et ce nom nouveau, mieux vaut
qu'elle s'affirme au grand jour que de
se propager comme autrefois dans
l'ombre des sociétés secrètes.
D'ailleurs, je ne me sens scandalisé
par rien de ce qui s'est dit au congrès
pour justifier la théorie collectiviste,
d'abord parce que je suis partisan ré-
solu de la liberté des opinions, ensuite
parce que les collectivisiesve.ti "s sent-ils
un jour la faculté de tenter un coup de
Íorce- ce que je ne crois pas du tout-
rencontreraient, Je moment d'aprè?, de
si invincibles résistances, de si formi-
dables colères, qu'ils ne tarderaient
pas à être écrasés.
On fait les coups d'Etat de Brumaire
et de Décembre et on parvient à s'im-
poser à toute une nation, parce qu'on
n'absorbe en définitive que l'action
politique, et que l'état économique des
personnes n'est pas sensiblement at-
teint. On enlève, par une révolution
soudaine, la souveraineté exercée par
une dynastie pour la reporter au peu-
ple tout entier; mais là encore, le foyer
domestique demeure ce qu'il était ; il
est même mieux protégé par do libres
institutions que par le gouvernement
personnel.
Notre grande Révolution a pu modi-
fier profondément les conditions poli-
tiques, morales, économiques de la so-
ciété .française; mais tout ce qu'elle a
fait se traduisait ou se serait traduit
bientôt en accroissement de liberté
Il ,
personnelle, en augmentation de ga-
ftÉflties pour lo - propre de chacun et
pour le foyer familial. Elle n'aurait été
qu'un misérable avortement si elle
avait voulu faire le contraire.
La révolution collectiviste annoncée
si bruyamment n'aura pas même de
commencement, et conséquemment
n'avortera pas.
Ce n'est l pas une raison cependant
pour laisser dire sans contredire. Il y
a beaucoup de hravès gens, de dévoués
citoyens qui ont pu être séduits ou
pourraient être séduits par le système
en question, et sur l'esprit desquels il
faut agir. Je sais, par expérience, com-
bien il est difficile d'entamer des con-
victions flatteuses, et celles dont je
parle peuvent être flatteuses pour bien
des travailleurs; mais le difficile n'est
pas l'impossible, et la presse démo-
cratique doit faire de son mieux pour
que d'honnêtes gens ne s'égarent pas
à la poursuite de biens chimériques.
Sans compter que cette recherche peut
susciter de graves embarras à la Répu-
blique.
Et ,. ce que je demande aux autres
organes de l'opinion démocratique, je
me suis imposé le devoir de le faire
dansle Rappel. J'examinerai le collec- >
tivisme dans un très prochain article.
A. CORBON.
c- —————————
LA QUESTION GRECQUE
Nous entendons beaucoup dire que
les puissances se sont mises d'accord,
à Berlin, au sujet des affaires de la
Grèce, qui sont aussi un peu les af-
faires de la Turquie. Si cet accord était
réel et complet, on pourrait tenir la
question pour résolue, car, si mal
conseillé qu'on le suppose, le gouver-
nement de Constantinople n'entrepren-
drait pas sérieusement de lutter contre
l'Europe entière. Mais plus d'un indice
nous laisse des doutes sur la solidité
de l'entente. Nous croyons surtout
qu'on s'est médiocrement préoccupé
des moyens à mettre en œuvre, au cas
d'une action collective, si tant est que
cette action même ait été prévue for-
mellement,
r C'est ainsi que la presse anglaise in-
terprète les résolutions de la diploma-
tie, et c'est pour cela qu'elle incline à
ne pas regarder comme, décisif l'envoi
de la note commune à Constantinople
et à Athènes. Les Turcs trouveront des
prétextes pour gagner du temps et,
s ils viennent à lasser les puissances
signataires de la note, - celles-ci devront
s'entendre à nouveau pour l'exécution.
On n'en est pas encore là, et par con-
séquent rien n'est ni ne peut être en-
gagé.
! A la bonne héure. Car, tandis qu'on
parle assez complaisamment de l'ac-
tion commune des puissances, on voit
apparaître les premiers linéaments
d'une action quelque peu isolée, si
même elle n'est point en opposition
directe avec celle des autres signataires
de la note de Berlin. Des fonction-
naires, des officiers allemands vien-
nent d'arriver à Constantinople. Inter-
rogé, à la Chambre des lords, sur
cette bizarre coïncidence qui fournit
des instructeurs à la Porte, au mo-
ment où on lui demande de céder à
une pression diplomatique, lord Gran-
ville a répondu qu'il était informé de-
puis quelques mois du départ de ces
officiers. C'est une habitude ancienne
du gouvernement allemand. - Il - est vrai
qu'en général ces' missions étaient vo-
lontaires et que celle-ci semble avoir
été imposée à ceux qui en font partie.
Néanmoins lord Granville : croit qu'il
ne faut pas attacher trop d'importance
à cet incident, et qu'il a reçu, à cet
ég-ard, de bonnes assurances de l'Alle-
magne.
Nous ne demandons pas mieux que
d'en croire le ministre anglais. Mais si
la résolution prise par le cabinet de
Berlin n'a rien de menaçant, il paraît
du moins qu'elle était imprévue et
qu'elle ne faisait nullement partie du
programme de la Conférence. Il n'en
faut pas davantage pour nous montrer
que nous n'en sommes pas encore à
cette entente complète dont on avait
d'abord célébré les vertus. Il y a, pour
le ..moment, une certaine unité d'inten-
tion entre diverses puissances qui s'ac-
cordent à déclarer telle ou telle solution
désirable; mais rien de plus, etla liberté
du chacun reste entière. Nous voulons
croire que la nôtre est aussi entière
que celle de personne et que ceux qui
nous gouvernent n'ont pas la coupable
pensée de l'engager inconsidérément.
