Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1880-07-20
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 juillet 1880 20 juillet 1880
Description : 1880/07/20 (N3784). 1880/07/20 (N3784).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7532186x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/08/2012
Ne 3784 — Mardi 20 Juillet 1809 lté imïftéro « £ Oo. a- Hêttartémeïitg 1 c. 2 Thermidor an 88 - N° 3784
ADMINISTRATION -,
18, IUIE DE VALOIS, 18* r
AB ORNEMENTS
PAMS
Trois mois. 10 »
Six mois 20 »
DÉP%Rltlows
Trois mois. 435^
Six mois 2X
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A&esser lettres et maifôàîs'
A M. ERNEST LEÏEVTO
1, --
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LE TF| U A PDF T
RAPPEL
REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
: De 4 à 6 heures du soir
/",' 18, RUE J_OY8, 18
Les manuscrits non insérés ne seront
ANNONCES
"h. Ch. LAGRANGE, CERF et ce
6, place de la Bourse, 6 ,
LA REACTION ET LARME
Ils sont passés les temps où, comme
jLouis XIV avait dit : L'Etat, c'est moi !
les réactionnaires disaient : L'armée,
c'est nous! Ils sont passés les temps
où le mot le plus fréquent dont les
réactionnaires injuriaient les républi-
cains était : On insulte l'armée ! L'ar-
mée, voici comment les réactionnaires
ne l'insultent pas.
L'Univers reproduit un certain nom-
bre d'articles de journaux réactionnai-
res de province racontant la fête du 14
dans leurs villes respectives. J'extrais
de ces articles les passages suivants :
Tours : —«Une chose a péniblement
impressionné les honnêtes gens ; c'est
la détestable conduite d'un certain
nombre de soldats. Nous avons vu une
bande de chasseurs à pied parcourir
une rue en braillant la Marseillaise et
îe Ça Ù'a! et, à la retraite, des fantas-
sins bras dessus bras dessous avec de
misérables individus beuglant tous en
chœur. »
Rennes : - « A chaque instant, on
tëtait coudoyé par des bandes de mili-
taires ivres, des artilleurs surtout, le
schako de travers, quelquefois le haut de
la tunique ou du dolman déboutonné,
décrivant des zigzags et hurlant. Cette
tenue scandaleuse de soldats apparte-
nant à l'armée française. »
Clermont : — « Une bande de voyous
et d'artilleurs se précipite. »
Toulouse : — « Les pseudo-soldats
de l'intendance ont été les premiers à
donner le signal du désordre. Nous
avons été témoin d'un scandale que
nous ne voulons pas laisser passer sans
le flétrir. Une centaine de soldats ap.
partenant à la 17° compagnie des
ouvriers d'administration sont arrivés
sur la place du Capitole. Après avoir
hurlé la Marseillaise ces riz-pain-sel
se sont mis à parcourir les principaux
quartiers de la ville en soulevant de
tous côtés le mépris et le dégoùt des
honnêtes gens. Tout à coup on entend
des cris déchirants et on voit s'avancer
une douzaine de soldats à moitié ivres
traînant une femme par les cheveux.
Mme Brun s'élance courageusement au
secours de la malheureuse victime, et,
en voulant l'arracher aux violences des
soldats, reçoit elle-même un coup de
pied dans le ventre. M. Brun arrive à
son tour pour essayer de mettre fin à
cette scène révoltante. Les soldats se
précipitent sur M. Brun, et la police
arrive à temps pour L'empêcher d'être
écharpé par cette bande de bêles fu-
rieuses. »
Avignon : - « Une foule stupide et
avinée s'est portée devant l'hôtel de la
préfecture. » Le préfet « a daigné paraî-
tre à son balcon et a prononcé un bo-
niment patriotique en faveur de la
France et de la République, auquel la
foule, de plus en plus bête et inso-
Îente, a répliqué par les cris de : Vive
9, République! A bas les jésuites ! »
pomprend-on la bêtise et l'insolence
d'une foule qui fait écho à un éloge de
v -
i 4 ,
la France ! « Naturellement les soldats,
des pontonniers surtout, doini naient
parmi cette foule recrutée dans les bas-
fonds de la société ». Les soldats ne se
sont pas contentés de dominer parmi
la foule stupide et avinée et de pous-
ser ces cris montrueux de : Vive la
France ! et : Vive la République ! « Les
militaires de la garnison ont rem-
pli les bals publics et hurlé toute la
nuit la Marseillaise, en compagnie des
voyous de la ville et des radicaux du
voisinage. » Et, comme prélude à ce
« bal envahi par la voyoucratie et la
troupe », les rues ont été en proie toute
la soirée à « des bandes d'énergumè-
nes composées en grande partie d'étran-
gers et, chose pénible à dire, de sol-
dats ».
Mais c'est surtout à Nîmes que se
sont manifestés dans toute leur beauté
le respect et l'amour des réactionnai-
res pour l'arméo. Des artilleurs qui
chantaient la Marseillaise ont été inj u-
riés et assaillis; il s'en est suivi une
rixe ; des pierres ont été lancées aux
artilleurs, dont un a dù être porté, tout
sanglant, à l'hôpital. Voici les excuses
que les journaux royalistes du lieu
adressent aux soldats : « Des artilleurs
avinés, le sabre traînant, chantaient
ou plutôt hurlaient, descendaient en
ville, par groupes de vingtà trente, dans
une tenue débraillée qui rappelait les
plus mauvais jours de l'émeute. Quel-
ques personnes veulent s'interposer,
faire des remontrances. Un des artilleurs
dégaine et, brandissant son sabre, se
met à la poursuite des femmes et en-
fants. L'un de ceux qui sont poursui-
vis lance une chaise dans les jambes de
l'agresseur. Alors toute la troupe dé-
gaine, et pistolet au poing se rue sur
la boutique d'un coiffeur située au coin
de la rue de la Vierge et de la rue d'A-
quitaine et brise tout ce qui tombe sous
sa main. Une femme, traquée par ces
furieux, se réfugie dans sa maison,
dont on enfonce la porte. A cette vue,
les quelques hommes qui se trou-
vaient en ce moment dans le quar-
tier s'assemblent et une grêle de
pierres tombe sur ces forcenés. L'un
d'eux est atteint d'une pierre qui
lui fracture les os du nez. Il est
transporté à la pharmacie Giral. » Ce
n'est pas seulement rue de la Vierge
que les artilleurs s'en donnent. Ils
prennent d'assaut le cercle Saint-Roch.
« Un vieillard et trois jeunes enfants
n'ont que le temps de se sauver par les
toits au moyen d'une échelle », sans
quoi ils étaient embrochés, rôtis et
mangés, car « c'est une véritable scène
de cannibales » qui allait avoir lieu.
L'autorité, prévenue, envoie quatre
hommes et un caporal; mais savez-
vous ce que font ce caporal et ses qua-
tre hommes? « ils fraternisent avec
leurs camarades de l'artillerie. » -
Ah! les honnêtes gens ne pourront
donc plus compter sur les caporaux !
Encouragés par cette fraternisation,
les artilleurs coupent la tête à un buste
du comte de Chambord, saccagent les
meubles et, « chose triste à dire, enlè-
vent une somme de trente francs ».
Les soldats français n'étaient encore
que des cannibales, maintenant les voilà
des voleurs.