Nous ne sommes assurément pas de
ceux qui croient que le système de
l'effacement absolu soit, comme il y a
quelques années, le seul qui nous con-
vienne. Cette attitude qui nous a été
longtemps commandée parla prudence
risquerait, si nous y persistions sans
nécessité, d'apprendre à tout le monde
à ne plus compter avec nous ni sur
nous. La défiance exagérée que nous
garderions de nous-mêmes ajouterait
singulièrement à la confiance des au-
tres, et le premier résultat de cette
réserve indéfiniment prolongée serait
pour la France un affaiblissement re-
latif. * ,
On va donc beaucoup trop loin, on
ne rend pas justice à ce qui s'est fait
lorsque, pour bien des années encore,
on proclame notre impuissance. Mais
si ces appréciations timorées sont plei-
nes d'inconvénients, il serait plus dan-
gereux encore de nous jeter dans la
moindre aventure et de rentrer, à la
légère, dans des combinaisons politi-
ques au bout desquelles pourrait se
trouver un conflit.
Il ne s'agit pas ici de la crainte d'un
insuccès, puisque, dans les conditions
où une action serait à prévoir, l'insuc-
cès serait invraisemblable. Mais outre
qu'il y aurait plus d'un inconvénient à
faire reparaître nos soldats sur les(
champs de bataille en proportions mii
nuscules et à engager les nouveaux
drapeaux de la France dans une affaire^
quelque peu mesquine, il serait afê
surefc), il serait impossible d'entijprj
dans un pareil engrenage avant dfel
savoir, de la façon la plus certaine, qui'1
serait à côté de nous, derrière nous et1
devant nous.
A. GAULIER.
i I —————————
COULISSES DES CHAMBRES
Nous continuons à enregistrer les di*
verses particularités de la lutte électorale
engagée sur tout le territoire pour le renou.
vellement des conseils généraux. Nous
nous bornons aux particularités curieuses;1
ne pouvant et ne voulant reproduire la
liste infinie' des candidatures dans 4,45(X
cantons qui, prennent part à la lutte.
Nous avons indiqué le double mouve-
ment en vertu duquel certains membre^'
des Chambres déclinent la candidature au
conseil général pour ne pas continuer àj
cumuler deux mandats, tandis que d'au-
tres, obéissant à des considérations dft
tactique électorale, acceptent la candida-
ture pour des conseils généraux dont ils
ne faisaient pas partie jusqu'ici.
Nous pouvons donner la liste exacts'
des membres se trouvant dans chacun de
ces cas.
Voici d'abord la liste des députés qui;'
membres sortants des conseils généraux,-
renoncent à solliciter le renouvellement
de leur mandat :
Anthoard (Isère), républicain.
Beauquier (Doubs), républicain.
Dautresme (Seine-Inférieure), républi-
cain.
Devès (Hérault), républicain.
Escarguel (Pyrénées-Orientales), répu-
blicain..
De Feltre (Côtes-du-Nord), bonapar-
tiste.
Guillemin (Nord), républicain.
Jérôme David (Gironde), bonapartiste., «
Peulevey (Seine-Inférieure) , républi<-
cain.
Raynal (Gironde), républicain.
Rougé (Aude), républicain.
Varambon (Rhône), républicain;
Voici maintenant la liste des sénateurs
se trouvant dans le même cas, c'est-à-
dire renonçant à leur mandat de conseil-'
1er général : ,. ,
Boffinlon (Charente-Inférieure), bona*
partiste.
Fourcand (Gironde), républicain.
Laget (Gard), républicain.
Lelièvre (Alger), républicain.
Martel (Pas-de-Calais), républicain.
Massé (Nièvre), républicain.
Roques (Lot), républicain..
Vallier (ilhône), républicain.
Nous passons maintenant à la catégorie
des membres des Chambres qui n'ayant
pas fait partie jusqu'ici des conseils géné-t,
néraux, viennent d'accepter la candidat
ture pour les assemblées département
tales. Voici la liste des députés dans ce
cas:
Baïhaut (Haute-Saône), républicain.
Belon (Lozère), républicain.
Bizot de Fonteny (Haute-Marne), répu{
blicain.
Bianchi (Orne), bonapartiste.
Bosc (Gard), républicain.
Général Ae Chanal (Corrèze), républi-
cain.
Constans (Haute-Garonne), républicaine;
Deluns-Montaud (Lot-et-Garonne), ré-
publicain. -
Fouquet (Aisne), républicain.
Hugot (Côte-d'Or), républicain.
Labuze (Haute-Vienne), républicain.
Lecomte (Mayenne), républicain.
Levert (Pas-de-Calais), bonapartiste.
Noirot (Haute-Saône), bonapartiste.
Roger (Dordogne), bonapartiste.
Vacher (Corrèze), bonapartiste.
Voici maintenant la liste des sénateurs
se trouvant dans le même cas :
Adnet (Hautes-Pyrénées), monarchiste.
Demôle, (Saône-et-Loire), républicaine
Feuilleton du RAPPEL
DU 24 JUILLET -:¡;;\
E~.————.. ! —————-——————-—
i6 /"-
LES AMOURS
D'UNI INTERNE
'du*1 :
JL
eê tae
'(Suite)
Vilandry nèîâlt rien moins que su-
perstitieux, son métier lui ayant appris à
ie se payer que de réalité ; mais il en ve-
nait à se demander si le sort ne voulait
'.Pas le rapprocher de cette femme, et il se
plaisait à cette idée de prédestination. Ah 1
Jpomme le bon gros Pedro l'eût accablé
lie reproches d'idéalisme tj4 .~,
t L'impression produite sur l'interne par
Mlle Barral gavait pas échappé d'ailleurs
- - ,Yçjr le du 5,9 iuia au 2ainulae.
aux externes soumis à Vilandry et aux
camarades de la salle de garde. Matin et
soir, aux repas, dans ce petit rez-de-chaus-
sée qu'une immense et haute baie, une
fenêtre monumentale, sans rideaux, éclai-
rait d'un jour crû, laissant voir les longs
bâtiments blancs de l'hôpital et les bran-
ches des arbres échevelés par le vent, ce
nom de Mlle Barrai revenait maintenant
dans la conversation, presque à tout pro-
pos; l'entrée quasi-romanesque de la jeune
fille à la Salpêtrière, ayant fait évé-
nement dans tout ce monde de doc-
teurs, d'étudiants, de filles de service et de
surveillantes.
Autour de la table, dans les causeries
rapides, lorsqu'un cas pressant, une opé-
ration longtemps attendue, un accès grave
ne devait pas couper court aux gais ba-
vardages, c'était, dans les repas arrosés
de vin clair, une continuelle biographie
de la nouvelle arrivée, des exclamations
sur sa beauté, des légendes sur sa vie, un
tas de raco-ntages incessants, tous à la
louange de cetteJeanne sacrifiant ainsi sa
jeunesse et s'emprisonnant, en tête à tête
avec des Ópileptiques- autant valait dire
des aliénés — dans le dortoir où reposait
sa mère.
Georges écoutait, parlait peu, mais bu-
vait, comme quelque chose de grisant,
ces éloges de bonne foi, élans de jeunesse,
parfois gouailleurs, toujours sincères, al-
lant vers la pauvre fille, volontairement
martyre, coiupae a^Unt jT ho mm âges et
de respeçUi *
— Et dites donc que nous ne savons
pas admirer la vertu? s'écriait gaiement
Pedro. J(e l'aime, platoniquement, c'est
vrai, mais je l'aime, parole d'honneur! et
quand je la rencontre, comme ça, ma foi,
j'y vais de mon coup de chapeau comme,
au théâtre, quelquefois, j'y vais de ma
larme !
— Toi, Pedro, tu pleures au théâtre !
- Parole 1 J'ai du cœur. Je suis très
tendre. Plus tendre que votre côtelette,
mère Girard ! dit le gros garçon en se tour-
nant vers la cuisinière de ce mess d'étu-
diants.
— Je n'étais pas dans la jambe de ce
mouton-là, répondit la vieille femme, qui
cherchait des tasses à café dans une sorte
de bahut accroché à la muraille.
Pedro se renversa sur sa chaise en écla-
tant de rire :
— Ah ! bravo I ah ! magnifique ! mère
Girard! La côtelette pousse dans la
cuisse du mouton ! Bravo ! premier prix
d'anatomie comparée, mère Girard ! Ah !
si j'osais, je vous embrasserais pour cette
découverte-là !
La bonne femme de cuisinière souriait
en haussant les épaules et répondait sur
un ton maternel :
— Ah ! grand fou de Pedro, allez! -
Et Pédro, à qui il fallait si peu de
chose pour rire, s'amusait comme un gros
enfant de cette côtelette si étrangement
placée/.*-,*
Vilandry n'était point là. Une de ses
malades venait d'être prise; d'une atta-
que. Il la soignait. Le dîner finissait dans
le tapage des causeries générales. Pedro,
arrivé en retard, mangeait vite, tout en
s'amusant, pour rattraper les camarades.
Le petit Finet bourrait une énorme pipe
d'écume de mer, plus grosse que son
poing.
Il y avait à ses côtes un grand jeune
homme mince, grêle, imberbe, avec un
pince-nez sur les yeux, qui, de temps à
autre , quand la, conversation devenait
trop gaie, semblait trop bizarre, regardait
par la fenêtre les bâtiments de l'hospice,'
et semblait se perdre dans une sorte de
mystique contemplation du ciel bleu,
devenu de minute en minute un peu plus
gris sous le crépuscule.
L'œil profond, clair et grand ouvert, de
ce jeune homme maigM avait comme une
flâmme maladive d'une expression fié-
vreuse, tout à fait étrange.
A sa droite se trouvait placé Mongobert
qui, pour voisin, avait un homme d'une
trentaine d'années, blond, avec une barbe
longue lui tombant sur la poitrine, joli
garçon au type slave, le nez court, les
cheveux rares, jetant autour de lui des
regards très' vifs, curieux, qui interro-
geaient et pensaient.
Mongobert avait tout à l'heure, en le
présentant à la table des internes, expli-
qué en deux motsîcgmment M. Serge
Platoff, sculpteur tlft'sè; se trouverait par-
fois, le convive des habitués de là salle de
garde. Un amj. de Mongqbjïtrvieux ca*
marada t
faisait de l'art industriel, des figurines
pour pendules, des groupes de bronze
pour le commerce, — on fait ce qu'on
peut, disait Mongobert, qui n'avait pas
de préjugés — recommandait tout spé-
cialement à son ancien compagnon M.
Plàtoff, venu à Paris pour se perfec-
tionner dans l'étude stricte de la na-
ture. Il y, avait, dans la sculpture telle
que la pratiquaient les maîtres à Péters-
bourg'ou à Moscou, trop de sentimentalis-
me et d'idéalisme au gré de Serge.
Les sculpteurs moscovites rêvaient et
cherchaient en art le mouvement , le
drame, l'expression du visage. « Eh ! bien,
disait Platoff, le marbre et le bronze ne
sont pas faits pour. cela. » Il sentait bien
que la sculpture, c'était le calme, la ligne,
le repos. Il voulait se débarrasser, comme
d'un fardeau, de tout l'enseignement reçu
là-bas et chercher, dans un pays nouveau,
une inspiration qui ne fût ni la roideur hé-
raldique des figures byzantines ni le tortillé
et le factice des statues russes modernes.
— J'ai besoin de vérité, disait Platoff,
j'en ai soif!
Il allait donc droit à la vérité sinistre, à
l'écorché, au cadavre, et portait à Mon-
gobert, préparateur de pièces anatomi-
ques et sculpteur en cire, la lettre de re-
commandation reçue à Pétersbourg. A la
Salpêtrière, Mongobert avait une sorte
d'atelier-à lui, atelier bizarre sentant
l'amphitheâtre- et le musée de médecine,
où des débris humains traînaient à côté
de têtes de irimifî§ls, moulées sur,
après l'échafaud, — rez-de-chaussée sin<
gulier où des copies de la Vénus de Mila!
et des Captifs de Michel-Ange faisaient1
comme des antithèses consolantes aurl
difformités atroces que le mouleur con*
servait ou modelait pour les vitrines deJ
l'hôpital; — et la première chose qUEl¡¡
Serge Platoff apercevait en pénétrant dans
cette sallepleine d'une fade odeur com-
battue par l'alcool où trempaient des pièces~
anatomiques, c'était un vieux carré de pa-:
pier jaune, portant d'immenses lettres'
imprimées, une affiche de théâtre de !Jro-;
vince où il était dit, en grosses capitales :1
A dix heures et demie, dans l'acte du bal )
DU
CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE
M. Mongobert, photo-sculpteur, modèlera ea
sept minutes, sous les yeux du public, an-
grand médaillon, homme célèbre, allégorie,!
se'ne moderne ou mythologique, au choïx<
des spectateurs. — Les emblèmes politiquelif:
sont interdits. — Ressemblance garantie.