Eh bien! vol, cannibalisme, voyou-
cratie, chanter la Marseillaise un jour
de fête nationale, recevoir une chaise
dans les jambes et une grêle de pierres
sur la tete, tout cela n'est pas le vrai
crime des soldats. Leur vrai crime, ce-
lui qui autorise les journaux réaction-
naires à les traiter de bandes de bêtes
furieuses lâchées à même les villes,
celui qu'en effet les honnêtes gens ne
pourront jamais leur pardonner, c'est
celui-ci : - « A Marseille, toute une
compagnie du 58° était de piquet à
l'état-major du 15e corps d'armée ; ces
soldats avaient placé à la fenêtre du
premier étage un grand écriteau, sur
lequel on lisait : Union du péuple et de
Varmée contre toute réaction. » Le peuple
et l'armée unis, que voulez-vous que
cette pauvre réaction devienne? Tout
le monde comprendra sa fureur contre
des soldats qui ne sont pas prêts à ver-
ser à flots le sang français pour qu'elle
y pêche une couronne.
AUGUSTE VACQUERIE.
mmrnrnmgmmmm i ———w
LIBERTÉ DE LA PRESSE
Un nouvel argument en faveur de la
liberté de la presse. L'Univers publie
ces derniers jours un dessin représen-
tant la tête de Foulon portée au bout
d'une pique. Oa poursuit Y Univers.
Pourquoi cela?
Si on n'avait pas poursuivi l'Univers
personne n'aurait su qu'il avait publié
un dessin; personne n'aurait su que
Y Univers de M. Veuillot était devenu
l'Univers illustré. Le numéro coupable
serait allé se perdre dans les sacristies.
Au contraire, on ordonne des pour-
suites : tout le monde apprend la mani-
festation de l'Univers. Les délinquants
obtiennent la publicité qu'ils cher-
chaient : beau résultat !
Et maintenant, on fera condamner
l'Univers. J'admets qu'il ait cinq cents
francs à payer. En serons-nous plus
avancés? Qu'est-ce que cela nous fait
les cinq cents francs de l'Univers ? Nous
n'en avons pas besoin pour remplir les
caisses de l'Etat et nous donnons le
droit aux gens qui noircissent cette
feuille de se dire persécutés.
C'est, comme disait unsceptique, bien
du bruit pour une omelette. En vérité,
les articles d'un journal réactionnaire
ne valent pas cela. Les événements
l'ont bien prouvé. Quel mal nous ont
fait les articles des journaux cléricaux,
bonapartistes, légitimistes, orléanistes?
Quel mal nous font-ils encore ? Quel
tort l'Univers, la Gazette de France, le
Paris-Journal, le Français, etc., etc.,
ont-ils jamais fait à la République ?
Ces organes sont innocents. Plus ils
nous attaquent, plus ils nous font de
bien. Leurs ruses sont. connues; leurs
prophéties font rire. Leurs espérances
même nous rassurent. Ce sont eux qui
nous renseignent sur le délabrement
de leur parti.
Supposez qu'ils disparaissent tués
par les amendes. (Une amende de cinq
cents francs peut les mettre en dan-
ger.) Ce serait un grand malheur pour
nous. Il nous deviendrait impossible
de savoir ce que pensent leurs hom-
mes d'Etat, ce qu'ils comptent entre-
prendre, ce qu'ils regrettent; impossi-
ble aussi de montrer au public, par des
extraits d'articles ou par des polémi-
ques, jusqu'où va la folie des partisans
'/r
de l'aiitel et du trône; impossible d'en-
trotenir chez les républicains l'horreur
nécessaire de la monarchie et du cléri-
calisme.
Comment avons-nous fait la Répu-
blique ? Bien moins peut-être en la dé-
fendant qu'en citant les articles et les
discours de ses ennemis. C'est l'Uni-
vers qui nous a appris à détester le
cléricalisme ; c'est r Union qui nous a
enseigné à détester la royauté. C'est
Y Union, Y Univers, la Gazette de France,
etc., etc., qui nous démontrent l'excel-
lence d'un gouvernement démocrati-
que. Ne poursuivons pas ces journaux-
là ; ce serait montrer de l'ingratitude.
Mais on dit : il y a la loi ! En Angle-
terre, il y a des lois sur la presse qui
sont draconiennes. Elles vont jusqu'à
:édicler la peine de mort pour certains
délits de plume. Jamais cependant le
gouvernement anglais n'a fait pendre
de journalistes. Les lois dorment, et
ni M. Disraeli, ni M. Gladstone, ni au-
cun ministre n'a jamais songé à les ré-
veiller. Imitons un peu l'Angleterre.
ÉDOUARD LOCKROY.
——— * r—
DEUX VOTES
Il y a dix ans, l'Assemblée de Bor-
deaux, à l'unanimité moins six voix,
déclarait Napoléon III «responsnble de
la ruine et du démembrement de'la
France » ; ■
La; sentence solennelle rendue, çjij
1870, par les représentants du peuple'
français vient d'être confirmée, en,
1880, par les représentants du peuple
anglais. La motion adoptée par la
Chambre des communes, à la suite
d'une discussion assez vive et malgré
l'avis du gouvernement, est un blâme
contre l'érection projetée dans West-
minster d'une statue en mémoire du
fils de Napoléon III. Cette manifesta-
tion serait, dit le texte de la motion,
« en contradiction avec les sentiments'
du peuple anglais ».
Ces sentiments, la Chambre des
communes ne pouvait les ignorer après
la polémique soulevée dans la presse,
et après le meeting tenu la veille, dans
Saint-Jame's Hall, pour soutenir la
motion de M. Briggs. Voici le texte de
la résolution adoptée par cette assem-
blée populaire.
« Le meeting est d'avis : que rien ne
justifie l'érection du monument pro-
jeté dans un lieu réservé aux morts
illustres de l'Angleterre; que, d'ail-
leurs, le prince Napoléon ne figurait
pas régulièrement parmi les combat-
tants; que l'on pourrait voir dans cet
honneur rendu à sa mémoire la recon-
naissance de droits dynastiques; que
cette objection est d'antant^plus forte
qu'il est prouvé surabondamment qu'en
allant au Zululand le pripee cherchait
à s'acquérir quelque .gloire militaire,
afin de la faire servir à ses entreprises
ultérieures contre le gouvernement li-
brement choisi par un peuple ami de
l'Angleterre. »
C'est là la pensée officielle du mee-
ting. Mais les orateurs qui ont soutenu
la motion et qui l'ont fait adopter, se
sont expr imés un peu plus librement.
« Celui qu'on veut honorer à West-
'>ti
minster, a dit M. W» Lawson, repré-
sentant de Carlyle, était le fils d'un des
plus grands criminels qui aient jamais
existé en Europe. Il est allé s'exer-
cer chez les Zoulous, afin de mettre à
profit son expérience chez ses conci-
toyens. Il est parti pour préparer la
guerre civile. »
Après avoir ajouté que la France
avait droit, de la part de l'Angleterre,
à de meilleurs procédés, et avoir fait
allusion à la résistance admirable de
notre pays contre la bande de prêtres
et de princes conduite par le duc de
Broglie, l'orateur a terminé ainsi :
« Vous vous réjouissez tous, j'en suis
sûr, du peu de chance qui reste pour
une restauration de cette famille de
bandits corses, dont le règne a été si
fatal à la liberté de la France et à la
paix de l'Europe. »
Ce discours, suivi d'allocutions élo-
quentes; et conçues dans le même es-
prit, de M. D. Gaile, du professeur
Beesley, de M. Thomas Patterson et
autres, a servi de préliminaire au vote
de la Chambre des communes, rendu à
la majorité de 171 voix contre 116.