Et, comme après avoir lu, le sculpteur
russe paraissait étonné :
— Oui,--lui avait répondu Mongobertii
C'est un souvenir de mes bonnes années.
Je n'ai pas toujours eu un poste officiel I
— Je vous en félicite, répliquait Sergo
d'un ton bref, avec cètte fivacité autori-1
taire des Rivées. On n'est quelqu'un -où j
quelque chose — qu'à la condition d'avoir j
été tout pour pssayer d'avoir tout vu* •
r- {: JULES C.LARETIS. T
y#*3* -
(A suivre.)'
:"— - 11 1 ■ ■ i
ADMINISTRATION
13, HUE DE VALOIS, 1$
1 -
- 1
ABONNEMENTS
PARIS '-
Trois mois 10 »
Six mois 20 ))
DEPAFvTEÎtIÉNTS
Trois mois 13 50
Six m ois 22 »
Adresser Ici très et ma~~U'
A M. ERNEST I/&ÈVRE
/J)ïiimSTF,AIErR j £ ^àKW 1)
.Mt~
REDACTION
S'abesser au Secrétaire de la Rédaction. !
De 4 à 6 heures du soir
18, RUE DE VALOIS, 13
Les manuscrits jiob. insères ne seroutp as rendus
ANNONCES -
SIM. Ch. IAGRAN&E, CERF et Ce
6, place de la Bourse, 6
LE PAPE ET LE ROI
Qui est-ce qui avait accusé le Vati-
can de duplicité? Mais c'était le gou-
vernement belge! Un gouvernement
monarchique? Oui, un gouvernement
monarchique. Le gouvernement fran-
çais, qui est un gouvernement républi-
cain, s'attaque aux jésuites, et les: mo-
narchistes s'indignent, crient à la pro-
fanation et à l'impiété, déclarent que
'c'est le cataclysme des abominations.
Ali! ce n'est pas un gouvernement mo-
narchique qui commettrait une chose
pareille ! En effet, les gouvernements
monarchiques ne s'attaquent pas aux
'jésuites, — ils s'attaquent au pape.
Donc, le gouvernement d'un roi
avait dit au pape : — Souverain Pon-
tife, tu es double. — Tu mens! avait
répondu le pape au roi par le Mémo-
randum de sa secrétairerie d'Etat. -
,C'est vrai, réplique aujourd'hui le roi
par une circulaire du chef de son cabi-
net; c'est vrai, Souverain Pontife, tu
n'es pas double, tu es triple.
« Le secrétaire d'Etat du Saint-Père,
dans le but de prouver que le saint-
iiège n'a jamais varié dans ses appré-
ciations sur la loi relative à l'enseigne-
ment primaire, publie trois fragments
de lettres adressées, à diverses épo-
ques, par Léon XIII, à Sa Majesté. Je
ne sais si des révélations de cette na-
ture sont capables de servir la cause
t du saint-siège. Elles tendent à montrer
qu'à côté de la correspondance diplo-
matique et de la correspondance ecclé-
siastique, on avait conçu l'idée d'une
troisième, se réservant de l'utiliser,
selon les circonstances. »
Je n'offenserai pas Léon XIII en lui
disant que je le trouve supérieur à
maître Jacques. — « Est-ce à votre
cocher, monsieur, ou à votre cuisinier,
que vous voulez parler; car je suis l'un
et l'autre? » demande maître Jacques
à Harpagon. — C'est à tous les deux.
— Mais à qui des deux le premier ? —
'Au cuisinier. — Attendez donc, s'il
vous plaît. (Il ôte sa casaque de cocher
et paraît vêtu en cuisinier.) » Maître
Jacques n'a que deux costumes, le
Saint-Père a trois correspondances. -
Les Belges s'en étonnent. On n'est
pas plus Belge. Est-ce qu'en étant
triple, Léon XIII ne se conforme pas
au principe même de sa religion? Le
dogme fondamental du catholicisme
n'est-il pas : trois personnes en une?
Ce que dénonce avec colère la presse
libérale de nos voisins n'est pas autre
chose que la trinité.
Supposons que le gouvernement de
la République qualifie publiquement
lie « déloyauté » et de «malhonnête-
té » la conduite du cardinal secrétaire
d'Etat du saint-siége; supposons que
)e gouvernement de la République dé-
clare tout haut « que le nonce, contrai-
Ipement aux devoirs élémentaires de sa
charge et aux plus simples principes
du droit des gens, collaborait à des
manifestations politiques contenant des
attaques directes contre le gouverne-
ment près duquel il était accrédité,
fait qui, suivant les traditions diploma-
.«w. - - -.
Vtiques les plus certaines, aurait
1 autorisé à lui enjoindre de quitter
immédiatement le pays » ; supposons
leJlle le gouvernement de la République
accuse de mensonge et de trahison,
non-seulement le nonce du pape, mais
le pape lui-même, qu'il écrive que « des
lettres établissent à toute évidence que
le pape approuvait et louait, mais dans
le secret le plus absolu, les mesures
qu'il déclarait au gouvernement ne pas
connaître et n'avoir pu prévenir », —
à quelle fureur, à quelle épilepsie, à
quelle insurrection de gdupillons la
France assisterait !
Ce n'est pas la République qui crache
cela à la figure de la papauté, c'est
la monarchie. Mais hurlez donc, mo-
narchistes !
C'est une erreur de croire que les
loups ne se mangent pas entre eux,
puisque Napoléon et Pie VII se sont
entremangés, et que voici un Léopold
et un Léon qui causent à coups de grif-
fes et de dents. Les rois nous étant
presque aussi chers que les papes,
nous ne serions d'aucun côté, si le duel
était vraiment entre le pape et le roi,
mais la réalité est qu'il est entre l'es-
prit théocratique et l'esprit humain.
Ce que le gouvernement belge per-
sonnifie dans la lutte qu'il soutient
bravement, c'est la liberté de cons-
cience, d'est le droit de ne croire que
ce qu'on croit, c'est l'indépendance de
la pensée. Les monarchistes cléricaux
esssayent quelquefois de prétendre que
nous calomnions le catholicisme on
disant qu'il est la négation de tout
cela. Malheureusement pour eux, ce
n'est pas le Rappel qui le dit, c'est le
Syllabus. C'est le premier ministre du
pape qui le répète : « Il y avait une
folle illusion à nourrir la confiance que
le Pontife régnant en viendrait à se
rapprocher de certaines théories erro-
nées professées par quelques Etats
modernes. » Ainsi, l'on est prévenu :
entre le droit moderne et le pape. il
faut choisir. La Belgique a choisi. Elle
a rompu avec le Vatican. La Belgique
nous a souvent plagiés; mais cette
fois-ci, c'est elle qu'on plagiera.
: AUGUSTE VACQUERIS.
————————— Go
LA OUESTJON SOCIALE
On sait que pendant toute cette se-
maine se tient à Paris un congrès ré-
gional d'ouvriers.
La presse républicaine n'en parle que
discrètement; sauf deux ou trois petits
journaux qui paraissent accepter les
doctrines de la majorité du congrès,
les autres enregistrent sans commen-
taires les protestations contre ces doc-
trines ou se bornent à exprimer du
dédain contre les « insanités » qui s'y
débitent, et presque tous laissent par-
faitement deviner le déplaisir que leur
causent ces débats, qui offrent en
abondance des arguments aux feuilles
réactionnaires. Celles-ci , en effet, peu-
vent faire dans le compte rendu des
opinions qui se publient au congrès
une ample moisson de propositions au
moins audacieuses, avec lesquelles
elles croiront pouvoir jeter l'épouvante
dans les esprits en s'évertuant à dé-
montrer que la société,est sur un im-
iinense .volcan tout prêt à l'abîmer.
Mais lors même que la/presse répu-
blicaine voudrait faire le silence sur ce
qui se dit au congrès des ouvriers, les
journaux de la réaction n'en feraient
pas moins leur profit, et d'autant mieux
que nous paraîtrions plus embarrassés
de ce qui se passe.
Donc, parlons-en ouvertement.
L'assemblée des délégués se qualifie
de « congrès régional d'ouvriers révo-
lutionnaires collectivistes ». La quali-
fication est un peu longue, mais elle
n'en est que plus significative.
Naturellement, la réunion se com-
pose d'une majorité et d'une minorité.
Celle-ci, qui compte fort peu de voix
de moins que l'autre, n'accepte pas ie
programme de la majorité, et, sans
qu'elle ait pu se prononcer formelle-
ment, on peut supposer qu'elle se ral-
lierait volontiers à celui qui a été for-
mulé par le délégué des ouvriers du
Havre et a été reproduit avec satis-
faction par beaucoup de journaux ré-
publicains.
Le progranime exposé par le délé-
gué du Havre est absolument exempt
de propositions révolutionnaires. If
exprime le ferme espoir que l'évolu-
tion ascendante du prolétariat actuel
se fera parfaitement à la faveur des
institutions républicaines.
Je ne m'arrêterai pas à ce program-
me, parce qu'il est dans la pensée, dans
les vœux, dans les revendications de
tous les vrais républicains, c'est-à-dire
de tous ct ux qui considèrent la Répu-
blique comme le moyen et non comme
la - fin du progrès social.
Tout autre est celui de la majorité.
Elle est carrément révolutionnaire, et
elle est révolutionnaire parce qu'elle
comprend bien que son idéal n'est réa-
lisable - s'il est réalisable ! — que par
la force. Son: idéal, c'est une société
fondée sur le principe du collectivisme,
c'est-à-dire de la communauté frac-
tionnée. Le collectivisme, qui est d'o-
rigine russe, et dont j'ai entendu faire
la théorie à Berne par son importa-
teur, le fameux Bakounine, se distin-
gue du communisme de Babeuf et de
Buonarrotti en ce sens que celui-ci est
unitaire et l'autre fédéraliste. Mais
dans les deux cas, la propriété person-
nelle disparaît absolument. Dans l'une
comme dans l'autre conception, tout
est à tous, et rien n'est à personne.
C'est un moyen radical, on en con-
viendra, de résoudre la question du
prolétariat, qui est la question même
de l'égalité.
Ou pouvait espérer, et j'espérais fort
pour mon compte, qu'après les longues
discussions qui ont eu lieu sur ce su-
jet de 1834 à 1850, et l'insuccès écla-
tant des expériences faites, l'idée
communiste était à jamais enterrée.
Mais elle s'est reproduite dans les réu-
nions publiques des deux dernières
années de l'empire, et elle s'affirme
plus que jamais aujourd'hui sous le
nom de collectivisme.
Puisqu'elle devait renaître sous cette
forme et ce nom nouveau, mieux vaut
qu'elle s'affirme au grand jour que de
se propager comme autrefois dans
l'ombre des sociétés secrètes.
D'ailleurs, je ne me sens scandalisé
par rien de ce qui s'est dit au congrès
pour justifier la théorie collectiviste,
d'abord parce que je suis partisan ré-
solu de la liberté des opinions, ensuite
parce que les collectivisiesve.ti "s sent-ils
un jour la faculté de tenter un coup de
Íorce- ce que je ne crois pas du tout-
rencontreraient, Je moment d'aprè?, de
si invincibles résistances, de si formi-
dables colères, qu'ils ne tarderaient
pas à être écrasés.
On fait les coups d'Etat de Brumaire
et de Décembre et on parvient à s'im-
poser à toute une nation, parce qu'on
n'absorbe en définitive que l'action
politique, et que l'état économique des
personnes n'est pas sensiblement at-
teint. On enlève, par une révolution
soudaine, la souveraineté exercée par
une dynastie pour la reporter au peu-
ple tout entier; mais là encore, le foyer
domestique demeure ce qu'il était ; il
est même mieux protégé par do libres
institutions que par le gouvernement
personnel.