Au cours du débat, on a affirmé deux
choses: d'abord, que le doyen de West-
minster ne demandait pas mieux que
d'avoir la main forcée et de ren oncer à
son projet; ensuite, que la reine elle-
même avait donné son approbation
« après beaucoup d'hésitation et à con-
tre-cœur ». S'il en est ainsi, ce ne se-
rait pas seulement la Chambre des
communes qui renierait Napoléon III et
les siens ; mais le sentiment de la na-
tion anglaise nous suffit amplement, et
ce sentiment n'est pas douteux.
Il y a cependant en Europe, nous
Mevdiis le reconnaître, au moins une
Assemblée politique où la mémoire de
Napoléon III n'a pas de condamnation
à redouter. En regard du vote de Bor-
deaux, èonfirmé par le vote de West-
minster, on pourrait aisément obtenir
de l'Assemblée en question le vote una-
nime de la motion suivante : — Napo-
léon III et sa dynastie ont bien mérité
de la patrie. allemande.
A GimiEB
r-r »-i —ihfcî —^ii mu-
COULISSES DES CHAMBRES
On vient de liquider les dépenses qu a
occasionnées au ministère de la guerre la
fête de la distribution des drapeaux. Ces
dépenses s'élèvent en totalité à la somme
de 550,000 fr., et sont ainsi réparties :
1° Allocations attribuées pendant leur
séjour à Paris aux officiers et soldats com-
posant les députations venues des dépar-
tements pour assister à la distribution des
drapeaux, 320,000
2° Construction sur le terrain
de courses de Longchamps de
tribunes supplémentaires pour
les grands corps de l'Etat et les
délégations diverses, 220,000
3° Distribution de rations de
vin à la gendarmerie et aux
troupes qui ont assisté à la revue
du i4 juillet à Paris, 10,000
Total : 550,000
Les Chambres ont voté avant leur sépa-
ration un crédit supplémentaire qui per-
mettra de couvrir totalement cette dé-
pense.
—o—
Le 1er octobre prochain doit se réunir,
à Paris, un congrès postal international,
, ~-~
sous la présidence de M. Cochery, minis
tre des postes et des télégraphes.
Ce congrès doit achever de régler cer.
taines questions que le congrès analogue
tenu en avril 1878, à Paris, avait laissée
en suspens. J
Toutes les puissances qui ont adhéré ï
l'union postale universelle ont désigné de|
délégués pour les représenter à ce com'
grès. : -
Nous avons signalé, depuis deux joùrs,
les principaux personnages réactionnairef
soumis au renouvellement du 1er aoû(
prochain comme membres sortants de~
conseils généraux. Il en est un que nouî
avons omis et que nous devons faire con"
naître aujourd'hui, à raison de la plaisanta
aventure qui lui arrive : c'est M. Numa,
Baragnon, l'ancien sous-secrétaire d'Etal
de la justice sous l'ordre moral, aujour-
d'hui sénateur inamovible.
M. Baragnon est conseiller général sôi^
tant du Gard pour le canton de Ville~
neuve-lès-Avignon. Elu en 1874 conseiller
de ce canton, par suite de manœuvres of•[
ficielles flagrantes, il ne peut plus se re')
présenter le 1er août prochain devant leï
électeurs, la grande majorité étant aujour<
d'hui acquise à la cause de la République;
Disons en passant que c'est M. Bosc, dé-
puté républicain du Gard, qui est candidat
dans ce canton et qui sera certainement
élu. .:,: :;,-;,"
M. Numa Baragnon, voué à un échec
certain et désireux en même temps da
rester conseiller général, a songé à si
présenter dans un canton où ses amis po-
litiques fussent en majorité. Mais c'est là"
que l'aventure devient piquante.
M. Baragnon a jeté son dévolu sur le K
canton de Nîmes qui est malheureusement'
acquis pour l'heure actuelle aux légitii
mis tes et qui est compris dans la séria
sortante. Les légitimistes ont refusé d'ap-
puyer M. Baragnon; ils ont cherché un
candidat « royaliste et catholique » qui
s'appelle M. le comte de Bernis, trouvantl
que M. Baragnon n'était — qui l'eût cru
— ni suffisamment catholique," ni suffi?
samment royaliste. De sorte que M. Ba^j
ragnon, qui avait autrefois la prétention'
de fazre marcher la France, ne peutmêmW
pas faire marcher ses propres amis politiS
ques. On assure que néanmoins il main
tient sa candidature en compétition avçç
celle de M. de Bernis.
——————— ————-——,
M. GAMBETTA A BELLE VILLE
Belleville était hier en fête. Près de 400
orphéons ou musiques d'harmonie de Pà*
ris et des départements avaient répondu à*
l'appel du comité et venaient prendre part1
au concours qui devait terminer la fête du
14 juillet, dans le 208 arrondissement. ;
A six heures du matin, une salve de 2t
coups de canon annonçait l'ouverture de
la fête. Bientôt après, 6,000 chanteurs oq
musiciens prenaient sur les boulevards 6X7!
térieurs la place qui leur était assignée et
défilaient, chantant et jouapt la Marseil-
laise. ;
Une douzaine de salles avaient été mises
à la disposition du comité. Le concoursl
se divisait en deux parties : concours de
lecture à vue et concours d'exécution.1
Les jurys, èomposés d'un grand nombre de
notabilités musicales, étaient présidés par,
M. Camille de Vos. Les jurés s'étaient par-!
tagé les diverses salles, et les prix ont étJ
décernés après une réunion générale.
Vers quatre heures, une foule immenftf
et qu'on peut évaluer à une trentaine de]
mille personnes se dirigeait vers la maiR6
du 20° arrondissemeat. :,
Une immense tente avait été dressée*
devant la mairie. Elle était oriîçe de fais-!
ceaux de drapeaux et d'un superbe bustel
de la République. Des fauteuils en veloursl
rouge avaient été disposés sur l'estrade'
pour les principaux invités ; le reste avafri
pris place sur des banquettes et dëV
chaises. - V'
Les orphéons et les musiques sOnt veJ
nues nécessairement se ranger au pièjd de
l'estrade ; une barrière placée à une trenf
Feuiïîèton du RAPPEL
DU 20 JUILLET
„_ '-'<"——————— ——————
22
LES AMOURS •
D'UN INTERNE
r 3 ,V •
IV :
Consultation 1
(Suite)
M. Aurès, un des témoins de Barral
lans son duel, avait, un moment, voulu
ienir en aide à la veuve de son ami, puis
Il s'était éloigné, comme les anciens com.
pagnons de Pierre, trouvant peut-être
qu'il y a comme de la contagion dans le
malheur. Au reste, pas plus que l'adver-
saire de BarraI, mort d'une chute de che-
val, au bois de Boulogne, M. Aurès ne
survécut longtemps à son ancien arrg.
Acir le Raprel du 29 juin au (9 juillet,
JQanne était déjà une femme — dix-
huit ans— lorsque, il y avait deux ans,
la sdeur de Mme Barrai était morte.
Jeune, jolie, faite pour aimer et pour
être aimée avec des effusions refoulées,
des rêves qu'il lui fallait chasser à mesure
qu'ils passaient devant elle, la jeune fille
s'éveillait seule dans une mansarde de la
rue Saint-Louis-en-l'Ile, face à face avec
cette femme secouée, de temps à autre,
par quelque terrible crise et qui la re-
gardait de ses yeux fixes, du fond d'un
fauteuil où elle se tenait d'ordinaire im-
mobile et songeant.
Elle ne sentit jamais en elle ni un
sentiment de révolte, ni une velléité de
colère; elle restait aux côtés de cette
mère pauvre et démente, tout naturelle-
ment, comme on demeure au poste où
vous a placé la vie. Elle travaillait pour
la folle, qui ne pouvait se nourrir, com-
me la mère eût travaillé pour elle, quand
elle était petite. Elle eût voulu seulement
reprendre à la maladie cette intelligence
et cette bonté qui parfois se changeaient
en fureur et menaçaient de mort cette
enfant elle-même assise là et se faisant à
la fois garde-malade et nourricière. Les
consolations de Jeanne étaient d'emmener
Mme Barrai en promenade, loin de la
foule, dans les rues désertes des environs
de l'Arsenal ou vers les coins solitaires
du Jardin des Plantes. Jeanne brodait si-
lencieusement et, un peu calmée, Her-
mance souriait en prenant le frais.
Dins l'été, de 4â7(L la malade que la
chaleur énervait d'habitude et jetait dans
ses accès, se sentait mieux, par extraor-
naire. Jeanne était heureuse. Elle espé-
rait. Des leçons, données en assez grande
quantité, lui permettaient de faire des
économies. Qui sait? Il y avait peut-être
des joies encore pour ces deux femmes,
après tant d'épreuves. Les journées sinis-
tres de la fin de cette année, la crise qui
secoua Paris au débutde l'an qui suivit,
rejetèrent la pauvre femme à son effroya-
ble névrose exacerbée par les souffrances
du siège, les terreurs de la Commune.
Comme cause initiale à bien des maladies
mentales, à l'état convulsionnaire de tant
de pauvres filles jetées à l'hôpital, la
science touche presque toujours du doigt
cette chose navrante : la guerre civile.
On ne tue pas seulement des corps, mais
des esprits, et la pensée a ses cadavres,
cadavres ambulants.
Mme Barrai sortit décidément perdue
de ces mois tragiques. Son mal avait tri-
plé en violence, en fréquence. Elle se le-
vait la nuit, appelait, criait, montrait le
poing à ce bourreau qui l'avait faite veuve
et poursuivit, une fois, ce fantôme dans
l'escalier, un couteau à la main. Les voi-
sins s'effrayèrent ; Jeanne fit monter sa
mère dans un fiacre et, étouffant ses lar-
mes, la conduisit dans la maison d'un
aliéniste, dans la banlieue de Paris. On y
soigna la malheureuse. Elle s'y sentait à
h fois matériellement Bien traitée, — elle
ne manquait de rien) — et moralement
|n £ ulj-ée, coin rue si la nromiscuité des
folles eût été un soufflet pour elle, une
flétrissure. 1
— G'est encore lui qui me poursuit, di-
sait-elle, lui, le misérable lâche !
Lui, c'était le meurtrier de Pierre
Barrai. If - -- -.-,-n ,. i
La pension d'ailleurs, en cette mai-
son, Coûtait cher. Toutes les économies-
de Jeanne s'en allaient comme de l'eau.
La pauvre enfant passait des nuits à tra-
vailler, allait, dans les magasins de con-
fection, quémander de l'ouvrage, côte à
côte avec les ouvrières qui la regardaient
avec colère, se demandant comment une
fille presque bien mise venait disputer,
voler le pain de plus besoigneuiès..
Jeanne ramassait partout l'argent qui
était, pour elle, comme de la santé mon-
nayée, de la vie pour l'insensée. Elle cou-
rait le cachet, dans Paris, enseignant ce
qu'elle s'était appris elle-même, passant ses
examens à l'Hôtel de Ville, diplômée, c'est-
à-dire capable d'être dédaigneusement
traitée, comme une mercenaire, par ceux
qui lui demandaient des leçons d'anglais ou
de piano et qui, la voyant arriver grelot-
tante en hiver, rouge et congestionnée en
été, ne lui oïfraient pas toujours de se
chauffer les pieds à la cheminée, les jours
de décembre, ou de prendre un verre
d'eau les jours de juillet. v?:y
Qu'importait à Jeanne i Cette vie de
misère, au lieu de l'anémier et de l'abat-
tre, l'avait faite robuste, et toute® les
tristesses de son existence semblaVnt
s'effacer devant l'espèce d'amere ioje .-j
son devoir. Elle n'avait qu'une terreur :
ne pouvoir suffire au paiement de cette
.pension. Le travail acharné d'un homme
n'y eût point suffi.
Et maintenant les économies étaient
dévorées. Jeanne songeait à ces sinistres
fins de mois qui allaient venir, échéances
affreuses. Comment y faire face? La jour-
née et la nuit n'ont qu'un nombre d'heures
voulues. Maintenant, la jeune fille se
tuait, penchée sur sa couture, et, en
dépit de sa jeunesse, elle se sentait fai-
blir, non devant sa responsabilité, mais
sous le fardeau d3 sa tâche.
Le docteur qui soignait Mme Barrai de-
vina. Il eût pu proposer à cet enfant l'au-
mône des dettes futures, mais il sentait en
elle trop de fierté. Et puis, vraiment, l'é-
tat de la malade s'était amélioré. I.1à,%,i'y
avait plus à craindre pour les voisins.
Hermance pouvait reprendre sans danger
ce tête-à-tête éternel et touchant avec sa
fille.
— La maladie, 'déclarait le médecin
à Jeanne, est d'ailleurs bien moins une
folie constatée qu'une sorte d'hystéro-
épilepsie. Et au cas où les arcôs repa-
raîtraient, je vous couseillerais de con-
duire votre malade soi* à M. Charcot, qui
est un maître érpiAiept hors de pair en
ces matières, soit à M. L'un et
l'autre ont un service à la Salpètrière.
Ce lugubre nom, la Salpètrière, sonnait
pour la première fois, pareil à un glas,
aux oreilles de Jeanne. Il évoquait sou-
dainement la wslon d'un lieu de sitonlir
ces, avec des apparitions dantesques de
visages égarés, des cris sinistres et des
grimaces de folles. La Salpètrière 1 le Éi-
cêtre des femmes! Ahl vraiment, non, 0»
n'en était pas làt ;, -
Et Jeanne se sentait comme ivre de joie
à cette idée de pouvoir vivre encore côte
à côte avec sa mère, comme par le passée
dans la même chambre, de pouvoir Ii
veiller la nuit, la soigner, prévenir ses dé.
sirs, se pencher, durant le sommeil de la;
pauvre, sur ses cheveux gris, en rétenâiit
son souffle, commela mère sur là joue dl
l'enfant.
Il lui avait semblé que, dans l'é^bp'3®*]
ment d'aliénés dont la lourde port s'était
un jour refermée sur RermadW, sa mèri
était perdue pour elle. ensevelie, comme
morte, et maintenait c'était une sorte dej
, ,.>. ,of' ",
renaissance, une insurrection. On la lui
rendait. Eljo l'étouffait de ses baisers.
- AJj/ si tu savais ce que j'ai souffert)
là-J?as,'rfïa chère peîite, disaU Mme Bar-
raii Ils ne me saluaient pas. Ils me di-
saient que j'étais folle. Si j'avais pûv j'au|
rais mangé les barreaux de la , cç^ur
mes dents pour me sfluver et venir t'èmv
brasser l
* JULES CLARETIE.'