Notre grande Révolution a pu modi-
fier profondément les conditions poli-
tiques, morales, économiques de la so-
ciété .française; mais tout ce qu'elle a
fait se traduisait ou se serait traduit
bientôt en accroissement de liberté
Il ,
personnelle, en augmentation de ga-
ftÉflties pour lo - propre de chacun et
pour le foyer familial. Elle n'aurait été
qu'un misérable avortement si elle
avait voulu faire le contraire.
La révolution collectiviste annoncée
si bruyamment n'aura pas même de
commencement, et conséquemment
n'avortera pas.
Ce n'est l pas une raison cependant
pour laisser dire sans contredire. Il y
a beaucoup de hravès gens, de dévoués
citoyens qui ont pu être séduits ou
pourraient être séduits par le système
en question, et sur l'esprit desquels il
faut agir. Je sais, par expérience, com-
bien il est difficile d'entamer des con-
victions flatteuses, et celles dont je
parle peuvent être flatteuses pour bien
des travailleurs; mais le difficile n'est
pas l'impossible, et la presse démo-
cratique doit faire de son mieux pour
que d'honnêtes gens ne s'égarent pas
à la poursuite de biens chimériques.
Sans compter que cette recherche peut
susciter de graves embarras à la Répu-
blique.
Et ,. ce que je demande aux autres
organes de l'opinion démocratique, je
me suis imposé le devoir de le faire
dansle Rappel. J'examinerai le collec- >
tivisme dans un très prochain article.
A. CORBON.
c- —————————
LA QUESTION GRECQUE
Nous entendons beaucoup dire que
les puissances se sont mises d'accord,
à Berlin, au sujet des affaires de la
Grèce, qui sont aussi un peu les af-
faires de la Turquie. Si cet accord était
réel et complet, on pourrait tenir la
question pour résolue, car, si mal
conseillé qu'on le suppose, le gouver-
nement de Constantinople n'entrepren-
drait pas sérieusement de lutter contre
l'Europe entière. Mais plus d'un indice
nous laisse des doutes sur la solidité
de l'entente. Nous croyons surtout
qu'on s'est médiocrement préoccupé
des moyens à mettre en œuvre, au cas
d'une action collective, si tant est que
cette action même ait été prévue for-
mellement,
r C'est ainsi que la presse anglaise in-
terprète les résolutions de la diploma-
tie, et c'est pour cela qu'elle incline à
ne pas regarder comme, décisif l'envoi
de la note commune à Constantinople
et à Athènes. Les Turcs trouveront des
prétextes pour gagner du temps et,
s ils viennent à lasser les puissances
signataires de la note, - celles-ci devront
s'entendre à nouveau pour l'exécution.
On n'en est pas encore là, et par con-
séquent rien n'est ni ne peut être en-
gagé.
! A la bonne héure. Car, tandis qu'on
parle assez complaisamment de l'ac-
tion commune des puissances, on voit
apparaître les premiers linéaments
d'une action quelque peu isolée, si
même elle n'est point en opposition
directe avec celle des autres signataires
de la note de Berlin. Des fonction-
naires, des officiers allemands vien-
nent d'arriver à Constantinople. Inter-
rogé, à la Chambre des lords, sur
cette bizarre coïncidence qui fournit
des instructeurs à la Porte, au mo-
ment où on lui demande de céder à
une pression diplomatique, lord Gran-
ville a répondu qu'il était informé de-
puis quelques mois du départ de ces
officiers. C'est une habitude ancienne
du gouvernement allemand. - Il - est vrai
qu'en général ces' missions étaient vo-
lontaires et que celle-ci semble avoir
été imposée à ceux qui en font partie.
Néanmoins lord Granville : croit qu'il
ne faut pas attacher trop d'importance
à cet incident, et qu'il a reçu, à cet
ég-ard, de bonnes assurances de l'Alle-
magne.
Nous ne demandons pas mieux que
d'en croire le ministre anglais. Mais si
la résolution prise par le cabinet de
Berlin n'a rien de menaçant, il paraît
du moins qu'elle était imprévue et
qu'elle ne faisait nullement partie du
programme de la Conférence. Il n'en
faut pas davantage pour nous montrer
que nous n'en sommes pas encore à
cette entente complète dont on avait
d'abord célébré les vertus. Il y a, pour
le ..moment, une certaine unité d'inten-
tion entre diverses puissances qui s'ac-
cordent à déclarer telle ou telle solution
désirable; mais rien de plus, etla liberté
du chacun reste entière. Nous voulons
croire que la nôtre est aussi entière
que celle de personne et que ceux qui
nous gouvernent n'ont pas la coupable
pensée de l'engager inconsidérément.
Nous ne sommes assurément pas de
ceux qui croient que le système de
l'effacement absolu soit, comme il y a
quelques années, le seul qui nous con-
vienne. Cette attitude qui nous a été
longtemps commandée parla prudence
risquerait, si nous y persistions sans
nécessité, d'apprendre à tout le monde
à ne plus compter avec nous ni sur
nous. La défiance exagérée que nous
garderions de nous-mêmes ajouterait
singulièrement à la confiance des au-
tres, et le premier résultat de cette
réserve indéfiniment prolongée serait
pour la France un affaiblissement re-
latif. * ,
On va donc beaucoup trop loin, on
ne rend pas justice à ce qui s'est fait
lorsque, pour bien des années encore,
on proclame notre impuissance. Mais
si ces appréciations timorées sont plei-
nes d'inconvénients, il serait plus dan-
gereux encore de nous jeter dans la
moindre aventure et de rentrer, à la
légère, dans des combinaisons politi-
ques au bout desquelles pourrait se
trouver un conflit.
Il ne s'agit pas ici de la crainte d'un
insuccès, puisque, dans les conditions
où une action serait à prévoir, l'insuc-
cès serait invraisemblable. Mais outre
qu'il y aurait plus d'un inconvénient à
faire reparaître nos soldats sur les(
champs de bataille en proportions mii
nuscules et à engager les nouveaux
drapeaux de la France dans une affaire^
quelque peu mesquine, il serait afê
surefc), il serait impossible d'entijprj
dans un pareil engrenage avant dfel
savoir, de la façon la plus certaine, qui'1
serait à côté de nous, derrière nous et1
devant nous.