JULES GLARETIE.
& sWreJ
ADMINISTRATION -,
18, IUIE DE VALOIS, 18* r
AB ORNEMENTS
PAMS
Trois mois. 10 »
Six mois 20 »
DÉP%Rltlows
Trois mois. 435^
Six mois 2X
-1" 1
A&esser lettres et maifôàîs'
A M. ERNEST LEÏEVTO
1, --
- 1 - y..}.
LE TF| U A PDF T
RAPPEL
REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
: De 4 à 6 heures du soir
/",' 18, RUE J_OY8, 18
Les manuscrits non insérés ne seront
ANNONCES
"h. Ch. LAGRANGE, CERF et ce
6, place de la Bourse, 6 ,
LA REACTION ET LARME
Ils sont passés les temps où, comme
jLouis XIV avait dit : L'Etat, c'est moi !
les réactionnaires disaient : L'armée,
c'est nous! Ils sont passés les temps
où le mot le plus fréquent dont les
réactionnaires injuriaient les républi-
cains était : On insulte l'armée ! L'ar-
mée, voici comment les réactionnaires
ne l'insultent pas.
L'Univers reproduit un certain nom-
bre d'articles de journaux réactionnai-
res de province racontant la fête du 14
dans leurs villes respectives. J'extrais
de ces articles les passages suivants :
Tours : —«Une chose a péniblement
impressionné les honnêtes gens ; c'est
la détestable conduite d'un certain
nombre de soldats. Nous avons vu une
bande de chasseurs à pied parcourir
une rue en braillant la Marseillaise et
îe Ça Ù'a! et, à la retraite, des fantas-
sins bras dessus bras dessous avec de
misérables individus beuglant tous en
chœur. »
Rennes : - « A chaque instant, on
tëtait coudoyé par des bandes de mili-
taires ivres, des artilleurs surtout, le
schako de travers, quelquefois le haut de
la tunique ou du dolman déboutonné,
décrivant des zigzags et hurlant. Cette
tenue scandaleuse de soldats apparte-
nant à l'armée française. »
Clermont : — « Une bande de voyous
et d'artilleurs se précipite. »
Toulouse : — « Les pseudo-soldats
de l'intendance ont été les premiers à
donner le signal du désordre. Nous
avons été témoin d'un scandale que
nous ne voulons pas laisser passer sans
le flétrir. Une centaine de soldats ap.
partenant à la 17° compagnie des
ouvriers d'administration sont arrivés
sur la place du Capitole. Après avoir
hurlé la Marseillaise ces riz-pain-sel
se sont mis à parcourir les principaux
quartiers de la ville en soulevant de
tous côtés le mépris et le dégoùt des
honnêtes gens. Tout à coup on entend
des cris déchirants et on voit s'avancer
une douzaine de soldats à moitié ivres
traînant une femme par les cheveux.
Mme Brun s'élance courageusement au
secours de la malheureuse victime, et,
en voulant l'arracher aux violences des
soldats, reçoit elle-même un coup de
pied dans le ventre. M. Brun arrive à
son tour pour essayer de mettre fin à
cette scène révoltante. Les soldats se
précipitent sur M. Brun, et la police
arrive à temps pour L'empêcher d'être
écharpé par cette bande de bêles fu-
rieuses. »
Avignon : - « Une foule stupide et
avinée s'est portée devant l'hôtel de la
préfecture. » Le préfet « a daigné paraî-
tre à son balcon et a prononcé un bo-
niment patriotique en faveur de la
France et de la République, auquel la
foule, de plus en plus bête et inso-
Îente, a répliqué par les cris de : Vive
9, République! A bas les jésuites ! »
pomprend-on la bêtise et l'insolence
d'une foule qui fait écho à un éloge de
v -
i 4 ,
la France ! « Naturellement les soldats,
des pontonniers surtout, doini naient
parmi cette foule recrutée dans les bas-
fonds de la société ». Les soldats ne se
sont pas contentés de dominer parmi
la foule stupide et avinée et de pous-
ser ces cris montrueux de : Vive la
France ! et : Vive la République ! « Les
militaires de la garnison ont rem-
pli les bals publics et hurlé toute la
nuit la Marseillaise, en compagnie des
voyous de la ville et des radicaux du
voisinage. » Et, comme prélude à ce
« bal envahi par la voyoucratie et la
troupe », les rues ont été en proie toute
la soirée à « des bandes d'énergumè-
nes composées en grande partie d'étran-
gers et, chose pénible à dire, de sol-
dats ».
Mais c'est surtout à Nîmes que se
sont manifestés dans toute leur beauté
le respect et l'amour des réactionnai-
res pour l'arméo. Des artilleurs qui
chantaient la Marseillaise ont été inj u-
riés et assaillis; il s'en est suivi une
rixe ; des pierres ont été lancées aux
artilleurs, dont un a dù être porté, tout
sanglant, à l'hôpital. Voici les excuses
que les journaux royalistes du lieu
adressent aux soldats : « Des artilleurs
avinés, le sabre traînant, chantaient
ou plutôt hurlaient, descendaient en
ville, par groupes de vingtà trente, dans
une tenue débraillée qui rappelait les
plus mauvais jours de l'émeute. Quel-
ques personnes veulent s'interposer,
faire des remontrances. Un des artilleurs
dégaine et, brandissant son sabre, se
met à la poursuite des femmes et en-
fants. L'un de ceux qui sont poursui-
vis lance une chaise dans les jambes de
l'agresseur. Alors toute la troupe dé-
gaine, et pistolet au poing se rue sur
la boutique d'un coiffeur située au coin
de la rue de la Vierge et de la rue d'A-
quitaine et brise tout ce qui tombe sous
sa main. Une femme, traquée par ces
furieux, se réfugie dans sa maison,
dont on enfonce la porte. A cette vue,
les quelques hommes qui se trou-
vaient en ce moment dans le quar-
tier s'assemblent et une grêle de
pierres tombe sur ces forcenés. L'un
d'eux est atteint d'une pierre qui
lui fracture les os du nez. Il est
transporté à la pharmacie Giral. » Ce
n'est pas seulement rue de la Vierge
que les artilleurs s'en donnent. Ils
prennent d'assaut le cercle Saint-Roch.
« Un vieillard et trois jeunes enfants
n'ont que le temps de se sauver par les
toits au moyen d'une échelle », sans
quoi ils étaient embrochés, rôtis et
mangés, car « c'est une véritable scène
de cannibales » qui allait avoir lieu.
L'autorité, prévenue, envoie quatre
hommes et un caporal; mais savez-
vous ce que font ce caporal et ses qua-
tre hommes? « ils fraternisent avec
leurs camarades de l'artillerie. » -
Ah! les honnêtes gens ne pourront
donc plus compter sur les caporaux !
Encouragés par cette fraternisation,
les artilleurs coupent la tête à un buste
du comte de Chambord, saccagent les
meubles et, « chose triste à dire, enlè-
vent une somme de trente francs ».
Les soldats français n'étaient encore
que des cannibales, maintenant les voilà
des voleurs.