A. GAULIER.
i I —————————
COULISSES DES CHAMBRES
Nous continuons à enregistrer les di*
verses particularités de la lutte électorale
engagée sur tout le territoire pour le renou.
vellement des conseils généraux. Nous
nous bornons aux particularités curieuses;1
ne pouvant et ne voulant reproduire la
liste infinie' des candidatures dans 4,45(X
cantons qui, prennent part à la lutte.
Nous avons indiqué le double mouve-
ment en vertu duquel certains membre^'
des Chambres déclinent la candidature au
conseil général pour ne pas continuer àj
cumuler deux mandats, tandis que d'au-
tres, obéissant à des considérations dft
tactique électorale, acceptent la candida-
ture pour des conseils généraux dont ils
ne faisaient pas partie jusqu'ici.
Nous pouvons donner la liste exacts'
des membres se trouvant dans chacun de
ces cas.
Voici d'abord la liste des députés qui;'
membres sortants des conseils généraux,-
renoncent à solliciter le renouvellement
de leur mandat :
Anthoard (Isère), républicain.
Beauquier (Doubs), républicain.
Dautresme (Seine-Inférieure), républi-
cain.
Devès (Hérault), républicain.
Escarguel (Pyrénées-Orientales), répu-
blicain..
De Feltre (Côtes-du-Nord), bonapar-
tiste.
Guillemin (Nord), républicain.
Jérôme David (Gironde), bonapartiste., «
Peulevey (Seine-Inférieure) , républi<-
cain.
Raynal (Gironde), républicain.
Rougé (Aude), républicain.
Varambon (Rhône), républicain;
Voici maintenant la liste des sénateurs
se trouvant dans le même cas, c'est-à-
dire renonçant à leur mandat de conseil-'
1er général : ,. ,
Boffinlon (Charente-Inférieure), bona*
partiste.
Fourcand (Gironde), républicain.
Laget (Gard), républicain.
Lelièvre (Alger), républicain.
Martel (Pas-de-Calais), républicain.
Massé (Nièvre), républicain.
Roques (Lot), républicain..
Vallier (ilhône), républicain.
Nous passons maintenant à la catégorie
des membres des Chambres qui n'ayant
pas fait partie jusqu'ici des conseils géné-t,
néraux, viennent d'accepter la candidat
ture pour les assemblées département
tales. Voici la liste des députés dans ce
cas:
Baïhaut (Haute-Saône), républicain.
Belon (Lozère), républicain.
Bizot de Fonteny (Haute-Marne), répu{
blicain.
Bianchi (Orne), bonapartiste.
Bosc (Gard), républicain.
Général Ae Chanal (Corrèze), républi-
cain.
Constans (Haute-Garonne), républicaine;
Deluns-Montaud (Lot-et-Garonne), ré-
publicain. -
Fouquet (Aisne), républicain.
Hugot (Côte-d'Or), républicain.
Labuze (Haute-Vienne), républicain.
Lecomte (Mayenne), républicain.
Levert (Pas-de-Calais), bonapartiste.
Noirot (Haute-Saône), bonapartiste.
Roger (Dordogne), bonapartiste.
Vacher (Corrèze), bonapartiste.
Voici maintenant la liste des sénateurs
se trouvant dans le même cas :
Adnet (Hautes-Pyrénées), monarchiste.
Demôle, (Saône-et-Loire), républicaine
Feuilleton du RAPPEL
DU 24 JUILLET -:¡;;\
E~.————.. ! —————-——————-—
i6 /"-
LES AMOURS
D'UNI INTERNE
'du*1 :
JL
eê tae
'(Suite)
Vilandry nèîâlt rien moins que su-
perstitieux, son métier lui ayant appris à
ie se payer que de réalité ; mais il en ve-
nait à se demander si le sort ne voulait
'.Pas le rapprocher de cette femme, et il se
plaisait à cette idée de prédestination. Ah 1
Jpomme le bon gros Pedro l'eût accablé
lie reproches d'idéalisme tj4 .~,
t L'impression produite sur l'interne par
Mlle Barral gavait pas échappé d'ailleurs
- - ,Yçjr le du 5,9 iuia au 2ainulae.
aux externes soumis à Vilandry et aux
camarades de la salle de garde. Matin et
soir, aux repas, dans ce petit rez-de-chaus-
sée qu'une immense et haute baie, une
fenêtre monumentale, sans rideaux, éclai-
rait d'un jour crû, laissant voir les longs
bâtiments blancs de l'hôpital et les bran-
ches des arbres échevelés par le vent, ce
nom de Mlle Barrai revenait maintenant
dans la conversation, presque à tout pro-
pos; l'entrée quasi-romanesque de la jeune
fille à la Salpêtrière, ayant fait évé-
nement dans tout ce monde de doc-
teurs, d'étudiants, de filles de service et de
surveillantes.
Autour de la table, dans les causeries
rapides, lorsqu'un cas pressant, une opé-
ration longtemps attendue, un accès grave
ne devait pas couper court aux gais ba-
vardages, c'était, dans les repas arrosés
de vin clair, une continuelle biographie
de la nouvelle arrivée, des exclamations
sur sa beauté, des légendes sur sa vie, un
tas de raco-ntages incessants, tous à la
louange de cetteJeanne sacrifiant ainsi sa
jeunesse et s'emprisonnant, en tête à tête
avec des Ópileptiques- autant valait dire
des aliénés — dans le dortoir où reposait
sa mère.
Georges écoutait, parlait peu, mais bu-
vait, comme quelque chose de grisant,
ces éloges de bonne foi, élans de jeunesse,
parfois gouailleurs, toujours sincères, al-
lant vers la pauvre fille, volontairement
martyre, coiupae a^Unt jT ho mm âges et
de respeçUi *
— Et dites donc que nous ne savons
pas admirer la vertu? s'écriait gaiement
Pedro. J(e l'aime, platoniquement, c'est
vrai, mais je l'aime, parole d'honneur! et
quand je la rencontre, comme ça, ma foi,
j'y vais de mon coup de chapeau comme,
au théâtre, quelquefois, j'y vais de ma
larme !