Eh bien! vol, cannibalisme, voyou-
cratie, chanter la Marseillaise un jour
de fête nationale, recevoir une chaise
dans les jambes et une grêle de pierres
sur la tete, tout cela n'est pas le vrai
crime des soldats. Leur vrai crime, ce-
lui qui autorise les journaux réaction-
naires à les traiter de bandes de bêtes
furieuses lâchées à même les villes,
celui qu'en effet les honnêtes gens ne
pourront jamais leur pardonner, c'est
celui-ci : - « A Marseille, toute une
compagnie du 58° était de piquet à
l'état-major du 15e corps d'armée ; ces
soldats avaient placé à la fenêtre du
premier étage un grand écriteau, sur
lequel on lisait : Union du péuple et de
Varmée contre toute réaction. » Le peuple
et l'armée unis, que voulez-vous que
cette pauvre réaction devienne? Tout
le monde comprendra sa fureur contre
des soldats qui ne sont pas prêts à ver-
ser à flots le sang français pour qu'elle
y pêche une couronne.
AUGUSTE VACQUERIE.
mmrnrnmgmmmm i ———w
LIBERTÉ DE LA PRESSE
Un nouvel argument en faveur de la
liberté de la presse. L'Univers publie
ces derniers jours un dessin représen-
tant la tête de Foulon portée au bout
d'une pique. Oa poursuit Y Univers.
Pourquoi cela?
Si on n'avait pas poursuivi l'Univers
personne n'aurait su qu'il avait publié
un dessin; personne n'aurait su que
Y Univers de M. Veuillot était devenu
l'Univers illustré. Le numéro coupable
serait allé se perdre dans les sacristies.
Au contraire, on ordonne des pour-
suites : tout le monde apprend la mani-
festation de l'Univers. Les délinquants
obtiennent la publicité qu'ils cher-
chaient : beau résultat !
Et maintenant, on fera condamner
l'Univers. J'admets qu'il ait cinq cents
francs à payer. En serons-nous plus
avancés? Qu'est-ce que cela nous fait
les cinq cents francs de l'Univers ? Nous
n'en avons pas besoin pour remplir les
caisses de l'Etat et nous donnons le
droit aux gens qui noircissent cette
feuille de se dire persécutés.
C'est, comme disait unsceptique, bien
du bruit pour une omelette. En vérité,
les articles d'un journal réactionnaire
ne valent pas cela. Les événements
l'ont bien prouvé. Quel mal nous ont
fait les articles des journaux cléricaux,
bonapartistes, légitimistes, orléanistes?
Quel mal nous font-ils encore ? Quel
tort l'Univers, la Gazette de France, le
Paris-Journal, le Français, etc., etc.,
ont-ils jamais fait à la République ?
Ces organes sont innocents. Plus ils
nous attaquent, plus ils nous font de
bien. Leurs ruses sont. connues; leurs
prophéties font rire. Leurs espérances
même nous rassurent. Ce sont eux qui
nous renseignent sur le délabrement
de leur parti.
Supposez qu'ils disparaissent tués
par les amendes. (Une amende de cinq
cents francs peut les mettre en dan-
ger.) Ce serait un grand malheur pour
nous. Il nous deviendrait impossible
de savoir ce que pensent leurs hom-
mes d'Etat, ce qu'ils comptent entre-
prendre, ce qu'ils regrettent; impossi-
ble aussi de montrer au public, par des
extraits d'articles ou par des polémi-
ques, jusqu'où va la folie des partisans
'/r
de l'aiitel et du trône; impossible d'en-
trotenir chez les républicains l'horreur
nécessaire de la monarchie et du cléri-
calisme.
Comment avons-nous fait la Répu-
blique ? Bien moins peut-être en la dé-
fendant qu'en citant les articles et les
discours de ses ennemis. C'est l'Uni-
vers qui nous a appris à détester le
cléricalisme ; c'est r Union qui nous a
enseigné à détester la royauté. C'est
Y Union, Y Univers, la Gazette de France,
etc., etc., qui nous démontrent l'excel-
lence d'un gouvernement démocrati-
que. Ne poursuivons pas ces journaux-
là ; ce serait montrer de l'ingratitude.
Mais on dit : il y a la loi ! En Angle-
terre, il y a des lois sur la presse qui
sont draconiennes. Elles vont jusqu'à
:édicler la peine de mort pour certains
délits de plume. Jamais cependant le
gouvernement anglais n'a fait pendre
de journalistes. Les lois dorment, et
ni M. Disraeli, ni M. Gladstone, ni au-
cun ministre n'a jamais songé à les ré-
veiller. Imitons un peu l'Angleterre.
ÉDOUARD LOCKROY.
——— * r—
DEUX VOTES
Il y a dix ans, l'Assemblée de Bor-
deaux, à l'unanimité moins six voix,
déclarait Napoléon III «responsnble de
la ruine et du démembrement de'la
France » ; ■
La; sentence solennelle rendue, çjij
1870, par les représentants du peuple'
français vient d'être confirmée, en,
1880, par les représentants du peuple
anglais. La motion adoptée par la
Chambre des communes, à la suite
d'une discussion assez vive et malgré
l'avis du gouvernement, est un blâme
contre l'érection projetée dans West-
minster d'une statue en mémoire du
fils de Napoléon III. Cette manifesta-
tion serait, dit le texte de la motion,
« en contradiction avec les sentiments'
du peuple anglais ».
Ces sentiments, la Chambre des
communes ne pouvait les ignorer après
la polémique soulevée dans la presse,
et après le meeting tenu la veille, dans
Saint-Jame's Hall, pour soutenir la
motion de M. Briggs. Voici le texte de
la résolution adoptée par cette assem-
blée populaire.
« Le meeting est d'avis : que rien ne
justifie l'érection du monument pro-
jeté dans un lieu réservé aux morts
illustres de l'Angleterre; que, d'ail-
leurs, le prince Napoléon ne figurait
pas régulièrement parmi les combat-
tants; que l'on pourrait voir dans cet
honneur rendu à sa mémoire la recon-
naissance de droits dynastiques; que
cette objection est d'antant^plus forte
qu'il est prouvé surabondamment qu'en
allant au Zululand le pripee cherchait
à s'acquérir quelque .gloire militaire,
afin de la faire servir à ses entreprises
ultérieures contre le gouvernement li-
brement choisi par un peuple ami de
l'Angleterre. »
C'est là la pensée officielle du mee-
ting. Mais les orateurs qui ont soutenu
la motion et qui l'ont fait adopter, se
sont expr imés un peu plus librement.
« Celui qu'on veut honorer à West-
'>ti
minster, a dit M. W» Lawson, repré-
sentant de Carlyle, était le fils d'un des
plus grands criminels qui aient jamais
existé en Europe. Il est allé s'exer-
cer chez les Zoulous, afin de mettre à
profit son expérience chez ses conci-
toyens. Il est parti pour préparer la
guerre civile. »
Après avoir ajouté que la France
avait droit, de la part de l'Angleterre,
à de meilleurs procédés, et avoir fait
allusion à la résistance admirable de
notre pays contre la bande de prêtres
et de princes conduite par le duc de
Broglie, l'orateur a terminé ainsi :
« Vous vous réjouissez tous, j'en suis
sûr, du peu de chance qui reste pour
une restauration de cette famille de
bandits corses, dont le règne a été si
fatal à la liberté de la France et à la
paix de l'Europe. »
Ce discours, suivi d'allocutions élo-
quentes; et conçues dans le même es-
prit, de M. D. Gaile, du professeur
Beesley, de M. Thomas Patterson et
autres, a servi de préliminaire au vote
de la Chambre des communes, rendu à
la majorité de 171 voix contre 116.