— Toi, Pedro, tu pleures au théâtre !
- Parole 1 J'ai du cœur. Je suis très
tendre. Plus tendre que votre côtelette,
mère Girard ! dit le gros garçon en se tour-
nant vers la cuisinière de ce mess d'étu-
diants.
— Je n'étais pas dans la jambe de ce
mouton-là, répondit la vieille femme, qui
cherchait des tasses à café dans une sorte
de bahut accroché à la muraille.
Pedro se renversa sur sa chaise en écla-
tant de rire :
— Ah ! bravo I ah ! magnifique ! mère
Girard! La côtelette pousse dans la
cuisse du mouton ! Bravo ! premier prix
d'anatomie comparée, mère Girard ! Ah !
si j'osais, je vous embrasserais pour cette
découverte-là !
La bonne femme de cuisinière souriait
en haussant les épaules et répondait sur
un ton maternel :
— Ah ! grand fou de Pedro, allez! -
Et Pédro, à qui il fallait si peu de
chose pour rire, s'amusait comme un gros
enfant de cette côtelette si étrangement
placée/.*-,*
Vilandry n'était point là. Une de ses
malades venait d'être prise; d'une atta-
que. Il la soignait. Le dîner finissait dans
le tapage des causeries générales. Pedro,
arrivé en retard, mangeait vite, tout en
s'amusant, pour rattraper les camarades.
Le petit Finet bourrait une énorme pipe
d'écume de mer, plus grosse que son
poing.
Il y avait à ses côtes un grand jeune
homme mince, grêle, imberbe, avec un
pince-nez sur les yeux, qui, de temps à
autre , quand la, conversation devenait
trop gaie, semblait trop bizarre, regardait
par la fenêtre les bâtiments de l'hospice,'
et semblait se perdre dans une sorte de
mystique contemplation du ciel bleu,
devenu de minute en minute un peu plus
gris sous le crépuscule.
L'œil profond, clair et grand ouvert, de
ce jeune homme maigM avait comme une
flâmme maladive d'une expression fié-
vreuse, tout à fait étrange.
A sa droite se trouvait placé Mongobert
qui, pour voisin, avait un homme d'une
trentaine d'années, blond, avec une barbe
longue lui tombant sur la poitrine, joli
garçon au type slave, le nez court, les
cheveux rares, jetant autour de lui des
regards très' vifs, curieux, qui interro-
geaient et pensaient.
Mongobert avait tout à l'heure, en le
présentant à la table des internes, expli-
qué en deux motsîcgmment M. Serge
Platoff, sculpteur tlft'sè; se trouverait par-
fois, le convive des habitués de là salle de
garde. Un amj. de Mongqbjïtrvieux ca*
marada t
faisait de l'art industriel, des figurines
pour pendules, des groupes de bronze
pour le commerce, — on fait ce qu'on
peut, disait Mongobert, qui n'avait pas
de préjugés — recommandait tout spé-
cialement à son ancien compagnon M.
Plàtoff, venu à Paris pour se perfec-
tionner dans l'étude stricte de la na-
ture. Il y, avait, dans la sculpture telle
que la pratiquaient les maîtres à Péters-
bourg'ou à Moscou, trop de sentimentalis-
me et d'idéalisme au gré de Serge.
Les sculpteurs moscovites rêvaient et
cherchaient en art le mouvement , le
drame, l'expression du visage. « Eh ! bien,
disait Platoff, le marbre et le bronze ne
sont pas faits pour. cela. » Il sentait bien
que la sculpture, c'était le calme, la ligne,
le repos. Il voulait se débarrasser, comme
d'un fardeau, de tout l'enseignement reçu
là-bas et chercher, dans un pays nouveau,
une inspiration qui ne fût ni la roideur hé-
raldique des figures byzantines ni le tortillé
et le factice des statues russes modernes.
— J'ai besoin de vérité, disait Platoff,
j'en ai soif!
Il allait donc droit à la vérité sinistre, à
l'écorché, au cadavre, et portait à Mon-
gobert, préparateur de pièces anatomi-
ques et sculpteur en cire, la lettre de re-
commandation reçue à Pétersbourg. A la
Salpêtrière, Mongobert avait une sorte
d'atelier-à lui, atelier bizarre sentant
l'amphitheâtre- et le musée de médecine,
où des débris humains traînaient à côté
de têtes de irimifî§ls, moulées sur,
après l'échafaud, — rez-de-chaussée sin<
gulier où des copies de la Vénus de Mila!
et des Captifs de Michel-Ange faisaient1
comme des antithèses consolantes aurl
difformités atroces que le mouleur con*
servait ou modelait pour les vitrines deJ
l'hôpital; — et la première chose qUEl¡¡
Serge Platoff apercevait en pénétrant dans
cette sallepleine d'une fade odeur com-
battue par l'alcool où trempaient des pièces~
anatomiques, c'était un vieux carré de pa-:
pier jaune, portant d'immenses lettres'
imprimées, une affiche de théâtre de !Jro-;
vince où il était dit, en grosses capitales :1
A dix heures et demie, dans l'acte du bal )
DU
CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE
M. Mongobert, photo-sculpteur, modèlera ea
sept minutes, sous les yeux du public, an-
grand médaillon, homme célèbre, allégorie,!
se'ne moderne ou mythologique, au choïx<
des spectateurs. — Les emblèmes politiquelif:
sont interdits. — Ressemblance garantie.
Et, comme après avoir lu, le sculpteur
russe paraissait étonné :
— Oui,--lui avait répondu Mongobertii
C'est un souvenir de mes bonnes années.
Je n'ai pas toujours eu un poste officiel I
— Je vous en félicite, répliquait Sergo
d'un ton bref, avec cètte fivacité autori-1
taire des Rivées. On n'est quelqu'un -où j
quelque chose — qu'à la condition d'avoir j
été tout pour pssayer d'avoir tout vu* •
r- {: JULES C.LARETIS. T
y#*3* -
(A suivre.)'
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