Au cours du débat, on a affirmé deux
choses: d'abord, que le doyen de West-
minster ne demandait pas mieux que
d'avoir la main forcée et de ren oncer à
son projet; ensuite, que la reine elle-
même avait donné son approbation
« après beaucoup d'hésitation et à con-
tre-cœur ». S'il en est ainsi, ce ne se-
rait pas seulement la Chambre des
communes qui renierait Napoléon III et
les siens ; mais le sentiment de la na-
tion anglaise nous suffit amplement, et
ce sentiment n'est pas douteux.
Il y a cependant en Europe, nous
Mevdiis le reconnaître, au moins une
Assemblée politique où la mémoire de
Napoléon III n'a pas de condamnation
à redouter. En regard du vote de Bor-
deaux, èonfirmé par le vote de West-
minster, on pourrait aisément obtenir
de l'Assemblée en question le vote una-
nime de la motion suivante : — Napo-
léon III et sa dynastie ont bien mérité
de la patrie. allemande.
A GimiEB
r-r »-i —ihfcî —^ii mu-
COULISSES DES CHAMBRES
On vient de liquider les dépenses qu a
occasionnées au ministère de la guerre la
fête de la distribution des drapeaux. Ces
dépenses s'élèvent en totalité à la somme
de 550,000 fr., et sont ainsi réparties :
1° Allocations attribuées pendant leur
séjour à Paris aux officiers et soldats com-
posant les députations venues des dépar-
tements pour assister à la distribution des
drapeaux, 320,000
2° Construction sur le terrain
de courses de Longchamps de
tribunes supplémentaires pour
les grands corps de l'Etat et les
délégations diverses, 220,000
3° Distribution de rations de
vin à la gendarmerie et aux
troupes qui ont assisté à la revue
du i4 juillet à Paris, 10,000
Total : 550,000
Les Chambres ont voté avant leur sépa-
ration un crédit supplémentaire qui per-
mettra de couvrir totalement cette dé-
pense.
—o—
Le 1er octobre prochain doit se réunir,
à Paris, un congrès postal international,
, ~-~
sous la présidence de M. Cochery, minis
tre des postes et des télégraphes.
Ce congrès doit achever de régler cer.
taines questions que le congrès analogue
tenu en avril 1878, à Paris, avait laissée
en suspens. J
Toutes les puissances qui ont adhéré ï
l'union postale universelle ont désigné de|
délégués pour les représenter à ce com'
grès. : -
Nous avons signalé, depuis deux joùrs,
les principaux personnages réactionnairef
soumis au renouvellement du 1er aoû(
prochain comme membres sortants de~
conseils généraux. Il en est un que nouî
avons omis et que nous devons faire con"
naître aujourd'hui, à raison de la plaisanta
aventure qui lui arrive : c'est M. Numa,
Baragnon, l'ancien sous-secrétaire d'Etal
de la justice sous l'ordre moral, aujour-
d'hui sénateur inamovible.
M. Baragnon est conseiller général sôi^
tant du Gard pour le canton de Ville~
neuve-lès-Avignon. Elu en 1874 conseiller
de ce canton, par suite de manœuvres of•[
ficielles flagrantes, il ne peut plus se re')
présenter le 1er août prochain devant leï
électeurs, la grande majorité étant aujour<
d'hui acquise à la cause de la République;
Disons en passant que c'est M. Bosc, dé-
puté républicain du Gard, qui est candidat
dans ce canton et qui sera certainement
élu. .:,: :;,-;,"
M. Numa Baragnon, voué à un échec
certain et désireux en même temps da
rester conseiller général, a songé à si
présenter dans un canton où ses amis po-
litiques fussent en majorité. Mais c'est là"
que l'aventure devient piquante.
M. Baragnon a jeté son dévolu sur le K
canton de Nîmes qui est malheureusement'
acquis pour l'heure actuelle aux légitii
mis tes et qui est compris dans la séria
sortante. Les légitimistes ont refusé d'ap-
puyer M. Baragnon; ils ont cherché un
candidat « royaliste et catholique » qui
s'appelle M. le comte de Bernis, trouvantl
que M. Baragnon n'était — qui l'eût cru
— ni suffisamment catholique," ni suffi?
samment royaliste. De sorte que M. Ba^j
ragnon, qui avait autrefois la prétention'
de fazre marcher la France, ne peutmêmW
pas faire marcher ses propres amis politiS
ques. On assure que néanmoins il main
tient sa candidature en compétition avçç
celle de M. de Bernis.
——————— ————-——,
M. GAMBETTA A BELLE VILLE
Belleville était hier en fête. Près de 400
orphéons ou musiques d'harmonie de Pà*
ris et des départements avaient répondu à*
l'appel du comité et venaient prendre part1
au concours qui devait terminer la fête du
14 juillet, dans le 208 arrondissement. ;
A six heures du matin, une salve de 2t
coups de canon annonçait l'ouverture de
la fête. Bientôt après, 6,000 chanteurs oq
musiciens prenaient sur les boulevards 6X7!
térieurs la place qui leur était assignée et
défilaient, chantant et jouapt la Marseil-
laise. ;
Une douzaine de salles avaient été mises
à la disposition du comité. Le concoursl
se divisait en deux parties : concours de
lecture à vue et concours d'exécution.1
Les jurys, èomposés d'un grand nombre de
notabilités musicales, étaient présidés par,
M. Camille de Vos. Les jurés s'étaient par-!
tagé les diverses salles, et les prix ont étJ
décernés après une réunion générale.
Vers quatre heures, une foule immenftf
et qu'on peut évaluer à une trentaine de]
mille personnes se dirigeait vers la maiR6
du 20° arrondissemeat. :,
Une immense tente avait été dressée*
devant la mairie. Elle était oriîçe de fais-!
ceaux de drapeaux et d'un superbe bustel
de la République. Des fauteuils en veloursl
rouge avaient été disposés sur l'estrade'
pour les principaux invités ; le reste avafri
pris place sur des banquettes et dëV
chaises. - V'
Les orphéons et les musiques sOnt veJ
nues nécessairement se ranger au pièjd de
l'estrade ; une barrière placée à une trenf
Feuiïîèton du RAPPEL
DU 20 JUILLET
„_ '-'<"——————— ——————
22
LES AMOURS •
D'UN INTERNE
r 3 ,V •
IV :
Consultation 1
(Suite)
M. Aurès, un des témoins de Barral
lans son duel, avait, un moment, voulu
ienir en aide à la veuve de son ami, puis
Il s'était éloigné, comme les anciens com.
pagnons de Pierre, trouvant peut-être
qu'il y a comme de la contagion dans le
malheur. Au reste, pas plus que l'adver-
saire de BarraI, mort d'une chute de che-
val, au bois de Boulogne, M. Aurès ne
survécut longtemps à son ancien arrg.
Acir le Raprel du 29 juin au (9 juillet,
JQanne était déjà une femme — dix-
huit ans— lorsque, il y avait deux ans,
la sdeur de Mme Barrai était morte.
Jeune, jolie, faite pour aimer et pour
être aimée avec des effusions refoulées,
des rêves qu'il lui fallait chasser à mesure
qu'ils passaient devant elle, la jeune fille
s'éveillait seule dans une mansarde de la
rue Saint-Louis-en-l'Ile, face à face avec
cette femme secouée, de temps à autre,
par quelque terrible crise et qui la re-
gardait de ses yeux fixes, du fond d'un
fauteuil où elle se tenait d'ordinaire im-
mobile et songeant.
Elle ne sentit jamais en elle ni un
sentiment de révolte, ni une velléité de
colère; elle restait aux côtés de cette
mère pauvre et démente, tout naturelle-
ment, comme on demeure au poste où
vous a placé la vie. Elle travaillait pour
la folle, qui ne pouvait se nourrir, com-
me la mère eût travaillé pour elle, quand
elle était petite. Elle eût voulu seulement
reprendre à la maladie cette intelligence
et cette bonté qui parfois se changeaient
en fureur et menaçaient de mort cette
enfant elle-même assise là et se faisant à
la fois garde-malade et nourricière. Les
consolations de Jeanne étaient d'emmener
Mme Barrai en promenade, loin de la
foule, dans les rues désertes des environs
de l'Arsenal ou vers les coins solitaires
du Jardin des Plantes. Jeanne brodait si-
lencieusement et, un peu calmée, Her-
mance souriait en prenant le frais.
Dins l'été, de 4â7(L la malade que la
chaleur énervait d'habitude et jetait dans
ses accès, se sentait mieux, par extraor-
naire. Jeanne était heureuse. Elle espé-
rait. Des leçons, données en assez grande
quantité, lui permettaient de faire des
économies. Qui sait? Il y avait peut-être
des joies encore pour ces deux femmes,
après tant d'épreuves. Les journées sinis-
tres de la fin de cette année, la crise qui
secoua Paris au débutde l'an qui suivit,
rejetèrent la pauvre femme à son effroya-
ble névrose exacerbée par les souffrances
du siège, les terreurs de la Commune.
Comme cause initiale à bien des maladies
mentales, à l'état convulsionnaire de tant
de pauvres filles jetées à l'hôpital, la
science touche presque toujours du doigt
cette chose navrante : la guerre civile.
On ne tue pas seulement des corps, mais
des esprits, et la pensée a ses cadavres,
cadavres ambulants.
Mme Barrai sortit décidément perdue
de ces mois tragiques. Son mal avait tri-
plé en violence, en fréquence. Elle se le-
vait la nuit, appelait, criait, montrait le
poing à ce bourreau qui l'avait faite veuve
et poursuivit, une fois, ce fantôme dans
l'escalier, un couteau à la main. Les voi-
sins s'effrayèrent ; Jeanne fit monter sa
mère dans un fiacre et, étouffant ses lar-
mes, la conduisit dans la maison d'un
aliéniste, dans la banlieue de Paris. On y
soigna la malheureuse. Elle s'y sentait à
h fois matériellement Bien traitée, — elle
ne manquait de rien) — et moralement
|n £ ulj-ée, coin rue si la nromiscuité des
folles eût été un soufflet pour elle, une
flétrissure. 1
— G'est encore lui qui me poursuit, di-
sait-elle, lui, le misérable lâche !
Lui, c'était le meurtrier de Pierre
Barrai. If - -- -.-,-n ,. i
La pension d'ailleurs, en cette mai-
son, Coûtait cher. Toutes les économies-
de Jeanne s'en allaient comme de l'eau.
La pauvre enfant passait des nuits à tra-
vailler, allait, dans les magasins de con-
fection, quémander de l'ouvrage, côte à
côte avec les ouvrières qui la regardaient
avec colère, se demandant comment une
fille presque bien mise venait disputer,
voler le pain de plus besoigneuiès..
Jeanne ramassait partout l'argent qui
était, pour elle, comme de la santé mon-
nayée, de la vie pour l'insensée. Elle cou-
rait le cachet, dans Paris, enseignant ce
qu'elle s'était appris elle-même, passant ses
examens à l'Hôtel de Ville, diplômée, c'est-
à-dire capable d'être dédaigneusement
traitée, comme une mercenaire, par ceux
qui lui demandaient des leçons d'anglais ou
de piano et qui, la voyant arriver grelot-
tante en hiver, rouge et congestionnée en
été, ne lui oïfraient pas toujours de se
chauffer les pieds à la cheminée, les jours
de décembre, ou de prendre un verre
d'eau les jours de juillet. v?:y
Qu'importait à Jeanne i Cette vie de
misère, au lieu de l'anémier et de l'abat-
tre, l'avait faite robuste, et toute® les
tristesses de son existence semblaVnt
s'effacer devant l'espèce d'amere ioje .-j
son devoir. Elle n'avait qu'une terreur :
ne pouvoir suffire au paiement de cette
.pension. Le travail acharné d'un homme
n'y eût point suffi.
Et maintenant les économies étaient
dévorées. Jeanne songeait à ces sinistres
fins de mois qui allaient venir, échéances
affreuses. Comment y faire face? La jour-
née et la nuit n'ont qu'un nombre d'heures
voulues. Maintenant, la jeune fille se
tuait, penchée sur sa couture, et, en
dépit de sa jeunesse, elle se sentait fai-
blir, non devant sa responsabilité, mais
sous le fardeau d3 sa tâche.
Le docteur qui soignait Mme Barrai de-
vina. Il eût pu proposer à cet enfant l'au-
mône des dettes futures, mais il sentait en
elle trop de fierté. Et puis, vraiment, l'é-
tat de la malade s'était amélioré. I.1à,%,i'y
avait plus à craindre pour les voisins.
Hermance pouvait reprendre sans danger
ce tête-à-tête éternel et touchant avec sa
fille.
— La maladie, 'déclarait le médecin
à Jeanne, est d'ailleurs bien moins une
folie constatée qu'une sorte d'hystéro-
épilepsie. Et au cas où les arcôs repa-
raîtraient, je vous couseillerais de con-
duire votre malade soi* à M. Charcot, qui
est un maître érpiAiept hors de pair en
ces matières, soit à M. L'un et
l'autre ont un service à la Salpètrière.
Ce lugubre nom, la Salpètrière, sonnait
pour la première fois, pareil à un glas,
aux oreilles de Jeanne. Il évoquait sou-
dainement la wslon d'un lieu de sitonlir
ces, avec des apparitions dantesques de
visages égarés, des cris sinistres et des
grimaces de folles. La Salpètrière 1 le Éi-
cêtre des femmes! Ahl vraiment, non, 0»
n'en était pas làt ;, -
Et Jeanne se sentait comme ivre de joie
à cette idée de pouvoir vivre encore côte
à côte avec sa mère, comme par le passée
dans la même chambre, de pouvoir Ii
veiller la nuit, la soigner, prévenir ses dé.
sirs, se pencher, durant le sommeil de la;
pauvre, sur ses cheveux gris, en rétenâiit
son souffle, commela mère sur là joue dl
l'enfant.
Il lui avait semblé que, dans l'é^bp'3®*]
ment d'aliénés dont la lourde port s'était
un jour refermée sur RermadW, sa mèri
était perdue pour elle. ensevelie, comme
morte, et maintenait c'était une sorte dej
, ,.>. ,of' ",
renaissance, une insurrection. On la lui
rendait. Eljo l'étouffait de ses baisers.
- AJj/ si tu savais ce que j'ai souffert)
là-J?as,'rfïa chère peîite, disaU Mme Bar-
raii Ils ne me saluaient pas. Ils me di-
saient que j'étais folle. Si j'avais pûv j'au|
rais mangé les barreaux de la , cç^ur
mes dents pour me sfluver et venir t'èmv
brasser l
* JULES CLARETIE.'
JULES GLARETIE.
& sWreJ
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